COM (2013) 173 final  du 27/03/2013

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)

Examen : 29/05/2013 (commission des affaires européennes)


Le texte COM (2013) 173 concerne l'Agence de l'Union européenne pour la coopération et la formation des services répressifs qui se substituerait à Europol et au CEPOL.

Organe intergouvernemental lors de sa création en 1999, Europol est devenue une agence financée par le budget de l'Union en 2009. Elle a pour mission de soutenir l'action des services répressifs nationaux et la coopération entre eux afin de prévenir et lutter contre les formes graves de criminalité et le terrorisme. L'Union européenne s'est également dotée en 2005 d'un Collège européen de police (CEPOL) qui dispense des cours aux agents des services répressifs nationaux sur des sujets revêtant une dimension européenne.

Constatant que les missions de ces deux agences se recoupaient, la Commission préconise aujourd'hui une fusion d'Europol et du CEPOL au sein d'une nouvelle entité, qui reprendrait l'acronyme Europol.

Ce texte répond au souhait régulièrement exprimé par la commission des affaires européennes de limiter la multiplication des agences. Il n'appelle pas de critique du point de vue de la subsidiarité.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 02/05/2013
Examen : 16/04/2014 (commission des affaires européennes)


Justice et affaires intérieures

Textes E 8265 et E 8594

Propositions de règlements relatifs à Europol et Eurojust

COM (2013) 173 final et COM (2013) 535 final

Rapport d'information de MM. André Gattolin, Dominique Bailly, Pierre Bernard-Reymond et Mme Colette Mélot

(Réunion du 16 avril 2014)

M. Simon Sutour, président. - Nous allons entendre la communication de nos collègues André Gattolin, Dominique Bailly, Pierre Bernard-Reymond et Colette Mélot, sur leur projet de rapport d'information relatif à Europol et Eurojust qui vous a été adressé.

Je rappelle que cette communication s'appuie sur le déplacement que nos quatre collègues ont effectué à La Haye, les 11 et 12 février. Ce déplacement leur a permis d'avoir un échange approfondi avec les responsables de ces deux instances qui jouent un rôle important dans la coopération policière et judiciaire en Europe. Il fait suite à un précédent déplacement que nous avions effectué en 2007 qui avait été très instructif.

Cette visite s'est déroulée à un moment important puisque la Commission européenne a présenté deux propositions de réforme d'Europol et d'Eurojust, cette dernière étant transformée en agence de l'Union européenne.

En outre, le texte de la Commission pour la création d'un Parquet européen suscite de nombreux débats. Tout en approuvant dans son principe la création d'un Parquet européen, nous avions jugé que la proposition de la Commission aboutissait à une structure beaucoup trop centralisée. Nous avions au contraire souhaité une formule collégiale, seule à même de permettre l'enracinement progressif de ce Parquet européen dans les systèmes judiciaires nationaux.

C'est pourquoi nous avions adopté un avis motivé sur le non-respect du principe de subsidiarité. Le seuil requis de Parlements nationaux ayant été atteint, la Commission a dû réexaminer son texte. Elle a décidé de le maintenir en l'état tout en indiquant qu'elle tiendrait compte des avis des parlements nationaux au cours des négociations.

J'ajoute que le contrôle parlementaire d'Europol et l'évaluation d'Eurojust par les parlements sont des enjeux importants. Pour ce qui est d'Europol on semble se diriger vers un comité mixte qui permettra d'associer les parlements nationaux au contrôle effectué par le Parlement européen, comme le prévoit le traité.

Nos collègues vont donc pouvoir nous indiquer comment ces différentes questions sont perçues par les organismes directement concernés.

André Gattolin, qui conduisait la délégation en sa qualité de membre du Bureau de notre commission, fera une présentation liminaire. Ensuite, chacun de nos trois autres collègues pourra intervenir.

À l'issue du débat, nous aurons à autoriser la publication du rapport d'information.

M. André Gattolin, rapporteur, président de la délégation. - Europol est une agence européenne de 700 personnes. Son budget est de 84,2 millions d'euros. Eurojust est une « unité de coopération judiciaire » de 350 personnes, dont 80 magistrats, et dont le budget est de l'ordre de 32 millions d'euros.

À Europol, notre délégation a été notamment reçue par M. Michel Quillé, directeur-adjoint de l'Agence, et M. Jean-Jacques Colombi, chef de la direction des relations internationales à la direction centrale de la police judiciaire et responsable du Bureau de liaison France.

Europol, créé par une Convention en 1995, est en charge de faciliter les opérations de lutte contre la criminalité au sein de l'Union européenne. Depuis l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam (2010), l'Office européen de police est une agence européenne dotée d'un budget et d'un effectif communautaire. Le Conseil des ministres « Justice et Affaires intérieures » est responsable du contrôle global et de la définition des orientations d'Europol. Il désigne le directeur et les directeurs adjoints. Le Conseil d'administration est constitué d'un représentant de chaque État membre, donc de 28 membres. Chaque État de l'Union européenne désigne une unité spéciale de police nationale chargée des relations avec Europol et délègue des officiers de liaison qui participent aux travaux d'échange d'informations et d'analyse.

Au total, environ 150 officiers de liaison des États membres et des États associés participent aux travaux de l'agence. Ce regroupement d'officiers de liaison au sein d'une structure unique représente un « concept unique au monde ». Dans chaque État membre, Europol dispose d'un correspondant unique : l'Unité nationale Europol, laquelle, pour la France, siège à Nanterre.

En juin 2013, le Conseil des ministres a identifié neuf priorités opérationnelles pour lutter contre la grande criminalité organisée : trafic de stupéfiants, traite des êtres humains, immigration clandestine, etc. Le terrorisme est évidemment une priorité permanente. S'agissant du crime environnemental, c'est depuis la publication d'un rapport en novembre 2013 qu'il est considéré par Europol comme une menace émergente contre laquelle il est urgent d'intensifier la lutte.

Notons qu'Europol n'a rien à voir avec le FBI. L'office ne dispose pas de pouvoir de coercition. Europol est, surtout, un centre d'information criminelle. Fin 2013, le Système d'Information Europol contenait 245 000 documents concernant environ 70 000 personnes.

Quelque 300 000 recherches ont été effectuées. Environ 2 000 recoupements internationaux sont intervenus sur des enquêtes en cours. Quelque 15 000 enquêtes transnationales ont bénéficié d'un soutien ou d'une action de coordination des infrastructures et des services d'Europol. 11 000 enquêtes ont été directement initiées par Europol.

Le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité d'Europol mis en place en 2013 attire l'attention des États membres sur les faiblesses des défenses de leurs installations en ligne. Il a aussi pour vocation d'apporter un soutien opérationnel aux enquêtes sur le terrain, au niveau tant de l'analyse que de la création d'équipes communes d'enquête sur la cybercriminalité.

J'en viens au contrôle parlementaire d'Europol.

Initialement, la Commission avait prévu que le contrôle des activités d'Europol par le Parlement européen s'effectuerait par l'intermédiaire d'une cellule de contrôle parlementaire. Les éléments suivants seraient présentés et débattus devant cette cellule de contrôle parlementaire :

- le rapport d'activité annuel consolidé sur les activités d'Europol ;

- les programmes de travail annuel et pluriannuel ;

- le rapport annuel du contrôleur européen de la protection des données sur les activités de contrôle d'Europol.

L'Assemblée nationale avait adopté dès 2011 une résolution européenne sur le contrôle parlementaire d'Europol.

Dans notre résolution européenne du 29 juin 2011, nous avons nous-mêmes soutenu l'idée d'une commission mixte composée de représentants du Parlement européen et des parlements nationaux, et souligné que les parlements nationaux devaient être destinataires des mêmes documents que le Parlement européen.

Le Parlement européen s'est à de nombreuses reprises exprimé sur le contrôle parlementaire d'Europol et a toujours approuvé l'idée de la création d'une commission mixte composée de représentants des parlements nationaux et du Parlement européen.

Dans sa résolution législative du 25 février 2014, il a précisé : « Le contrôle des activités d'Europol par le Parlement européen, associé aux parlements nationaux, se fait par l'intermédiaire du groupe de contrôle parlementaire conjoint, issu de la commission compétente du Parlement européen, constitué par des membres titulaires de ladite commission ainsi que par un représentant de la commission compétente du parlement national de chaque État membre et un suppléant. Les États membres dont le système parlementaire est bicaméral peuvent être représentés par un représentant de chaque chambre. »

Les parlements nationaux ont eu l'occasion de débattre sur la question à l'invitation de la commission LIBE du Parlement européen, les 14 novembre 2013 et 19 mars 2014. Un consensus semble se dégager sur le « groupe de contrôle parlementaire conjoint » préconisé par la résolution législative du Parlement européen du 25 février 2014. Devraient figurer dans le groupe conjoint deux représentants par pays afin de tenir compte des États à système bicaméral. Nous serons évidemment extrêmement vigilants sur ce point.

Afin d'améliorer, selon la Commission, la gouvernance d'Europol, la proposition de réforme complète le dispositif existant. Actuellement régie par un Conseil d'administration, sa structure se verrait ajouter un « Comité Exécutif » (« Management Board »), composé du président du Conseil d'Administration, du représentant de la Commission et de trois autres membres du Conseil d'administration élus en son sein. Le Conseil d'administration pourrait, d'autre part, adopter ses décisions à la majorité simple.

En matière de protection des données personnelles, Europol dispose, selon ses responsables, d'un des régimes les plus contraignants parmi les agences de coopération policière. C'est évidemment important dans la mesure où Europol traite par nature des données personnelles particulièrement sensibles !

Enfin, la plupart des groupes politiques du Parlement européen ont rejeté l'idée d'une fusion Europol-CEPOL, organisme qui s'occupe de la formation des personnels. Le projet de la Commission semble aujourd'hui en sérieuse difficulté.

À Eurojust, la délégation de notre commission a été notamment reçue par Mme Michèle Coninsx, présidente d'Eurojust et par Mme Sylvie Petit-Leclair, membre national responsable du bureau français d'Eurojust.

Deux projets d'actes législatifs, étroitement liés et actuellement en cours de négociation, intéressent directement Eurojust.

Eurojust a été créée par une décision du Conseil de 2002 afin de renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité. Son objet est d'encourager et d'améliorer la coordination des enquêtes et des poursuites judiciaires entre les autorités compétentes des États membres de l'Union en matière de criminalité organisée transfrontalière. Des règlements adoptés selon la procédure législative ordinaire déterminent la structure, le fonctionnement, le domaine d'action et les tâches d'Eurojust. Ces tâches peuvent comprendre :

- le déclenchement d'enquêtes pénales ainsi que la proposition de déclenchement de poursuites conduites par les autorités nationales compétentes, en particulier celles relatives à des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union ;

- la coordination des enquêtes et poursuites ;

- le renforcement de la coopération judiciaire, y compris par la résolution de conflits de compétences et par une coopération étroite avec le Réseau judiciaire européen.

Eurojust est une Unité de coopération dirigée par un collège composé de 28 magistrats, soit un magistrat par État membre, qui sont en majorité des procureurs.

Elle a pour mission de coordonner la coopération judiciaire européenne entre les 28 États membres et intervient soit par l'intermédiaire des membres nationaux, soit sous sa formation de collège.

Notre rapport écrit détaillera les différentes formes d'intervention d'Eurojust. Au total, 350 personnes, dont 80 magistrats, travaillent au sein de l'Unité de coopération. Les réunions de coordination organisées par Eurojust portent essentiellement sur le trafic de stupéfiants, la lutte contre la traite des êtres humains, contre l'immigration irrégulière, la fraude, le blanchiment d'argent et le terrorisme. 1 576 affaires ont été traitées par Eurojust en 2013.

Le bureau français d'Eurojust est composé de 4 magistrats. Il joue un rôle de sensibilisation des magistrats nationaux à l'enjeu de la coopération européenne. Sans entrer dans les détails, cela a pu jouer dans l'enquête sur la récente affaire de Chevaline ou à l'occasion de vols à main armée dans des bijouteries à Paris et à Strasbourg. Selon les cas, le bureau français a alerté les magistrats français enquêtant sur ces affaires ou a été saisi afin que des dossiers puissent être ouverts dans d'autres États membres, comme le Royaume-Uni, après son intervention auprès de leurs propres autorités judiciaires.

Eurojust joue ainsi un rôle de « tour de contrôle » dans ce type d'affaires criminelles. Les équipes communes d'enquête peuvent être un instrument très utile. 118 équipes d'entre elles, concernant principalement la traite des êtres humains et le trafic de stupéfiants, ont été constituées en 2013, dont 30 ont été financées par Eurojust.

L'article 13 de la décision institutive d'Eurojust a été transposé en droit national par la loi du 5 août 2013. Le Code de procédure pénale prévoit l'information du membre national d'Eurojust par les procureurs. Paradoxalement, depuis l'entrée en vigueur de la loi, le nombre d'informations transmises à Eurojust a diminué. Auparavant, les procureurs se fondaient sur une circulaire qui prévoyait la transmission d'informations nombreuses à Eurojust. Or, depuis la loi, sur 36 Cours d'appel, une seule a transmis des informations à Eurojust ! Il y a une vraie réticence de la part du monde judiciaire.

M. Jean Bizet. - C'est un euphémisme !

M. André Gattolin. - Il est donc indispensable que les magistrats s'impliquent dans la transmission d'informations à Eurojust. Notre commission devrait s'attacher à y veiller.

La loi du 5 août 2013 a donné au membre national d'Eurojust la faculté de demander aux procureurs généraux d'ouvrir une enquête pénale. Jusqu'à présent, les demandes d'Eurojust ont été bien accueillies par des procureurs généraux.

Cette faculté de demander l'ouverture d'une enquête existe aussi dans les autres États membres, elle peut avoir un grand intérêt par exemple dans des affaires de mariages blancs impliquant plusieurs États membres.

Il y a malheureusement des cas où, en dépit d'informations fiables et concordantes, on constate une inertie des États membres pour l'ouverture d'enquêtes pénales. En permettant à Eurojust de déclencher directement de telles enquêtes, l'article 85 du traité a renforcé de façon incontestable l'efficacité de la procédure.

J'en viens maintenant à la réforme d'Eurojust et au projet de création d'un Parquet européen.

Le texte de la Commission européenne prévoit que le futur Parquet européen serait dirigé par un procureur européen qui serait assisté par des adjoints et par des procureurs délégués dans les États membres.

Au mois d'octobre 2013, on s'en souvient, les parlements nationaux ont, par le biais de leur avis motivé, adressé un « carton jaune » à la proposition relative au Parquet européen en estimant que celle-ci violait le principe de subsidiarité (14 chambres des 11 parlements nationaux - représentant 19 voix sur 54, soit plus d'un tiers - se sont opposées à la création du Parquet européen). La Commission européenne a néanmoins décidé de ne pas retirer ladite proposition. L'article 86 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui sert de base juridique au règlement portant création du Parquet européen, prévoit une procédure législative spéciale, dans le cadre de laquelle le consentement du Parlement européen n'intervient qu'au terme des négociations au sein du Conseil. Le Parlement européen a toutefois décidé de rédiger un rapport « intérimaire » comprenant des propositions de modification de la proposition initiale. Ces travaux ont débouché sur une résolution du Parlement européen en date du 12 mars 2014.

Compte tenu de l'opposition résolue de certains États tels que le Royaume-Uni, l'Irlande, le Danemark ou la Suède, l'idée de créer le Parquet européen dans le cadre d'une coopération renforcée est aujourd'hui sérieusement envisagée.

On se rappelle que dès janvier 2013 (l'idée de création d'un Parquet européen ne relevait encore que de « communications » de la Commission), nous avions adopté une première résolution européenne appelant de nos voeux un Parquet européen éventuellement dans le cadre d'une coopération renforcée, une structure collégiale dans laquelle le collège désignerait en son sein un président, le cas échéant avec une rotation par pays, et s'appuyant sur des délégués nationaux dans chaque État membre, enfin l'extension des pouvoirs d'Eurojust.

Dans notre avis motivé du 28 octobre 2013 au titre du contrôle de la subsidiarité, nous avions jugé que la formule retenue par la Commission était trop intégrée, peu praticable, et constituait un choix trop centralisateur et directif.

Le second texte présenté par la Commission prévoit de transformer Eurojust en agence européenne.

S'agissant de la « réforme administrative » d'Eurojust, les responsables jugent essentiel de prévenir toute immixtion extérieure dans le travail des magistrats.

J'évoquerai enfin la protection des données à Eurojust.

La proposition de règlement maintient un régime spécifique de protection des données d'Eurojust.

Les responsables d'Eurojust estiment que si le droit d'accès aux documents administratifs est logique, il convient d'être attentif aux pièces de procédure qui ne peuvent être assimilées à des documents de service.

De ses entretiens avec les principaux responsables d'Europol et d'Eurojust, la délégation de votre commission a tiré trois conclusions.

- On assiste, à l'évidence, à une montée en puissance des deux organismes. Europol est vraiment devenu un « méga-moteur de recherches » en matière de grande criminalité organisée et transfrontière. Eurojust est une indispensable structure de coordination et de coopération entre les autorités judiciaires des États membres, dont l'activité progresse d'année en année. Il faut souligner que si la charge de travail s'accroît, tant à Europol qu'à Eurojust, c'est à périmètre budgétaire constant, ce qui n'est pas sans susciter des inquiétudes quant à la pérennité des interventions. À cet égard, on peut se demander si tout ou partie des « plus-values » générées par l'amélioration des dispositifs antifraudes aux intérêts financiers de l'Union (avec notamment la création du Parquet européen) ne pourrait pas être utilement affecté au financement d'Europol et Eurojust.

- La France exerce manifestement une influence qui tient compte de son rang sur l'organisation et le fonctionnement des deux entités.

Nous l'avons constaté au niveau de l'encadrement d'Europol. À Eurojust, le bureau français est le plus actif des bureaux nationaux.

- Europol et Eurojust demeurent fragiles parce que tributaires de la « bonne volonté » des États membres et de leurs autorités judiciaires ou policières. C'est eux qui « alimentent la machine ». En France, depuis 2013, une seule Cour d'appel (sur 36 !) s'acquitte de son obligation d'information à l'égard d'Eurojust.

Les voies et moyens d'une réelle autonomie à l'égard des États membres restent à explorer, comme d'ailleurs, plus généralement, la progression de l'intégration européenne dans des champs d'intervention aussi « sensibles » pour les États nationaux et dans lesquels tout progrès ne peut s'accomplir que dans la confiance mutuelle.

Mme Colette Mélot, rapporteur. - Les responsables d'Europol et d'Eurojust m'ont laissé le souvenir d'un grand professionnalisme et d'une intense activité. Les enquêtes policières couvrent désormais un champ qui dépasse les frontières nationales notamment en matière de traite des êtres humains ou de terrorisme. Des entités telles qu'Europol ou Eurojust ne peuvent que prendre de l'importance.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. - Le compte rendu qui vient de nous être présenté est très représentatif de ce que nous avons vu et entendu à Europol et Eurojust. Je ferai cependant quelques observations.

S'agissant d'Europol, j'aurais souhaité que nous puissions disposer d'un bilan statistique d'activité un peu plus précis. Il manquait peut-être dans les réponses de nos interlocuteurs la description précise d'une affaire où Europol aurait joué un rôle déterminant. Je regrette qu'Europol soit aussi peu connu par les citoyens européens. Il manque, à l'évidence, dans cette agence, une cellule de communication qui pourrait, par exemple, promouvoir des émissions de télévision destinées au grand public.

S'agissant d'Eurojust, il nous a été indiqué que l'Office de lutte antifraude (Olaf) faisait plutôt de la rétention d'information à son égard : sur 718 affaires traitées par l'Olaf en 2013, seules 6 auraient fait l'objet d'une communication d'informations à Eurojust.

J'ai enfin noté qu'il existait entre Europol et Eurojust un véritable désir de rapprochement sur lequel nous pourrions réfléchir.

M. Dominique Bailly, rapporteur. - Notre déplacement fut une expérience très intéressante. Nos interlocuteurs étaient à l'évidence des gens passionnés par leur métier. Aussi bien à Europol qu'à Eurojust, les représentants de la France sont incontestablement des « maillons forts ». Toutefois, je me demande si les outils que constituent Europol et Eurojust ne sont pas sous-utilisés par les services policiers ou judiciaires notamment en France. J'ai eu un peu l'impression que ces organismes étaient souvent « l'arme au pied ». À cause des restrictions budgétaires, on comprend que les deux entités peinent à accompagner une délinquance qui s'accroît sans cesse dans sa dimension internationale en utilisant à plein les innovations technologiques.

M. Simon Sutour, président. - Je pense que le compte rendu de ce déplacement pourrait utilement faire l'objet d'une communication devant la commission des lois, laquelle pourrait elle-même se rendre, elle aussi, à Europol et à Eurojust.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je constate que les dossiers traités par les organismes tels qu'Europol et Eurojust intéressent aussi la commission des affaires étrangères. J'ai le sentiment qu'en matière policière, trop souvent, il n'existe pas de réelle coopération. Chacun travaille chez soi. Sans la collaboration de tous les États, un organisme tel qu'Europol ne pourra pas être véritablement efficace.

M. Jean Bizet. - N'oublions pas que la sécurité constitue, après le chômage, la deuxième priorité des citoyens français et pourtant, s'ils connaissent l'espace « Schengen », nos compatriotes, ou en tout cas la plupart d'entre eux, ignorent l'existence d'Europol ou d'Eurojust. Malgré les progrès enregistrés par les deux agences depuis nos premières visites, il existe manifestement un déficit de communication auquel il conviendrait de remédier.

Mlle Sophie Joissains. - Sur le Parquet européen, le compte rendu de M. André Gattolin a bien « synthétisé » l'état actuel du dossier. Je souhaiterais que nous réfléchissions à la situation de l'Olaf par rapport à la réforme du parquet européen. Cet office n'avait-il pas l'ambition d'être la « racine » de ce parquet européen ?

M. Simon Sutour, président. - Il y a quelques jours, je représentais le président du Sénat, à Vilnius, à la Conférence des présidents des parlements de l'Union européenne. Il y a eu un débat sur le contrôle de la subsidiarité. La question du « carton jaune » a notamment été évoquée. On a relevé par exemple qu'à l'issue du premier « carton jaune » - il s'agissait du droit de grève des travailleurs européens détachés -, la Commission a retiré son texte tout en précisant que ce retrait n'était pas dû à l'intervention des parlements nationaux. Sur le Parquet européen, la Commission, en dépit du « carton jaune », a maintenu son texte.

Nous devons aller plus loin. Il faut aussi absolument que nous continuions à réfléchir sur ce « carton vert » qui consacrerait un réel droit d'initiative des parlements nationaux.

Mme Fabienne Keller. - Quel type de coopération existe entre les institutions de l'espace Schengen, Europol et Eurojust ? je m'interroge sur l'efficacité de l'action d'organismes tels qu'Europol et Eurojust pour lutter contre le proxénétisme transfrontière. Il est bien connu, par exemple, que les réseaux de proxénètes se déplacent et franchissent les frontières quand les dossiers qui les concernent sont « mûrs ».

Mme Bernadette Bourzai. - Je souhaiterais que l'on m'indique la différence entre Europol et Interpol en termes de statut ou de champ d'intervention.

M. André Gattolin. - C'est vrai, Europol peine à fournir des statistiques précises. Il faut comprendre que dans le domaine policier, la coopération n'est pas toujours facile entre les États. L'espace « Schengen » est un exemple de coopération développée, avec d'importants pouvoirs de police, entre certains États qui ont accepté un abandon supplémentaire de souveraineté. Il dispose d'une agence européenne : Frontex. Avec Europol, on est dans des domaines qui relèvent toujours de la souveraineté nationale.

Par rapport à Europol, Eurojust est sans doute plus « communicant ». Notons toutefois qu'en matière de cybercriminalité, Europol informe régulièrement les États des failles décelées dans leurs systèmes d'informations. En matière de lutte contre les stupéfiants, Europol procède à d'intéressantes études sur les drogues de synthèse consommées dans l'espace européen, ce qui facilite le travail des services répressifs.

Mais c'est vrai, les États hésitent souvent à abandonner des éléments de leur souveraineté ce qui ne les empêche pas de souhaiter l'installation du siège d'au moins une institution européenne sur leur territoire.

Entre Europol et Eurojust, il existe un bon niveau de coordination et de coopération. Les difficultés qui peuvent survenir sont à chercher dans la nature des relations existant entre les systèmes judiciaires et les services de police dans les États nationaux.

M. Simon Sutour, président. - En réponse à la question de Mme Bernadette Bourzai, je voudrais préciser qu'Interpol est une organisation internationale de police créée en 1923. Il rassemble 190 États membres. Son secrétariat général siège à Lyon. Interpol dispose de sept bureaux régionaux dans le monde, auquel il convient d'ajouter un bureau de représentation à l'Organisation des Nations unies. Chaque État membre dispose d'un bureau national à Interpol. Interpol a pour mission :

- la coopération policière internationale,

- la formation,

- les réseaux de communication et l'échange de données.

M. André Gattolin. - Dans le domaine du proxénétisme, il faut souligner qu'Eurojust est submergé par les dossiers.

En conclusion, je dirai que la coopération européenne ne se « décrète pas » mais peut être « facilitée » : telle est la mission d'Europol et d'Eurojust.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Ce qui est sûr, c'est qu'il convient absolument d'assurer le suivi des affaires de traite d'êtres humains. Seule une forte coopération internationale pourra endiguer ce phénomène très préoccupant.

*

À l'issue du débat, la commission autorise, à l'unanimité, la publication du rapport de MM. André Gattolin, Dominique Bailly, Pierre Bernard-Reymond et Mme Colette Mélot, paru sous le numéro 477.