Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 14/06/2012
Examen : 10/07/2012 (commission des affaires européennes)


Budget de l'Union européenne

Texte E 7409

Projet de budget 2013

(Procédure écrite du 10 juillet 2012)

Ce texte constitue le projet de budget de l'Union européenne pour 2013 que la Commission européenne a présenté le 14 juin dernier. Il s'agit du dernier exercice budgétaire du cadre financier pluriannuel 2007-2013 avant la mise en oeuvre du cadre financier 2014-2020 actuellement en négociation.

1. Vue d'ensemble

Le projet de budget pour 2013 s'établit à 150,93 milliards d'euros en crédits d'engagement (CE), en augmentation de 2 % par rapport au budget de 2012, et à 137,92 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) en augmentation de 6,8 % par rapport à 2012. Ces montants représentent respectivement 1,13 % et 1,03 % du revenu national brut (RNB).

L'évolution des deux lignes de crédits (CE et CP) est divergente puisque le niveau des CE baisse très légèrement de 0,02 % en proportion du revenu national brut (de 1,15 à 1,13 %) tandis que l'augmentation des crédits de paiement n'est pas négligeable puisqu'elle passe de 1 % à exactement 1,033 %. Ces arrondis à deux chiffres après la virgule peuvent sembler relativement dérisoires à l'observateur, mais il faut rappeler qu'ils s'appliquent sur une base très large puisqu'il s'agit du revenu national brut (RNB) de l'Union européenne. (Le produit intérieur brut (PIB) est de 12 600 milliards d'euros (prévisions 2013). On passe du PIB au RNB en ajoutant au PIB les revenus nets tirés de l'étranger). Une augmentation de 0,01 % du budget - en proportion du RNB communautaire - représente donc un surplus de dépenses de 12,6 milliards d'euros. On pourra noter qu'avec le jeu des arrondis, le pourcentage des crédits de paiement est affiché à 1,03 % dans le tableau récapitulatif tandis qu'il est présenté à 1,04 % dans les commentaires.

On peut également relever que, pour la première fois, le montant total des crédits de paiement affectés à la rubrique 1 « croissance durable » est supérieur au montant affecté à la rubrique 2 « conservation des gestions des ressources naturelles » qui, à 98,5 %, sont constitués des crédits de la politique agricole commune. En d'autres termes, pour la première fois, les crédits affectés à la croissance sont le premier poste budgétaire du budget communautaire, juste devant les crédits de la politique agricole commune, passés au second rang des dépenses de l'Union.

2. Répartition des dépenses

Deux présentations des dépenses sont possibles : une présentation technique, qui répartit les crédits par secteur - cette présentation, dite par domaines politiques (34 domaines), est utilisée pour la gestion budgétaire-, ou une présentation simplifiée mais en réalité plus politique qui reprend les rubriques du cadre financier pluriannuel. Il est d'usage de privilégier cette dernière présentation, de lecture plus aisée. De même, il est d'usage de privilégier la répartition en crédits d'engagement plutôt qu'en crédits de paiement dans la mesure où les CE reflètent davantage les priorités politiques du budget communautaire.

La rubrique 1.a « Croissance durable » représente 70,53 milliards d'euros en CE et 62,53 milliards en CP. Elle représente 46,7% du budget, en CE, et 45,3 % en CP. C'est le premier poste de dépense du budget communautaire. Elle se décompose en deux sous-rubriques. La sous-rubrique 1.a. « Compétitivité pour la croissance et l'emploi » et la rubrique 1.b « Cohésion pour la croissance et l'emploi, cette dernière recouvrant pour l'essentiel les fonds structurels et les fonds de cohésion.

La sous-rubrique 1.a « Compétitivité pour la croissance et l'emploi » se monte à 16,03 milliards en CE et 13,55 milliards en CP. C'est la rubrique qui connaît la plus vive hausse avec respectivement + 4,1 % en CE et + 17,8 % en CP. Ce bond, plutôt rare en matière budgétaire, s'explique par le contexte économique général puisqu'il s'agit pour l'Union de renforcer les investissements qui contribuent à la croissance. La Commission, dans sa présentation, évoque la possibilité d'un abondement de ces fonds par des emprunts obligataires visant à financer des projets dans les domaines des transports et de l'énergie, ainsi que des technologies de l'information et de la communication.

Les deux tiers de cette rubrique sont consacrés aux programmes de recherche. Il s'agit pour l'essentiel des 7e programmes-cadres dotés de 10,8 milliards d'euros, en augmentation de 6,01 % par rapport au budget 2012. Ces programmes-cadres prévoient notamment le projet ITER (programme de générateur nucléaire de nouvelle génération) ainsi que la stratégie d'action de l'Espace européen pour la recherche (EER) conformément à la stratégie Europe 2020. Le 7e programme-cadre comporte également des financements en faveur des systèmes européens de transport. Le tiers restant de la rubrique, soit 5 milliards, est éclaté en plusieurs programmes plus mineurs dont le programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité (PIC), ainsi que la promotion des réseaux de transport de l'énergie (réseaux transeuropéens - RTE). L'objectif est de financer des tronçons transfrontaliers afin d'assurer la croissance dans l'Union européenne dans son ensemble et d'éliminer les frontières physiques liées aux disparités des procédures et aux incompatibilités de fonctionnement des installations physiques des différents Etats membres. Il peut s'agir du transport de l'énergie, du transport ferroviaire, du transport fluvial, etc. La politique énergétique est un domaine prioritaire pour l'Union dans le cadre de l'objectif 20/20/20 (réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, passage à 20 % de l'usage des sources d'énergie renouvelable, et amélioration de 20 % de l'efficacité énergétique). Le budget poursuit également le démantèlement des réacteurs nucléaires anciens de la Lituanie, de la Slovaquie et de la Bulgarie.

La rubrique 1.a. comporte également les crédits du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation (FEM) doté de 500 millions d'euros. La présence de ces crédits à l'intérieur de la sous-rubrique 1.b. « Compétitivité pour la croissance et l'emploi » a pu être sujette à discussions dans la mesure où ce fonds participe plutôt à l'accompagnement des salariés victimes des fermetures d'usine liées à la mondialisation plutôt que d'une véritable action de compétitivité. Le prochain cadre financier pluriannuel 2014-2020 prévoit d'ailleurs d'extraire cette dotation de la rubrique 1.a. pour la mettre parmi les rubriques hors cadre financier.

La sous-rubrique 1.b. « Cohésion pour la croissance et l'emploi » est dotée de 54,5 milliards d'euros en CE (+ 3,3 % par rapport à 2012) et de 48,97 milliards d'euros en CP (+ 11,7 % par rapport à 2012). Cette sous-rubrique, expression de la politique régionale européenne, absorbe ainsi 36,1 % du budget total (en CE). Comme la précédente, cette politique est également particulièrement sollicitée dans le contexte actuel. Deux mesures vont dans ce sens : d'une part, il est demandé d'accélérer les paiements, ce qui explique une augmentation des crédits de paiement trois fois plus importante que celle des crédits d'engagement. On pourra noter à ce propos que le budget 2013 solde les opérations financées dans la programmation précédente 2000-2006, c'est à-dire des opérations réalisées il y a près de 10 ans, terminées, financées par les acteurs locaux mais qui n'avaient pas encore été remboursées par l'Union européenne. Les engagements restant à liquider au titre de la période 2000-2006 se montent encore à 1,9 milliard d'euros. D'autre part, l'Union européenne a décidé d'augmenter le taux de cofinancement à la charge du budget communautaire de 10 points pour les Etats membres connaissant des difficultés économiques particulières (passage du taux de cofinancement de 75 % à 85 % pour les pays de la convergence).

La rubrique 1.b. contribue à trois objectifs : le principal est l'objectif dit de convergence réservé aux Etats membres et aux régions les moins développées (régions dont le produit intérieur brut par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire et/ou Etats dont le revenu national brut par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne communautaire). L'objectif de convergence absorbe 80 % des ressources totales de la rubrique. L'objectif « compétitivité régionale et emploi » s'adresse aux régions non éligibles à l'objectif de convergence. Il en va de même pour l'objectif de « coopération territoriale européenne ».

La rubrique 2 « Conservation et gestion des ressources naturelles » est dotée de 60,3 milliards d'euros en CE (+ 0,6 % par rapport à 2012) et 57,96 milliards d'euros en CP (+ 1,6 % par rapport à 2012). Cette rubrique représente 39,9% du projet de budget 2013 en CE (42% en CP). On peut noter que si l'ensemble de la rubrique dépasse toujours les crédits consacrés à la politique de cohésion, pour la première fois, elle est inférieure aux crédits affectés à la rubrique « croissance durable ». La quasi-totalité de cette rubrique (97,7%) est consacrée à la politique agricole commune, qu'il s'agisse du premier pilier consacré aux dépenses relatives aux marchés et aux aides directes, doté de 44,13 milliards d'euros, ou du deuxième pilier consacré au développement rural doté de 14,8 milliards d'euros. Ainsi, le rééquilibre entre premier et deuxième pilier se poursuit. La part consacrée au premier pilier (75%) se tasse au détriment de celle du deuxième pilier (25%). Ce rééquilibrage résulte à la fois d'un choix politique et d'un dispositif budgétaire : la modulation qui consiste à affecter une part du premier pilier au deuxième pilier. C'est la huitième année de modulation. Pour la première fois elle s'applique aux 10 nouveaux Etats membres adhérents en 2004 et 2007. Concernant le premier pilier, la baisse des interventions se poursuit.

La rubrique 3 « Citoyenneté, liberté, sécurité et justice », qui représente 1,4 % du projet de budget, se monte à 2,08 milliards d'euros en CE (- 0,1 % par rapport à 2011), et 1,57 milliard d'euros en CP (+ 4,8 % par rapport à 2012). La sous-rubrique « citoyenneté, liberté et justice » augmente de 11,1 % en CP en raison des quatre fonds se rapportant à la solidarité et à la gestion des flux migratoires. Il s'agit du fonds pour les frontières extérieures, du fonds européen pour le retour, du fonds européen pour l'intégration des ressortissants des pays tiers et du fonds européen pour les réfugiés. On peut noter aussi le premier exercice de l'agence pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle. En revanche, les crédits consacrés à la citoyenneté, sont en recul de- 3,1 % en CP. Même si les principaux programmes destinés à favoriser la culture et la diversité européenne se poursuivent. En outre, l'année 2013 sera « l'année européenne des citoyens » dotée d'un budget de 1 million d'euros.

La rubrique 4 « L'Union européenne acteur mondial » représente 6,3 % du budget et se monte à 9,47 milliards d'euros en CE (+ 0,7 % par rapport à 2012) et 7,31 milliards d'euros en CP (+ 5,1 % par rapport à 2012). L'Union européenne continue à préparer les futurs élargissements. La Croatie deviendra normalement membre de l'Union européenne le 1er juillet 2013. Le budget 2013 a été établi pour l'Union à 27 et les dépenses consécutives à l'adhésion d'un 28e Etat membre seront prises en compte lors d'un budget rectificatif. Les négociations d'adhésion se poursuivent avec la Turquie et l'Islande, elles viennent de s'ouvrir avec le Monténégro, tandis que l'ancienne République yougoslave de Macédoine et la Serbie ont obtenu le statut de pays candidats.

La rubrique « Administration » se monte à 8,54 milliards d'euros en CE et en CP, en augmentation de 3,2 % par rapport à 2012, soit respectivement 5,7 % du budget en CE et 6,2% en CP. Ce poste recouvre les dépenses de fonctionnement de toutes les institutions européennes, soit dix « sections » c'est à dire dix budgets séparés -Parlement, Conseil, Commission, Cour de justice, Comité économique et social, Comité des Régions, Cour des comptes, médiateur européen, contrôleur européen pour la protection des données, Service européen pour l'action extérieure-. Les crédits de rémunération du personnel progressent de 2,5 %. Cette évolution résulte d'une augmentation salariale de 1,6 % à la fin 2012 et de 1,7 % en 2013, soit un taux légèrement inférieur au taux d'inflation prévu pour l'année 2013 qui est de 1,9 %.

3. Le financement du budget 2013

La quasi-totalité du financement du budget est assuré par des ressources propres qui se composent de ressources propres traditionnelles prélevées par les États pour le compte de l'Union européenne (tels que les droits de douane et quelques droits agricoles), et de contributions nationales qui, quoique présentées elles aussi comme ressources propres, sont en en réalité prélevées sur le budget des États membres, c'est à dire prélevées sur les impôts nationaux (ressource propre TVA et ressource RNB). L'ensemble de ces ressources représente 136,3 milliards d'euros. Le financement du budget comporte également quelques ressources diverses (impôts sur le personnel des institutions européennes, amendes et reports de crédits).

Les ressources propres authentiquement communautaires se montent à 18,75 milliards d'euros. Les ressources propres TVA et RNB, issues des prélèvements sur les impôts des Etats membres représentent 117,6 milliards d'euros (86% du total). Ce sont ces dernières ressources bien plus que les « vraies ressources propres », qui sont sollicitées par le budget communautaire. Les deux premiers financeurs du budget communautaires restent l'Allemagne avec 23,4 milliards d'euros (19,91 % du total), et la France avec 20,66 milliards d'euros (17,57 % du total). Ainsi, pour la première fois, la contribution française au budget communautaire devrait dépasser les 20 milliards d'euros. La France est notamment le premier financeur de la correction britannique avec 1,1 milliard d'euros sur les 4 milliards de l'ensemble de la correction.

Rapportée à la contribution par habitant, la contribution française est l'une des plus élevées d'Europe, soit 317 euros par habitant contre 286 euros en Allemagne et 234 euros au Royaume Uni.

L'importance des prélèvements nationaux au profit du budget communautaire reflète aussi la prospérité du pays : la ressource TVA est liée au produit de TVA collecté dans l'Etat membre tandis que la ressource PNB est calculée proportionnellement à la part de l'Etat considéré dans le PNB total de l'Union européenne. La situation économique du pays a donc un effet immédiat sur ces deux ressources. On notera ainsi que, bien que le budget total soit en augmentation, les contributions nationales de l'Espagne et, surtout, la Grèce ont diminué : 10 milliards en 2013 contre 10,25 milliards en 2012 pour l'Espagne, 2,26 milliards en 2012 contre 1,9 milliards en 2013 pour la Grèce soit -15%.

4. Observations complémentaires

Le projet de budget présenté par la Commission n'est que la première étape de la procédure budgétaire. Le budget final est adopté par les deux branches de l'autorité budgétaire (Parlement européen et Conseil) et arrêté par le Parlement européen. Même si le budget finalement voté par l'autorité budgétaire s'écarte en général très peu du projet présenté par la Commission. En 2011, le budget adopté pour 2012, avait été de 147,9 milliards en CE, soit un montant pratiquement identique à celui proposé par la Commission (147,73 milliards d'euros). Les débats entre Etats portent surtout sur les CP qui se traduisent par des prélèvements nationaux. Le budget voté avait été de 129,1 milliards en CP contre 132,74 milliards proposés soit une différence importante de 3,64 milliards. Compte tenu de la hausse sensible des CP dans le projet de budget pour 2013, il est possible qu'il en soit de même cette année.

En effet, contrairement aux années précédentes, l'augmentation du budget communautaire pour 2013 se manifeste avant tout sur les crédits de paiement, c'est-à-dire les dépenses effectives. Tous les moyens ont été mobilisés pour accélérer les paiements dans les Etats membres : augmentation des crédits de compétitivité, accélération des paiements des factures en instance au titre de la politique de cohésion. En toute logique, cette augmentation se traduit par une augmentation équivalente des prélèvements sur les Etats. C'est le cas en France puisque le prélèvement au profit du budget communautaire devrait passer de 18,9 milliards d'euros (chiffre définitif inscrit dans la loi de finances pour 2012) à 20,6 milliards (chiffre annoncé par la Commission).

Le projet de budget recense également l'ensemble des prêts garantis par la Commission sur les crédits du budget général. Ce support financier est ancien puisque, sur décision du Conseil, le budget général garantit par exemple les prêts de soutien à la balance des paiements des Etats membres (accordés aux seuls Etats membres qui n'ont pas encore adopté l'euro), l'assistance macro économique aux pays tiers, les emprunts Euratom et les prêts de la Banque européenne d'investissements à certains pays tiers. Cette activité a été amplifiée depuis la mise en ouvre du mécanisme européen de stabilisation financière (règlement du Conseil n° 407/2010 du 11 mai 2010). L'assistance financière de l'Union a été accordée à l'Irlande (décision du Conseil du 7 décembre 2010) pour 22,5 milliards d'euros et au Portugal (décision du Conseil du 30 Mai 2011), pour 26 milliards d'euros. L'incidence budgétaire se limite à l'intervention de la garantie du budget général en cas de défaillance du débiteur. Ainsi, le poste « garantie » est juridiquement ouvert « pour mémoire » sans être budgétairement doté. Tous prêts garantis confondus, l'encours des opérations couvertes par le budget général se monte, au 31 décembre 2011, à 60,9 milliards d'euros.

Le débat en séance publique sur le budget de l'Union a lieu, traditionnellement, au moment de l'examen du prélèvement au profit du budget européen, dans le cadre de la discussion de la première partie du projet de loi de finances. C'est pourquoi la commission a décidé de ne pas intervenir à ce stade sur le projet de budget pour 2013.