COM (2009) 410 final  du 30/07/2009
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 08/03/2010

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 02/09/2009
Examen : 27/11/2009 (commission des affaires européennes)


Questions sociales et santé

Texte E 4696

Révision des règles relatives au congé parental
dans l'Union européenne

COM (2009) 410 final

(Procédure écrite du 27 novembre 2009)

Cette proposition de directive vise à réviser la directive 96/34/CE du Conseil du 3 juin 1996 relative au congé parental. La Commission européenne a en effet observé que de nombreux changements étaient intervenus dans la société et sur le marché du travail au cours des dix dernières années et que des améliorations pouvaient être apportées à la législation communautaire en matière de conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. La situation des États membres en matière de congé parental diffère encore grandement et la protection offerte par certains pays, même si elle respecte les minima mis en place par la directive de 1996, pourrait être renforcée : la France, l'Allemagne, la République tchèque, la Lituanie et la Slovaquie proposent des congés parentaux allant jusqu'à trois ans ; la Belgique, l'Irlande, Malte et le Portugal octroient, au contraire, des congés parentaux d'une durée de trois mois.

L'évolution démographique en Europe, la multiplicité des structures familiales, les besoins du marché du travail, la persistance d'inégalités entre les hommes et les femmes dans le monde du travail, comme la volonté croissante des pères de jouer un rôle plus important auprès de leurs enfants ont conduit la Commission européenne à estimer qu'il convenait d'assurer un meilleur équilibre entre les obligations professionnelles et familiales. Cette proposition de directive fait ainsi partie d'un paquet composé de deux autres textes : une proposition de directive concernant l'application du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante (texte E 4020) et une proposition de directive visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes (texte E 4021), sur laquelle le Sénat a adopté une résolution le 15 juin dernier.

1. Un texte original par sa forme : la transposition d'un accord-cadre conclu par les partenaires sociaux européens en droit communautaire

Le texte E 4696 diffère, par sa forme, des deux autres propositions de directive du paquet législatif. En effet, il s'agit d'une proposition de directive portant application de l'accord-cadre révisé sur le congé parental conclu par les partenaires sociaux le 18 juin 2009. Autrement dit, le contenu de ce texte n'émane pas de la Commission. Il est le fruit d'une négociation entre les principaux partenaires sociaux européens présents au niveau interprofessionnel : BUSINESSEUROPE, organisation patronale majeure ; le Centre européen de l'entreprise publique (CEEP), qui rassemble des entreprises publiques et des prestataires de services d'intérêt général de la majorité des États membres ; la Confédération européenne des syndicats (CES), qui représente les principales fédérations de travailleurs des États membres ; et l'Union européenne de l'artisanat et des petites et moyennes entreprises (UEAPME), organisation européenne défendant les intérêts des PME.

Le protocole sur la politique sociale de 1991 prévoit, en effet, la possibilité pour les partenaires sociaux de conclure des accords-cadres susceptibles d'être ensuite transposés en droit communautaire. Ce protocole fait aujourd'hui partie intégrante des traités puisqu'il a été, dans un premier temps, annexé au traité de Maastricht en 1992 puis intégré dans le corps du traité instituant la Communauté européenne en 1997 à l'occasion de l'adoption du traité d'Amsterdam. Les articles 138 et 139 de ce traité imposent en effet à la Commission européenne de consulter systématiquement les partenaires sociaux, avant de présenter des propositions dans le domaine social, sur l'orientation que pourrait prendre celles-ci. Ils la contraignent également à les consulter sur le contenu des propositions qu'elle élabore en matière sociale. Lors de cette deuxième phase de consultation, ces articles offrent surtout la possibilité aux partenaires sociaux de demander à la Commission de négocier eux-mêmes un accord sur la question traitée. Ils disposent alors d'un délai de neuf mois pour conclure un accord-cadre, délai durant lequel la Commission suspend ses travaux. Une fois l'accord-cadre conclu, la Commission européenne l'examine et propose au Conseil une proposition de directive en vue de sa mise en oeuvre dans les vingt-sept États membres.

Cette disposition a pour but de mieux associer les partenaires sociaux à l'élaboration de la politique sociale européenne et ainsi de conférer une plus grande légitimité aux décisions et aux actions de l'Union dans le domaine social. Jusqu'à ce nouvel accord, les partenaires sociaux avaient négocié trois accords-cadres, ensuite mis en oeuvre par des directives : en 1995 sur le congé parental ; en 1997 sur les contrats de travail à temps partiel ; et en 1999 sur les contrats de travail à durée déterminée. Il n'est donc guère surprenant que les partenaires sociaux aient choisi de réviser eux-mêmes l'accord-cadre qu'ils avaient conclu il y a près de quinze ans sur le congé parental et qui avait été traduit en droit communautaire par la directive 96/34/CE.

2. Le contenu de la proposition

Il convient de rappeler que le congé parental s'applique, dans l'Union européenne, aux deux parents suite à la naissance ou à l'adoption d'un enfant. Il s'ajoute donc au congé maternité, qui est un congé payé pris pour un minimum de 14 semaines après que la mère ait donné naissance, et au congé paternité s'il est prévu dans la législation du pays. Selon les États membres, il est ou non rémunéré.

Le texte E 4696 devrait s'appliquer à tous les travailleurs, hommes et femmes, quels que soient leur contrat de travail (travail à temps partiel ou à temps plein ; contrat de travail intérimaire, à durée déterminée ou à durée indéterminée). L'ensemble des travailleurs devrait donc bénéficier d'un droit individuel à un congé parental et pourra le faire valoir pour chaque enfant jusqu'à leur huit ans. Le texte devrait toutefois laisser le soin à chacun des États membres de fixer les modalités d'application de ce congé parental et les autoriser à subordonner le droit au congé parental à une période de travail ou d'ancienneté, même si celle-ci ne devrait pouvoir excéder un an.

Le point principal de ce texte est l'allongement de la durée du congé parental, qui devrait passer à quatre mois par enfant, contre trois actuellement, ce qui devrait affecter les législations nationales au Royaume-Uni, en Irlande, au Portugal, en Roumanie et à Malte. Dans un souci d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes, le texte exclut, en principe, la possibilité pour un parent de transférer son congé parental à l'autre parent. Déjà prévue par la directive de 1996, cette disposition n'est, dans les faits, pas respectée : un certain nombre d'États membres ont autorisé le transfert entre parents du droit à congé parental, ce qui permettait aux mères de disposer d'un congé d'au moins six mois, en plus du congé de maternité. Cette fois-ci, le texte indique donc expressément qu' « au moins un des quatre mois ne peut être transféré ». L'objectif est ainsi d'inciter les pères à prendre une partie du congé parental, faute de quoi ce mois non transférable serait perdu.

Le texte devrait, par ailleurs, renforcer les mesures en matière de lutte contre les discriminations à l'encontre des travailleurs bénéficiant du congé parental. Il reprend les principales dispositions contenues dans la directive 96/30/CE en la matière, qu'il s'agisse du droit à retrouver son poste de travail ou un travail équivalent à l'issue du congé parental, de la préservation des droits liés à l'emploi pendant la durée du congé parental ou de la protection contre le licenciement en raison de la demande ou de la prise d'un congé parental. Il introduit également une nouveauté puisqu'il prévoit une obligation de protéger le travailleur contre « un traitement moins favorable » lors de sa reprise d'activité professionnelle : il serait donc strictement interdit à un employeur de contraindre son salarié à prendre moins de responsabilités à l'issue de son congé parental.

Le texte devrait, enfin, faciliter l'aménagement du temps de travail à l'issue du congé parental. Il devrait ainsi autoriser les travailleurs, de retour de congé parental, à demander à leur employeur à bénéficier de conditions de travail plus souples (rythme de travail allégé ou adapté...) pour une période limitée. Le texte maintient, par ailleurs, une disposition de la directive de 1996 qui permettait aux travailleurs de s'absenter du travail pour raison de force majeure liée à des raisons familiales urgentes (maladie ou accident). Ce droit peut toutefois être limité, au niveau national, à une certaine durée par an.

Accepté par les organisations patronales, le texte contient logiquement un certain nombre de mesures destinées à protéger les intérêts des entreprises. Il prévoit ainsi que des arrangements particuliers puissent être autorisés pour répondre aux besoins de fonctionnement des petites entreprises, notamment afin d'éviter d'imposer des contraintes administratives, financières et juridiques trop lourdes sur celles-ci. Il insiste, par ailleurs, sur la nécessité que les intérêts de l'entreprise soient également pris en compte, au même titre que ceux du salarié, lors de la fixation de la période de congé parental. Il encourage enfin les employeurs et les salariés à maintenir un contact pendant le congé parental afin de faciliter la réintégration.

3. Appréciation du texte

Cette proposition de directive, qui reprend l'accord-cadre du 18 juin 2009, recueille évidemment l'assentiment de la grande majorité des partenaires sociaux. Seule la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) a, dans notre pays, désapprouvé le contenu du texte. Trois éléments de cette proposition lui paraissent, en effet, dangereux pour les travailleurs. Premièrement, elle regrette que le texte n'impose pas de rémunération obligatoire pendant la durée du congé parental et estime que l'absence d'une telle disposition « pénalise fortement les classes moyennes et les revenus les plus faibles ». Deuxièmement, elle déplore l'interdiction qui a été posée de pouvoir transférer les mois de congé parental d'un parent à l'autre, considérant que « la liberté de choix doit être laissée au couple et non organisée de façon réglementaire ». Enfin, elle se montre défavorable à ce que les travailleurs et les employeurs doivent maintenir le contact pendant la durée du congé parental, craignant que salariés ne soient ainsi contraints de travailler alors qu'ils sont en congé.

La commission des droits de la femme et de l'égalité des genres du Parlement européen a, pour sa part, adopté le 4 novembre dernier une résolution très nuancée sur ce texte. Si cette commission se félicite de certaines avancées, notamment l'inclusion des travailleurs à temps partiel, à durée déterminée ou des travailleurs temporaires dans le champ d'application du texte, elle regrette néanmoins qu'il n'aille pas plus loin sur un certain nombre de points. A cet égard, elle déplore que la rémunération du congé parental demeure à la libre appréciation de chacun des États membres, estimant que cela fait peser un risque sur les familles monoparentales. Elle plaide, par ailleurs, pour la mise en place d'un véritable congé de paternité à l'échelle communautaire, qui permettrait aux hommes de partager davantage de responsabilités en matière de garde. A ce titre, elle jugerait préférable qu'aucun des quatre mois de congé parental ne puisse être transféré d'un parent à l'autre.

De son côté, le Gouvernement français se montre favorable à ce texte qui lui paraît rejoindre les préoccupations actuelles en France en matière de conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. Il souligne, en outre, que l'entrée en vigueur de cette proposition ne devrait pas venir modifier le droit français en matière de congé parental. Notre législation est déjà en conformité avec les prescriptions minimales fixées par la proposition. Le Gouvernement précise que la Commission a indiqué, au cours des premières discussions au sein du Conseil, que la clause de non-transférabilité d'un mois ne s'appliquait pas dans les États qui, comme le nôtre, accorde à chacun des deux parents un droit individuel à un congé parental.

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Sans pour autant remettre en cause la législation française relative au congé parental, cette proposition de directive devrait permettre d'améliorer la situation des travailleurs dans un certain nombre d'États membres, dont les dispositions actuelles en matière de congé parental sont inférieures à celles fixées par ce texte.

Il peut certes paraître regrettable que cette proposition ne prévoit pas de rémunération obligatoire pendant la période du congé parental, comme il en existe une en France pour les salariés qui cessent ou modifient leur activité professionnelle pour s'occuper d'un enfant à charge de moins de trois ans - désignée sous le nom de « complément de libre choix d'activité ». Pour autant, l'obligation de rémunération se serait sans doute heurtée à l'invocation du principe de subsidiarité par un certain nombre d'États membres. En outre, il serait sans doute dommage de rejeter en bloc ce texte au motif qu'il n'irait pas assez loin. D'une part, la révision de la directive de 1996 apparaît particulièrement nécessaire suite aux évolutions démographiques et aux bouleversements intervenus ces dernières années sur le monde du travail. Elle devrait permettre de faire progresser la législation dans un certain nombre de pays européens, dont les normes sociales ne sont pas aujourd'hui aussi avancées que les nôtres. A cet égard, il convient de rappeler que la Commission européenne a adressé, le 29 octobre dernier, un avis motivé à la Hongrie pour transposition incorrecte de la directive de 1996 relative au congé parental. La législation hongroise ne protège toujours pas les travailleurs contre un licenciement motivé par l'introduction d'une demande de congé parental, ni n'assure au travailleur le droit de retrouver son poste de travail ou un travail équivalent à l'issue du congé parental. La révision de cette directive devrait donc fournir une occasion de passer en revue les législations nationales et de les mettre à jour. D'autre part, la Commission européenne a d'ores et déjà fait part de son souhait, à terme, d'améliorer d'autres formes de congé familial, qu'il s'agisse du congé de paternité, du congé d'adoption ou du congé filial (congé destiné à s'occuper de membres de la famille à charge).

Dans ces conditions, la commission a décidé de ne pas intervenir plus avant.