COM (2008) 428 final  du 07/07/2008
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 05/05/2009

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 22/07/2008
Examen : 21/10/2008 (commission des affaires européennes)


Économie, finances et fiscalité

Communication de M. Denis Badré sur les taux réduits de TVA

Texte E 3915 - COM (2008) 428 final

(Réunion du 21 octobre 2008)

Je souhaitais faire le point sur la question des taux réduits de TVA, en vue du Conseil Ecofin du 4 novembre prochain, qui sera saisi d'une proposition de directive en la matière.

Ma précédente communication sur ce sujet date du 5 décembre 2007. Je vous avais alors rappelé les grandes lignes de la structure des taux de TVA, fixée par la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA. Je vous avais également indiqué que, conformément à sa communication du 5 juillet 2007, la Commission européenne proposait d'accorder davantage de flexibilité aux États membres dans l'application des taux réduits de TVA, en vertu du principe de subsidiarité, mais qu'elle attendait aussi du Conseil une orientation politique claire.

Le Conseil Ecofin du 4 décembre 2007 n'avait pas permis aux États membres de donner cette orientation à la Commission. Il avait d'ailleurs difficilement adopté une proposition de directive prorogeant les taux réduits dont bénéficient cinq nouveaux États membres jusqu'en 2010 (Chypre, Malte, la Pologne, la République tchèque et la Slovénie). Il était toutefois convenu que cette décision ne préjugeait pas de la position définitive sur l'usage des taux réduits de TVA. En revanche, le Conseil ne s'était pas prononcé sur la possibilité d'appliquer des taux réduits aux produits respectueux de l'environnement (les « écoproduits »), comme l'avaient souhaité le Royaume-Uni et la France.

Quelles évolutions ce dossier a-t-il connues au cours de l'année écoulée ? Il paraît clair que la perspective d'une restructuration d'ensemble des taux de TVA s'éloigne. Dès lors, la Commission, à laquelle les États membres avaient donné un mandat en ce sens, a décidé de procéder en trois temps :

1°) proposer une directive dont le champ serait restreint à un nombre limitativement défini de services prestés localement, en particulier les services à forte intensité de main d'oeuvre actuellement énumérés à l'annexe IV de la directive 2006/112/CE ;

2°) conduire des études plus approfondies permettant d'étudier la faisabilité et l'opportunité d'utiliser les taux réduits de TVA pour promouvoir d'autres objectifs tels que la protection de l'environnement. Le 11 mars dernier, la Commission a ainsi lancé une consultation publique sur ce sujet, puis annoncé la présentation, « à l'automne », d'une communication portant sur l'application des taux réduits aux « écoproduits » ;

3°) poursuivre la réflexion qui devra aboutir, à long terme, à la rationalisation de la structure des taux de TVA dans l'Union européenne.

La méthode retenue par la Commission est soutenue par la France, qui l'a d'ailleurs largement inspirée.

Le 7 juillet dernier, la Commission a adopté une proposition de directive modifiant la directive de 2006 en ce qui concerne les taux réduits de TVA, qu'elle a présentée comme un texte « limité » constituant « une première action ». Elle estime en effet qu'il convient d'abord de traiter les « questions les plus pressantes ». D'une part, l'application de taux réduits de TVA demeure facultative. D'autre part, ce texte ne présage pas du réexamen général des nombreuses dérogations accordées en la matière à divers États membres.

La proposition de directive, qui sera donc soumise au Conseil Ecofin du 4 novembre prochain, tend à inclure de manière permanente dans l'annexe III de la directive de 2006 les services fournis localement, y compris les services à forte intensité de main-d'oeuvre, les services de restauration et certains services liés au secteur du logement et à d'autres biens immeubles. Elle comporte également un certain nombre de modifications techniques. Pour les services de restauration, je rappelle que, actuellement, 11 États membres peuvent appliquer des taux réduits de TVA, tandis que 16 autres, dont la France, n'y sont pas autorisés.

Ce texte accorde ainsi aux États membres une plus grande liberté dans le choix des services à forte intensité de main d'oeuvre qui bénéficieront de taux réduits, puisqu'auparavant, ils ne pouvaient appliquer des taux réduits à plus de deux services figurant à la liste dressée à l'annexe IV, qui disparaît à l'occasion de cette réforme. Concrètement, la proposition de directive procède à trois types de modifications :

1°) le secteur du logement peut bénéficier plus largement de l'application des taux réduits qui ne seront plus limités aux logements fournis et construits dans le cadre de l'aide sociale. Par ailleurs, la possibilité d'appliquer des taux réduits aux réparations, à l'entretien et au nettoyage des logements devient générale, alors qu'elle relevait jusqu'à présent de l'annexe IV. De même, la faculté d'appliquer de tels taux sera également étendue aux services relatifs aux lieux de culte reconnus par l'État membre concerné, ainsi qu'au patrimoine culturel et aux monuments historiques ;

2°) de nouvelles catégories de services peuvent se voir appliquer des taux réduits de TVA, en particulier la restauration, à l'exception de la fourniture de boissons alcooliques. C'est également le cas des services fournis localement qui, jusqu'alors, relevaient de l'annexe IV, tels que le jardinage, les petits services de réparation, le nettoyage, les soins et l'aide à domicile ou encore la coiffure ;

3°) enfin, un certain nombre de modifications et précisions rédactionnelles sont apportées de manière à ce que le champ de la directive couvre des services qui ne l'étaient pas, par exemple certains produits pharmaceutiques, de nouveaux équipements pour les personnes handicapées, mais aussi les livres audio ou en matière de nettoyage des voies publiques ou de traitement des déchets.

La proposition de directive prévoit que ces dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2011.

Les États membres demeurent très divisés. Au Conseil Ecofin informel des 12 et 13 septembre, à Nice, un débat général sur les effets économiques des taux réduits de TVA a été engagé. Il a tourné au « dialogue de sourds ». L'Allemagne en premier lieu, mais aussi le Danemark, l'Autriche et l'Estonie, sont hostiles par principe à l'application de taux réduits de TVA. L'Allemagne estime en outre que la proposition de la Commission accroîtra la pression sur les gouvernements en faveur d'une application plus étendue des taux réduits, entraînant ainsi une diminution des recettes fiscales. Rappelons en effet qu'en 2007, notre voisin d'outre-Rhin avait choisi d'augmenter de trois points son taux de TVA, qui est passé de 16 % à 19 %, afin de rétablir l'équilibre de ses finances publiques. Lors de ce Conseil, l'Allemagne s'est dite « surprise et déçue » par la proposition de la Commission et a indiqué qu'elle n'accepterait pas d'en discuter, pas plus que de la proposition annoncée sur l'application des taux réduits aux « écoproduits », tant qu'un débat conclusif sur les principes devant guider le recours aux taux réduits de TVA n'aura pas été conduit.

Afin d'éclairer le débat, qui s'est poursuivi au Conseil Ecofin formel du 7 octobre, la présidence française a demandé à la Commission de préparer un document de travail sur les avantages et les inconvénients des taux réduits, sur les conditions économiques qui doivent être réunies pour garantir leur efficacité et sur l'impact budgétaire de la proposition dans les États membres.

En dépit des engagements pris par le ministre allemand des finances, lors du Conseil économique et financier franco-allemand du 25 septembre suivant, de parvenir à un compromis sur le sujet, les discussions n'ont pas permis d'évolution notable.

La présidence française, qui a considéré la discussion générale close lors du Conseil Ecofin du 7 octobre, a décidé que le Conseil du 4 novembre prochain examinerait la proposition de la Commission.

Compte rendu sommaire du débat

M. Yves Pozzo di Borgo :

Il peut paraître curieux qu'un débat communautaire sur les taux réduits de TVA ait lieu en pleine crise financière. En effet, il est probable que la nouvelle administration américaine issue des élections du mois de novembre présente un nouveau plan de relance au début de l'année prochaine et il n'est pas impossible que l'Europe adopte également un tel plan. Ces mesures se traduiront très certainement par un creusement des déficits budgétaires dans les États membres. Or, pour limiter l'ampleur de ces déficits, il faudra accroître les recettes fiscales, et notamment la TVA. C'est ce qu'Angela Merkel avait eu le courage de faire en Allemagne au début de son mandat. J'estime donc que ce débat sur les taux réduits de TVA intervient à contretemps.

M. Jean-Claude Peyronnet :

Je trouve ces propos tout à fait réalistes.

M. Denis Badré :

Si l'on augmentait, en France, le taux de TVA normal de 3 points en le faisant passer de 19,6 % à 22,6 %, le surplus de recettes fiscales serait d'environ 18 milliards d'euros, ce qui représente d'ailleurs le montant de la contribution française au budget communautaire.

Pour autant, la pression sur les autorités françaises des professionnels de la restauration reste forte.

Néanmoins, il est peu probable, selon moi, que le Conseil Ecofin du 4 novembre prochain parvienne à adopter la proposition de directive que je viens d'exposer.

M. Hubert Haenel :

Je me demande si l'application de taux réduits de TVA à des services qui ne peuvent faire l'objet d'une concurrence internationale aurait été jugée conforme au principe de subsidiarité si l'examen des textes communautaires par les parlements nationaux au regard de ce principe avait existé à l'époque.