COM (2006) 388 final  du 12/07/2006
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 21/10/2009

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 24/07/2006
Examen : 21/11/2007 (délégation pour l'Union européenne)


Agriculture et pêche

Paquet législatif relatif aux pesticides

Textes E 3200, E 3206 et E 3360
COM (2006) 388 final, COM (2006) 373 final
et COM (2006) 778 final

(Procédure écrite du 21 novembre 2007)

La Commission européenne a adopté le 12 juillet 2006 une stratégie thématique concernant l'utilisation durable des pesticides. Les textes E 3200, E 3206 et E 3360 sont les principaux éléments du paquet législatif « pesticides » qui vise à mettre en oeuvre cette stratégie. Il s'agit :

- d'une proposition de règlement concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (E 3200) ;

- d'une proposition de directive instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation durable des pesticides (E 3206) ;

- et d'une proposition de règlement relatif aux statistiques sur les produits phytopharmaceutiques (E 3360).

La Commission a annoncé que le paquet serait complété ultérieurement par une proposition législative définissant des « exigences essentielles de protection de l'environnement applicables au matériel et aux accessoires d'application des pesticides neufs mis sur le marché ».

Les produits phytosanitaires ou phytopharmaceutiques sont utilisés par les agriculteurs principalement, mais également par les services des collectivités locales ou les particuliers dans leurs activités de jardinage, afin de protéger les végétaux contre de multiples agresseurs (champignons, mauvaises herbes, insectes, etc) qui entravent leur développement normal. Les produits phytopharmaceutiques constituent le principal groupe de pesticides. C'est pourquoi le paquet « pesticides » vise à réglementer en priorité l'utilisation de ces produits. Il est néanmoins prévu à moyen terme que la directive relative à une utilisation durable des pesticides soit étendue aux produits biocides (pesticides à usage non agricole tels que les produits désinfectants ou antiparasitaires).

L'objectif général de cette nouvelle législation est d'élever le niveau de protection de la santé humaine et de l'environnement face aux effets néfastes des produits phytosanitaires utilisés en agriculture et qui peuvent affecter aussi bien les consommateurs de produits agricoles (5 % des aliments ont une concentration de résidus de pesticides supérieure aux limites maximales réglementées) que les utilisateurs professionnels qui se trouvent exposés à ces substances à risque pendant leur manipulation.

1) le règlement concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques

La Commission a pour objectif de rationaliser et simplifier les procédures d'autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, tout en assurant leur homogénéité. C'est pourquoi elle a choisi de remplacer la directive 91/414/CE par un règlement. Cet instrument juridique lui permet en effet d'harmoniser les mesures de protection contre les pesticides, en créant un ensemble normatif, applicable en même temps et de la même manière dans les 27 États membres.

Les grands principes de la directive 91/414/CE sont maintenus. Ainsi, le principe de la double autorisation communautaire et nationale concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques est conservée. Le fonctionnement demeure le suivant : une liste positive de « substances actives » qui servent à la composition des produits pesticides est établie au niveau communautaire, à l'issue d'une procédure d'évaluation des risques et dangers qu'elles présentent. Les États membres ont compétence pour autoriser la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques en s'appuyant sur cette liste communautaire. L'autorisation est valable 10 ans et peut être renouvelée. De même, le principe de reconnaissance mutuelle des autorisations accordées par les États membres demeure.

Ces principes font néanmoins l'objet d'aménagements dans le nouveau règlement qui apporte en outre de nombreuses modifications à la législation actuelle :

- des délais stricts pour l'approbation des substances actives ou l'instruction d'une demande d'autorisation de mise sur le marché seront désormais imposés à la Commission, à l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) et aux États membres. De plus, les approbations de substances actives ne devront plus être renouvelées tous les dix ans, mais une seule fois à expiration de la première période de dix ans (un réexamen ultérieur demeure cependant possible en cas d'inquiétude sur le caractère nocif d'une substance) ;

- la reconnaissance mutuelle des autorisations s'effectuera selon un système de zones regroupant les États membres d'une même zone géographique. L'Union européenne sera divisée en trois zones censées présenter des caractéristiques environnementales et climatiques comparables, et les produits phytopharmaceutiques autorisés par un État membre seront ainsi automatiquement déclarés utilisables dans les autres États membres appartenant à la même zone. Selon le découpage proposé, la France est positionnée en zone Sud ;

- il est proposé d'introduire un principe de substitution, selon lequel un produit phytosanitaire dont il est avéré qu'il contient une substance à risque doit être remplacé, dans la mesure de l'offre disponible, par un produit moins dangereux pour la santé humaine ou l'environnement, ;

- de nouvelles règles concernant la protection des données présentées par un fabricant dans un dossier de demande d'autorisation de mise sur le marché à un État sont définies. La protection se limitera désormais aux rapports d'études et d'essai et disparaîtra à l'expiration de la période d'autorisation de dix ans. Ces nouvelles règles visent notamment à éviter, en cas de renouvellement ou de réexamen de l'autorisation, la répétition d'essais sur des animaux vertébrés grâce au partage des connaissances sur les effets d'un produit phytosanitaire ;

- des procédures simplifiées pour les substances de base ou à faibles risques sont prévues ;

- les agriculteurs et autres utilisateurs professionnels auront pour obligation de tenir des registres des produits phytopharmaceutiques qu'ils utilisent. Ces registres devront être mis à la disposition des voisins ou de l'industrie de l'eau potable, sur demande.

2) la directive sur l'utilisation durable des pesticides

Cette proposition de directive a pour ambition d'assurer la protection nécessaire des cultures sans nuire à la protection de la santé et de l'environnement.

Les principales dispositions de la directive sont :

- la mise en place de plans d'action nationaux (PAN) qui fixent des objectifs, des mesures et un calendrier pour la réduction des risques liés à l'utilisation des pesticides et incitent à la mise en oeuvre d'alternatives visant à réduire la dépendance à l'égard de la lutte chimique contre les ravageurs ;

- la création d'un système de formation et de sensibilisation à destination des distributeurs, des utilisateurs professionnels de pesticides et du grand public ;

- un ensemble de mesures spécifiques destinées à la protection de la santé publique et de l'environnement : inspection régulière des matériels d'application, interdiction de la pulvérisation aérienne (avec dérogation possible, notamment dans les zones difficiles à atteindre comme les vignobles), protection du milieu aquatique, conditions de manipulation et de stockage des pesticides, protection de certaines zones sensibles, lutte intégrée contre les ravageurs.

3) le règlement relatif aux statistiques sur les produits phytopharmaceutiques

Cette proposition de règlement vise à mettre en place un système de collecte de données harmonisées sur les ventes et l'utilisation en agriculture des produits phytopharmaceutiques dans les États membres.

Les données statistiques recueillies permettront de définir des indicateurs de risques précis et d'évaluer, ainsi, les progrès liés à la mise en oeuvre de la stratégie communautaire concernant l'utilisation durable des pesticides.

Les États membres devront fournir tous les ans des données concernant les quantités de produits phytopharmaceutiques mises sur le marché national, détaillées par substance entrant dans la composition de ces produits. Ils devront également communiquer tous les cinq ans les quantités de produits phytopharmaceutiques utilisées en agriculture pendant une campagne agricole, détaillées par substance et par culture ; ces statistiques devront porter sur les principales cultures concernées par les produits phytopharmaceutiques, de façon à couvrir au moins 75 % de la quantité totale de substances mises annuellement sur le marché domestique pour être utilisées en agriculture. Pour chaque culture, les superficies cultivées totales et les superficies traitées avec chaque substance devront être également transmises.

*

* *

Les autorités françaises partagent les objectifs de la Commission européenne visant à la fois à interdire les pesticides les plus dangereux et à réduire, de façon générale, la dépendance de l'agriculture vis-à-vis de ces produits.

La France est le premier utilisateur européen de pesticides et le troisième à l'échelle mondiale. En 2006, environ 70 000 tonnes de pesticides ont été utilisées en France, essentiellement sur les terres agricoles. Cette situation a entraîné une prise de conscience qui s'est traduite, parallèlement à l'élaboration du dispositif communautaire, par l'adoption en juin 2006 d'un plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides portant sur les années 2006 à 2009. De plus, depuis cette date, le Grenelle de l'environnement a relancé le débat sur l'utilisation des pesticides. Les négociations du Grenelle ont finalement abouti à un accord sur le retrait de 30 substances parmi les plus dangereuses dès 2008 (avant d'atteindre une cinquantaine d'ici quatre ans) et sur un objectif de réduction de 50 % de l'usage des pesticides, si possible d'ici dix ans.

Dans ce contexte, l'adoption des propositions de la Commission ne pose pas de difficultés à la France. Le Gouvernement souhaite simplement que les exigences du paquet « pesticides » soient cohérentes avec les autres réglementations communautaires existantes telles que le règlement REACH, la directive Biocides et la directive relative à la qualité de l'eau potable.

Le Parlement européen a examiné ce paquet législatif en octobre dernier. Il a allongé à cette occasion la liste des substances interdites en ajoutant des substances potentiellement immunotoxiques et neurotoxiques et rejeté l'approche de la Commission basée sur les zones géographiques pour l'application du principe de reconnaissance mutuelle. En lieu et place, les députés européens proposent de retenir un système européen unique de reconnaissance mutuelle des autorisations nationales tout en permettant aux États membres, au nom du principe de subsidiarité, de confirmer, rejeter ou limiter l'autorisation accordée par un autre État membre sur la base de leurs besoins agricoles particuliers ou du niveau de protection retenu dans leur plan d'action national concernant les pesticides. L'approche du Parlement européen sur ce dernier point semble plus équilibrée que celle de la Commission, dont la proposition de zonage est par ailleurs contestable en ce qui concerne la France (son appartenance à la zone Sud avec l'Espagne, l'Italie, le Portugal, la Grèce, Chypre et Malte ne manque pas d'étonner alors que son agriculture se rattacherait plus sûrement à celle de la zone Centre).

Eu égard à ces remarques, la délégation a décidé de ne pas intervenir davantage sur ces textes.