COM (2004) 629 final  du 29/09/2004
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 21/12/2006

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 21/10/2004
Examen : 22/06/2005 (délégation pour l'Union européenne)


Politique de coopération

Communication de Mme Colette Melot sur la contribution
de l'Union européenne au développement

Textes E 2726 et E 2867 rectifié
COM (2004) 629 final et COM (2005) 116 final

(Réunion du 22 juin 2005)

Lors d'un récent discours au Mali devant l'assemblée parlementaire paritaire entre l'Union européenne et les pays Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP), le commissaire européen chargé du développement, Louis Michel, déclarait que l'année 2005 serait l'année du développement. De fait, à quelques semaines du sommet des Nations unies qui réunira les chefs d'État et de gouvernement en septembre 2005 à New-York, les initiatives se multiplient pour démontrer que les pays développés, et en premier lieu ceux de l'Union, se mobilisent pour remplir les objectifs dits « du millénaire ».

Quels sont ces objectifs ? Ce sont huit objectifs de développement, définis lors du sommet du millénaire des Nations unies de septembre 2000, qui doivent être réalisés au plus tard en 2015, à savoir : réduire de moitié la pauvreté extrême et la faim dans le monde, réaliser l'enseignement primaire pour tous, favoriser l'égalité entre les sexes, réduire la mortalité infantile des deux tiers, réduire la mortalité maternelle des trois quarts, inverser la propagation du sida, du paludisme et autres grandes maladies, assurer la viabilité de l'environnement et créer un partenariat mondial pour le développement.

Ces objectifs ne peuvent être réalisés sans moyens. Le sommet des Nations Unies a donc été suivi d'une conférence internationale sur le financement du développement, qui s'est tenue à Monterrey au Mexique en mars 2002. D'après les estimations des Nations unies, l'aide publique annuelle au développement nécessaire pour réaliser les objectifs du millénaire s'élèverait à 195 milliards de dollars en 2015. Cette somme correspond à 0,54 % du revenu national brut (RNB) des pays donateurs, et à 0,7 % du RNB si l'on tient compte des aides non directement liées aux objectifs du millénaire.

L'Union européenne a décidé de sa contribution lors du Conseil européen de Barcelone de mars 2002. Elle a pris l'engagement collectif suivant : le niveau moyen de l'aide publique au développement des pays de l'Union passerait de 0,33 % à 0,39 % du RNB entre 2002 et 2006, comme étape vers l'objectif de 0,7 % à l'horizon 2015.

Depuis le sommet de Barcelone, les engagements ont été tenus. De fait, quatre pays membres de l'Union ont déjà atteint ou dépassé l'objectif de 0,7 % (Danemark, Luxembourg, Pays-Bas, Suède), six autres se sont engagés à le réaliser avant 2015 (Belgique, Finlande, France, Irlande, Espagne, Royaume-Uni) et, dans son ensemble, l'Union devrait atteindre une aide publique au développement de 0,42 % du RNB en 2006, soit un pourcentage supérieur à celui visé.

En revanche, d'après les chiffres de la Commission, les nouveaux membres de l'Union ne consacreraient que 0,09 % de leur RNB à l'aide au développement en 2006. Force est de constater le décalage entre les moyens consacrés à l'aide au développement par les anciens et par les nouveaux États membres. C'est en partie pour remédier à ce décalage que la Commission européenne fait aujourd'hui de nouvelles propositions.

Dans la perspective du sommet des Nations Unies de septembre prochain, la Commission présente en effet trois communications sous le titre « accélérer les progrès vers la réalisation des objectifs du Millénaire pour le Développement ». Ces communications sont consacrées respectivement à la contribution de l'Union européenne, au financement du développement et à la cohérence des politiques d'aide.

Les principales propositions de la Commission sont les suivantes :

1. s'engager sur un nouvel objectif individuel d'aide publique au développement en 2010, soit 0,51 % du RNB pour les pays membres de l'Union européenne avant 2004 et 0,17 % du RNB pour les dix pays de l'élargissement, la moyenne collective étant fixée à 0,56 % ;

2. améliorer la qualité de l'aide, par une plus grande coordination et une complémentarité entre les bailleurs européens ;

3. renforcer la cohérence des autres politiques de l'Union avec la politique de développement (commerce, agriculture, environnement) ;

4. accorder la priorité à l'Afrique, en augmentant le volume des ressources qui lui est réservé et la qualité de l'aide.

Les ministres des affaires étrangères des États membres de l'Union ont conclu un accord le 24 mai 2005 sur la base des propositions de la Commission. Cet accord a été entériné par le Conseil européen des 16 et 17 juin derniers. L'objectif est donc d'atteindre une aide égale à 0,56 % du RNB en 2010 pour les quinze anciens États membres et 0,17 % du RNB pour les nouveaux (en 2015, les objectifs sont respectivement de 0,7 % et 0,33% du RNB). Cet engagement est important puisqu'il représente plus de 20 milliards d'euros par an d'aide supplémentaire à l'horizon 2010. L'aide au développement de l'Union européenne passerait ainsi de 46 milliards d'euros en 2006 à 67 milliards d'euros en 2010. Sur ces 67 milliards d'euros, les nouveaux États membres verseraient un peu moins de 1 milliard, soit un pourcentage faible de l'effort total, mais plus du double de ce qu'ils versent aujourd'hui.

Par ailleurs, la priorité à l'Afrique proposée par la Commission européenne est consacrée : les ministres des affaires étrangères ont déclaré que plus de 50 % des ressources supplémentaires d'aide au développement seront consacrées à ce continent. C'est un engagement très positif, pour lequel la France s'est battue.

Le nouvel objectif intermédiaire d'aide au développement est un signal fort adressé par l'Union européenne, mais pourra-t-il être tenu ?

Plusieurs pays, notamment l'Allemagne, l'Italie et le Portugal, ont déjà fait savoir que s'ils avaient mis cet engagement, il fallait aussi tenir compte de l'évolution de leurs finances publiques. De fait, parallèlement à ces annonces, les initiatives pour créer de nouveaux outils de financement du développement se multiplient. Ces instruments financiers sont présentés comme des ressources additionnelles pour l'aide au développement, mais il ne faut pas cacher leur importance pour améliorer les chances de réussite des objectifs du millénaire.

Les nouveaux outils de financement proposés sont d'abord des projets de taxes : taxe sur les armes, sur le kérosène, voire sur les voitures de luxe. Parmi les propositions de nouvelles ressources figure le projet franco-allemand de créer une taxe sur les billets d'avion. C'est le seul projet de taxe qui soit mentionné dans les conclusions du Conseil des ministres de mai 2005. Certains États souhaiteraient que cette taxe, si elle était créée, soit limitée aux États volontaires, ou encore qu'il s'agisse d'une contribution facultative. En tout état de cause, il est certain que ces initiatives se heurtent au souhait de nombreux États membres de ne pas créer de nouvelles impositions, et il est difficile de penser que dans le domaine fiscal où l'unanimité est requise, un consensus puisse être trouvé.

Il faut également rappeler la proposition britannique lancée en janvier 2003 et qui consiste à créer une facilité financière internationale (IFF) qui permettrait de sécuriser les flux d'aide au développement et de s'engager sur des programmes pluriannuels. Chaque État donateur s'engagerait à verser une certaine somme à l'IFF sur 15 ans, et en contrepartie, l'IFF pourrait lever des fonds sur les marchés financiers. Grâce à des instruments financiers innovants et au recours au marché obligataire, il serait possible d'anticiper sur les flux d'aides à venir et donc d'accélérer les versements aux pays les plus pauvres. La Grande-Bretagne espérait pouvoir lever 50 milliards de dollars supplémentaires par an pour l'aide au développement. Cette initiative se heurte cependant à la réticence de nombreux États membres de l'Union et à celle des États-Unis.

Force est donc de constater qu'il n'existe pas, pour le moment, de mécanisme de financement associé ou complémentaire aux engagements pris par l'Union européenne. Les engagements de l'Union reposeront sur les engagements budgétaires individuels des États membres.

Enfin, le tableau ne serait pas complet si je n'évoquais pas le récent accord des ministres des finances du G 8 à Londres, les 10 et 11 juin derniers, pour annuler la dette multilatérale de dix-huit pays pauvres très endettés. Il s'agit de quatorze pays d'Afrique (Bénin, Burkina-Faso, Éthiopie, Ghana, Madagascar, Mali, Mauritanie, Mozambique, Niger, Rwanda, Sénégal, Tanzanie, Ouganda, Zambie) et de quatre pays d'Amérique Latine (Bolivie, Guyana, Honduras, Nicaragua). Cette dette, contractée auprès du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque Mondiale et de la Banque Africaine de développement, représente environ 40 milliards de dollars. Les pays membres du G 8 s'engagent à la rembourser, en capital et en intérêts, auprès des institutions internationales concernées, sur une période d'une dizaine d'années, pour un coût de 1,5 milliard de dollars par an. Le FMI puisera sur son fonds de réserve. Cette annonce précède la réunion formelle du G8 qui aura lieu sous présidence britannique à Gleaneagles, en Écosse, les 6 et 7 juillet prochains.

Cette décision, très attendue par les pays pauvres très endettés, ne devra cependant pas affecter les crédits budgétaires en faveur de l'aide au développement.

*

En conclusion, comme vous l'avez constaté, je n'ai abordé dans cette communication que le thème du financement du développement, qui est un sujet majeur d'actualité. Beaucoup d'autres remarques pourraient encore être faites, sur la coordination et l'efficacité de l'aide notamment, mais cela demanderait de longs développements et une autre communication. La Commission a aussi recommandé que la politique commerciale prenne davantage en compte les intérêts des pays les moins développés et ce thème devrait occuper l'Union dans les mois à venir, sous la présidence britannique. La révision des accords de Cotonou et la négociation des nouveaux accords de partenariat économique (APE) avec les pays d'Afrique, Caraïbes et Pacifique sont autant de rendez-vous pour mesurer nos engagements. Il est en effet évident que la contribution de l'Union au développement ne saurait se résumer au montant de ses aides, tant l'équilibre du commerce international et les relations privilégiées que nous pouvons nouer avec ces États sont essentiels pour leur essor économique de long terme.

Compte rendu sommaire du débat

M. Hubert Haenel :

Je remarque que les pays membres de l'Union européenne ont dépensé 42,9 milliards de dollars en aide au développement en 2004, contre seulement 19 milliards de dollars pour les États-Unis, selon les chiffres de l'Organisation pour la Coopération et le Développement Économique (OCDE). C'est un point qui mérite d'être souligné, car l'aide au développement provenant des pays de l'Union européenne n'est, me semble-t-il, pas assez mise en valeur.

M. Louis de Broissia :

Je trouve en effet nécessaire de souligner l'écart entre l'effort réalisé par les États-Unis et les pays membres de l'Union européenne. Il serait également intéressant de rapporter le volume de l'aide à la population de chaque pays : de ce point de vue, avec une aide au développement de 8,5 milliards de dollars par an, la France fait beaucoup mieux que les États-Unis qui dépensent 19 milliards de dollars par an.

Mme Colette Melot :

Le graphique qui présente le montant de l'aide au développement en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) de chaque pays, permet d'avoir une idée de l'effort réel de chaque État, en fonction de sa richesse nationale.

M. Marcel Deneux :

Je souhaiterais avoir une précision. Un des graphiques montre que la moyenne d'aide au développement des pays donateurs est égale à 0,42 % du PIB, alors que la moyenne d'aide au développement des pays membres de l'Union européenne est égale à 0,36 % du PIB.

Mme Colette Melot :

Cela s'explique par le fait que les pays donateurs ne sont pas seulement des pays membres de l'Union européenne, mais également des pays comme les États-Unis, le Japon, la Norvège ou la Suisse, dont les montants d'aide au développement sont pris en compte par l'OCDE.

M. Bernard Frimat :

Vous nous avez présenté la contribution au développement des États membres de l'Union européenne. Toutefois, je ne pense pas que l'addition de politiques d'aide au développement nationales fasse une politique européenne. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le montant et l'efficacité de l'aide au développement de l'Union elle-même ?

Mme Colette Melot :

La rubrique « actions extérieures » du budget de l'Union, qui comprend l'aide au développement, représente 5 milliards d'euros par an. Il existe par ailleurs le Fonds européen de développement (FED), de l'ordre de 3 milliards d'euros par an, mais qui n'est pas budgétisé. Pour ce qui concerne la consommation des crédits, et l'efficacité des aides, ce sujet est d'une importance toute particulière et mériterait une prochaine communication.

M. Louis de Broissia :

Vous nous avez présenté l'aide au développement des États membres de l'Union mais vous serait-il possible de nous faire aussi le point sur les coopérations décentralisées ? Il me semble que la contribution des collectivités territoriales aux projets de développement est devenue essentielle.

M. Marcel Deneux :

Il serait également intéressant de connaître les flux commerciaux et financiers entre les pays développés et les pays en voie de développement. Dans mes fonctions passées à la Banque de France, j'avais pu constater l'ampleur des flux financiers des pays africains vers les pays de l'Union européenne, qui représentaient de l'ordre de 30 milliards d'euros par an.

M. Hubert Haenel :

L'ensemble de ces questions montre l'importance du sujet que notre collègue Colette Melot nous a présenté aujourd'hui. Je vous propose que tous les points que vous avez évoqués soient intégrés dans une prochaine communication, qui pourrait avoir lieu après la conférence des Nations unies en septembre prochain à New York.


Source : OCDE, 11 avril 2005

Source : OCDE, 11 avril 2005