COM (2003) 827 final  du 23/12/2003

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 21/01/2004
Examen : 02/07/2004 (délégation pour l'Union européenne)


Recherche et propriété intellectuelle

Litiges relatifs au brevet communautaire

Textes E 2489 et E 2490

(Procédure écrite du 2 juillet 2004)

Ces deux textes E 2489 et E 2490 consistent, d'une part, en une proposition de décision du Conseil attribuant à la Cour de justice des communautés européennes la compétence pour statuer sur les litiges relatifs au brevet communautaire et, d'autre part, en une proposition de décision du Conseil instituant le Tribunal du brevet communautaire, chambre juridictionnelle spécialisée au sein de la Cour de justice, adjointe au Tribunal de première instance.

La proposition de décision E 2489 attribuerait à la Cour de justice des communautés européennes la compétence pour connaître de certains litiges relatifs au brevet communautaire, à savoir les accusations de contrefaçon de brevet communautaire, les contestations de validité et les litiges relatifs à l'utilisation de l'invention après la publication de la demande de brevet. La Cour de justice pourrait ordonner des mesures provisoires, accorder des dommages-intérêts ou infliger des astreintes.

Ces dispositions sont prises en application de l'article 229 A du Traité des Communautés européennes qui dispose que le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut attribuer à la Cour de justice la compétence pour statuer sur des litiges liés à l'application d'actes qui créent des titres communautaires de propriété industrielle.

La proposition de décision E 2490 institue, au sein de la Cour de justice, une chambre juridictionnelle spécialisée, dénommée Tribunal du brevet communautaire, composée de sept juges. Ce tribunal serait adjoint au Tribunal de première instance, au sein duquel serait également créée une chambre d'appel spécialisée, composée de trois juges, pour connaître des pourvois formés contre les décisions du Tribunal du brevet communautaire.

Le Tribunal de première instance devrait donc connaître des litiges en matière de brevet communautaire en deuxième et dernier ressort, sauf réexamen exceptionnel par la Cour de justice, sur demande du premier avocat général, en cas de risque sérieux d'atteinte à l'unité et à la cohérence du droit communautaire.

Ces dispositions sont conformes à l'article 225 A du Traité des Communautés européennes, qui dispose que le Conseil, statuant à l'unanimité, peut créer des chambres juridictionnelles chargées de connaître en première instance de certaines catégories de recours formés dans des matières spécifiques. En application de ce même article, les décisions des chambres juridictionnelles peuvent faire l'objet d'un pourvoi limité aux questions de droit ou, lorsque la décision portant création de la chambre le prévoit, d'un appel portant également sur les questions de fait, devant le Tribunal de première instance.

Ces deux textes ont donc pour objet de compléter les initiatives de la Commission européenne relatives à la création du brevet communautaire.

Il faut rappeler que, en juillet 2000, la Commission a présenté une proposition de règlement instituant un brevet communautaire.

En effet, en application de la convention sur la délivrance de brevets européens, dite « Convention de Munich » signée octobre 1973, il existe une procédure unique de délivrance des brevets européens, confiée à l'Office européen des brevets (OEB), mais une fois le brevet délivré, celui-ci devient un brevet national, opposable dans les seuls pays pour lesquels il a été sollicité, et soumis aux règles juridiques locales de chacun des États contractants. En cas de litige, chacun applique son droit et ses procédures avec les risques de contradictions de jurisprudence qui en découlent.

La Commission européenne a donc proposé de créer un système du brevet communautaire ayant un caractère unitaire, c'est-à-dire produisant des effets équivalents sur l'ensemble du territoire de l'Union, en matière de délivrance, de transfert, d'annulation ou d'extinction. Des dispositions de cette proposition visaient la réduction du nombre de traductions, et donc du coût du brevet, ainsi que l'institution d'une juridiction communautaire centralisée susceptible d'assurer l'unicité du droit et la cohérence de la jurisprudence. Les textes E 2489 et E 2490 visent précisément à mettre en oeuvre cette juridiction centralisée.

Dans une résolution adoptée le 31 octobre 2001, le Sénat s'était déclaré « très favorable à l'adoption d'un dispositif commun de délivrance de brevet valable, en une procédure unique, sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne », tout en soulignant une réserve quant à « la préservation de l'usage de la langue française comme langue officielle des brevets communautaires, comme des brevets européens ».

Il avait également considéré « qu'une juridiction communautaire centralisée et techniquement qualifiée constitue une solution appropriée pour assurer la sécurité juridique des brevets communautaires dès la première instance, dès lors que sa compétence se limite aux questions de validité de ceux-ci et de leur protection contre la contrefaçon ».

Enfin, il s'était déclaré « opposé à toute forme de sous-traitance aux offices nationaux, afin de conserver intact le rôle de l'Office européen des brevets et d'assurer une véritable cohérence communautaire ».

Près de quatre ans après la proposition de la Commission, aucun accord n'a cependant été trouvé sur le brevet communautaire, au point que la Commission européenne s'interroge sur le retrait de sa proposition.

Dans ses conclusions, le Conseil européen de Bruxelles des 17 et 18 juin derniers a déploré qu'un accord à l'unanimité n'ait pu être dégagé sur l'adoption du règlement relatif au brevet communautaire et il a estimé qu'il conviendrait de mettre à profit une période de réflexion afin d'étudier la manière de faire avancer ce dossier, compte tenu de l'adhésion de tous les États membres au principe d'un brevet communautaire.

Compte tenu du blocage de la proposition de règlement instituant le brevet communautaire, dont les dispositions des deux présents textes constituent un complément, la délégation a décidé de ne pas intervenir davantage sur ces textes.