Date d'adoption du texte par les instances européennes : 05/06/2003

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 24/06/2003
Examen : 10/06/2003 (délégation pour l'Union européenne)


Politique étrangère et de sécurité commune

Communication de M. Hubert Haenel sur une action commune relative à l'opération militaire de l'Union européenne
en République démocratique du Congo

Texte E 2317

(Réunion du 10 juin 2003)

Mardi dernier, le ministère des Affaires étrangères m'a fait parvenir le projet d'action commune qui devait être adopté par le Conseil de l'Union jeudi à propos de l'opération militaire européenne en République démocratique du Congo.

Si j'ai souhaité évoquer ce texte devant la délégation, ce n'est pas parce qu'il paraît nécessaire d'engager un débat entre nous sur son bien-fondé. Nous sommes en effet là dans un domaine tout à fait consensuel puisqu'il s'agit, pour l'Union européenne, de mener une action militaire reposant sur une force multinationale intérimaire d'urgence fournie en réponse à une demande du secrétaire général des Nations unies et en application du mandat prévu par la résolution adoptée par le Conseil de sécurité le 30 mai dernier.

Toutefois, cette action est une première puisqu'il s'agit, pour l'Union européenne, de mener une action militaire sans recourir aux moyens et capacités de l'OTAN.

Sans doute l'Union a-t-elle déjà pris en charge une première opération militaire, l'opération « Concordia » en Macédoine, qui consistait en une relève de l'OTAN, mais cette première opération s'est faite en utilisant les moyens et capacités de l'OTAN. De plus, cette opération se déroulait sur le territoire européen.

Nous avons donc une double novation : c'est une opération militaire menée par l'Union européenne hors du continent européen et sans les moyens, et par là même la tutelle, de l'OTAN. Il va de soi cependant que cette opération doit s'accompagner d'une transparence totale entre l'Union européenne et l'OTAN.

Les caractéristiques de cette action sont les suivantes :

- selon la résolution du Conseil de sécurité, le terme de cette action est fixé au 1er septembre 2003 puisqu'il s'agit seulement de mettre en place une force intérimaire d'urgence en attendant le renforcement de la mission de l'Organisation des Nations unies en République du Congo (MONUC) ;

- selon les termes mêmes de la résolution du Conseil de sécurité, la force multinationale doit, à Bunia, stabiliser les conditions de sécurité et améliorer la situation humanitaire, assurer la protection de l'aéroport et des personnes déplacées se trouvant dans les camps et, si la situation l'exige, assurer la sécurité de la population civile, du personnel des Nations unies et des organisations humanitaires dans la ville ;

- la France est désignée comme « nation-cadre » pour cette opération qui est baptisée « Artémis » ;

- Javier Solana, le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, assurera le contact avec les Nations unies, les autorités de la République démocratique du Congo et des pays voisins, ainsi qu'avec les autres participants au processus de paix ;

- le Comité politique et de sécurité (COPS), qui est l'organe permanent constitué d'ambassadeurs représentants des États membres, exercera le contrôle politique et la direction stratégique de l'opération ; il recevra régulièrement des rapports du président du Comité militaire sur la conduite de l'opération. Le COPS fera rapport au Conseil des ministres des Affaires étrangères ;

- le commandant d'opération, le général Neveux, fera rapport au Comité militaire de l'Union européenne qui surveillera l'exécution de l'opération ; l'État-major d'opération sera situé au Centre de Planification et de Conduite des Opérations (CPCO) à Paris ; le commandant de la force sera le général Thonier.

Je souligne que, à la suite de la demande du secrétaire général des Nations unies, l'Union a réussi à adopter cette action en un temps record.

On ne connaîtra que demain la liste des États membres qui contribueront à cette force qui devrait atteindre environ 1 700 hommes, mais il devrait y avoir une majorité des quinze, avec notamment la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la Belgique, l'Italie, l'Espagne, la Grèce, la Suède. Je note d'ailleurs que, dans beaucoup de ces pays, la décision de participer à la force de stabilisation sera soumise à un vote du parlement.

La contribution de la France devrait représenter à peu près la moitié des forces totales puisqu'elle envisage d'envoyer entre 700 et 900 personnes et qu'elle devrait fournir, en outre, une « force aérienne de projection » ainsi qu'un « appui-chasse ».

Enfin, des pays tiers, non membres de l'Union européenne, devraient se joindre à cette opération. On évoque le Canada, l'Afrique du sud, le Sénégal, le Brésil, l'Éthiopie, etc.

C'est demain que devraient être connues plus précisément les modalités de cette opération, notamment les participants, au cours d'une « conférence de génération des forces » qui se tiendra à Paris.

J'ajoute que cette opération ne sera pas dénuée de risques militaires car la force multinationale devra faire face à des groupes très bien équipés, notamment en missiles sol-air et en blindés.

Compte rendu sommaire du débat

M. Pierre Fauchon :

Cette initiative très intéressante, dont vous nous avez exposé les modalités de mise en oeuvre, me paraît être d'une grande force symbolique dans le contexte actuel. Nous nous trouvons donc dans la situation d'être mandatés, mais par qui ?

M. Hubert Haenel :

Le mandat est confié par le Conseil de sécurité sur la base du chapitre VII de la Charte des Nations unies.

M. Pierre Fauchon :

S'agit-il de la première expérience de ce genre ?

M. Hubert Haenel :

L'opération « Concordia », lancée en mars dernier en Macédoine, était fondée sur la résolution 1371 du Conseil de sécurité des Nations unies. Toutefois, comme je vous l'indiquais, elle se déroule sur le territoire européen et avec l'appui des moyens de l'OTAN, ce qui lui donne un tout autre contenu. Dans le même ordre d'idée, mais dans un contexte différent, l'Union européenne a pris la relève du groupe international de police des Nations unies en Bosnie-Herzégovine, le 1er janvier 2003, dans le cadre d'une mission de police assurée par les quinze États membres et dix-huit autres pays.