COM (2002) 600 final  du 06/11/2002

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 21/11/2002
Examen : 10/12/2002 (délégation pour l'Union européenne)


Politique agricole et de la pêche

Intervention de M. Jacques Oudin sur les négociations
concernant la politique commune de la pêche

Texte E 2136 - COM (2002) 600 final

(Réunion du mardi 10 décembre 2002)

M. Hubert Haenel :

Vous m'avez indiqué que vous souhaitiez compléter votre communication par quelques mots sur l'état des discussions sur la réforme de la politique commune de la pêche (PCP).

M. Jacques Oudin :

En effet, une des conséquences catastrophiques du naufrage du Prestige concerne les possibilités de pêche dans la zone concernée. C'est pourquoi je crois utile d'évoquer aujourd'hui l'état des discussions concernant la réforme de la politique commune de la pêche, d'autant que le Conseil Agriculture/Pêche de la semaine prochaine devrait être déterminant.

· Lorsque nous avons examiné le projet de réforme de la PCP, en juillet dernier, nous avons adopté des conclusions mettant l'accent sur quelques points :

- le maintien du principe de la stabilité relative, selon lequel les totaux admissibles de capture (TAC) sont répartis en quotas nationaux en fonction de références historiques :

l'harmonisation des contrôles et des sanctions, car à l'heure actuelle l'intensité des contrôles est très variable, et les sanctions ne sont pas toujours prononcées quand elles seraient justifiées ;

- le maintien des aides publiques au renouvellement et à la modernisation des flottes ;

- la fixation des TAC, à l'issue d'une véritable concertation, avec un débat contradictoire, sur le plan scientifique, et une consultation des professionnels ;

- la limitation de la pêche minotière, qui constitue un prélèvement important sur la ressource halieutique ;

- enfin, la reconnaissance du rôle de la pêche dans l'aménagement équilibré du territoire.

Ces différents points nous avaient conduits à soutenir le Gouvernement dans son opposition à la réforme radicale proposée par la Commission, qui avait essentiellement pour objectif une réduction drastique des capacités de pêche (retrait de 8 600 navires conduisant à la disparition de quelque 28 000 emplois). Cet objectif a été confirmé dans une récente communication de la Commission européenne (E 2136).

· Où en est-on aujourd'hui des discussions ?

Jusqu'à présent, le groupe des « amis de la pêche » regroupant six États membres a continué à former une minorité de blocage (Espagne, France, Grèce, Irlande, Italie, Portugal). Les discussions ont peu progressé, sauf en ce qui concerne le renforcement des contrôles pour lequel une formule d'« inspections croisées » est à l'étude. Les points les plus sensibles de la négociation restent l'accès aux zones de pêche et les aides publiques à la modernisation et au renouvellement de la flotte.

Des points importants à nos yeux, comme l'amélioration des avis scientifiques et la limitation de la pêche minotière, n'ont guère de place dans les discussions. L'aspect le plus préoccupant est que le groupe des « amis de la pêche » risque de se fissurer sur la question de l'accès aux zones de pêche. Après la catastrophe du Prestige, l'Espagne risque de relancer ses revendications d'accès à de nouvelles zones de pêche, notamment la zone irlandaise. La France, qui est favorable au statu quo, se trouve en position inconfortable entre deux alliés qui n'ont pas les mêmes intérêts.

Enfin, la Commission a proposé un plan drastique de réduction de la pêche du cabillaud en mer du Nord. Ce plan prévoit une diminution de 80 % des captures autorisées.

On voit qu'entre le naufrage du Prestige et la volonté de réduire très fortement les capacités de pêche, le monde de la mer se trouve doublement sinistré. Le Sénat se doit d'appuyer totalement la démarche de fermeté qu'a eue jusqu'à présent le Gouvernement sur le dossier de la pêche, de manière à ne pas pousser toute une profession au désespoir.

Un élément particulièrement important, dans une optique à long terme, est de remédier à l'insuffisance notoire des protocoles de recherche et d'analyse. Aussi longtemps que les études scientifiques sur l'évolution de la ressource resteront aussi limitées qu'aujourd'hui, il ne sera pas possible de réguler l'effort de pêche sur une base rationnelle et acceptable par tous.