COM (2002) 410 final  du 24/07/2002

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 19/09/2002
Examen : 25/03/2003 (délégation pour l'Union européenne)
Document retiré par la Commission le 17 mars 2006


Fiscalité

Régime fiscal du gazole

Texte E 2093 - COM (2002) 410 final

(Procédure écrite du 25 mars 2003)

Le texte E 2093 vise à modifier les directives du 19 octobre 1992 qui définissent le cadre de taxation des carburants. La Commission européenne propose de découpler la structure de taxation du gazole en fonction de l'usage professionnel ou non de ce carburant, afin, d'une part, d'harmoniser les accises sur le gazole professionnel, et, d'autre part, de relever le taux minimum appliqué au gazole à usage non professionnel afin de le rapprocher de celui appliqué à l'essence.

Trois principales catégories de taxes existent dans le domaine des transports selon qu'elles sont liées à l'acquisition, à la possession ou à l'utilisation d'un véhicule. La sixième directive TVA prévoit que les produits pétroliers sont soumis au taux normal minimum de 15 %. Dans le domaine des accises (droits spécifiques fixes par quantité physique du produit), les directives de 1992 prévoient un taux d'imposition minimal pour chaque huile minérale en fonction de son utilisation comme carburant, pour un usage industriel et commercial, ou pour le chauffage. Les taux minima d'accises n'ont pas été réévalués depuis 1992 et sont fixés à 337 euros par 1 000 litres pour l'essence au plomb, 287 pour l'essence sans plomb, et 245 pour le gazole.

En pratique, les taux effectifs de taxation sont très différents selon les États membres :

En euros / 1 000 litres
en février 2002

Gazole

Grèce

245

Luxembourg

253

Portugal

272

Autriche

282

Belgique

290

Espagne

294

Irlande

302

Finlande

305

Suède

337

Pays-Bas

345

Danemark

370

France

376

Italie

403

Allemagne

440

Royaume-Uni

742

Tous les États membres taxent davantage l'essence que le gazole, à l'exception du Royaume-Uni qui les taxe de manière identique. Ceci s'explique par le fait que, à la fin des années quatre-vingts, l'essentiel de la consommation de gazole provenait des activités de transport routier professionnel et qu'il ne fallait pas mettre en péril l'équilibre économique et financier de ce secteur, alors même que les prix à la consommation du gazole, hors droits et taxes, sont légèrement supérieurs à ceux de l'essence.

Depuis 1992, certaines différenciations de taux d'accises applicables au gazole ont été introduites par quelques États membres en fonction du tonnage ou du type de transport, comme, en France, la ristourne sur la TIPP pour les transporteurs routiers. De plus, les marchés ont été libéralisés pour le transport de marchandises et le transport occasionnel de passagers.

Le poste « carburants », incluant les taxes, représente en moyenne entre 15 et 20 % des coûts d'exploitation des entreprises de transport routier de marchandises, ce pourcentage augmentant avec la taille du véhicule. Pour les entreprises de transport routier de personnes, ce taux s'élève en moyenne à 10-15 %.

Dans le contexte de marchés libéralisés, avec une concurrence accrue, les différences de coûts d'exploitation liées aux impôts et taxes deviennent plus sensibles. Une étude de l'OCDE de 1997 évoque d'ailleurs des phénomènes de « tourisme pétrolier » ou de « planning fiscal » qui révèlent que certains camions font parfois de grands détours pour se ravitailler là où les taxes sont les plus basses.

Le manque d'harmonisation des taux d'accises provoque ainsi des distorsions de concurrence ayant des conséquences défavorables pour le marché intérieur et pour la protection de l'environnement. Cette distorsion est marginale pour les usages privés, mais forte pour les usages professionnels. C'est pourquoi la Commission européenne propose de découpler les régimes de taxation du gazole selon son usage. L'usage professionnel s'appliquerait, d'une part, aux véhicules de transport de marchandises de plus de 16 tonnes qui seuls, selon la Commission, opèrent sur les marchés internationaux, et, d'autre part, aux véhicules de transport de passagers aptes à transporter plus de neuf personnes.

Pour le gazole professionnel, la Commission propose de fixer un taux pivot communautaire et une marge de fluctuation progressivement décroissante jusqu'en 2010. Les taux effectifs appliqués par les États membres devraient s'inscrire dans cette marge de fluctuation autour du taux pivot qui serait fixé à 350 euros pour 1 000 litres au 1er janvier 2003. La France se situe actuellement proche de ce chiffre. Chaque année, le taux pivot serait indexé sur l'inflation, avec une augmentation maximale de 2,5 %. Le montant proposé pour ce taux pivot obligerait la plupart des États membres à relever leurs taux d'accises. Le Royaume-Uni devrait en revanche réduire très fortement son taux pour ce gazole professionnel.

Par ailleurs, la Commission souhaite inciter les États membres à faire converger, à terme, la taxation du gazole non professionnel vers celle de l'essence, car l'impact sur l'environnement ne justifie pas de maintenir une différence entre les taxes pesant sur les véhicules pour passagers selon qu'ils consomment du diesel ou de l'essence. Le taux minimum d'accises de ce gazole convergerait vers celui de l'essence sans plomb, mais les États membres conserveraient une grande liberté pour fixer les taux effectifs.

La Commission souhaite utiliser la fiscalité pour s'attaquer aux sources de pollution diffuses, comme les émissions des véhicules automobiles, et internaliser les coûts externes. Les voitures, les camions et les avions possèdent en effet les coûts externes (accidents, bruit, pollution de l'air, changement climatique...) les plus élevés par unité transportée. Selon la Commission, cette proposition devrait favoriser une restructuration des systèmes nationaux de taxation de l'automobile au sens large et devrait être rapidement complétée par une directive-cadre relative à la tarification des infrastructures dont le projet n'a pas encore été adopté par la Commission.

Les fédérations de transporteurs routiers se sont félicités de la proposition de la Commission, dans le sens où elle harmonise d'ici à 2010 la fiscalité du gazole professionnel dans toute l'Union. La France est d'ailleurs plutôt favorable à ce texte. Cependant, plusieurs États membres s'opposent même à sa discussion, si bien que son examen n'est pas prévu dans le calendrier des travaux du Conseil. Présenté par la Commission en juillet 2002, ce texte n'a été évoqué qu'une fois en groupe de travail du Conseil.

Dans ce contexte, la délégation a estimé qu'il était pour le moment inutile d'intervenir plus avant dans l'examen d'un texte dont les chances d'adoption sont à l'heure actuelle très faibles.