COM (2002) 300  du 30/04/2002
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 19/12/2002

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 13/06/2002
Examen : 09/07/2002 (délégation pour l'Union européenne)
Annexe I : volume 8, section VII - Comité des régions

Annexe II : Office européen de recrutement

Annexe III : Etat général des recettes

Annexe IV : volume 7, section VI - Comité économique et social européen

Annexe V : volume 5, section IV - Cour de justice

Annexe VI : volume 4, tome I, section III : Commission

Annexe VII : volume 4, tome II, section III : Commission

Annexe VIII : Volume 0 - Introduction générale

Annexe IX : Volume 1, A. Financement du budget général, B. Etat général des recettes, C. Effectifs, D. Patrimoine immobilier

Annexe X : Volume 4 - Tome III, section III avec annexes de 1 à 5

Annexe XI : Volume 6 - Section V - Cour des comptes

Annexe XII : Volume 9 - Section VIII - Médiateur européen et contrôleur européen de la protection des données

Annexe XIII : Volume 2 - Section I - Parlement


Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : voir le dossier legislatif


Budget

Communication de M. Denis Badré sur l'avant-projet de budget des Communautés européennes pour l'exercice 2003

Texte E 2030

(Réunion du 9 juillet 2002)

Conformément à la nouvelle procédure budgétaire qui avait été appliquée l'an dernier pour la première fois, un débat d'orientation politique a eu lieu le 5 décembre 2001, à la suite duquel la Commission a adopté le 27 février 2002 une décision de stratégie politique annuelle, dans laquelle elle identifie trois grands objectifs prioritaires pour 2003 :

- la préparation à l'élargissement, qui recouvre notamment le renforcement des capacités administratives et judiciaires des futurs États membres, la réalisation d'investissements en infrastructures de transport, l'engagement des travaux de programmation des fonds structurels et de développement rural, les préparatifs administratifs et linguistiques des organes communautaires ;

- la stabilité et la sécurité, qui recouvre notamment la lutte contre la criminalité et le terrorisme, la sécurité des transports, celle des transactions financières, le contrôle des frontières extérieures de l'Union, la relance du partenariat euro-méditerranéen, la stabilisation des Balkans et les partenariats avec les pays européens non candidats ;

- le développement durable, qui conjugue le développement économique avec le respect de l'environnement et la dimension sociale, et recouvre notamment la réalisation du marché intérieur des services dans les secteurs de l'énergie, des transports et des télécommunications, le renforcement de la coordination des politiques économiques des États membres, la réalisation de la société de l'information pour tous, la recherche de la durabilité pour les politiques de l'agriculture, de la pêche, des transports et de l'énergie.

Comme l'an dernier, le Conseil et le Parlement européen ont chacun tenu un débat d'orientation budgétaire dans le courant du mois de mars, ce qui permet à la Commission de prendre en considération leurs avis pour l'élaboration de l'avant-projet de budget, qu'elle a adopté le 30 avril dernier.

Comme chaque année, les documents budgétaires nous ont été transmis avec un retard considérable par rapport à la date de leur adoption formelle, puisqu'ils n'ont été communiqués que le 5 juin dernier. Toutefois, il serait sans doute souhaitable de rattacher d'une manière ou d'une autre leur discussion au débat d'orientation budgétaire national qui a traditionnellement lieu au mois de juin, même si nous en avons été exceptionnellement privés cette année pour cause d'élections. En effet, ce débat constitue une occasion unique de dialoguer en séance publique avec le ministre du Budget.

I.   UN BUDGET POUR UNE FOIS EN AUGMENTATION MODÉRÉE

Rompant avec la tendance des exercices antérieurs, l'avant-projet de budget communautaire est présenté en hausse modérée : les crédits d'engagement s'élèvent à 100 milliards d'euros, soit une augmentation de 1,4 % seulement par rapport à 2002, tandis que les crédits de paiement s'élèvent à 98,2 milliards d'euros, soit une augmentation de 2,7 % par rapport à 2002.

Les rubriques qui enregistrent les plus fortes augmentations sont les dépenses administratives (+ 5,2 %), les politiques internes (+ 2,4 %) et les actions extérieures (+ 2,3 %).

Pour les crédits de politique interne, en dehors du programme-cadre de recherche et de développement (PCRD), les postes de dépenses principaux sont les suivants :

- les réseaux transeuropéens de transport (629 millions d'euros, + 7,5 %), avec un accent mis sur les infrastructures transfrontalières dans les régions voisines des pays candidats ;

- les programmes Socrates (263 millions d'euros, + 5,2 %), Jeunesse (81 millions d'euros, + 12,5 %) et Leonardo (175,7 millions d'euros, + 11,9 %) ;

- les dépenses de communication (92 millions d'euros, - 19,1 %), l'information sur l'élargissement ne prenant pas complètement le relais de l'information sur l'euro ;

- les dépenses de coopération en matière de justice et d'affaires intérieures (101,8 millions d'euros, en reconduction par rapport à 2002).

Pour les crédits d'actions extérieures, les principales évolutions sont les suivantes :

baisse sensible des crédits d'engagement consacrés aux Balkans occidentaux (690 millions d'euros, - 9,6 %), en raison de la diminution de l'aide au Kosovo, qui sort de la phase d'urgence et de reconstruction, et n'est que partiellement compensée par l'augmentation de l'aide à la Serbie et au Monténégro ;

- augmentation du programme TACIS en Europe orientale, Caucase et républiques d'Asie centrale (509 millions d'euros, + 5,4 %) et du programme MEDA en région méditerranéenne (932 millions d'euros, + 5,3 %). A noter que l'aide financière promise par l'Union européenne au Sommet de Barcelone pour appuyer le processus de paix au Moyen-Orient n'est pas budgétée, mais sera mobilisée « en utilisant soit la marge, soit d'autres moyens disponibles, lorsque la situation sur le terrain le permettra » ;

- augmentation plus forte des interventions communautaires en Asie (546 millions d'euros, + 11,9 %), qui s'explique principalement par l'aide au processus de reconstruction de l'Afghanistan ;

- forte augmentation des crédits PESC, qui demeurent toutefois à un niveau modeste en valeur absolue (40 millions d'euros, + 33,3 %), afin de mettre en place le potentiel opérationnel de l'Union dans la gestion civile des crises décidé au Sommet de Laeken.

Les dépenses d'actions structurelles sont présentées en quasi stagnation en crédits d'engagement, avec une hausse de + 0,5 % seulement, mais augmentent de 4,4 % en crédits de paiement. Selon la Commission, la résorption des restes à liquider hérités des exercices antérieurs justifie le paiement de 7,9 milliards d'euros en 2003.

Au total, la hausse proposée pour le budget communautaire en 2003 serait pour une fois moins rapide que celle de la moyenne des budgets nationaux : + 2,7 % contre + 3,4 %. Pour mémoire, le plafond des perspectives financières autoriserait une augmentation de 3,8 %. La conséquence de cette modération inusitée est que la part du budget communautaire dans le total des PIB des États membres devrait diminuer de 1,05 % en 2002 à 1,03 % en 2003.

Même si l'on ne peut exclure que le Parlement européen se livre encore à la surenchère dont il est coutumier, la discussion du budget communautaire semble s'engager sur des bases raisonnables cette année. Nous sommes loin des psychodrames des discussions budgétaires précédentes, au cours desquelles la Commission avait même parfois défendu la nécessité d'une révision des perspectives financières.

Les prochaines étapes de la procédure budgétaire sont les suivantes :

- procédure de conciliation entre les trois institutions communautaires le 11 juillet ;

- première lecture au Conseil Ecofin du 19 juillet ;

- première lecture au Parlement européen le 21 octobre.

Les secondes lectures débouchent sur une adoption définitive par le Conseil le 16 décembre.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS

1. Une modération résultant surtout d'économies de constatation

On doit se féliciter que l'avant-projet de budget présenté par la Commission européenne respecte, en crédits d'engagement, le cadre des perspectives financières et soit modéré en crédits de paiement. Mais il ne faut pas s'y tromper : cette modération résulte moins d'un véritable effort d'économie, que de l'accumulation d'effets d'aubaines involontaires et non reconductibles.

Ainsi, la suppression de la réserve monétaire agricole, d'un montant de 250 millions d'euros, se traduit par une diminution de 35,8 % de la rubrique 6, qui regroupe les crédits de réserve. Cette suppression avait été décidée lors du sommet de Berlin en 1999, mais ne prend effet qu'à compter de l'exercice 2003.

De même, la faible progression des dépenses agricoles de marché, qui n'augmentent que de 1,9 %, s'explique en partie par le retour à un niveau plus normal des crédits consacrés à la lutte contre l'encéphalite spongiforme bovine et la fièvre aphteuse, alors que ceux-ci avaient été gonflés au cours des exercices précédents par des budgets rectificatifs et supplémentaires.

La modestie de la progression des dépenses agricoles s'explique aussi par une volonté d'affichage de la Commission qui, à ce stade de la procédure, a délibérément choisi d'ignorer l'évolution récente du cours de l'euro par rapport au dollar, et a refusé de prendre en compte les répercussions prévisibles du « Farm Bill » américain. Mais cette modération n'a pas vraiment de portée, puisque de toute façon il s'agit de dépenses obligatoires dont le niveau est ajusté à l'automne en fonction de l'exécution réellement constatée en cours d'exercice.

Enfin, l'exercice 2003 correspond à l'année de lancement du sixième PCRD. Traditionnellement, les crédits de paiement sont fixés en première année de programmation à un niveau sensiblement inférieur à celui qu'ils atteindront ensuite en régime de croisière. Or, les crédits de recherche représentent près des deux tiers de la rubrique 3, consacrée aux politiques internes, qui par conséquence est présentée en diminution de 0,4 % en crédits de paiement (mais elle progresse de 2,4 % en crédits d'engagement).

Alors que les facteurs qui expliquent la faible progression des crédits ne sont pas de véritables économies, certaines tendances poussant à la dépense sont toujours présentes.

2. Le problème récurrent des restes à liquider

Sous couvert d'une hausse modérée, l'avant-projet de budget pour 2003 masque le problème récurrent des restes à liquider. Ceux-ci concernent depuis longtemps les crédits d'actions structurelles de la rubrique 2, où le reste à liquider s'élève à 9,9 milliards d'euros, mais commencent aussi à s'accumuler au sein de la rubrique 7 consacrée aux dépenses de préadhésion.

Face à cette question, la Commission, soutenue par le Parlement européen, considère que la solution consiste à accroître les crédits de paiement afférents : ainsi, les fonds structurels progressent de + 4,4 % et les crédits de préadhésion augmentent de + 10,1 %. Pour sa part, le Conseil estime qu'il conviendrait d'abord de fixer les crédits d'engagement à un niveau plus réaliste. La situation tend plutôt à s'aggraver, puisque le solde excédentaire d'exécution, qui était de 11 milliards d'euros pour l'exercice 2000, a atteint 15 milliards d'euros pour l'exercice 2001.

3. Le dépassement des perspectives financières pour les dépenses administratives

Comme l'an dernier, les dépenses administratives et de personnel constituent le poste en plus forte augmentation, et dépassent le plafond qui leur a été assigné par les perspectives financières.

Toutefois, cette année, la Commission ne justifie plus ses demandes par la réorganisation de ses services, mais par la préparation de l'élargissement. A ce titre, elle demande la création de 500 postes supplémentaires et les investissements immobiliers nécessaires pour accueillir 10 nouveaux Commissaires au 1er janvier 2004, ce qui explique l'augmentation de 5,5 % des dépenses administratives. Les autres institutions ne sont pas en reste, puisque le budget de la CJCE est présenté en augmentation de 5,8 % et celui du Conseil en augmentation de 11,6 %.

Au total, la rubrique 5 dépasse le plafond des perspectives financières de 66 millions d'euros. La Commission fait valoir que, au sommet de Berlin, des crédits supplémentaires n'avaient été prévus pour l'élargissement qu'à compter de 2004, alors que celui-ci entraîne des frais dès l'exercice précédent. En conséquence, elle propose de couvrir ces besoins excédentaires en recourant à l'instrument de flexibilité. Mais tant le Conseil que le Parlement européen y sont opposés, car cela détournerait cet instrument de sa finalité, qui est de financer des dépenses imprévues et exceptionnelles.

Il est donc vraisemblable que, à l'issue de la discussion budgétaire, les dépenses administratives liées à l'élargissement seront financées par redéploiement sous le plafond des perspectives financières. Mais cette première tentative de dépassement augure mal de ce que sera la négociation budgétaire dans le contexte de l'élargissement.

En effet, l'un des effets budgétaires de l'élargissement sera de rouvrir à la discussion le niveau du plafond de toutes les rubriques des perspectives financières. Même si celles-ci courent jusqu'à 2006, l'adhésion des nouveaux États membres se traduira par la répartition des dépenses de préadhésion de la rubrique 7 entre toutes les autres rubriques. Cette réattribution ne se fera pas forcément de manière linéaire, et peut donc se prêter à tous les marchandages imaginables.

Le budget 2003 est donc le dernier à s'inscrire dans le cadre des perspectives financières définies à Berlin en 1999, avant les modifications entraînées par l'élargissement qui interviendront dès 2004 et prendront toute leur ampleur en 2006, avec la définition de nouvelles perspectives financières.

III. LA NOUVELLE PRÉSENTATION PAR DOMAINES POLITIQUES

La procédure budgétaire pour 2003 est encore fondée sur la nomenclature budgétaire traditionnelle, qui fait référence aux sept rubriques des perspectives financières. Parallèlement, pour la troisième année consécutive, l'avant-projet est aussi présenté selon la méthode d'établissement du budget sur la base des activités (EBA). La Commission compte basculer définitivement vers cette nouvelle présentation l'an prochain, pour le budget 2004. Elle avait d'ailleurs déjà annoncé ce basculement l'an dernier, pour le budget 2003.

Les missions de la Commission sont réparties en quelques deux cents activités, qui sont elles-mêmes regroupées en trente domaines politiques.

La méthode EBA permet ainsi de visualiser l'utilisation complète des ressources pour chacune des politiques de la Commission, en regroupant de manière transversale les crédits opérationnels, les dépenses administratives et les moyens humains.

Bien sûr, cette nouvelle approche ne réalisera tout son potentiel qu'une fois mise en place la gestion par activités. Il sera alors possible d'avoir une vue fine des frais de fonctionnement d'une politique communautaire donnée, et de procéder à des réallocations de ressources en fonction des différences de « productivité » constatées.

La présentation et le contrôle du budget communautaire épouseront ainsi une logique semblable à celle qui a inspiré la réforme de la loi organique relative aux lois de finances que nous avons récemment votée.

Compte rendu sommaire du débat

M. Yann Gaillard :

Cette proposition de résolution me paraît d'une tonalité assez négative. Sommes-nous vraiment en position de contester le budget communautaire, alors que la France va elle-même faire l'objet de critiques au sujet du dérapage de ses finances publiques ? Pour une fois que l'avant-projet de budget présenté par la Commission est raisonnable, faut-il le critiquer ? Je ne sais pas si c'est très adroit.

M. Hubert Haenel :

Je vous rappelle que la proposition de résolution s'adresse à notre Gouvernement, pas directement à la Commission ni à nos partenaires européens.

M. Yann Gaillard :

Elle n'en sera pas moins connue à Bruxelles.

M. Denis Badré :

La proposition de résolution que je vous soumets porte sur des points sur lesquels il y a vraiment de l'abus. Il faut traiter le problème des restes à liquider, qui s'accumulent sur les fonds structurels. Et le Gouvernement français peut dire cela sans être renvoyé à ses propres problèmes de déficit.

M. Aymeri de Montesquiou :

Dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne, quelles sont les incidences prévisibles pour la politique agricole commune (PAC) à l'horizon 2004 ou 2007 ?

M. Denis Badré :

Je précise que le texte que nous examinons aujourd'hui porte sur l'exercice 2003, alors que la réforme de la PAC concerne les exercices 2004 et suivants. Au coeur du débat, il y a le problème des aides directes aux agriculteurs des pays candidats. Nous devons tenir une position très ferme, et nous avons des arguments pour le faire. Il faudra aussi veiller à la mobilisation des crédits sanitaires et de sécurité alimentaire, si l'on ne veut pas voir à nouveau déferler dans nos pays des maladies animales qui en avaient été éradiquées.

A l'issue de ce débat, la délégation a conclu au dépôt de la proposition de résolution suivante :

Proposition de résolution

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l'avant-projet de budget des Communautés européennes pour l'exercice 2003 (E 2030),

Se félicite de la modération de l'augmentation proposée pour le budget communautaire en 2003 par rapport à l'exercice 2002, soit 1,4 % en crédits d'engagement et 2,7 % en crédits de paiement, qui devrait pour une fois être inférieure à celle des budgets des États membres ;

Relève, toutefois, que cette modération résulte plus d'économies de constatation, involontaires et non reconductibles, que de véritables efforts de rationalisation des dépenses ;

Demande au Gouvernement :

- de lutter contre l'accumulation des restes à liquider, notamment en matière de fonds structurels et de dépenses de préadhésion, en fixant les crédits d'engagement afférents à un niveau plus réaliste ;

- de financer par redéploiement le surcroît des dépenses administratives et de personnel lié à la préparation de l'élargissement, qui ne saurait justifier ni un dépassement du plafond des perspectives financières, ni le recours à l'instrument de flexibilité.