COM (2001) 681 final  du 21/11/2001

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 12/12/2001
Examen : 17/01/2002 (délégation pour l'Union européenne)
Adoption de conclusions du Conseil le 18/03/2002. Texte rendu caduque (notification du 18 mars 2003).


Education et formation

Livre blanc sur la jeunesse

Texte E 1883 - COM (2001) 681 final

(Procédure écrite du 17 janvier 2002)

Par ce Livre blanc, la Commission européenne souhaite donner un nouvel élan à l'action communautaire en faveur des jeunes. Ce document soulève cependant une interrogation au regard du principe de subsidiarité.

1. L'origine du Livre blanc

L'idée d'une action communautaire spécifique en faveur de la jeunesse est relativement récente et ne semble pas disposer d'une base juridique évidente.

Réclamée par le Parlement européen dans plusieurs résolutions, elle s'est traduite par un programme d'action visant à promouvoir les échanges et la mobilité des jeunes, le programme « Jeunesse pour l'Europe », adopté le 16 juin 1988. Ce programme a, d'abord, été fondé sur l'article 235 du traité, puis, à la suite de l'introduction d'une référence aux échanges de jeunes dans le nouvel article relatif à l'éducation du traité de Maastricht, il a été plusieurs fois renouvelé sur cette nouvelle base juridique. En 1996, la Commission européenne a lancé un autre programme relatif à un service volontaire européen. Celui-ci permettait à des jeunes, issus principalement de milieux défavorisés, de participer, en tant que volontaires, à des activités d'ordre social, culturel ou environnemental. Dans son rapport d'évaluation sur ces deux programmes, la Commission estime que ceux-ci ont concerné près de 400 000 jeunes au sein d'environ 15 000 projets (soit un jeune sur mille), principalement centrés sur la culture et l'environnement. Par ailleurs, environ 7 000 jeunes ont participé au service volontaire européen entre 1996 et 1999. En avril 2000, ces deux programmes ont été fusionnés dans un nouvel instrument, le programme « Jeunesse », qui a été adopté pour une durée de six ans. Ce dernier regroupe donc des aides financières à la mobilité, de court terme ou de long terme, ainsi que des contributions à la réalisation de projets. Il est ouvert à une trentaine de pays et il est doté d'un budget de près de 80 millions d'euros par an. Par ailleurs, les ministres chargés de la jeunesse des Etats membres ont adopté plusieurs résolutions dans le domaine de la jeunesse, notamment sur la participation à la vie publique, sur le rôle du sport ou sur l'intégration sociale des jeunes. En outre, la Communauté contribue financièrement aux frais de gestion du Forum européen de la jeunesse, qui regroupe différentes organisations de jeunes.

Ces différentes mesures ont toutefois rencontré des limites et la Commission européenne a proposé, lors du Conseil Jeunesse, à la fin de l'année 1999, de lancer un Livre blanc en vue d'un saut qualitatif de l'action communautaire en direction de la jeunesse. Elle a mené une vaste consultation avec les organisations de jeunesse de mai 2000 à mars 2001, qui a donné naissance au présent document.

2. Le contenu du Livre blanc

L'objectif principal du Livre blanc est de doter l'Union européenne d'un nouveau cadre de coopération dans le domaine de la jeunesse, qui réponde aux défis actuels auxquels sont confrontés les jeunes (l'évolution démographique, l'implication dans la vie publique, les mutations de la jeunesse). La Commission européenne est toutefois consciente du fait que les compétences en matière de jeunesse relèvent pour l'essentiel des Etats membres et qu'elles sont, dans certains pays, largement décentralisées. Elle reconnaît donc que la subsidiarité doit s'appliquer, tant pour des raisons de principe que d'efficacité. Elle considère cependant que le respect de ce principe n'est pas incompatible avec une coopération ambitieuse à l'échelle européenne en matière de jeunesse, qui renforcerait l'impact et la cohérence des politiques nationales. Afin de concilier l'idée d'une coopération accrue en matière de jeunesse au niveau de l'Union et le respect du principe de subsidiarité, la Commission propose donc de définir un nouveau cadre de coopération comportant deux volets :

- l'application de la méthode ouverte de coordination dans le domaine de la jeunesse ;

- une meilleure prise en compte de la jeunesse au sein des autres politiques communautaires et des politiques nationales.

a) Le Livre blanc sur la jeunesse prône l'application de la méthode ouverte de coordination dans le domaine de la jeunesse

Cette méthode consiste à « définir des lignes directrices pour l'Union, assorties de calendriers spécifiques pour réaliser les objectifs à court, moyen et long terme fixés par les Etats membres ; établir, le cas échéant, des indicateurs quantitatifs et qualitatifs et des critères d'évaluation, par rapport aux meilleures performances mondiales, qui soient adaptés aux besoins des différents Etats membres et des divers secteurs, de manière à pouvoir comparer les meilleures pratiques ; traduire ces lignes directrices européennes en politiques nationales et régionales en fixant des objectifs spécifiques et en adoptant des mesures qui tiennent compte des diversités nationales et régionales ; procéder périodiquement à un suivi, une évaluation et un examen par les pairs ». (Conclusions du Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000).

La méthode ouverte de coordination offre donc le moyen « d'encourager la coopération, d'échanger de bonnes pratiques, de convenir d'objectifs communs et d'orientations communes aux Etats membres (...). Elle se fonde sur la mesure régulière des progrès réalisés sur la voie de ces objectifs afin que les Etats membres puissent comparer leurs efforts et s'enrichir de leurs expériences mutuelles », comme le souligne le Livre blanc sur la gouvernance.

Concrètement, la Commission européenne propose le dispositif suivant :

- la définition périodique de thèmes prioritaires d'intérêt commun par le Conseil des ministres sur proposition de la Commission ;

- la nomination par chaque Etat membre d'un coordinateur national, qui serait l'interlocuteur de la Commission pour les questions relatives à la jeunesse. Celui-ci transmettrait à la Commission les initiatives politiques, les exemples de bonnes pratiques, ainsi que des éléments de réflexion prospective ;

- des propositions d'orientations communes soumises par la Commission au Conseil des Ministres, sur la base d'une synthèse et d'une analyse des informations fournies par chaque coordinateur ;

- la définition, par le Conseil des ministres, pour chacun des thèmes, d'orientations communes et d'objectifs avec des modalités de suivi et, le cas échéant, des indicateurs de comparaison (« bench marks ») ;

- un suivi et une évaluation de leur mise en oeuvre par la Commission ;

- une association du Parlement européen, du Comité économique et social, du Comité des régions et des jeunes au processus.

Parmi les sujets qui se prêteraient à la méthode ouverte de coordination, la Commission européenne propose quatre thèmes prioritaires (la participation, le volontariat, l'information, l'amélioration de la connaissance du domaine de la jeunesse par les pouvoirs publics) et, plus généralement, « tout ce qui peut contribuer au développement et à la reconnaissance des activités réalisées en faveur des jeunes (« Youth work », travail dans les clubs de jeunes, dans les mouvements de jeunesse, « travail de rue », projets en vue de développer la citoyenneté, l'intégration, la solidarité parmi les jeunes...).

Ainsi, la Commission européenne considère qu'il convient dès à présent de créer un portail électronique permettant l'accès à un maximum de jeunes aux informations européennes, de développer le volontariat, de mettre en réseau les structures sur la jeunesse au sein de l'Union, de généraliser les expériences réussies de conseils nationaux et régionaux de jeunes, de faire participer les jeunes au débat sur l'avenir de l'Europe, lancé au Conseil européen de Nice.

b) Le second volet du nouveau cadre de coopération proposé par la Commission consiste en une meilleure prise en compte des besoins spécifiques des jeunes dans les politiques communautaires et nationales.

La Commission européenne considère ainsi qu'il convient de veiller particulièrement à ce que les orientations concernant la jeunesse soient mieux prises en compte dans les politiques sur l'emploi, l'éducation et la formation, la politique sociale, la lutte contre le racisme et la xénophobie, l'immigration, la protection des consommateurs, la santé ou l'environnement.

3. Les difficultés soulevées par ce Livre blanc

L'idée même d'un Livre blanc a, tout d'abord, soulevé une première difficulté. En effet, à l'origine de ce document, il y a la vaste consultation menée par la Commission européenne auprès des jeunes et des organisations représentatives de la jeunesse sur leurs attentes. Or, la plupart des réflexions et des propositions qui ont émergé de cette consultation n'entraient pas dans le champ des compétences communautaires, mais relevaient des compétences nationales, voire des compétences régionales ou locales. Dès lors, la Commission européenne a été placée devant un dilemme : soit ne rien faire au risque de susciter des réactions des organisations de la jeunesse, soit élaborer un document qui méconnaîtrait le principe de subsidiarité et la répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres. La Commission européenne a, d'ailleurs, tenté, dans un premier temps, de présenter une simple communication à la place de ce Livre blanc, ce qui a suscité de vives réactions de la part du Forum européen de la jeunesse. En définitive, le commissaire, Mme Viviane Reding, s'est tourné vers le Conseil des ministres chargé de la jeunesse, qui a soutenu le principe d'un Livre blanc, tout en estimant que celui-ci devait respecter le principe de subsidiarité (conclusions du Conseil jeunesse le 28 mai 2001). Ce n'est donc qu'avec une certaine réticence et sous la pression, tant du Conseil que des organisations de jeunesse, que la Commission européenne a été conduite à élaborer le présent Livre blanc.

La présentation du Livre blanc par la Commission européenne au Conseil jeunesse du 29 novembre dernier a également soulevé quelques réticences, même si la majorité des délégations, dont la délégation française, a appuyé l'initiative de la Commission. Ainsi, l'application de la méthode ouverte de coordination au domaine de la jeunesse a rencontré le scepticisme de plusieurs Etats, comme le Danemark, la Finlande ou le Royaume-Uni, qui ont estimé qu'il fallait avant tout agir au niveau local ou régional. Ce dernier s'est aussi interrogé sur la représentativité des organisations de jeunesse, telles que le Forum européen de la jeunesse. D'autres éléments du Livre blanc ont également suscité quelques réserves, comme celle des Pays-Bas sur le fait que le Livre blanc couvre uniquement la tranche des jeunes de 15 à 25 ans, ou comme celle de la Belgique sur l'idée d'une utilisation des fonds du programme Jeunesse.

En définitive, il apparaît que l'adoption de ce Livre blanc illustre l'absence de contrôle effectif du principe de subsidiarité au sein des institutions communautaires. En effet, le Conseil des ministres, qui devrait normalement jouer le rôle de gardien de la subsidiarité, n'assure pas, en réalité, cette responsabilité et les autres institutions européennes sont naturellement poussées à favoriser les mesures qui vont dans le sens d'une plus grande intégration. A cet égard, la méthode ouverte de coordination était la seule méthode susceptible de concilier le respect de la répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres et la volonté de relancer l'action communautaire en faveur des jeunes.

Il convient, cependant, de faire preuve de vigilance tant à l'égard des instruments de cette nouvelle coopération, qui ne peuvent avoir un caractère trop contraignant, que des sujets pouvant être abordés par ce biais. Sur ce point, si la participation, l'information, la consultation et la mobilité des jeunes sont pleinement justifiées, en revanche, on voit mal la nécessité d'une action communautaire en vue d'un objectif aussi général et imprécis que le « développement et la reconnaissance des activités réalisées en faveur des jeunes ».

Sous ces réserves, il n'a pas paru utile à la délégation d'intervenir plus avant dans l'examen de ce texte.