COM (2000) 802 final  du 06/12/2000

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 31/01/2001
Examen : 19/07/2001 (délégation pour l'Union européenne)


Transports

« Paquet Erika II »

Texte E 1648 - COM (2000) 802 final

(Procédure écrite du 19 juillet 2001)

I - LES INITIATIVES DE LA COMMISSION EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ MARITIME

A la suite du naufrage du pétrolier « Erika » sur les côtes françaises en 1999, la Commission a proposé un premier train de mesures qui portaient sur le contrôle des navires en escale dans les ports européens, la qualité des sociétés de contrôle et l'élimination des navires à simple coque. Ces textes ont d'ores et déjà fait l'objet d'une position commune lors du Conseil Transports du 26 février 2001 pour les deux premiers, et lors du Conseil du 28 juin pour le troisième.

Sur la proposition relative aux organismes habilités à effectuer l'inspection des navires, une procédure de conciliation a été ouverte après l'adoption par le Parlement européen d'amendements visant à modifier la position commune du Conseil. La principale difficulté réside dans la responsabilité financière des sociétés de classification dans le cas d'accidents résultant d'une négligence ou d'une omission de celles-ci dans l'exercice de leur mission d'inspection.

Sur la proposition relative aux navires faisant escale dans les ports de la Communauté, le Parlement européen a approuvé la position commune sous réserve de plusieurs amendements. En particulier, il estime que les navires non équipés de « boîtes noires » devront, à l'avenir, se voir interdire l'accès aux ports de l'Union.

La délégation s'était prononcée sur ces propositions le 4 octobre dernier (communication de M. Jacques Oudin sur le texte E 1440) et avait adopté des conclusions qui approuvaient globalement les orientations proposées par la Commission tout en demandant au Gouvernement notamment :

« - de soutenir la création d'une agence européenne de sécurité maritime, chargée de coordonner les moyens nationaux et dotée à terme de ses propres inspecteurs, car la disparité du contrôle des navires selon les Etats membres constitue une distorsion de concurrence entre les ports européens qui justifie un effort d'harmonisation sous l'impulsion d'une autorité unique ;

[...]

- de n'envisager la création d'un fonds européen d'indemnisation des catastrophes maritimes proposé par la Commission que si les négociations menées dans le cadre de l'OMI pour rehausser le montant du FIPOL n'aboutissent pas, car ce fonds supplémentaire aurait des délais de règlement excessivement longs et, étant alimenté par une taxe sur l'industrie de raffinage européenne, risquerait d'inciter celle-ci à se délocaliser dans les pays producteurs de pétrole. »

Les demandes formulées par la délégation sont satisfaites par le « paquet Erika II », composé de trois propositions que la Commission a présentées le 6 décembre 2000. Le Parlement européen s'est prononcé en première lecture le 13 juin dernier.

II - LE « PAQUET ERIKA II »

1. Proposition de directive relative à un contrôle plus strict du trafic maritime

Afin d'éviter que les navires ne répondant pas aux normes de sécurité puissent échapper aux contrôles prévus par le « paquet Erika II », la Commission a proposé de renforcer le système de surveillance et de contrôle des navires transitant au large des côtes de la Communauté.

La proposition prévoit :

- la mise en place d'un système de suivi de tous les navires transitant dans les zones à forte densité de trafic grâce à l'installation de systèmes d'identification automatique ;

- l'installation obligatoire des boîtes noires pour les navires faisant escale dans les ports de la Communauté. Elles seraient similaires à celles utilisées dans l'aviation pour faciliter les enquêtes en cas d'accident ;

- le développement de bases de données communes ;

- le renforcement des pouvoirs d'intervention des Etats membres en cas de risque de pollution devant leurs côtes ;

- la possibilité pour les Etats membres d'interdire aux navires de quitter les ports en cas de conditions météorologiques exceptionnelles ;

- l'établissement obligatoire, dans chaque Etat membre, de ports de refuge pour accueillir les bateaux en détresse.

Le Parlement européen a examiné en première lecture, le 13 juin dernier, le texte et a adopté des amendements qui portent notamment :

- sur le remplacement de l'obligation faite aux autorités portuaires de suspendre l'appareillage d'un navire en cas de conditions météorologiques particulièrement mauvaises par l'obligation d'« aviser » le capitaine du navire ;

- sur l'accueil des navires en détresse : un Etat membre accueillant un navire en détresse doit pouvoir compter sur un « prompt remboursement des frais » entraînés par cette opération ;

- sur l'équipement des ports refuges : les Etats membres devraient investir dans les infrastructures d'accueil de ces ports (notamment pour s'équiper de remorqueurs puissants) et prendre les mesures nécessaires pour que ces ports soient suffisamment nombreux ;

- sur le champ d'application territorial de la proposition de directive en ce qui concerne la notification des marchandises dangereuses ou polluantes à bord des navires : elle devrait être étendue aux navires en transit au large des côtes d'un Etat membre, alors que la Commission, dans sa proposition, ne mentionne que les eaux territoriales ou la zone économique.

Le Conseil est, quant à lui, parvenu à un accord politique qui prévoit que, même en cas d'échec des négociations à l'OMI, la législation européenne imposera les boîtes noires à partir de 2007-2008 dans les eaux européennes pour les navires de plus de 3 000 tonnes.

Sur l'interdiction d'appareillage des navires en cas de gros temps, plusieurs Etats membres craignaient que la responsabilité des Etats ne soit démesurément engagée en cas d'accident maritime. Le texte retient deux possibilités en cas de mauvaises conditions météorologiques :

- lorsqu'un navire risque de menacer la sécurité de vies humaines en mer ou de polluer, les autorités portuaires peuvent prendre des mesures appropriées incluant l'interdiction d'appareiller ;

- lorsqu'un navire peut créer une menace, l'Etat peut recommander aux navires de ne pas quitter le port. Il est précisé que si le navire quitte néanmoins le port, c'est sous la seule responsabilité de son capitaine.

2. Proposition de règlement sur la création d'un fonds européen d'indemnisation complémentaire pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures

La Commission prévoit de créer un fonds européen (fonds COPE) qui serait chargé d'indemniser les victimes des marées noires survenues dans les eaux européennes lorsque les demandes dépassent les limites fixées par les conventions CLC (Convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures) et FIPOL (Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures). Ces limites sont actuellement fixées à 200 millions d'euros (à titre de comparaison, le montant des dommages causé par l'Erika est estimé à 300 millions d'euros). Elle prévoit aussi des sanctions financières en cas de négligence grave dans le transport des hydrocarbures. Le Fonds serait doté d'un milliard d'euros et financé par les entreprises importatrices d'hydrocarbures.

Le Parlement européen est allé dans le sens d'un élargissement du champ d'application du texte, en prévoyant que le Fonds soit étendu à toutes les pollutions par des « substances nocives ou dangereuses » (au lieu du seul pétrole).

Les conventions internationales sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au transport de telles substances n'ont pas encore été ratifiées, aussi le Parlement européen a-t-il jugé bon de les englober dans la réglementation communautaire.

Par ailleurs, un amendement élargit le champ des contributeurs aux armateurs et aux propriétaires de navires.

Le Conseil Transports du 29 juin 2001 a décidé d'engager des négociations à l'OMI pour obtenir la création d'un troisième fonds (en complément des fonds CLC et FIPOL), optionnel, mais auquel tous les Etats membres de l'Union s'engageraient à participer. La majorité des Etats plaide pour fixer le montant de ce fonds à 600 millions d'euros.

3. Proposition de règlement tendant à créer une Agence européenne de la sécurité maritime

Cette Agence, composée d'une cinquantaine de personnes, serait notamment chargée de l'assistance technique pour l'adaptation des textes législatifs communautaires, de l'inspection sur place des conditions dans lesquelles les Etats du port exercent leur contrôle, de la gestion d'une « liste noire » de navires sous normes, de l'évaluation et de l'audit des sociétés de classification et de l'organisation de missions d'inspection dans les Etats membres pour vérifier les conditions du contrôle.

Le Parlement européen a souhaité accroître l'indépendance de l'Agence à l'égard de la Commission. Il propose, à cette fin, quelques modifications pour limiter les pouvoirs accordés dans le texte initial à la Commission (avis conforme de la Commission sur le programme de travail de l'Agence transformé en simple avis, perte du pouvoir exclusif de la Commission de proposer des candidats pour le poste de directeur exécutif de l'Agence...). Il a souhaité aussi que l'Agence puisse effectuer des « visites inopinées » dans les Etats membres, alors que la proposition initiale prévoyait une information préalable dans tous les cas.

III - APPRÉCIATIONS

La plupart des Etats membres s'est déclarée favorable à la création d'une Agence européenne de la sécurité maritime. A l'inverse, les deux premières propositions ont suscité de nombreuses critiques et opposent les tenants d'une intervention communautaire (dont le Gouvernement français) aux partisans d'une intervention au niveau international qui font valoir que seule une réglementation mondiale sera réellement efficace, car elle ne concernera pas seulement les navires faisant escale dans les ports de l'Union européenne, mais permettra aussi de contrôler le simple transit dans les eaux communautaires.

Le Gouvernement français est globalement favorable au « paquet Erika II », mais il souhaite que certains points soient précisés :

- dans la proposition sur le contrôle du trafic maritime, il est favorable à l'installation de boîtes noires sur les navires, mais il voudrait que le texte impose une date d'entrée en vigueur de cette mesure pour les navires qui sont déjà en service ;

- dans la proposition relative à la création d'un fonds complémentaire d'indemnisation, il soutient la proposition qui va dans le sens d'un élargissement du champ des contributeurs aux armateurs et aux propriétaires de navires à laquelle un certain nombre d'Etats est opposé.

A cet égard, il pourrait se rallier à la proposition anglaise de créer un fonds à double niveau : une partie du fonds - celle à laquelle doivent cotiser les importateurs d'hydrocarbures - serait obligatoire pour tous les Etats membres ; la participation à l'autre partie du fonds, financée par les armateurs et les propriétaires de navires, serait facultative : chaque Etat membre aurait la liberté d'y adhérer ou non ;

- dans la proposition relative à la création d'une Agence de la sécurité maritime, le Gouvernement soutient les propositions qui accroissent l'indépendance de l'Agence vis-à-vis de la Commission.

Compte tenu de l'intérêt tout particulier que porte la France au renforcement de la sécurité maritime et s'agissant d'un texte dont elle est à l'initiative, la délégation a estimé qu'elle doit soutenir l'adoption de cette proposition ainsi que les propositions de modification formulées par le Gouvernement.