COM (2000) 791 final  du 29/11/2000
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 27/06/2001

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 31/01/2001
Examen : 09/03/2001 (délégation pour l'Union européenne)


Politique régionale

Mesures en faveur des régions ultrapériphériques

Textes E 1631 et E 1647
COM (2000) 774 final et COM (2000) 791 final

(Procédure écrite du 9 mars 2001)

Les sept régions ultrapériphériques (RUP), c'est-à-dire les îles Canaries (pour l'Espagne), les Açores et Madère (pour le Portugal), et les quatre départements français d'Outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion), se sont vu conférer un statut spécifique par le traité d'Amsterdam. Celui-ci contient un nouvel article 299 §2 qui permet au Conseil d'adopter, à la majorité qualifiée, des mesures spécifiques en raison de leurs caractéristiques géographiques et économiques.

Il convient de rappeler que ces régions, qui représentent environ 1 % de la population de l'Union européenne, connaissent une situation économique délicate.

En effet, six des sept régions ultrapériphériques ont un revenu moyen par habitant qui se situe entre 40 et 55 % de la moyenne européenne et figurent parmi les dix régions les plus pauvres de l'Union européenne. En outre, dans cinq d'entre elles, le taux de chômage atteint les niveaux les plus élevés de l'Union européenne, en se situant entre 21 et 37 % de la population active. Or, cette situation économique et sociale est aggravée par leur éloignement, leur insularité, leur faible superficie, leurs relief et climat difficiles, ainsi que par la dépendance de leur économie par rapport à un nombre réduit de produits.

La Commission européenne a identifié, dans un rapport en date du 14 mars 2000, trois priorités : la relance de l'économie, l'aide aux productions traditionnelles (agriculture et pêche) et la coopération régionale. En outre, le Conseil européen réuni à Nice a pris note du programme de travail élaboré par la Commission en vue de mettre pleinement en oeuvre l'article 299 §2 du traité.

Les présentes propositions constituent le premier ensemble de mesures destinées à mettre en oeuvre cet article. Cet ensemble de propositions comprend deux volets.

I) LE VOLET STRUCTUREL

Le premier volet concerne cinq propositions de la Commission visant à mieux prendre en compte les handicaps spécifiques des RUP dans la réglementation des fonds structurels.

Ainsi, plusieurs modifications des textes encadrant la politique structurelle sont suggérées :

- en premier lieu, l'alignement des taux d'intervention des fonds structurels à un niveau maximal de 85 % du coût total éligible, pour toutes les régions ultrapériphériques, qu'elles appartiennent ou non à des Etats membres couverts par les fonds de cohésion ;

- en second lieu, le relèvement de la participation des fonds structurels à l'investissement dans les petites et moyennes entreprises, pour les sept régions ultrapériphériques, de 35 % à 50 % du coût total éligible ;

- en troisième lieu, le relèvement du niveau maximal d'aide publique, prévu par le fonds européen d'orientation et garantie agricole (FEOGA), d'une part, pour les investissements dans les exploitations agricoles (de 50 % à 75 %), et, d'autre part, pour les investissements en matière de transformation et de commercialisation de produits agricoles (de 50 % à 65 %). Par ailleurs, la proposition prévoit l'extension du soutien financier communautaire aux forêts qui sont la propriété des collectivités publiques ;

- enfin, une dernière adaptation concerne certains taux d'intervention financière de l'instrument financier d'orientation de la pêche.

II) LE VOLET AGRICOLE

Le deuxième volet des propositions de la Commission concerne quatre propositions de règlements portant sur l'aide aux productions traditionnelles des RUP (agriculture et pêche). En effet, les productions agricoles des RUP bénéficient de la pleine application de la PAC par le biais des OCM (organisations communes de marchés), mais elles bénéficient également d'une aide spécifique afin de tenir compte de leurs handicaps (climat, grand éloignement, taille réduite des exploitations) et des contraintes spécifiques auxquelles ils sont confrontés (absence d'économie d'échelle, dépendance, coûts de production très élevés). Cette aide s'effectue par le biais de trois programmes, dits " POSEI " (programmes d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité) :

- POSEIDOM (pour les départements français d'outre-mer),

- POSEIMA (pour les Açores et Madère),

- POSEICAN (pour les Iles Canaries).

Le volet agricole des POSEI repose sur deux types de mesures : d'une part, un régime spécifique d'approvisionnement (RSA) et des mesures d'aide aux productions agricoles locales. D'autre part, il comprend des dérogations aux mesures vétérinaires, phytosanitaires et en matière structurelle. Ce volet agricole est financé actuellement par le FEOGA-Garantie, pour un montant d'environ 200 millions d'euros par an.

La Commission propose plusieurs modifications du volet agricole des programmes POSEI.

Tout d'abord, il est prévu une simplification de la gestion et une amélioration de la transparence, ainsi qu'un renforcement des procédures de suivi et de contrôle.

De plus, en ce qui concerne le régime spécifique d'approvisionnement (RSA) :

- la logique du système resterait d'application, c'est-à-dire que les RUP pourront avoir des conditions d'approvisionnement leur permettant de s'aligner sur les coûts de production du reste de l'Union européenne ;

- il est proposé d'ajouter le principe d'un soutien, qui prend en compte les coûts d'acheminement vers les RUP à partir du reste de l'Union ;

- la proposition prévoit également une simplification du régime, en attribuant la compétence de la révision de la liste des produits couverts par le RSA à la Commission, et le renforcement de l'obligation d'information entre les Etats membres et la Commission.

Enfin, en ce qui concerne les mesures relatives aux productions locales :

- la proposition prévoit des aménagements des mesures d'aide, comme l'adaptation de certains niveaux d'aide ou de quantités éligibles au soutien, comme, par exemple, le niveau de production de lait dans les DOM .

- elle prévoit, également, dans un souci d'uniformité, un alignement, dans le secteur de la viande bovine, des régimes POSEIMA et POSEICAN sur le régime en vigueur pour les DOM ;

- par ailleurs, de nouvelles mesures sont mises en oeuvre afin de tenir compte des spécificités et des besoins locaux, notamment dans le secteur des fruits et légumes pour les Iles Canaries, les Açores et Madère ;

- enfin, des approches transversales par secteur ou des programmes globaux interprofessionnels sont mis en place afin de permettre une meilleure structuration des filières.

Le coût de ces modifications est couvert principalement par les économies découlant de la réforme de la PAC prévue dans l'Agenda 2000, et notamment par celles, prévisibles, concernant le régime d'approvisionnement (céréales, viande bovine, produits laitiers).

* * *

S'il convient de se féliciter de la présentation, par la Commission européenne, de ce premier ensemble de mesures destinées à mettre en oeuvre l'article 299 §2 du traité, ces propositions soulèvent, cependant, certaines difficultés.

Tout d'abord, on ne peut que déplorer le fait que ces propositions ne soient pas fondées de manière plus explicite sur l'article 299 §2. En effet, les propositions de la Commission concernant le volet agricole ont une triple base juridique (les articles 36 et 37 s'ajoutant à l'article 299 §2). De plus, celles relatives aux fonds structurels ne citent l'article 299 §2 que dans le cadre de l'exposé des motifs et se fondent soit sur l'article 37, relatif à la PAC, soit sur l'article 161, relatif à la cohésion économique et sociale.

Or, cela revient à relativiser la portée de ce nouvel article introduit par le traité d'Amsterdam, qui permet justement d'introduire des dérogations concernant l'ensemble des principes communautaires. Il semble, d'ailleurs, que la Commission ait volontairement écarté cet article, en se fondant sur l'argument peu convaincant, avancé par son service juridique, selon lequel l'article 299 §2 n'aurait pas la portée qu'on lui prête habituellement.

Cela constitue donc un précédent préoccupant au regard des potentialités offertes par cet article. En outre, la nature de la base juridique retenue conditionne la procédure d'adoption de l'acte en question, or, si l'article 299 § 2 permet au Conseil de se prononcer à la majorité qualifiée, l'article 161 requiert, lui, une adoption à l'unanimité qui nécessite donc un consensus parmi les Etats membres, ainsi que l'avis conforme du Parlement européen. Il serait, par conséquent, souhaitable de ne retenir que l'article 299 § 2 comme base juridique de cet ensemble de mesures.

La seconde difficulté porte sur la date d'applicabilité de ces propositions. En effet, la France souhaiterait rendre ces propositions applicables au 1er janvier 2000 afin d'assurer la continuité avec le dispositif précédent. Or, la Commission n'a pas retenu le principe de la rétroactivité de ces mesures. Le problème est particulièrement aigu en ce qui concerne l'aide aux activités de production et de commercialisation des produits locaux dans les secteurs de l'élevage et des produits laitiers à la Martinique et à La Réunion.

En ce qui concerne le volet structurel, ensuite, si les propositions de la Commission répondent globalement aux attentes françaises, certains points demeurent problématiques. Ainsi, la notion d'" exploitation agricole à dimension très réduite " et les critères de définition des PME mériteraient d'être clarifiés. De plus, l'égilibilité des industries sucrières devrait être reconnue. Enfin, ce document ne répond pas à la demande de la France d'augmenter le taux d'intervention communautaire en matière de renouvellement et de modernisation de la flotte de pêche. Or, la modernisation de cette flotte constitue une garantie de sécurité pour les professionnels de ce secteur, autant qu'un enjeu économique.

Le volet agricole soulève également certains problèmes. D'une part, l'enveloppe budgétaire, telle qu'elle est présentée, soulève des interrogations tant sur le fond, en raison des incertitudes sur les montants financiers en cause, que sur la forme, car la Commission confond la prorogation de programmes qui arrivent à échéance et les mesures nouvelles. L'approche de la Commission aboutit donc à une évaluation financière peu cohérente et peu transparente.

D'autre part, il serait souhaitable d'obtenir des précisions sur la réforme du régime spécifique d'approvisionnement, en particulier sur le mode de calcul de ce régime et sur les aides.

Sous ces réserves, il n'a pas paru nécessaire à la délégation d'intervenir plus avant dans l'examen de ce texte.