COM (2000) 786 final  du 29/11/2000
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 27/06/2001

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 28/12/2000
Examen : 17/01/2001 (délégation pour l'Union européenne)


Justice et affaires intérieures

Communication de M. Paul Masson sur la lutte contre la criminalité organisée

Réunion du mercredi 17 janvier 2001

La Commission anti-mafia du parlement italien a réuni à Rome, les 2 et 3 novembre 2000, un séminaire d'études sur le thème de la construction de l'espace juridique européen contre le crime organisé. Ce séminaire s'inscrivait dans le cadre de la préparation de la Conférence de l'Organisation des Nations Unies sur le crime organisé transnational, qui s'est tenue à Palerme du 11 au 15 décembre 2000. A la demande du Président du Sénat, j'ai représenté notre assemblée tandis que notre collègue député François Colcombet représentait l'Assemblée nationale.

Cette communication m'offre l'opportunité d'évoquer, outre le séminaire de la Chambre des députés italienne et la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée qui sera bientôt soumise à la ratification du Parlement français, une récente communication de la Commission européenne sur le même sujet.

1. Le séminaire de la commission anti-mafia du Parlement italien

Les participants comprenaient les membres de la commission anti-mafia du Parlement italien - députés et sénateurs -, des parlementaires nationaux (français, britanniques et espagnols), des députés européens et des personnalités invitées, comme M. Piero Luigi Vigna, procureur italien, directeur de la lutte anti-mafia, ou M. Joaquim Geraldes Pinto, chef d'unité à l'Office de lutte anti-fraude (OLAF) de la Commission européenne.

Le séminaire a largement mis en lumière l'importance du phénomène de la criminalité organisée qui se renforce grâce aux moyens modernes de traitement de l'information. M. Nicola Mancino, président du Sénat italien, a insisté sur la force des organisations criminelles d'Europe centrale et sur les dangers secondaires du réinvestissement des profits blanchis dans l'économie légale. Le président de la commission de la justice du Sénat italien a souligné que 140 millions de personnes dans le monde sont victimes des formes modernes d'esclavage engendrées par le crime organisé.

M. Piero Luigi Vigna, chef de la direction anti-mafia, a décrit l'impact des innovations technologiques qui rendent plus opaques les transactions financières. C'est pourquoi l'essentiel de l'effort de coopération internationale doit porter sur l'élimination des zones franches ou des zones de moindre pression judiciaire. C'était déjà l'idée de l'espace judiciaire européen avancé par la France en 1977 et qui trouve maintenant sa plus parfaite justification.

Parmi les mesures avancées, M. Enrico Ferri, vice-président du Parlement européen, a mentionné la création d'un registre électronique des sentences judiciaires pénales en Europe, la rationalisation de l'information sur les normes communautaires et le rapprochement des dispositions pénales en matière de blanchiment. M. François Colcombet a évoqué les différents domaines où devrait s'exercer la sagacité des législateurs : sectes, paradis fiscaux, dopage, trafics d'organes, sécurité alimentaire.

J'ai pour ma part insisté sur la réflexion qu'il faut mener en matière de procédures judiciaires compte tenu, d'une part, de l'efficacité nouvelle des outils de la criminalité internationale et, d'autre part, de la relative inefficacité des pouvoirs publics. C'est cette relative inefficacité des pouvoirs publics qui explique ainsi le sentiment de malaise des populations face au monde de la politique. Il me semble qu'un engagement plus concret des parlements nationaux sur ce terrain est nécessaire, afin, entre autres, de permettre dans le cadre d'accords bilatéraux, le rapprochement des fonctionnaires de terrain (juges, policiers, douaniers, gendarmes, autorités de contrôle bancaires, etc....).

Une sénatrice italienne de la commission anti-mafia, Mme Tana de Zulueta, a soutenu mon point de vue quant à l'utilité d'une coopération législative bilatérale, comme celle engagée par les États-Unis avec l'Italie pour la protection des femmes victimes de la prostitution. Les protocoles qui seront annexés à la convention de l'ONU portent d'ailleurs sur la lutte contre la traite des êtres humains sous toutes ses formes, y compris celle qui est en relation avec l'immigration clandestine.

Notre collègue de la Chambre des communes a été le plus eurosceptique des intervenants, soulignant combien les organisations criminelles se jouent des réglementations existantes. Il a donné quelques exemples éclairants. Ainsi la moitié des crimes commis contre la propriété au Royaume-Uni sont en relation avec la consommation de stupéfiants. Une cigarette sur trois vendue en Grande-Bretagne est une cigarette de contrebande. Les principaux problèmes qu'a relevés ce parlementaire à l'occasion d'une mission en Europe tiennent à l'immigration clandestine (20 % des clandestins qui sont arrêtés en Allemagne le sont sur la seule frontière tchèque). Cette situation s'explique essentiellement par l'hétérogénéité des approches entre les pays européens (l'Allemagne considère notamment que les accords bilatéraux en matière d'asile étaient plus efficaces que la convention de Dublin) et par l'insuffisance des échanges d'information sur les équipements et les méthodes.

Cette investigation du Parlement britannique confirme l'importance des coopérations bilatérales en Europe. D'ailleurs les parlementaires espagnols, qui se sont pourtant prononcés hardiment en faveur d'une politique unifiée européenne dans la ligne du Conseil de Tampere et du traité d'Amsterdam, n'en ont pas moins souligné l'importance de la coopération bilatérale, à l'image de l'accord d'extradition signée en juillet 2000 entre l'Espagne et l'Italie pour les mafieux italiens réfugiés en Espagne.

Le représentant de l'OLAF a indiqué de son côté que les fraudes au budget communautaire entraînent pour l'Union européenne des pertes de ressources annuelles de l'ordre d'un milliard d'euros par an et qu'il s'agit d'un des trafics les plus gratifiants et les moins risqués à l'heure actuelle. A titre d'exemple, le trafic de cigarettes rapporte environ un million d'euros par voyage et par camion de dix tonnes. Une première affaire d'importance traitée par l'OLAF et qui portait sur 150 tonnes de cigarettes, a montré la complexité des réseaux qui, en l'espèce, avaient impliqué des groupes d'Afrique du Sud, d'Allemagne, des Pays-Bas et de l'Irlande du Nord.

Plus récemment, à la suite d'un accord de coopération passé en 1999 entre l'OLAF et la direction anti-mafia italienne, le démantèlement d'une organisation mondiale de contrebande de cigarettes a conduit à l'inculpation et à l'incarcération du président du tribunal pénal de Lugano. A la suite de cette affaire, la Commission européenne vient d'ailleurs d'introduire une instance judiciaire devant un tribunal pénal de New York contre les sociétés Philip Morris et RJ Reynolds pour leur « implication présumée dans la contrebande de cigarettes dans l'Union européenne ». La plainte s'appuie sur le constat d'une entreprise sophistiquée de contrebande à l'échelle mondiale qui a entraîné des milliards d'euros de pertes de droits de douane pour l'Union européenne.

Au-delà de ces constats pessimistes, mais aussi de certaines résistances, d'autres ont évoqué la nécessité de mettre en place un « parquet européen » dans la ligne d'Eurojust. La Commission avait d'ailleurs déposé dans le cadre de la dernière Conférence intergouvernementale une proposition dans ce sens. Plusieurs intervenants ont clairement souligné l'inconvénient du fonctionnement actuel d'Europol, largement asphyxié par le déluge d'informations en provenance des unités nationales, et sans réelle prise sur les enquêtes judiciaires en cours.

En tout état de cause, il est apparu nettement au cours de ce séminaire que les deux points faibles actuels du dispositif de lutte contre la criminalité organisée en Europe résultent du système judiciaire lui-même, faute, d'une part, d'incriminations communes, et, d'autre part, d'un outil d'enquête pouvant s'appuyer plus efficacement sur les moyens policiers nationaux - et maintenant européens.

En définitive, ce séminaire de la Commission anti-mafia du Parlement italien confirme l'observation traditionnelle selon laquelle la sécurité publique requiert à la fois l'action de la police au quotidien et la coopération intergouvernementale la plus large possible, surtout à l'ère de la mondialisation et d'Internet. Il a démontré en particulier l'importance des coopérations policières bilatérales qui n'excluent pas, naturellement, toute action dans un cadre multilatéral ; elle renforce cependant l'opinion selon laquelle on ne peut tout attendre d'un cadre multilatéral, fût-il européen, pour lutter contre la grande criminalité transnationale.

2. La convention des Nations Unies contre le crime organisé transnational

C'est sans doute au vu de ce constat que certains protagonistes de la convention de l'ONU - en particulier européens - ont souhaité agir à un niveau mondial, contournant les lenteurs de mise en place d'un espace judiciaire européen qui est évoqué depuis 1977. La création récente sous l'égide de l'ONU à Turin d'un « Institut de recherche des Nations Unies sur le crime interrégional et la justice » (UNICRI) semble le laisser supposer. La réunion, dans le courant de l'année prochaine, à Vienne, d'un nouveau séminaire d'évaluation dans le cadre de la convention de l'ONU le confirmera sans doute.

Les propos de la ministre française de la Justice vont d'ailleurs dans le sens de cette interprétation qui a estimé, à Palerme, que « tout le monde est maintenant convaincu que les pays, et même les groupes comme l'Europe, ne peuvent pas lutter seuls... Nous allons construire un système de confiance mutuelle qui nous permettra de surmonter les obstacles les plus durs en matière de coopération internationale, comme par exemple le secret bancaire. » Il est à ce propos surprenant de constater l'apologie faite par certains d'un traité qui a été négocié selon la règle du consensus avec 180 pays alors que le même système à quinze ou vingt pays serait marqué du sceau de l'impuissance.

La convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée prévoit une harmonisation des législations nationales et un renforcement de la coopération internationale pour lutter contre les mafias mondiales. Elle fait notamment de la participation à un groupe criminel organisé, du blanchiment ou de la corruption, des crimes universels. Elle engage les États à prendre des mesures concrètes comme la levée du secret bancaire ou l'accélération des procédures d'extradition.

La convention, « pierre angulaire dans la lutte en faveur d'un Etat de droit », selon le secrétaire général des Nations Unies, harmonise notamment les définitions concernant :

- la participation à un groupe criminel organisé ;

- l'incrimination du blanchiment du produit du crime et les mesures de lutte correspondantes ;

- la corruption ;

- la confiscation et la saisie des produits du crime dans le cadre d'une coopération internationale ;

- les règles d'extradition, de transfert des personnes condamnées, d'entraide judiciaire, d'enquêtes conjointes, de transfert des procédures pénales et de protection des témoins et des victimes ;

- les règles de coopération entre les services des détection et de répression, de collecte, d'échange et d'analyse d'informations sur la nature de la criminalité organisée.

La nature « transnationale » d'un crime sera établie si celui-ci est commis dans plus d'un Etat ; s'il est commis dans un Etat, mais que sa planification et son contrôle ont lieu dans un autre Etat ; s'il est commis dans un Etat, mais a des effets substantiels dans un autre Etat.

La Commission européenne a proposé au Conseil que la Communauté signe cette convention ainsi que ses protocoles annexes sur la lutte contre la traite des personnes (en particulier des femmes et des enfants) et contre le trafic de migrants par terre, air et mer, en tant que telle, à côté des Etats membres. Le Conseil a à cet effet autorisé la Commission à négocier le projet de convention pour les aspects relevant d'une compétence communautaire, la convention prévoyant une possibilité d'adhésion pour une organisation d'intégration économique régionale comme la Communauté européenne.

Le commissaire Antonio Vitorino a indiqué que « Ces protocoles sont d'une grande importance car ils sont les premiers instruments juridiques globaux sur la lutte contre la traite et le trafic des personnes ; ils établiront des normes minimales dans ce domaine, relatives aux définitions, règles sur la prévention, formation, protection des victimes, criminalisation, coopération technique, échanges d'informations et rapatriement... puisque les deux protocoles, en conjonction avec la Convention mère, permettent de conclure des accords bilatéraux ou multilatéraux de mise en oeuvre, il y aura la possibilité, dès que ces protocoles entreront en vigueur, d'une coopération future entre l'Union Européenne et des pays tiers ou groupes de pays tels que la Chine ou les pays de l'Atlantique nord. »

La convention, qui a été adoptée par la dernière Assemblée générale de l'ONU, a été élaborée sous l'égide du Bureau des Nations Unies pour le contrôle des drogues et la prévention du crime (UNDCP) qui a son siège à Vienne. Les pays de l'Organisation des Nations Unies ont jusqu'au 12 décembre 2002 pour signer la convention et ses deux protocoles annexes. 154 délégations étaient présentes à Palerme, parmi lesquelles 93 se sont engagées en faveur de son adoption, même si un certain nombre n'ont pas l'intention de signer les protocoles additionnels contre le trafic des êtres humains et le trafic d'immigrés, comme le Maroc ou la Colombie. Pour entrer en vigueur la convention requiert la ratification par les parlements d'au moins quarante Etats.

3. La communication de la Commission européenne sur la prévention de la criminalité dans l'Union européenne

Cependant, une toute récente communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen accompagnée d'une proposition de décision du Conseil pour la mise en place d'un programme budgétaire européen en date du 29 novembre 2000 - nous venons d'en être saisis dans le cadre de l'article 88-4 (E 1632) -, nous précise que « la lutte contre la criminalité organisée est le domaine où l'action de l'Union a été la plus développée ».

En effet, dès 1996, une conférence tenue à Stockholm avait examiné la prévention des crimes liés à l'intégration économique européenne et à la prévention de la criminalité liée à l'exclusion sociale. Plusieurs séminaires avaient suivi à Bruxelles en 1996, à Nordwijk (Pays-Bas) en 1997, et à Londres en 1998. Une des recommandations de ces séminaires concernaient le développement des échanges de savoir-faire et d'expériences nationales en matière de lutte contre le crime transnational.

En 1997, le Conseil européen d'Amsterdam avait adopté un plan d'action contre la criminalité organisée, plan d'action qui devait s'inscrire dans le cadre des nouveaux outils juridiques que le traité d'Amsterdam confiait à l'Union en la matière, grâce à l'article 29 du traité qui fait de la prévention de la criminalité organisée une des politiques de l'Union concourant à la création d'un espace de liberté, de sécurité et de justice.

Pour sa part, le Conseil de Tampere des 15 et 16 octobre 1999 a consacré deux de ses conclusions à la lutte contre la criminalité, appelant au développement « de programmes nationaux de prévention de la criminalité, à l'échange des meilleurs pratiques, au renforcement du réseau des autorités nationales compétentes, à la coopération entre les organismes nationaux spécialisés dans ce domaine et à la mise en place d'un programme qui serait financé par la Communauté ». Relevons en outre que, le 29 mars 2000, le Conseil a adopté « une nouvelle stratégie pour le début du nouveau millénaire » et que, les 4 et 5 mai 2000, une conférence ministérielle a également été organisée sous présidence portugaise à Praia da Falésia afin de lancer une réflexion sur l'utilisation des possibilités offertes par le traité d'Amsterdam et sur la mise en oeuvre des conclusions du Conseil européen de Tampere.

Ce programme « d'encouragement, d'échanges, de formation et de coopération dans le domaine de la prévention de la criminalité », demandé par le Conseil européen à Tampere en octobre 1999, est décrit par la communication de la Commission du 29 novembre 2000. Baptisé « Hippokrates », il permettrait, dans le cadre d'une enveloppe financière dotée de deux millions d'euros pour la période 2001-2002, de subventionner jusqu'à 70 % des actions présentées par des Etats membres et jusqu'à 100 % des actions spécifiques portant sur des aspects prioritaires d'intérêt européen, c'est-à-dire s'inscrivant notamment dans le cadre de la résolution du Conseil de décembre 1998 sur la prévention du crime.

La Commission souhaite également créer un « Forum européen pour la prévention du crime organisé », qui prolongerait l'initiative prise par la présidence française et la Suède en faveur d'un réseau européen de prévention centré sur la délinquance urbaine, juvénile et liée à la drogue. « Touchant des domaines extrêmement variés, trafic de biens licites et illicites, cybercriminalité, corruption, criminalité financière, criminalité environnementale, ou encore rôle de certaines professions clés, la prévention du crime organisé et de la criminalité économique exige que le Forum puisse se réunir en formations diverses et adaptées aux thèmes traités, et le cas échéant créer des groupes de travail spécialisés. »

Nous ne pouvons naturellement qu'être favorables aux échanges d'expériences entre spécialistes européens de la lutte contre les mafias, le programme étant d'ailleurs ouvert aux pays candidats. L'idée semble particulièrement louable, mais il faudrait sans doute veiller à éviter une dispersion des initiatives, compte tenu de l'ampleur de sujets concernés, alors que se mettent également en place un réseau européen des écoles de police, une réunion des chefs de police nationaux, Eurojust, et qu'existent déjà Schengen, Europol, l'observatoire européen des drogues et des toxicomanies, l'observatoire européen des phénomènes racistes et antisémites, le programme JAI (Justice et affaires intérieures) de préadhésion, le groupe multidisciplinaire du Conseil sur la criminalité organisée.

D'ailleurs, le rapport d'évaluation, rédigé en mars 2000 par un consultant externe, à la demande de la Commission, des actions communes dans le domaine de la justice et de la police sur des programme Grotius, Oisin, Stop, Sherlock, Odysseus, Falcone, montrait les limites de ces différents programmes, soit en termes de « liens avec un suivi opérationnel », soit en termes « d'inadéquation financière ». Le rapport suggérait une amélioration du processus de sélection des programmes basée sur la transparence et la responsabilité, l'amélioration des procédures de mise en oeuvre, une baisse des frais généraux de certains programmes qui ont représenté jusqu'à 20 % du montant total des dépenses.

Quels seront les résultats concrets de ce nouveau programme ? Quelle plus-value pourra-t-il apporter aux précédentes initiatives européennes ? La liste est déjà longue de moyens dont se sont dotées les autorités européennes sans résultats réellement visibles pour l'opinion, comme la directive du 10 juin 1991 sur la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux, le Livre vert du 15 octobre 1998 sur la lutte contre la contrefaçon et le piratage dans le Marché intérieur, le « cadre d'action pour un développement urbain durable dans l'Union européenne » du 28 octobre 1998, le nouveau règlement de 1999 des fonds structurels sur les zones urbaines en difficulté, le plan d'action de l'Union européenne (2000-2004) contre les drogues, le plan de lutte contre l'exclusion sociale arrêté par le Conseil de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000, les dispositions du programme PHARE « multi-bénéficiaire » contre la drogue etc.

On ressent à l'évidence un sentiment d'impuissance devant ces initiatives brouillonnes qui font penser à une sorte de fuite en avant, face à un phénomène qui échappe de plus en plus aux autorités publiques et alors que, comme le souligne la communication de la Commission elle-même, « tous les Etats membres de l'Union sont confrontés depuis deux décennies à une criminalité qui s'est considérablement diversifiée et qui demeure à un niveau préoccupant... La globalisation et l'ouverture des marchés des biens, des services et des capitaux ont été des facteurs de croissance sans précédent en Europe, mais ils ont pu également faciliter une expansion de la criminalité transfrontalière ».

Sous réserve de ces observations générales et compte tenu cependant de l'utilité des actions de coopération policière en Europe, je propose à la délégation de ne pas intervenir davantage sur ce nouveau programme communautaire de lutte contre la criminalité organisée.

Compte rendu sommaire du débat

M. Hubert Haenel :

A-t-on fait état pendant le séminaire des trafics qui ont lieu à partir des Balkans ? J'ai eu l'occasion, lors de mon déplacement à Sarajevo, d'en être informé par les gendarmes français de la KFOR. La question est très sérieuse, notamment en matière d'immigration clandestine.

M. Paul Masson :

Effectivement, les Balkans sont une zone à risque. Je me suis moi-même rendu dans les Pouilles à Bari et j'ai vu les vedettes rapides, saisies par la Guardia di Finanzia, qui servent au trafic de cigarettes en provenance du Montenegro. L'Albanie est concernée pour l'immigration clandestine.

M. Jacques Oudin :

J'ai pu constater aux Etats-Unis, où les mesures d'immigration sont sévères, que ce pays, malgré la rigueur de sa politique, ne peut enrayer la pression migratoire ; les Etats du Sud en particulier sont maintenant devenus hispanophones. Je me pose donc la question de savoir si nous pouvons réellement maîtriser ce problème, alors même que nous manquons par ailleurs de main-d'oeuvre.

M. Paul Masson :

C'est une question qui recouvrent plusieurs aspects. Jusqu'à présent, l'immigration a plutôt été traitée sous l'angle juridique et doctrinal, comme par exemple avec l'asile, le regroupement familial, l'immigration illégale. Mais les aspects démographiques et économiques, qui sont éminemment politiques, n'ont pas réellement été abordés dans le cadre européen. On a le sentiment que l'Europe s'apprête à subir le problème, plutôt qu'à le maîtriser. Or il me semble qu'il vaut mieux que ce soit les Etats qui organisent l'immigration, plutôt que les mafias. Une politique des quotas, par exemple, me semblerait préférable à la pression incontrôlée de l'immigration clandestine.

M. Hubert Haenel :

Nous pourrions sans doute sur ce sujet important auditionner un spécialiste des questions démographiques avant d'examiner la récente communication de la Commission européenne sur l'immigration.

*

A l'issue de cette communication, la délégation a décidé de ne pas intervenir sur le texte E 1632.