Le Parlement français est saisi, dans le cadre de
l'article 88-4 de la Constitution, de plusieurs projets de textes
européens portant sur la coopération policière, l'asile et
l'immigration. Il s'agit des premiers textes importants qui, après la
première proposition de directive de la Commission sur le regroupement
familial, interviennent dans les matières du nouvel « Espace
de Liberté, de Sécurité et de Justice ».
Depuis l'entrée en vigueur au 1er
mai 1999 du traité d'Amsterdam, les matières de l'ancien
troisième pilier intergouvernemental, à l'exception de la
coopération policière et de la coopération judiciaire dans
le domaine pénal, sont communautarisées. Pendant une
période de cinq ans à compter de la mise en vigueur du
traité, le droit d'initiative n'est toutefois pas réservé
à la Commission et le Conseil continue à se prononcer à
l'unanimité. C'est donc dans le cadre de ce droit de proposition
partagé entre les Etats et la Commission que les Etats, notamment le
Gouvernement français à l'occasion de sa présidence de
l'Union européenne, ont déposé plusieurs projets de
textes, certains communautaires, d'autres intergouvernementaux, en
matière de lutte contre l'immigration clandestine.
Ces questions sont d'une actualité
brûlante, notamment en matière d'immigration clandestine.
L'opinion publique y est très sensible, car, dans son esprit,
délinquance et immigration clandestine vont de pair. Elle est par
ailleurs très attentive aux réalisations concrètes qui
peuvent intervenir dans ce domaine. Dans une étude publiée en
juin 2000 par « Notre Europe » (Groupement
d'études et de recherches présidé par Jacques Delors),
sous le titre « Protéger le citoyen contre le crime
international », Wolfgang Schomburg, juge à la Cour
fédérale de Berlin, écrit : « La
criminalité ne connaît pas de frontières, même pas
celles de communautés ou d'unions comme par exemple l'Union
européenne. Cette constatation n'est pas nouvelle, mais elle est
toujours actuelle... Depuis la chute du rideau de fer, on peut observer une
migration de la criminalité de l'Est vers l'Ouest, et dans une certaine
mesure, aussi du Sud vers le Nord. La criminalité ne peut pas être
efficacement combattue sans la participation active des Etats d'où
proviennent ces nouveaux phénomènes de criminalité, qu'ils
soient membres de l'Union européenne ou non, laquelle, actuellement
encore, est essentiellement conçue pour fonctionner comme une union
économique et monétaire. »
« En Europe, la criminalité doit
être combattue sur la totalité du continent et non pas
arbitrairement réduite géographiquement. L'Union
européenne ou un espace judiciaire plus réduit (je pense par
exemple à un espace Schengen modifié) peut par contre
coopérer de façon beaucoup plus étroite et peut même
se renforcer pour devenir un véritable espace de droit
européen. »
Les efforts qui sont actuellement déployés dans
ce domaine depuis le Conseil européen de Tampere reflètent cette
prise de conscience des gouvernements. Ils traduisent aussi les
difficultés concrètes pour mener à bien cette tâche
difficile de rapprochement des politiques judiciaires et policières des
Etats membres. Des initiatives diverses sont en cours. Elles absorbent les
talents de très nombreux négociateurs à Bruxelles.
Les textes transmis actuellement par le Gouvernement au
Parlement dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution méritent
d'être analysés attentivement. Ils portent sur :
- la coopération policière ;
- la lutte contre l'immigration clandestine.
L'examen de ces textes est également l'occasion de
faire à nouveau le point sur le développement de la politique
européenne de sécurité intérieure, alors que la
France préside les groupes de travail du Conseil.
I - LA COOPÉRATION
POLICIÈRE
La coopération policière semble trouver un
nouveau souffle après les impulsions données par le Conseil
européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999.
Tout d'abord, la structure de liaison
opérationnelle des responsables des services de police
européens, qui avait été demandée par le
Conseil, devrait désormais réunir de manière informelle
les autorités administratives les plus élevées
responsables de la police dans chacun des Etats membres, en vue de discuter et
développer des orientations stratégiques face à la
criminalité organisée. Cette structure, qui rappelle fortement la
coopération TREVI des années 1970 et 1980, a déjà
tenu sa seconde réunion, sous présidence française, sur
les thèmes du passage à l'euro (manipulations et transferts de
fonds, détection de la fausse monnaie) et de la police de
proximité.
Le Conseil européen a par ailleurs demandé
la création d'une académie européenne de police
pour la formation des hauts responsables des services de police. La
présidence française va, dans un premier temps, organiser deux
sessions de préfiguration de l'école européenne de police
sous la forme d'un cycle de six séminaires qui se dérouleront en
2000 et 2001. D'une durée de trois jours, ces séminaires
porteront sur l'organisation et le fonctionnement des services de
sécurité intérieure des Etats membres, les outils de la
coopération européenne, les enjeux stratégiques de la
lutte contre la criminalité organisée, les violences urbaines et
la déontologie policière. Ce réseau pourrait être
ouvert aux fonctionnaires de police des Etats candidats.
Parallèlement à ces premiers séminaires,
un instrument juridique devrait prochainement être mis en discussion par
la présidence française pour l'organisation provisoire de
l'école européenne de police, constituée à
partir du réseau des instituts nationaux de formation policière,
dirigée par les directeurs de ces écoles réunis en Conseil
d'administration et financée par les Etats membres à l'aide des
programmes communautaires (OISIN et FALCONE) du titre IV du Traité CE.
Sa localisation géographique n'interviendrait que dans un second temps.
Rome et Tampere sont déjà candidates.
Parallèlement à ces initiatives du Conseil, des
propositions de textes européens nous sont transmises qui concernent
Europol et Schengen.
1. Europol
La création d'Europol comme organisation de
coopération entre les Etats membres dans les domaines du trafic de
drogue, du terrorisme et d'autres formes graves de criminalité
internationale, a été décidée par le traité
de Maastricht du 7 février 1992.
Nous sommes actuellement saisis de deux projets de textes
concernant Europol :
- d'une part, un projet d'acte du Conseil établi
sur la base de l'article 43, paragraphe 1 de la convention portant
création d'un Office européen de police (E 1451) et qui a,
encore une fois, pour objet d'augmenter les compétences
d'Europol dans le domaine du blanchiment d'argent ;
- d'autre part, un projet de décision du Conseil
portant création d'un secrétariat pour les
autorités de contrôle communes chargées de la protection
des données, instituées par la convention portant
création d'Europol, par la convention sur l'emploi de l'informatique
dans le domaine des douanes et par la convention d'application de l'accord de
Schengen (E 1453).
J'évoquerai également, bien que le projet ait
maintenant été adopté formellement par le Conseil le
19 juin 2000, le projet de budget d'Europol pour 2001 (E
1452).
a) Le projet d'acte du Conseil établi sur
la base de l'article 43, paragraphe 1 de la convention portant création
d'un Office européen de police (E 1451)
Ce premier texte a été déposé par
la présidence portugaise le 5 avril 2000. Il a pour objet de mettre
en oeuvre « l'action spécifique de lutte contre le
blanchiment d'argent » appelée de ses voeux par le
Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999. Le Conseil
avait notamment souligné que « le blanchiment d'argent est
au coeur même de la criminalité organisée. Il faut
l'éradiquer partout où il existe. Le Conseil européen est
déterminé à veiller à ce que soient adoptées
des mesures concrètes pour dépister, geler, saisir et confisquer
les produits du crime. »
Le protocole annexé au projet qui nous est
soumis modifie six articles de la convention Europol afin d'étendre la
compétence de l'organisation dans le domaine du blanchiment. Il
faut toutefois souligner que les conclusions du Conseil de Tampere ne
conduisaient pas directement à l'extension des compétences
d'Europol. Le Conseil évoquait plus particulièrement la
modification de la directive sur le blanchiment d'argent en cours de
discussion, la convention de Strasbourg de 1990, les recommandations du Groupe
d'action financière (GAFI), l'action extérieure de l'Union
européenne, la coopération régionale entre les Etats
membres et les pays tiers limitrophes de l'Union en matière de lutte
contre la criminalité organisée.
La délégation française au Conseil
Justice et Affaires intérieures (JAI) a approuvé ce texte le 8
juin 2000. Il devrait être adopté lors du Conseil Economie,
Finances et JAI du 17 octobre 2000. Les compétences d'Europol,
créées à l'origine pour lutter essentiellement contre les
trafics de drogue (unité Drogues Europol, UDE), ont été
progressivement étendues, avant même l'entrée en vigueur au
1er octobre 1998 de la convention Europol, au trafic illicite
de matières nucléaires et radioactives, aux filières
d'immigration clandestine, au trafic de véhicules volés, à
la traite des êtres humains, y compris la pornographie enfantine, au
terrorisme, au faux monnayage et à la falsification d'autres moyens de
paiement. On parle également d'attribuer à Europol une
compétence en matière de cybercriminalité.
Cet élargissement continuel des
compétences d'Europol, alors même que l'institution, qui n'est
entrée en activité réelle qu'au 1er juillet
1999, n'a pas encore fait ses preuves, ressemble fort à une fuite en
avant. La délégation aura d'ailleurs l'occasion de
revenir sur cette question lorsque le Parlement sera saisi de la modification,
sur la base de l'article 43 paragraphe 3 de la convention Europol, pour
permettre l'implication d'Europol dans la lutte contre la fausse monnaie.
b) Le projet de décision du Conseil
portant création d'un secrétariat pour les autorités de
contrôle communes chargées de la protection des
données, instituées par la convention portant
création d'Europol, par la convention sur l'emploi de l'informatique
dans le domaine des douanes et par la convention d'application de l'accord de
Schengen (E 1453)
Ce second texte a également été
déposé par la présidence portugaise le 14 avril 2000.
Il a pour objet la création d'un secrétariat unique pour
les trois autorités de contrôle communes d'Europol, des douanes et
de Schengen en matière de protection des données à
caractère informatisé. Le texte définit le statut
de son secrétaire, du personnel, du soutien administratif accordé
par le secrétariat général du Conseil et de son
financement.
Ce texte n'a pas appelé d'observations de la part de la
délégation française. Le Parlement européen s'est
prononcé le 20 septembre et le texte devrait être
adopté également le 17 octobre par le Conseil des
ministres.
c) Le projet de budget d'Europol pour 2001 (E
1452)
La délégation a examiné, le
23 mai 2000, le projet de budget d'Europol pour 2001, tel qu'il a
été arrêté par son conseil d'administration lors de
sa réunion des 4 et 5 avril 2000. Ce projet de budget est
soumis à l'avis du Parlement français depuis la dernière
modification constitutionnelle de l'article 88-4 intervenue en janvier
1999.
J'avais à cette occasion émis quelques
observations, en particulier sur la forte progression des
dépenses (augmentation de près de 29 %, portant les
crédits de 27,446 millions d'euros en 2000 à 35,391 millions
d'euros, soit 232,15 millions de francs, en 2001, et création de 45
nouveaux postes, faisant ainsi progresser les effectifs de 185 en 2000 à
230 en 2001). Je soulignais encore que cette augmentation importante
intervient après une progression déjà forte, en 1999, des
moyens mis à la disposition d'Europol, puisque quarante-six
postes avaient déjà été créés en 1999
(les crédits connaissant alors une progression de 42 %).
En deux ans, le budget aura ainsi progressé de
55 %.
L'année dernière, le Gouvernement
français s'était, dans un premier temps, opposé à
un budget qui lui semblait croître de manière excessive et manquer
de lisibilité. Les négociations avaient alors permis
à la France d'obtenir que, en échange de son accord sur la
création des quarante-six postes nouveaux (contre cinquante-quatre
initialement prévus), une évaluation soit menée sur
l'ensemble du budget. Cet audit devait dégager une méthode qui
devrait permettre, pour l'établissement des budgets futurs (notamment
celui pour 2001), de répondre au souci de rigueur et de transparence
exprimé par la France.
J'ai interrogé sur ce point le représentant de
la France au conseil d'administration d'Europol, qui est le directeur de la
direction centrale de la police judiciaire. Les explications qu'il m'a
données ne m'ont pas complètement rassuré. Lors de
l'examen du projet de budget d'Europol pour 2001, trois hypothèses de
progression ont été examinées : 40 %, 30 %
et 29 %. Finalement, et notamment en raison de la pression de la
délégation française, le conseil d'administration a
arrêté son choix sur cette dernière hypothèse.
Je dois à ce propos souligner l'extrême
empressement du Conseil pour l'adoption de ce budget 2001
d'Europol : le conseil d'administration l'a adopté le
5 avril 2000 ; le COREPER et le Conseil en ont été
destinataires le 13 avril ; le SGCI l'a reçu le 15 mai ;
le document E 1452 correspondant a été enregistré au
Sénat le 23 mai ; la délégation l'a
examiné dès le 23 mai et fait connaître son intention
de poursuivre son investigation sur ce projet de budget qui a été
finalement définitivement adopté par le Conseil agriculture le 19
juin 2000. Il va de soi que la délégation sera
particulièrement attentive l'année prochaine au respect du
délai des six semaines que le traité d'Amsterdam réserve
aux parlements nationaux pour l'examen des projets
européens.
Le fonctionnement actuel d'Europol n'est pas
satisfaisant.
Cette situation résulte essentiellement du comportement
de son directeur, peu enclin, semble-t-il, à entendre les remarques de
son conseil d'administration et qui pratique la règle du putsch
permanent. Les 4 et 5 décembre prochains, un conseil
d'administration spécial se tiendra à Paris, à
l'initiative de la présidence française de l'Union, ayant pour
objet de débattre des orientations futures d'Europol. Un questionnaire a
été envoyé en ce sens aux Etats membres.
Il est clair que l'augmentation permanente des
compétences d'Europol ne s'est pas traduite par des résultats
à la hauteur des espoirs qu'y avaient mis ses promoteurs de
Maastricht. Ces résultats sont peu lisibles. De plus, on
constate des risques de doublons avec les organisations nationales ou
internationales existantes. La création récente, après le
Conseil de Tampere, d'une réunion des directeurs de police, ne peut que
confirmer ce sentiment d'impuissance d'Europol. Le contrôleur financier
de l'organisation regrette de n'être ni consulté, ni entendu par
le directeur.
Il est certain que nous devons rester attentifs à
l'évolution de ce dossier. L'opinion ne comprendrait pas que,
après les annonces qui lui ont été faites, Europol demeure
un organe impuissant face au crime organisé. Il faut au plus
vite que cette organisation mettre de l'ordre dans son fonctionnement et porte
remède à la confusion actuelle entre les tâches de
direction, la gestion et la détermination de la stratégie de
l'organisation. Il revient en effet éminemment aux Etats, par la
voie de leurs représentants au conseil d'administration, et non au
directeur, de décider des orientations que doit prendre
Europol. Il importe pour la crédibilité de
l'institution, que le directeur s'incline devant la volonté du
Conseil.
Devant cette situation peu satisfaisante, la
perspective d'une intervention d'Europol en appui des équipes communes
d'enquêtes, ainsi que l'exercice par Europol d'un pouvoir d'initiative
qui pourrait s'exercer dans un premier temps pour la lutte contre le
terrorisme, le trafic de stupéfiants et d'êtres humains, semble
prématurée. Alors que le Parlement français n'est
pas encore saisi du projet, l'instrument juridique adéquat est
déjà en cours de négociation. A tout le moins il
paraît peu souhaitable, en l'état actuel de l'organisation, que
les demandes de participation d'Europol aux équipes communes
présentent un caractère contraignant pour les Etats membres.
D'autre part, les agents d'Europol, qui ne relèvent d'aucune juridiction
nationale et bénéficient de privilèges et immunités
semblables à ceux des diplomates, ne devraient disposer d'aucun pouvoir
d'investigation, ni a fortiori d'aucun pouvoir coercitif. Le syndicat
des magistrats allemands s'était d'ailleurs ému, en son temps,
des privilèges ainsi accordés à des policiers, dont les
actions pourraient n'être soumises à aucun contrôle
judiciaire.
2. La coopération
Schengen
La coopération policière engagée
par les accords de Schengen s'inscrit dans le cadre de l'Union
européenne depuis l'entrée en vigueur du traité
d'Amsterdam. D'un point de vue opérationnel, la
présidence française veut améliorer les performances du
système d'information, mais elle tient à conserver la structure
institutionnelle actuelle en faveur de laquelle le Sénat s'était
prononcé par l'adoption d'une résolution en séance
publique le 28 avril 1999 (résolution TA 107). Le Conseil des
ministres JAI de décembre 2000 évaluera les nouveaux membres
admis à participer au Système d'Information Schengen (SIS) compte
tenu des multiples demandes d'adhésion, dont celle du Royaume-Uni qui ne
pourra sans doute être techniquement possible qu'en 2002 ou 2003.
L'adoption de nouvelles fonctionnalités du système pourrait par
ailleurs exiger une modification de la convention d'application des accords de
Schengen.
La présidence du Conseil a déposé, le
30 juin 2000, un projet de décision du Conseil relative
à la demande de l'Irlande de participer à certaines dispositions
de l'acquis de Schengen (E 1526). Cette demande de l'Irlande fait
suite à celle du Royaume-Uni qui avait été
déposée en octobre 1999 et qui a été
acceptée par le Conseil le 29 mai 2000 (E 1321).
L'Irlande, comme le Royaume-Uni,
bénéficie d'une position particulière depuis le
traité d'Amsterdam. En effet, le protocole annexé au
traité, qui intègre l'acquis de Schengen dans le cadre de l'Union
européenne, a tenu compte du fait que ces deux pays ne sont pas parties
aux accords relatifs à la suppression graduelle des contrôles aux
frontières communes signés à Schengen le 14 juin 1985 et
le 19 juin 1990.
Néanmoins, ce protocole a prévu la
possibilité, pour ces Etats membres, de les accepter en tout ou en
partie. Un autre protocole a en outre pris en compte l'application de certains
aspects de l'article 7 A instituant la Communauté européenne
(liberté de circulation des personnes) au Royaume-Uni et à
l'Irlande. C'est ainsi que l'Irlande et le Royaume-Uni, qui ont
toujours contesté les conséquences juridiques de l'article 7 A
sur la libre circulation des personnes, sont habilités à exercer,
à leurs frontières avec d'autres Etats membres, sur les personnes
souhaitant entrer sur leur territoire, les contrôles qu'ils
considèrent nécessaires, et autorisés à continuer
à conclure entre eux des arrangements concernant la circulation des
personnes entre leurs territoires.
L'Irlande demande ainsi à participer aux
dispositions de la convention de Schengen de 1990 relatives au système
d'information Schengen (SIS), sauf dans les cas où ces
dispositions ont pour but l'application des dispositions de la convention
relatives à la libre circulation des personnes sur les territoires des
pays participants.
Cela signifie que l'Irlande ne souhaite participer ni aux
dispositions de l'article 96 de la convention sur les signalements aux
fins de non-admission, ni aux autres dispositions concernant le SIS qui
renvoient, implicitement ou explicitement, à cet article 96.
Au-delà de cette réserve de l'Irlande, qui traduit la position
parfaitement connue des ces deux pays insulaires, je ne peux que me
féliciter de cette évolution de la position irlandaise, qui est
identique à celle du Royaume-Uni ; j'avais en effet
suggéré en 1995 ce rapprochement entre les Britanniques et
Schengen en considérant « la logique particulière
des contrôles aux frontières liée à
l'insularité ».
Il me semble en particulier très important que,
à compter de la date d'adoption de cette décision, l'Irlande
- comme le Royaume-Uni -, soit réputée souhaiter
participer à toutes les propositions et initiatives fondées sur
l'acquis de Schengen.
D'une manière générale, on est
obligés de constater que la coopération policière
mise en oeuvre dans Schengen continue à progresser alors que les
résultats opérationnels d'Europol tardent à se
manifester. Il convient également de relever l'importance des
propositions faites dans ce domaine par les Etats, comparée à la
modestie des propositions communautaires.
A titre d'exemple, la présidence française de
l'Union européenne a, d'ores et déjà, déposé
une note d'orientation visant à améliorer la gestion des flux
migratoires, incluant l'amélioration des échanges d'information
dans le cadre du groupe du CIREFI, la mise au point d'une procédure
d'alerte rapide, la création d'un réseau européen des
officiers de liaison en matière d'immigration.
Dans le cadre de Schengen, une coopération
policière pragmatique et concrète s'est engagée
avec un nombre croissant de visites et d'échanges entre les Etats
parties et la mise en place, dans les pays d'origine ou de transit de
l'immigration irrégulière, d'une coopération
policière en amont des filières d'immigration
irrégulière, notamment pour celles qui empruntent la voie
aérienne. Des actions pratiques de formation, dans le domaine de la
lutte contre les faux documents, ont été mises en place pour les
personnels des consulats, ceux des compagnies aériennes et pour les
policiers locaux, tandis que des officiers de liaison immigration
étaient détachés auprès des compagnies
aériennes.
Après les centres communs de
coopération policière et douanière (CCPD)
créés par la France et l'Allemagne, la France et l'Italie, la
France et l'Espagne, la France et la Suisse, des postes identiques ont
été mis en place par l'Allemagne et la Pologne, l'Allemagne et
l'Autriche, l'Espagne et le Portugal. L'Allemagne coopère maintenant
avec ses voisins pour effectuer des patrouilles communes (avec la France et les
Pays-Bas), des contrôles communs (avec les Pays-Bas) et des exercices
communs (avec l'Autriche et la France) dans les régions
frontalières. Un expert français de pré-adhésion du
ministère de l'Intérieur a supervisé les opérations
de création d'un CCPD par l'Autriche et la Hongrie.
Comme l'art de la guerre, la technique policière est
toute d'exécution. C'est pourquoi il faut encourager ces
évolutions très positives engagées par les Etats membres
dans le cadre de l'article 39 de la convention d'application des accords de
Schengen. En cette matière, la Commission va sans doute faire ses
preuves. Elle vient déjà de se doter d'une direction
générale « Justice et Affaires
intérieures » et de deux directions, l'une chargée
de la libre circulation des personnes, de l'immigration et de
l'asile, de la coopération judiciaire en matière civile et de la
coordination de la lutte anti-drogue, l'autre de la coopération
policière et douanière, de la lutte contre le crime
organisé, de la coopération judiciaire en matière
pénale et des relations extérieures et de
l'élargissement. En 1999, la structure en charge de la justice et
des affaires intérieures, qui n'était pas encore une direction
générale, comptait 70 personnes. Pour l'année 2000,
la direction générale a été dotée de
160 fonctionnaires. Il en est prévu 230 en 2001.
II. LA LUTTE CONTRE
L'IMMIGRATION CLANDESTINE
Le ministre français de l'Intérieur a, dans un
récent séminaire sur la lutte contre les filières
d'immigration clandestine, souligné que « l'aggravation de
l'immigration irrégulière résulte de l'activité
croissante des filières d'entrée illégale »
et que « cette activité est favorisée par les
insuffisances législatives ou opérationnelles des Etats
d'immigration et par tout ce qui permet aux clandestins d'entrer et de se
maintenir sur le territoire en violation des lois ».
« Mais, a-t-il ajouté, il y a plus encore :
derrière les passeurs, on trouve de plus en plus les mafias. Les
responsables policiers ont identifié une mafia russe exploitant
Sri Lankais et Chinois, une mafia turque prenant en charge des Kurdes, des
Afghans et des Iraniens. On sait aussi que les clandestins des Balkans sont
pris en main par les mafias albanaises. »
Les statistiques policières sont
impressionnantes : depuis août 1999, 10 000
clandestins et 400 passeurs ont été interpellés à
Calais, point de passage vers l'Angleterre. Sur 18 mois, la diaspora
chinoise en France a recyclé plus de 1,6 milliard de francs de
profits qui ont été réalisés en partie grâce
à de la main-d'oeuvre clandestine. Le ministère français
de l'Intérieur a démantelé 65 filières
d'immigration clandestine en cinq ans et fermé une centaine d'ateliers
clandestins employant dans des conditions de vie indignes des immigrés
illégaux, modernes esclaves forcés de rembourser pendant des
années, voire des décennies, leur passage vers l'Europe.
2 000 personnes ont été interpellées, dont plus de
300 ont été placées sous mandat de dépôt.
Les données générales sur
l'immigration montrent que le phénomène de l'immigration
clandestine s'aggrave. Si l'on prend en compte les demandes d'asile,
qui sont un bon indicateur de la pression migratoire, on constate en effet une
hausse importante dans tous les Etats membres : en France, de 22 000
demandes en 1998 à 30 000 en 1999, et 50 000 sans doute cette
année ; au Royaume-Uni, de 48 000 à 71 000, en
Allemagne de 50 000 à 100 000.
Le Conseil européen de Tampere a
consacré deux de ses conclusions (points 22 et 23) à la lutte
contre l'immigration clandestine. Il a notamment demandé
le lancement « en coopération étroite avec les pays
d'origine et de transit, de campagnes d'information sur les possibilités
réelles d'immigration légale et la prévention de toutes
les formes de traite d'êtres humains », ainsi que la mise
en place « d'une politique commune active en matière de
visas et de faux documents incluant une coopération plus étroite
entre les consulats de l'Union européenne dans les pays
tiers ».
Le point 23 des conclusions est suffisamment important pour
que je le cite quasi intégralement : « Le
Conseil européen est déterminé à combattre à
sa source l'immigration clandestine, notamment en s'attaquant à ceux qui
se livrent à la traite des êtres humains et à
l'exploitation économique des migrants. Il insiste sur
l'adoption de dispositions législatives prévoyant des sanctions
sévères pour cette forme grave de criminalité. Le Conseil
est invité à adopter, avant la fin de l'an 2000, des dispositions
législatives à cette fin, sur la base d'une proposition de la
Commission. En collaboration avec Europol, les Etats membres devraient
concentrer leurs efforts sur la détection et le
démantèlement des filières criminelles. »
Le Conseil européen de Feira des 19 et 20 juin 2000, qui se
tenait précisément au moment du drame de Douvres, a
condamné « les actes criminels perpétrés par
ceux qui tirent profit de la traite des êtres
humains ».
La légitimité des propositions faites
par le Gouvernement français en matière de lutte contre
l'immigration clandestine est donc bien établie. Les quatre
textes, dont le Parlement est saisi dans le cadre du 88-4, relèvent du
nouveau titre IV communautaire du traité modifié
établissant la Communauté européenne (TCE). L'article 63
du traité, relatif aux mesures d'accompagnement de la libre circulation
des personnes, précise celle de ces mesures que le Conseil est
appelé à adopter en matière d'asile et d'immigration dans
les cinq ans qui suivent l'entrée en vigueur du traité
d'Amsterdam.
Le Conseil est ainsi invité à
arrêter des mesures relatives aux conditions d'entrée et de
séjour ainsi qu'à l'immigration clandestine et au séjour
irrégulier. C'est donc bien dans le cadre du programme
législatif demandé par le Conseil européen que
s'inscrivent les quatre initiatives de la France qui sont actuellement soumises
au Parlement français, à savoir :
- un projet de décision cadre visant
à renforcer le cadre pénal pour la répression de l'aide
à l'entrée et au séjour irréguliers (E 1513 -
E 1547) ;
- une proposition de directive relative à
l'harmonisation des sanctions pécuniaires
(E 1514) ;
- une proposition de directive relative à
la reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement des
ressortissants des pays tiers (E 1525) ;
- une proposition de directive visant à
définir l'aide à l'entrée, à la circulation et au
séjour irréguliers (E 1513 - E 1537).
a) Le projet de décision cadre visant
à renforcer le cadre pénal pour la répression de l'aide
à l'entrée et au séjour irréguliers (E 1513 -
E1537)
Ce projet de caractère intergouvernemental, puisque
relevant de la coopération policière dans le domaine
pénal, s'inscrit dans la ligne de deux précédentes
recommandations du 22 décembre 1995 sur l'harmonisation des moyens
de lutte contre l'immigration et l'emploi illégaux et
l'amélioration des moyens de contrôle prévus à cet
effet et du 27 septembre 1996 sur la lutte contre l'emploi illégal
de ressortissants d'Etats tiers, ainsi que de l'action commune du 24
février 1997 relative à la lutte contre la traite des êtres
humains et l'exploitation sexuelle des enfants.
La décision du Conseil de Tampere a ouvert un
nouveau champ pour la coopération entre Etats pour lutter contre
l'immigration clandestine. En effet, le point 48 des conclusions
précise que : « Sans préjudice des domaines
plus larges envisagés dans le traité d'Amsterdam et le plan
d'action de Vienne, le Conseil européen estime que, en ce qui concerne
le droit pénal national, les efforts visant à trouver un
accord sur des définitions, des incriminations et des sanctions communes
doivent porter essentiellement, dans un premier temps, sur un nombre
limité de secteurs revêtant une importance
particulière... ». Après le
drame de Douvres, le 19 juin 2000, le Conseil européen réuni
à Feira les 19 et 20 juin a ainsi clairement exprimé sa
volonté de lutter contre les filières criminelles d'immigration
clandestine.
L'objectif de ce projet est de parvenir à
harmoniser les sanctions existantes dans le cadre national afin que
leur mise en oeuvre, obéissant à des critères communs,
renforce la lutte contre l'aide à l'entrée et au séjour
irrégulier. Il ne s'agit donc pas de renforcer, dans cette
proposition, les sanctions - déjà existantes au plan
national - contre les étrangers en situation
irrégulière, mais de prévenir l'action des
individus ou des organisations qui organisent et profitent de l'immigration
clandestine.
Le projet définit l'infraction
générale, fait obligation aux Etats d'incriminer la
participation, la tentative ou l'incitation et de prévoir en
conséquence des sanctions pénales, effectives,
proportionnées et dissuasives. Ces sanctions doivent inclure
des peines privatives de liberté, susceptibles de donner lieu à
extradition en cas de circonstances aggravantes. Des sanctions
complémentaires sont suggérées, comme la confiscation du
moyen de transport ayant servi à commettre l'infraction, l'interdiction
d'exercer l'activité professionnelle à l'occasion de laquelle
l'infraction a été commise, ainsi que l'interdiction du
territoire dès lors que la personne en cause n'est pas ressortissante
d'un Etat membre de l'Union européenne.
Le Parlement européen doit rendre son avis au mois de
novembre. La présidence française souhaiterait que ce texte soit
adopté avant la fin du mois de novembre 2000. Les dispositions
complémentaires relevant du premier pilier communautaire sont
traitées dans la proposition de directive sur la lutte contre l'aide
à l'entrée, à la circulation et au séjour
irréguliers.
b) La proposition de directive visant à
définir l'aide à l'entrée, à la circulation et au
séjour irréguliers (E 1513 - E 1537)
Cette proposition de directive est donc le
complément communautaire de la décision cadre visant à
renforcer le cadre pénal pour la répression de l'aide à
l'entrée et au séjour irréguliers. Outre
l'harmonisation des concepts juridiques sur la participation, l'incitation, la
tentative et l'infraction générale d'aide à
l'entrée et au séjour irrégulier, la proposition de
directive reprend la formule traditionnelle relative à la nature des
sanctions effectives, proportionnées et dissuasives s'appliquant
à des individus.
Le texte souligne que son objet est de lutter contre
l'aide apportée à l'immigration clandestine, que celle-ci porte
sur le franchissement irrégulier de la frontière stricto
sensu ou que cette aide soit destinée à alimenter des
réseaux d'exploitation des êtres humains. Il convient en
conséquence de parvenir à un rapprochement des dispositifs
existants, ce qui implique, d'une part, une définition précise de
l'infraction considérée et, d'autre part, une harmonisation des
sanctions prévues, des cas d'exonération ou au contraire
d'aggravation, qui est traité par ailleurs dans le projet de
décision cadre visant à renforcer le cadre pénal pour la
répression de l'aide à l'entrée et au séjour
irrégulier.
La présidence française souhaiterait une
adoption dans le cadre du conseil JAI du 30 novembre 2000.
c) La proposition de directive relative à
l'harmonisation des sanctions pécuniaires imposées aux
transporteurs acheminant sur le territoire des Etats membres des ressortissants
des pays tiers démunis des documents nécessaires pour y
être admis (E 1514)
Cette proposition de directive s'inscrit dans le cadre, d'une
part, de la convention de Schengen qui avait déjà posé
comme principe celui de la responsabilité des transports au regard des
immigrants clandestins, d'autre part, des dispositions du traité sur
l'Union européenne prévoyant que le Conseil arrête, dans un
délai de cinq après la mise en vigueur du traité
d'Amsterdam, les mesures d'accompagnement relatives à l'immigration
illégale et au séjour irrégulier, y compris le
rapatriement des personnes en séjour irrégulier.
En l'occurrence, cette proposition de directive, outre
l'indispensable harmonisation des concepts juridiques, fixe un montant minimal
des sanctions applicables aux transporteurs (compagnies
aériennes, maritimes ou terrestres, à l'exception des compagnies
ferroviaires dans la mesure où ces documents sont vérifiés
par les autorités douanières nationales), fixé à
2000 euros pour chaque passager dont le transporteur n'a pas
vérifié les documents, sans préjudice de sanctions
nationales éventuellement plus contraignantes, comme
l'immobilisation ou la saisie du véhicule, la suspension temporaire ou
le retrait de l'autorisation d'exploitation.
Le transporteur sera responsable, notamment sous
l'angle financier, du rapatriement du ressortissant d'un pays tiers vers son
pays d'origine ou tout autre pays susceptible de l'accepter. En cas de
report du rapatriement, le transporteur sera tenu d'assurer la garde du
voyageur jusqu'à son départ effectif. Cette proposition concerne
les voyageurs clandestins, les personnes en voyage touristique et les
immigrés légaux qui ne sont pas en possession de leurs documents
de voyage. En revanche, le projet exclut les demandeurs d'asile.
Considéré comme prioritaire dans les travaux du
groupe « Frontières » du Conseil, ce texte
pourrait également être adopté par le Conseil JAI de la fin
novembre.
d) La proposition de directive relative à
la reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement des
ressortissants des pays tiers (E 1525)
La proposition de directive a pour objet de parvenir
à une meilleure exécution des décisions
d'éloignement des ressortissants d'Etats tiers par la mise en place d'un
mécanisme de reconnaissance mutuelle des décisions
d'éloignement des Etats membres. Le Garde des Sceaux a
résumé l'objet de ce texte en le désignant comme une forme
« d'application mutuelle » des décisions
judiciaires. Le but est que, en présence d'une décision
d'éloignement prise par un Etat membre, un autre Etat membre puisse
automatiquement la mettre à exécution d'office.
La présidence française, qui est
également à l'origine de cette proposition de directive,
souligne, d'une part, que la compétence communautaire est parfaitement
justifiée dans le cas d'espèce par rapport à l'action dans
le seul cadre national, d'autre part, que cette proposition s'inscrit
parfaitement dans la mise en place d'un espace de liberté, de
sécurité et de justice par l'adoption de règles communes
dans le domaine de la politique de l'immigration. La base légale de ce
texte est l'article 63 paragraphe 3 du traité, partie (b), qui
suggère de prendre des mesures en matière d'immigration et de
séjour clandestins, dont le rapatriement des clandestins.
Le choix de la directive comme instrument juridique
- nouvelle possibilité offerte par la communautarisation du
troisième pilier - semble également adapté dans la
mesure où la directive détermine les cadres de l'action
à atteindre tout en laissant aux Etats membres le choix de la forme et
des moyens les plus appropriés dans l'ordre juridique national, en
particulier en leur laissant le soin de réaliser l'éloignement
dans les formes prévues par leur propre législation.
La proposition de directive définit en
particulier :
- la catégorie des personnes
concernées et les cas d'éloignement couverts (soit la
menace à l'ordre public ou à la sécurité nationale,
qui peut être comprise comme le fait d'avoir été
frappé d'une condamnation à au moins un an d'emprisonnement ou
d'être soupçonné d'avoir commis ou de vouloir commettre un
crime dans un Etat membre, soit le non-respect des réglementations
nationales relatives à l'entrée ou au séjour des
étrangers) ;
- l'obligation d'examiner préalablement
à l'éloignement la situation de la personne en fonction des
obligations créées par les actes internationaux
existants (notamment la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et la
Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28
juillet 1951) ;
- la possibilité de recours contre la
mesure de mise en oeuvre prise par l'Etat membre dans les conditions
prévues par la législation de cet Etat.
Le Parlement européen, qui doit rendre son avis
d'ici le 17 novembre 2000, avant le Conseil JAI du 30 novembre,
s'opposera vraisemblablement à ce texte dans la mesure
où il a regretté, dans une résolution votée le
6 septembre 2000, que les Etats membres abusent de mesures publiques pour
motiver des expulsions. Le Parlement estime notamment que la
« déportation » automatique
résultant d'une condamnation pénale enfreint le droit
communautaire.
*
Ces textes s'inscrivent à l'évidence
dans la nouvelle attitude adoptée par l'Union européenne au
regard des mesures d'accompagnement de la libre circulation sous l'angle de la
sécurité, attitude plus réaliste, plus pragmatique et en
un mot plus responsable. Il est vrai que les drames permanents qui se
vivent à Calais, à Bari ou à Gibraltar, ne laissent plus
de doutes sur la nécessité d'une réaction forte et
coordonnée des Etats membres face à une criminalisation
croissante de l'immigration.
Il convient cependant de souligner que la plupart de
ces textes résultent d'initiatives nationales - d'ailleurs
essentiellement françaises - et non de la Commission. La
seule proposition d'initiative de la Commission est d'une autre
tonalité, puisqu'elle porte sur le regroupement familial. Le commissaire
en charge du dossier, M. Antonio Vitorino, a été entendu sur
l'ensemble de ces questions par la délégation du Sénat le
15 juin 2000. Il m'a transmis par lettre du 27 juillet 2000 ses
remarques concernant notre proposition de résolution sur le regroupement
familial.
Le commissaire m'a indiqué en particulier que
« la proposition de directive sur le droit au
regroupement familial constitue pour la Commission la première
proposition en matière d'immigration
légale ; elle sera suivie par d'autres
initiatives. A l'automne, la Commission produira une Communication qui traitera
de la politique de la Communauté en matière de migrations
à la lumière des changements démographiques, de la
situation du marché de l'emploi, ainsi que des pressions migratoire
des pays et des régions d'origine.
« Plus tard, la Commission prendra une
initiative sur le statut juridique des ressortissants de pays tiers
résidents de longue durée dans les Etats membres. Une
étude a été effectuée et la Commission souhaite
également prendre en compte les résultats d'un important
séminaire sur l'intégration des ressortissants de pays tiers
durablement installés, qui aura lieu sous présidence
française les 5 et 6 octobre.
« Pendant le premier semestre 2001, la
Commission déposera des propositions législatives dans le domaine
de l'admission aux fins d'emploi salarié et d'activité
économique indépendante, ainsi qu'aux fins d'études et de
formation professionnelle sur le territoire des Etats membres. Dans
ces domaines également les services de la Commission ont financé
des études qui servent de base pour la réflexion en vue de
l'élaboration d'initiatives législatives ».
La Commission n'a donc pas l'intention, dans un proche
avenir, d'aborder les problèmes posés par l'immigration
illégale, si ce n'est indirectement par le moyen d'une
communication sur l'immigration qu'elle compte déposer avant la fin de
l'année. Or, comme l'a souligné l'ancien ministre de
l'Intérieur au cours du séminaire international sur
« la lutte contre les filières d'immigration
clandestine » tenu à Paris le 20 juillet 2000,
« la question migratoire sera l'un des principaux
enjeux du XXIe siècle. L'Europe accueillera
vraisemblablement une cinquantaine de millions de migrants dans les cinquante
prochaines années... Elle se doit de maîtriser les flux
migratoires dans le respect des lois et du modèle de la
citoyenneté égale pour tous auquel nous sommes
attachés. »
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