COM (2000) 323 final  du 24/05/2000
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 22/12/2000

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 23/08/2000
Examen : 16/11/2000 (délégation pour l'Union européenne)


Culture

Programme pluriannuel sur les contenus numériques européens dans la société de l'information
« e-contenu »


Texte E 1527 - COM (2000) 323 final

(Procédure écrite du 16 novembre 2000)

La présente proposition est relative à l'adoption d'un programme communautaire pluriannuel (du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005), visant à encourager le développement et l'utilisation de contenu numérique européen sur les réseaux mondiaux, ainsi qu'à promouvoir la diversité linguistique dans la société de l'information.

Ce programme est fondé sur l'article 157 paragraphe 3 du traité instituant la Communauté européenne, relatif à l'industrie. Il s'inscrit dans le cadre des initiatives prises par l'Union européenne en matière de nouvelles technologies, en particulier le plan d'action « e-europe », adopté en juin dernier au Conseil européen de Feira. Il contient également une forte dimension culturelle et constitue, à ce titre, le complément du programme Media Plus portant sur l'audiovisuel.

Son budget prévisionnel est de 150 millions d'euros.

I - LE CONTEXTE DE LA PROPOSITION

Internet et les autres services et produits numériques exercent désormais une influence considérable sur l'économie et la société des pays développés.

Or, si l'Europe dispose d'un énorme potentiel en matière de contenu, elle accuse un net retard sur le continent américain en la matière. Ainsi, le nombre d'utilisateurs d'Internet est estimé à seulement 72 millions en Europe contre 136 millions aux Etats-Unis et au Canada. De plus, le nombre de sites web européens n'atteint pas le tiers de celui des sites américains. Enfin, les sites web les plus fréquemment visités par les Européens sont presque tous américains, les seules exceptions étant les sites de prestataires de services Internet.

En mars 2000, le Conseil européen de Lisbonne a donc assigné un nouvel objectif stratégique à l'Union européenne pour la décennie à venir : devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique.

Lors de ce Conseil, les chefs d'Etat et de gouvernement ont expressément souligné l'importance des industries de contenu. Le contenu numérique soulève, en effet, de nombreux enjeux pour l'Union européenne.

D'une part, il représente un défi économique. La valeur du secteur du contenu est, ainsi, estimée à 412 milliards d'euros, soit 5 % du PIB européen. Cela représente environ quatre millions d'emplois, en particulier dans les petites entreprises émergentes. De plus, c'est un secteur en rapide expansion. Enfin, il permet d'accroître la compétitivité des entreprises dans tous les secteurs.

D'autre part, l'impact social est très important. En effet, les produits et services de contenu permettent d'améliorer les qualifications et la formation des personnes, donc leur employabilité.

Mais les nouvelles technologies représentent également un défi culturel, en particulier linguistique.

Il convient, à cet égard, de remarquer qu'actuellement environ 70 % du contenu sur Internet est en anglais. Or, les nouvelles technologies exercent un fort impact culturel. Un volume plus important de contenu numérique européen serait ainsi nécessaire pour contrebalancer la pénétration commerciale des produits et services d'origine américaine. Une composante essentielle de ce programme vise donc à préserver la diversité linguistique et culturelle de l'Europe.

Face à ces enjeux, plusieurs entraves continuent de limiter les possibilités qui s'offrent aux producteurs de contenu en Europe. Ainsi, le prix des services de télécommunications de base constitue toujours un obstacle majeur à l'utilisation des services numériques, leur coût en Europe, malgré la libéralisation du secteur, demeurant nettement plus élevé qu'aux Etats-Unis.

En outre, il subsiste un certain nombre de problèmes pratiques, comme ceux liés à l'échange des droits de propriété intellectuelle en matière de contenu numérique. Le projet de directive sur le droit d'auteur dans la société de l'information doit y remédier.

La Commission européenne a surtout identifié trois obstacles majeurs au développement de contenu européen, que le programme a pour vocation de lever.

II - LE PROGRAMME

Le programme proposé vise expressément à promouvoir le développement et l'utilisation de certaines catégories de contenu numérique européen. Il a été conçu après des études de marché et une consultation menée avec les entreprises du secteur. Il repose également sur l'expérience tirée des programmes communautaires IMPACT, INFO 2000 et Société de l'information multilingue (MLIS) qu'il a vocation à remplacer.

Il s'agit d'un programme de subventions reposant sur le principe du cofinancement. Géré par la Commission européenne, il est ouvert aux Etats membres, aux Etats de l'AELE et de l'EEE, ainsi que, sous certaines conditions, aux Etats candidats.

Trois axes ont été retenus sous la forme de lignes d'action :

- encourager l'exploitation de l'information du secteur public ;

- développer l'adaptation linguistique et culturelle ;

- dynamiser le marché.

1. Ligne d'action n° 1 : exploitation de l'information du secteur public

Le livre vert sur l'information du secteur public dans la société de l'information, publié en janvier 1999, a provoqué un débat au niveau européen sur les questions de l'accès à l'information du secteur public et de son exploitation.

En effet, les sociétés européennes de contenu rencontrent des difficultés pour accéder, utiliser et exploiter l'information du secteur public, en particulier en raison des grandes divergences entre les pratiques nationales, à la différence des Etats-Unis où il existe un ensemble cohérent de règles (le « Freedom of Information Act »). Or, une grande partie de l'information du secteur public présente un intérêt commercial.

Cette ligne d'action prévoit, donc, dans le prolongement de INFO 2000, plusieurs types d'actions pour un budget global de 75 millions d'euros :

·  des expériences de partenariat public/privé, dans la continuité avec INFO 2000, visant à exploiter l'information du secteur public présentant un intérêt au niveau européen ; le budget proposé, de 45 millions d'euros, permettra de financer deux à trois projets par Etat membre, pour une subvention moyenne de 1,5 million par projet ;

·  la constitution de bases de données numériques avec un budget de 30 millions d'euros, ce qui permettra de soutenir moins d'un projet par pays (en tablant sur un montant de 2,5 millions d'euros par projet) ;

·  la constitution d'un groupe de haut niveau sur l'information du secteur public qui donnera des conseils sur les différentes initiatives dans ce domaine et servira de plate-forme en matière d'identification et de diffusion des meilleures pratiques (500 000 euros).

2. Ligne d'action n° 2 : développer l'adaptation linguistique et culturelle

L'objectif direct de cette ligne d'action, qui se situe dans le prolongement du programme MLIS, est de permettre aux entreprises européennes de contenu, en particulier les PME, d'assurer leur réussite commerciale et d'élargir leurs marchés, grâce à l'adaptation linguistique. L'objectif plus général est de renforcer le multilinguisme dans la société de l'information.

Le budget total prévu pour cette ligne d'action est de 60 millions d'euros.

Elle se décline en deux types d'actions :

·  la promotion de stratégies et de partenariats dans le domaine des langues, par des projets transnationaux, intéressant, d'une part, le secteur privé (75 % du budget proposé soit 33 millions d'euros) et, d'autre part, le secteur public (25 % du budget, soit 12 millions d'euros).

En misant sur un concours communautaire de 1,5 millions d'euros en moyenne par projet, un budget de 45 millions permettrait de soutenir 20 à 25 projets, selon la proposition.

·  le soutien à l'infrastructure linguistique (c'est-à-dire lexiques, bases terminologiques, etc), en particulier pour les langues les moins répandues de l'Union européenne, pour les langues des pays candidats ou celles des principaux partenaires commerciaux de l'Union européenne. Un budget de 15 millions d'euros sur cinq ans permettra de soutenir au moins un projet de ce type par communauté linguistique, en tablant sur un cofinancement d'un million d'euros par projet.

3. Ligne d'action n° 3 : dynamiser le marché

L'objectif général de cette ligne d'action, dont le budget prévu est de 10 millions d'euros, est double. Il s'agit, en premier lieu, de faciliter l'accès des jeunes entreprises d'Internet aux capitaux. En effet, on estime que le capital-risque disponible pour les entrepreneurs Internet aux Etats-Unis est environ 3 à 4 fois plus important qu'en Europe. Cette situation crée un désavantage concurrentiel de l'Union européenne vis-à-vis des Etats-Unis.

Néanmoins, il ne s'agit pas ici de financer directement ces entreprises, mais de les mettre en relation avec les investisseurs, par le biais de séminaires ou de conférences (5 millions d'euros).

En second lieu, l'action prévoit des projets pilotes, dans le prolongement d'Info 2000, en matière de droits d'auteurs dans la société de l'information (5 millions d'euros pour 3 à 5 projets).

4. La ligne d'action n° 4, dite Action de soutien, vise à effectuer le suivi des programmes, à l'aide de publications ou de forums. Son budget prévisionnel est de 5 millions d'euros.

Tableau récapitulatif

Crédits d'engagement en millions d'euros (aux prix courants)

 

2001

2002

2003

2004

2005

Total

Ligne d'action 1 :

encourager l'exploitation de l'information du secteur public

0,10

34,00

0,20

40,50

0,20

75,00

Ligne d'action 2 :

développer l'adaptation linguistique et culturelle

18,00

0,00

21,00

0,00

21,00

60,00

Ligne d'action 3 :

dynamiser le marché

0,90

6,70

0,80

0,80

0,80

10,00

Ligne d'action 4 :
actions de soutien

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

5,00

Total

20,00

41,70

23,00

42,30

23,00

150,00

III - L'EXAMEN DE LA PROPOSITION

La présidence française s'est fixée pour objectif, conformément au calendrier du plan d'action e-Europe, de faire adopter ce programme avant la fin de l'année 2000.

Si l'ensemble des Etats accueille favorablement le programme dans son ensemble, leurs priorités diffèrent en ce qui concerne l'équilibre entre les lignes d'actions et le contenu de celles-ci. Certains Etats souhaitent, en effet, que la dimension culturelle soit plus affirmée, alors que d'autres souhaitent, au contraire, un renforcement du soutien à l'accès au capital risque ou attachent une importance particulière au développement du multilinguisme sur Internet.

La délégation française adhère aux objectifs et aux grandes orientations prévus par le programme avec un soutien plus marqué pour les lignes d'action 1 et 2. De façon plus générale, elle attache une grande importance à un renforcement de la dimension culturelle de celui-ci.

Par ailleurs, la délégation française a proposé de procéder en parallèle à l'examen du programme, à un recensement des données numériques publiques disponibles en Europe.

Tout en soutenant la position du Gouvernement français sur le renforcement de la dimension culturelle du programme, la délégation n'a pas jugé nécessaire d'intervenir plus avant dans l'examen de ce texte.