10186/00 FRONT 37 COMIX 537  du 07/07/2000
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 27/06/2001

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 02/08/2000
Examen : 17/10/2000 (délégation pour l'Union européenne)


Justice et affaires intérieures

Communication de M. Paul Masson sur la coopération policière et la politique d'immigration

Réunion du mardi 17 octobre 2000

Le Parlement français est saisi, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, de plusieurs projets de textes européens portant sur la coopération policière, l'asile et l'immigration. Il s'agit des premiers textes importants qui, après la première proposition de directive de la Commission sur le regroupement familial, interviennent dans les matières du nouvel « Espace de Liberté, de Sécurité et de Justice ».

Depuis l'entrée en vigueur au 1er mai 1999 du traité d'Amsterdam, les matières de l'ancien troisième pilier intergouvernemental, à l'exception de la coopération policière et de la coopération judiciaire dans le domaine pénal, sont communautarisées. Pendant une période de cinq ans à compter de la mise en vigueur du traité, le droit d'initiative n'est toutefois pas réservé à la Commission et le Conseil continue à se prononcer à l'unanimité. C'est donc dans le cadre de ce droit de proposition partagé entre les Etats et la Commission que les Etats, notamment le Gouvernement français à l'occasion de sa présidence de l'Union européenne, ont déposé plusieurs projets de textes, certains communautaires, d'autres intergouvernementaux, en matière de lutte contre l'immigration clandestine.

Ces questions sont d'une actualité brûlante, notamment en matière d'immigration clandestine. L'opinion publique y est très sensible, car, dans son esprit, délinquance et immigration clandestine vont de pair. Elle est par ailleurs très attentive aux réalisations concrètes qui peuvent intervenir dans ce domaine. Dans une étude publiée en juin 2000 par « Notre Europe » (Groupement d'études et de recherches présidé par Jacques Delors), sous le titre « Protéger le citoyen contre le crime international », Wolfgang Schomburg, juge à la Cour fédérale de Berlin, écrit : « La criminalité ne connaît pas de frontières, même pas celles de communautés ou d'unions comme par exemple l'Union européenne. Cette constatation n'est pas nouvelle, mais elle est toujours actuelle... Depuis la chute du rideau de fer, on peut observer une migration de la criminalité de l'Est vers l'Ouest, et dans une certaine mesure, aussi du Sud vers le Nord. La criminalité ne peut pas être efficacement combattue sans la participation active des Etats d'où proviennent ces nouveaux phénomènes de criminalité, qu'ils soient membres de l'Union européenne ou non, laquelle, actuellement encore, est essentiellement conçue pour fonctionner comme une union économique et monétaire. »

« En Europe, la criminalité doit être combattue sur la totalité du continent et non pas arbitrairement réduite géographiquement. L'Union européenne ou un espace judiciaire plus réduit (je pense par exemple à un espace Schengen modifié) peut par contre coopérer de façon beaucoup plus étroite et peut même se renforcer pour devenir un véritable espace de droit européen. »

Les efforts qui sont actuellement déployés dans ce domaine depuis le Conseil européen de Tampere reflètent cette prise de conscience des gouvernements. Ils traduisent aussi les difficultés concrètes pour mener à bien cette tâche difficile de rapprochement des politiques judiciaires et policières des Etats membres. Des initiatives diverses sont en cours. Elles absorbent les talents de très nombreux négociateurs à Bruxelles.

Les textes transmis actuellement par le Gouvernement au Parlement dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution méritent d'être analysés attentivement. Ils portent sur :

- la coopération policière ;

- la lutte contre l'immigration clandestine.

L'examen de ces textes est également l'occasion de faire à nouveau le point sur le développement de la politique européenne de sécurité intérieure, alors que la France préside les groupes de travail du Conseil.

I - LA COOPÉRATION POLICIÈRE

La coopération policière semble trouver un nouveau souffle après les impulsions données par le Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999.

Tout d'abord, la structure de liaison opérationnelle des responsables des services de police européens, qui avait été demandée par le Conseil, devrait désormais réunir de manière informelle les autorités administratives les plus élevées responsables de la police dans chacun des Etats membres, en vue de discuter et développer des orientations stratégiques face à la criminalité organisée. Cette structure, qui rappelle fortement la coopération TREVI des années 1970 et 1980, a déjà tenu sa seconde réunion, sous présidence française, sur les thèmes du passage à l'euro (manipulations et transferts de fonds, détection de la fausse monnaie) et de la police de proximité.

Le Conseil européen a par ailleurs demandé la création d'une académie européenne de police pour la formation des hauts responsables des services de police. La présidence française va, dans un premier temps, organiser deux sessions de préfiguration de l'école européenne de police sous la forme d'un cycle de six séminaires qui se dérouleront en 2000 et 2001. D'une durée de trois jours, ces séminaires porteront sur l'organisation et le fonctionnement des services de sécurité intérieure des Etats membres, les outils de la coopération européenne, les enjeux stratégiques de la lutte contre la criminalité organisée, les violences urbaines et la déontologie policière. Ce réseau pourrait être ouvert aux fonctionnaires de police des Etats candidats.

Parallèlement à ces premiers séminaires, un instrument juridique devrait prochainement être mis en discussion par la présidence française pour l'organisation provisoire de l'école européenne de police, constituée à partir du réseau des instituts nationaux de formation policière, dirigée par les directeurs de ces écoles réunis en Conseil d'administration et financée par les Etats membres à l'aide des programmes communautaires (OISIN et FALCONE) du titre IV du Traité CE. Sa localisation géographique n'interviendrait que dans un second temps. Rome et Tampere sont déjà candidates.

Parallèlement à ces initiatives du Conseil, des propositions de textes européens nous sont transmises qui concernent Europol et Schengen.

1. Europol

La création d'Europol comme organisation de coopération entre les Etats membres dans les domaines du trafic de drogue, du terrorisme et d'autres formes graves de criminalité internationale, a été décidée par le traité de Maastricht du 7 février 1992.

Nous sommes actuellement saisis de deux projets de textes concernant Europol :

- d'une part, un projet d'acte du Conseil établi sur la base de l'article 43, paragraphe 1 de la convention portant création d'un Office européen de police (E 1451) et qui a, encore une fois, pour objet d'augmenter les compétences d'Europol dans le domaine du blanchiment d'argent ;

- d'autre part, un projet de décision du Conseil portant création d'un secrétariat pour les autorités de contrôle communes chargées de la protection des données, instituées par la convention portant création d'Europol, par la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes et par la convention d'application de l'accord de Schengen (E 1453).

J'évoquerai également, bien que le projet ait maintenant été adopté formellement par le Conseil le 19 juin 2000, le projet de budget d'Europol pour 2001 (E 1452).

a) Le projet d'acte du Conseil établi sur la base de l'article 43, paragraphe 1 de la convention portant création d'un Office européen de police (E 1451)

Ce premier texte a été déposé par la présidence portugaise le 5 avril 2000. Il a pour objet de mettre en oeuvre « l'action spécifique de lutte contre le blanchiment d'argent » appelée de ses voeux par le Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999. Le Conseil avait notamment souligné que « le blanchiment d'argent est au coeur même de la criminalité organisée. Il faut l'éradiquer partout où il existe. Le Conseil européen est déterminé à veiller à ce que soient adoptées des mesures concrètes pour dépister, geler, saisir et confisquer les produits du crime. »

Le protocole annexé au projet qui nous est soumis modifie six articles de la convention Europol afin d'étendre la compétence de l'organisation dans le domaine du blanchiment. Il faut toutefois souligner que les conclusions du Conseil de Tampere ne conduisaient pas directement à l'extension des compétences d'Europol. Le Conseil évoquait plus particulièrement la modification de la directive sur le blanchiment d'argent en cours de discussion, la convention de Strasbourg de 1990, les recommandations du Groupe d'action financière (GAFI), l'action extérieure de l'Union européenne, la coopération régionale entre les Etats membres et les pays tiers limitrophes de l'Union en matière de lutte contre la criminalité organisée.

La délégation française au Conseil Justice et Affaires intérieures (JAI) a approuvé ce texte le 8 juin 2000. Il devrait être adopté lors du Conseil Economie, Finances et JAI du 17 octobre 2000. Les compétences d'Europol, créées à l'origine pour lutter essentiellement contre les trafics de drogue (unité Drogues Europol, UDE), ont été progressivement étendues, avant même l'entrée en vigueur au 1er octobre 1998 de la convention Europol, au trafic illicite de matières nucléaires et radioactives, aux filières d'immigration clandestine, au trafic de véhicules volés, à la traite des êtres humains, y compris la pornographie enfantine, au terrorisme, au faux monnayage et à la falsification d'autres moyens de paiement. On parle également d'attribuer à Europol une compétence en matière de cybercriminalité.

Cet élargissement continuel des compétences d'Europol, alors même que l'institution, qui n'est entrée en activité réelle qu'au 1er juillet 1999, n'a pas encore fait ses preuves, ressemble fort à une fuite en avant. La délégation aura d'ailleurs l'occasion de revenir sur cette question lorsque le Parlement sera saisi de la modification, sur la base de l'article 43 paragraphe 3 de la convention Europol, pour permettre l'implication d'Europol dans la lutte contre la fausse monnaie.

b) Le projet de décision du Conseil portant création d'un secrétariat pour les autorités de contrôle communes chargées de la protection des données, instituées par la convention portant création d'Europol, par la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes et par la convention d'application de l'accord de Schengen (E 1453)

Ce second texte a également été déposé par la présidence portugaise le 14 avril 2000. Il a pour objet la création d'un secrétariat unique pour les trois autorités de contrôle communes d'Europol, des douanes et de Schengen en matière de protection des données à caractère informatisé. Le texte définit le statut de son secrétaire, du personnel, du soutien administratif accordé par le secrétariat général du Conseil et de son financement.

Ce texte n'a pas appelé d'observations de la part de la délégation française. Le Parlement européen s'est prononcé le 20 septembre et le texte devrait être adopté également le 17 octobre par le Conseil des ministres.

c) Le projet de budget d'Europol pour 2001 (E 1452)

La délégation a examiné, le 23 mai 2000, le projet de budget d'Europol pour 2001, tel qu'il a été arrêté par son conseil d'administration lors de sa réunion des 4 et 5 avril 2000. Ce projet de budget est soumis à l'avis du Parlement français depuis la dernière modification constitutionnelle de l'article 88-4 intervenue en janvier 1999.

J'avais à cette occasion émis quelques observations, en particulier sur la forte progression des dépenses (augmentation de près de 29 %, portant les crédits de 27,446 millions d'euros en 2000 à 35,391 millions d'euros, soit 232,15 millions de francs, en 2001, et création de 45 nouveaux postes, faisant ainsi progresser les effectifs de 185 en 2000 à 230 en 2001). Je soulignais encore que cette augmentation importante intervient après une progression déjà forte, en 1999, des moyens mis à la disposition d'Europol, puisque quarante-six postes avaient déjà été créés en 1999 (les crédits connaissant alors une progression de 42 %). En deux ans, le budget aura ainsi progressé de 55 %.

L'année dernière, le Gouvernement français s'était, dans un premier temps, opposé à un budget qui lui semblait croître de manière excessive et manquer de lisibilité. Les négociations avaient alors permis à la France d'obtenir que, en échange de son accord sur la création des quarante-six postes nouveaux (contre cinquante-quatre initialement prévus), une évaluation soit menée sur l'ensemble du budget. Cet audit devait dégager une méthode qui devrait permettre, pour l'établissement des budgets futurs (notamment celui pour 2001), de répondre au souci de rigueur et de transparence exprimé par la France.

J'ai interrogé sur ce point le représentant de la France au conseil d'administration d'Europol, qui est le directeur de la direction centrale de la police judiciaire. Les explications qu'il m'a données ne m'ont pas complètement rassuré. Lors de l'examen du projet de budget d'Europol pour 2001, trois hypothèses de progression ont été examinées : 40 %, 30 % et 29 %. Finalement, et notamment en raison de la pression de la délégation française, le conseil d'administration a arrêté son choix sur cette dernière hypothèse.

Je dois à ce propos souligner l'extrême empressement du Conseil pour l'adoption de ce budget 2001 d'Europol : le conseil d'administration l'a adopté le 5 avril 2000 ; le COREPER et le Conseil en ont été destinataires le 13 avril ; le SGCI l'a reçu le 15 mai ; le document E 1452 correspondant a été enregistré au Sénat le 23 mai ; la délégation l'a examiné dès le 23 mai et fait connaître son intention de poursuivre son investigation sur ce projet de budget qui a été finalement définitivement adopté par le Conseil agriculture le 19 juin 2000. Il va de soi que la délégation sera particulièrement attentive l'année prochaine au respect du délai des six semaines que le traité d'Amsterdam réserve aux parlements nationaux pour l'examen des projets européens.

Le fonctionnement actuel d'Europol n'est pas satisfaisant.

Cette situation résulte essentiellement du comportement de son directeur, peu enclin, semble-t-il, à entendre les remarques de son conseil d'administration et qui pratique la règle du putsch permanent. Les 4 et 5 décembre prochains, un conseil d'administration spécial se tiendra à Paris, à l'initiative de la présidence française de l'Union, ayant pour objet de débattre des orientations futures d'Europol. Un questionnaire a été envoyé en ce sens aux Etats membres.

Il est clair que l'augmentation permanente des compétences d'Europol ne s'est pas traduite par des résultats à la hauteur des espoirs qu'y avaient mis ses promoteurs de Maastricht. Ces résultats sont peu lisibles. De plus, on constate des risques de doublons avec les organisations nationales ou internationales existantes. La création récente, après le Conseil de Tampere, d'une réunion des directeurs de police, ne peut que confirmer ce sentiment d'impuissance d'Europol. Le contrôleur financier de l'organisation regrette de n'être ni consulté, ni entendu par le directeur.

Il est certain que nous devons rester attentifs à l'évolution de ce dossier. L'opinion ne comprendrait pas que, après les annonces qui lui ont été faites, Europol demeure un organe impuissant face au crime organisé. Il faut au plus vite que cette organisation mettre de l'ordre dans son fonctionnement et porte remède à la confusion actuelle entre les tâches de direction, la gestion et la détermination de la stratégie de l'organisation. Il revient en effet éminemment aux Etats, par la voie de leurs représentants au conseil d'administration, et non au directeur, de décider des orientations que doit prendre Europol. Il importe pour la crédibilité de l'institution, que le directeur s'incline devant la volonté du Conseil.

Devant cette situation peu satisfaisante, la perspective d'une intervention d'Europol en appui des équipes communes d'enquêtes, ainsi que l'exercice par Europol d'un pouvoir d'initiative qui pourrait s'exercer dans un premier temps pour la lutte contre le terrorisme, le trafic de stupéfiants et d'êtres humains, semble prématurée. Alors que le Parlement français n'est pas encore saisi du projet, l'instrument juridique adéquat est déjà en cours de négociation. A tout le moins il paraît peu souhaitable, en l'état actuel de l'organisation, que les demandes de participation d'Europol aux équipes communes présentent un caractère contraignant pour les Etats membres. D'autre part, les agents d'Europol, qui ne relèvent d'aucune juridiction nationale et bénéficient de privilèges et immunités semblables à ceux des diplomates, ne devraient disposer d'aucun pouvoir d'investigation, ni a fortiori d'aucun pouvoir coercitif. Le syndicat des magistrats allemands s'était d'ailleurs ému, en son temps, des privilèges ainsi accordés à des policiers, dont les actions pourraient n'être soumises à aucun contrôle judiciaire.

2. La coopération Schengen

La coopération policière engagée par les accords de Schengen s'inscrit dans le cadre de l'Union européenne depuis l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam. D'un point de vue opérationnel, la présidence française veut améliorer les performances du système d'information, mais elle tient à conserver la structure institutionnelle actuelle en faveur de laquelle le Sénat s'était prononcé par l'adoption d'une résolution en séance publique le 28 avril 1999 (résolution TA 107). Le Conseil des ministres JAI de décembre 2000 évaluera les nouveaux membres admis à participer au Système d'Information Schengen (SIS) compte tenu des multiples demandes d'adhésion, dont celle du Royaume-Uni qui ne pourra sans doute être techniquement possible qu'en 2002 ou 2003. L'adoption de nouvelles fonctionnalités du système pourrait par ailleurs exiger une modification de la convention d'application des accords de Schengen.

La présidence du Conseil a déposé, le 30 juin 2000, un projet de décision du Conseil relative à la demande de l'Irlande de participer à certaines dispositions de l'acquis de Schengen (E 1526). Cette demande de l'Irlande fait suite à celle du Royaume-Uni qui avait été déposée en octobre 1999 et qui a été acceptée par le Conseil le 29 mai 2000 (E 1321).

L'Irlande, comme le Royaume-Uni, bénéficie d'une position particulière depuis le traité d'Amsterdam. En effet, le protocole annexé au traité, qui intègre l'acquis de Schengen dans le cadre de l'Union européenne, a tenu compte du fait que ces deux pays ne sont pas parties aux accords relatifs à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes signés à Schengen le 14 juin 1985 et le 19 juin 1990.

Néanmoins, ce protocole a prévu la possibilité, pour ces Etats membres, de les accepter en tout ou en partie. Un autre protocole a en outre pris en compte l'application de certains aspects de l'article 7 A instituant la Communauté européenne (liberté de circulation des personnes) au Royaume-Uni et à l'Irlande. C'est ainsi que l'Irlande et le Royaume-Uni, qui ont toujours contesté les conséquences juridiques de l'article 7 A sur la libre circulation des personnes, sont habilités à exercer, à leurs frontières avec d'autres Etats membres, sur les personnes souhaitant entrer sur leur territoire, les contrôles qu'ils considèrent nécessaires, et autorisés à continuer à conclure entre eux des arrangements concernant la circulation des personnes entre leurs territoires.

L'Irlande demande ainsi à participer aux dispositions de la convention de Schengen de 1990 relatives au système d'information Schengen (SIS), sauf dans les cas où ces dispositions ont pour but l'application des dispositions de la convention relatives à la libre circulation des personnes sur les territoires des pays participants.

Cela signifie que l'Irlande ne souhaite participer ni aux dispositions de l'article 96 de la convention sur les signalements aux fins de non-admission, ni aux autres dispositions concernant le SIS qui renvoient, implicitement ou explicitement, à cet article 96. Au-delà de cette réserve de l'Irlande, qui traduit la position parfaitement connue des ces deux pays insulaires, je ne peux que me féliciter de cette évolution de la position irlandaise, qui est identique à celle du Royaume-Uni ; j'avais en effet suggéré en 1995 ce rapprochement entre les Britanniques et Schengen en considérant « la logique particulière des contrôles aux frontières liée à l'insularité ».

Il me semble en particulier très important que, à compter de la date d'adoption de cette décision, l'Irlande - comme le Royaume-Uni -, soit réputée souhaiter participer à toutes les propositions et initiatives fondées sur l'acquis de Schengen.

D'une manière générale, on est obligés de constater que la coopération policière mise en oeuvre dans Schengen continue à progresser alors que les résultats opérationnels d'Europol tardent à se manifester. Il convient également de relever l'importance des propositions faites dans ce domaine par les Etats, comparée à la modestie des propositions communautaires.

A titre d'exemple, la présidence française de l'Union européenne a, d'ores et déjà, déposé une note d'orientation visant à améliorer la gestion des flux migratoires, incluant l'amélioration des échanges d'information dans le cadre du groupe du CIREFI, la mise au point d'une procédure d'alerte rapide, la création d'un réseau européen des officiers de liaison en matière d'immigration.

Dans le cadre de Schengen, une coopération policière pragmatique et concrète s'est engagée avec un nombre croissant de visites et d'échanges entre les Etats parties et la mise en place, dans les pays d'origine ou de transit de l'immigration irrégulière, d'une coopération policière en amont des filières d'immigration irrégulière, notamment pour celles qui empruntent la voie aérienne. Des actions pratiques de formation, dans le domaine de la lutte contre les faux documents, ont été mises en place pour les personnels des consulats, ceux des compagnies aériennes et pour les policiers locaux, tandis que des officiers de liaison immigration étaient détachés auprès des compagnies aériennes.

Après les centres communs de coopération policière et douanière (CCPD) créés par la France et l'Allemagne, la France et l'Italie, la France et l'Espagne, la France et la Suisse, des postes identiques ont été mis en place par l'Allemagne et la Pologne, l'Allemagne et l'Autriche, l'Espagne et le Portugal. L'Allemagne coopère maintenant avec ses voisins pour effectuer des patrouilles communes (avec la France et les Pays-Bas), des contrôles communs (avec les Pays-Bas) et des exercices communs (avec l'Autriche et la France) dans les régions frontalières. Un expert français de pré-adhésion du ministère de l'Intérieur a supervisé les opérations de création d'un CCPD par l'Autriche et la Hongrie.

Comme l'art de la guerre, la technique policière est toute d'exécution. C'est pourquoi il faut encourager ces évolutions très positives engagées par les Etats membres dans le cadre de l'article 39 de la convention d'application des accords de Schengen. En cette matière, la Commission va sans doute faire ses preuves. Elle vient déjà de se doter d'une direction générale « Justice et Affaires intérieures » et de deux directions, l'une chargée de la libre circulation des personnes, de l'immigration et de l'asile, de la coopération judiciaire en matière civile et de la coordination de la lutte anti-drogue, l'autre de la coopération policière et douanière, de la lutte contre le crime organisé, de la coopération judiciaire en matière pénale et des relations extérieures et de l'élargissement. En 1999, la structure en charge de la justice et des affaires intérieures, qui n'était pas encore une direction générale, comptait 70 personnes. Pour l'année 2000, la direction générale a été dotée de 160 fonctionnaires. Il en est prévu 230 en 2001.

II. LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE

Le ministre français de l'Intérieur a, dans un récent séminaire sur la lutte contre les filières d'immigration clandestine, souligné que « l'aggravation de l'immigration irrégulière résulte de l'activité croissante des filières d'entrée illégale » et que « cette activité est favorisée par les insuffisances législatives ou opérationnelles des Etats d'immigration et par tout ce qui permet aux clandestins d'entrer et de se maintenir sur le territoire en violation des lois ». « Mais, a-t-il ajouté, il y a plus encore : derrière les passeurs, on trouve de plus en plus les mafias. Les responsables policiers ont identifié une mafia russe exploitant Sri Lankais et Chinois, une mafia turque prenant en charge des Kurdes, des Afghans et des Iraniens. On sait aussi que les clandestins des Balkans sont pris en main par les mafias albanaises. »

Les statistiques policières sont impressionnantes : depuis août 1999, 10 000 clandestins et 400 passeurs ont été interpellés à Calais, point de passage vers l'Angleterre. Sur 18 mois, la diaspora chinoise en France a recyclé plus de 1,6 milliard de francs de profits qui ont été réalisés en partie grâce à de la main-d'oeuvre clandestine. Le ministère français de l'Intérieur a démantelé 65 filières d'immigration clandestine en cinq ans et fermé une centaine d'ateliers clandestins employant dans des conditions de vie indignes des immigrés illégaux, modernes esclaves forcés de rembourser pendant des années, voire des décennies, leur passage vers l'Europe. 2 000 personnes ont été interpellées, dont plus de 300 ont été placées sous mandat de dépôt.

Les données générales sur l'immigration montrent que le phénomène de l'immigration clandestine s'aggrave. Si l'on prend en compte les demandes d'asile, qui sont un bon indicateur de la pression migratoire, on constate en effet une hausse importante dans tous les Etats membres : en France, de 22 000 demandes en 1998 à 30 000 en 1999, et 50 000 sans doute cette année ; au Royaume-Uni, de 48 000 à 71 000, en Allemagne de 50 000 à 100 000.

Le Conseil européen de Tampere a consacré deux de ses conclusions (points 22 et 23) à la lutte contre l'immigration clandestine. Il a notamment demandé le lancement « en coopération étroite avec les pays d'origine et de transit, de campagnes d'information sur les possibilités réelles d'immigration légale et la prévention de toutes les formes de traite d'êtres humains », ainsi que la mise en place « d'une politique commune active en matière de visas et de faux documents incluant une coopération plus étroite entre les consulats de l'Union européenne dans les pays tiers ».

Le point 23 des conclusions est suffisamment important pour que je le cite quasi intégralement : « Le Conseil européen est déterminé à combattre à sa source l'immigration clandestine, notamment en s'attaquant à ceux qui se livrent à la traite des êtres humains et à l'exploitation économique des migrants. Il insiste sur l'adoption de dispositions législatives prévoyant des sanctions sévères pour cette forme grave de criminalité. Le Conseil est invité à adopter, avant la fin de l'an 2000, des dispositions législatives à cette fin, sur la base d'une proposition de la Commission. En collaboration avec Europol, les Etats membres devraient concentrer leurs efforts sur la détection et le démantèlement des filières criminelles. » Le Conseil européen de Feira des 19 et 20 juin 2000, qui se tenait précisément au moment du drame de Douvres, a condamné « les actes criminels perpétrés par ceux qui tirent profit de la traite des êtres humains ».

La légitimité des propositions faites par le Gouvernement français en matière de lutte contre l'immigration clandestine est donc bien établie. Les quatre textes, dont le Parlement est saisi dans le cadre du 88-4, relèvent du nouveau titre IV communautaire du traité modifié établissant la Communauté européenne (TCE). L'article 63 du traité, relatif aux mesures d'accompagnement de la libre circulation des personnes, précise celle de ces mesures que le Conseil est appelé à adopter en matière d'asile et d'immigration dans les cinq ans qui suivent l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam.

Le Conseil est ainsi invité à arrêter des mesures relatives aux conditions d'entrée et de séjour ainsi qu'à l'immigration clandestine et au séjour irrégulier. C'est donc bien dans le cadre du programme législatif demandé par le Conseil européen que s'inscrivent les quatre initiatives de la France qui sont actuellement soumises au Parlement français, à savoir :

- un projet de décision cadre visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de l'aide à l'entrée et au séjour irréguliers (E 1513 - E 1547) ;

- une proposition de directive relative à l'harmonisation des sanctions pécuniaires (E 1514) ;

- une proposition de directive relative à la reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement des ressortissants des pays tiers (E 1525) ;

- une proposition de directive visant à définir l'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers (E 1513 - E 1537).

a) Le projet de décision cadre visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de l'aide à l'entrée et au séjour irréguliers (E 1513 - E1537)

Ce projet de caractère intergouvernemental, puisque relevant de la coopération policière dans le domaine pénal, s'inscrit dans la ligne de deux précédentes recommandations du 22 décembre 1995 sur l'harmonisation des moyens de lutte contre l'immigration et l'emploi illégaux et l'amélioration des moyens de contrôle prévus à cet effet et du 27 septembre 1996 sur la lutte contre l'emploi illégal de ressortissants d'Etats tiers, ainsi que de l'action commune du 24 février 1997 relative à la lutte contre la traite des êtres humains et l'exploitation sexuelle des enfants.

La décision du Conseil de Tampere a ouvert un nouveau champ pour la coopération entre Etats pour lutter contre l'immigration clandestine. En effet, le point 48 des conclusions précise que : « Sans préjudice des domaines plus larges envisagés dans le traité d'Amsterdam et le plan d'action de Vienne, le Conseil européen estime que, en ce qui concerne le droit pénal national, les efforts visant à trouver un accord sur des définitions, des incriminations et des sanctions communes doivent porter essentiellement, dans un premier temps, sur un nombre limité de secteurs revêtant une importance particulière... ». Après le drame de Douvres, le 19 juin 2000, le Conseil européen réuni à Feira les 19 et 20 juin a ainsi clairement exprimé sa volonté de lutter contre les filières criminelles d'immigration clandestine.

L'objectif de ce projet est de parvenir à harmoniser les sanctions existantes dans le cadre national afin que leur mise en oeuvre, obéissant à des critères communs, renforce la lutte contre l'aide à l'entrée et au séjour irrégulier. Il ne s'agit donc pas de renforcer, dans cette proposition, les sanctions - déjà existantes au plan national - contre les étrangers en situation irrégulière, mais de prévenir l'action des individus ou des organisations qui organisent et profitent de l'immigration clandestine.

Le projet définit l'infraction générale, fait obligation aux Etats d'incriminer la participation, la tentative ou l'incitation et de prévoir en conséquence des sanctions pénales, effectives, proportionnées et dissuasives. Ces sanctions doivent inclure des peines privatives de liberté, susceptibles de donner lieu à extradition en cas de circonstances aggravantes. Des sanctions complémentaires sont suggérées, comme la confiscation du moyen de transport ayant servi à commettre l'infraction, l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, ainsi que l'interdiction du territoire dès lors que la personne en cause n'est pas ressortissante d'un Etat membre de l'Union européenne.

Le Parlement européen doit rendre son avis au mois de novembre. La présidence française souhaiterait que ce texte soit adopté avant la fin du mois de novembre 2000. Les dispositions complémentaires relevant du premier pilier communautaire sont traitées dans la proposition de directive sur la lutte contre l'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers.

b) La proposition de directive visant à définir l'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers (E 1513 - E 1537)

Cette proposition de directive est donc le complément communautaire de la décision cadre visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de l'aide à l'entrée et au séjour irréguliers. Outre l'harmonisation des concepts juridiques sur la participation, l'incitation, la tentative et l'infraction générale d'aide à l'entrée et au séjour irrégulier, la proposition de directive reprend la formule traditionnelle relative à la nature des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives s'appliquant à des individus.

Le texte souligne que son objet est de lutter contre l'aide apportée à l'immigration clandestine, que celle-ci porte sur le franchissement irrégulier de la frontière stricto sensu ou que cette aide soit destinée à alimenter des réseaux d'exploitation des êtres humains. Il convient en conséquence de parvenir à un rapprochement des dispositifs existants, ce qui implique, d'une part, une définition précise de l'infraction considérée et, d'autre part, une harmonisation des sanctions prévues, des cas d'exonération ou au contraire d'aggravation, qui est traité par ailleurs dans le projet de décision cadre visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de l'aide à l'entrée et au séjour irrégulier.

La présidence française souhaiterait une adoption dans le cadre du conseil JAI du 30 novembre 2000.

c) La proposition de directive relative à l'harmonisation des sanctions pécuniaires imposées aux transporteurs acheminant sur le territoire des Etats membres des ressortissants des pays tiers démunis des documents nécessaires pour y être admis (E 1514)

Cette proposition de directive s'inscrit dans le cadre, d'une part, de la convention de Schengen qui avait déjà posé comme principe celui de la responsabilité des transports au regard des immigrants clandestins, d'autre part, des dispositions du traité sur l'Union européenne prévoyant que le Conseil arrête, dans un délai de cinq après la mise en vigueur du traité d'Amsterdam, les mesures d'accompagnement relatives à l'immigration illégale et au séjour irrégulier, y compris le rapatriement des personnes en séjour irrégulier.

En l'occurrence, cette proposition de directive, outre l'indispensable harmonisation des concepts juridiques, fixe un montant minimal des sanctions applicables aux transporteurs (compagnies aériennes, maritimes ou terrestres, à l'exception des compagnies ferroviaires dans la mesure où ces documents sont vérifiés par les autorités douanières nationales), fixé à 2000 euros pour chaque passager dont le transporteur n'a pas vérifié les documents, sans préjudice de sanctions nationales éventuellement plus contraignantes, comme l'immobilisation ou la saisie du véhicule, la suspension temporaire ou le retrait de l'autorisation d'exploitation.

Le transporteur sera responsable, notamment sous l'angle financier, du rapatriement du ressortissant d'un pays tiers vers son pays d'origine ou tout autre pays susceptible de l'accepter. En cas de report du rapatriement, le transporteur sera tenu d'assurer la garde du voyageur jusqu'à son départ effectif. Cette proposition concerne les voyageurs clandestins, les personnes en voyage touristique et les immigrés légaux qui ne sont pas en possession de leurs documents de voyage. En revanche, le projet exclut les demandeurs d'asile.

Considéré comme prioritaire dans les travaux du groupe « Frontières » du Conseil, ce texte pourrait également être adopté par le Conseil JAI de la fin novembre.

d) La proposition de directive relative à la reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement des ressortissants des pays tiers (E 1525)

La proposition de directive a pour objet de parvenir à une meilleure exécution des décisions d'éloignement des ressortissants d'Etats tiers par la mise en place d'un mécanisme de reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement des Etats membres. Le Garde des Sceaux a résumé l'objet de ce texte en le désignant comme une forme « d'application mutuelle » des décisions judiciaires. Le but est que, en présence d'une décision d'éloignement prise par un Etat membre, un autre Etat membre puisse automatiquement la mettre à exécution d'office.

La présidence française, qui est également à l'origine de cette proposition de directive, souligne, d'une part, que la compétence communautaire est parfaitement justifiée dans le cas d'espèce par rapport à l'action dans le seul cadre national, d'autre part, que cette proposition s'inscrit parfaitement dans la mise en place d'un espace de liberté, de sécurité et de justice par l'adoption de règles communes dans le domaine de la politique de l'immigration. La base légale de ce texte est l'article 63 paragraphe 3 du traité, partie (b), qui suggère de prendre des mesures en matière d'immigration et de séjour clandestins, dont le rapatriement des clandestins.

Le choix de la directive comme instrument juridique - nouvelle possibilité offerte par la communautarisation du troisième pilier - semble également adapté dans la mesure où la directive détermine les cadres de l'action à atteindre tout en laissant aux Etats membres le choix de la forme et des moyens les plus appropriés dans l'ordre juridique national, en particulier en leur laissant le soin de réaliser l'éloignement dans les formes prévues par leur propre législation.

La proposition de directive définit en particulier :

- la catégorie des personnes concernées et les cas d'éloignement couverts (soit la menace à l'ordre public ou à la sécurité nationale, qui peut être comprise comme le fait d'avoir été frappé d'une condamnation à au moins un an d'emprisonnement ou d'être soupçonné d'avoir commis ou de vouloir commettre un crime dans un Etat membre, soit le non-respect des réglementations nationales relatives à l'entrée ou au séjour des étrangers) ;

- l'obligation d'examiner préalablement à l'éloignement la situation de la personne en fonction des obligations créées par les actes internationaux existants (notamment la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951) ;

- la possibilité de recours contre la mesure de mise en oeuvre prise par l'Etat membre dans les conditions prévues par la législation de cet Etat.

Le Parlement européen, qui doit rendre son avis d'ici le 17 novembre 2000, avant le Conseil JAI du 30 novembre, s'opposera vraisemblablement à ce texte dans la mesure où il a regretté, dans une résolution votée le 6 septembre 2000, que les Etats membres abusent de mesures publiques pour motiver des expulsions. Le Parlement estime notamment que la « déportation » automatique résultant d'une condamnation pénale enfreint le droit communautaire.

*

Ces textes s'inscrivent à l'évidence dans la nouvelle attitude adoptée par l'Union européenne au regard des mesures d'accompagnement de la libre circulation sous l'angle de la sécurité, attitude plus réaliste, plus pragmatique et en un mot plus responsable. Il est vrai que les drames permanents qui se vivent à Calais, à Bari ou à Gibraltar, ne laissent plus de doutes sur la nécessité d'une réaction forte et coordonnée des Etats membres face à une criminalisation croissante de l'immigration.

Il convient cependant de souligner que la plupart de ces textes résultent d'initiatives nationales - d'ailleurs essentiellement françaises - et non de la Commission. La seule proposition d'initiative de la Commission est d'une autre tonalité, puisqu'elle porte sur le regroupement familial. Le commissaire en charge du dossier, M. Antonio Vitorino, a été entendu sur l'ensemble de ces questions par la délégation du Sénat le 15 juin 2000. Il m'a transmis par lettre du 27 juillet 2000 ses remarques concernant notre proposition de résolution sur le regroupement familial.

Le commissaire m'a indiqué en particulier que « la proposition de directive sur le droit au regroupement familial constitue pour la Commission la première proposition en matière d'immigration légale ; elle sera suivie par d'autres initiatives. A l'automne, la Commission produira une Communication qui traitera de la politique de la Communauté en matière de migrations à la lumière des changements démographiques, de la situation du marché de l'emploi, ainsi que des pressions migratoire des pays et des régions d'origine.

« Plus tard, la Commission prendra une initiative sur le statut juridique des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée dans les Etats membres. Une étude a été effectuée et la Commission souhaite également prendre en compte les résultats d'un important séminaire sur l'intégration des ressortissants de pays tiers durablement installés, qui aura lieu sous présidence française les 5 et 6 octobre.

« Pendant le premier semestre 2001, la Commission déposera des propositions législatives dans le domaine de l'admission aux fins d'emploi salarié et d'activité économique indépendante, ainsi qu'aux fins d'études et de formation professionnelle sur le territoire des Etats membres. Dans ces domaines également les services de la Commission ont financé des études qui servent de base pour la réflexion en vue de l'élaboration d'initiatives législatives ».

La Commission n'a donc pas l'intention, dans un proche avenir, d'aborder les problèmes posés par l'immigration illégale, si ce n'est indirectement par le moyen d'une communication sur l'immigration qu'elle compte déposer avant la fin de l'année. Or, comme l'a souligné l'ancien ministre de l'Intérieur au cours du séminaire international sur « la lutte contre les filières d'immigration clandestine » tenu à Paris le 20 juillet 2000, « la question migratoire sera l'un des principaux enjeux du XXIe siècle. L'Europe accueillera vraisemblablement une cinquantaine de millions de migrants dans les cinquante prochaines années... Elle se doit de maîtriser les flux migratoires dans le respect des lois et du modèle de la citoyenneté égale pour tous auquel nous sommes attachés. »

Compte rendu sommaire du débat
consécutif à la communication

M. Maurice Blin :

N'étant pas un spécialiste de la matière, j'aimerais savoir pourquoi Europol est mal contrôlé. S'agit-il d'une dégradation du système de contrôle originel, ou bien n'a-t-on pas prévu les dispositions nécessaires ?

M. Paul Masson :

La situation résulte en partie du fait qu'il n'y a pas d'intervention communautaire en matière de coopération policière. L'Europe est peu présente dans ce domaine où les Etats possèdent une expertise reconnue, et la Commission n'est pas encore entrée dans l'arène. C'est pourquoi Europol est contrôlé par un conseil d'administration où chaque Etat membre dispose d'un représentant. Le directeur reçoit donc en théorie ses instructions du conseil d'administration dont la présidence change tous les six mois. Le représentant français au conseil d'administration d'Europol est le directeur central de la police judiciaire du ministère de l'Intérieur. Comme je vous l'ai indiqué dans ma communication, les seules réalisations concrètes en matière de coopération policière sont celles qui ont été menées dans le cadre de Schengen avec le système d'information automatisé et les conventions transfrontalières. Il est cependant manifeste que, dans une affaire aussi technique, aussi instantanées que le sont les opérations de police, le conseil d'administration n'a pas les moyens de contrôler à tout instant les initiatives de la direction de l'organisation.

M. Hubert Haenel :

Ce sont les mêmes problèmes que l'on va rencontrer avec «Eurojust».

M. Paul Masson :

Exactement. Eurojust va rapidement poser la question de la responsabilité et du contrôle des magistrats qui vont lui être détachés.

A l'issue de cette communication, la délégation a décidé d'adopter les conclusions suivantes :

Conclusions

La délégation du Sénat pour l'Union européenne,

A/ Sur la coopération policière

Vu le projet d'acte du Conseil établi sur la base de l'article 43, paragraphe 1 de la convention portant création d'un Office européen de police (E 1451),

Vu le projet de décision du Conseil portant création d'un secrétariat pour les autorités de contrôle communes chargées de la protection des données, instituées par la convention portant création d'Europol, par la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes et par la convention d'application de l'accord de Schengen (E 1453),

Vu le projet de décision du Conseil relative à la demande de l'Irlande de participer à certaines dispositions de l'acquis de Schengen (E 1526),

1. S'étonne de constater que le délai des six semaines prévu par le traité d'Amsterdam pour l'examen par les parlements nationaux des propositions européennes n'ait pas été respecté pour le projet de budget d'Europol en 2001 ;

2. Approuve la création d'un secrétariat unique pour les trois autorités de contrôle communes d'Europol, des Douanes et de Schengen, en matière de protection des données à caractère informatisé ;

3.  Demande au Gouvernement de subordonner tout nouvel accord concernant l'extension des compétences d'Europol au rétablissement d'un contrôle effectif de l'Office, dont le conseil d'administration est seul responsable ;

4. Souligne que l'octroi de pouvoirs d'investigation ou coercitifs à Europol, de même que la reconnaissance d'un caractère contraignant à ses interventions, sont incompatibles avec les privilèges et immunités diplomatiques dont bénéficient les fonctionnaires de cet organisme ;

5.  Soutient pleinement la demande d'adhésion de l'Irlande, et ultérieurement du Royaume-Uni à la coopération prévue par le traité de Schengen ;

B/ Sur la lutte contre l'immigration clandestine

Vu le projet de décision cadre visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de l'aide à l'entrée et au séjour irréguliers (E 1513 - E 1547),

Vu la proposition de directive relative à l'harmonisation des sanctions pécuniaires (E 1514),

Vu la proposition de directive relative à la reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement des ressortissants des pays tiers (E 1525),

Vu la proposition de directive visant à définir l'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers (E 1513 - E 1537),

1. Souligne l'importance de l'harmonisation résultant des initiatives françaises et souhaite l'adoption rapide de ces propositions ;

2. Estime nécessaire le renforcement à un niveau véritablement dissuasif des amendes infligées aux transporteurs convaincus de participer implicitement à l'introduction d'immigrants illégaux ;

3. Constate le besoin d'harmonisation des législations nationales portant sur la définition des infractions et la détermination des sanctions applicables à ceux qui encouragent l'entrée et le séjour irrégulier sur le territoire de l'Union européenne.