COM (2000) 279 final  du 10/05/2000
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 27/09/2001

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 29/06/2000
Examen : 12/12/2000 (délégation pour l'Union européenne)


Energie

Promotion de l'électricité produite à partir
de sources d'énergie renouvelables


Texte E 1478 - COM (2000) 279 final

(Procédure écrite du 12 décembre 2000)

Le texte E 1478 a pour objet d'établir un cadre qui permette de promouvoir l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables (SER).

Cette « électricité SER » est produite à partir de sources d'énergie non fossiles renouvelables qui sont notamment, les énergies éolienne, solaire, géothermique, houlomotrice, marémotrice, hydroélectrique, ainsi que la biomasse et les installations hydroélectriques d'une capacité inférieure à 10 MW.

Lors de la signature du protocole de Kyoto en 1997, l'Union européenne a accepté de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 8 % par rapport au niveau de 1990.

Le Livre blanc intitulé « Energie pour l'avenir : les sources d'énergie renouvelables », approuvé par le Conseil Energie en mai 1998, fixe à titre indicatif un objectif de doublement de la part des énergies renouvelables dans la consommation intérieure brute d'énergie de l'Union européenne d'ici 2010, qui devrait passer de 6 % à 12 %. Ce chiffre correspond à une part spécifique de l'électricité SER dans la consommation totale d'électricité évaluée à 22,1 %.

Ce texte propose d'inciter les Etats membres à prendre les mesures nécessaires pour que le niveau de l'électricité SER évolue conformément aux objectifs énergétiques et environnementaux souscrits aux échelons national et communautaire.

I - LE CONTENU DE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE

La proposition de la Commission a pour objectif d'accroître la part de l'électricité SER sur le marché intérieur de l'électricité, en veillant à ce que le fonctionnement de ce marché soit satisfaisant et que les coûts à la charge des consommateurs ou des contribuables ne soient pas excessifs.

1. Les objectifs nationaux

Les Etats membres devront fixer, dans un rapport établi au plus tard un an après l'adoption de la directive, des objectifs nationaux de consommation future d'électricité SER, conformes au Livre blanc de 1998 et aux engagements pris à Kyoto.

Il est important de rappeler que l'engagement global d'une réduction de 8 % de ses émissions de gaz à effet de serre, pris par l'Union dans son ensemble, ont été répartis de manière différenciée entre les Etats membres. Ainsi, la France n'a qu'une obligation de stabilisation par rapport à 1990, mais qui implique quand même une réduction par rapport aux niveaux d'émissions atteints aujourd'hui, tandis que la Suède à obtenu le droit d'augmenter ses émissions de CO2, afin de compenser l'impact de la fermeture programmée de ses centrales nucléaires qui, d'ailleurs, risque de ne pas se faire aussi vite que prévu. En revanche, l'engagement de forte diminution de ses émissions de CO2 pris par l'Allemagne, qui pensait le satisfaire aisément en fermant ses centrales à charbon de l'Est, a été pris avant la décision d'abandonner le nucléaire qui a suivi l'accession au pouvoir du Gouvernement de M. Schroeder.

A l'appui de leurs objectifs nationaux de consommation future d'électricité SER, les Etats membres doivent établir des plans détaillés pour la réalisation de ces objectifs. La Commission a présenté en annexe de la proposition de directive des objectifs nationaux indicatifs :

Chiffres indicatifs pour les objectifs des Etats membres concernant la part de l'électricité SER dans la consommation brute d'électricité en 2010

 

Pourcentage*

TWh

Autriche

78,1

55,3

Belgique

6,0

6,3

Danemark

29,0

12,9

Finlande

35,0

33,7

France

21,0

112,9

Allemagne

12,5

76,4

Grèce

20,1

14,5

Irlande

13,2

4,5

Italie

25,0

89,6

Luxembourg

5,7

0,5

Pays-Bas

12,0

15,9

Portugal

45,6

28,3

Espagne

29,4

76,6

Suède

60,0

97,5

Royaume-Uni

10,0

50,0

Union européenne

22,1 %

674,9

*Consommation d'électricité SER en tant que pourcentage de la consommation brute totale d'électricité - 3 058 TWh - telle que prévue dans le scénario de base.

Les rapports nationaux seront actualisés tous les cinq ans. Les Etats membres publieront, par ailleurs, un rapport d'étape annuel sur l'état de réalisation des objectifs qu'ils se sont fixés. En fonction de ces rapports, la Commission évaluera la compatibilité des objectifs nationaux avec les objectifs communautaires. Si elle constatait que les objectifs nationaux sont insuffisants, elle pourrait présenter des propositions au Parlement européen et au Conseil pour fixer des objectifs nationaux individuels et contraignants.

2. L'accès de l'électricité SER au marché intérieur de l'électricité

a) Les régimes de soutien

Dans l'exposé des motifs qui précède la proposition, la Commission recense les différents régimes de soutien instaurés par les Etats membres pour promouvoir l'électricité SER.

Schématiquement, il existe deux grandes catégories de régimes de soutien :

Le système des quotas : dans ce système, l'Etat fixe un volume d'électricité SER, et le prix résulte de la concurrence entre les producteurs. Ce système peut lui-même être financé de deux manières :

- par un régime dit de « cartes vertes » : les utilisateurs ont l'obligation d'avoir un certain pourcentage d'électricité SER dans leur consommation totale d'électricité, et prouvent qu'ils se sont acquittés de cette obligation en obtenant auprès de leurs fournisseurs d'électricité SER des « cartes vertes ».

- par un régime d'appel d'offres : l'Etat lance des appels d'offre pour la fourniture de l'électricité SER, qui sera ensuite vendue par les compagnies d'électricité, locales ou nationales, aux prix résultant des contrats conclus sur appels d'offre.

  Le système des prix fixes : les distributeurs d'électricité doivent acheter l'électricité SER à un prix prédéterminé, qui leur est imposé par les pouvoirs publics. Il n'existe pas de quotas dans ce système, mais le niveau de ce prix fixe influence bien évidemment la rentabilité des projets de production d'électricité SER et, finalement, la part de cette forme d'électricité dans la consommation totale.

Ces deux régimes de soutien ont permis, dans les Etats membres où ils ont été appliqués, d'augmenter effectivement la part de l'électricité SER dans la production globale d'électricité.

La Commission européenne s'est interrogée sur la conformité de ces régimes nationaux d'aides aux sources d'énergies renouvelables aux principes de la concurrence à l'intérieur de la Communauté ; elle les considère en effet comme des aides d'Etat, d'autant plus dommageables qu'ils n'existent pas dans tous les Etats membres, et qu'ils diffèrent dans ceux des Etats membres qui s'en sont dotés et a, notamment, engagé des procédures d'enquête contre le Danemark et l'Allemagne.

L'idée initiale de la Commission était de passer de régimes nationaux - qui accordent un soutien aux producteurs nationaux d'électricité SER lorsqu'ils vendent leur production sur le marché national - à des régimes communs qui permettraient la participation des producteurs européens pour arriver, à terme, à un véritable marché communautaire de l'électricité SER.

Toutefois, en l'absence de consensus chez les Etats membres, la Commission a fini par proposer de laisser subsister les régimes nationaux et de procéder à leur contrôle au plus tard cinq ans après l'entrée en vigueur de la directive. A ce moment-là, et sur la base d'un rapport sur l'expérience acquise par l'application et la coexistence des différents régimes, la Commission pourra formuler des propositions sur un futur cadre communautaire de soutien.

En attendant, la proposition de directive prévoit que la Commission s'assurera de la compatibilité des régimes nationaux avec le régime des aides d'Etat pour la protection de l'environnement.

b) La garantie d'origine

La certification de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables s'avère indispensable. En effet, certains consommateurs sont soucieux d'acheter de l'électricité « propre », et prêts à la payer à un prix plus élevé. Par ailleurs, l'application équitable de régimes fiscaux particuliers, justifiés par des motifs écologiques, nécessite de pouvoir identifier avec certitude ce type d'électricité.

Pour le moment, la proposition de directive suggère de s'en tenir à la délivrance par les Etats membres de garanties d'origine. Les Etats devront mettre en place des mécanismes fiables qui permettront d'éviter la fraude.

c) L'accès prioritaire aux réseaux électriques

Les opérateurs des systèmes de transport et de distribution devront accorder un accès prioritaire à l'électricité SER. Toutefois, une difficulté risque de se présenter lorsque certains producteurs d'électricité SER souhaiteront être raccordés au réseau, alors que leurs installations sont sur des sites éloignés, comme les éoliennes. Les coûts de raccordement s'avèrent alors élevés, et la question se pose de savoir qui doit les supporter.

La Commission n'a pas prévu d'obligations contraignantes, comme celle qui aurait consisté à faire supporter par l'exploitant du réseau le coût du raccordement, au motif que de telles obligations pourraient encourager des installations non rentables. Pour le moment, elle a préféré imposer aux exploitants de réseaux électriques de simples règles de méthode :

- transparence des coûts et des avantages liés au raccordement d'une installation SER ;

- prise en compte des coûts et avantages futurs pour le réseau ;

- mise en place d'un système de dédommagement pour le producteur qui a payé le raccordement au réseau lorsque, ultérieurement, d'autres opérateurs bénéficient de ce raccordement.

En outre, une disposition du texte prévoit que les Etats membres prennent « les mesures nécessaires » pour veiller à ce que les opérateurs de transport et de distribution accordent un accès prioritaire à l'électricité SER.

II - LES TRAVAUX DU CONSEIL

Le Conseil « Energie » a procédé à un premier examen du texte E 1478 lors de sa réunion du 5 décembre. Il est parvenu à un accord unanime sur une position commune dont les grandes lignes sont les suivantes :

- la fixation et le respect par les Etats membres d'objectifs indicatifs nationaux de consommation future d'électricité des SER. L'objectif indicatif global de l'Union européenne, préconisé par le Livre blanc, est de doubler en 2010 la part des SER dans son bilan énergétique, à savoir de 6 % actuellement à 12 % de la consommation intérieure brute d'énergie. La part de l'électricité produite à partir des SER dans la consommation totale d'électricité de la Communauté sera 22,1 % ;

- l'obligation pour les Etats membres de mettre en place un système de certification d'origine de l'électricité des SER ;

- des mesures d'accompagnement visant à créer des conditions équitables et à faciliter la pénétration de l'électricité des sources renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité dans le respect des règles de concurrence, et en particulier invitant les opérateurs des réseaux de transport et de distribution à donner un accès prioritaire à l'électricité provenant de sources renouvelables ;

- l'obligation pour la Commission de contrôler l'application des régimes de soutien en faveur des producteurs d'électricité provenant de sources renouvelables. Un moyen important pour réaliser l'objectif de cette directive est de garantir le bon fonctionnement des divers mécanismes actuellement appliqués par les Etats membres (certificats verts, aides à l'investissement, exonérations ou réductions fiscales, restitutions d'impôt et régimes de soutien direct des prix) jusqu'à ce qu'un cadre communautaire soit mis en oeuvre, de façon à conserver la confiance des investisseurs.

Quatre ans après l'entrée en vigueur de la directive, la Commission fera un rapport d'évaluation sur l'application de ces mécanismes. Ce rapport sera accompagné, le cas échéant, de propositions pour l'harmonisation de régimes de soutien pour laquelle une période de transition de sept ans est prévue.

Le cadre révisé pour les aides d'Etat pour la protection de l'environnement devra être cohérent avec l'objectif communautaire de promotion de l'électricité provenant de sources renouvelables poursuivi par cette directive. Il devra ainsi fournir des critères transparents et appropriés pour l'autorisation des régimes d'aide d'Etat en faveur des énergies renouvelables.

III - APPRÉCIATION

On peut observer que la position commune adoptée par le Conseil laisse subsister quelques incertitudes.

Elle ne précise pas en effet comment s'articuleront les objectifs nationaux indicatifs de production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables et l'engagement pris par l'Union européenne de réduire ses émissions de gaz à effet de serre dans le cadre du protocole de Kyoto, lui-même décliné en objectifs nationaux obligatoires ; surtout, elle ne précise pas suffisamment comment sera assurée la compatibilité entre une politique de promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables et les règles concurrentielles du marché intérieur.

Il est donc à souhaiter que les étapes ultérieures d'examen de ce texte permettent de réduire ces imprécisions, de manière à disposer d'un cadre favorisant la confiance des investisseurs.

Sous cette réserve, la délégation a décidé de ne pas intervenir sur ce texte qui recueille un consensus.