COM (1999) 658 final  du 14/12/1999
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 20/12/2000

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 15/03/2000
Examen : 18/09/2000 (délégation pour l'Union européenne)
La proposition relative à Media Plus - Formation a été adoptée le 19 janvier 2001, celle relative à Media Plus - Développement le 20 décembre 2000


Politique audiovisuelle

Media Plus


Texte E 1422 - COM (1999) 658 final

(Procédure écrite du 18 septembre 2000)

La proposition E 1422, qui vise à mettre en place un programme de soutien à l'industrie audiovisuelle européenne pour la période 2001-2005, comporte trois volets :

- une communication de la Commission relative à une proposition de programme de soutien à l'industrie audiovisuelle européenne (Media Plus 2001-2005) ;

- une proposition de décision du Parlement européen et du Conseil portant sur la mise en oeuvre d'un programme de formation pour les professionnels de l'industrie européenne des programmes audiovisuels (Media Plus-Formation) (2001-2005) ;

- une proposition de décision du Conseil portant sur la mise en oeuvre d'un programme d'encouragement au développement, à la distribution et à la promotion des oeuvres audiovisuelles européennes (Media Plus-Développement, Distribution et Promotion) (2001-2005).

Ce programme, intitulé Media Plus (mesures pour encourager le développement de l'industrie audiovisuelle européenne) fait suite au programme MEDIA I, créé en 1990, pour la période 1990-1995, qui a été remplacé, pour la période 1996-2000, par le programme MEDIA II.

Il constitue l'une des deux pièces maîtresses de la politique audiovisuelle européenne, la deuxième étant la directive « Télévision sans frontières » de 1989.

I. L'aspect général du programme MEDIA Plus (2001-2005)

Le programme MEDIA Plus se situe dans la continuité de MEDIA II, tout en ayant pour objectif de renforcer les moyens financiers de ce programme et d'y intégrer les nouvelles technologies.

Ce programme est ouvert aux pays associés de l'Europe centrale et orientale, à Chypre, à la Turquie et à Malte, ainsi qu'aux Etats de l'espace économique européen.

Il est doté, dans la présente proposition, d'un budget de 400 millions d'euros pour la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005.

1. Le programme MEDIA Plus-Formation

Ce programme communautaire, basé sur l'article 150 du traité CE concerne la formation professionnelle initiale et continue. Son adoption est soumise à la procédure de codécision Parlement/Conseil avec vote à la majorité qualifiée au Conseil des ministres. Il est complémentaire des actions de formation professionnelle mises en oeuvre au niveau national, comme dans le cadre d'autres programmes communautaires, tels que Socrates et Léonardo.

La plus-value de l'action communautaire tient à l'encouragement des professionnels à accroître leur expérience au niveau européen, et à la mise en réseau efficace et durable entre les centres de formation et les entreprises.

L'objectif est de renforcer la compétitivité de l'industrie audiovisuelle européenne en contribuant au renforcement qualitatif de la formation des professionnels de ce secteur. 

Trois axes de formation sont définis par le programme :

- l'application des nouvelles technologies pour la production de programmes audiovisuels ;

- la gestion économique, financière et commerciale, y compris les règles juridiques et financières et les techniques de financement de la production et de la distribution de programmes audiovisuels ;

- les techniques d'écriture de scénarii permettant de s'adresser à un public plus large.

Les actions prioritaires mises en oeuvre pour poursuivre les objectifs mentionnés sont la formation à distance, les métiers de la distribution, les métiers du multimédia, la promotion des stages en entreprise, la formation des formateurs et la mise en réseau des organismes assurant les formations.

Ce programme repose sur le principe du cofinancement.

Il repose également sur le principe selon lequel une majorité des participants à une action de formation doit être d'une nationalité différente du pays où a lieu la formation. En outre, 10 % des fonds disponibles annuellement sont réservés à des actions nouvelles.

Ce programme est doté d'une enveloppe financière de 50 millions d'euros pour la période 2001-2005.

2. Le programme Media Plus-développement, distribution et promotion

L'objectif de ce volet, basé sur l'article 157 du traité, est l'amélioration de la compétitivité de l'industrie audiovisuelle européenne sur le marché européen et international, en soutenant le développement, la distribution et la promotion des oeuvres audiovisuelles européennes.

En effet, la grande faiblesse de l'industrie audiovisuelle européenne réside dans la faible circulation des films et programmes audiovisuels non nationaux, entravant ainsi la rentabilité de ces oeuvres et la production de revenus susceptibles d'être réinvestis dans la production d'oeuvres nouvelles.

Dans ce contexte, l'Europe doit pouvoir saisir les opportunités offertes par les nouvelles technologies afin d'éviter une domination du marché européen par les programmes importés, en particulier américains.

Ce programme vise donc à faciliter l'adoption d'une stratégie de développement international par les opérateurs dans toute la chaîne, de la conception à la distribution, de l'écriture du scénario à la distribution internationale des oeuvres. Il est soumis à l'unanimité des Quinze après simple consultation du parlement européen.

L'intervention communautaire est subsidiaire dans ce domaine à celle des Etats membres. Elle se concentre sur trois secteurs : en amont, le développement, et en aval, la distribution et la promotion.

Dans le secteur du développement, deux types d'action sont prévues afin de soutenir des oeuvres destinées au marché européen et international, présentant les meilleures chances de succès commercial et faisant appel à de nouvelles technologies de création, de production et de diffusion :

- un soutien financier, sous forme de prêts, au développement de projets individuels présentés par des producteurs;

- un soutien financier, sous forme d'aides non remboursables, au développement de « paquets de projets » émanant de sociétés de production ;

Dans le secteur de la distribution et de la diffusion, plusieurs types d'actions sont prévus :

- un soutien sélectif pour encourager les distributeurs à investir dans l'acquisition et la promotion de films cinématographiques européens non-nationaux, par des avances conditionnellement remboursables ;

- favoriser une plus large diffusion des films européens non-nationaux sur le marché européen et international par un système de soutien financier automatique aux distributeurs européens, proportionnel aux entrées en salles réalisées par les films européens non-nationaux, dans la limite d'un certain plafond ;

- un soutien aux salles, destiné à encourager les exploitants à programmer une part significative de films européens non-nationaux. Ce soutien sera déterminé en fonction du nombre d'entrées, mais aussi en fonction des activités de sensibilisation et d'éducation en faveur du public ;

- un soutien à la production de bandes sonores internationales de films européens ;

- un soutien aux mandataires de vente, c'est-à-dire aux sociétés européennes de distribution internationale de films ;

- un soutien sélectif aux producteurs indépendants pour la diffusion télévisuelle ;

- un soutien à la diffusion d'oeuvres européennes sur de nouveaux supports (comme Internet) ;

- un soutien à la distribution d'oeuvres européennes sur des supports, comme la vidéo ou le DVD ;

- un soutien aux éditeurs visant à encourager la création de catalogues d'oeuvres européennes ;

Dans le domaine de la promotion et de l'accès au marché, une attention particulière sera accordée à la promotion et à la circulation des oeuvres européennes sur les marchés étrangers, à la présence de ces oeuvres dans les festivals européens et internationaux ainsi qu'à la mise en réseau des professionnels et des organismes nationaux de promotion.

En outre, des projets pilotes seront mis en oeuvre par la Commission européenne, notamment dans le domaine de la valorisation du patrimoine cinématographique européen et en matière de diffusion d'oeuvres européennes par des chaînes et services audiovisuels numériques et thématiques.

Ce programme repose sur le principe du cofinancement, l'apport communautaire ne pouvant dépasser 50 % du coût total (60 % dans des cas expressément prévus).

Ce programme est doté de 350 millions d'euros pour la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005.

II. Les difficultés soulevées par MEDIA Plus

S'il convient de souligner les avancées du programme MEDIA Plus, notamment en raison d'une prise en compte des « nouvelles technologies » et d'une amélioration qualitative et quantitative (un budget en hausse de 30%) par rapport à MEDIA II, la présente proposition n'en pose pas moins des difficultés.

A ce propos, il convient de remarquer que ces difficultés diffèrent selon la procédure d'adoption des deux volets de MEDIA Plus. En ce qui concerne le volet « formation », la procédure de co-décision impose la recherche d'un compromis entre le Conseil et le Parlement européen. Mais la plus grande difficulté concerne le volet le plus important, celui du développement. En effet, l'unanimité des Quinze étant nécessaire pour son adoption, certains Etats peuvent donc empêcher l'adoption d'un budget qu'ils jugent trop important. Or, les Pays-Bas s'opposent avec vigueur à toute augmentation, et sont même hostiles à une simple reconduction, considérant que l'ensemble du programme est inutile. Ce pays pourrait donc à lui seul bloquer toute avancée de ce programme.

Les difficultés soulevées par MEDIA Plus sont de trois ordres :

a) L'équilibre entre logiques industrielle et culturelle du programme

Si les objectifs de MEDIA Plus sont à la fois culturels et industriels, puisqu'il s'agit pour ce programme de « renforcer la compétitivité des industries audiovisuelles européennes » et de « sauvegarder la diversité culturelle », il convient de remarquer que l'accent est surtout porté sur l'aspect industriel, comme l'illustre la base juridique du second programme de MEDIA Plus fondée sur l'article du traité qui concerne l'industrie et non la culture.

Certes, l'aspect industriel du secteur audiovisuel est primordial. On estime, en effet, que ce secteur, qui emploie plus d'un million de personnes dans l'Union européenne, verra ses revenus augmenter de 70 % d'ici 2005 et que 300 000 emplois nouveaux hautement qualifiés pourraient être créés. Mais l'aspect culturel n'est pas non plus à négliger, puisque pour une partie importante de la population, l'audiovisuel représente la première occupation quotidienne et souvent la seule source d'information régulière.

La question de la base juridique du volet « développement » de MEDIA Plus a fait l'objet de controverses, lors de l'examen du programme par le Parlement européen. La commission des affaires juridiques et du marché intérieur a proposé de changer cette base juridique pour la fonder sur l'article 151 relatif à la culture, et non plus sur l'article 157 alinéa 3 relatif à l'industrie. Le Parlement européen a approuvé cette mesure qui renforcerait son rôle, puisqu'elle ferait passer la procédure en matière audiovisuelle de la simple consultation à la co-décision.

b) L'opposition entre « grands » et « petits » Etats membres

Notamment en ce qui concerne le second volet, la ventilation de MEDIA Plus entre les différents domaines concernés (formation d'une part, développement, distribution et promotion, d'autre part) soulève de grandes difficultés.

En effet, le débat a mis en évidence l'antagonisme entre les petits pays qui considèrent que l'ensemble du programme, y compris la distribution, doit être au service du développement de la production européenne et les grands, à l'instar de la France, qui considèrent que l'objectif premier du programme est la circulation des oeuvres européennes.

La raison essentielle de cet antagonisme résulte de la faiblesse des dispositifs nationaux d'aide à la production audiovisuelle dans les petits pays, au regard de ce qui existe dans les grands. D'où la volonté des premiers de renforcer leur dispositif national par un apport communautaire, alors que les grands s'y opposent, au nom de la complémentarité entre les aides nationales et communautaires.

c) La question du financement

Cette question est la plus controversée pour le moment.

Le budget de 400 millions d'euros, proposé par la Commission, correspond à une augmentation de 30 % par rapport à MEDIA II, doté de 310 millions d'euros.

Certains pays, comme l'Italie et l'Espagne, souhaitent que cette dotation soit supérieure. Le Royaume-Uni et l'Allemagne s'y opposent pour des raisons essentiellement budgétaires. D'autres Etats, comme la Suède, souhaitent que le budget de MEDIA Plus soit le même que celui de MEDIA II, soit 310 millions d'euros. Les Pays-Bas souhaitent, quant à eux, une baisse substantielle de ce budget à 266 millions d'euros.

Le rapporteur du programme, à la commission de la culture, de la jeunesse, de l'éducation, des médias et des sports du Parlement européen, Mme Ruth Hieronymi, considère, elle, que le montant de 400 millions d'euros est un montant minimal, qui devrait être porté à 550 millions d'euros, dont 70 millions pour le volet formation, au lieu de 50, et 380 pour le volet développement/distribution/promotion, contre 350.

III. Conclusion

La position du Gouvernement français sur la question du financement de MEDIA Plus est de considérer le montant de 400 millions d'euros comme un montant minimum, sans se prononcer sur une éventuelle augmentation.

De plus, lors des négociations, le Gouvernement français s'est principalement montré soucieux de préserver la complémentarité des mécanismes de soutien européens et nationaux. Il a notamment émis des doutes sur la « plus-value » européenne du volet développement, en soulignant l'existence de mécanismes nationaux capables de prendre en compte la dimension européenne des oeuvres audiovisuelles. Il considère donc que les financements devraient être rééquilibrés en faveur de l'objectif premier du programme, c'est-à-dire l'aide à la distribution des oeuvres européennes non-nationales.

Tout en souhaitant une adoption aussi rapide que possible des deux volets de MEDIA Plus, afin d'assurer une continuité entre MEDIA Plus et l'actuel programme MEDIA II, on ne peut qu'approuver la position du Gouvernement sur ces deux points.

En effet, si on considère, eu égard aux enjeux que soulève l'industrie audiovisuelle, que le budget de 400 millions d'euros proposé par la Commission, est un montant minimum, il conviendrait, afin d'éviter un saupoudrage des aides communautaires, de concentrer le programme sur les actions qui apportent une réelle « plus value » européenne et qui ont démontré leur efficacité, comme le soutien automatique aux distributeurs. A contrario, on peut émettre des doutes sur la multiplicité des actions en matière de « distribution » et, plus généralement, sur le volet « formation » du programme et sur le volet « développement », en particulier en ce qui concerne le soutien aux projets individuels, dont les dysfonctionnements sont multiples (lourdeur de gestion, faible incitation, coût élevé, efficacité sujette à caution) et qui sont déjà pris en compte au niveau national.

Sous réserve de ces observations, la délégation n'a pas estimé utile d'intervenir plus avant dans l'examen de cette proposition.