Date d'adoption du texte par les instances européennes : 28/02/2000

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 23/12/1999
Examen : 18/01/2000 (délégation pour l'Union européenne)


Réunion du mardi 18 janvier 2000

Fiscalité

Communication de M. Denis Badré sur les textes
E 1374 et E 1378 relatifs au taux réduit de TVA

Ma communication porte sur deux propositions d'actes communautaires relatifs à la TVA dont le rapprochement m'a paru intéressant, car il apporte un éclairage nouveau sur la question du taux réduit de TVA applicable à la restauration.

I. Le taux réduit de TVA sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre (texte E 1374)

Cette proposition de décision du Conseil fait application de la directive relative au taux réduit de TVA sur certains services à forte intensité de main-d'oeuvre, qui a été adoptée par le Conseil le 22 octobre dernier.

Elle autorise huit des quinze Etats membres à appliquer le taux réduit de TVA à deux ou trois secteurs, choisis parmi une liste limitative annexée à la directive précitée.

Pour la France, les trois secteurs retenus sont :

- les travaux dans les logements privés ;

- les services de soins à domicile ;

- le lavage de vitres et nettoyage de logements privés.

Notre délégation s'est déjà prononcée sur ce sujet le 6 avril 1999, lors de l'examen de la proposition de directive précitée (texte E 1236). Par ailleurs, j'ai fait en juin dernier un rapport d'information au nom de la commission des Finances, qui fait le point sur les règles européennes applicables en matière de taux réduit de TVA.

Sur le principe, le Sénat s'est déclaré en faveur de cette expérience limitée à trois ans, de 2000 à 2002, dont l'objectif est de lutter contre le chômage et le travail au noir. Il a déjà voté en loi de finances, par anticipation du droit communautaire, le taux réduit pour les travaux dans les logements privés. Le coût de cette mesure est estimé à 20 milliards de francs.

J'estime toutefois que la solution retenue d'une liste limitative de secteurs éligibles au taux réduit n'est pas la plus pertinente. La définition de critères d'éligibilité aurait été plus souple.

Le Sénat s'est distingué du Gouvernement sur le choix des secteurs retenus par la directive. Il aurait aimé que les services de restauration figurent également parmi les secteurs pouvant faire l'objet d'un taux réduit de TVA. Le Sénat a d'ailleurs adopté un amendement en ce sens lors de la première lecture de la loi de finances pour 2000, d'un coût équivalent de 20 milliards de francs.

Or, la restauration ne figure pas sur la liste limitative annexée à la directive précitée, bien que le Portugal en ait fait la demande.

L'Allemagne a été l'un des Etats membres qui se sont opposés à l'inscription des services de restauration parmi les secteurs retenus, la France ne la demandant pas pour son compte.

Je crois important de souligner ce fait, afin que le Gouvernement ne soit pas tenté d'invoquer les contraintes du droit communautaire pour justifier devant le Parlement et l'opinion française son refus de faire bénéficier la restauration d'un taux réduit de TVA. Il avait l'opportunité de tenter de le faire avec cette expérimentation, mais n'a pas voulu la saisir.

II. Les demandes de dérogation présentées par le Portugal et l'Autriche (texte E 1378)

Cette proposition de directive modifie la directive TVA de 1977 afin d'autoriser l'Autriche et le Portugal à appliquer des taux réduits de TVA dans deux secteurs autres que ceux visés par le texte précédent.

L'acte d'adhésion de l'Autriche autorisait celle-ci à appliquer jusqu'au 31 décembre 1998 un taux réduit de TVA à la location des biens immobiliers à usage résidentiel, à la condition que ce taux ne soit pas inférieur à 10 %. L'Autriche craint que l'arrivée à échéance de cette dérogation transitoire entraîne une augmentation du prix des locations immobilières qui pèse sur le consommateur final. Elle en a donc demandé la prolongation.

La demande de dérogation la plus intéressante, de notre point de vue, est celle présentée par le Portugal.

Lors de son entrée dans la Communauté européenne, le Portugal a continué d'appliquer par dérogation un taux réduit de TVA aux services de restauration. En 1992, il leur a appliqué le taux normal, mais est revenu au taux réduit dès 1996.

En effet, le Portugal estime - je cite les considérants de la proposition de directive - que « le maintien du taux normal aurait eu des conséquences néfastes, notamment en termes d'emploi et de développement du travail au noir ; l'application du taux normal se répercuterait en outre sur les prix des services des restaurants au niveau du consommateur final ». Ces arguments, que le Gouvernement français n'a pas voulu prendre en considération pour ce qui le concerne, ont retenu l'attention de la Commission européenne.

La proposition de directive propose de consolider la pratique du Portugal depuis 1996, qui est devenue juridiquement fragile depuis que celui-ci a renoncé en 1992 à la dérogation dont il bénéficiait lors de son entrée dans la Communauté. Je m'interroge d'ailleurs sur la mansuétude dont la Commission a fait preuve à son égard. Quoi qu'il en soit, le Portugal sera désormais expressément autorisé à appliquer aux services de restauration un taux réduit qui ne soit pas inférieur à 12 %.

En fait, cette dérogation apparaît comme la contrepartie de l'abandon par le Portugal de sa demande d'inclure la restauration parmi les services à forte intensité de main-d'oeuvre concernés par le régime expérimental de taux réduit.

J'appelle votre attention sur le fait que le Portugal gagne au change, puisque la dérogation qu'il demande - comme celle de l'Autriche - s'appliquera non pas seulement trois ans, mais durant toute la durée du « régime transitoire » de TVA intracommunautaire.

Or, ce régime dit transitoire est appelé à durer encore longtemps. Car, comme je l'ai rappelé dans mes travaux précédents, le passage au « régime définitif » de TVA intracommunautaire ne paraît pas envisageable au stade actuel de la construction européenne.

Je vous propose d'être beaux joueurs et de ne pas manifester d'opposition à cette demande de dérogation présentée par le Portugal. Mais je crois qu'il était important de rapprocher ces deux propositions d'actes communautaires relatifs au taux réduit de TVA, afin de montrer au Gouvernement que nous ne sommes pas dupes.

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A l'issue de cette communication, la délégation a décidé de ne pas intervenir sur ces textes.