COM (96) 511 final  du 04/12/1996
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 27/06/2001

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 16/04/1997
Examen : 23/09/1997 (délégation pour l'Union européenne)


Proposition E 823

Com (96) 511 final

(Réunions de la délégation des 23 et 30 septembre 1997)

Présentation du texte par M. Lucien Lanier, le 23 septembre 1997

La proposition d'acte communautaire E 823 (évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement) porte sur l'adoption d'une directive-cadre destinée à compléter la législation communautaire sur les études d'impact environnemental.

Actuellement, une directive de février 1985, complétée en mars 1997, prévoit qu'une évaluation des incidences sur l'environnement doit être établie avant l'octroi d'une autorisation pour les projets publics ou privés, qui par leur nature, leur dimension ou leur localisation peuvent affecter les milieux naturels. Cette évaluation est obligatoire pour les projets les plus polluants -installation de raffineries, de centrales nucléaires, implantation d'autoroutes, d'aéroports...- et facultative pour des projets moins sensibles, par exemple dans le domaine agricole, industriel ou pour des travaux d'infrastructure.

Pour l'heure, une telle évaluation n'est pas requise au cours de la procédure d'adoption des plans et programmes d'aménagement du territoire qui serviront, par la suite, de cadre pour les décisions d'autorisation des différents projets. Le texte propose donc de compléter la procédure existante en l'étendant à ces plans et programmes qui prédéterminent les conditions dans lesquelles les autorisations seront ultérieurement accordées.

A titre d'exemple, on peut citer l'implantation d'un lotissement qui est effectivement préfixée par le POS alors que ce document de planification ne doit pas, au regard du droit européen, faire l'objet d'une évaluation environnementale.

Si le bien-fondé des principes ne semble pas contestable, le dispositif proposé présente de nombreuses imperfections. Ainsi, le champ d'application du texte n'est pas facile à cerner : sont visés, globalement, les documents de planification locaux, ainsi que les plans d'aménagement sectoriels dans les domaines des transports, de la gestion des déchets ou des ressources hydriques, de l'industrie, des télécommunications, du tourisme ou de l'énergie.

Il appartient librement à chaque Etat membre de répertorier les documents nationaux concernés et de décider éventuellement de s'exonérer de l'obligation d'évaluation lorsque l'impact attendu sur l'environnement lui semble mineur.

Le même flou peut être observé dans l'exposé des modalités pratiques de l'étude d'impact, qui doit aborder toutes les incidences attendues du plan ou programme sur l'environnement dans des termes « raisonnablement détaillés », après consultation des « organismes assumant des responsabilités pertinentes en matière d'environnement ».

Si le choix d'une directive-cadre en la matière s'explique par les grandes disparités existant entre les Etats membres, on ne peut se féliciter qu'une aussi large place soit ici laissée à l'application du principe de subsidiarité, car l'absence quasi-totale d'obligation clairement impératives laisse à penser que cette directive ne sera pas appliquée dans l'ensemble de l'Union. Il en résultera une complexité accrue des procédures, sans le bénéfice d'une situation harmonisée entre les Etats membres. Aussi, pour un résultat similaire de sensibilisation des Etats membres aux considérations environnementales, une simple recommandation de la Commission serait préférable.

Par ailleurs, il convient de souligner l'un des seuls aspects contraignants du texte qui impose des consultations transfrontières lorsqu'un document d'aménagement risque de produire des effets sur les milieux naturels d'un autre Etat membre que celui qui l'élabore. Cette disposition a pour effet d'alourdir encore des procédures très complexes, alors que le principe de la consultation transfrontière existe déjà au niveau des projets publics et privés, en vertu de la directive de 1985, révisée en 1997. D'après la proposition soumise au Sénat, la consultation peut être éventuellement lancée à l'initiative de l'Etat membre riverain, ce qui risque de bloquer considérablement l'élaboration de nombreux documents d'aménagement.

En raison de tous ces éléments, je vous propose que, si le principe de l'adoption d'une directive-cadre est maintenu, il convient à tout le moins de remplacer ce dispositif de consultations transfrontières par une simple obligation d'information entre les Etats membres.

A l'issue de cette présentation, MM. Denis Badré et James Bordas ont considéré, avec le rapporteur, que la proposition aurait pour conséquence de compliquer à l'excès des procédures d'urbanisme déjà complexes, entravant encore davantage l'action des collectivités locales.

A M. Christian de La Malène, qui contestait le principe même de l'intervention des institutions européennes dans l'élaboration de documents d'aménagement du territoire national, le rapporteur a indiqué que ce texte était fondé sur l'article 130 R.2 du traité.

A MM. Pierre Fauchon, Robert Badinter et Michel Caldaguès qui s'interrogeaient sur le point de savoir si ce texte avait pour objectif d'établir des normes environnementales dans la perspective d'un élargissement de l'Union aux Pays d'Europe Centrale et Orientale (PECO), M. Lucien Lanier a répondu qu'à son sens, ces considérations n'avaient nullement présidé à la présentation de cette proposition mais que la présentation, par la Commission, d'une recommandation en cette matière pourrait être utile à l'information des pays de l'Europe de l'Est.

La délégation a alors décidé de reporter l'adoption des conclusions à une séance ultérieure.

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Adoption de conclusions sur le texte, le 30 septembre 1997

Je rappelle que, s'il convient d'approuver le principe d'une prise en compte des considérations d'environnement dès le stade de l'élaboration des documents d'aménagement du territoire, le dispositif proposé par le texte n'est pas satisfaisant et qu'il aura pour effet d'accroître la complexité des procédures nationales sans qu'il en résulte une situation harmonisée entre les Etats membres.

Considérant toutefois qu'un rejet pur et simple du projet de directive-cadre pourrait laisser penser à l'indifférence du Sénat aux préoccupations environnementales, je suggère que la délégation adopte une proposition de résolution refusant le texte E 823 en raison de ses imperfections, mais demandant qu'une recommandation du Conseil puisse sensibiliser les Etats membres à cette question et orienter leurs législations.

A l'issue de cette présentation, un large débat s'est ouvert sur le point de savoir s'il était indispensable qu'une directive-cadre soit adoptée en la matière, pour fixer des objectifs environnementaux élevés, notamment en prévision de l'adhésion future des PECO.

Comprenant les critiques avancées par le rapporteur à l'encontre du texte soumis au Sénat, mais craignant qu'une simple recommandation ne soit suivie d'aucun effet, M. Pierre Fauchon a souhaité que la proposition de résolution demande l'intervention rapide d'une directive contraignante imposant une discipline sérieuse à l'ensemble des Etats membres, actuels et futurs, de l'Union.

A l'inverse, M. Emmanuel Hamel a considéré qu'une recommandation lui semblait tout à fait suffisante et s'est opposé à l'adoption d'une directive en cette matière.

M. Lucien Lanier, approuvé par M. Christian de La Malène, a souligné que sa proposition se situait à mi-chemin de ces deux analyses extrêmes et qu'il appartiendrait à la Commission de présenter ultérieurement un autre texte, mieux préparé, si cela paraissait opportun.

M. Robert Badinter a suivi l'opinion du rapporteur, mais a souhaité qu'il apparaisse clairement que la proposition de résolution en faveur d'une recommandation n'excluait pas qu'une autre proposition de directive soit ultérieurement présentée.

Le président James Bordas a alors soumis la proposition de résolution à la délégation. Celle-ci en a approuvé les termes et a chargé M. Lucien Lanier de la déposer sur le bureau du Sénat (voir texte ci-après).

PROPOSITION DE RESOLUTION

Le Sénat,

Vu la proposition de directive du Conseil relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement,

Vu la directive 85/337/CEE relative à l'évaluation de certains projets publics et privés sur l'environnement,

Considérant que la proposition d'acte communautaire E 823 a pour but d'instituer une procédure d'évaluation des effets sur l'environnement de certains plans et programmes, préalablement à leur adoption ; que le champ d'application de ce texte est insuffisamment précis pour que l'on puisse fixer avec exactitude la liste des documents qui seraient concernés lors de son entrée en vigueur ; que les études menées sur le plan national ne permettent pas encore d'apprécier les conséquences pratiques de cette proposition ;

Considérant que l'articulation de cette proposition avec d'autres textes connexes, notamment les directives « EIE » 85/337/CEE et « Habitats » 92/43/CEE, n'est pas claire et que la présente proposition risque, en l'état, d'accroître la complexité du dispositif consacré à la préservation de l'environnement ;

Considérant que les procédures d'évaluation sont trop peu précisées pour permettre d'atteindre l'objectif d'unification annoncé par le texte ;

Considérant que le principe d'une consultation transfrontière lors de l'élaboration des plans et programmes d'aménagement du territoire est d'une mise en oeuvre difficile ; que cette consultation qui existe déjà au niveau des projets publics et privés, est suffisante pour assurer l'association des Etats membres concernés ; que la simple information des Etats riverains par l'Etat membre qui élabore le document d'aménagement paraît préférable.

Demande au Gouvernement qu'il s'oppose à l'adoption, dans leur rédaction actuelle, des propositions de la Commission, notamment en ce qui concerne l'instauration de consultations transfrontières.

Considérant toutefois la pertinence d'une prise en compte des effets sur l'environnement dès la conception des plans et programmes d'aménagement du territoire,

Estime que, en l'état, l'adoption d'une recommandation par le Conseil serait mieux en mesure de sensibiliser les Etats membres aux préoccupations d'environnement ayant présidé au dépôt de ce texte.

Cette proposition de résolution a été publiée sous le n° 10

(1997-1998)

Elle a été renvoyée à la Commission des Affaires économiques

et du plan