COM (96) 248 final  du 18/06/1996
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 17/09/1998

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 24/09/1996
Examen : 04/12/1996 (délégation pour l'Union européenne)


Proposition E 704

Com (96) 248 final

(Réunion de la délégation du 4 décembre 1996)

Présentation du texte par M. Philippe François :

Cette proposition de directive relative à la maîtrise de la pollution automobile arrive à point nommé, au moment même de l'adoption, par le Parlement, d'une législation nationale portant sur la qualité de l'air.

Depuis la directive du 20 mars 1970 limitant, pour la première fois, les émissions polluantes des voitures particulières, la Commission européenne s'est préoccupée de préserver la qualité de l'air en renforçant progressivement les normes de pollution admises.

En 1996-1997, avec l'entrée en vigueur des normes établies par la directive du 23 mars 1994, les émissions de polluants provenant des véhicules neufs auront été réduites de 90 % par rapport aux normes en vigueur au début des années 1970. Malgré cela, l'augmentation continue du trafic, tant en nombre de véhicules qu'en kilomètres parcourus, a compensé l'effet positif de ces améliorations et va empêcher la réduction des émissions globales à un niveau compatible avec les objectifs futurs de qualité de l'air.

Au cours des trois dernières années, la Commission a conduit, en partenariat avec les représentants des industries automobile et pétrolière, un programme de réflexion, dit « auto-oil », portant sur la maîtrise de la pollution atmosphérique imputable au transport routier par dégagement de polluants primaires (oxydes d'azote, hydrocarbures imbrûlés et particules) ou par production d'ozone.

Ce programme a eu pour ambition d'améliorer la qualité de l'air dans l'Union européenne en identifiant les mesures à prendre en matière de circulation routière au moindre coût pour la société.

Outre le bilan d'auto-oil, la proposition E 704 présente deux premières directives portant d'une part, sur la qualité des carburants automobiles, d'autre part, sur la limitation des émissions polluantes par les voitures particulières. Chacun de ces textes procède en deux étapes successives, d'abord pour l'an 2000, ensuite à l'horizon 2005 pour un plein effet prévu en 2010.

Afin de compléter ce dispositif, trois autres propositions de directives devraient être élaborées en 1997 traitant respectivement :

- des limitations d'émissions par les véhicules utilitaires légers ;

- des limitations d'émissions par les poids lourds ;

- du renforcement des règles d'entretien et de contrôle des véhicules.

La Commission estime que l'ensemble de ce dispositif permettra, en 2010, une réduction des émissions de 39 % à 51 %, selon les polluants, par rapport aux chiffres qui seraient atteints en l'absence d'adoption de ces mesures.

1. Proposition de directive reformulant la qualité des carburants automobiles, essence et diesel

a) De nouvelles normes de qualité des carburants pour l'an 2000

D'après les résultats du programme européen auto-oil qui ont fourni la base technique de la proposition de directive, une amélioration de la qualité des carburants peut réduire sensiblement les émissions polluantes des véhicules.

Ce texte propose la fixation de valeurs limites d'émission pour les différents polluants de l'essence sans plomb et du diesel, tels que le benzene, les aromatiques ou le soufre.

En application de ces nouvelles normes, la directive prévoit l'élimination progressive de l'essence plombée d'ici l'an 2000. Elle admet la possibilité d'une dérogation pendant deux ans, jusqu'au 1er janvier 2002, pour les Etats membres justifiant de sérieuses difficultés liées à la composition de leur parc automobile.

Elle permet, par ailleurs, aux Etats membres d'imposer l'usage de carburants spéciaux, plus propres, dans certaines zones particulièrement exposées à la pollution de l'air, sur autorisation de la Commission. Ces carburants dits « city fuel », plus coûteux, sont déjà commercialisés en Suède, au Danemark et en Finlande.

Enfin, la proposition de directive prévoit la mise en place d'un système de surveillance uniforme de la qualité des carburants distribués sur le marché.

b) Une seconde étape en 2005

Dans les douze mois de l'adoption de la directive, et au plus tard le 31 décembre 1998, la Commission formulera une nouvelle proposition de réduction des taux d'émission à l'échéance 2005, notamment pour ce qui concerne le contenu en soufre de l'essence et du carburant diesel. Ce deuxième niveau, déjà déterminé, sera donc réexaminé en fonction des objectifs de l'Union en matière de qualité de l'air.

Cette seconde étape, fondée sur un bilan global d'évaluation des premières décisions, tiendra compte des progrès techniques réalisés en matière de construction automobile grâce à l'amélioration des carburants. Elle sera élaborée dans le souci du meilleur rapport coût/efficacité.

2. Proposition de directive relative à la limitation des émissions polluantes par les voitures particulières

a) Les normes fixées pour l'an 2000

L'objectif de ce texte est de renforcer les exigences communautaires visant à limiter les émissions polluantes des voitures particulières neuves, précédemment fixées par la directive du 23 mars 1994. Il est proposé que ces mesures s'appliquent, dès l'an 2000, aux nouveaux types de véhicules et, à partir de 2001, à l'ensemble des véhicules neufs.

Les nouvelles valeurs limites proposées pour entrer en vigueur en l'an 2000 représentent, par rapport aux normes établies pour 1996, des réductions de 20 % à 40 % des différents polluants (oxydes d'azote, hydrocarbures, monoxyde de carbone) et de 35 % à 50 % des particules pour les moteurs diesel.

L'application de ces normes exigera le développement de nouvelles technologies (catalyseur à commande directe, injection améliorée, double sonde à oxygène...) qui devraient être disponibles en l'an 2000.

Enfin, la directive organise les modalités de contrôle de la durabilité des systèmes antipollution, grâce à :

- l'installation, à bord de certains véhicules, de systèmes de diagnostic embarqués détectant les défaillances de l'équipement et les signalant au conducteur ;

- l'amélioration de la vérification de conformité des véhicules à moteur aux exigences de durabilité ;

- la révision de la procédure actuelle d'essai pour les émissions par évaporation.

b) Les normes fixées pour 2005

La proposition prévoit un second renforcement des exigences antipollution applicables à partir de 2005 afin d'informer l'industrie automobile des mesures à anticiper et de donner des objectifs uniformes aux Etats membres qui souhaitent stimuler la conception de « technologies propres » par l'octroi d'incitations fiscales.

A cet effet, la Commission soumettra au Parlement européen et au Conseil de nouvelles propositions dans les douze mois de l'adoption de la présente directive et, au plus tard, le 31 décembre 1998. Ces nouvelles valeurs limites, à confirmer, correspondent à une réduction de 50 % à 70 % des émissions polluantes par rapport aux niveaux actuels.

Dans la communication portant sur le programme auto-oil, qui accompagne les deux propositions de directives précitées, la Commission souligne que la mise en oeuvre de ces mesures ne permettra pas d'atteindre le niveau de qualité de l'air requis sur l'ensemble du territoire de l'Union, mais sur 90 % seulement de celui-ci.

En conséquence, elle incite les Etats membres à mettre en oeuvre des initiatives complémentaires au niveau national ou local, telles que la promotion du transport en commun, les restrictions de circulation en centre ville, l'utilisation des carburants alternatifs, la prime à la casse des véhicules anciens...

Le coût total des mesures proposées est estimé par la Commission à 5,5 milliards d'écus par an, soit plus de 35 milliards de francs, chacune des quinze prochaines années, ainsi répartis :

- 4,1 milliards d'écus pour les constructeurs de véhicules automobiles, dont 3,1 milliards d'écus pour les producteurs de voitures particulières ;

- 765 millions d'écus pour l'industrie du raffinage ;

- 555 millions d'écus pour les Etats membres, au titre de l'amélioration des tests d'inspection.

Le coût supplémentaire de ces mesures par litre de carburant à la pompe devrait, en revanche, être minime pour le consommateur, soit 0,002 écu pour une voiture à essence et 0,0018 pour une voiture diesel. Pour un automobiliste parcourant en moyenne annuelle 12.600 km, le surcoût est estimé à 2 écus par an.

3. Les critiques formulées contre les textes

Si l'objectif poursuivi par ce dispositif n'est contesté par aucune des parties prenantes, différents arguments plus critiques sont avancés par les intervenants.

a) Les analyses divergentes des industries automobile et pétrolière :

L'industrie automobile, qui a participé au programme Auto-oil par l'intermédiaire de l'association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA), est favorable à toute mesure qui puisse améliorer la qualité de l'air et tiennent les propositions de la Commission relatives aux valeurs limites des émissions applicables en l'an 2000 pour une avancée très importante.

Toutefois, les constructeurs expriment de très fortes réserves sur les options retenues par la Commission.

Ils considèrent, en effet, que les progrès réalisés depuis 1970 ont déjà résulté en large partie des évolutions technologiques considérables de l'industrie automobile. En conséquence, ils critiquent la position de la Commission qui anticipe de nouvelles avancées techniques dont l'effet positif ne se répercutera que très progressivement, au fur et à mesure du renouvellement du parc automobile. En revanche, un effort supplémentaire pour améliorer la qualité des carburants serait, à leur sens, d'efficacité immédiate et effective pour l'ensemble des véhicules.

Les constructeurs automobiles contestent donc le fait que la Commission fasse peser sur leur industrie, plutôt que sur l'industrie pétrolière, la plus grande partie des efforts - et des coûts - liés à l'amélioration de la qualité de l'air : ils estiment qu'ils supporteront 76 % du coût de la mise en oeuvre du programme auto-oil (soit 4,14 milliards d'écus par an) tandis que la part de l'industrie pétrolière ne s'élève qu'à 14 % (soit 765 millions d'écus par an).

L'industrie pétrolière, qui a été associée au programme auto-oil via Europia, association de l'industrie pétrolière européenne, est satisfaite des normes prévues pour l'an 2000. Elle considère, à l'inverse, que ses investissements totaux seront d'un montant équivalent à ceux de l'industrie automobile, soit 8 milliards d'écus. Par ailleurs, elle tient pour acquis que les perfectionnements de la technologie automobile ont un impact plus important sur les émissions que l'amélioration des carburants.

b) La contestation du processus par étape

Si l'objectif normé prévu pour la première étape semble recueillir un accord unanime - tout en soulignant sa grande sévérité qui placera l'Union européenne au plus haut niveau d'exigence dans le monde -, les avis divergent pour ce qui concerne la seconde phase fixée en 2005. Le fait que les propositions de directives déterminent à l'avance les limites de pollution plus sévères qu'elles prévoient pour 2005, tout en organisant une procédure pragmatique de révision obligatoire de ces normes au 31 décembre 1998 au plus tard, n'emporte pas l'adhésion de tous les Etats-membres.

Pour certains - Allemagne, Pays-Bas et Autriche -, il conviendrait de fixer d'ores et déjà les normes prévues pour 2005 afin d'informer pleinement les constructeurs des évolutions à prévoir.

A l'inverse, d'autres Etats-membres parmi lesquels l'Espagne, la Grande-Bretagne et la France, ont souhaité que la deuxième phase soit négociée ultérieurement, avec le recul que donneront les premières applications des textes en discussion et pour tenir compte de l'évolution de technologies non encore disponibles. Dans le même sens, les industries automobile et pétrolière considèrent plus opportun de constater d'abord l'efficacité des mesures prises pour l'étape 2000 avant de fixer les objectifs de l'horizon 2005.

c) Les distorsions de concurrence sur le marché de l'automobile

Le fait que la proposition de directive autorise les Etats-membres à appliquer des dispositions d'incitations fiscales en faveur des véhicules qui respecteraient, par anticipation sur l'échéancier prévu, les normes plus sévères d'émissions polluantes fixées pour 2005, suscite plusieurs critiques.

Tout d'abord, ces avantages fiscaux risquent de créer des distorsions de concurrence contraire à l'esprit du marché unique, dans un secteur économique, qui plus est, déjà très sollicité pour la mise en oeuvre des conclusions du programme auto-oil.

Enfin, il existe une incohérence dans le fait de favoriser la mise en oeuvre anticipée de normes qui feront l'objet, en tout état de cause, d'une redéfinition au 31 décembre 1998. Les évolutions techniques des carburants et des véhicules, durant cette période, peuvent conduire à une reformalisation des objectifs différente de celle actuellement prévue.

Ces différentes réserves conduisent, tout en approuvant pleinement les objectifs poursuivis par la Commission, à proposer l'adoption de conclusions.

M. Christian de la Malène s'est déclaré très favorable à l'analyse du rapporteur en soulignant l'importance économique majeure de la directive en discussion.

Abordant la question particulière des incitations aux politiques locales de circulation ou de rénovation du parc automobile, pour laquelle le rapporteur avait souhaité rappeler qu'elles relevaient de la seule compétence des Etats membres, M. Emmanuel Hamel s'est réjoui de l'affirmation, en la matière, du principe de subsidiarité.

A l'inverse, M. Pierre Fauchon a considéré que les questions de circulation dans l'espace européen devaient, par essence, relever de la compétence de la Commission et non dépendre de décisions autonomes des Etats membres.

M. Denis Badré, puis M. Christian de La Malène, ont alors précisé qu'il s'agissait bien d'admettre la fixation, par la Commission, de normes de pollution dans l'ensemble de l'Union, complétées éventuellement par des politiques locales d'accompagnement, déterminées par les Etats membres suivant les spécificités régionales.

Pour lever toute ambiguïté, M. Philippe François a proposé de modifier la rédaction du paragraphe concerné pour qu'il soit clairement indiqué que les mesures nationales s'ajoutent aux règles européennes mais ne s'y substituent pas.

La délégation a alors adopté, à l'unanimité, les conclusions présentées par son rapporteur sur la proposition E 704 (voir texte ci-après).

CONCLUSIONS DE LA DÉLÉGATION SUR LA PROPOSITION D'ACTE COMMUNAUTAIRE E 704 RELATIVE À LA MAÎTRISE DES ÉMISSIONS POLLUANTES DU TRANSPORT ROUTIER ET À LA QUALITÉ DES CARBURANTS

La délégation du Sénat pour l'Union européenne,

Se déclare favorable aux principes généraux retenus par la proposition E 704 pour lutter contre la pollution atmosphérique résultant du transport routier et considère conforme à l'article 4 de la directive 94/12/CE la stratégie globale future présentée par la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen ;

Approuve les normes fixées par la proposition E 704 à échéance du 1er janvier 2000.

Demande au Gouvernement de proposer que les normes à appliquer dans une seconde étape soient déterminées au cours de la négociation intermédiaire prévue pour 1998, qui fixera également la date optimale de leur entrée en vigueur en fonction des évolutions technologiques qui seront alors disponibles.

Souhaite la suppression du dispositif d'incitations fiscales aux véhicules respectant, par anticipation, les normes de pollution envisagées pour l'horizon 2005, mais non encore confirmées, en ce qu'il créerait des distorsions de concurrence dans un marché déjà fragilisé par la mise en oeuvre de l'étape 2000.

Estime nécessaire de compléter au plus vite le dispositif anti-pollution par des mesures concernant les véhicules utilitaires légers ou poids lourds.

Rappelle que, au-delà de ces normes communautaires, les politiques locales de circulation et de rénovation du parc automobile national relèvent, en vertu du principe de subsidiarité, de la seule compétence des Etats membres.