Le Sénat a surtout le pouvoir de freiner l'action du gouvernement

Par Vincent DROUIN

Paris : Le Sénat ne se prive pas actuellement de freiner l'action du gouvernement, et s'en privera encore moins s'il passe à droite le 28 septembre, mais il dispose au final de pouvoirs limités.

Qualifié en 1998 par Lionel Jospin, alors Premier ministre, "d'anomalie parmi les démocraties", la seconde chambre du Parlement, installée dans le prestigieux Palais du Luxembourg, au coeur de Paris, est régulièrement objet de polémiques et d'interrogations sur son utilité, que son basculement historique à gauche, en 2011, n'a pas apaisées.

Contrairement à l'Assemblée nationale, le Sénat ne peut pas renverser le gouvernement. Ainsi, les votes de confiance -comme celui du 16 septembre pour Manuel Valls- ne sont demandés qu'aux députés. En revanche, ceux-ci doivent tenir compte, jusqu'à un certain point, des sénateurs pour faire les lois.

Pour être adoptée, une loi doit avoir été votée dans les mêmes termes par l'Assemblée et le Sénat, sauf si, au terme d'une longue navette (une ou deux lectures par chambre, puis réunion d'une commission mixte paritaire de sept députés et sept sénateurs pour tenter d'arriver à un accord), le gouvernement permet à l'Assemblée d'avoir le dernier mot. Cela a été le cas de 9 des 63 textes adoptés durant la session ordinaire 2013-2014, mais il s'agit généralement de textes importants, comme les lois de finances.

L'accord du Sénat est cependant indispensable pour réviser la Constitution et pour adopter les lois organiques (les textes relatifs aux modalités d'application de la Constitution) régissant son fonctionnement.

Mais il faut que ces lois organiques ne concernent que lui, et pas aussi les députés: les sénateurs n'échapperont pas ainsi en 2017 à la limitation du cumul des mandats, car celle-ci s'applique à l'ensemble des parlementaires.

- Triangle des Bermudes -

Le Sénat s'est battu pied à pied contre cette réforme, en arguant de son mode de désignation: les sénateurs étant élus par les élus locaux, il est logique, défendaient la droite, les radicaux de gauche comme une partie des socialistes, qu'ils puissent diriger une commune, un département, une région.

Ce mode d'élection, avec une sur-représentation des communes rurales, a longtemps favorisé la droite modérée, anti-gaulliste aux débuts de la Ve République, opposée à la gauche au pouvoir après 1981 ou pendant la dernière cohabitation (1997-2002), et parfois critique lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Avec souvent, une expertise permettant d'enrichir les textes sur le plan juridique.

Mais les victoires de la gauche aux élections locales dans les années 2000 lui ont permis de conquérir le Palais du Luxembourg il y a trois ans. Gros bémol pour le PS: il s'agit de toute la gauche, communistes, radicaux de gauche et écologistes compris, et non, comme à l'Assemblée, des seuls socialistes.

De ce fait, le Sénat a rejeté pratiquement tous les budgets depuis 2012, et s'est lancé dans une guérilla parlementaire contre la refonte des régions.

Il est devenu "le triangle des Bermudes" dans lequel se perdent les projets de loi avant de ressurgir à l'Assemblée, regrettait la sénatrice (PS) Laurence Rossignol, avant d'entrer au gouvernement. C'est "un bateau en panne", renchérit Gérard Larcher, ancien président (UMP) du Sénat et qui aspire à le redevenir en cas de victoire de la droite.

La présidence du Sénat est en effet un poste convoité. Son titulaire, actuellement le socialiste Jean-Pierre Bel, possède non seulement un pouvoir important de nominations, en particulier de trois des neuf membres du Conseil constitutionnel, mais surtout, en cas de mort ou démission du président de la République, il assure l'intérim en attendant l'élection présidentielle.

Alain Poher, alors président du Sénat, a ainsi séjourné deux fois à l'Elysée, en 1969, après la démission du général de Gaulle, et en 1974 après la mort de Georges Pompidou. Ironie de l'Histoire, Charles de Gaulle quittait le pouvoir parce que les Français avaient refusé, par référendum, son projet de... supprimer le Sénat.

vdr/jlp/mat/nm
2014/09/07 10:16:29 GMT+02:00
MSE02820 #508248 DVBP 0415 GRR09 (4) AFP (712)