Mme le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

M. Rémi Féraud. Pour notre part, nous ne sommes pas sectaires. Nous allons donc voter ces amendements de taxation des superdividendes, qu’ils soient issus des élus centristes du Sénat, comme le premier, ou de ceux de l’Assemblée nationale, comme celui que nous avons déposé.

Ce débat est très important. On ne peut que déplorer qu’il intervienne avant celui que nous aurons, juste après, sur les superprofits ; il y aurait une certaine logique à ce que l’ordre soit inversé.

J’entends les arguments de M. le ministre ; nul n’ignore que le Gouvernement est très content de la réforme de la taxation du capital et de la création du PFU. Néanmoins, dans la période que nous vivons, je veux citer les mots de M. Mattei, président du groupe MoDem de l’Assemblée nationale : « J’assume ma proposition sur les superdividendes, l’idée est de nourrir le débat sur le rapport entre la fiscalité du capital et celle du travail. »

Il me semble que, depuis plusieurs mois, nous avons utilement nourri ce débat. D’ailleurs, la position du Gouvernement sur les superprofits a évolué. (M. le ministre délégué fait un geste de dénégation.) Elle a évolué sous la pression de l’opinion, de nombreux parlementaires, y compris de la majorité, et de l’Union européenne, comme M. le ministre vient de le rappeler.

Je m’en réjouis, mais il faut aller plus loin, en particulier sur la question des superdividendes. En effet, si nous adoptons, dans la discussion qui suivra immédiatement celle-ci, un amendement de taxation des superprofits, je m’en réjouirai ; mais si cela ne devait pas arriver, il conviendrait du moins de taxer les superdividendes, c’est-à-dire des superprofits qui n’ont pas été réinvestis dans l’entreprise et qui n’ont donc contribué ni à faire baisser les prix ni à augmenter les salaires dans l’entreprise. Ces dividendes auraient pu servir à autre chose, comme le réclame M. le ministre de l’économie et des finances lui-même. Les taxer temporairement à un taux supérieur au PFU serait extrêmement logique !

Mme le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. J’ai une question à vous poser, monsieur le ministre. Vous affirmez que vos choix fiscaux permettent d’encaisser plus d’impôt sur les sociétés qu’auparavant. Pourtant, dans le document qui nous a été remis par le Gouvernement au mois de septembre dernier, je constate que le produit de cet impôt serait en 2022, au titre des lois de finances révisées, de 59 milliards d’euros, mais que vous prévoyez qu’il ne sera en 2023 que de 55,2 milliards d’euros. Comment expliquez-vous cette différence ?

Pardonnez-moi, mes chers collègues, mais je vais de nouveau vous infliger la lecture des Échos de jeudi dernier : M. le ministre était absent, remplacé par M. Lescure, quand je l’ai fait la fois précédente. Voici la citation : « Les actionnaires peuvent remercier les compagnies pétrolières et les prix élevés du baril d’or noir. Sur le seul troisième trimestre 2022, ces dernières ont distribué 46,4 milliards de dollars de dividendes, soit 75 % de plus qu’en 2021. » Comment voulez-vous que le débat soit enterré ?

Mme le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le ministre, votre argument sur la rupture d’égalité qui découlerait de ce dispositif m’étonne quelque peu. Classiquement, en matière fiscale, on pose souvent des seuils. Vous nous affirmez ici que celui que nous entendons instituer créerait une rupture d’égalité. C’est tout de même étonnant !

Mme le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

M. Daniel Breuiller. Je tenais à remercier M. le ministre pour son souci de protéger les salariés ! Franchement, justifier son opposition à une surtaxe temporaire sur les dividendes par un souci de protection des salariés, c’est un argument qui fera florès ! (Sourires.)

Dans cette enceinte, j’entends constamment défendre la valeur travail. Eh bien, voilà que le groupe centriste propose de taxer les dividendes au même niveau que le travail. Franchement, si l’on défend la valeur travail, je ne trouverais pas scandaleux que l’on taxe les dividendes à la même hauteur que le travail !

M. Éric Bocquet. Très bien !

Mme le président. La parole est à Mme Daphné Ract-Madoux, pour explication de vote.

Mme Daphné Ract-Madoux. Les entreprises peuvent toujours éviter la taxation proposée en réinvestissant ces sommes dans l’entreprise ou dans les salaires. C’est un mécanisme vertueux !

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur Bocquet, je vous confirme qu’en 2017, quand le taux de l’impôt sur les sociétés était encore de 33 %, on avait collecté 41 milliards d’euros au titre de cet impôt ; en 2022, avec un taux qui n’est plus que de 25 %, on aura collecté 59 milliards d’euros.

M. Éric Bocquet. Et l’an prochain ? Vous annoncez 55,2 milliards…

M. Gabriel Attal, ministre délégué. On verra l’an prochain ! Nous faisons des prévisions ; forcément, le fait que le taux de croissance prévu pour l’an prochain est inférieur à celui de cette année a un impact. En tout cas, après avoir fait passer ce taux de 33 % à 25 %, on collecte beaucoup plus ; c’est un fait dont nous pouvons tous nous réjouir, car il montre que l’activité s’est développée.

Monsieur Vincent Capo-Canellas, le problème juridique que je pointe n’est pas un problème de seuil. Ce qui est problématique, ce n’est pas de fixer un revenu fiscal de référence minimal, c’est qu’un même euro de dividende, selon qu’il vienne d’une grande entreprise qui a fait des superprofits ou d’une petite entreprise qui n’en a pas fait, serait imposé à des taux différents. Là est la rupture d’égalité !

On ne trouve pas de mécanisme comparable dans notre législation fiscale actuelle. Celui-ci serait donc très probablement jugé inconstitutionnel du fait de cette rupture d’égalité devant l’impôt.

Mme le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Je vous écoute, monsieur le ministre, mais il y a des points qui ne vont pas.

Le premier, c’est quand vous affirmez avoir abaissé le taux de l’impôt sur les sociétés à 25 %. Pardonnez-moi, mais cela remonte à une autre époque, où vous avez d’ailleurs aussi joué un rôle, encore qu’autrement. Je me souviens d’avoir soutenu la baisse de ce taux à 25 %, quand elle a été décidée sous la présidence de François Hollande.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. La baisse avait commencé, mais on n’est pas arrivé à 25 % sous M. Hollande !

M. Claude Raynal. La trajectoire a été entamée ; vous-même avez mis plusieurs années pour atteindre 25 %. Si M. Hollande était resté au pouvoir, c’était fait ! (Marques damusement sur les travées du groupe Les Républicains.)

Il n’y a donc pas, d’un côté, ceux qui font et, de l’autre, ceux qui ne font pas. On avait déjà alors une vision assez large pour décider de ramener le taux d’imposition des sociétés au taux moyen européen. Cela a été fait ; vous avez poursuivi cette trajectoire, nous en convenons. Figurez-vous que je crois même avoir déclaré à l’époque qu’il n’y avait pas de lien direct entre le taux d’un impôt et son produit !

Un deuxième point m’interpelle : l’idée selon laquelle votre politique fiscale aurait fait de vous les rois de l’investissement étranger en France. Mais cela fait bien quinze ans que la France est la première terre d’investissement étranger en Europe ! (Marques dapprobation sur des travées du groupe Les Républicains.)

On est ensuite passé à la deuxième place, puis on est revenu en tête ; nous avons en tout cas toujours compté parmi les principales destinations de l’investissement en Europe. Il faudrait donc éviter de tracer un trait en 2017, entre le monde d’avant et celui d’après, où d’un coup tout est devenu magnifique ! Non, cela fait longtemps que c’est le cas, et ce pour un ensemble de raisons, de la géographie de la France à ses compétences…

M. Jean-François Rapin. Et n’oublions pas les régions !

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. La fiscalité joue un rôle ; il n’en reste pas moins que, à cette époque, même si la France n’était pas fiscalement très attractive, elle recevait quand même des investissements. Un peu de prudence ne serait pas superflue dans le tableau que vous dressez !

Enfin, il ne faut pas confondre ce qui relève de la taxation normale des entreprises et ce qui découle d’un événement exceptionnel, comme nous venons d’en connaître : dans de telles circonstances, on peut mettre en œuvre un système exceptionnel. C’est d’ailleurs pourquoi je préfère l’expression de « contribution exceptionnelle » au mot de « taxation », qui me fatigue. Une contribution exceptionnelle pour cette année-ci, cela répond à un besoin. Les Français font montre de compréhension sur le sujet, ainsi que les chefs d’entreprise eux-mêmes, qui sont aussi des citoyens et savent que ce pays connaît des problèmes qu’il faut résoudre de manière solidaire.

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Effectivement, à la fin du quinquennat de François Hollande, dans la loi de finances pour 2017, une trajectoire a été adoptée ; elle prévoyait de diminuer le taux de l’impôt sur les sociétés, non pas jusqu’à 25 %, mais jusqu’à 28 %, et ce en trois ans.

M. Claude Raynal. Il aurait fallu qu’on reste au pouvoir !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Ensuite, la majorité d’Emmanuel Macron a non seulement mis en œuvre cette trajectoire, mais elle l’a aussi amplifiée. De même, certaines décisions salariales pour la fonction publique avaient été prises quelques mois, voire quelques semaines, avant l’élection présidentielle de 2017, sans être financées ; nous avons dû nous employer à financer tout ce qui avait été annoncé ou voté. Nous l’avons fait, et nous avons encore diminué ce taux jusqu’à 25 %, ce qui n’était pas prévu dans la trajectoire adoptée en 2016.

Quant à votre deuxième point, monsieur le président de la commission, vous m’avez bien entendu dire que la France était redevenue – et non devenue – le pays le plus attractif d’Europe pour les investissements étrangers. Je ne méconnais absolument pas la grande attractivité historique et structurelle de la France. Je constate simplement que cela faisait quand même longtemps qu’il n’y avait pas eu plus d’usines en France qui ouvraient que d’usines qui fermaient, plus d’emplois industriels créés que détruits.

Il ne s’agit pas de dire que tout est parfait dans notre pays, que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, et que tout cela est le fruit de l’action du Gouvernement : simplement, quand des choses fonctionnent bien, quand des signaux positifs sont observés, nous pouvons évidemment tous nous en réjouir pour notre pays et pour les Français.

Or certains de ces points positifs ne tombent pas du ciel, mais sont probablement le fruit d’une politique cohérente, qui a peut-être démarré juste avant l’arrivée au pouvoir du Président de la République – faisons d’ailleurs remarquer qu’il n’était alors pas très loin, qu’il avait participé à ce gouvernement pour porter ses réformes –, mais qui a en tout cas été poursuivie.

Vous avez également rappelé que ce qui était proposé dans ces amendements était un mécanisme exceptionnel. À ce propos, je veux répéter que si l’on met en place une taxation exceptionnelle sur une année, il y aura des entreprises qui se diront : « On ne versera pas de dividendes cette année, on attendra l’année prochaine, quand le taux sera revenu à 30 % ! » Mettez-vous à leur place ! À mon sens, cela rend le dispositif proposé presque inopérant.

Enfin, vous avez dit préférer le mot « contribution » au mot « taxe ». Je me réjouis donc que vous souteniez les deux contributions prévues dans ce projet de loi de finances, qui sont issues du mécanisme européen : la contribution de solidarité et la contribution sur les énergéticiens, qui nous permettront de récupérer 11 milliards d’euros.

Mme le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. On fait un peu de philosophie, mais ces propositions ne sont pas opérantes ! Une grande entreprise pilote toujours son bilan : elle dégage autant de dividendes qu’elle veut, elle peut même racheter ses actions pour ne pas en verser.

MM. Éric Bocquet et Claude Raynal, président de la commission des finances. Elles le font !

M. Jérôme Bascher. Elles le font, et c’est pourquoi ces dispositifs seraient totalement inopérants ! Une contribution exceptionnelle ne peut pas fonctionner, sauf si l’exceptionnel devient durable… Mais cela, ce n’est que de l’esbroufe ! On peut le regretter, on peut expliquer pourquoi on est philosophiquement favorable à ce dispositif, c’est tout le débat que nous avons, qui est tout à fait normal, mais ce que nous faisons ici, en réalité, c’est juste un peu de théâtre !

M. Fabien Genet. C’est une posture politique !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1257 rectifié ter.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 60 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l’adoption 150
Contre 181

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix les amendements identiques nos I-614 rectifié, I-682 rectifié et I-817 rectifié.

J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et, l’autre, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Article additionnel après l'article 4 nonies - Amendements  n° I-1257 rectifié ter, n° I-614 rectifié, n° I-682 rectifié et n° I-817 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2023
Article additionnel après l'article 4 nonies - Amendement n° I-816

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 61 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 332
Pour l’adoption 150
Contre 182

Le Sénat n’a pas adopté.

Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° I-856, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 4 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Il est institué en 2023 une contribution sur les bénéfices exceptionnels réalisés par les redevables de l’impôt sur les sociétés prévue à l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros.

Cette contribution exceptionnelle est égale à :

1° 10 % du résultat imposable lorsque le bénéfice réalisé est inférieur à 100 millions d’euros ;

2° 20 % du résultat imposable lorsque le bénéfice réalisé est compris entre 100 millions d’euros et 1 milliard d’euros ;

3° 30 % du résultat imposable lorsque le bénéfice réalisé est supérieur à 1 milliard d’euros.

II. – La contribution prévue au I est assise sur la fraction du résultat net réalisé au titre de la moyenne des exercices 2020, 2021, 2022 et 2023 qui excède la moyenne des résultats nets réalisés au titre des exercices 2017, 2018 et 2019.

III. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, la contribution exceptionnelle est due par la société mère. Cette contribution est assise sur la fraction du résultat net réalisé au titre des exercices 2020, 2021, 2022 et 2023 qui excède le résultat d’ensemble et la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D du même code correspondant à la moyenne des résultats des exercices 2017, 2018 et 2019. Ce résultat est déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.

B. – Le chiffre d’affaires mentionné au I du présent article s’entend comme le chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.

C. – Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution exceptionnelle.

D. – La contribution exceptionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.

E. – La contribution exceptionnelle est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 du même code pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés.

F. – L’intérêt de retard prévu à l’article 1727 dudit code et la majoration prévue à l’article 1731 du même code est fixé à 1 % du chiffre d’affaires mondial de la société ou de la société mère tel que constaté lors de l’exercice comptable antérieur.

IV. – La contribution exceptionnelle n’est pas admise dans les charges déductibles pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés.

La parole est à M. Jérémy Bacchi.

M. Jérémy Bacchi. La précision et la clarté sont les maîtres mots d’une fiscalité juste et appropriée. Cette proposition s’inscrit dans la droite ligne de ces principes : une taxe sur toutes les entreprises de plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires qui réalisent des profits supérieurs à la moyenne des trois résultats d’avant la pandémie. Un taux différencié selon le montant de ces superprofits s’appliquerait.

Les superprofits se font trop souvent au détriment des travailleurs, des sous-traitants et des consommateurs, mais aussi des investissements. Au sein du CAC 40, 38 entreprises ont réalisé 73 milliards d’euros de bénéfices au premier semestre, soit une hausse de 24 % sur un an.

Bruno Le Maire se dit fier ; pour notre part, nous sommes résolus : nous le sommes d’abord dans notre soutien à nos compatriotes qui ne comprennent plus à quoi sert l’État ; ensuite pour les finances publiques, ainsi que pour les travailleurs, qui créent la valeur, mais n’en retirent pas les fruits ; nous sommes résolus enfin à faire contribuer ceux qui le peuvent, de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins.

Cet été, ce n’était pas le moment, nous disait-on : nous en débattrions plus tard. Circulez, il n’y a rien à voir ! Quelques mois plus tard, il n’y a plutôt rien à trouver. À l’Assemblée nationale, le 49.3 a douché tout espoir de taxation des profits indus. Le Sénat a décidé de débattre, malgré ce coup de force. Nous ne pouvons plus repousser à plus tard ce qui correspond à l’aspiration populaire de justice fiscale.

Mme le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° I-434 rectifié est présenté par MM. Kanner, Gontard, Raynal, Féraud et Breuiller, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel, Parigi et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Benarroche et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad, Bourgi et Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Devinaz, Dossus, Dantec et Durain, Mme Féret, MM. Fernique et Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, M. Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kerrouche et Labbé, Mme de La Gontrie, M. Leconte, Mme Le Houerou, M. Lozach, Mme Lubin, M. Magner, Mme de Marco, MM. Marie et Mérillou, Mme Meunier, M. Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poncet Monge, Poumirol et Préville, M. Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, MM. Salmon, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et Mmes M. Vogel et Pantel.

L’amendement n° I-845 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 4 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après la section 0I du chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts, est insérée une section ainsi rédigée :

« Section …

« Contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises

« Art. …. – I. – A. – Il est institué une contribution additionnelle sur les bénéfices des sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 000 000 euros.

« B. – La contribution additionnelle est due lorsque le résultat imposable de la société pour l’exercice considéré au titre de l’impôt sur les sociétés précité est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019.

« C. – La contribution additionnelle est assise sur le résultat imposable supplémentaire réalisé par rapport à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités. La contribution additionnelle est calculée en appliquant à la fraction de chaque part de résultat imposable supérieur ou égale à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités le taux de :

« a) 20 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,25 fois et inférieure à 1,5 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;

« b) 25 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,5 fois et inférieure à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;

« c) 33 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités.

« II. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis, la contribution additionnelle est due par la société mère. Elle est assise sur le résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D, déterminés avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.

« B. – Le chiffre d’affaires mentionné au I du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.

« C. – Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution additionnelle.

« D. – Sont exonérées de la contribution prévue au I du présent article, les sociétés dont la progression du résultat imposable par rapport à la moyenne des exercices 2017, 2018 et 2019 résulte d’opérations de cession ou d’acquisition d’actifs, pour la fraction du résultat imposable de l’exercice concerné.

« E. – La contribution additionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt. La contribution additionnelle est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés. »

II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2023 et sont applicables jusqu’au 31 décembre 2025.

III. – Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation provisoire de l’application du I du présent article avant le 31 décembre 2023 et un rapport d’évaluation définitif au plus tard le 31 juillet 2026.

La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° I-434 rectifié.

M. Rémi Féraud. Cet amendement, que je présente au nom des groupes socialiste et écologiste, ainsi que de M. le président de la commission des finances – nos collègues communistes ont par ailleurs déposé un amendement identique –, tend à reprendre le dispositif que nous entendions soumettre au vote des citoyens par un référendum d’initiative partagée.

Nous avons pris acte de la décision du Conseil constitutionnel, qui estime que cette disposition fiscale n’entre pas dans le champ de l’article 11 de la Constitution, mais cela n’enlève rien sur le fond à notre demande : que l’on puisse taxer les superprofits dans cette période exceptionnelle.

Je suis à ce propos tout à fait d’accord avec M. le président de la commission pour appeler cela une « contribution exceptionnelle » plutôt qu’une « taxation ».

Notre assemblée vient de décider de ne pas taxer les superdividendes. Alors, prenons les choses à la source, par la taxation des superprofits !

Nous avons par ailleurs adopté un régime de taxation inférieur pour ce que l’on pourrait appeler les « miniprofits » des TPE et PME. Allons donc plus avant dans le sens de la progressivité, pour taxer des superprofits dont tout le monde sait qu’ils sont bien réels. Même le Gouvernement le reconnaît aujourd’hui : il agit, mais uniquement dans un cadre européen. Ajoutez-y aussi une dimension française et gouvernementale, monsieur le ministre ; vous n’aurez qu’à y gagner en popularité auprès des Français.

Le dispositif que nous proposons est temporaire, il est ciblé sur les très grandes entreprises et les profits exceptionnels ; il répond donc bien à la nécessité actuelle et permettra aussi de financer des mesures sociales que nous défendons et dont nous savons qu’elles sont essentielles.