compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Jacqueline Eustache-Brinio,

M. Loïc Hervé.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’invite chacun à observer le respect des uns et des autres et celui du temps de parole.

climat social

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Jean-Claude Requier. Madame la Première ministre, après la crise des « gilets jaunes » et la pandémie de covid-19, qui a mis à l’arrêt le monde durant deux années, notre pays est confronté depuis plusieurs mois à un nouveau choc économique majeur, avec l’explosion des coûts de l’énergie et, plus largement, de très fortes hausses du prix des matières premières et de l’alimentation.

Cette accélération de l’inflation, en partie importée, frappe désormais toute notre économie et le quotidien de nos compatriotes, engendrant de fortes tensions sociales dans de nombreux secteurs.

Les revendications de revalorisation salariale sont bien sûr légitimes, dans un contexte inflationniste auquel nous n’étions plus habitués. Nous devons entendre ceux qui demandent une répartition plus juste de la valeur ajoutée à laquelle ils contribuent et une rémunération digne de leur travail.

La solidarité doit aussi continuer à s’exercer envers les plus fragiles.

Dans ce climat social tendu, le dialogue et la négociation doivent demeurer les outils de la sortie de crise, en particulier dans les raffineries et les transports publics. Les revendications sont connues et ont pu s’exprimer ; elles ne peuvent cependant plus justifier un blocage indéfini de notre économie, au risque de pénaliser des millions de personnes et d’entraîner le pays dans une boucle de récession.

Nous savons, madame la Première ministre, la volonté de votre gouvernement d’œuvrer pour le pouvoir d’achat et le niveau de vie des Français. Mais nous comptons aussi sur la responsabilité des entreprises pour répondre sur le long terme aux attentes des salariés.

Madame la Première ministre, comment envisagez-vous maintenant d’agir pour répondre aux attentes de nos compatriotes ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP. – M. Michel Canévet applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président Requier, vous êtes l’élu d’un département où la voiture n’est pas un luxe : c’est une nécessité pour le travail, pour le quotidien. Et je sais votre attention particulière à tous nos compatriotes qui veulent vivre de leur travail, qui s’inquiètent face à la montée des prix, qui subissent de plein fouet les tensions d’approvisionnement dans les stations-service et craignent le blocage du pays.

Monsieur le président Requier, ces préoccupations, ce sont aussi les nôtres. Certains cultivent les inquiétudes et veulent les changer en colère ; tout comme vous, monsieur le président, nous voulons y répondre, apaiser le pays et rassembler les Français.

Aussi, pour protéger nos compatriotes face à l’inflation, nous avons pris, dès le précédent quinquennat, des mesures fortes avec un bouclier tarifaire en octobre 2021.

En juillet, vous avez voté des textes d’urgence en faveur du pouvoir d’achat.

Plus récemment, j’ai annoncé la prolongation des boucliers tarifaires et le maintien jusqu’à mi-novembre de la remise de 30 centimes sur les carburants.

Ce sont les mesures les plus protectrices d’Europe et nous avons l’inflation la plus basse de la zone euro.

Mais je garde une conviction, une conviction que nous avons en commun sur bon nombre de ces travées, une conviction partagée par nos compatriotes : le pouvoir d’achat durable viendra du travail.

Alors, concernant particulièrement les salaires, vous le savez, notre pays dispose d’un système unique au monde de revalorisation automatique du Smic. De ce fait, celui-ci a augmenté de 8 % en un an, c’est-à-dire plus que l’inflation, qui est autour de 6 %.

Cette augmentation doit conduire, en conséquence, à une revalorisation des grilles salariales dans les différentes branches professionnelles.

La dynamique est lancée puisque, depuis le début de l’année, plus de 500 accords de branche sur les salaires ont été signés. (M. David Assouline sexclame.)

Mais, au-delà, je l’ai dit, je le crois et je le répète : les entreprises qui le peuvent doivent augmenter les salaires.

M. David Assouline. Pas de 49.3 pour elles ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Elles le doivent d’autant plus dans le contexte d’inflation, et elles ont une responsabilité particulière si elles ont réalisé plus de profits, malgré le contexte.

Plusieurs sénateurs du groupe SER. Des superprofits !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Pour y parvenir, des négociations doivent se tenir dans les branches et dans les entreprises, et elles doivent avoir lieu rapidement, car, j’en suis convaincue, la solution vient toujours du dialogue social ; le blocage, le refus de la discussion par une minorité ou la grève préventive ne sont jamais les solutions.

Je pense ici à tous les Français qui rencontrent encore aujourd’hui des difficultés pour trouver du carburant. Heureusement, la situation s’améliore, mais nous serons mobilisés jusqu’à un retour à la normale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour la réplique.

M. Jean-Claude Requier. La France rurale et la France périphérique, sans transports collectifs suffisants, ont besoin pour se déplacer de voitures. Et les voitures, sauf celles qui fonctionnent à l’électricité, ont besoin d’essence. Il faut approvisionner les stations-service. Dans cette France-là, la voiture est indispensable et, contrairement aux centres-villes qui la bannissent, son usage est apprécié et le mot « bagnole » n’y est pas un gros mot ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

pouvoir d’achat, mobilisation sociale et budget

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Breuiller. Madame la Première ministre, ma question est simple : travaillons-nous pour rien ? Conseil national de la refondation (CNR), travail transpartisan, Dialogues de Bercy : votre gouvernement multiplie les annonces et les rendez-vous dits « de concertation ». Mais, en même temps, vous laissez planer, depuis plusieurs mois, la menace du recours, éventuel, potentiel, à l’article 49.3 de la Constitution. Et, cela, sur les sujets essentiels de la vie des Françaises et des Français : les retraites, l’assurance chômage, le projet de loi de finances.

Cette conception de la démocratie est déroutante, surtout dans ce contexte de crises multiples et d’inquiétudes grandissantes des citoyens comme des collectivités.

Les mobilisations contre la vie chère, l’inaction climatique ou pour la hausse des salaires montrent bien les attentes de nombre de nos compatriotes.

Les députés ont, en responsabilité face aux besoins de justice sociale et écologique, largement amendé le projet de loi de finances. C’est leur rôle. Des consensus ont été trouvés. Par exemple, pour que MaPrimeRénov’ finance davantage des rénovations globales que des petits travaux ; ou encore pour taxer à 35 % les superdividendes.

Je pense également au crédit d’impôt pour le reste à charge de tous les résidents en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Madame la Première ministre, alors que vous choisissez d’écourter les débats au moyen du 49.3, prenez-vous l’engagement de présenter au Sénat le projet de loi de finances enrichi par le travail parlementaire de nos collègues députés ?

Pouvez-vous nous assurer que nous ne travaillons pas pour rien et nous confirmer que les amendements sénatoriaux n’ont pas également vocation à disparaître dans les poubelles de tri présidentielles ? Ou bien, précisez-nous, le cas échéant, s’il faut désormais soumettre nos amendements directement au Président de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Daniel Breuiller, je vous remercie de votre question. Merci, d’abord, d’avoir souligné en préambule la démarche qui est celle du Gouvernement depuis des mois, désormais, celle de la concertation, de la main tendue (Rires ironiques sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.), de la volonté farouche de travailler en commun et d’arriver à trouver, au-delà des clivages politiques traditionnels, des voies, des chemins de crête pour pouvoir travailler ensemble à l’intérêt général de notre pays.

Il en est ainsi avec l’examen du budget. Vous l’avez souligné, l’Assemblée nationale en est au huitième jour de l’examen de sa première partie : les débats sont riches, ils sont passionnants, évidemment passionnés. Certains consensus ont pu être trouvés et le Gouvernement, par la voix de la Première ministre, a déjà annoncé que, quelle qu’en soit l’issue, il s’engageait à reprendre un certain nombre d’amendements venant à la fois des groupes de la majorité et des rangs des oppositions et ayant permis d’enrichir le texte.

Mme Éliane Assassi. Reprenez-les tous !

M. Olivier Véran, ministre délégué. Madame la sénatrice, si nous devions reprendre la totalité des amendements des oppositions qui ont été adoptés, j’ai fait le compte : à l’heure à laquelle je vous parle, nous en serions à 8 milliards d’euros de surdépenses, 8 milliards qui ne sont pas financés, 8 milliards qui correspondraient ou bien à de la dette supplémentaire pour notre pays, ou bien à des impôts supplémentaires pour les Français ! (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER, CRCE et Les Républicains.)

M. Didier Marie. Huit milliards, c’est la CVAE !

M. Olivier Véran, ministre délégué. Or, si le chemin du dialogue est réel et si la volonté de trouver des compromis, je le répète, est permanente, nous ne rognerons pas un certain nombre de principes chers au Président de la République, à la Première ministre et à cette majorité : il n’y aura pas de hausses d’impôts, il n’y aura pas de hausse de la dette (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.), nous ne détricoterons pas l’ensemble des mécanismes qui ont permis à notre pays de retrouver son attractivité et sa richesse en cinq ans et nous ne renierons pas les engagements qui ont été pris par le Président de la République lors de la dernière campagne présidentielle et pour lesquels il a été élu. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour la réplique.

M. Daniel Breuiller. Monsieur le ministre, retenez nos propositions comme la taxation des superprofits. La démocratie sans dialogue social et sans Parlement, ce n’est plus tout à fait la démocratie. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

blocages dans les raffineries et les centrales nucléaires

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Claude Malhuret. Madame la Première ministre, les idées des cégétistes, si j’ose accoler ces deux mots (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SER.), sont simples : Total ne nous accorde que 8 %, vengeons-nous sur les Français, ouvriers bloqués dans les queues des stations-service, infirmières en panne et leurs patients qui attendront, artisans aux chantiers suspendus.

Le syndicalisme trash, c’est ça : des salariés payés le double de la moyenne qui empêchent les autres de travailler et qui, en plus, prétendent les défendre. (Ouh ! sur les travées du groupe CRCE. – Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

À tous ceux tentés de croire à cette arnaque, je voudrais rappeler ce dicton : « On finit toujours par payer le joueur de pipeau. »

Le comble du cynisme, c’est quand on apprend que ces grèves n’ont rien à voir avec le pouvoir d’achat, mais que c’est Règlements de comptes à CGT Corral ! (Mme Laurence Cohen sexclame.) Les durs de la « fédé » Chimie, mécontents que Martinez, fidèle à sa conception de la démocratie, ait nommé tout seul sa successeure qu’ils trouvent trop molle, déclenchent la grève pour le déstabiliser. Pour les faire taire, il en rajoute dans la radicalité. Sur le dos des Français, comme toujours.

Personne n’est dupe et l’automne chaud que nous promettent les agents d’ambiance de l’agit-prop piétine. Les grèves sont condamnées par une majorité de Français,…

Mme Laurence Cohen. Ce n’est pas vrai !

M. Claude Malhuret. … la journée d’hier fut un échec, comme le fut dimanche la marche des groucho-marxistes de la Nupes emmenés par le Che Guevara de Nation-Bastille. (Rires et applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)

La prochaine étape est encore plus obscène. La récession guette la planète, le prix de l’énergie met des usines à l’arrêt, les Français vont avoir froid cet hiver, mais la même CGT, pour la plus grande joie de Poutine, empêche la maintenance des centrales nucléaires qui nous permettraient de surmonter la coupure du gaz russe. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)

Madame la Première ministre, vous avez commencé de prendre les réquisitions qui s’imposent. Pouvez-vous nous assurer que vous continuerez à prendre toutes les mesures nécessaires pour que 90 personnes ne puissent interdire à la moitié de la France de se déplacer et que quelques centaines d’autres ne puissent empêcher nos concitoyens de se chauffer au cœur de l’hiver ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président Malhuret, le conflit social chez Total et Esso a des répercussions dans tout notre pays et touche le quotidien de millions de Français.

Comme vous, monsieur le président, j’entends et je partage les préoccupations de nos concitoyens, qui craignent de ne pas avoir de carburant pour aller travailler, de ne plus voir leur aide à domicile qui ne peut plus circuler, ou de devoir renoncer à retrouver leurs proches pendant les vacances de la Toussaint.

Pour eux, nous devions agir fort et vite. En lien avec le Président de la République, le Gouvernement est totalement mobilisé et je réunis quotidiennement une cellule interministérielle de crise pour coordonner l’action des services de l’État.

Dès les premiers jours de la grève, nous avons pris des mesures pour augmenter les livraisons de carburant dans les stations-service. Nous avons notamment libéré des stocks stratégiques de l’État, nous avons augmenté les importations, nous avons autorisé l’ouverture des dépôts et les livraisons le week-end.

Ces mesures ont eu des effets importants sur les livraisons de carburant et, ces derniers jours, celles-ci étaient jusqu’à deux fois plus nombreuses qu’en temps normal.

Mais, compte tenu des inquiétudes des Français face au risque de pénurie, nous avons assisté à une augmentation de la demande plus forte que cette augmentation des livraisons. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. C’est la faute des Français…

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Aussi, il était essentiel de sortir du conflit social. Je me suis impliquée personnellement pour que le dialogue social ait lieu chez Esso et chez Total. Dans ces deux entreprises, des accords ont pu être signés avec des syndicats représentant une majorité de salariés.

Quand il y a un accord majoritaire, le travail doit reprendre ! Une minorité ne peut pas, ne doit pas bloquer le pays. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE et UC.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé aux préfets de réquisitionner, dans certains dépôts, les personnels nécessaires à leur fonctionnement. Aujourd’hui, avec la fin du conflit social chez Esso et l’ensemble des mesures prises par le Gouvernement, la situation continue à s’améliorer nettement.

Sur le plan national, ce matin, 20 % des stations étaient en rupture sur au moins un produit ; elles étaient 30 % ce week-end.

Puisque la situation peut être contrastée selon les territoires, je voudrais souligner que la situation s’améliore partout. Dans les Hauts-de-France, on était à 55 % de stations en rupture il y a une semaine ; nous sommes aujourd’hui à 15 %. En Île-de-France, la situation s’améliore également, le taux de stations bloquées ayant diminué de 8 points. Dans votre région, en Auvergne-Rhône-Alpes, le déblocage du dépôt de Feyzin permet des améliorations sensibles : depuis hier matin, nous sommes passés de 36 % à 26 % de stations en rupture.

Mme Anne Chain-Larché. Tout va bien !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je sais que la situation est encore difficile pour beaucoup de nos compatriotes, mais la dynamique est là et je veux une nouvelle fois appeler les salariés grévistes à reprendre le travail. Il est inacceptable qu’une minorité bloque un pays. De notre côté, monsieur le président Malhuret, nous continuerons à agir jusqu’au retour à la normale. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

meurtre de lola à paris

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Madame la Première ministre, depuis dimanche dernier, la France est sous le choc : Lola (Murmures sur des travées des groupes SER, GEST et CRCE.), une jeune fille de 12 ans, a été sauvagement agressée. Elle est morte, agressée par une ressortissante algérienne qui n’aurait pas dû être sur le sol français.

Depuis dimanche, des voix s’élèvent pour que d’autres voix se taisent, pour imposer le silence, pour bâillonner le débat. Mais l’essence même de la démocratie, mes chers collègues, précisément, c’est le questionnement, c’est le débat.

Le meurtre de Lola me rappelle un autre meurtre, qui m’avait touché personnellement. Le meurtrier, à l’époque, était depuis plus de dix ans en situation irrégulière sur le sol de France. Bien que frappé par trois obligations de quitter le territoire français (OQTF), il n’avait pas été expulsé, il n’était pas non plus en prison ; d’une santé mentale précaire, il n’était pas davantage en hôpital psychiatrique. Et il avait incendié la cathédrale de Nantes !

Vous voudriez que nous nous taisions, madame la Première ministre. Ce sont les Français qui réclament des comptes. Il faut l’admettre : le désordre migratoire peut tuer. (Murmures sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE.) Si cette Algérienne n’avait pas été sur le sol français, Lola serait encore en vie.

M. Xavier Iacovelli. Récupération !

M. Bruno Retailleau. J’ai une double question à vous poser.

Premièrement, reconnaissez-vous des défaillances de l’État, une part de responsabilité ?

M. Xavier Iacovelli. Quand a lieu le congrès de LR ?

M. Bruno Retailleau. Deuxièmement, que dites-vous aux Français pour que ces tragédies et ces drames ne se reproduisent plus ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Férat applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président Retailleau, je crois qu’en politique, quelles que soient les circonstances, nous devons toujours faire le choix de la dignité. (Applaudissements prolongés sur les travées des groupes RDPI, GEST, SER, CRCE, RDSE et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Une jeune fille de 12 ans a été tuée dans des conditions effroyables. Une famille, des amis, des voisins, un collège sont en deuil et tout le pays partage leur émotion.

M. Philippe Pemezec. La faute à qui ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. C’est pour les parents de Lola que je veux avoir mes premiers mots. Le Président de la République a eu l’occasion de les recevoir hier (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.) et de leur dire toute l’émotion et la solidarité de la Nation.

Je souhaite de nouveau dire à cette famille, au nom du Gouvernement et, j’en suis sûre, en votre nom à tous, notre plein soutien.

Monsieur le président Retailleau, savez-vous ce qu’ont demandé les parents de Lola ? Du respect, la paix pour la mémoire de Lola et qu’on les laisse faire leur deuil dans la dignité. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Et alors ? Cela n’a rien à voir !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Nous le leur devons.

Je le dis franchement : je crois que la dignité nous commande de ne pas exploiter la douleur indicible d’une famille (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, GEST, SER, CRCE, RDSE et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.), de ne pas utiliser la mort d’une enfant à des fins politiciennes. (Mêmes mouvements.)

M. Max Brisson. C’est indigne !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Ce que nous devons à la mémoire de Lola et à toute sa famille, c’est la justice. Une enquête a été immédiatement lancée et les services de police ont pu identifier et interpeller des suspects en quelques heures. Deux personnes ont été mises en examen par les juges d’instruction et l’une d’elles se trouve en détention provisoire. L’enquête se poursuit aujourd’hui pour déterminer précisément les faits.

Un sénateur du groupe Les Républicains. Et l’OQTF ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Et il y a une autre chose à laquelle je crois profondément, monsieur le président Retailleau : c’est l’indépendance de l’autorité judiciaire. Je n’ai donc pas d’autre commentaire à faire : laissons les enquêteurs travailler, laissons les membres de la famille de Lola faire leur deuil en paix. Nous leur devons justice, ils l’auront, et c’est la République qui la rendra. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe SER.)

M. Max Brisson. Quel rapport ?

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour la réplique.

M. Bruno Retailleau. Madame la Première ministre, vous vous trompez en réduisant la mort de Lola à un simple fait divers. (Mme Patricia Schillinger sexclame.)

Voyez-vous, je pense que la politique se diminue quand elle refuse le débat ; je pense que la politique ne peut pas se contenter de pleurer sur les conséquences, elle doit dénoncer aussi clairement les causes, elle doit affronter la réalité pour que ces meurtres ne se reproduisent plus.

M. Bruno Retailleau. Madame la Première ministre, vous êtes une responsable publique, et chaque responsable public doit avoir le courage d’affronter la réalité et doit protéger les Français avec une politique qui ne s’abandonne pas justement au laxisme et au laisser-faire migratoire. (Protestations sur les travées des groupes RDPI et SER.) Vous devez prendre des décisions, tout de suite, pour aujourd’hui et pour demain. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Férat applaudit également.)

aides à l’industrie automobile française

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Loïc Hervé. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ou plutôt à M. le ministre délégué chargé de l’industrie…

Le Mondial de l’Auto a été l’occasion d’annonces politiques d’importance pour continuer d’accompagner la filière vers sa transformation, qu’il s’agisse d’un entretien du Président de la République dans Les Échos ou des propres déclarations du ministre Bruno Le Maire.

La filière automobile française dans son ensemble, des donneurs d’ordres aux sous-traitants, est un fleuron qu’il nous faut savoir préserver malgré les contraintes considérables auxquelles elle se trouve confrontée : coût de l’énergie, compétitivité, normes, etc.

Le virage de l’électrification va nécessiter en soi des évolutions majeures de l’outil de production. Après les différentes vagues du plan de relance, de nouvelles aides sont prévues.

Dans mon département de Haute-Savoie, singulièrement dans la vallée de l’Arve, l’industrie du décolletage est au cœur de ces enjeux avec quelques entreprises de taille intermédiaire (ETI), mais surtout une myriade de PME qu’il faut accompagner une par une, avec les meilleures chances d’être aidées.

Monsieur le ministre, pouvez-vous garantir que les aides pourront bien aller aux entreprises qui les méritent ?

Comment envisagez-vous de garantir l’accès équitable à ces aides pour toutes les entreprises sans qu’elles aient l’obligation implicite d’avoir recours à des cabinets de « chasseurs de primes » dont les rémunérations sont indécentes et qui amoindrissent d’autant le montant de ces aides ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie. Monsieur le sénateur Loïc Hervé, votre question tombe bien puisque cette semaine commence le Mondial de l’Auto, le premier depuis quatre ans et le seul salon de ce type en Europe, auquel il faut ajouter le salon Équip Auto. Toute la filière, constructeurs et équipementiers, est donc réunie porte de Versailles.

Je vous engage à vous y rendre à vos moments perdus (Murmures sur des travées des groupes UC et Les Républicains.), parce que c’est toute l’industrie automobile française qui y brille.

Un sénateur du groupe Les Républicains. Surtout la Chine !

M. Roland Lescure, ministre délégué. Vous l’avez dit, le Gouvernement a accompagné cette filière dans ce moment difficile qu’a été la crise de la covid-19. Le plan France Relance, c’est environ 750 millions d’euros pour l’industrie automobile.

Avec Bruno Le Maire, je me suis rendu dans votre département il y a quelques semaines – vous étiez là. Celui-ci a été le premier à être accompagné, avec 54 millions d’euros d’argent public, qui ont permis d’engager 125 millions d’investissements dans la filière du décolletage.

Nous allons poursuivre dans cette voie, et nous allons même accélérer. Vous disiez que l’objectif est la préservation de la filière. J’irai plus loin : l’objectif est de la développer, de s’assurer que l’industrie automobile prenne le virage de l’électrification en toute souveraineté, par la réindustrialisation de nos territoires et en développant ces filières qui en ont bien besoin.

Vous l’avez dit, pour cela, il faut accompagner toute la filière, y compris les « petits » sous-traitants, qualificatif que je n’apprécie pas beaucoup, parce que, s’ils sont petits par la taille, ils ont néanmoins une très grande importance pour celle-ci, notamment chez vous. Il faut également s’assurer que les 5 milliards d’euros de France 2030 destinés à accompagner la filière, dont 1 milliard d’euros dédiés à la sous-traitance, puissent aussi bénéficier aux petites et moyennes entreprises.

Je n’ai évidemment pas à décider, à la place des entrepreneurs, s’il leur faut recourir ou non aux services d’un cabinet de conseil pour demander telle ou telle aide. Mais ce que je peux vous dire, c’est que nous souhaitons que les appels d’offres soient simples, accessibles et qu’on puisse même, sur le terrain, prévoir un accompagnement public des entreprises pour y répondre. On s’appuiera notamment sur les chambres de commerce et sur les pôles de compétitivité pour que les entreprises, petites, moyennes ou grandes, puissent profiter à plein de France 2030. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)