M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette dernière année, la situation sécuritaire à Gaza est demeurée hautement instable, rythmée par des incidents récurrents opposant Israéliens et Palestiniens et des annonces, de la part des autorités israéliennes, de constructions de nouveaux logements dans les colonies de Cisjordanie et de Jérusalem-Est qui ont alimenté les tensions.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Hélas !

Mme Nicole Duranton. Dans le contexte de la future présidence française du Conseil de l’Union européenne, cette proposition de résolution « invite le Gouvernement à engager, au niveau européen et international, une initiative internationale en vue d’aboutir à la concrétisation d’une solution à deux États et à la reconnaissance d’un État palestinien par la communauté internationale, aux côtés d’Israël pour une paix juste et durable entre les deux peuples ». Elle justifie cette demande par « l’aggravation des atteintes aux droits, reconnus par l’Organisation des Nations unies, des Palestiniens par l’État d’Israël », « les multiples condamnations internationales dont a fait l’objet l’État d’Israël, notamment au sujet de la colonisation et l’occupation de territoires palestiniens », « le blocage actuel des discussions malgré l’initiative prise par la France en 2017 », puis le plan de paix « malvenu et déséquilibré » de Donald Trump.

Les conditions d’un règlement du conflit israélo-palestinien reposent sur trois principes : le droit international et les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, avec dernièrement la résolution 2334 ; l’établissement de deux États indépendants, démocratiques, viables, avec Jérusalem comme capitale des deux États, souverains dans des frontières sûres et internationalement reconnues sur la base des lignes du 4 juin 1967 ; une méthode, celle de la négociation directe entre Palestiniens et Israéliens, et non une décision unilatérale.

Le groupe RDPI soutient la position constante de la France, portée par les voix du Président de la République, Emmanuel Macron, et du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.

La France appelle les deux parties à revenir négocier de bonne foi et à arrêter les prises de décisions unilatérales illégales et les actes de violence.

La France condamne sans ambiguïté les tirs de roquettes depuis Gaza vers les zones habitées d’Israël, qui constituent également des violations du droit international. Paris a un engagement indéfectible en faveur de la sécurité d’Israël.

La France rappelle régulièrement que la politique israélienne de colonisation dans les territoires palestiniens occupés est illégale au regard du droit international et condamne systématiquement les décisions des autorités israéliennes de construire de nouveaux logements en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.

J’en viens à l’esplanade des mosquées : il existe un statu quo historique, internationalement acté, qui doit être préservé strictement. La Jordanie joue un rôle spécifique sur les lieux saints de Jérusalem.

L’annexion ne serait donc dans l’intérêt ni des Israéliens, ni des Palestiniens, ni des Européens, ni de la communauté internationale, qui ont investi beaucoup d’efforts diplomatiques pour la résolution du conflit.

Par ailleurs, la France contribue activement à la réponse humanitaire dans les territoires palestiniens, avec 2,2 millions d’euros en 2020, grâce à plusieurs projets financés par le centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des affaires étrangères auprès d’ONG humanitaires opérant dans l’ensemble des territoires palestiniens.

Afin d’appuyer les efforts de l’Autorité palestinienne dans la lutte contre la pandémie, la France a apporté une aide de près de 3 millions d’euros en 2020 par le biais de l’Agence française de développement. La France soutient aussi les activités du comité international de la Croix-Rouge dans ces territoires. À ces montants consacrés à l’aide humanitaire, s’ajoute l’aide budgétaire française apportée à l’Autorité palestinienne, soit 16 millions d’euros en 2020.

Ces financements se sont poursuivis en 2021, et ils ne s’arrêteront pas en 2022. Nous nous en félicitons.

Nous formons le vœu qu’une paix durable puisse être atteinte au Proche-Orient. Pour que ce vœu puisse être pleinement réalisé, plusieurs attentes pourraient être satisfaites des deux côtés.

Nous partageons l’avis que le ministre de l’Europe et des affaires étrangères a émis avant-hier devant notre commission des affaires étrangères, appelant les acteurs à rétablir avant tout la confiance entre eux, en remédiant à tout handicap qui empêche actuellement le processus de paix de reprendre pleinement.

Pour aboutir à deux États, il faut d’abord que des mesures de confiance soient mises en œuvre. Pour le moment, les conditions ne sont pas pleinement réunies. Nous constatons avec regret que plusieurs pas en arrière ont été effectués.

Du côté d’Israël, on peut désormais espérer que la proportionnalité des réponses et la stabilité de la zone soient assurées et que son gouvernement arrête les décisions de colonisations illégales à petits pas, car elles alimentent grandement les tensions.

Du côté palestinien, la fixation d’un calendrier électoral et d’une date d’élections précise pourrait être un facteur stabilisant. La population en est demandeuse, et cette demande est plus que légitime. Nous appelons de nos vœux qu’Israël garantisse impérativement la tenue de ces élections dans Jérusalem-Est.

Nous formons l’espoir que les travaux du format d’Amman avec, autour de la table, la Jordanie, l’Allemagne, l’Égypte et la France se poursuivent et puissent aboutir à une relance des négociations.

Mentionner d’emblée, dans les conditions que je viens d’évoquer, sur un pied d’égalité la solution à deux États et la reconnaissance de la Palestine consiste in fine à assimiler une chose à l’autre. Ce serait une provocation finalement assez peu opportune.

La situation sur place s’enflamme tellement vite qu’il serait maladroit de s’immiscer aujourd’hui dans cet équilibre précaire trouvé à la suite du cessez-le-feu mettant fin aux violences de mai dernier, en risquant de détruire cet équilibre qui demeure très fragile.

La présente proposition de résolution pourrait même se révéler contre-productive…

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Nicole Duranton. La situation mérite toute notre attention, afin d’aller vers une solution de paix. Mais, dans ces conditions, le groupe RDPI s’abstiendra.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui nous rappelle que le conflit israélo-palestinien n’est toujours pas réglé et fait encore de nombreuses victimes.

Peu après la Seconde Guerre mondiale et la Shoah, alors que la situation est déjà difficile en Palestine entre Juifs et Palestiniens, les Britanniques se dessaisissent de leur mandat au profit de l’Organisation des Nations unies. Afin de mettre un terme aux tensions, l’ONU propose en 1947 un plan de partage de la Palestine. Les instances israéliennes l’approuvent, mais les Palestiniens le rejettent.

Le conflit qui s’est ensuivi fait encore l’objet d’une attention particulière de la communauté internationale. Une résolution pérenne de cet affrontement implique nécessairement un accord politique et le respect des deux peuples.

La solution proposée par la communauté internationale, conforme au droit international, consiste en la coexistence de deux États, l’un palestinien, l’autre israélien.

Le 29 novembre dernier marquait le soixante-quatorzième anniversaire du plan de partage décidé par les Nations unies. En cette Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, António Gutteres, secrétaire général de l’ONU, a dénoncé les violations des droits des Palestiniens. Il a en outre mis en garde contre l’expansion des colonies israéliennes en rappelant que celle-ci met en péril la solution à deux États. Ces annonces n’ont évidemment pas été favorablement accueillies par Israël, qui continue aussi de subir des attaques du Hamas.

Soixante-quatorze ans après, cette situation sonne comme l’échec des efforts que la communauté internationale a pu mener jusqu’à présent. L’ONU n’est pas parvenue à apporter la paix. Ses résolutions restent lettre morte, et les acteurs concernés privilégient leurs intérêts immédiats aux dépens du droit international et de leurs intérêts à long terme.

Nous avons vu le président Trump proposer un nouveau plan de partage et reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël au mépris de la décision prise par l’ONU. Le multilatéralisme s’en est trouvé affaibli.

La solution à deux États est la seule que nous devons défendre, parce qu’elle est la seule qui respecte le droit des peuples, donc la seule capable d’aboutir à une paix durable. La sanctuarisation de deux États doit apporter la sécurité pour Israël et la Palestine, afin de leur permettre de vivre en paix.

La diplomatie française n’a jamais cessé d’œuvrer en faveur de la solution à deux États. Il ne nous paraît pas opportun d’inviter le Gouvernement à privilégier un mode d’action plutôt qu’un autre.

Nous voyons les relations diplomatiques au Moyen-Orient évoluer. La France soutient la solution à deux États dès qu’elle en a l’occasion, tant à la tribune de l’ONU que dans certaines de ses relations avec les pays du Moyen-Orient.

Le 7 décembre dernier, la France et le Qatar ont ainsi publié un communiqué de presse conjoint rappelant leur attachement à la solution à deux États. Nous souhaitons qu’elle aboutisse avec, bien entendu, une reconnaissance mutuelle nécessaire apportant la sécurité aux deux peuples.

Notre groupe soutient donc la décision de l’ONU, mais cela doit être reproposé par la France et l’Union européenne au moment le plus opportun. Malheureusement, il n’est pas possible de l’imposer pour l’instant, même si nous le souhaitons. C’est pourquoi nous ne voterons pas la présente proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Isabelle Raimond-Pavero. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par cette proposition de résolution en faveur de la reconnaissance d’un État palestinien par la communauté internationale, nos collègues du groupe communiste entendent inviter le Gouvernement à engager une initiative internationale en vue d’aboutir « à la concrétisation d’une solution à deux États et à la reconnaissance d’un État palestinien par la communauté internationale, aux côtés d’Israël pour une paix juste et durable entre les deux peuples ».

Est-il besoin de rappeler que la position constante de la France repose précisément sur l’établissement de deux États vivant côte à côte dans les frontières reconnues et établies sur les lignes du 4 juin 1967, avec pour l’un et l’autre Jérusalem pour capitale ?

Est-il besoin de rappeler encore que nous sommes tous favorables à la solution à deux États ? Ce processus est en principe acceptable par l’État d’Israël comme par la Palestine. Alors quel est le sens d’une « énième » proposition de résolution ?

Rappelons-nous l’initiative de notre collègue Gilbert Roger, qui avait présenté en 2014 une proposition de résolution invitant la France à reconnaître l’État palestinien. À l’époque, Christian Cambon avait très justement mis en garde sur la signification de nos actes : reconnaître un État de façon symbolique n’est qu’une reconnaissance de « papier » ; ce n’est pas reconnaître un État à part entière.

Nous avions donc voté contre. Et nous avions raison, car la reconnaissance unilatérale, fût-elle celle de la France, n’est pas en soi un instrument de la paix et ne lève aucun des obstacles qui ont rendu impossible cette reconnaissance jusqu’à présent. En tout cas, c’est un constat que nous pouvons faire collectivement sans qu’il soit compris comme une critique envers les auteurs de la proposition de résolution.

Un processus est en cours, et il ne peut passer que par une reconnaissance mutuelle fondée sur la paix et la sécurité.

La paix au Proche-Orient ne peut reposer que sur une logique multilatérale associant nos partenaires européens et arabes.

Oui, la donne géopolitique a changé. Avec la signature des « accords d’Abraham », les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Maroc et le Soudan ont reconnu l’État d’Israël. C’est un encouragement pour recréer la confiance. Mais la crise de Gaza du mois de mai dernier entre Israël et le Hamas nous montre aussi toute la fragilité de l’exercice. D’une part, l’Autorité palestinienne rencontre une crise de légitimité. D’autre part, malgré des signes d’ouverture, la plateforme politique du nouveau gouvernement israélien ne s’engage pas officiellement dans la reprise des négociations vers la solution à deux États.

À cet égard, deux constats doivent être posés.

Premièrement, la confiance ne peut pas se tisser sans que cessent les actes terroristes et sans que la sécurité d’Israël soit garantie.

Deuxièmement, la poursuite de la colonisation des territoires palestiniens est illégale en droit international.

Aussi, la présente proposition de résolution n’apporte pas d’éléments que ne porte déjà notre diplomatie et que ne portera la France à la présidence du Conseil de l’Union européenne. Cette présidence doit certainement être l’occasion de mobiliser nos partenaires européens en faveur d’une reprise du dialogue. Ce processus est à l’œuvre et doit se poursuivre. Et, là encore, il faut se garder d’un excès d’optimisme sur le rôle déclencheur de l’Union européenne dans la résolution du conflit israélo-palestinien.

La question israélo-palestinienne semble d’ailleurs reléguée au second plan des crises du Proche-Orient et du Moyen-Orient. Qu’il s’agisse, à l’est, du nucléaire iranien, de la Syrie et de l’Irak, du Yémen au sud et de la Libye à l’ouest, ces crises occupent le premier rang des préoccupations.

L’attitude des États-Unis laisse les acteurs locaux très interrogatifs après le retrait précipité d’Afghanistan et le basculement des priorités américaines vers la zone indo-pacifique et la Chine.

Dans ce concert de nations, il faut réaffirmer que la France est l’amie des Israéliens et l’amie des Palestiniens. Ce n’est pas en prenant fait et cause, comme le fait cette proposition de résolution dans ses considérants, pour l’un des deux amis que nous les conduirons à la table des négociations.

Mme Valérie Boyer. C’est vrai !

Mme Isabelle Raimond-Pavero. Nous devons préserver l’équilibre de la position de la diplomatie française, qui doit continuer à maintenir une posture de dialogue ouvert n’excluant pas Israël et ne l’enfermant pas dans une relation exclusive avec les États-Unis. La France et l’Europe doivent laisser leur porte ouverte à tous les partenaires, et cette logique ne doit pas prendre le pas sur des actes unilatéraux. Poursuivre une logique partisane, c’est l’échec assuré des négociations.

La position du groupe Les Républicains est assumée et s’inscrit pleinement dans la politique d’équilibre de la France, héritée du général de Gaulle.

Nous appelons à une reprise du processus de négociation dans le cadre du Conseil de sécurité des Nations unies et d’un accompagnement international des Israéliens et des Palestiniens vers la solution à deux États avec une paix complète, juste et durable entre les parties, dans le cadre d’une reconnaissance mutuelle de l’État d’Israël et de l’État de Palestine. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre diplomatie est très active au Moyen-Orient pour conclure des accords de coopération militaire, mais un dossier n’avance pas : celui du conflit entre Israël et la Palestine.

Cette impuissance est délétère et tragique pour les deux peuples. Pour les Palestiniens, la situation empire : la colonisation de leurs terres s’étend et mite leur territoire.

La guerre de Gaza au mois de mai dernier, la quatrième depuis l’instauration du blocus, avec son cortège de morts des deux côtés, de blessés et de destructions, d’engrenage des violences, n’a été suivie d’aucune reprise de pourparlers.

Dans une question écrite, je rappelais, comme les organisations internationales, que dans le territoire palestinien occupé, notamment dans la zone C, les besoins fondamentaux de la population civile ne sont plus satisfaits, en termes tant d’infrastructures sanitaires que d’accès aux services essentiels, ce qui est d’autant plus grave en temps de pandémie.

En vertu du droit international, les autorités israéliennes sont pourtant tenues de pourvoir aux besoins de la population ou a minima de faciliter les activités humanitaires des tiers. Israël ne remplit pas ces obligations. Pis, les autorités israéliennes dissuadent les bailleurs d’intervenir, entravent l’accès des ONG et continuent de détruire l’assistance humanitaire, y compris celle qui est financée par la France et l’Europe.

La récente classification par le gouvernement israélien de six ONG palestiniennes de défense des droits, comme organisations « terroristes » et leur interdiction marque une étape supplémentaire dans la répression. Là encore, nous alertons en vain : le Gouvernement proteste, et puis rien !

L’Union européenne estime que 48 % de la population palestinienne totale a besoin d’une aide humanitaire. Dans la bande de Gaza, ce ne sont pas moins de 80 % des Gazaouis qui ne survivent que par l’action humanitaire.

La France a longtemps joué un rôle important dans les négociations pour la paix, et notre action diplomatique ne peut pas se réduire à émettre régulièrement des condamnations impuissantes.

En 2014, quelques mois après la troisième guerre de Gaza, et sur la base des résolutions de l’ONU, notre parlement adoptait une résolution appelant à la reconnaissance de l’État de Palestine.

Mais, depuis, la situation s’enfonce toujours plus dans l’impasse. Cela nous appelle à reprendre l’initiative pour retrouver le chemin d’un processus menant à une solution politique, sans quoi l’escalade de la violence ne s’arrêtera pas.

L’une des dernières initiatives, en l’occurrence de la France, pour relancer les négociations date du mois de janvier 2017, voilà cinq ans. Après trois ans de gel des négociations entre les deux parties, soixante-dix pays avaient réitéré leur engagement pour un règlement pacifique et multilatéral du conflit.

L’investiture de Donald Trump a stoppé cette dynamique. Le plan états-unien est allé contre les résolutions successives de l’ONU, légalisant, voire encourageant la multiplication des colonies israéliennes en Cisjordanie, à Jérusalem-Est, prévoyant l’annexion d’une grande partie de la vallée du Jourdain.

L’attachement du peuple palestinien à sa terre est systématiquement attaqué. Au mois d’octobre, les agressions au moment de la récolte des olives se sont multipliées. Selon les Nations unies, quelque 1 300 arbres ont été détruits par les colons.

Au premier semestre, l’armée elle-même a dénombré des centaines d’incidents : arrachages d’arbres, terres usurpées, dispersion des populations, qui alimentent le cycle de la violence et éloignent la perspective d’une solution politique juste et durable.

Aujourd’hui, la population palestinienne s’engage pour la défense de ses droits civiques. À la suite des violences du printemps, une résolution de l’ONU a permis aux enquêteurs de constater l’augmentation importante des actes de violence de la part de colons israéliens contre des Palestiniens.

Oui, le groupe écologiste rejoint les auteurs de cette proposition de résolution ! La France, qui prendra la présidence du Conseil de l’Union européenne au mois de janvier, doit saisir une telle occasion pour relancer une initiative internationale multilatérale.

C’est l’objet – le seul ! – de la présente proposition de résolution, que le groupe écologiste votera. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE. – M. Alain Duffourg applaudit également.)

(Mme Laurence Rossignol remplace M. Roger Karoutchi au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le disait mon collègue Pierre Laurent, nous sommes à un tournant historique du conflit israélo-palestinien.

Parvenir, dans le cadre d’une initiative internationale, à concrétiser une solution à deux États, qui reconnaîtrait un État palestinien et un État d’Israël, constitue notre seule chance d’aboutir à une paix juste et durable entre les deux peuples. Les Palestiniens recouvreraient ainsi leur dignité et l’effectivité de leurs droits reconnus au niveau international.

La conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) a chiffré les pertes économiques dues au blocus pour les Palestiniens à hauteur de 58 milliards de dollars en moins de vingt ans, sans compter les centaines de millions d’euros de taxes douanières retenus illégalement par Israël.

Ce frein au développement est la raison majeure du désastre humain que constitue la colonisation : 48 % des Palestiniens et 80 % des Gazaouis ont besoin d’une aide alimentaire pour survivre ; 900 000 Palestiniens souffrent d’un accès limité à l’eau, aux soins, à l’éducation et aux autres services de base. Et l’accélération de la colonisation et des violences dans les territoires occupés les privent de plus en plus souvent d’un toit.

Mais la solution à deux États serait également bénéfique pour les Israéliens, bien que ce point ne soit pas souvent évoqué.

En 1988, à Alger, puis devant l’Organisation des Nations unies, Yasser Arafat, alors président de l’Organisation de libération de la Palestine, déclarait : « Notre conseil national palestinien redit son rejet du terrorisme sous toutes ses formes, y compris le terrorisme d’État. Notre position est claire et sans ambiguïté. » Alors que 70 % de la population palestinienne a moins de 30 ans, comment penser que les actes de violence qu’elle subit au quotidien n’alimentent pas les tirs de roquette ?

Reconnaître l’État de Palestine dans ses frontières de 1967 assécherait ainsi la plus grande partie du vivier de recrutement du Hamas.

Se pose par ailleurs la question de la stabilité dans la société israélienne elle-même. Comment comprendre que, en l’espace de deux ans, la Knesset ait adopté une loi sur l’État-nation reconnaissant le caractère juif de l’État, tout en autorisant des colonisations et des annexions qui conduisent à ce que 40 % de la population israélienne soit arabe et palestinienne ?

Revendiquer une solution à deux États ne relève ni de la haine envers l’un des deux peuples, ni du dogmatisme ou de la posture. Cela relève d’une aspiration à la coexistence pacifique de deux États et de deux peuples, ainsi que d’un strict respect du droit international, constant depuis 1947.

Cela implique de reconnaître l’existence d’un État arabe palestinien et d’un État juif israélien, mais aussi le droit au retour des réfugiés palestiniens sur des terres qu’ils ont occupées depuis des générations, de reconnaître l’internationalisation de Jérusalem et la cogestion des lieux de culte dans cette ville, de reconnaître les frontières de 1967 dessinées par l’accord d’armistice de 1949, de reconnaître l’illégalité de l’occupation et de la colonisation par Israël de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie, du plateau du Golan et de la vallée du Jourdain, ainsi que de l’annexion d’une partie de ces mêmes territoires par Israël. Cela implique, enfin, de condamner les nombreuses atteintes aux droits humains subies par les Palestiniens et les Palestiniennes.

Cela consisterait simplement à faire preuve de cohérence avec les résolutions de nos instances multilatérales.

À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, ayant appris des limites de la Société des Nations, nos prédécesseurs ont créé l’ONU, fondée sur le triptyque droit international, objectif de paix et moyens d’action dédiés à la préservation de ladite paix.

Le fonctionnement des Nations unies, très certainement à revoir, doit être un point d’appui pour une initiative internationale. La France, présidente du Conseil de l’Union européenne et membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, doit être l’un des moteurs des négociations.

C’est pourquoi notre groupe a fait le choix de demander le vote du Sénat sur cette proposition de résolution, que je vous encourage également à soutenir, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution ambitionne « une paix juste et durable entre les peuples ». Cet objectif est évidemment louable et mérite d’être approuvé. Nul ne peut le contester, assurément, dans cette enceinte.

La proposition de résolution souligne également l’occasion offerte par la présidence française du Conseil de l’Union européenne à partir du 1er janvier 2022. Ce calendrier est évidemment favorable. Nul ne peut, là encore, le contester.

Si nous sommes sensibles à l’objectif et à l’opportunité de calendrier, la méthode interpelle en revanche.

Est-il possible de construire la paix sur la base d’affirmations tranchées et sans nuance ? Je ne le crois pas.

Est-il possible de relancer une initiative internationale en vue d’aboutir à une solution à deux États sur la base d’imprécations et d’anathèmes ? Je ne le crois pas non plus.

Mes chers collègues, le texte qui nous est soumis accuse l’État d’Israël « d’aggraver les atteintes aux droits des Palestiniens ». Il le fustige en outre, en rappelant les « multiples condamnations internationales dont a fait l’objet l’État d’Israël, notamment au sujet de la colonisation et de l’occupation des territoires palestiniens ».

Enfin, les auteurs de la proposition de résolution jugent « malvenu et déséquilibré le “plan de paix” imposé bilatéralement par les États-Unis d’Amérique et l’État d’Israël en janvier 2020 ».

Le plan Trump n’est sans doute pas parfait, mais il trace un chemin pour la paix. (Marques dironie sur les travées du groupe CRCE.) Il ouvre la voie à une solution à deux États.

Le plan pose une condition légitime : que les dirigeants palestiniens reconnaissent Israël comme un État juif.

Il propose une solution pour Jérusalem : la ville serait entièrement sous contrôle israélien, mais la capitale de la Palestine se situerait dans la section de Jérusalem-Est. Elle pourrait éventuellement être nommée Al-Quds, nom de la ville de Jérusalem en arabe. Les deux capitales devraient être internationalement reconnues.

Ce sont des propositions raisonnables, qui ne méritent pas d’être balayées d’un revers de main au motif qu’elles seraient « malvenues et déséquilibrées ». (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)

Ce plan est également intéressant en ce sens qu’il comporte des mesures garantissant la sécurité d’Israël, sécurité à laquelle nous sommes toutes et tous attachés dans cet hémicycle pour la stabilité du Proche-Orient.

Ainsi, l’État de Palestine serait démilitarisé. Il mettrait en place des forces de sécurité pour sa sécurité intérieure et pour empêcher les attentats terroristes en Palestine, en Israël, en Jordanie et en Égypte.

L’État de Palestine renoncerait également au contrôle de ses frontières et de son espace aérien. En retour, les Palestiniens auraient accès à des facilités dans les ports israéliens. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)

Mes chers collègues, au sein du groupe d’amitié France-Israël, présidé par notre collègue Roger Karoutchi, nous œuvrons pour la paix au Proche-Orient. Nous avons d’ailleurs rencontré, le 27 septembre dernier, Émilie Moatti, la nouvelle présidente du groupe d’amitié Israël-France à la Knesset. Elle est par ailleurs vice-présidente de la Knesset et présidente de la sous-commission des affaires étrangères.

À notre niveau, nous essayons de rapprocher les points de vue et de favoriser le dialogue entre Israéliens et Palestiniens. Nous ne pensons pas qu’une telle résolution manichéenne soit de nature à apaiser la situation.

Dans une tribune que j’ai cosignée dans Le Figaro en 2014, j’ai dit être favorable, comme de nombreux responsables politiques, à une résolution négociée du conflit israélo-palestinien fondée sur la coexistence pacifique et la reconnaissance mutuelle de deux États vivant en paix et en sécurité. Nous sommes convaincus qu’il n’y a pas d’autre solution que la négociation et que seule la voie du dialogue permettra aux Israéliens et aux Palestiniens d’avancer sur le chemin escarpé de la paix.

Le texte proposé rompt de manière inopportune avec la position constante de notre pays, qui œuvre depuis plus de trente ans en faveur d’une paix fondée sur le principe des deux États, au terme d’un processus de négociation, qui implique de part et d’autre des concessions.

Frappée au coin du bon sens, cette ligne diplomatique a fait l’objet d’un large consensus politique au-delà des clivages partisans. Elle repose sur un nécessaire équilibre entre les exigences et les préoccupations de nos amis israéliens et palestiniens.