Mme Nathalie Goulet. Absolument !

M. Jean-Michel Arnaud. Le Mécanisme européen de stabilité est un fonds commun de créances pour pallier la défaillance d’un État membre. Les ressources mobilisées par ce dispositif doivent permettre de faire face aux obligations financières.

Parallèlement à la mise en place progressive des différents piliers de l’Union bancaire sous l’empire du droit européen, le Mécanisme européen de stabilité, fondé sur un traité intergouvernemental, offre une complémentarité essentielle aux outils préexistants. Héritier du Fonds européen de stabilité financière (FESF) et du Mécanisme européen de stabilisation financière (MESF), le MES fait l’objet de velléités de révision depuis plusieurs années.

Finalisé le 4 décembre 2019 par l’Eurogroupe, l’accord révisant le traité a été signé par les dix-neuf États membres de la zone euro les 27 janvier et 8 février 2021, conjointement avec l’accord modifiant l’accord intergouvernemental sur le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique.

Les modifications du traité, qui nous sont soumises aujourd’hui au titre de l’article 53 de la Constitution, reposent sur quatre évolutions principales qui ont déjà été largement évoquées : faciliter les restructurations des dettes souveraines ; renforcer le rôle du directeur du MES et l’indépendance du mécanisme ; réviser les instruments de précaution ; et, bien sûr, créer un filet de sécurité. Ces évolutions visent à renforcer la résilience de la zone euro face aux crises à venir.

Je souhaite m’attarder quelques instants sur la question du filet de sécurité, aussi appelé common backstop. Ce dispositif est certes le plus symbolique, mais il est également le plus incontournable en termes de stabilité économique et financière.

L’article 18 bis de l’accord modifié précise le fonctionnement de la facilité de soutien du MES au Conseil de résolution unique (CRU). Dans un premier temps, le conseil des gouverneurs approuve d’un commun accord l’octroi de la facilité – une ligne de crédit de dix ans renouvelables – sur demande du CRU. Dans un second temps, le conseil d’administration du MES décide de l’octroi des prêts et des versements jusqu’à 68 milliards d’euros.

Cet article décrit également la procédure d’urgence qui peut être activée en cas de menace et abaisse le seuil d’approbation des prêts et versements à 85 % des voix exprimées en conseil d’administration. Il s’agit donc bien, dans des circonstances extrêmes, de simplifier le recours au filet de sécurité, en évitant qu’une poignée d’États puisse en bloquer le fonctionnement. Pour rappel, l’Allemagne, la France et l’Italie détiennent respectivement 21 %, 16 % et 14 % des droits de vote.

Néanmoins, je garde à l’esprit les points de vigilance soulevés par M. le rapporteur concernant le filet de sécurité.

Tout d’abord, le recours à la procédure d’urgence étant limité à deux fois, son efficacité peut être réduite.

Ensuite, bien que les États aient avalisé une mise en œuvre anticipée de l’accord au 1er janvier 2022, six d’entre eux seulement ont, à ce jour, déposé leur instrument de ratification. Je note même que l’Italie et Chypre, qui sont pourtant deux pays parmi les principaux bénéficiaires des aides de l’Union européenne en période de crise, ne se sont toujours pas engagés dans le processus.

Enfin, la saisine de la Cour constitutionnelle allemande sur la loi autorisant la ratification de cet accord doit attirer notre attention sur l’acceptabilité politique et sociale du MES.

La distance géographique et politique entre le quotidien des Français et les actions de l’Union européenne ne doit pas être ignorée. L’information et la pédagogie, surtout sur un texte aussi complexe, doivent faciliter la compréhension de tels projets supranationaux et favoriser, j’ose l’espérer, l’adhésion à l’idée d’une Europe plus solidaire.

C’est aussi une arme intéressante pour lutter contre les différentes formes de spéculation.

Malgré des réserves et des inquiétudes à propos du calendrier de mise en œuvre effective du dispositif, et bien que subsistent des questions importantes concernant la capacité de certains États à provisionner dans leur budget les sommes susceptibles d’être mobilisées en cas de crise, vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste votera en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui vise à autoriser la ratification de l’accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES), qui s’apparente, à certains égards, à un FMI européen.

Nous nous réjouissons de cette occasion, car elle nous permet de rappeler l’attachement du groupe RDSE aux enjeux européens, lequel passe par un engagement de tous les instants pour expliquer à nos concitoyens comment les institutions européennes contribuent à leur quotidien.

Le projet de loi qui nous est soumis s’inscrit justement dans cette volonté de rendre l’action européenne toujours plus efficace. En l’occurrence, la réforme envisagée prévoit de renforcer la résilience de la zone euro et le cadre de gestion des crises. Elle met ainsi l’accent sur quatre points principaux : l’amélioration de l’efficacité des instruments de précaution ; la création d’un filet de sécurité autour du Fonds de résolution unique ; le renforcement et l’indépendance du mécanisme ; et, enfin, l’inscription d’une nouvelle règle de vote s’appliquant aux cas de restructuration.

En tant qu’europhiles convaincus et, je l’espère, convaincants, nous sommes évidemment favorables à cette ratification qui, à nos yeux, permet de consolider les fondations du projet européen. Aujourd’hui, il semble nécessaire d’enrichir nos acquis, bien plus que de les maintenir.

L’enjeu est d’ailleurs de taille, puisque l’un des objectifs sous-jacents de ce texte est la solidarité. Je rappelle que le MES dispose déjà de différents outils témoignant de l’esprit d’entraide qui caractérise l’Union européenne. Je pense ici à la possibilité pour les États membres en difficulté de se voir accorder des taux d’intérêt plus faibles, ou encore à la possibilité d’accorder des prêts aux banques privées, afin de maintenir, non seulement les systèmes financiers nationaux, mais surtout l’équilibre financier supranational.

Si je m’attarde sur cet enjeu de société primordial qu’est la solidarité, mes chers collègues, c’est notamment parce que nous ne pouvons pas adopter des solutions inéquitables et qui excluent, dans cette période de crise sanitaire qui a indiscutablement fragilisé l’économie. Selon les estimations du programme de stabilité 2021-2027, la dette publique française ne diminuerait qu’à partir de 2027. C’est pourquoi j’estime que le renforcement du MES par l’instauration d’un nouveau filet de sécurité va dans le bon sens.

Néanmoins, en élargissant les marges de manœuvre du mécanisme, ne tombons pas dans le piège et les excès du « quoi qu’il en coûte », qui semble devenir, à tort, un impératif de nos politiques économiques. L’échéance d’une dette ne se repousse pas ad vitam æternam, et la solidarité ne doit pas masquer le sujet de fond, qui est la soutenabilité réelle de notre système économique.

Quoi qu’il en soit, alors que l’Union européenne apparaît de plus en plus comme une tour de Babel pour certains, ou un Léviathan impuissant pour d’autres, il est fondamental que nous gardions confiance dans les solutions européennes, qui constituent et matérialisent un espace de compromis éclairé, gage de sécurité et de stabilité financières.

Aussi, pour toutes ces raisons, le groupe RDSE est favorable à ce projet de loi et le votera à l’unanimité de ses membres.

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly.

M. Patrice Joly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise de 2008, qui a atteint son paroxysme en Europe au début de l’été 2012, a révélé l’urgence d’une union bancaire.

En juin 2012, pour mettre un terme à l’enchaînement de la crise bancaire et de celle des dettes souveraines nationales et pour arrêter la contagion qui menaçait de faire imploser la zone euro, le Conseil européen a décidé de doter l’Union européenne d’un mécanisme de surveillance bancaire, de modalités de résolution ordonnées des faillites bancaires et de filets de sécurité financiers.

En parallèle, le Mécanisme européen de stabilité a été créé par accord intergouvernemental pour gérer les problèmes de refinancement des dettes des États membres de la zone euro en temps de crise. Il a ainsi permis d’éloigner les risques spéculatifs et de rassurer les investisseurs.

Le MES s’est révélé essentiel pour stabiliser la zone euro. Cependant, son aide financière était subordonnée aux exigences draconiennes du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG), en particulier le respect de la règle relative à l’équilibre budgétaire.

Mes chers collègues, si cette règle budgétaire semblait alors constituer l’unique critère de déclenchement du mécanisme, signalons tout de même que, dès le début de la crise sanitaire et des turbulences économiques et financières qui l’ont accompagnée dans l’ensemble des États membres, l’application du pacte budgétaire a été suspendue. En effet, on a estimé que les principes sur lesquels il reposait étaient contre-productifs et ne permettaient pas de remédier à une situation d’urgence et d’aider les pays en difficulté.

Mais revenons à la période 2008-2012 et à la Grèce, cet exemple révélateur des effets induits par de telles politiques budgétaires.

La Grèce et ses habitants subissent encore aujourd’hui les conséquences des exigences économiques, sociales et budgétaires instaurées par les trois plans d’aide successifs dont le pays a bénéficié en 2010, 2012 et 2015, pour éviter la faillite, ce qui l’aurait contraint à sortir de la zone euro et à abandonner la monnaie unique.

Aujourd’hui, le pays ne s’est toujours pas remis des politiques d’austérité mises en place, lesquelles étaient pourtant présentées comme l’unique solution pour se redresser. La Grèce a dû tolérer une casse sociale sans précédent pour assainir ses finances publiques, avec des coupes massives dans les budgets des institutions nationales et dans ceux de la redistribution sociale. Elle a dû accepter les baisses des salaires, plusieurs réformes de son système de retraite et, enfin, procéder à des privatisations dans des secteurs stratégiques, ce qui l’a rendue vulnérable aux capitaux de pays tiers.

Après une décennie très difficile, le peuple grec est éprouvé et le pays affaibli. On y observe un niveau record de chômage et une baisse des prestations sociales : des millions de Grecs se trouvent aujourd’hui en situation de pauvreté et d’exclusion sociale. Surtout, cet État se vide d’une partie de sa jeunesse, à la recherche d’un meilleur avenir dans d’autres pays européens.

Aujourd’hui, les dommages causés par la cure d’austérité appliquée à la Grèce en contrepartie des aides qui lui ont été accordées soulèvent la question de la responsabilité des institutions européennes.

Pourtant, avec la crise sanitaire, l’Union européenne a su se donner les moyens de surmonter les risques de déstabilisation, en écartant les principes et les règles budgétaires jusqu’alors prétendument indépassables : plan d’urgence de 750 milliards d’euros de la Banque centrale européenne (BCE) ; suspension du pacte de stabilité ; prêt du MES sans conditions – eh oui ! ; mécanisme commun de réassurance chômage ; suspension des conditions d’octroi des aides d’État ; plan de relance européen adossé à une capacité d’emprunt commune – il n’est plus question cette fois-ci d’un mécanisme intergouvernemental – ; calendrier de remboursement très étalé ; création obligatoire de ressources communes complémentaires ; et, enfin, allégement des conditions d’accès aux fonds.

Ainsi, les États membres ont su faire preuve à la fois de solidarité et de souplesse pour mobiliser toutes leurs capacités financières communes et placer l’investissement au cœur de leurs politiques économiques de gestion et de sortie de crise.

Le MES pourrait apparaître aujourd’hui comme dépassé. Sa réforme, si on la resitue dans le contexte actuel, pourrait être considérée comme insuffisante, et ce à plus d’un titre.

En effet, toutes les inquiétudes que nous avions pu exprimer lors de la ratification initiale n’ont pas trouvé de réponse, le MES conservant, dans sa version révisée, un certain nombre de faiblesses.

Premièrement, des zones d’ombre persistent sur les contreparties exigées pour la deuxième ligne de crédit.

Nous devons faire preuve d’une attention accrue sur les conditions prévues pour bénéficier du MES, lesquelles ont cependant été allégées. Ainsi, dans leurs lettres d’intention, les États membres n’auront pas à s’engager sur la réalisation de réformes structurelles. Pour autant, il faudra se montrer attentif aux exigences de la Commission européenne. Vous l’aurez compris, la vigilance est de mise.

Cette crainte est partagée, notamment par l’Italie qui, malgré une situation financière tendue, n’a pas recouru au MES pour préserver sa souveraineté et écarter tout contrôle de l’institution sur son budget.

Deuxièmement, la gouvernance du MES demeure complexe. On peut regretter ici que cet instrument n’ait pas été consacré à l’échelon communautaire et que sa politique, tout comme sa responsabilité, soit incarnée par l’Eurogroupe.

Espérons que l’on parviendra à pérenniser l’instrument temporaire dédié à la relance qu’est la facilité pour la reprise et la résilience, afin de disposer d’un outil communautaire institutionnalisé.

Troisièmement, cette réforme, qui maintient le caractère intergouvernemental du dispositif, ne permet pas de renforcer son contrôle démocratique, pourtant indispensable. Les citoyens sont en effet en première ligne face aux mesures résultant nécessairement de l’aide accordée par le MES : il est impensable que le Parlement européen, seul organe tirant sa légitimité de la volonté démocratique des citoyens européens, reste à l’écart des procédures.

Quatrièmement, cette réforme est une occasion manquée de faire du MES un véritable « Trésor européen », car chaque pays ne reste responsable que de sa propre part de risque. Les États membres de la zone euro viennent pourtant de démontrer, même si c’est de manière temporaire, qu’ils sont capables d’accepter un partage collectif des risques, en prévoyant une somme qui serait solidairement garantie par les pays.

Dans une version idéale, les parlements nationaux émettraient la garantie destinée au fonds sans la relier à un pays ou à une crise spécifique.

En conclusion, le MES demeure un instrument encore trop imparfait pour être efficace et désirable. Sa révision n’a pas permis d’engager une véritable réforme.

M. le président. Il faut conclure, cher collègue.

M. Patrice Joly. C’est pourquoi le groupe socialiste, que je représente, s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet.

Mme Nadège Havet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le secrétaire d’État chargé des affaires européennes Clément Beaune déclarait en juin dernier : « sur l’austérité, l’Europe a changé de logiciel ». Il faisait ainsi le constat que notre continent n’était plus une « jungle concurrentielle » et que les pays membres entendaient, ensemble, mieux protéger leurs citoyens en favorisant l’emploi et la formation.

Nous pouvons toutes et tous nous féliciter de cette évolution nécessaire. Plus concrètement, le plan de relance historique adopté durant la crise sanitaire, doté de ressources propres, a posé les fondements de cette nouvelle politique.

J’en profite pour saluer l’engagement de nos députés européens dans les négociations, lorsque beaucoup n’y croyaient pas.

De même, mon groupe s’élève contre ce réflexe démagogique consistant chez certains à pourfendre opportunément l’Europe, en particulier à l’approche de chaque élection présidentielle. Nous ne sommes pas Européens un jour sur deux, mais tout le temps et profondément !

C’est pourquoi nous voterons ce matin en faveur du projet de loi autorisant la ratification de l’accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité. Cet accord, signé en début d’année par les dix-neuf États membres de la zone euro, introduit quatre nouveautés par rapport au traité de 2012.

Tout d’abord, et c’est un point majeur, il crée un filet de sécurité autour du Fonds de résolution unique. Il permettra au MES de prêter jusqu’à 68 milliards d’euros au Conseil de résolution unique, c’est-à-dire l’agence européenne chargée de la résolution des difficultés rencontrées par les établissements de crédit, afin de pallier, à titre exceptionnel, subsidiaire et temporaire, une éventuelle insuffisance des ressources du FRU. L’objectif est simple : faire en sorte que le contribuable ne soit pas celui qui vient au secours des banques en difficulté, comme ce fut le cas en 2008 et 2009.

Ensuite, le texte prévoit de réformer les mécanismes d’assistance financière et les instruments de précaution auxquels le MES peut recourir, en créant un nouvel outil, la ligne de crédit de précaution qui est assortie de conditions.

Il renforce par ailleurs les compétences et l’indépendance du MES, en particulier concernant l’évaluation de la soutenabilité des dettes des pays de la zone euro et la négociation des réformes en cas de programme d’assistance financière.

Il a enfin pour objet de simplifier la restructuration de l’endettement public d’un État, en réduisant le risque qu’un groupe minoritaire de créanciers s’y oppose dans l’espoir d’obtenir, par la suite, de meilleures conditions de remboursement.

Le MES fournit une aide financière aux États membres qui connaissent, ou qui seraient susceptibles de connaître, de graves problèmes de financement. L’accord vient donc consolider un outil de gestion de crise, qui contribue à maintenir la stabilité financière de la zone euro. Cette mesure va dans le bon sens.

Par ailleurs, la Commission européenne vient de lancer une consultation sur la révision des règles budgétaires au sein de l’Union, sujet au cœur de la future présidence française en 2022. Il s’agira de réduire la dette, tout en évitant d’entraver la croissance et de ralentir les investissements en faveur de la transition écologique.

Je profite de cette occasion pour saluer l’engagement, seize années durant, de la chancelière Merkel, qui vient de quitter la scène européenne ce week-end. Elle aura été l’un des instigateurs, avec le Président de la République Emmanuel Macron, de l’adoption du plan de relance, celui qui permet à nos économies aujourd’hui de rebondir beaucoup plus rapidement et fortement, malgré la crise sanitaire.

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, on nous demande aujourd’hui d’autoriser la ratification d’un accord modifiant un traité intergouvernemental, et ce afin de renforcer une union économique et monétaire, elle-même établie par l’Union européenne.

À n’en pas douter, nous sommes bien dans un processus européen où la beauté et la complexité le disputent à la technicité. Cependant, et c’est le plus important, ce texte permet de réelles évolutions, au niveau des dispositifs prévus dans le cadre du Mécanisme européen de stabilité, et pour la stabilité financière de la zone euro.

Il ne faut pas oublier que le MES a consacré la fusion du Fonds européen de stabilité financière et du Mécanisme européen de stabilisation financière, deux outils créés dans l’urgence après la crise de 2008, qui avait mis à genoux, d’abord la finance mondiale, puis de nombreux pays, avec de graves conséquences pour les populations.

La crise de la dette grecque et les secousses ressenties dans toute l’Europe sont encore dans toutes les mémoires.

Dix ans après sa création, il était nécessaire d’améliorer le MES, afin que la solidarité, qui en est le principe fondateur, puisse s’appliquer dans les périodes de tension et de crise. Nous avons mis du temps à sortir de la crise de 2008. Nous ne sommes pas encore sortis de la crise liée à l’épidémie de covid-19, et les questions économiques et financières vont prendre une place prédominante une fois que le volet sanitaire sera davantage stabilisé.

Au sein de la commission des finances, nous savons que l’emprunt commun européen consenti lors de la crise sanitaire aura un coût. Cette avancée historique découle d’une solidarité régionale dont nous pouvons nous enorgueillir. Toutefois, une dette doit être remboursée, même si elle est émise à plusieurs. Aussi, au-delà des ressources propres, nous avons besoin d’une stabilité économique, financière, monétaire et bancaire.

Il m’est impossible, dans les quelques minutes qui me sont imparties, d’évoquer précisément les évolutions qui ont été négociées en vue de la révision de cet accord.

J’aimerais toutefois revenir sur deux d’entre elles, qui me semblent essentielles pour l’avenir.

D’une part, le traité modificatif renforce le MES et son indépendance, ce qui répond au besoin de clarifier les missions respectives de la Commission européenne et du mécanisme dans le cadre de la gouvernance économique de la zone euro. Cette évolution est à mettre en parallèle avec la place des États – par l’intermédiaire de leurs ministres des finances –, qui reste prépondérante dans les prises de décision. Cela fait partie du perfectionnement recherché dans un système qui n’a pas encore trouvé sa forme définitive.

D’autre part, il crée le fameux filet de sécurité pour le Fonds de résolution unique. Cette précaution supplémentaire augmente la voilure du MES et des dispositifs qui l’entourent.

En somme, le Mécanisme européen de stabilité revisité est synonyme de solidarité, de stabilité et de fiabilité pour la zone euro. C’est la raison pour laquelle le groupe Les Indépendants votera en faveur de ce projet de loi de ratification.

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Mécanisme européen de stabilité a été créé pour faire face à une crise de la dette souveraine au sein de la zone euro, à l’instar de celle que nous avons connue à la suite de la crise financière de 2008. Elle avait conduit les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro à décider, en 2010, la mise en place d’un dispositif européen pérenne, se substituant à des mécanismes temporaires ad hoc, et de nature à garantir la stabilité financière en Europe.

Les dirigeants européens avaient alors pris conscience de la nécessité de sortir d’une simple logique de sauvetage si nous voulions, à terme, parvenir à une stabilité économique et budgétaire durable.

Les mesures introduites par le Conseil européen, sous l’impulsion du couple franco-allemand, notamment grâce au travail du Président de la République de l’époque, Nicolas Sarkozy, découlaient du constat de ces lacunes et visaient à améliorer la gouvernance de la zone euro.

Entré en vigueur en 2012, le MES permet désormais de soutenir un État membre de la zone euro si ce dernier connaît ou risque de connaître de graves problèmes de financement, et ce afin de préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble. Il permet ainsi aux pays de ladite zone de bénéficier d’un mécanisme permanent de gestion des crises à même de protéger les économies européennes contre les attaques spéculatives.

Bénéficiant de capitaux propres fournis par les États membres de la zone euro selon une clé de contribution préétablie, le MES est autorisé à lever des fonds en émettant des instruments financiers, et en concluant des accords ou en négociant des arrangements financiers avec ses membres, des institutions financières ou d’autres tiers.

Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi à cet instant d’ouvrir une parenthèse. Ce matin, en commission des affaires européennes, nous nous sommes interrogés sur la capacité des États membres à verser le reliquat de la participation qu’ils doivent au MES, soit 620 milliards d’euros qui viendront compléter les quelque 80 milliards d’euros de fonds propres déjà libérés. Nous nous sommes ainsi demandé si un État, la France par exemple, serait en mesure de répondre présent pour faire face à une crise survenant dans un pays tiers et comment ces sommes seraient provisionnées.

Il y a quelques années, il est apparu nécessaire d’approfondir et de renforcer la résilience du MES, en en optimisant le fonctionnement et le rendant plus efficace, grâce à une hausse des moyens dédiés à la résolution des défaillances bancaires et à une meilleure préparation aux crises.

Tel a été l’objet des travaux conduits en 2018 et 2019 pour réviser le traité de 2012 : ceux-ci ont abouti à la signature, les 27 janvier et 8 février 2021, d’un traité révisé, dont la ratification est soumise à l’accord des parlements nationaux.

Je note d’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, que, parmi les États membres, quatre n’ont toujours pas déposé d’instrument de ratification devant leur parlement. C’est notamment le cas de l’Italie, qui est pourtant l’un des principaux pays contributeurs au MES. Avez-vous davantage de visibilité sur le calendrier d’entrée en vigueur du nouvel accord ? Si cette abstention devait se confirmer, notamment de la part de l’Italie, ne serait-ce pas un sujet à inscrire à l’ordre du jour, déjà très fourni, de la présidence française de l’Union européenne ? Je referme la parenthèse.

Le nouvel accord prévoit de limiter le risque de glissement d’une crise financière vers une crise des dettes souveraines, via un mandat et des instruments renforcés : davantage d’outils pour promouvoir la soutenabilité de la dette des États membres ; une participation plus active à la préparation aux crises ; un accès simplifié aux lignes de crédit de précaution du MES, afin d’empêcher l’aggravation de crises mineures ; un rôle plus important dans la conception et le suivi des futurs programmes d’assistance ; enfin, un nouveau filet de sécurité pour le Fonds de résolution unique, pour renforcer le mécanisme de résolution des défaillances bancaires.

Ce dernier point est essentiel : le filet de sécurité doit garantir que les États et, partant, les contribuables, ne seront pas mis à contribution en dernier ressort, en cas de défaillance d’une banque de la zone euro.

L’accord crée aussi un niveau d’intervention supplémentaire : après les actionnaires et les créanciers de la banque, et si les 75 milliards d’euros de fonds propres du Fonds de résolution unique ne suffisaient pas, le MES pourrait prêter jusqu’à 68 milliards d’euros au FRU, à charge pour ce dernier de rembourser ensuite le prêt, via une hausse des contributions ex post des établissements financiers et bancaires. C’est donc seulement dans le cas où tous ces verrous de sécurité se révélaient insuffisants que les États seraient mis à contribution.

Le rapporteur de notre commission, dont je tiens à saluer la qualité du travail, a souligné l’importance de ce nouveau filet de sécurité, tout en mettant en exergue trois points de vigilance.

D’abord, la date de son entrée en vigueur a été fixée au 1er janvier 2022, alors que de nombreux pays n’ont pas encore ratifié l’accord et qu’un recours constitutionnel est pendant devant la cour de Karlsruhe, en Allemagne.

Notre rapporteur estime en outre que la procédure de mise en œuvre en urgence du filet de sécurité n’est qu’un « fusil à deux coups ». En effet, si une majorité qualifiée de 85 % des votes, et non l’unanimité du conseil d’administration du MES, suffit pour l’activer en cas de menace pour la viabilité économique et financière de la zone euro, il ne peut être fait usage que deux fois de cette procédure. En demander l’application une troisième fois nécessiterait un accord unanime des ministres de l’économie et des finances de la zone euro.

Enfin, le MES ne devrait pouvoir exiger le remboursement du prêt qu’il a consenti – cela prendrait alors la forme d’une hausse des contributions des banques ex post – qu’en cas d’impossibilité pour la banque bénéficiant du plan de sauvetage de rembourser elle-même cette somme dans les années qui suivent.

Le groupe Les Républicains partage les préoccupations de la commission des finances, mais nous souhaiterions ajouter un dernier point de vigilance relatif à la contribution des banques françaises.

Rappelons le débat qu’avait engagé notre groupe lors de la ratification de l’accord sur le Fonds de résolution unique en 2014.

Le mécanisme de résolution unique est l’un des trois piliers de l’Union bancaire votée par le Parlement européen le 15 avril 2014, avec le mécanisme de supervision unique des banques européennes par la Banque centrale européenne et le système unique de garantie des dépôts, via un fonds de garantie européen.

Il a constitué une étape essentielle de la construction d’un cadre commun de gestion du système bancaire dans la zone euro, lequel avait été au cœur de la crise des dettes souveraines en Europe.

Il s’agissait en effet, après l’étape préalable et incontournable de la supervision commune, de veiller à ce que l’Union européenne, et non plus chaque État membre, soit en mesure de faire face financièrement et politiquement aux défaillances bancaires, sans que les contribuables soient mis à contribution.

Le financement du mécanisme de résolution unique repose sur les banques elles-mêmes, à travers des contributions ex ante au Fonds de résolution unique qui, jusqu’en 2024, doivent permettre d’atteindre le niveau cible de 1 % du total des dépôts garantis, soit environ 75 milliards d’euros.

Le problème qui s’était posé lors des débats au Parlement était que notre pays apparaissait comme le grand perdant des négociations, puisque les banques françaises auraient été les premières contributrices en Europe, à hauteur de 30 % du total du fonds de résolution, contre 25 % pour les banques allemandes, alors même que le produit national brut de l’Allemagne, première puissance économique et financière de la zone euro, était 30 % supérieur à celui de la France.

La France et l’Allemagne s’étaient finalement accordées sur une autre méthode de calcul des contributions au Fonds de résolution unique, permettant une contribution équivalente de leurs banques respectives, à hauteur de 15 milliards d’euros environ, soit, pour les banques françaises, 2 milliards d’euros de moins que ce qui était initialement prévu.

Il conviendra de veiller à ce que cet équilibre soit préservé, notamment pour ce qui concerne les éventuelles contributions bancaires ex post.

Malgré cette réserve, notre groupe votera le présent projet de loi, afin de permettre la ratification de l’accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité.