M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi autorisant la ratification de la convention n° 190 de l’organisation internationale du travail relative à l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de la Convention n° 190 de l'Organisation internationale du Travail relative à l'élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail
Article unique (Texte non modifié par la commission) (fin)

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de la Convention n° 190 de l’Organisation internationale du Travail relative à l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail, adoptée à Genève le 21 juin 2019, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

Je rappelle que le vote sur l’article a valeur de vote sur l’ensemble du projet de loi.

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification de la Convention n° 190 de l’Organisation internationale du travail relative à l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite dire quelques mots, à la fois pour vous remercier de ce vote unanime et pour apporter différents éléments de réponse à ceux d’entre vous qui se sont exprimés durant la discussion générale.

Tout d’abord, je veux remercier Mme le rapporteur, Nicole Duranton, qui s’est exprimée ce matin par la voix de François Patriat, pour le travail qu’elle a réalisé sur ce texte et pour les recommandations qu’elle a formulées – certaines ont d’ailleurs été reprises par plusieurs intervenants.

Ensuite, je tiens à rappeler qu’il existe deux référents en matière de harcèlement sexuel et moral, l’un désigné par l’employeur – c’est celui qui a été le plus souvent cité –, l’autre par le CSE.

Il faut avoir en tête que ce second référent est un élu du personnel et qu’à ce titre il est formé dans le cadre de sa délégation. J’ai bien compris que l’interpellation qui m’était adressée concernait le référent harcèlement désigné par l’employeur, mais je tenais à souligner que, dans toutes les entreprises concernées, le CSE désigne lui aussi un référent formé sur les questions de harcèlement.

Certains d’entre vous m’ont également demandé pourquoi nous proposions de ratifier cette convention à droit constant. Il est évident que nous avons des divergences d’opinions sur ce point, mais si nous regardons objectivement les choses, il faut reconnaître que nous disposons déjà d’outils en la matière – certains orateurs l’ont admis.

Ce constat n’est d’ailleurs pas qu’une simple conviction : il résulte aussi de mon expérience personnelle. Comme vous le savez, j’ai en effet eu l’occasion, avant d’exercer mes responsabilités actuelles, de travailler en entreprise sur ces questions. J’ai pu aborder ces sujets de manière très opérationnelle.

La réalité, madame la sénatrice Carlotti, c’est qu’il est déjà possible, lorsque le médecin du travail le décide, d’adapter les horaires ou le poste de travail d’un salarié pour garantir sa santé mentale et physique. Il existe déjà dans notre droit, je le répète, des dispositions permettant de répondre à certaines situations exceptionnelles – comme vous certainement, j’ai d’ailleurs eu à vivre ou à connaître de ce type de situation.

Ainsi, lorsqu’un salarié est confronté à des violences, y compris des violences domestiques, le médecin du travail prend contact avec l’employeur, de sorte qu’ils trouvent ensemble des solutions.

Voilà ce qu’il fallait entendre tout à l’heure lorsque j’ai parlé de la nécessité de traiter ces questions au plus près du terrain. Je précise que l’entreprise dans laquelle je travaillais auparavant employait essentiellement des femmes.

Madame la sénatrice Garnier, vous évoquiez l’importance d’accompagner les TPE-PME – j’en ai moi-même parlé dans mon intervention liminaire. Nous avons choisi de faire évoluer un certain nombre de guides qui leur sont destinés, parce que nous avons parfaitement conscience que toutes les entreprises ne disposent pas d’un staff étoffé en matière de ressources humaines, d’accompagnement, d’ingénierie ou de HSE, c’est-à-dire d’hygiène, de sécurité et d’environnement.

Nous devons évidemment être attentifs à la situation des TPE-PME, et c’est précisément ce que font les services déconcentrés de l’État : l’inspection du travail, dont le rôle est à la fois de conseiller et de contrôler les entreprises – j’insiste toujours sur la nécessité de s’appuyer sur ces deux « jambes » –, est intervenue plus de 1 200 fois en 2019 dans des affaires de harcèlement moral ou sexuel.

Les services déconcentrés de l’État, notamment les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets), sont donc, vous le voyez, fortement mobilisés sur ces sujets. De manière générale, l’État mène des actions très concrètes dans ce domaine et dispose d’un certain nombre de leviers à cet effet – je souhaitais vraiment insister sur ce point.

Enfin, en réponse à M. Gontard, il est vrai que la convention n° 189 présente un problème de compatibilité avec le régime conventionnel français des services à la personne. J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur le sujet à l’Assemblée nationale et nous sommes en train d’expertiser ce problème.

Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais dire que vos interventions et votre vote ont montré le rôle moteur que joue notre pays dans les instances internationales en matière de droit du travail. Je pense que nous pouvons collectivement, et de manière transpartisane, être fiers que notre pays soit au premier rang des luttes contre les violences et le harcèlement dans le milieu professionnel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Article unique (Texte non modifié par la commission) (début)
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Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité
Discussion générale (suite)

Mécanisme européen de stabilité

Adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification de l’accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (projet n° 806 [2020-2021], texte de la commission n° 66, rapport n° 65).

Dans la discussion générale, la parole à M. le secrétaire d’État.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité
Article unique (début)

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui vise à ratifier l’accord signé à Bruxelles le 27 janvier 2021 par la France et dix-huit États membres de la zone euro, puis par l’Estonie le 8 février 2021, portant révision du traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES).

Cette révision s’inscrit pleinement dans le projet d’approfondissement de l’Union économique et monétaire, auquel une nouvelle impulsion a été donnée par le Président de la République lors de son discours de la Sorbonne le 26 septembre 2017.

Quatre ans plus tard, des avancées significatives ont été enregistrées en ce qui concerne la mise en œuvre de ce programme ambitieux grâce au patient travail de conviction et aux intenses efforts de négociation du Président de la République et du Gouvernement français auprès des institutions et de nos partenaires européens.

Nous ne comptons pas nous arrêter là, car il reste encore beaucoup à faire, mais force est de constater que les fondations d’une zone euro plus résiliente, plus intégrée et plus solidaire sont désormais posées.

Parmi les avancées concrètes en vue de l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, on peut citer le mécanisme de soutien aux dépenses de chômage partiel dans les États membres, dit SURE, rapidement mis en place en mai 2020, et le dispositif d’endettement conjoint Next Generation EU, destiné à financer des investissements et les réformes dans les États membres pour soutenir la relance. Ils témoignent d’une coordination européenne efficace et volontariste face à la crise et de la solidarité entre États membres.

La révision du traité instituant le MES, question qui nous occupe aujourd’hui, marque, elle aussi, la concrétisation d’une ambition française : celle de renforcer et de compléter le deuxième pilier de l’Union bancaire, à savoir le mécanisme de résolution unique (MRU), dont l’objectif est de veiller à ce que les défaillances bancaires soient gérées efficacement et soient le moins coûteuses possible pour les finances publiques.

Le traité révisé institue en effet un dispositif de soutien, dit backstop, sous la forme d’une ligne de crédit du MES au Conseil de résolution unique (CRU), l’agence européenne chargée de la résolution bancaire. Cet outil précieux complétera les ressources déjà disponibles au sein du Fonds de résolution unique (FRU) et renforcera la crédibilité des institutions dans la gestion des crises financières.

Le FRU a été créé dans le cadre de l’Union bancaire en 2014. Il est alimenté par les contributions des secteurs bancaires des États participants jusqu’à ce qu’il atteigne son niveau cible minimal, soit 1 % des dépôts bancaires en 2024. Ces ressources sont mobilisables sous certaines conditions dans le cas où la mise à contribution des actionnaires et des créanciers ne serait pas suffisante pour prendre en charge la totalité du coût de la résolution d’une banque en difficulté.

Grâce au traité révisé, si les ressources du FRU sont insuffisantes, le CRU pourra solliciter un prêt du MES en dernier recours dans le cadre du backstop. Ce prêt pourra atteindre 68 milliards d’euros, un montant proche du niveau cible fixé pour le FRU au moment de la négociation du traité révisé. Cela permettra de doubler les ressources financières disponibles pour le CRU.

Un tel prêt dans le cadre du backstop devra être approuvé par le conseil d’administration du MES, composé des dix-huit directeurs du Trésor des États membres de la zone euro.

Pour rembourser ce prêt, le CRU lèvera des contributions ex post sur les banques de l’Union bancaire, si bien que celui-ci sera, in fine, neutre budgétairement pour le MES et pour ses actionnaires – les États membres de la zone euro.

En tout état de cause, si le backstop n’a vocation à être utilisé que dans des situations exceptionnelles, sa simple existence permet d’envoyer un signal rassurant aux marchés et pourrait donc empêcher toute contagion de difficultés circonscrites à une ou quelques banques à une plus grande échelle.

Par ailleurs, cette réforme porte également sur les missions plus traditionnelles du MES, celles qui concernent l’assistance financière aux États membres de la zone euro.

Elle vise à rendre plus efficaces et plus attractifs les instruments dits « de précaution » pour les États dont les fondamentaux économiques sont sains, mais qui ont besoin d’une aide ciblée et ponctuelle pour surmonter une difficulté passagère ou un choc limité et, ainsi, échapper à la mise en place d’un programme d’ajustement macroéconomique complet, si la crise devenait plus sérieuse.

Concrètement, pour avoir accès à l’un des deux instruments de précaution du MES, l’État en question n’aura plus besoin de signer un protocole d’accord comprenant des engagements contraignants sur la mise en œuvre de réformes structurelles, mais seulement une lettre d’intention dans laquelle il s’engagera à respecter, à tout moment, les conditions associées à l’utilisation de la ligne de crédit de précaution.

En outre, la réforme clarifie le mandat et le rôle du MES à l’égard de la Commission européenne dans le cadre de la préparation, de la mise en œuvre et du suivi des programmes d’assistance financière.

Enfin, à partir du 1er janvier 2022, les États membres de la zone euro introduiront dans leurs obligations souveraines des clauses d’action collective à seuil unique. Ces dernières visent à rendre les restructurations de dettes publiques, lorsqu’elles sont inévitables, plus prévisibles et mieux ordonnées. Ainsi, grâce au nouveau traité, un petit groupe minoritaire de détenteurs obligataires ne pourra plus prendre en otage une restructuration de dette dans l’espoir d’obtenir un meilleur traitement pour lui-même.

Le Gouvernement reste pleinement mobilisé pour poursuivre les travaux visant à achever l’Union économique et monétaire, notamment sa composante bancaire, l’Union bancaire, pour que les bénéfices attendus se matérialisent, y compris en termes d’intégration.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons ce matin le projet de loi autorisant la ratification de l’accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES), le Sénat étant la première assemblée saisie. Il comprend un article unique visant à autoriser la France à ratifier cet accord modificatif.

L’accord en question a été signé en janvier dernier par la France et les dix-huit autres États membres de la zone euro. L’objectif est de faire en sorte que ces dispositions s’appliquent dès le début de l’année prochaine, ce qui pourrait toutefois être plus difficile que prévu.

Pour mémoire, le MES a vu le jour en octobre 2012 sous la forme d’un traité intergouvernemental conclu entre les seuls États membres de la zone euro. Il présente donc la particularité d’être en dehors de l’ordre juridique de l’Union européenne.

Le MES vise à mobiliser des ressources financières et à apporter un soutien à la stabilité économique et financière de la zone euro. Il a pris le relais des programmes ad hoc mis en place dans l’urgence lors de la crise de la zone euro.

Mes chers collègues, il me semble important de répondre à trois questions principales. Tout d’abord, pourquoi modifier le traité initial ? Ensuite, quelles sont les modifications opérées ? Enfin, quelle analyse pouvons-nous en faire ?

Commençons par le contexte et l’objectif de l’accord modificatif.

Devant la crise de la zone euro, deux principales réponses ont été apportées.

La première réponse est intervenue avec la création du MES, qui a permis d’éteindre rapidement l’incendie et de soutenir les États membres faisant face à des difficultés.

Pour rétablir la confiance des marchés, il était nécessaire d’établir rapidement un mécanisme puissant et crédible de soutien financier aux États membres. De ce point de vue, avec une capacité totale de 500 milliards d’euros de prêt, le MES a pleinement rempli son rôle. Depuis sa création, il a porté assistance à trois pays – la Grèce, l’Espagne et Chypre – pour un montant total de 89 milliards d’euros.

La seconde réponse, après la création du MES, a consisté à lancer l’Union bancaire, dont l’objectif est de couper tout lien entre dette souveraine et bilans bancaires.

L’Union bancaire repose sur trois piliers : un mécanisme de surveillance unique, un mécanisme de résolution unique et une garantie européenne des dépôts. Si les deux premiers sont effectifs depuis 2015, la garantie européenne des dépôts reste à finaliser pour passer d’une harmonisation des cadres juridiques nationaux à un véritable système européen.

De ce contexte découlent deux conséquences.

D’une part, le MES constitue un mécanisme pérenne créé dans l’urgence. Une fois l’orage passé, après plusieurs années de fonctionnement, il a paru nécessaire d’opérer des ajustements dans sa gouvernance et de mieux l’articuler avec les institutions européennes.

D’autre part, le cadre actuel de l’Union bancaire ne préserve pas parfaitement les finances publiques des États en cas d’entrée en résolution d’une banque.

La résolution d’une banque repose en effet sur trois éléments : un renflouement interne, un renflouement externe par l’intermédiaire du Fonds de résolution unique, dont les ressources sont issues des contributions du secteur bancaire et, éventuellement, un soutien de l’État membre concerné.

C’est la motivation principale ayant conduit à l’accord modificatif : concrétiser pleinement l’objectif initial de rendre étanches les dettes souveraines et le secteur bancaire.

L’ambition initiale était de transformer le MES en un fonds monétaire européen. Une telle évolution aurait permis de l’intégrer dans l’ordre juridique européen, d’unifier les rôles du MES et de la Commission européenne et, surtout, de compléter les ressources du FRU par un filet de sécurité.

Aucun compromis n’a toutefois été trouvé parmi les États membres, ce qui a rapidement conduit à recentrer l’ambition sur une modification du MES. C’est l’objet de l’accord modificatif dont le projet de loi vise à autoriser la ratification.

J’en arrive au contenu de cet accord.

Je me concentrerai sur son apport essentiel : l’introduction d’un filet de sécurité, ou backstop, que le MES pourra mettre à disposition du Conseil de résolution unique. Ce filet de sécurité a précisément pour objectif d’éviter que le contribuable d’un État membre soit mis à contribution pour venir au secours d’une banque en difficulté.

Mme Nathalie Goulet. C’est mieux !

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur. Pour cela, il est proposé de permettre au MES de prêter jusqu’à 68 milliards d’euros au CRU par le biais d’une ligne de crédit renouvelable. Le filet de sécurité peut être appréhendé comme une sorte de prêt relais du MES au CRU, le temps que le secteur bancaire rembourse les montants qui lui ont été versés pour le soutenir.

Mes chers collègues, vous pourriez être tentés de me dire que nous transférons la charge d’un contribuable d’un État membre vers les banques de la zone euro. En schématisant, le filet de sécurité reporterait la charge du contribuable grec sur les banques françaises. Dans ces conditions, quel intérêt le backstop présente-t-il ?

En réponse, laissez-moi vous indiquer que la procédure actuelle ne cantonne pas la charge éventuelle au seul contribuable grec, mais implique tous les États membres. En effet, pour aider une banque en difficulté, un État membre peut bénéficier d’un prêt du MES.

Soyons clairs : l’évolution proposée ne conduit pas à davantage de mutualisation, mais fait remonter l’aide à la résolution d’un cran, en transférant la charge du contribuable au secteur bancaire. Il s’agit donc bien de la concrétisation d’un principe posé dès 2012.

Pour autant, ne soyons pas naïfs : compte tenu de la part que représentent les contributions du secteur bancaire français dans le total des contributions au Fonds de résolution unique, nos banques seraient les premières exposées en cas d’activation de celui-ci.

C’est la raison pour laquelle la commission des finances a analysé avec une grande rigueur le contenu de l’accord modificatif. Nous en sommes arrivés à la conclusion que cet accord était équilibré, en ce qu’il préserve les capacités de décision de la France.

Nous avons toutefois identifié trois points sur lesquels je souhaiterais interroger le Gouvernement.

Le premier concerne l’entrée en vigueur du filet de sécurité. L’objectif affiché est volontariste, puisque les États parties ont souhaité avancer sa création au 1er janvier 2022. Cependant, le processus de ratification prend du temps : un recours a été formé en Allemagne, et plusieurs pays n’ont pas encore présenté d’instrument de ratification.

S’agit-il d’une question d’agenda ou d’une difficulté politique ? À quelle échéance pensez-vous que le filet de sécurité pourra entrer en vigueur ?

Le deuxième a trait au dimensionnement du filet de sécurité. S’il vient doubler les capacités du FRU, l’ensemble pourrait ne pas suffire, selon la banque mise en résolution. S’agit-il selon vous d’un risque réel, monsieur le secrétaire d’État, ou pensez-vous que l’existence même du filet de sécurité suffise à renforcer l’architecture d’ensemble ? Il me semble que vous avez commencé à répondre à cette question dans votre intervention liminaire.

Le troisième et dernier relaie une inquiétude des banques françaises sur la façon dont celles-ci pourraient être mises à contribution en cas d’utilisation du filet de sécurité. Elles souhaitent que le CRU ne lève ces contributions ex post que dans le cas où il est établi que la banque mise en résolution ne peut rembourser elle-même les sommes perçues.

Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous assurer que la France plaidera en ce sens et limitera ainsi au strict nécessaire l’éventuelle contribution de nos banques en cas de recours au filet de sécurité ?

Monsieur le secrétaire d’État, j’attends vos précisions sur ces trois questions.

Je conclurai mon intervention en indiquant que la commission des finances a adopté ce projet de loi sans modification. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Mécanisme européen de stabilité, un outil créé par l’Union européenne, a en fait été dévoyé dès sa création. Loin de prôner l’entraide entre les États ayant l’euro pour partage et de les aider ainsi à sortir du joug des marchés financiers, il s’est révélé être une réponse inadaptée aux constats posés à la suite de la crise financière et bancaire de 2008.

Les modifications introduites par l’accord qui nous est soumis n’y changeront rien : les marchés financiers seront les grands bénéficiaires de ce texte, loin des ambitions du discours de la Sorbonne du Président de la République.

La création du filet de sécurité vient entériner l’impuissance du Fonds de résolution unique, abondé par les banques elles-mêmes pour pallier une crise bancaire. Ainsi, 75 milliards d’euros sont attendus pour 2024, soit 1 % des dépôts bancaires couverts – c’est largement insuffisant.

Dans ce cadre, les États membres devraient engager leurs finances publiques, via des prêts, pour sauver les banques qui s’adonnent à des pratiques spéculatives et trop souvent déraisonnables.

« Cela ne coûtera rien aux États membres », a-t-on entendu en commission. Peut-être, mais aucune modalité de remboursement par les banques n’est prévue dans cet accord. On abondera donc le CRU de 68 milliards d’euros sans savoir comment on les récupérera ; on négociera une fois la crise venue, dans l’urgence, avec l’éternel dogme mis en avant par les ministres européens des finances : les banques sont « too big to fail » !

M. Éric Bocquet. Elles ont droit à l’aléa moral, au soutien public.

De plus, l’argument de la neutralité budgétaire risque de s’effondrer devant une crise systémique financière et bancaire, d’autant que les mesures prudentielles ne sauraient être suffisantes pour l’éviter.

La facture sera probablement plus salée : 68 milliards d’euros, c’est moins que l’intervention de la France auprès de ses banques, qui s’est élevée à 80 milliards d’euros via la Société de financement de l’économie française, plus les 77 milliards d’euros de prêts. C’est également très loin des 400 milliards d’euros de prêts interbancaires garantis par l’Allemagne.

Le prétendu assouplissement d’un nouvel instrument d’assistance financière de précaution est un leurre. La suppression du mémorandum, document d’engagement à des réformes structurelles, n’y changera rien.

La liste des attentes austéritaires est longue. Les États bénéficiaires devront toujours respecter le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG), adresser une lettre d’intention évaluée par la Commission européenne et subir un renforcement notable des critères d’éligibilité définis à l’annexe III de l’accord sur le MES.

Voyez donc la faiblesse de cet argument pour le moins paradoxal. La France ne pourrait pas bénéficier de cette procédure prétendument plus souple et moins stigmatisante, même dans sa forme allégée par le présent accord, car l’état de nos finances publiques ne permet pas de remplir tous les critères ! Dans le même temps, elle serait parfaitement capable de financer 20 % du capital du MES, qui s’élèvera à 620 milliards d’euros, pour sauver un autre État membre.

Il est impératif de substituer au Mécanisme européen de stabilité un Mécanisme européen de solidarité, qui serait au service des États bénéficiaires et des peuples européens. Et pour cause, le principal État bénéficiaire a été la Grèce : elle a perçu 84 % des aides octroyées par le MES, soit 259 milliards d’euros.

C’est l’heure de l’inventaire pour ce simulacre d’aide, de surcroît antidémocratique, mis en place sans vote des parlements nationaux.

Le quotidien Les Échos en dressait un bien sombre bilan le 20 août 2018 dans un article intitulé : « Grèce : une cure d’austérité au coût économique et social élevé ». Ainsi, sur la période 2008-2017, le PIB de ce pays a diminué d’un cinquième, soit 50 milliards d’euros ; son taux de chômage s’est maintenu à près de 20 % ; la dette publique a augmenté de 70 points pour atteindre 178 % – elle s’établit aujourd’hui à 205 % ! Le taux normal de TVA a été fixé à 24 % ; le salaire moyen par habitant a perdu 22 points, soit l’équivalent de 5 000 euros par an, avec un niveau de vie – c’est encore le cas aujourd’hui – plus de deux fois inférieur à celui de la France, tout juste au-dessus de celui de la Bulgarie et de la Roumanie. J’ajoute que 300 000 jeunes Grecs ont émigré !

Comment peut-on dire que le Mécanisme européen de stabilité est une œuvre de solidarité ? La rigueur qui s’est abattue sur la Grèce doit nous conduire à donner davantage de consistance aux tentatives pour réformer ce mécanisme, faute de quoi, demain, de nouveaux drames humains, sociaux et économiques sont à craindre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’Union européenne fait régulièrement l’objet de controverses et de débats : atteinte à la souveraineté ou monstre technocratique pour certains, chantre d’une orthodoxie budgétaire dépassée pour d’autres, union des peuples et garantie d’une paix durable pour d’autres encore.

Le projet européen repose résolument sur l’idée de coopération et de solidarité. De la constitution d’un marché commun à la création de la zone euro, la monnaie demeure sans aucun doute le fil rouge de ces dernières décennies. Entre crises successives et renforcement de l’intégration économique, financière, puis bancaire, les États membres de la zone euro ont toujours été enclins à faire muter les tenants et les aboutissants de la zone monétaire européenne.

Si ces évolutions ont pu être tardives, poussives, parfois contre-productives, les échanges et les débats n’ont jamais cessé. Et le projet de loi autorisant la ratification de l’accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité, que nous examinons aujourd’hui, témoigne d’une avancée significative en matière d’approfondissement de l’Union économique et monétaire.

Permettez-moi à ce stade de remercier et de saluer M. le rapporteur, Jean-Marie Mizzon, pour la qualité de son travail. Dans le même temps, je regrette l’absence de M. le ministre chargé des comptes publics : ce sujet important traite évidemment d’enjeux européens, mais il concerne aussi notre souveraineté nationale et les engagements budgétaires de notre Nation.