M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Dominique Vérien. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, que serions-nous dans nos campagnes sans nos sapeurs-pompiers volontaires ? Comment pourrions-nous être correctement protégés sans nos centres de secours, bien sûr, mais aussi sans nos CPI au maillage territorial extrêmement fin ?

S’il fallait salarier tous nos pompiers, aurions-nous encore une équipe d’une dizaine de sapeurs, hommes et femmes, dans un village de 330 habitants, comme Sainpuits, dans l’Yonne ? Ils ne sont pas là que pour la Sainte-Barbe, ce sont des pompiers opérationnels, qui sauvent des vies, souvent, et des granges, parfois.

Nos pompiers, nous en avons besoin. C’est simple : leurs interventions sont en constante augmentation, avec 26 % de sollicitations opérationnelles en plus entre 2011 et 2017. Pour autant, l’engagement volontaire, qui concerne 79 % d’entre eux, stagne, quand il ne diminue pas. Si cette situation venait à perdurer, elle remettrait en question la stabilité et l’efficacité de notre sécurité civile et laisserait nos villages dans le désarroi.

C’est pourquoi ce texte est utile, qui entend revaloriser l’engagement des pompiers, lequel va parfois jusqu’au don de leur vie. En dix ans, 102 pompiers sont morts en service, et il est primordial que la Nation leur témoigne toute la reconnaissance qui leur est due.

Les promotions à titre exceptionnel pour les sapeurs-pompiers décédés lors de leur service sont donc nécessaires, comme le sont le nouveau statut de pupille de la République pour leurs orphelins et la clarification de la notion d’accident de service, pour une meilleure prise en charge des volontaires par la sécurité sociale.

Sachez que les pompiers eux-mêmes savent se prendre en main ; je parlais de l’Yonne, dans le centre de secours de Saint-Sauveur-en-Puisaye, l’une des pompiers organise tous les ans une soirée Zumba au bénéfice des orphelins des pompiers.

L’autre difficulté, après le recrutement de pompiers volontaires, est de trouver des entreprises partenaires. C’est pourquoi les mesures permettant de faciliter l’attribution du label « employeur partenaire des sapeurs-pompiers » ainsi que les réductions d’impôt et de cotisations sociales qui y sont attachées sont les bienvenues.

Les communes jouent souvent le jeu, mais il est vrai que, lorsqu’un pompier sort en secteur rural, il en a souvent pour la demi-journée, le temps de faire un aller-retour à l’hôpital le plus proche, souvent à au moins une heure de route. Ces conditions sont déstabilisantes pour une entreprise privée et ne peuvent concerner tous les postes. C’est pourquoi, là encore, la définition de la carence ambulancière est attendue. Les pompiers volontaires – les entreprises peuvent l’entendre – sont là pour sauver et non pour se substituer à un autre service.

Dès 2016, la commission des lois du Sénat alertait sur les défaillances du secours à personne. Trop souvent, les SDIS réalisent des transports sanitaires à la demande des SAMU, faute d’ambulances privées. Outre le fait qu’elle ne permet pas de traiter le problème structurel d’une présence trop faible des services de soins et qu’elle détourne les pompiers de leur véritable rôle, cette mission est très mal indemnisée, bien en deçà du coût réel supporté par les SDIS. Je tiens donc à saluer l’amendement de nos rapporteurs, qui vise à permettre la requalification a posteriori d’une mission et donc à faciliter l’obtention par les SDIS d’une juste indemnisation.

Ce texte ne vise pas seulement à corriger des phénomènes qui nuisent au développement de notre modèle de sécurité civile, il entend également faire évoluer ce modèle et le moderniser. Ainsi, il fait écho au souhait d’une plus grande diversité des profils, à travers, par exemple, un objectif de parité au sein des conseils d’administration du SDIS.

Aujourd’hui, les femmes ne représentent que 10 % des effectifs des sapeurs-pompiers ; on peut faire mieux, j’en veux pour preuve Saint-Sauveur-en-Puisaye, 930 habitants, un centre de secours, une trentaine de pompiers, tous volontaires, dont douze femmes. Non, un pompier, ce n’est pas seulement un Superman qui sait vaincre le feu, c’est aussi une femme ou un homme qui assiste une personne en détresse, une femme qui accouche ou un enfant blessé ! Cette pluralité sociale et sexuée permet de faire face à des situations plus diverses.

Il est également prévu une revalorisation de la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance. L’amélioration matérielle de l’engagement de nos sapeurs-pompiers constitue toujours une avancée.

Je voudrais malgré tout aborder le sujet de l’allocation de vétérance. Dans le cas des pompiers communaux, cette allocation est entièrement payée par la commune. Si elle vient légitimement récompenser des années d’engagement, elle pèse lourdement sur les finances de certains villages, alors qu’ils ont pourtant à cœur de maintenir un service de secours et d’incendie au plus proche du territoire et des citoyens. Cette philosophie est d’ailleurs partagée par les pompiers, souvent très attachés à leur commune, et qui ne souhaitent pas forcément rejoindre le corps départemental. Communes rurales et pompiers ne devraient donc pas avoir à choisir entre le maintien d’un service de secours de proximité et la juste récompense d’années d’engagement au service des autres.

Cette situation est d’autant plus regrettable que les prestations versées pour les pompiers rattachés au corps départemental sont financées, elles, pour moitié par l’État. En outre, il est impossible pour le SDIS de prendre en charge tout ou partie du financement de l’allocation de vétérance pour soulager les communes, car c’est illégal. Il serait donc utile de donner aux départements la possibilité de soutenir les communes dans le financement des allocations de solidarité. Malheureusement, l’article 40 est là, qui veille et retient des amendements pourtant attendus par de nombreuses communes rurales, ce qui fait que les seuls que vous verrez seront des demandes de rapport, mais, bien entendu, ce n’est pas de cela qu’il s’agit.

Autre sujet très sensible dans mon beau département de l’Yonne : la plateforme commune d’appel 15-18, souhaitée tant par les « rouges » que par les « blancs », mais qui nous est pour l’instant refusée par l’ARS, car celle-ci préférerait supprimer le 15 départemental pour le transférer à la région, comme elle l’a déjà fait pour la Nièvre. Je suis donc particulièrement satisfaite de voir dans cette proposition de loi l’expérimentation d’un numéro unique qui regrouperait, selon les configurations, pompiers, policiers et SAMU, ou seulement pompiers et SAMU.

Faut-il regrouper le 15, le 17 et le 18, ou seulement le 15 et le 18 ? Là encore, cette proposition pragmatique envisage différentes configurations, ce qui permet à chacun d’aller au plus loin, en fonction de ses spécificités locales. En tout cas, je le répète, au nom de toutes les forces vives de l’Yonne, que ce soit les élus, les médecins, les pompiers, nous sommes prêts pour un 112 regroupant le 15 et le 18.

Vous l’aurez compris, je suis admirative de nos pompiers, plus particulièrement de nos pompiers volontaires. Ils sont une force et un besoin pour nos territoires. Ils ont aujourd’hui besoin de nous pour améliorer leur situation. En conséquence, même s’il reste des points de vigilance, le groupe Union Centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jérôme Durain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au plus fort des incendies dans le massif des Maures, dans le Var, plus de 1 000 sapeurs-pompiers ont été mobilisés. Dans le territoire dont je suis l’élu, cinq sapeurs-pompiers ont prêté main-forte. Oui, la sécurité civile appelle une contribution de tous ! Elle appelle aussi un consensus politique, au-delà de la diversité de notre assemblée.

Nous joindrons notre voix à toutes celles qui rendent hommage aux soldats du feu. Nous regrettons seulement que ce texte arrive si tard dans le calendrier législatif. Des esprits plus malicieux que le mien estimeront sans doute qu’il intervient au contraire juste au bon moment. Cependant, nous ne mégoterons pas notre soutien à cette proposition de loi, qui poursuit un objectif clair : consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels.

Ce texte présente, à mon avis, deux séries d’avancées notoires : d’une part, reconnaître et, d’autre part, pérenniser l’engagement des sapeurs-pompiers.

Reconnaître l’engagement des sapeurs-pompiers, c’est d’abord reconnaître leur pleine capacité d’action dans le cadre de leurs interventions. La proposition de loi dit enfin ce que sont les opérations de secours et reconnaît aussi la capacité des sapeurs-pompiers à prodiguer certains soins d’urgence.

Reconnaître l’engagement des sapeurs-pompiers, c’est ensuite saluer le service qu’ils rendent à notre République. L’engagement des sapeurs-pompiers est un engagement périlleux. Leur exposition accrue face au développement des événements climatiques extrêmes appelle une reconnaissance du service rendu. Celle-ci, parce qu’elle est symbolique, doit aussi être forte. La proposition de loi porte la création de la mention « Mort pour le service de la République ».

Cette reconnaissance doit également être effective. La proposition de loi porte aussi la création du statut de « pupille de la République » pour les orphelins des sapeurs-pompiers.

Pérenniser l’engagement des sapeurs-pompiers, tel est l’objectif de la deuxième série d’avancées proposée par ce texte. Cela signifie qu’il faut d’abord faire cesser les transferts de charges des SAMU vers les SDIS, à cause des carences ambulancières. Je rappelle que le montant de l’indemnisation des SDIS, qui pallient l’absence d’autres moyens, s’élève à 123 euros par carence alors que le coût moyen qu’ils supportent est estimé entre 450 et 500 euros, tandis que ces créances sont parfois difficilement recouvrées. La proposition de loi les définit enfin.

Pérenniser l’engagement des sapeurs-pompiers, c’est aussi garantir l’avenir de notre modèle de sécurité civile structuré autour du volontariat. Il s’agit donc de valoriser le volontariat. L’abaissement de cinq ans de la durée d’engagement ouvrant droit à la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance, l’amélioration de la prise en charge des accidents de services des sapeurs-pompiers volontaires par la sécurité sociale, la création d’un mécanisme de don de jours de congé, la facilitation de l’attribution du label « employeur partenaire des sapeurs-pompiers » et la mise en œuvre du mécanisme de la réduction d’impôt au titre du mécénat, au bénéfice d’un dispositif de réduction de cotisations sociales patronales, telles sont toutes les mesures que la proposition de loi porte en ce sens et que nous soutenons.

Cependant, pour pérenniser l’engagement des sapeurs-pompiers, il faut aussi pérenniser le cadre du volontariat. Aujourd’hui, 79 % des sapeurs-pompiers sont des volontaires. Nous devons faire valoir le caractère exceptionnel du volontariat dans le secteur de la sécurité civile. Non, le volontariat en matière de sécurité civile ne doit pas entrer dans le champ de la directive de 2003 sur l’aménagement du temps de travail ! Nous demanderons au Gouvernement de soumettre une réponse juridique effective à ses partenaires européens, à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne. Ma collègue Laurence Harribey y reviendra plus longuement dans son intervention.

Pour leurs besoins d’urgence, nos concitoyens et nos concitoyennes s’adressent aux services de police et de gendarmerie, à ceux d’aide médicale urgente et aux services de sécurité civile. C’est à ce titre que la présente proposition porte l’expérimentation des plateformes « bleu-blanc-rouge », police-SAMU-pompiers. Cette expérimentation semble aller dans le sens du renforcement d’un continuum de services, mais une discussion doit avoir lieu. Nous devons aboutir à une situation qui garantisse, à la fois, aux services de sécurité civile leur pleine efficacité et aux services d’aide médicale le plein exercice de leur compétence.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain apportera à ce texte, à notre modèle si particulier de sécurité civile et à tous ceux qui l’incarnent sa contribution la plus constructive possible. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Nadine Bellurot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nadine Bellurot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons est à la fois très attendue et très observée par tous les acteurs de la sécurité civile et de la santé. Elle est attendue, parce qu’elle apporte des réponses à des questions déjà anciennes et à des situations bloquées depuis trop longtemps. Elle est observée, parce qu’elle comporte des modifications significatives de l’organisation des secours, qui concernent au premier chef les personnels de terrain.

La portée de ce texte n’est donc pas seulement technique. Ses véritables enjeux sont de redéfinir le service que nous voulons offrir à nos concitoyens, pour leur garantir un dispositif simple et efficace d’appel d’urgence ; la place et la reconnaissance que nous accordons à nos services de secours, à leurs victimes et au volontariat au service de l’intérêt général ; et l’équité que nous voulons garantir aux collectivités qui assument la charge financière de la carence ambulancière.

En premier lieu, le texte consolide l’instauration à terme d’un dispositif d’appel d’urgence plus resserré. Cette orientation est nécessaire et positive, car – il faut le dire – ce n’est pas aux appelants de gérer la complexité à laquelle notre système d’appel est parvenu. C’est à nous de le réformer.

Ce choix suscite encore un débat animé, dont la question centrale est celle de la place de la régulation médicale. Il faut savoir l’entendre, et il faudra en tenir compte dans le dispositif définitif, sans remettre en cause pour autant le principe de l’unification. Mais il faut aussi maintenant tout faire pour que des décisions soient prises. Le choix du Sénat, exprimé déjà en 2019, est de voir émerger une plateforme d’appel commune.

Aujourd’hui, les rapporteurs nous proposent, à juste titre, de nous inscrire dans la logique de l’expérimentation, préconisée à l’Assemblée nationale. La commission des lois propose, en outre, de réduire de trois à deux ans le temps de cette expérimentation pour rendre plus effective l’obligation qu’elle débouche sur un dispositif nouveau. C’est une avancée importante qui marque notre volonté que l’expérimentation soit réellement conduite, qu’elle le soit avec célérité et qu’elle aboutisse.

En deuxième lieu, ce texte clarifie le cadre d’intervention des services d’incendie et de secours et fait évoluer notre modèle vers une meilleure coordination avec les services de santé.

La proposition de loi améliore la reconnaissance des pompiers, en particulier en créant une mention « Mort pour le service de la République » afin d’honorer les personnes ayant péri en accomplissant leurs missions dans des circonstances exceptionnelles. Elle reconnaît également le statut de « pupille de la République » aux enfants des défunts.

C’est un juste hommage à nos 240 000 pompiers, dont 80 % sont des volontaires. Leurs interventions sont devenues plus nombreuses, avec une augmentation de plus de 70 % en dix ans dans l’Indre, par exemple, conséquence notamment du désert médical dénoncé sur toutes ces travées. Leurs interventions sont devenues plus complexes et plus dangereuses aussi, avec la multiplication des agressions. Sans ces femmes et ces hommes qui donnent de leur temps au risque de leur vie, beaucoup de nos campagnes n’auraient quasiment plus de secours. Je souhaite les saluer et les remercier pour leur courage et leur engagement.

En troisième lieu, le texte clarifie la définition des carences ambulancières, qui se sont multipliées et qui constituent un véritable transfert de charges de l’État vers les départements.

La commission des lois est allée encore plus loin, en supprimant l’obligation de prescription médicale pour pouvoir qualifier une intervention de carence ambulancière et en clarifiant la faculté de refuser ou différer la mise en œuvre d’une carence. Enfin, elle a introduit la possibilité de requalifier a posteriori une intervention en carence ambulancière, ce qui permettra aux SDIS d’être justement indemnisés lorsqu’ils réalisent une intervention à la demande du 15 qui s’avère par la suite relever de cette catégorie.

Madame la ministre, il reste désormais au Gouvernement à réitérer et à tenir son engagement de revalorisation significative du tarif national, pour rendre aux SDIS la maîtrise de leurs moyens.

En conclusion, je tiens à rappeler que, dans de nombreux départements, les sapeurs-pompiers volontaires réalisent la grande majorité des interventions, soit plus de 80 % d’entre elles dans mon département de l’Indre. Il est donc juste que ce texte conforte et encourage le volontariat par des mesures incitatives pour les sapeurs-pompiers volontaires, mais également pour leurs employeurs. Cependant, l’incertitude que continue de faire peser la jurisprudence européenne sur notre régime de volontariat reste entière. Comme l’a suggéré la commission des lois, le Gouvernement doit saisir l’opportunité de la présidence française,…

M. le président. Chère collègue, il faut conclure !

Mme Nadine Bellurot. … pour soumettre une réponse juridique effective à ses partenaires européens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Harribey. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je voudrais, en complément du propos de mon collègue Jérôme Durain, insister de nouveau sur la mise en perspective du texte face aux enjeux européens. En effet, ce texte, s’il cherche à consolider notre modèle de sécurité civile et à valoriser notamment le volontariat, est examiné dans un contexte de relative insécurité juridique au regard du droit européen et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. L’arrêt Matzak de 2018, lié à la directive de 2003 relative au temps de travail, en est l’illustration.

Cette directive impose de ne pas travailler plus de quarante-huit heures par semaine et instaure l’obligation d’un repos quotidien de onze heures pour tous les salariés. Elle concourt ainsi à améliorer les conditions de travail de manière générale. Cependant, lorsque la Cour de justice de l’Union européenne, en application de cette directive, assimile le temps d’astreinte d’un sapeur-pompier volontaire à un temps de travail, c’est tout le modèle du volontariat qui est bousculé et, par voie de conséquence, tout le modèle français de sécurité civile.

Depuis 2018, nombre de questions écrites et de questions orales au Gouvernement ont été formulées ici, au Sénat, un rapport initié par Catherine Troendlé et d’autres collègues a été remis et la commission des affaires européennes a publié un avis politique. Tous soulignent la nécessité de faire évoluer la législation européenne. Les réponses sont restées embarrassées, relativement incantatoires et peu probantes. Elles le sont d’autant plus que la Commission européenne, où l’on ne semble pas convaincu du problème, renvoie à la possibilité pour les États d’établir des dérogations liées à la nécessité d’assurer un service continu. Elle rappelle néanmoins – c’est une forme de « en même temps » –, dans une réponse à une question écrite, en 2018, que la notion de « travailleur » est un concept autonome de l’Union européenne, indépendant du statut en droit national.

Quant à la suggestion d’une directive spécifique aux services de sécurité et de protection civile, tenant compte de la dimension volontaire et bénévole des activités, la Commission européenne répond que les dispositions actuelles du traité ne fournissent pas de base juridique pour réglementer le temps de travail des volontaires.

L’« ornière Matzak », comme les rapporteurs la qualifient à juste titre, est d’autant plus corsée qu’en juillet dernier, saisie par la République slovène d’un litige entre un sous-officier et sa hiérarchie au sujet du paiement de tours de garde effectués lors d’une opération militaire, la Cour de justice de l’Union européenne a distingué des activités classiques celles qui sont exercées dans le cadre d’une opération militaire ou au cours de sa préparation immédiate, pour déterminer l’application ou non de la directive sur le temps de travail. On le voit, l’exercice d’équilibre devient périlleux, et il existe bien un problème de définition juridique que seule une volonté politique peut déterminer.

La proposition de loi Matras réaffirme et consolide le caractère volontaire citoyen, comme la notion d’engagement. Il n’empêche que la question de la sécurité juridique du modèle français de sécurité civile reste posée. Les rapporteurs ont donc sans doute raison de proposer la suppression de l’article 22 A, qui affirme de manière incantatoire le caractère citoyen, librement décidé et consenti de l’engagement de sapeur-pompier volontaire, et de renvoyer à la responsabilité du Gouvernement de saisir la prochaine présidence française de l’Union européenne pour avancer enfin sur cette question. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Vivette Lopez. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, est-il plus noble mission que d’être au service de ses concitoyens pour les protéger et sauver des vies ? Par leur action, leur sens de la solidarité et du service public, par leur goût de l’effort collectif et du dépassement de soi au service de l’intérêt général, les acteurs de la sécurité civile incarnent des valeurs fondamentales sur lesquelles repose notre solidarité nationale.

Mon département, le Gard, trop souvent meurtri par des événements catastrophiques, notamment les inondations et les incendies, sait ce qu’il doit à ces femmes et à ces hommes. Il sait qu’il peut compter sur eux, sur leur compétence et sur leur engagement, en toutes circonstances. C’est pour cette raison que je souhaite leur dire publiquement, ce soir, merci. Merci avec un grand « M » ! Nous oublions trop souvent de le leur dire.

Mesdames, messieurs les sapeurs-pompiers, vous êtes la fierté de la France et nous vous devons respect et admiration. Voilà pourquoi, aujourd’hui, la reconnaissance publique doit être à la hauteur de votre engagement. Garantir un égal accès des Français aux services d’incendie et de secours, valoriser le savoir-faire et l’expertise française en matière de sécurité civile, voilà notre mission !

Au quotidien, force est de constater l’efficacité de notre modèle. L’image dont jouit, à travers le monde, la sécurité civile française en témoigne. Pourtant, face à l’accroissement des sollicitations opérationnelles, à la baisse de l’engagement volontaire et à l’augmentation de l’insécurité liée aux interventions, la législation en vigueur nécessitait d’être améliorée. Cette proposition de loi s’y emploie avec justesse, et je me réjouis, à ce titre, qu’elle fasse l’objet d’un consensus aussi marqué.

Cette proposition de loi porte ainsi en elle de nombreuses avancées qui viennent clarifier le cadre d’intervention des services d’incendie et de secours. Elle donne enfin une définition objective de la carence ambulancière, incite des jeunes à s’engager en rendant la formation certifiante, reconnaît le dévouement des sapeurs-pompiers en mettant en place une mention honorifique « Mort pour le service de la République » et en créant un statut de pupille de la République, à destination des enfants de sapeurs-pompiers décédés en service commandé. Elle acte aussi l’expérimentation d’une plateforme commune de régulation des appels d’urgence. À cet égard, le choix d’une expérimentation ramenée à deux ans me paraît être une position nuancée et consensuelle qui respecte l’intérêt de tous d’aller vers une simplification.

Cette proposition de loi comporte enfin un certain nombre de dispositions très attendues visant à mieux protéger les services de secours. Face au manque de réponse législative, certains SDIS ont dû mettre en place eux-mêmes une organisation en réponse aux menaces et outrages. Le SDIS du Gard a par exemple rédigé des outils de formation et constitué une équipe de référents formateurs exerçant auprès de leurs collègues, ainsi que des équipes de médiateurs intervenant auprès des associations qui œuvrent dans les quartiers difficiles. Leur modèle a d’ailleurs été repris par le Centre national de la fonction publique territoriale, afin de former des sapeurs-pompiers d’autres casernes sur le territoire français. Il était temps que nos lois viennent soutenir ces initiatives.

Je souhaite appeler votre attention sur deux points, dont le premier est le volontariat. La réglementation européenne, par le biais de l’arrêt Matzak, pourrait menacer à terme notre modèle de sécurité civile, en considérant le temps d’astreinte d’un sapeur-pompier volontaire comme un temps de travail au sens de la directive européenne dite « DETT » du 4 novembre 2003. Le volontariat est pourtant au cœur du modèle de sécurité civile français. Il représente ainsi 80 % de l’ensemble des effectifs des sapeurs-pompiers, avec une très forte densité dans le milieu rural.

L’application d’une telle mesure aurait ainsi de très importantes conséquences sociologiques, opérationnelles et financières. Elle serait de nature à désorganiser totalement le maillage des SDIS, à l’heure où les inégalités territoriales s’accroissent. Le volontariat, au-delà de sa vertu civique exemplaire, est l’élément central du fonctionnement du service public de sécurité civile, qui a toujours été soutenu par les parlementaires et les gouvernements depuis 2003.

Nous comptons ainsi sur vous, madame la ministre, pour défendre avec vigueur le statut des sapeurs-pompiers volontaires.

Pour terminer mon propos, je veux parler du rayonnement de la France auquel notre modèle unique de sécurité civile se doit de participer.

Chacun a pu constater à quel point l’entraide entre les États membres en cas de catastrophe naturelle était nécessaire. À cet égard, le projet d’installation en France, plus précisément sur la base de Nîmes-Garons, du centre d’expertise européen pour lutter contre les risques, doit mobiliser nos efforts appuyés.

Vous l’aurez compris, je suis favorable à cette proposition de loi, et je voterai toutes ses dispositions, que nos sapeurs-pompiers attendent et auxquelles nous avons contribué de façon pragmatique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sabine Drexler. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de m’associer aux précédents orateurs pour saluer le travail accompli par les rapporteurs de ce texte. J’ai également une pensée pour Catherine Troendlé, à qui j’ai succédé dans cet hémicycle. Celle-ci était très engagée sur les sujets qui nous occupent ce soir…

M. Loïc Hervé, rapporteur. Absolument !

Mme Sabine Drexler. … et un certain nombre de ses recommandations ont été reprises dans la proposition de loi que nous examinons.

Comme vous le savez, elle et moi sommes originaires du Haut-Rhin, un département qui fait figure d’exception en matière de sécurité civile puisque, dans notre pays, il est l’un des mieux pourvus en nombre de sapeurs-pompiers volontaires. À ce jour, nous comptons plus de 5 280 citoyens engagés en qualité de sapeurs-pompiers et plus de 1 300 JSP qui se destinent à prendre la relève. Nous comptons près de 190 corps de première intervention communaux et 18 CPI intercommunaux, en complément du service départemental d’incendie et de secours.

Depuis la loi du 3 mai 1996 tendant à la départementalisation des services d’incendie et de secours, seuls neuf départements en France comptent encore des CPI. Pourtant, je peux témoigner que le fonctionnement conjoint des CPI et des SDIS est une richesse pour nos territoires ruraux et que les populations et les communes y sont très attachées.

À ce titre, je salue l’adoption d’un amendement en commission des lois, qui vise à ouvrir à l’ensemble des conseillers municipaux la possibilité de se présenter pour devenir membre du conseil d’administration d’un SDIS. Il faudra cependant aller plus loin encore et revoir la constitution de ces conseils d’administration, afin que les élus représentant les CPI y siègent davantage.

Vous l’aurez compris, dans le Haut-Rhin, la combinaison de ces deux organisations complémentaires assure un maillage de proximité qui démontre chaque jour son utilité, grâce à son efficacité et à sa rapidité d’intervention.

Tous les élus de mon territoire souhaitent la pérennisation de ce modèle d’organisation qui apporte les bonnes réponses aux enjeux de sécurité civile que nous connaissons.

Les CPI et les SDIS ne doivent pas s’opposer, car, ensemble, ils assurent une protection efficace de nos concitoyens face à la multiplicité des risques naturels, technologiques, sanitaires et industriels auxquels nous sommes confrontés.

Pour avoir rencontré de nombreux sapeurs-pompiers de mon département ces dernières semaines, je peux attester que nous allons discuter d’un texte très attendu. Il apportera des réponses aux nouvelles missions qui leur incombent, au besoin de clarification et de meilleure articulation de leur action avec celle des services d’aide médicale d’urgence et à une attente de reconnaissance et de protection juridique pour ces hommes et ces femmes qui interviennent au quotidien, avec courage et désintéressement, en toutes circonstances, et parfois au péril de leur vie.

Chez les jeunes sapeurs-pompiers, la valorisation du volontariat est un enjeu essentiel qui mérite d’être amélioré, en permettant par exemple une reconnaissance de cette formation au même titre que d’autres enseignements facultatifs. C’est pourquoi je vous proposerai un amendement afin que les JSP puissent obtenir des points bonus pour le brevet des collèges et le baccalauréat, lorsqu’ils ont validé leur formation de sapeurs-pompiers volontaires. J’espère vraiment que vous le voterez.

La seule ombre au tableau reste le risque de déstabilisation juridique qui pèse sur notre modèle de secours, du fait de la directive européenne sur le temps de travail. Je crois savoir que le Gouvernement a reçu des gages de l’Union européenne pour que les sapeurs-pompiers volontaires n’y soient pas soumis. J’espère, madame la ministre, que vous pourrez nous le confirmer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)