Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 77 est présenté par le Gouvernement.

L’amendement n° 105 est présenté par Mme Schillinger, M. Buis, Mmes Evrard et Havet, M. Marchand et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

La section 4 du chapitre Ier du titre III du livre VI du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifiée :

1° L’article L. 631-28 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– après la première occurrence du mot : « à », sont insérés les mots : « la conclusion ou à » ;

– après la seconde occurrence du mot : « agricoles », sont insérés les mots : « et, en cas d’échec de la médiation, du comité de règlement des différends commerciaux agricoles mentionné à l’article L. 631-28-1 » ;

– sont ajoutés les mots : « et sauf pour certaines filières, dont la liste est définie par décret, pour lesquelles des modes alternatifs de règlement des différends ont été mis en place » ;

b) Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« En cas d’échec de la médiation ou au terme du délai prévu au deuxième alinéa, toute partie au litige ou le médiateur, après en avoir informé les parties, peut saisir le comité de règlement des différends commerciaux agricoles dans un délai d’un mois à compter du constat de cet échec. » ;

« Par dérogation au premier alinéa, en cas d’échec de la médiation portant sur un litige mentionné au cinquième alinéa de l’article L. 441-8 du code de commerce, toute partie au litige peut directement saisir le juge compétent. » ;

2° Après l’article L. 631-28, sont insérés des articles L. 631-28-1 à L. 631-28-4 ainsi rédigés :

« Art. L. 631-28-1. – I. – Le comité de règlement des différends commerciaux agricoles connaît des litiges mentionnés à l’article L. 631-28, à l’exception des litiges mentionnés au cinquième alinéa de l’article L. 441-8 du code de commerce.

« Il établit et rend publiques des lignes directrices qui précisent les modalités d’application des articles L. 631-24 et L. 631-24-2.

« II. – Il comprend cinq membres, nommés pour une durée de cinq ans par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l’agriculture :

« 1° Un membre ou ancien membre du Conseil d’État, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes ou des autres juridictions administratives ou judiciaires, président du comité ;

« 2° Une personnalité choisie en raison de sa compétence en matière d’économie agricole ;

« 3° Une personnalité ayant exercé son activité dans le secteur de la production de produits agricoles ;

« 4° Une personnalité ayant exercé son activité dans le secteur de la transformation, notamment de produits agricoles ;

« 5° Une personnalité ayant exercé son activité dans le secteur de la distribution, notamment de produits agricoles.

« Le comité comprend également cinq membres suppléants, désignés dans les mêmes conditions que les membres titulaires.

« L’écart entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes parmi l’ensemble des membres, d’une part, et parmi les membres titulaires, d’autre part, n’est pas supérieur à un.

« En cas de vacance de la présidence du comité ou en cas d’empêchement pour quelque cause que ce soit, les fonctions du président sont provisoirement exercées par son suppléant.

« Le mandat des membres du comité n’est renouvelable qu’une seule fois.

« III. – Le comité dispose d’un secrétariat et peut faire appel à des rapporteurs extérieurs mis à disposition par l’État.

« Dans l’exercice de leurs fonctions, les agents mis à la disposition du comité exercent leurs fonctions en toute impartialité, sans recevoir d’instruction du Gouvernement, ni d’aucune institution, personne ou entreprise, ni d’aucun organisme.

« Ils sont tenus au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions.

« Art. L. 631-28-2. – L’instruction et la procédure devant le comité de règlement des différends commerciaux agricoles sont contradictoires. Chaque partie peut être assistée ou représentée par toute personne de son choix.

« Le comité délibère à la majorité des membres présents. Il ne peut délibérer que si tous ses membres, titulaires ou suppléants, sont présents. Il délibère hors la présence du rapporteur.

« Les débats devant le comité ont lieu en séance publique après lecture du rapport par le rapporteur. Toutefois, le huis clos est de droit si l’une des parties le demande. Le président du comité peut également décider que la séance a lieu ou se poursuit hors la présence du public, si la préservation du secret des affaires l’exige.

« Le comité se prononce dans un délai d’un mois à compter de la date de la saisine. Le délai peut être porté à deux mois si la production de documents est demandée à l’une ou l’autre des parties. Ce délai de deux mois peut être prorogé sous réserve de l’accord de la partie qui a saisi le comité.

« Art. L. 631-28-3. – I. – Pour les litiges relatifs à la conclusion d’un contrat ou d’un accord-cadre, la décision du comité de règlement des différends commerciaux agricoles est motivée et précise les conditions devant être remplies pour assurer la conformité du contrat aux articles L. 631-24 et L. 631-24-2.

« Pour les litiges relatifs à l’exécution ou à la renégociation d’un contrat ou d’un accord-cadre, la décision du comité est motivée et précise les modifications devant être apportées au contrat ou à l’accord-cadre pour assurer la conformité du contrat aux mêmes articles L. 631-24 et L. 631-24-2.

« II. – Le comité peut enjoindre aux parties de se conformer à sa décision. Cette injonction peut être assortie d’une astreinte pour contraindre les parties :

« 1° Pour les litiges relatifs à la conclusion d’un contrat ou d’un accord-cadre, à conclure un contrat à certaines conditions conformes aux articles L. 631-24 et L. 631-24-2, en application de la décision mentionnée au I du présent article ;

« 2° Pour les litiges relatifs à l’exécution ou à la renégociation d’un contrat ou d’un accord-cadre, à modifier ou à renégocier un contrat pour le mettre en conformité avec les articles L. 631-24 et L. 631-24-2, en application de la décision mentionnée au I du présent article.

« L’astreinte est prononcée dans la limite de 5 % du chiffre d’affaires journalier moyen, par jour de retard à compter de la date fixée par le comité. Le chiffre d’affaires pris en compte est calculé sur la base des comptes de l’entreprise relatifs au dernier exercice clos à la date de la décision.

« L’astreinte mentionnée au 1° du présent II est prononcée jusqu’à la conclusion du contrat en application de la décision mentionnée au I ou jusqu’à ce qu’une partie décide de mettre fin à la négociation du contrat. Dans ce cas, cette partie notifie sa décision au président du comité.

« L’astreinte mentionnée au 2° du présent II est prononcée jusqu’à la modification du contrat en application de la décision mentionnée au I ou jusqu’à ce qu’il soit mis fin à la relation contractuelle, le cas échéant dans le respect du délai de préavis prévu au contrat.

« L’astreinte est liquidée par le comité, qui en fixe le montant définitif, et est recouvrée comme une créance de l’État étrangère à l’impôt et au domaine.

« III. – Le comité peut, après avoir entendu les parties en cause, prendre les mesures conservatoires qui lui apparaissent nécessaires.

« Ces mesures ne peuvent intervenir que s’il est porté une atteinte grave et immédiate aux intérêts de l’une des parties au litige.

« Pour les litiges relatifs à la conclusion d’un contrat ou d’un accord-cadre, les mesures conservatoires sont exécutées jusqu’à la conclusion du contrat en application de la décision mentionnée au I ou jusqu’à ce qu’une partie décide de mettre fin à la négociation du contrat. Dans ce cas, cette partie notifie sa décision au président du comité.

« Pour les litiges relatifs à l’exécution ou à la renégociation d’un contrat ou d’un accord-cadre, les mesures conservatoires sont exécutées jusqu’à la modification du contrat en application de la décision mentionnée au même I ou jusqu’à ce qu’il soit mis fin à la relation contractuelle, le cas échéant dans le respect du délai de préavis prévu au contrat.

« Les mesures conservatoires doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l’urgence.

« IV. – La décision est notifiée aux parties.

« V. – Si les injonctions ou les mesures prévues aux II et III du présent article ne sont pas respectées, le comité peut prononcer une sanction pécuniaire dans les conditions prévues à l’article L. 631-25.

« Art. L. 631-28-4. – Les décisions et les mesures conservatoires prises par le comité de règlement des différends commerciaux agricoles en application de l’article L. 631-28-3 sont susceptibles de recours en annulation ou en réformation devant la cour d’appel de Paris.

« Le recours n’est pas suspensif. Toutefois, le sursis à exécution de la décision peut être ordonné par le premier président de la cour d’appel de Paris si elle est susceptible d’entraîner des conséquences manifestement excessives ou s’il est survenu, après sa notification, des faits nouveaux d’une exceptionnelle gravité.

« Le président du comité peut former un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris ayant annulé ou réformé une décision prise en application de la présente section et peut présenter des observations devant la Cour de cassation. » ;

3° L’article L. 631-29 est abrogé.

La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 77.

M. Julien Denormandie, ministre. Nous en arrivons à un sujet important de la proposition de loi : le comité du règlement des différends commerciaux agricoles (CRDCA). Nous l’avons évoqué hier soir, le texte prévoit la contractualisation pluriannuelle, ainsi que la non-négociabilité du prix des matières premières agricoles, grâce au mécanisme de transparence de l’article 2 dont nous avons tant discuté. L’article 1er du texte prévoit aussi une indexation automatique des prix entre le producteur et l’industriel. Finalement, le système prévoira un contrat, un prix fixé, une indexation et un report grâce au mécanisme de transparence.

La question qui se pose et qu’a soulevée Fabien Gay hier soir, c’est : que se passera-t-il lorsque le prix initial fixé dans le contrat sera au-dessus du prix abusivement bas, mais qu’il sera considéré comme étant trop bas par les parties, notamment par le producteur ?

Aujourd’hui, en pareil cas, le producteur et l’industriel se retrouvent devant le médiateur, généralement sollicité par le premier. Le médiateur, on le voit, a une utilité – le nombre de ses sollicitations a d’ailleurs atteint un record cette année –, mais il n’a pas de pouvoir. La médiation se passe bien entre gens de bonne composition, désireux de trouver une solution.

Comment fait-on pour accroître le pouvoir du médiateur, lorsque le producteur et l’industriel ne parviennent pas à se mettre d’accord ? Deux possibilités s’offrent à nous : celle que l’amendement du Gouvernement tend à réintroduire et sur laquelle nous avions travaillé initialement et celle que la commission des affaires économiques a actée.

Je vais essayer de vous convaincre que la proposition du Gouvernement est plus opérationnelle que celle de la commission.

La commission des affaires économiques – je parle sous le contrôle de sa présidente – a décidé de faire du médiateur un acteur non seulement de médiation, mais aussi d’arbitrage. Elle a choisi de lui donner des pouvoirs.

Pour ma part, je propose de ne pas toucher au médiateur et de lui donner la possibilité de saisir un comité de règlement des différends commerciaux agricoles, ce comité étant une enceinte sui generis définie par la loi. Cette enceinte aura le pouvoir de prononcer des astreintes pouvant atteindre 5 % du chiffre d’affaires de l’industriel et des pouvoirs conservatoires.

Je crois qu’il faut dissocier le médiateur de l’enceinte qui a le pouvoir. En effet, celui-ci ne peut pas être à la fois celui qui tente de réconcilier et l’arbitre. Si la personne que vous allez voir pour tenter de vous réconcilier est aussi celle qui peut vous infliger une énorme sanction, il est bien rare qu’une véritable réconciliation s’opère : comment, dans ces conditions, lui parler en toute confiance et transparence, avec la volonté de coopérer ?

La grande différence entre ce qui a été voté en commission des affaires économiques et ce que je vous propose par cet amendement, c’est que le médiateur, s’il constate que les parties ne sont pas en capacité de se mettre d’accord, pourra saisir lui-même le CRDCA, qui est, lui, une instance d’arbitrage susceptible d’infliger des sanctions. Il est essentiel d’établir une telle distinction entre celui qui essaie de réconcilier et celui qui arbitre. C’est le sens de l’amendement du Gouvernement que j’ai l’honneur de vous présenter en ce début d’après-midi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 105.

Mme Patricia Schillinger. Je vais, à mon tour, essayer de vous convaincre ! Le groupe RDPI souhaite rétablir la rédaction de l’article 3 telle qu’issue de l’Assemblée nationale. En effet, la rédaction adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat modifie l’esprit du CRDCA et dénature le rôle du médiateur. En conservant la possibilité de saisir le juge des référés, ce nouvel article 3 a pour effet de bouleverser les équilibres qui ont été initialement trouvés et il nuit à la cohérence du texte.

Une telle judiciarisation des conflits se fera nécessairement à la défaveur de la partie la plus faible, c’est-à-dire les petits producteurs, qui ne disposent pas nécessairement des moyens techniques et économiques de faire pleinement valoir leurs droits en justice.

De plus, la mise en place d’un tel comité, au fait des pratiques du monde agricole, a pour objectif d’accélérer le règlement des différends puisqu’il pourra prendre rapidement des mesures conservatoires ou prononcer des astreintes, en cohérence avec les contraintes vécues par le secteur.

Enfin, le texte issu de la commission confère au médiateur un rôle d’arbitre. Toutefois, il s’agit bien de deux fonctions distinctes, avec des missions différentes. Un tel mélange d’attributions nuit à la lisibilité du droit, mais aussi à la neutralité du règlement des litiges.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Julien Denormandie, ministre. Favorable ! (Sourires.)

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. Ce sera plus subtil !

Ces deux amendements identiques suppriment l’intégralité des modifications apportées par la commission, qui visent à renforcer la médiation des relations commerciales agricoles. Ils réintègrent en outre au sein du comité un représentant de la grande distribution – alors que ce comité n’examinera qu’à la marge les contrats qui concernent la grande distribution, sa cible étant le contrat entre le producteur et le premier transformateur.

La commission souhaite valoriser la médiation, qui est l’instrument privilégié par les acteurs. Comme dans tout domaine qui fonctionne au consensus, la confiance se noue avec le temps, et les témoignages que nous avons recueillis témoignent de la qualité du travail de cet organisme de médiation.

Nous avons donc souhaité renforcer ses pouvoirs, dans un contexte nouveau qui est celui de la contractualisation, qui va changer le travail du médiateur, puisque celui-ci pourra s’appuyer sur le contrat pour examiner les engagements tenus ou non par les deux parties.

Nous avons prévu que le pouvoir d’arbitre du médiateur ne puisse être mis en œuvre que si les parties le souhaitent. Il est important que nous respections la volonté des parties de sortir à l’amiable d’un litige : si elles ne le souhaitent pas, le médiateur ne doit pas être un arbitre.

Nous estimons pour autant nécessaire que le futur CRDCA statue sur la base des recommandations du médiateur et des éléments qu’il aura recueillis, pour accroître la rapidité de la procédure. En effet, au cours de toutes nos auditions, les acteurs nous ont indiqué leurs craintes que les délais soient allongés. Surtout, le point faible est que n’importe quelle partie puisse rompre le contrat pour se soustraire aux sanctions du CRDCA : cela vide totalement son pouvoir de sa substance. Si, dès qu’il entend trancher un litige, la partie qui se sentira défavorisée peut claquer la porte, le CRDCA n’aura qu’un pouvoir symbolique…

Nous voulons donc aller au-delà de la réflexion sur la question de la réglementation des litiges, mais en valorisant le travail du médiateur qui, une fois encore, est plébiscité par le terrain. Nous avons voulu avoir ce débat, et nous n’avons pas proposé à ce stade de suppression du CRDCA. Il est important, monsieur le ministre, que nous allions au bout du raisonnement pour voir ce que ce comité apporte réellement à la négociation et à la relation commerciale.

Avis défavorable sur ces deux amendements, donc.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre. Je vais retenter ma chance pour vous convaincre, car je suis moi-même très convaincu ! (Sourires.)

La médiation, comme l’a dit Mme la rapporteure, est de plus en plus plébiscitée. Mais quand elle se passe mal, elle n’est pas interrompue. Pourquoi ? Parce que c’est souvent le plus gros qui n’arrive pas à accéder aux demandes du plus faible, et le plus faible n’ose pas rompre la médiation, car cela mettrait fin à la contractualisation. Ce qu’on observe, c’est donc une médiation qui dure, qui dure, qui dure…

Vous dites, madame la rapporteure, que le pouvoir d’arbitre de la médiation ne sera possible que si les deux parties se mettent d’accord. Mais je vous mets mon billet que jamais les deux parties ne se mettront d’accord pour donner un pouvoir d’arbitre. En effet, celui qui est en situation de dépendance et qui est le plus faible n’ose même pas rompre la médiation de crainte de perdre définitivement la possibilité d’être fournisseur.

Pour moi, le médiateur ne peut pas être l’arbitre. Dans la vie, que ce soit la vie de couple, la vie de famille ou la vie économique, si vous voulez trouver un accord à l’amiable, vous n’allez pas d’abord en justice : vous allez d’abord voir quelqu’un qui essaie de vous réconcilier.

Mais nous donnons au médiateur le pouvoir de saisir lui-même le CRDCA. Cela lui donnera un poids supplémentaire. Quand il constatera que le plus faible n’ose pas dénoncer la médiation de peur que l’industriel arrête de le référencer comme fournisseur, il pourra envoyer le dossier au règlement des différends.

M. Laurent Duplomb. C’est bonnet blanc et blanc bonnet !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. C’est un point qui n’est pas neutre, monsieur le ministre. Je partage votre avis sur la différence entre le rôle du médiateur et celui qui consiste à rendre un avis sur l’accord qui n’a pas été trouvé. Mais je diverge de votre analyse sur un point : c’est que le résultat sera exactement le même pour l’entreprise. Il faudrait donc qu’on arrive à trouver le moyen de changer cela. Nous n’y sommes pas encore parvenus, c’est pourquoi je soutiens la position de notre rapporteure.

M. Julien Denormandie, ministre. Pourquoi ?

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Je suis exactement du même avis, monsieur le ministre : c’est bonnet blanc et blanc bonnet ! Si l’une des parties, quand elle estime que cela ne lui convient pas, peut sortir sans que rien se passe, on peut bien y mettre toutes les explications et toutes les passions du monde, la grande distribution restant toujours l’élément le plus fort, elle aura toujours la possibilité de sortir quand elle risque d’être condamnée ou quand elle est en tort, pour éviter d’aller jusqu’à une éventuelle pénalité. Le problème est que nous n’allons pas assez loin, qu’on joue un peu les vierges effarouchées. Il faudrait peut-être être plus clair et dire que, dans les relations commerciales, c’est le pot de terre contre le pot de fer. Et donner un peu moins à la grande distribution la possibilité d’écraser tellement le fournisseur qu’à un moment, même quand celui-ci a raison, il est obligé de fermer sa gueule, sous peine de se faire déréférencer !

Mme la présidente. Merci pour ce témoignage concret…

La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre. Le CRDCA se situe en amont, entre le producteur et l’industriel. Vous dites qu’il ne sera pas plus utile dès lors qu’existe la possibilité, pour l’un des deux contractants, de sortir. Mais cette possibilité existera toujours dans le cadre d’un contrat ! Dans une relation contractuelle, à tout moment, l’une des parties peut sortir. Mais aujourd’hui, lorsque cela se passe mal, l’industriel fait courir et l’autre ne peut pas sortir, sous peine de se faire déréférencer. Résultat, cela dure, dure, dure… Et qui est gagnant ? Toujours le plus fort !

Le fait que le CRDCA puisse imposer une fin à la médiation, ou prendre, sinon, des mesures conservatoires, permet enfin de régler la situation.

Il y aura deux cas de figure. Soit cela se passe mal, mais entre gens de bonne composition : le médiateur arrivera à faire en sorte que cela s’arrange. Soit cela se passe mal, mais avec des gens de mauvaise composition – au moins l’une des deux parties – : dans ce cas, cela dure, dure, dure, et l’on n’en sort pas.

La possibilité, alors, de mettre fin à la médiation, avec de possibles sanctions à la clé, constitue une grande avancée, au bénéfice du producteur. Et je ne crois vraiment pas que le médiateur lui-même puisse le faire : s’il devient arbitre, ce n’est plus une médiation.

M. Daniel Gremillet. Nous sommes d’accord.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Nous sommes très attachés, dans mon groupe, à la distinction entre le rôle d’arbitre et celui de médiateur. L’amendement n° 40 va dans ce sens. Si celui du Gouvernement était adopté, cet amendement deviendrait sans objet. En tous cas, nous tenons à la séparation des rôles.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. Je le répète, monsieur le ministre : dans notre proposition, le médiateur ne devient pas automatiquement un arbitre. Il le devient si et seulement s’il est saisi par les parties, sur leur initiative.

M. Julien Denormandie, ministre. Un agriculteur ne le fera jamais !

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. En tous cas, nous n’en faisons pas un arbitre automatique, et cette automaticité qu’on critique n’existera pas. Nous respectons l’avis et l’initiative des parties.

Mais en lui donnant la capacité de saisir le CRDCA, vous en faites un arbitre. Le message aux parties est le suivant : vous allez devant le médiateur pour discuter à l’amiable, mais vous n’êtes pas à l’abri que le médiateur saisisse de lui-même le CRDCA, s’autoproclamant en quelque sorte arbitre.

M. Julien Denormandie, ministre. Oui.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. C’est beaucoup plus automatique que la formule que nous proposons…

Vous mettez votre billet que l’acheteur sortira dès qu’il y aura un problème. De la même manière, il sortira dès qu’il y aura un problème dans le CRDCA.

Pourquoi, finalement, ajouter encore des instances à des instances sans apporter de réelles garanties supplémentaires ?

Nous remettons en place la possibilité, si vraiment il y a un conflit, d’aller devant le juge, le vrai juge. Comme dans la loi Égalim 1, nous donnons la possibilité, pour l’une des deux parties, de saisir le juge en référé, qui tranchera.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 77 et 105.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 99 rectifié, présenté par M. Rietmann, Mmes Lassarade, Malet et Ventalon, MM. Darnaud, Grosperrin, Joyandet, Perrin, Somon et Genet, Mme Deromedi, M. Bascher, Mme Belrhiti, MM. Guerriau, Burgoa et Brisson, Mme Demas, MM. Cuypers, Longeot et Charon, Mme Micouleau, MM. Hingray et Tabarot et Mme Bourrat, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Avant le dernier alinéa de l’article L. 631-25, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’acheteur mentionné au 6° du présent article est exonéré de l’amende s’il se conforme aux recommandations émises par le médiateur des relations commerciales en application de l’article L. 638-28-1 du présent code. » ;

II. – Alinéas 18 à 57

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

3° Après l’article L. 631-28, il est inséré un article L. 631-28-… ainsi rédigé :

« Art. L. 631-28-…. – Tout litige entre professionnels relatif à la conclusion d’un contrat ou d’un accord-cadre mentionné à l’article L. 631-24 ayant pour objet la vente de produits agricoles ou alimentaires doit, préalablement à toute saisine du juge, faire l’objet d’une procédure de médiation par le médiateur des relations commerciales agricoles, sauf en cas de recours à l’arbitrage.

« Le médiateur des relations commerciales agricoles fixe la durée de la médiation, qui ne peut excéder trois mois, renouvelable une fois sous réserve de l’accord préalable de chaque partie. Le chapitre Ier du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative est applicable à cette médiation.

« En cas d’échec de la médiation menée par le médiateur des relations commerciales agricoles en application du premier alinéa du présent article, toute partie au litige peut, dans les quinze jours à compter du constat de l’échec, et sous réserve de l’accord préalable de l’autre partie, demander au médiateur d’arbitrer le différend. »

III. – Alinéa 58

Supprimer cet alinéa.

IV. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le premier alinéa du III de l’article L. 440-1 du code de commerce est complété par les mots : «, notamment le médiateur des relations commerciales agricoles sur les questions relevant de sa compétence ».

La parole est à M. Olivier Rietmann.

M. Olivier Rietmann. Je ne vais pas reprendre tous les arguments qu’ont développés tant la rapporteure que mes collègues Duplomb et Gremillet au sujet du CRDCA. Mais un point mérite d’être souligné : si on laisse les choses en l’état, ni le médiateur ni le CRDCA n’auront plus de pouvoir l’un que l’autre, non plus qu’une meilleure capacité à pousser vers un règlement à l’amiable.

La proposition faite par la commission des affaires économiques, qui consiste à renforcer les pouvoirs du médiateur, est beaucoup plus intéressante, parce qu’elle donne également la possibilité à celui-ci de mettre légèrement plus de pression et d’amener à une solution à l’amiable avant d’aller au juge – sachant que ce dernier restera le seul qui aura la capacité de régler le litige si l’on n’arrive pas à une solution amiable.

Finalement, ce CRDCA ne va faire qu’allonger les délais de décisions qui, d’une manière ou d’une autre, pourront soit arriver au juge, soit se régler à l’amiable. De fait, par souci de constitutionnalité, nous sommes obligés de laisser la possibilité aux parties de se retirer à un certain moment.

C’est même préjudiciable pour le producteur : si un acheteur se retire d’une négociation, il n’a pas le produit, mais il ira le chercher ailleurs ; pour le producteur, s’il n’arrive pas à vendre son produit, celui-ci lui reste sur les bras, et cela devient catastrophique.

Mon amendement tend, dans un premier temps, à supprimer la disposition relative au CRDCA. Puis, dans le même esprit que ce que propose la commission des affaires économiques, il vise à étendre davantage les capacités du médiateur.