M. le président. En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.

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Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi confortant les principes de la République et de lutte contre le séparatisme ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

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Réponse européenne à la pandémie de covid-19

Débat organisé à la demande de la commission des affaires européennes

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission des affaires européennes, sur la réponse européenne à la pandémie de covid-19.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Jean-François Rapin, président de la commission qui a demandé le débat.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, plus d’un après son déclenchement, le monde se débat toujours avec l’épidémie de covid-19.

Depuis décembre 2019, le coronavirus a frappé 150 millions de personnes et fait 30 millions de morts, dont un tiers d’Européens. Même si c’est l’Asie qu’il submerge aujourd’hui, il circule encore très activement en Europe, et nous déplorons encore chaque jour trop de victimes.

Le premier outil de prophylaxie étant de limiter les contacts sociaux, la réponse publique à la pandémie a principalement pris la forme de restrictions de liberté, qui ont eu des conséquences de tous ordres, sur l’État de droit et sur notre mode de vie, mais aussi sur l’économie et la croissance et sur la situation sanitaire et sociale.

Inédite dans la brève histoire de l’Union européenne, cette pandémie la bouleverse. En remettant en cause la liberté de circulation, elle porte atteinte au cœur même du projet européen.

Au vu de la progression de l’épidémie, la présidence croate du Conseil a, dès la fin du mois de janvier 2020, activé le dispositif intégré de l’Union européenne pour une réaction au niveau politique dans les situations de crise. Le 6 mars 2020, les États membres de l’Union s’engageaient à apporter une réponse coordonnée à cette crise d’envergure mondiale.

La commission des affaires européennes du Sénat en a assuré un suivi attentif. Elle a souhaité que le Sénat puisse en débattre aujourd’hui, au-delà des polémiques vaccinales.

Cette crise, comme toutes les autres, mais peut-être plus que les autres, par son impact tous azimuts, agit comme un révélateur ou comme un accélérateur des transformations de l’Union européenne. Par la réponse qu’elle y apporte, l’Union démontre son potentiel, mais aussi ses limites.

Tout d’abord, elle a révélé sa dépendance, qui souligne, en creux, l’enjeu de l’autonomie. La pénurie de masques et de matériel médical en a apporté une preuve flagrante. L’incapacité européenne à produire seule des vaccins l’a ensuite confirmé.

En mettant au jour la vulnérabilité de l’Union, la pandémie a ouvert les yeux sur les impératifs de résilience et d’autonomie stratégique. Leur portée reste débattue, certains s’inquiétant d’un protectionnisme déguisé ou d’un découplement d’avec l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord), mais ces impératifs figurent désormais dans les conclusions du Conseil européen et dans les propositions de la Commission européenne.

Ce ne sont pas que des mots : des actions sont aussi menées à la faveur de cette prise de conscience. En décembre dernier, la Commission a ainsi proposé plusieurs textes pour renforcer la régulation des marchés et services numériques et retrouver une souveraineté dans ce domaine.

Une ambition industrielle plus large se dessine, afin de doter l’Union de ses propres normes et capacités de production, non seulement en santé, mais aussi dans quatorze écosystèmes industriels ciblés.

Même si sa publication a été deux fois reportée, trahissant des tiraillements internes, une mise à jour de la stratégie industrielle européenne est imminente : il s’agit de remédier aux dépendances stratégiques à l’égard de pays tiers, soit en relocalisant certaines productions, soit, à défaut, en sécurisant et diversifiant nos approvisionnements.

Un mécanisme permettant à l’Europe de faire face aux pénuries de produits jugés critiques est annoncé, et le rôle des projets importants d’intérêt européen commun sera réaffirmé, y compris au bénéfice du spatial.

De même, en matière de politique commerciale, la récente communication de la Commission européenne, publiée au début du mois de mars dernier, atteste d’un changement d’approche : elle insiste sur l’objectif d’une « autonomie stratégique ouverte », qui doit permettre à l’Union de gagner en puissance dans la défense de ses intérêts commerciaux, tout en maintenant ses partenariats internationaux. Nous serons attentifs à ce que cet objectif soit décliné dans ce domaine particulièrement sensible.

Une solidarité européenne accrue est le deuxième progrès que nous devons à la pandémie. Certes, les réflexes, voire les égoïsmes nationaux, ne sont jamais loin. Ils ont commandé, surtout au début, des réactions désordonnées dans chaque État membre, par exemple des fermetures de frontières unilatérales.

L’année écoulée a toutefois apporté plusieurs preuves fortes de la solidarité qui fonde l’Union. Je pense à l’entraide des soignants ou aux transferts de malades entre pays frontaliers. Je pense à la commande groupée de vaccins par la Commission européenne, qui a permis de garantir à tous les États membres un approvisionnement égal en vaccins, à proportion de leur population.

La solidarité, c’est aussi le dispositif européen de financement du chômage partiel, l’instrument SURE, ou instrument de soutien temporaire à l’atténuation des risques de chômage en situation d’urgence qui a permis aux Européens de ne pas subir de plein fouet les conséquences du choc économique lié à la pandémie – je rappelle que la croissance a enregistré une baisse de 6,5 % pour la seule année 2020.

Je pense surtout à l’éclatante manifestation de solidarité qu’a constitué l’accord politique obtenu en juillet dernier sur un plan de relance européen d’envergure, assis sur un emprunt commun.

C’est un pas gigantesque, qui paraissait inimaginable trois mois plus tôt. Apporter un soutien européen à la relance dans tous les États membres est notre intérêt bien compris, mais cela témoigne aussi de la solidarité européenne dans l’épreuve.

Le troisième enseignement que nous pouvons tirer ensemble de la réponse européenne à la crise sanitaire est la force de frappe de l’Union, malheureusement atténuée par des pesanteurs internes.

De fait, l’Union s’est montrée capable de réagir à la crise : sans compétences en matière de santé, elle a négocié et conclu, presque aussi vite que les États-Unis, plusieurs contrats pour obtenir près de 2 milliards de vaccins. Elle a accéléré ses processus d’évaluation des vaccins et prévoit de se doter d’une agence de recherche biomédicale. Elle propose maintenant un certificat vert pour restaurer la libre circulation dans l’Union.

Certes, elle a visiblement sous-estimé le défi que la production de masse d’un vaccin représentait, notamment pour AstraZeneca.

Nous pouvons aussi regretter que, après la communication sonore sur les premiers vaccins administrés à la fin du mois de décembre, la vaccination ait tellement tardé à se déployer sur le terrain, ainsi que nous l’avons souligné en commission, monsieur le secrétaire d’État. Mais ces difficultés logistiques sont le fait des États membres, pas de l’Union.

L’Union a aussi fait la démonstration de sa force de frappe en matière économique. Depuis mars 2020, elle a progressivement assoupli le régime des aides d’État pour permettre à chaque État membre de soutenir son économie jusqu’à la fin de l’année 2021. Elle a assuré la circulation des marchandises. Elle a facilité l’accès aux fonds structurels européens. Elle a suspendu – c’est important – le pacte de stabilité et de croissance pour desserrer l’étau budgétaire. Elle a adapté son futur cadre financier pluriannuel pour y intégrer un plan de relance de 750 millions d’euros.

L’Union n’a donc pas démérité dans la réponse qu’elle a apportée à la pandémie. Pourtant, elle nous a aussi déçus. J’y reviendrai en conclusion de nos débats, car ces déceptions nourrissent des interrogations de fond sur le projet européen. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’avez rappelé, la pandémie de covid-19 a déclenché une crise inédite pour l’Europe et pour le monde. Cette crise, nous devons encore l’affronter.

Il est probablement temps de tirer les premières leçons de sa gestion européenne. À cet égard, je remercie votre commission d’avoir pris l’initiative de ce débat. Si nous ne savons sans doute pas tout ce que nous aurions pu mieux faire et tout ce que nous devrions mieux faire dans les prochaines années, essayons de tirer quelques leçons et de tracer quelques perspectives.

Cette crise a été d’autant plus difficile que son caractère imprévu nous a tous frappés. En outre, nous le savons, l’Europe, comme objet politique, n’était pas préparée, par ses compétences et ses financements, à affronter une crise sanitaire, surtout de cette ampleur.

Depuis le début de la crise, du chemin a été parcouru. Je veux revenir sur quelques aspects de cette crise multiforme, pour examiner le type de réponses que l’Union européenne a pu apporter.

Alors que nous allons fêter, le 9 mai prochain, la journée de l’Europe, j’ai en tête la célèbre réflexion de Jean Monnet : « L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises. » Je crois que cette leçon doit encore nous éclairer, au moment où nous essayons de tirer les premiers enseignements de la gestion par l’Europe de la pandémie.

Concernant la coordination européenne, il est clair que, lorsque celle-ci a surgi, puis frappé l’Europe à partir du mois de février 2020, aucun mécanisme n’existait pour affronter les différents aspects d’une crise de cette ampleur.

Je veux rappeler que c’est la France et le Président de la République en particulier qui ont pris l’initiative, le 10 mars 2020, d’une première réunion en visioconférence des chefs d’État et de gouvernement pour coordonner au maximum les différents aspects sanitaires et économiques des réponses à la crise dès les premiers jours.

Les sommets européens virtuels se sont ensuite multipliés, à une fréquence hebdomadaire, ainsi qu’un certain nombre de réunions des ministres de la santé, tout particulièrement pour essayer de partager l’information et un certain nombre de pratiques, mais aussi d’améliorer autant que nous pouvions le faire la coordination des réponses à la crise.

Je veux revenir sur les deux principaux volets qui ont appelé des réponses locales, nationales et européennes à cette pandémie.

Je commencerai par les aspects économiques, budgétaires et financiers, parce qu’ils sont éclairants. C’est dans ces domaines que l’Europe avait sans doute, au début de la crise, le plus de compétences et d’outils juridiques et financiers pour agir, et je crois pouvoir dire que, sur ce plan, elle a été au rendez-vous. Elle ne l’avait pas été – en tout cas pas suffisamment ou trop tardivement – lors de la précédente crise financière, qui avait frappé notre continent, voilà une décennie.

Elle a été cette fois plus réactive, plus ambitieuse et plus solidaire. Je ne rappellerai pas l’ensemble des étapes de cette réponse. Permettez-moi simplement de citer quelques-uns de ces jalons.

Dès le 13 mars 2020, la Banque centrale européenne, pour ce qui concerne les États de la zone euro, dont notre pays, et la Commission européenne, s’agissant des règles applicables à notre marché, ont réagi fortement.

En particulier, la présidente de la Commission – je le souligne, car on l’oublie parfois – a suspendu l’application des règles budgétaires et des règles en matière d’aide d’État, considérant, à juste titre, qu’elles n’étaient pas adaptées à la période de crise exceptionnelle que nous vivions. Cette réponse et ce pragmatisme européen ont permis le « quoi qu’il en coûte » qui s’est développé en France comme chez la plupart de nos partenaires.

Par ailleurs, si, au début, les discussions ont été difficiles sur le plan budgétaire, nous avons été au rendez-vous, ce qui démarque encore plus cette crise de la précédente.

Ainsi, il y a un an presque jour pour jour, la France, rejointe par l’Allemagne, a pris l’initiative de proposer un plan de relance solidaire, qui reposait sur une dette commune et qui était doté de 750 milliards d’euros. Nous avons acté ce plan au mois de juillet 2020, et le Parlement l’a approuvé en ratifiant la décision sur les ressources européennes au début du mois de février dernier. Nous espérons bien le mettre enfin en œuvre à partir de cet été. Il est temps !

Nous reviendrons peut-être sur d’autres sujets économiques, en particulier sur le volet industriel, mais je veux maintenant évoquer la réponse sanitaire, puisque cette crise est évidemment d’abord une crise de la santé.

Il est vrai que, dans ce domaine, le bilan est, disons-le franchement, moins favorable. Cependant, je veux rappeler un certain nombre d’éléments très concrets que nous avons parfois tendance à oublier ou à sous-estimer.

Tout d’abord, une véritable solidarité européenne s’est manifestée dès le début de la crise. De fait, l’Europe, ce n’est pas seulement l’Union européenne et ses institutions.

Je vous rappelle ainsi que, lorsque la France a connu, en particulier dans le Grand Est, une situation sanitaire extrêmement tendue et une situation hospitalière extrêmement difficile, nous avons procédé à des transferts de patients d’une région à l’autre. Près d’un tiers de ces transferts a été mis en œuvre depuis la France vers d’autres pays européens, qui ont offert des capacités d’accueil et, parfois, quelques lits. Je le dis, cette solidarité européenne a sauvé des vies.

Il y a aussi eu, dès la fin de la première vague, une vraie réaction européenne pour combler un certain nombre de lacunes. En effet, peu de choses existaient en matière sanitaire.

Je pense, parmi d’autres initiatives concrètes, à la mise en œuvre – enfin ! – d’une réserve sanitaire, laquelle a permis, lorsque la deuxième et la troisième vague de la pandémie ont touché notre continent, une solidarité beaucoup plus concrète et rapide en matière d’équipements médicaux – blouses, gants, kits, tests, respirateurs… Ces derniers, on le dit trop peu, ont bénéficié à de nombreux pays européens, y compris au nôtre : la France a ainsi pu se procurer les gants dont elle avait besoin à l’automne dernier, grâce à cette réserve commune européenne.

Je veux évidemment insister, puisque nous parlons de santé, sur la question des vaccins. Sur ce sujet d’actualité, le rôle de l’Europe est souvent mis en cause.

L’impatience de nos concitoyens et, parfois, leur ras-le-bol, si vous me passez l’expression, sont parfaitement compréhensibles. Ce sentiment n’est pas spécifique à la France : il traverse, après ces longs mois difficiles, l’ensemble de notre continent.

Il faut remonter non pas au début de la campagne de vaccination, mais à des périodes antérieures, souvent d’ailleurs ancrées dans un long passé, où l’Europe n’a pas assez financé notre industrie et notre innovation, y compris probablement au tout début de la phase de développement des vaccins, alors que nos partenaires américains, ou même britanniques, ont parfois eu plus d’ambition à cet égard.

Quoi qu’il en soit, n’oublions pas que, s’il n’y avait pas eu ce cadre européen d’achat des vaccins, aucune de ces difficultés n’aurait été résolue de manière plus efficace et plus rapide.

N’oublions pas non plus que, si nous n’avions pas fait le choix de l’achat commun, pour le dire de manière technocratique, ou le choix de la solidarité, pour le dire de manière plus ambitieuse, de nombreux pays européens n’auraient sans doute pas accès aux doses de vaccin aujourd’hui. Nous le verrons de plus en plus lors des prochaines semaines.

Je ne saurais dire quelle serait la situation de la France à cet égard, mais il est certain que nous aurions à nos portes des pays dans une situation sanitaire plus difficile encore, des « usines à variants » à quelques kilomètres de nos frontières. Cela ne serait acceptable ni en termes d’image, de valeurs et de solidarité, ni même en termes d’intérêt sanitaire direct.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat. Je crois que cette ambition européenne, pour imparfaite qu’elle soit – il faut reconnaître que nous ne disposions pas de ces outils au début de la crise –, est absolument nécessaire. Nous l’amplifions par nos capacités de production et par nos capacités d’innovation, en signant le nouveau contrat pour les vaccins.

Je tenais à insister sur cet élément de solidarité. Nous continuerons à porter cette réponse européenne et à l’améliorer dans les mois qui viennent.

Débat interactif

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que l’Inde et l’Afrique du Sud, soutenues par une centaine de pays, réclament à l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, la levée provisoire des brevets sur les vaccins contre la covid-19, le silence de la Commission européenne est assourdissant.

Au nom du secret des affaires, de la défense de l’innovation et de l’efficacité d’une production industrielle censée répondre aux besoins, les multinationales du médicament défendent la préservation des brevets.

Or le constat est accablant. Alors que l’on manque cruellement de vaccins – seulement 10 % des Françaises et des Français et moins de 3,5 % de la population mondiale ont pu être vaccinés –, les profits des grands labos s’envolent.

Les trois géants Pfizer, AstraZeneca et Johnson & Johnson ont consacré, en 2020, quelque 21,4 milliards d’euros à des versements de dividendes et à des rachats d’actions. Cette somme aurait permis de vacciner 1,35 milliard de personnes dans le monde, soit l’équivalent de la population de l’Afrique.

Le Gouvernement est loin de trouver cette situation scandaleuse. Sa seule réponse, pour l’instant, consiste à dire que la levée des brevets est inutile, notamment parce que Pzifer autorise Sanofi à produire son vaccin.

Cet argument ne tient pas une seconde ! Non seulement il faudra patienter jusqu’en septembre prochain, mais, en plus, sans levée du brevet, donc sans accès à la formule du vaccin, on en reste à du simple flaconnage, bien en deçà du savoir-faire des salariés de Sanofi et des besoins de la population.

Ma question est simple : quand le Gouvernement va-t-il enfin soutenir celles et ceux qui exigent la levée des brevets au niveau européen ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, soyons clairs, nous partageons l’ambition, que nous sommes les premiers à avoir portée au niveau international, de faire du vaccin un bien public mondial. La question, au-delà des polémiques, est de savoir comment nous le faisons.

La levée des brevets est-elle le meilleur outil pour atteindre cet objectif ? Si tel est le cas, nous la déciderons. Mais, je veux être très transparent, nous en discutions à l’OMC en ce moment, et il n’apparaît pas aujourd’hui que lever les brevets réglerait le problème, puisque l’enjeu est non pas l’accès à la propriété intellectuelle, mais la capacité de production mondiale, en particulier en Afrique ou en Amérique latine, où les capacités de production et l’accès au vaccin sont les moins bons au niveau mondial.

La question est celle des moyens financiers. On peut croire à la magie, mais il faut bien rémunérer l’innovation ! C’est à cela que sert un brevet. Je rappelle que, à l’origine des vaccins dont nous bénéficions aujourd’hui, on trouve de nombreuses start-up, et non des grands laboratoires comme BioNTech, le laboratoire européen que vous connaissez, madame la sénatrice.

Nous avons décidé de faire du vaccin un bien public mondial, pour permettre que l’on y ait accès. Voilà du concret !

Comment procédons-nous ? Nous examinons toutes les possibilités, y compris en matière de propriété intellectuelle et de transfert de technologies pour créer des capacités de production locale. Toutefois, soyons clairs, cela prendra du temps – au moins plusieurs mois.

En attendant, puisque l’on ne peut se permettre d’attendre un an ou deux pour vacciner le reste du monde, nous faisons des dons de doses de vaccin. Ce mécanisme, qui s’appelle Covax, dispose de plusieurs canaux.

La France alloue des moyens financiers à Covax pour cet achat de doses. Aujourd’hui, 42 millions de doses ont été fournies à travers ce mécanisme dans plus de 100 pays, et c’est l’Union européenne, dont la France fait partie, qui fournit l’essentiel des soutiens financiers.

Nous allons, en outre, offrir un certain nombre de doses d’urgence, notamment aux pays africains, conformément à l’engagement du Président de la République, pour vacciner en priorité leurs soignants, car c’est la seule façon de faire tenir leur système de santé dans un moment difficile.

Avec nos partenaires du G7 et de l’Union européenne, nous avons déjà envoyé 100 000 doses de vaccin pour garantir l’accès des soignants au vaccin et le système de santé africain. Nous en expédierons 500 000 autres d’ici au mois de juin prochain.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat. Donc, oui, nous avons décidé de faire du vaccin un bien public mondial, mais nous recherchons les modalités les plus efficaces pour atteindre cet objectif.

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, vous devez répondre à dix-sept questions. Gardez donc de la force ! (Sourires.)

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d’État, vous ne m’avez pas convaincue.

Le système des brevets limite gravement les capacités de production. Il constitue donc une cause supplémentaire de décès liée à la pandémie.

Je ne sais pas qui vous écoutez. Pour ma part, je rencontre les salariés des laboratoires, comme Sanofi. Ils possèdent le savoir-faire pour produire les vaccins, mais vous ne leur en donnez pas la possibilité, parce que vous ne levez pas les brevets. Il s’agit véritablement d’un frein.

Vous n’écoutez que les grands laboratoires, qui font des profits colossaux. Cette attitude est criminelle pour l’ensemble de l’humanité ! Je vous demande de réagir, en utilisant la licence d’office, qui existe depuis 1968 et qui n’a jamais été mise en œuvre. Nous attendons du gouvernement de la France qu’il prenne cette responsabilité.

M. le président. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. Claude Kern. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure où les variants commencent à devenir la norme, et non plus l’exception, je salue l’annonce, par la Commission européenne, en février dernier, du lancement de l’incubateur HERA, qui, je l’espère, permettra une lutte plus rapide face à la covid-19.

À cet égard, j’attire notamment votre attention sur la volonté de la Commission d’accélérer l’autorisation de mise sur le marché des vaccins.

En effet, il a été reproché à l’Europe une certaine lourdeur dans la course aux vaccins, avec en moyenne un retard de dix jours par rapport aux États-Unis, ou encore au Royaume-Uni, dans l’approbation d’un vaccin pour sa mise sur le marché. Cela peut paraître peu, mais nous ne le savons que trop bien, dans la lutte contre la covid-19, chaque jour compte. Comment l’incubateur HERA entend-il remédier à ce problème ?

Je m’interroge également sur le mode de gouvernance de la future autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire, elle aussi dénommée « HERA ».

Il s’agit en effet d’un enjeu majeur, sur lequel il faudra être particulièrement attentif, compte tenu des compétences propres des États membres de l’Union européenne dans le domaine. Une articulation équilibrée entre l’Europe et l’échelon national sera importante, afin de ne pas perdre la main sur cette autorité, que l’on présente déjà comme l’équivalent de la Barda, la Biomedical Advanced Research and Development Authority, des États-Unis.

Les discussions autour de cette nouvelle agence me semblent l’occasion parfaite de recentrer les débats sur l’Europe de la santé et de revoir le partage des compétences entre l’Union européenne et les États membres dans le domaine de la santé.

A fortiori, il paraît peu probable que la crise de la covid-19 soit la dernière crise sanitaire d’ampleur mondiale ou paneuropéenne de notre siècle. Nous devons donc nous poser les bonnes questions et, déjà, préparer cette éventualité, afin d’être plus réactifs.

Enfin, et cela ne vous surprendra pas, monsieur le secrétaire d’État, je propose que la ville de Strasbourg devienne le futur siège de l’HERA. (Sourires.) Ne pensez-vous pas que ce serait une excellente occasion pour la France de consolider Strasbourg comme ville et capitale européennes ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur Kern, vous posez en fait plusieurs questions.

Sans entrer dans le détail – M. le président me le reprocherait… (Sourires.) –, je veux dire, concernant les autorisations de mise sur le marché, qu’il existe deux procédures pour homologuer un vaccin : les procédures normales, qui durent de deux mois et demi à quatre mois – sur ce plan, l’Europe n’a pas traîné par rapport à d’autres autorités internationales – et la procédure d’urgence accélérée, que chaque État peut déclencher. C’est ce qu’a fait le Royaume-Uni avant même sa sortie de l’Union européenne – cela n’avait rien à voir avec le Brexit.

Au début, nous devions aussi créer de la confiance autour des premiers vaccins. Pour ce faire, aucun pays de l’Union européenne n’a recouru aux procédures d’urgence.

C’est ce qui explique qu’il y ait eu un décalage de quelques jours – pas davantage, mais quelques jours peuvent compter – avec d’autres pays, notamment avec le Royaume-Uni. Je crois que conserver, en temps normal comme dans les périodes difficiles, la rigueur scientifique des procédures est de nature à conforter la confiance. C’était d’autant plus vrai qu’il existait initialement dans notre pays une réticence au vaccin.

Cela ne signifie pas dire que l’on ne peut pas améliorer les choses, notamment pour les deuxièmes générations de vaccins, qui impliqueront sans doute de réaliser une simple adaptation, par exemple aux variants, et non pas de redémarrer à zéro. Nous avons mis en place, dans le cadre de la réflexion sur HERA, des procédures plus rapides, qui seront disponibles pour les nouveaux contrats que nous signons au niveau européen avec les laboratoires. Nous disons donc oui à cette accélération !

L’agence HERA permettra de financer massivement les recherches médicales et de prendre des risques. Il faut bien dire que cet outil européen a manqué.

Nous serons évidemment vigilants sur la gouvernance de cette future agence européenne. Les discussions à ce sujet viennent tout juste de commencer.

J’ai bien noté l’engouement alsacien pour l’accueil de cette future agence. Vous connaissez mon engagement pour Strasbourg. Je signale toutefois qu’il ne saurait être question que cela se fasse au détriment du Parlement européen et que d’autres villes françaises se sont déjà montrées intéressées. Nous y réfléchirons rapidement.