M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Cher collègue, vous connaissez la position du Sénat quant aux demandes de rapports. En revanche, laissons à la délégation sénatoriale aux outre-mer le soin de travailler et de rédiger un rapport sur ce sujet.

Pour l’heure, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. Pierre Ouzoulias. Je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 541 rectifié bis est retiré.

Article additionnel après l'article 53 -  Amendement n° 541 rectifié bis
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Article 55

Article 54

(Non modifié)

Après le mot : « résultant », la fin du premier alinéa de l’article 108 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication est ainsi rédigée : « de la loi n° … du … confortant le respect des principes de la République. » – (Adopté.)

Article 54
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Article additionnel après l'article 30 (précédemment réservé) - Amendement n° 433 rectifié bis

Article 55

(Supprimé)

M. le président. Mes chers collègues, nous abordons maintenant l’examen des amendements portant articles additionnels après l’article 30, de l’article 31 et de l’amendement portant article additionnel après l’article 31, précédemment réservés.

Article 55
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Article additionnel après l'article 30 (précédemment réservé) - Amendement n° 243 rectifié

Articles additionnels après l’article 30 (précédemment réservés)

M. le président. L’amendement n° 433 rectifié bis, présenté par MM. Jacquin et Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, M. Assouline, Mmes S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 30

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 13 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, il est inséré un article 13-… ainsi rédigé :

« Article 13-…. – Une désaffectation partielle des édifices servant à l’exercice public du culte est autorisée dans les communes de moins de 3 500 habitants.

« Toute désaffectation partielle est prononcée par arrêté du représentant de l’État dans le département, à la demande du conseil municipal, lorsque la personne physique ou morale ayant qualité pour représenter le culte affectataire aura donné par écrit son consentement à la désaffectation.

« L’arrêté fixe la répartition des parties de l’édifice dont chaque partie obtient la jouissance, et les réparations attendues dans le cas où l’une des deux parties l’outrepasserait. L’arrêté fixe également les activités autorisées dans les parties désaffectées ; en aucun cas il ne serait toléré une quelconque activité cultuelle différente de la vocation première du lieu ou une activité à finalité politique. »

La parole est à M. Olivier Jacquin.

M. Olivier Jacquin. Cette proposition intéresse particulièrement la France des petites communes, celles où les églises ne servent qu’une ou deux fois par an, voire moins, parce qu’on leur préfère l’église du village d’à côté, mieux équipée, ou celle du bourg-centre.

Je tiens d’ailleurs à indiquer que cet amendement a reçu le soutien du bureau de l’Association des maires ruraux de France.

Il vise à permettre un usage partagé des églises entre le culte affectataire et le propriétaire. Outre le culte, les églises pourraient ainsi accueillir d’autres services à la population et faire office de salles de réunion pour certaines activités, notamment culturelles ou éducatives, ou encore de médiathèques.

Au Québec et en Belgique, cette pratique est courante. Le chœur, qui demeure affecté au culte, est alors séparé de la nef par une cloison mobile, un rideau ou tout autre dispositif propre et respectueux.

Ainsi, dans mon département, la commune de Pannes souhaite utiliser la sacristie comme salle associative, et la communauté de communes de Mad-et-Moselle demande que pendant les jours de canicule, les enfants accueillis dans le cadre d’activités périscolaires puissent se rafraîchir dans une ou deux églises pour éviter des investissements coûteux.

On me rétorquera sans doute que la loi de 1905 donnant à l’affectataire la pleine jouissance du lieu de culte, celui-ci est libre de passer des conventions.

M. Loïc Hervé. Exactement !

M. Olivier Jacquin. Certes, mais force est de constater qu’il ne le fait que trop peu.

M. Olivier Jacquin. J’étudie ce sujet sensible dans le calme depuis une dizaine d’années. Or dans mon ancienne communauté de communes qui compte cinquante églises, je constate qu’il y a eu très peu d’avancées durant cette période.

Nous proposons d’appliquer le mécanisme consensuel et éprouvé prévu pour la désaffectation totale des églises à l’article 13 de la loi de 1905. Celui-ci fonctionne selon un double niveau d’accord : ceux de l’affectataire et du propriétaire d’une part, et celui du préfet, de l’autre, qui doit signer un arrêté. Ce dispositif serait réservé aux communes de moins de 3 500 habitants et il serait encadré par l’arrêté, qui prévoirait notamment les éventuelles réparations en cas de difficultés, la répartition des parties de l’édifice concernées et les activités autorisées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Comme je l’avais promis, je vous ferai une réponse circonstanciée, cher collègue. Celle-ci aboutira malheureusement à un avis défavorable, mais je souhaite vous expliquer pourquoi il me semble que le sujet n’est pas totalement mûr.

En l’état actuel du droit, une église est par principe affectée au culte. L’affectataire qui gère le culte et la commune peuvent toutefois passer une convention pour permettre que l’église soit affectée à d’autres activités, ce qui se pratique beaucoup. Dans l’Yonne, de nombreux festivals sont ainsi organisés dans des églises, y compris dans la basilique de la commune de Vézelay qui ne compte pourtant que 450 habitants, ou dans l’église de Saint-Sauveur-en-Puisaye, qui, bien qu’elle n’ait pas de clocher, accueille de nombreux concerts.

Il est donc possible d’affecter partiellement une église à d’autres activités. Dans ce cas, le chœur, qui demeure consacré, est isolé du reste de la nef par un rideau ou une paroi amovible. Le prêtre et le maire signent un contrat, et en gros, tout se passe bien tant que ces derniers s’entendent bien, si bien que l’on pourrait envisager qu’ils signent ensuite une convention.

Permettez-moi de vous faire part des différentes consultations que j’ai menées.

Michel Fournier, président de l’Association des maires ruraux de France, a souligné la nécessité de recueillir l’accord des évêques afin que ces derniers se chargent de convaincre les prêtres d’accepter de mettre à disposition leurs églises lorsque cela est nécessaire et pour des activités qui leur conviennent. J’estime que l’accueil d’enfants en période de canicule, par exemple, est une proposition qui ne devrait pas être rejetée.

J’ai également interrogé mon évêque, qui est d’ailleurs trois fois évêque, puisque l’Yonne a la particularité d’avoir deux cathédrales et d’accueillir la prélature territoriale de la mission de France. Ce dernier m’a clairement adressé une fin de non-recevoir.

Il me semble donc que le sujet n’est pas totalement mûr, ni les évêques ni les maires n’étant réellement prêts à signer de telles conventions. J’estime toutefois que nous pouvons avancer et tenter de faciliter l’utilisation des lieux de culte en dehors des jours où sont célébrés les offices.

Nous avons évoqué jeudi soir le terme prochain des baux emphytéotiques, et le travail qui devra être mené entre les collectivités territoriales et l’Église catholique lorsque les 450 églises des Chantiers du cardinal tomberont dans l’escarcelle des communes. Ce sera peut-être l’occasion d’évoquer la possibilité d’une utilisation partagée de ces lieux de culte.

Pour l’heure, j’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. Madame la rapporteure, je vous suis très reconnaissant d’avoir creusé le sujet. Je souhaitais, en effet, que nous ayons un échange sur cette question extrêmement sensible. Votre proposition d’envisager celle-ci en même temps que les travaux qui devront se poursuivre sur les baux emphytéotiques administratifs me semble intéressante.

Le problème réside surtout dans le fait que les élus manquent de connaissances sur les possibilités que les églises pourraient offrir, parce que notre culture est ainsi faite. Je pense qu’une utilisation partagée et respectueuse de la nef et du chœur pourrait apporter un double bénéfice.

Comme vous l’a dit Michel Fournier, il faut non seulement interroger les évêques, mais il convient aussi que les maires interrogent les ministres des cultes pour savoir ce qu’il est possible de faire dans les églises.

Je ne sais pas ce qu’il en est du « triple évêque » que vous citez. Je me suis, quant à moi, tourné vers la Conférence épiscopale, et je reconnais que le secrétaire général m’a donné un avis plutôt réservé, qui a néanmoins eu le mérite de faire évoluer ma réflexion sur la question.

En revanche, Mgr Papin, évêque de Nancy, est intervenu dans un colloque que j’avais co-organisé, lorsque j’étais président du conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de Meurthe-et-Moselle. Je précise d’ailleurs que je ne suis pas le seul à avoir lancé des travaux sur le sujet, puisqu’il y a eu aussi le rapport sénatorial de M. Hervé Maurey, en 2015, ainsi que d’autres études menées en Charente-Maritime ou dans l’Orne.

Donc, selon l’évêque de Nancy : « Vouloir maintenir sans discernement les très nombreuses églises communales sous le régime de la stricte affectation, alors que nous ne pourrons pas en avoir un usage convenable, c’est condamner à la ruine une grande partie du patrimoine religieux, car nombre de petites communes ne pourront pas ou ne voudront pas s’engager dans l’entretien d’un édifice aussi peu utilisé par les fidèles. »

Dans le colloque que nous avions organisé en 2018, ce même évêque disait : « Quand bien même la pratique cultuelle reviendrait de manière forte, il n’est pas sûr que le patrimoine cultuel actuel serait adapté à cette pratique. » Il suggérait ainsi qu’on en viendrait peut-être, dans dix à cinquante ans, à construire de nouvelles églises près des ronds-points, par exemple, ou dans d’autres lieux plus adaptés que Dommartin-la-Chaussée, commune qui ne compte plus que quarante habitants et dont l’église risque de ne pas retrouver une activité cultuelle régulière.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 433 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 30 (précédemment réservé) - Amendement n° 433 rectifié bis
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Article additionnel après l'article 30 (précédemment réservé) - Amendement n° 514 rectifié bis

M. le président. L’amendement n° 243 rectifié, présenté par M. Reichardt, Mmes N. Goulet, V. Boyer et Belrhiti, M. Sol, Mmes Vermeillet et Drexler, MM. Courtial, Savin, Levi, Bonnecarrère et Laménie, Mmes Muller-Bronn et Schalck, MM. Kern, Bouchet, Pointereau et Paccaud, Mme Gruny, M. Meurant, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Maurey, Détraigne, Houpert, Bonhomme, Hingray et Duffourg, Mme Dumont et MM. Rapin, Somon et Longeot, est ainsi libellé :

Après l’article 30

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 25 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, sont insérés des articles 25-1 et 25-2 ainsi rédigés :

« Art. 25-1. – Les réunions pour la célébration d’un culte sont organisées ou animées par une personne remplissant les conditions fixées au premier alinéa de l’article 25-2 de la présente loi.

« Art. 25-2. – Les associations cultuelles ne peuvent faire appel pour l’exercice public du culte qu’à des ministres du culte justifiant d’une qualification acquise au cours d’une formation spécifique leur assurant une connaissance suffisante des principes civils et civiques ainsi que des rites de cette confession, dispensée et sanctionnée par une instance suffisamment représentative de ce culte sur le territoire national.

« Le titre de ministre du culte est ainsi conféré à toutes les personnes qui occupent, en vertu d’une nomination, d’un contrat ou à quelque titre que ce soit et en quelque lieu que ce soit, une fonction primordiale dans la direction, le déroulement, l’animation et l’enseignement d’un culte. »

La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Je considère cet amendement comme très important. Rédigé en aval de la mission d’information du Sénat sur l’organisation, la place et le financement de l’islam en France et de ses lieux de culte, il a pour objet d’éviter la pratique des imams autoproclamés, et plus généralement des pseudo-prédicateurs qui, sous couvert de culte, diffusent des appels à la haine et à la violence, ainsi que des messages contraires à la tolérance et au respect des valeurs républicaines.

Cet amendement vise à ce que les ministres chargés de l’exercice public d’un culte justifient désormais d’une qualification acquise au cours d’une formation spécifique, qui leur assure une connaissance suffisante des principes civils et civiques, ainsi que des rites de cette confession. Cette formation serait dispensée et sanctionnée par une instance représentative du culte concerné.

En effet, les aumôniers militaires, pénitentiaires et hospitaliers des différents cultes sont d’ores et déjà recrutés sur des critères qui incluent la possession d’un diplôme sanctionnant une formation civile et civique agréée, dans laquelle figure un enseignement sur les grandes valeurs de la République. Or cette mesure n’est pas considérée comme attentatoire à la liberté religieuse.

En outre, le législateur est responsable de la police des cultes et octroie désormais aux associations cultuelles des avantages spécifiques, notamment d’ordre financier. Il est donc, selon moi, fondé à imposer que la formation et la qualification exigées des ministres des différents cultes soient organisées. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Il est vrai que la mission d’information sénatoriale citée par notre collègue Reichardt a pointé, dans son rapport, que le manque de formation des ministres du culte musulman pouvait être source de difficultés. En effet, certaines personnes assument cette fonction sans vraiment être des ministres du culte. Il existe néanmoins des imams qui sont payés par la communauté, et dont on pourrait attendre qu’ils aient reçu une formation.

Cependant, la loi de 1905 s’impose à nous. Dès lors que nous ne finançons pas et que nous n’intervenons pas dans l’organisation des cultes, nous ne pouvons pas non plus le faire pour la formation des ministres de ces cultes. Cela serait contraire à la liberté religieuse.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Si vous le permettez, je vais brièvement rappeler l’historique de cet amendement. Je vous ai dit qu’il trouvait son origine dans un rapport rédigé à l’issue d’une mission d’information sénatoriale. À l’époque, j’avais déposé, monsieur le ministre, une proposition de loi qui était composée de deux parties. L’une portait sur l’obligation pour les associations cultuelles relevant de la loi de 1901 d’adopter le statut de la loi de 1905. L’autre concernait précisément l’obligation pour les ministres des cultes d’être simplement qualifiés. Celle-ci est respectée par les ministres de tous les autres cultes, hormis par ceux de la religion musulmane.

Madame la rapporteure, on m’a répondu, il y a trois ans, exactement ce que vous me dites aujourd’hui, à savoir que la loi de 1905 s’applique et qu’on ne peut rien changer. Je note pourtant que le projet de loi que nous sommes en train d’examiner prévoit que les associations cultuelles seront obligées de prendre le statut de la loi de 1905. J’avais donc raison, trois ans trop tôt !

De la même manière, je prétends que, un jour ou l’autre, vous serez amenés à exiger que les ministres des cultes reçoivent une formation aux principes fondamentaux, civils et civiques.

J’ajouterai que l’on m’a également opposé l’inconstitutionnalité de cette mesure. Comme toujours, lorsqu’il s’agit de concilier des exigences constitutionnelles ou conventionnelles, à savoir, d’un côté, la liberté religieuse et, de l’autre, la sauvegarde de l’ordre public, le juge, national ou européen, se livre à un exercice que nous connaissons tous, celui du contrôle de proportionnalité. Il doit alors décider si les nouvelles dispositions législatives sont indispensables pour atteindre l’objectif recherché, en l’espèce l’assurance que les ministres des cultes sont qualifiés au regard des principes civils et civiques de la République.

Compte tenu de l’absence de précédent significatif en la matière, tant de la part du Conseil constitutionnel que de la Cour européenne des droits de l’homme, il est particulièrement délicat d’anticiper une quelconque réponse dans un sens ou dans l’autre. C’est du moins ce que disait déjà un spécialiste du droit constitutionnel, il y a trois ans.

Mes chers collègues, tentons le coup ! Il est essentiel que nous ayons des ministres du culte musulman qualifiés. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Valérie Boyer. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cher collègue, il ne vous aura pas échappé que, dans ce texte, nous n’obligeons absolument pas les associations cultuelles relevant de la loi de 1901 à adopter le statut de la loi de 1905. Si nous ne le faisons pas, c’est précisément parce que la liberté d’association est constitutionnelle et s’impose.

Le texte prévoit donc uniquement de soumettre les associations cultuelles à une obligation de transparence sur leurs comptes, notamment sur les fonds émanant de l’étranger.

Nous avons déjà examiné d’autres propositions de loi dont l’objet était d’obliger toute association cultuelle à adopter le statut de la loi de 1905. Ce n’est pas le cas de ce projet de loi. En effet, nous sommes bien conscients que si l’on peut favoriser la migration de statut des associations cultuelles, on ne peut en aucun cas l’imposer.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Cher collègue, vous proposez d’introduire dans le texte une disposition qui permettrait clairement au législateur de s’immiscer dans l’organisation du culte.

M. Jean-Yves Leconte. Au-delà de l’argument constitutionnel, une telle immixtion entrerait totalement en contradiction avec le principe que nous ne cessons de rappeler, selon lequel l’État n’organise aucun culte, en vertu de la séparation des Églises et de l’État.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 243 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 30 (précédemment réservé) - Amendement n° 243 rectifié
Dossier législatif : projet de loi confortant le respect des principes de la République
Article 31 (précédemment réservé)

M. le président. Mes chers collègues, je crains de devoir suspendre la séance à vingt heures pour une reprise à vingt et une heures trente, car il reste vingt-cinq amendements à examiner, plusieurs prises de parole et les explications de vote. Chacun doit pouvoir s’exprimer dans de bonnes conditions.

L’amendement n° 514 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 30

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le 13° de l’article 7 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle est abrogé.

II. – Dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, des associations sont constituées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte, conformément aux articles 21 à 79-3 du code civil local. Elles sont soumises aux dispositions de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

III. – Les établissements publics locaux du culte sont supprimés. Leurs biens mobiliers et immobiliers sont transférés aux associations mentionnées au présent article. Les biens mobiliers et immobiliers n’ayant pas été réclamés par ces associations dans les deux années suivant l’entrée en vigueur de la présente loi sont mis en vente.

IV. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État.

V. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement a pour objet l’abrogation des dispositions de la législation locale sur les cultes, et uniquement cela. En effet, le droit local en vigueur en Alsace-Moselle comporte des dispositions sociales très intéressantes, que nous aimerions voir étendues à l’ensemble du territoire national.

Il a été question à plusieurs reprises, dans l’hémicycle, d’un sondage publié dans un journal, dont j’aimerais rappeler les résultats en totalité. Pour ce qui est de l’abrogation du Concordat, 78 % des Français et 52 % des Alsaciens et des Mosellans y sont favorables. Sur le financement du régime concordataire, 83 % des Français et 53 % des habitants d’Alsace-Moselle considèrent que son principe n’est pas normal. Enfin, et le résultat est très intéressant, en ce qui concerne le principe d’un financement public des cultes, les Français « de l’intérieur », pour reprendre l’expression, y sont opposés à 67 %, mais les Alsaciens et les Mosellans y sont favorables à 56 %. Le rejet du Concordat dans sa forme actuelle est donc clair.

Alors qu’en Guyane, le statut défini dans l’ordonnance de 1828 a été imposé par la force sans que jamais les Guyanais puissent donner leur avis, les Alsaciens et les Mosellans, par le biais de la représentation nationale – et je tiens à le reconnaître – ont au contraire montré par deux fois, en 1924 et en 1946, leur attachement au Concordat. Cela nous oblige à engager un débat local en Alsace et en Moselle, pour faire évoluer la situation. Engagez ce débat !

En effet, les représentants des cultes chrétiens ont reconnu, dans un article du 17 mars 2004, qu’il fallait nécessairement ouvrir le Concordat à d’autres cultes. Ils prônent notamment l’admission du culte musulman « à la table de la République », selon leurs mots.

Il est donc temps d’ouvrir une réflexion sur le Concordat.

M. le président. Je précise dès à présent que je suis saisi d’une demande de scrutin public par le groupe communiste républicain citoyen et écologiste sur cet amendement.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Nous avons déjà dit au sujet des outre-mer qu’il fallait préserver certains équilibres locaux. Vous dites vous-même, monsieur Ouzoulias, que c’est aux Alsaciens-Mosellans de mener ce travail.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Dans une tribune publiée par le journal La Croix, le 9 avril 2021, à la suite du sondage que j’ai cité, une députée européenne et trois députés du Bas-Rhin écrivent : « La possibilité de financement public d’un lieu de culte a le mérite de créer les conditions pour une adhésion des cultes aux principes républicains. »

Permettez-moi de citer l’excellente étude de Hakim El Karoui et Benjamin Hodayé, qui vient de paraître, sur les militants du djihad. Elle a été financée par l’Institut Montaigne, ce qui devrait vous satisfaire. En France, les 508 djihadistes, qui ont basculé dans la lutte armée, et dont la commune d’origine est connue, viennent de 150 villes différentes, mais principalement des grandes villes, dans l’ordre Toulouse, Strasbourg, Nice et Paris.

Ce que je veux montrer, en rappelant cela, c’est qu’il n’y a pas de coïncidence entre les formes données à la gestion des cultes, voire à l’enseignement du religieux, et les actes djihadistes. Ces derniers obéissent à d’autres logiques. Vous n’arriverez donc pas à contrer le djihadisme en changeant les formes du culte. C’est malheureusement ce que nous essayons de vous faire comprendre au sujet de ce projet de loi.

L’étude montre clairement que, pour l’essentiel, les djihadistes sont issus de trente à quarante quartiers qui sont en situation très difficile. Pour combattre le radicalisme, il faut donc une politique de la ville. Il faut intervenir dans ces trente à quarante quartiers qui produisent l’essentiel du fanatisme. Ce sera beaucoup plus efficace que de transformer le statut des cultes, comme vous proposez de le faire.

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.

M. Jacques Fernique. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne peut approuver une proposition d’abrogation aussi expéditive. Elle toucherait près de 3 millions de nos concitoyens, alors qu’il n’y a pas eu de large débat ni de vaste concertation sur la mesure. Or le récent sondage qui a été cité montre combien la confusion et les polémiques du jour chamboulent l’opinion sur ces questions.

Le sujet est trop lourd pour que nous nous positionnions dans la précipitation. On ne peut pas proposer de telles évolutions sans un travail approfondi d’écoute, d’analyse et de dialogue. Par conséquent, mon groupe s’abstiendra.

Pour ma part, comme élu d’Alsace, je voterai contre cet amendement, en lui opposant cinq arguments.

Premièrement, l’argument de compensation, car ce droit particulier est le fruit de déchirures. Cette différenciation est la compensation d’une rupture historique, comme le droit particulier de la Corse compense une disparité géographique. Or on ne peut pas plus effacer l’histoire qu’ignorer la géographie.

Deuxièmement, l’argument européen, car si le régime des cultes reconnus déconcerte parfois les autres Français, il est largement partagé dans une Europe très familière de ce principe de reconnaissance des cultes institués.

Troisièmement, l’argument constitutionnel, car le Conseil constitutionnel a tranché en reconnaissant le droit des religions en Alsace-Moselle conforme à la Constitution et compatible avec le principe de laïcité.

Quatrièmement, l’argument d’équilibre, car la France soutient des aumôneries et accepte les droits particuliers des cultes outre-mer, comme nous l’avons vu. Partout, elle concilie les deux principes républicains de laïcité et de liberté religieuse. En Alsace-Moselle l’équilibre est différent, mais tout aussi intelligent.

Enfin, l’argument de la concorde, car la pratique a évidemment évolué depuis Bonaparte. Nous n’en sommes plus au régime du donnant-donnant, où la subvention d’État s’échange contre le contrôle politique des cultes. Un nouveau rapport s’est instauré entre, d’une part, les pouvoirs publics de plus en plus décentralisés et, d’autre part, les cultes devenus acteurs de l’espace public par leur engagement social, caritatif, et interreligieux. Cette évolution participe à l’amélioration du vivre-ensemble.

Cet argument incite d’ailleurs, au nom de l’égalité, à élargir progressivement le groupe des quatre cultes statutaires à l’islam, en commençant peut-être par les dispositions qui concernent l’éveil culturel et religieux dans le domaine scolaire, ou encore par celles qui portent sur la formation des ministres du culte dans le cadre universitaire local.