M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi relative à la réforme du courtage de l'assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à douze heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la réforme du courtage de l'assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement
 

5

 
Dossier législatif : proposition de loi améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale
Discussion générale (suite)

Justice de proximité et réponse pénale

Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale (texte de la commission n° 424, rapport n° 423).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale
Article 1er

M. Alain Marc, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est réunie à l’Assemblée nationale le jeudi 4 mars est parvenue à un accord sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi, déposée par notre collègue député Dimitri Houbron, améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale.

Le texte comportant beaucoup de mesures techniques, l’accord a été obtenu assez rapidement. Pour l’essentiel, la commission mixte paritaire a retenu, sous réserve de quelques améliorations rédactionnelles, la version du texte que le Sénat avait adoptée lors de sa séance du 18 février dernier.

Le principal sujet de débat entre nous a porté sur la répartition des compétences entre le juge de l’application des peines (JAP) et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) en ce qui concerne l’établissement de la liste des travaux d’intérêt général proposés dans le département.

L’Assemblée nationale avait prévu que le directeur du SPIP soit responsable en principe de l’établissement de cette liste, mais que le JAP puisse le cas échéant se substituer à lui, afin de décider d’inscrire ou non sur la liste un employeur qui souhaiterait proposer un travail d’intérêt général.

En accord avec le Gouvernement, le Sénat a fait le choix de simplifier la procédure et de confier entièrement cette responsabilité au directeur du SPIP. Nos collègues députés se sont ralliés à cette solution, qui devrait favoriser une instruction plus rapide des dossiers et alléger les tâches des juges de l’application des peines, ces derniers étant souvent extrêmement sollicités. La mesure témoigne aussi d’une forme de reconnaissance à l’égard des directeurs de SPIP, qui accomplissent un travail considérable, pas toujours apprécié à sa juste valeur, comme j’ai eu l’occasion de m’en rendre compte au cours des auditions auxquelles je procède régulièrement en tant que rapporteur pour avis du budget de l’administration pénitentiaire.

L’objectif que nous cherchons à atteindre par cette mesure de simplification est d’encourager le recours aux travaux d’intérêt général, qui constituent souvent une alternative intéressante à une courte peine d’emprisonnement, dans la mesure où ils favorisent la réinsertion du condamné. Les travaux non rémunérés (TNR), proposés par le parquet dans le cadre d’une composition pénale ou par le maire dans le cadre d’une transaction municipale, méritent également d’être développés, afin d’apporter une réponse adaptée à des infractions de faible gravité.

Sur les autres volets du texte, la commission mixte paritaire a retenu les mesures additionnelles que le Sénat avait adoptées.

Sur l’initiative de nos collègues du Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), nous avons souhaité que les biens confiés à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) puissent être attribués à des associations reconnues d’utilité publique ou à des organismes concourant à la politique du logement. Dans le même esprit, nous avons prévu que les personnes morales à but non lucratif puissent recevoir, sur décision du procureur de la République, des biens saisis dans le cadre de mesures alternatives aux poursuites.

Ces dispositions permettront de renforcer notre tissu associatif. Elles complètent utilement la mesure, déjà présente dans le texte initial, consistant à créer une contribution citoyenne, qui pourra être versée par l’auteur d’une infraction à une association d’aide aux victimes.

La commission mixte paritaire a conservé les deux mesures que nous avions adoptées concernant les travaux non rémunérés. La première vise à les faire entrer dans le champ de l’expérimentation relative à la mise en œuvre de travaux d’intérêt général par le secteur de l’économie sociale et solidaire. La deuxième tend à affilier à la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale les personnes qui effectuent des TNR à la suite d’une transaction municipale.

La commission mixte paritaire n’est pas revenue sur les dispositions consensuelles relatives aux amendes forfaitaires, puisque le Sénat les avait votées conformes.

Enfin, sur le dernier volet du texte, qui consiste en des mesures ponctuelles de simplification de la procédure pénale, le Sénat avait seulement procédé à la correction d’une erreur de référence, correction que la commission mixte paritaire a confirmée sans difficulté.

Au total, le texte donne de nouveaux outils aux magistrats, et notamment aux magistrats du parquet, afin de les aider à apporter une réponse rapide et proportionnée aux petites infractions du quotidien. Dans bien des cas, il est préférable d’imposer immédiatement un travail non rémunéré, une mesure de réparation ou encore une contribution citoyenne, plutôt que de renvoyer l’affaire au tribunal correctionnel, qui rendra souvent sa décision tardivement compte tenu de l’encombrement des juridictions. Une sanction rapide est mieux comprise et plus efficace pour prévenir la récidive qu’une sanction arrivant un an ou deux après les faits.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à approuver les conclusions de la commission mixte paritaire tout en soulignant une nouvelle fois que l’entrée en vigueur du texte ne marquera qu’une étape. L’avènement d’une véritable justice de proximité suppose en effet de mettre en œuvre bien d’autres mesures, qui relèvent non pas du domaine législatif, mais plutôt de choix d’organisation et de l’allocation de moyens suffisants pour faire vivre nos juridictions, y compris dans les territoires ruraux, que je connais bien. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis mon arrivée au ministère, je me suis fixé un objectif clair : restaurer la confiance entre les citoyens et la justice.

Pour cela, cette dernière doit être plus proche du quotidien des Français et présente au cœur de nos territoires, dans nos villes, dans nos quartiers et dans nos campagnes.

Contrairement aux idées reçues, la délinquance de basse intensité n’épargne pas davantage les petites et moyennes communes que les grandes agglomérations. Elle est présente partout : les tags, les rodéos urbains, les dégradations, les feux de poubelle, les insultes, les petits trafics en tout genre… J’ai répertorié dans une circulaire 350 de ces infractions, qui nourrissent un sentiment d’impunité et alimentent la défiance à l’égard de l’institution judiciaire. À l’évidence, tous ces petits trafics pourrissent littéralement la vie de nos concitoyens.

Nous ne pouvons pas négliger les attentes des Français en termes de sécurité et de protection face à cette petite délinquance du quotidien. Celle-ci doit être mieux appréhendée. Si elle passe parfois inaperçue face aux actes les plus graves, elle pourrit – je choisis le terme à dessein – la vie du plus grand nombre et mine gravement la confiance dans l’institution judiciaire.

Vous l’aurez compris, répondre à cette délinquance est une des priorités de mon action à la tête de ce ministère. Pour cela, il y a deux axes de progression : renforcer la rapidité de la réponse pénale et accroître la visibilité de l’action judiciaire. C’est précisément l’objet de la proposition de loi dont nous discutons ensemble pour la dernière fois.

Au regard de la qualité du travail mené, je me félicite de l’accord qui a pu être trouvé en commission mixte paritaire. Je tiens à souligner ici l’esprit de concorde qui a prévalu à l’examen de ce texte. Je salue à ce titre le travail facilitateur du rapporteur Alain Marc et l’implication du sénateur Thani Mohamed Soilihi. Cette loi pourra ainsi produire les effets escomptés au plus vite pour les justiciables.

La justice de proximité, ce sont d’abord des dispositions pénales plus efficaces qui facilitent l’individualisation de la réponse pénale. Ce texte complète largement les mesures alternatives aux poursuites existantes, qui sont des sanctions rapides et adaptées, à la fois punitives et éducatives.

Le procureur de la République pourra ainsi demander au délinquant de remettre en état les objets ou les lieux dégradés, le contraindre à verser une contribution citoyenne à une association ou encore à donner son scooter à la collectivité. C’est le fameux : « Tu casses, tu répares ; tu salis, tu nettoies et tu rembourses la victime. » Et cela se fait dans un temps raccourci pour les justiciables, mais aussi, bien entendu, pour les victimes. Ces sanctions rapides sont les mieux à même de prévenir la récidive s’agissant notamment des primo-délinquants, souvent les plus jeunes.

La simplification des modalités de mise en œuvre du travail d’intérêt général va également largement contribuer à diminuer le délai d’exécution de cette peine.

Nous développons massivement les postes de TIG, notamment grâce à la mobilisation de l’Agence nationale du travail d’intérêt général, à l’action de ses référents, qui prospectent sur l’ensemble du territoire, et à l’utilisation de la plateforme numérique TIG 360°. Déjà plus de 20 000 postes sont disponibles au niveau national, et nous souhaitons atteindre prochainement les 30 000.

Je profite de cette occasion, mesdames, messieurs les sénateurs, pour dire que nous avons aussi besoin de la mobilisation de toutes les collectivités territoriales pour proposer des TIG à nos juridictions, partout sur le territoire.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. La justice de proximité, c’est ensuite une politique pénale ciblée qui garantit le règlement des petits litiges et la prise en charge de nos concitoyens les plus vulnérables.

J’ai fait en sorte, dès le 1er octobre, puis le 15 décembre 2020, au travers de deux circulaires de politique pénale générale, de renforcer l’activité des juridictions de proximité, l’organisation d’audiences foraines et le développement des « points justice » partout où cela est possible.

J’ai parallèlement demandé aux procureurs de la République de mener une politique volontariste de coordination de l’action judiciaire avec les services préfectoraux, mais également les maires, les élus, les associations et les officiers du ministère public, au plus proche des territoires.

Enfin, nous avons doublé la capacité d’emploi des délégués du procureur, passant de 1 000 à 2 000. Ces derniers effectuent un travail remarquable et apportent une réponse pénale de proximité et de grande qualité. J’ai d’ailleurs demandé aux parquets de veiller à leur mobilisation sur l’ensemble du territoire, afin qu’ils soient plus proches de nos concitoyens, notamment les plus isolés et les plus fragilisés. Le décret du 21 décembre 2020 précise et élargit leurs missions, en leur permettant notamment de tenir des permanences délocalisées.

La justice de proximité, ce sont enfin des moyens renforcés, qui se traduisent notamment par une augmentation massive des recrutements. Sur les 1 100 emplois de contractuels que nous allons recruter, 950 sont déjà en poste et soulagent les juridictions, comme j’ai pu le constater lors de mes derniers déplacements. Une enveloppe de 13 millions d’euros va également permettre de recruter des magistrats honoraires ou à titre temporaire. Les frais de justice bénéficieront d’une augmentation de 127 millions d’euros pour accroître l’intervention des délégués du procureur, créer de nouvelles unités médico-judiciaires ou d’assistance de proximité aux victimes. Enfin, 20 millions d’euros bénéficieront au milieu associatif de la protection judiciaire de la jeunesse pour renforcer la prise en charge rapide des délits du quotidien.

Parce que, comme vous pouvez le voir, cette proposition de loi s’inscrit dans un cadre global d’action du ministère de la justice pour redonner à nos concitoyens le sens d’une justice rapide, efficace et au plus proche de leur quotidien, je vous demande chaleureusement, mesdames, messieurs les sénateurs, d’adopter les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les juristes aiment souvent souligner au sujet du procès pénal que, au-delà des peines prononcées, il doit aussi tenir une fonction sociale et culturelle. Comme le souligne, par exemple, l’universitaire et magistrat Denis Salas, « le procès demeure avant tout une cérémonie de reconstitution du lien social ». Procureur, juge, avocats, victime, auteur de l’infraction : chacun de ceux qui y participent tient un rôle préétabli, auquel il est difficile de renoncer.

Dans ces circonstances, la procédure pénale nous place nécessairement devant une forme de dilemme.

D’un côté, le caractère fondamental des tribunaux et des salles d’audience nous pousse à tout faire pour qu’ils demeurent le lieu où la justice se rend.

De l’autre, les impératifs de célérité et d’efficacité nous imposent de réfléchir à des solutions distinctes de celles du procès, en retenant des dispositifs alternatifs.

Chaque réforme doit donc rechercher cet équilibre entre ces deux tendances et, à mon sens, cette proposition de loi y parvient.

Car, si elle vient renforcer les mesures alternatives au procès et aux poursuites, ces dernières restent proportionnées et n’atteignent pas dans ses fondements le procès pénal, qui doit toujours rester la règle.

C’est à l’image de ce qu’ont pensé initialement les auteurs du texte. Il est nécessaire de rendre plus effectives et plus opérationnelles les alternatives aux procès pour que les magistrats puissent disposer d’un spectre élargi de solutions en vue de lutter contre la délinquance quotidienne.

À ce titre, s’agissant des alternatives aux poursuites, la création d’une contribution citoyenne versée par l’auteur des faits en faveur des associations agréées d’aide aux victimes est évidemment la bienvenue. Il faut en dire autant s’agissant du renforcement des mesures prises dans le cadre de la composition pénale, tout comme des dispositions visant à faciliter le recours au travail d’intérêt général en tant que peine.

Dans ce même esprit, nous espérons que les dispositions visant à faciliter le recouvrement des amendes forfaitaires permettront d’obtenir une réduction sensible des contraventions demeurant impayées.

Il faut aussi se réjouir des apports du travail parlementaire sur ce texte, et plus particulièrement de ce qu’a proposé le Sénat. Je pense notamment à la possibilité d’ordonner le dessaisissement d’une chose ayant servi à commettre une infraction au bénéfice d’une association ou de toute personne morale à but non lucratif.

Néanmoins, au terme de nos échanges, il restera tout de même une interrogation : dans l’hypothèse où cette proposition de loi est adoptée, dans quelle mesure atteindra-t-elle son objectif ?

Pour prolonger les remarques que j’avais faites lors de l’examen du texte en première lecture, la lutte contre la délinquance du quotidien ne se fera pas seulement à travers de nouvelles procédures, une réorganisation des compétences ou l’élargissement du panel des sanctions.

Bien évidemment, il faut être ferme et sans complaisance face à cette forme de criminalité, afin de prévenir toute banalisation. Mais il ne faut pas perdre de vue ses origines. Pêle-mêle, je pense à certaines carences de notre système éducatif, à la précarité dont souffrent les services d’aide sociale à l’enfance, ou encore à la faible prise en charge des primo-délinquants.

Ces remarques faites, je me réjouis que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord sur ce texte, à l’adoption duquel le groupe du RDSE se montrera favorable.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, bien évidemment, je ne reprendrai pas les débats que nous avons eus lors de la première lecture de ce texte, au mois de février. Je me contenterai de revenir très brièvement sur quelques points.

Tout d’abord, et sans surprise, la commission mixte paritaire confirme que cette proposition de loi vise à renforcer le rôle des procureurs de la République. Nous avions échangé sur ce point à l’époque : cela implique aussi de leur donner les moyens de mettre en œuvre ces nouvelles dispositions. Même si une augmentation des effectifs est prévue, veillons à ne pas trop alourdir la charge des procureurs pour les années à venir dans un certain nombre de procédures.

Ensuite, et c’est sans doute le point le plus important à nos yeux, la question de l’indépendance du parquet reste en suspens. Quel sera le devenir de cette réforme tant attendue par certains, mais repoussée quinquennat après quinquennat, pour diverses raisons ?

Je veux enfin, comme l’a fait le rapporteur, souligner les évolutions permises par le Sénat, et qui demeurent dans le texte de la commission mixte paritaire.

Pour conclure, monsieur le garde des sceaux, je crois, au-delà du simple volet législatif, que nous devons mener une vraie réflexion sur les TIG avec celles et ceux qui peuvent en accueillir. Les problématiques de mobilité sont importantes, de même que le regard porté par notre société sur les femmes et les hommes qui accomplissent ces travaux.

J’insiste sur la nécessité de développer les TIG. Ils représentent aujourd’hui une alternative intéressante pour travailler à la réinsertion et éviter que certaines personnes ne soient entraînées dans un parcours de peines qui ne vont pas simplement réparer leurs fautes aux yeux de la société, mais les détruire petit à petit.

Pour ces différentes raisons, en particulier les réserves que j’ai émises sur l’absence d’indépendance du parquet – ce n’est pas le cas dans d’autres pays européens –, nous nous abstiendrons sur le texte issu de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le rapporteur pour son travail.

Madame Cukierman, vous venez à l’instant d’exprimer vos souhaits d’indépendance du parquet, et donc de réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Nous aurons, au mois de mai, un débat sur un projet de loi constitutionnelle et, comme les irrecevabilités de l’article 45 de la Constitution ne s’appliquent pas sur un tel texte, le sujet pourra être abordé par notre assemblée.

Avant d’évoquer le texte lui-même, je voulais vous dire, monsieur le garde des sceaux, en écho à ce que j’ai entendu hier soir, qu’il ne nous appartient pas de porter d’appréciation sur vos anciennes responsabilités ou activités professionnelles, les deux fonctions étant totalement dissociées. (Mme Christine Bonfanti-Dossat approuve.)

Le groupe Union Centriste soutient cette proposition de loi depuis le début, et il en va de même du texte issu de la commission mixte paritaire. Je n’ai donc pas de motif d’allonger à l’excès les débats ce matin pour vous confirmer notre vote favorable.

Le mot « proximité » sert tellement de parapluie aujourd’hui dans notre société qu’il ne nous enthousiasme guère. Il ne saurait constituer un programme en tant que tel. En revanche, les mesures proposées sont de bon aloi, qu’il s’agisse des mesures alternatives, des travaux d’intérêt général, des amendes forfaitaires pour les contraventions de cinquième classe ou encore de la contribution citoyenne, un élément pertinent dont il sera surtout intéressant d’analyser l’évolution dans le temps.

Le monde judiciaire et juridique a besoin d’un délai d’acculturation ; nous verrons si l’appropriation de ces dispositions fonctionne.

En vous renouvelant notre soutien sur ce texte, monsieur le garde des sceaux, je vous indique que le président de la commission des lois souhaiterait vous auditionner avec Mme de Montchalin sur la question du « chantier numérique ».

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je sais que ce sujet vous tient à cœur !

M. Philippe Bonnecarrère. J’espère que cette audition commune pourra avoir lieu et qu’elle nous permettra d’analyser plus en détail cette clé pour améliorer le fonctionnement du système.

Si l’on veut faire de la justice de proximité, il faut aussi que la machine puisse tourner dans de bonnes conditions. Nous devons notamment soulager nos greffiers et nos magistrats, qui doivent souvent reprendre des documents et des actes dans des conditions qui ne valorisent pas au mieux leurs capacités intellectuelles. On pourrait parler d’accroissement de la productivité, mais le but en réalité serait plutôt d’améliorer la valeur ajoutée du système.

Nous souhaiterions pouvoir organiser cette audition dans les semaines qui viennent, monsieur le garde des sceaux, même si nous savons que l’agenda est chargé.

M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi.

M. Hussein Bourgi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour prendre acte des conclusions de la commission mixte paritaire au sujet de la proposition de loi visant à améliorer l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale.

Lors de la commission mixte paritaire, les échanges furent brefs, à l’image de l’enjeu de cette proposition de loi, qui est modique, pour ne pas dire mineur.

L’accord trouvé entre les deux chambres ne modifie pas l’équilibre du texte tel qu’il avait été voté par le Sénat. La grande majorité des apports de la Haute Assemblée ayant été retenus, j’en profite pour saluer la qualité du travail du rapporteur et les améliorations introduites par le Sénat.

Comme j’avais eu l’occasion de le rappeler et de le regretter en première lecture, la confiance dans notre système judiciaire se délite régulièrement. En effet, dans une enquête d’opinion menée par l’IFOP en 2019, seul un Français sur deux déclare faire confiance à la justice. Plus problématique, 60 % de nos concitoyens consultés considèrent que la justice fonctionne mal. Cette défiance des Français nous interpelle et nous inquiète toutes et tous. Elle témoigne de l’échec des politiques publiques mises en œuvre ces dernières décennies et de la responsabilité partagée de tous les acteurs politiques.

Institution régalienne qui fonde l’État de droit dans tout pays démocratique, la justice est l’outil qui permet de réguler les conflits entre les individus et de pacifier les relations sociales. Rappelons-le, nos juridictions fonctionnent avec en moyenne 11 juges et 3 procureurs pour 100 000 habitants, alors que la moyenne européenne est de 22 juges et 12 procureurs. Et je ne parle pas du sous-effectif chronique, et même endémique, dont souffrent les services du greffe dans toutes les juridictions de notre pays.

Immanquablement, cette situation entraîne un engorgement de nos tribunaux et des délais longs, toujours trop longs dans le traitement des affaires. Je n’évoquerai pas non plus les stocks d’affaires en attente d’audiencement.

Dans le même temps, nos procédures sont souvent considérées comme trop lourdes, complexes, fastidieuses. Pour nombre de victimes, chaque étape de l’action judiciaire, du dépôt de plainte jusqu’à la tenue du procès, relève du parcours du combattant. Lorsque la procédure aboutit, il n’est pas rare que la sanction et la réparation soient mises en œuvre de façon aléatoire, renforçant un sentiment d’impunité pour le condamné et un sentiment d’inutilité de la justice pour la victime.

Nous avons accueilli avec un a priori positif cette proposition de loi allant dans le sens d’une amélioration de la réponse pénale. Nous avons vite constaté qu’elle manquait cruellement d’ambition. En effet, son périmètre est tout d’abord trop restreint.

Nous ne pouvons par exemple que regretter que les auteurs de cette proposition de loi aient fait le choix de se concentrer sur le contentieux pénal, alors que celui-ci ne représente que 25 % des affaires traitées par nos juridictions. Beaucoup aurait pu être fait en matière civile et commerciale afin de fluidifier certaines procédures…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. On y vient !

M. Hussein Bourgi. Ce n’est que partie remise.

Tout dans ce texte n’est cependant pas négatif. Par exemple, nous approuvons la possibilité de verser une contribution citoyenne à une association d’aide aux victimes. Nous saluons également la volonté des auteurs du texte de donner à la composition pénale, non seulement une vocation répressive, mais aussi des vertus éducatives et dissuasives.

Enfin, notre groupe est pleinement favorable à l’introduction d’un prononcé de stage de responsabilité parentale par le procureur de la République. Nous regrettons cependant que nos amendements visant à introduire d’autres stages, notamment pour lutter contre la haine en ligne ou la dégradation de la nature, aient été rejetés, sur le fondement d’arguments dont la pertinence nous échappe toujours.

Par ailleurs, les avancées mineures obtenues dans cette proposition de loi ne sauraient en occulter la philosophie générale, à savoir la déjudiciarisation. Nous sommes en désaccord profond, total, avec le dessaisissement des juges de l’application des peines de certaines de leurs prérogatives au profit des directeurs des services pénitentiaires d’insertion et de probation. Le but est peut-être de désengorger artificiellement nos tribunaux.

En cohérence avec le vote qu’ils avaient émis en première lecture, les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendront sur ce texte.

En conclusion, monsieur le garde des sceaux, c’est avec intérêt que nous attendons votre projet de loi relatif à la confiance dans l’institution judiciaire. Nous ne doutons pas qu’il sera bien plus ambitieux que la présente proposition de loi, et que votre propension à accepter nos éventuels amendements sera plus grande. Il n’est pas interdit d’espérer !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je les accepterai s’ils sont bons !

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Brigitte Lherbier. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le groupe Les Républicains se réjouit du caractère conclusif de la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 4 mars dernier. Députés et sénateurs sont tombés d’accord sur le fond de ce texte, qui deviendra demain un outil supplémentaire de lutte contre les incivilités et la délinquance quotidienne.

De plus, et cela doit être souligné, l’Assemblée nationale a fait le choix de maintenir l’ensemble des dispositions insérées par le Sénat, moyennant quelques précisions purement rédactionnelles, ce que nous saluons.

Sans revenir sur les détails du texte, l’ambition de cette proposition de loi est de modifier la procédure pénale à travers deux axes principaux : élargir le champ des mesures qui pourront être prononcées au stade des alternatives aux poursuites, d’une part ; faciliter le recours au travail d’intérêt général en tant que peine, d’autre part. Nous pensons en effet qu’il constitue une mesure efficace et utile à la réinsertion des personnes condamnées. Pour l’avoir moi-même très largement expérimenté à Tourcoing quand j’étais chargée de la prévention et de la sécurité, je sais que ça marche.

Le Sénat avait relativement peu modifié le texte en première lecture. Nous avions cependant voté plusieurs dispositions qui lui apportaient une fluidité supplémentaire, comme l’inclusion du travail non rémunéré dans le champ de l’expérimentation prévue par la loi de programmation et de réforme pour la justice. Ce sera l’occasion d’évaluer dans quelle mesure le secteur de l’économie sociale et solidaire est capable de participer à l’accueil des condamnés à une peine de travail d’intérêt général.

Par ailleurs, nous avons également souhaité modifier le code de la sécurité sociale afin que les personnes qui effectuent un travail non rémunéré dans le cadre d’une transaction conclue avec le maire puissent être indemnisées en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Cette précision bienvenue vise à faciliter la vie dans nos communes.

Une disposition adoptée par le Sénat permettra au procureur de la République de proposer à l’auteur d’une infraction de se dessaisir d’un bien au profit d’une personne morale à but non lucratif.

Nous saluons aussi l’autorisation donnée à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués de mettre les biens immobiliers saisis dans le cadre d’une procédure pénale à la disposition d’une association, d’une fondation d’utilité publique ou d’organismes qui participent à la politique du logement. Cette mesure avait été adoptée par les deux assemblées dans le cadre de la proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations, ce qui témoigne, à n’en pas douter, de son caractère hautement consensuel.

Après quelques hésitations, les députés ont entériné la décision du Sénat de retirer de la compétence exclusive du juge de l’application des peines la détermination de la liste des TIG susceptibles d’être réalisés. Il restera néanmoins chargé de rendre un avis sur la liste proposée par le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation. À notre sens, cette solution présente l’avantage de la simplicité, en même temps qu’elle permet de revaloriser le rôle du directeur du SPIP. Cette disposition, de la manière dont elle a été complétée par les députés et les sénateurs, facilitera selon nous la tâche des acteurs de justice.

Cependant, monsieur le garde des sceaux, n’oublions pas que la France affiche le plus petit nombre de procureurs en Europe : trois pour 100 000 habitants, contre en moyenne douze chez nos voisins. Il y a tout lieu de croire qu’une amélioration de la réponse pénale à la délinquance du quotidien ne pourra pleinement se concrétiser sans un recrutement supplémentaire de magistrats.

Pour avoir dirigé les études de l’Institut d’études judiciaires de Lille pendant plusieurs années, une formation qui préparait aux concours d’entrée à l’École nationale de la magistrature, je suis particulièrement favorable à un recrutement de magistrats issus de toutes les régions. La proximité permet en effet de comprendre la mentalité des justiciables et de pouvoir mieux cerner le travail pénal approprié. Les magistrats et les avocats, s’ils sortent des universités régionales, seront davantage concernés par l’impact des décisions de justice. S’ils travaillent avec la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et les élus locaux, cette réaction sociale sera encore plus efficace si elle reste ferme, forte, juste et rapide.

Vous avez souligné dans votre introduction que tel était votre objectif, monsieur le garde des sceaux. J’en suis particulièrement satisfaite. L’informatisation de la justice ne doit être qu’un outil à la disposition de cette réponse de proximité.

Celle-ci doit être rapide, mais surtout adaptée – j’insiste sur ce point, monsieur le garde des sceaux. Une analyse précise des statistiques de chaque tribunal judiciaire doit permettre au ministère d’adapter le redéploiement du personnel et de créer une vraie réponse judiciaire de proximité. Je compte sur vous, monsieur le garde des sceaux.

Le groupe Les Républicains tient pour conclure à saluer l’implication et la qualité du travail du rapporteur, Alain Marc. Il se prononcera en faveur du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)