Mme le président. L’amendement n° 11 rectifié bis, présenté par MM. Brisson, Mouiller et Courtial, Mme V. Boyer, MM. Savin, Genet, B. Fournier, Favreau, Chevrollier, Belin, Bouchet et Laménie, Mmes Chauvin, Dumas et L. Darcos, MM. de Legge, Babary, Saury et Le Gleut, Mmes Malet et Drexler, MM. Dagbert et Bonne, Mmes Puissat et Canayer, MM. Cuypers et Cardoux, Mme Lassarade, M. Lefèvre, Mmes M. Mercier, Gosselin, Lavarde et Belrhiti, MM. Burgoa, Mandelli, Regnard, Gremillet et Charon, Mmes Micouleau et Schalck et M. Pellevat, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

l’exercice de la fonction d’enseignant selon les objectifs pédagogiques de l’éducation nationale déterminés par le Conseil supérieur des programmes mentionné à l’article L. 231-14 du code de l’éducation

par les mots :

la liberté pédagogique de l’enseignant définie à l’article L. 912-1-1 du code de l’éducation

La parole est à M. Max Brisson.

M. Max Brisson. L’article 4 bis est de grande importance, dans la mesure où il permet de condamner le fait d’entraver ou de tenter d’entraver par des pressions ou des insultes l’exercice de la fonction d’enseignant.

Il me semble très important de protéger les professeurs et leur liberté pédagogique – c’est bien de celle-ci qu’il s’agit – et c’est pour cela qu’un article spécifique est nécessaire.

En revanche, cet article indique que cette liberté est conditionnée par les objectifs pédagogiques du Conseil supérieur des programmes. Or, si celui-ci a pour mission d’élaborer les programmes, c’est le ministre qui les arrête et qui diligente les instructions organisant l’enseignement. La présidente du CSP, que nous avons reçue en commission la semaine dernière, nous a bien rappelé le rôle de cette structure.

La rédaction actuelle de l’article donne donc au CSP un rôle que ne lui confère pas le code de l’éducation. Aussi, il me paraît préférable de faire référence à l’article L. 912-1-1 du code de l’éducation, qui vise la liberté pédagogique dans le respect des programmes, des instructions du ministre, du projet d’école ou d’établissement, du conseil et du contrôle des membres des corps d’inspection. Cette liberté est encadrée, mais il ne peut s’agir d’une liberté sous pression.

Mme le président. L’amendement n° 281 rectifié, présenté par MM. Paccaud, Bascher, Bazin et Belin, Mmes Belrhiti, Berthet et Bonfanti-Dossat, M. Bonne, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux, J.M. Boyer, Cadec, Chaize, Charon et Chasseing, Mme L. Darcos, M. Decool, Mmes N. Delattre, Deroche et Dumont, MM. Fialaire, Grand et Gremillet, Mme Gruny, M. Houpert, Mmes Imbert et Joseph, MM. Klinger, Laménie, Lefèvre, Le Gleut, H. Leroy, Levi et Longeot, Mme Lopez, MM. A. Marc, Maurey, Menonville et Meurant, Mme Muller-Bronn, MM. de Nicolaÿ, Panunzi, Regnard, Sautarel, Segouin et Somon et Mme Thomas, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

l’exercice de la fonction d’enseignant selon les objectifs pédagogiques de l’éducation nationale déterminés par le Conseil supérieur des programmes mentionné à l’article L. 231-14 du code de l’éducation

par les mots :

la liberté d’enseigner selon les objectifs pédagogiques de l’éducation nationale déterminés par le respect des programmes et des instructions ministérielles

La parole est à M. Olivier Paccaud.

M. Olivier Paccaud. Aujourd’hui, malheureusement, des enseignants sont menacés non seulement parce qu’ils enseignent, mais, surtout, pour ce qu’ils enseignent. Cet amendement vise à protéger, à sacraliser l’enseignant et sa mission.

Certains cours sont aujourd’hui refusés au nom d’idéologies ou de croyances religieuses : histoire, sciences, sport, lettres, instruction civique sont régulièrement victimes d’assauts obscurantistes et, évidemment, islamistes.

M. Olivier Paccaud. Certains veulent carrément effacer des pans du programme, qu’il s’agisse de la Shoah, des croisades, des valeurs républicaines, de l’égalité entre les hommes et les femmes ou de la laïcité.

Cet amendement, très proche de celui que vient de défendre Max Brisson, ne tend pas à apporter une nuance sémantique ou une clarification rédactionnelle, mais vise à protéger l’enseignant dans sa liberté d’enseigner, à partir du moment où il est dans le cadre des programmes.

En effet, on ne peut pas dire n’importe quoi en classe et il n’est pas question de protéger un enseignant qui le ferait. Nous le protégeons à partir du moment où il a respecté les programmes, lesquels relèvent d’instructions ministérielles et ne sont pas conçus, comme l’a bien précisé Max Brisson, par le CSP, qui ne donne qu’un avis. C’est bien le ministre qui précise le programme.

Il faut protéger les enseignants et l’enseignement.

Mme le président. L’amendement n° 546 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

le Conseil supérieur des programmes mentionné à l’article L. 231-14

par les mots :

le socle commun de connaissances, de compétences et de culture mentionné à l’article L. 122-1-1

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. À notre tour, nous voulons affirmer que nous sommes favorables à cet article, qui accentue la protection des enseignants et de leur liberté pédagogique. C’est de cela qu’il est question ici et cela ne s’applique, à ma connaissance, à aucune autre profession.

Des exemples d’entrave ont été cités, je ne les conteste pas, mais ce ne sont pas les seuls, loin de là. Régulièrement, par exemple, des familles contestent la théorie de l’évolution. Gardons-nous donc d’une colère à géométrie variable qui ne serait tournée que vers certains.

Nous sommes favorables à cet article, mais, comme d’autres l’ont souligné, le Conseil supérieur des programmes ne doit pas être la référence, puisqu’il a un rôle consultatif dans l’élaboration des programmes. C’est bien le ministère qui acte et qui rend officiels les référentiels de ces programmes. La liberté pédagogique est en effet un principe qui a ses limites, puisque les enseignants enseignent selon des programmes définis.

Tel qu’il est rédigé, en faisant référence au Conseil supérieur des programmes, cet article n’est ni opportun ni opérant. Je ne vois pas comment il pourrait être mis en musique.

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis de la commission de la culture. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 409 rectifié, dont la rédaction réduit la portée du délit d’entrave spécifique inscrit à l’article 4 bis. En effet, la tentative d’entrave ne serait plus punie puisque l’incrimination pénale disparaîtrait si l’entrave est le fait d’une seule personne ; pour être punie, l’entrave devrait désormais systématiquement être concertée. Par ailleurs, la notion de menace est différente de celle de pression.

Je souligne et salue l’engagement de notre collègue Olivier Paccaud sur ce sujet et, par ricochet, sur cet article 4 bis en particulier, puisqu’il a déposé au mois d’octobre dernier une proposition de loi qui en a fortement inspiré la rédaction à l’Assemblée nationale.

Toutefois, tel qu’il est rédigé, l’amendement n° 282 rectifié est satisfait. Les menaces contre un enseignant sont punies par l’article L. 431-1 du code pénal de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende ; de même, les violences contre un enseignant sont punies par l’article L. 222-12 du code pénal de cinq ans de prison et de 75 000 euros d’amende.

Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Les amendements nos 11 rectifié bis et 281 rectifié visent à corriger une erreur de rédaction en faisant disparaître la référence au Conseil supérieur des programmes, dont le rôle n’est pas de déterminer les objectifs pédagogiques de l’éducation nationale.

Néanmoins, je propose le retrait de l’amendement n° 11 rectifié bis au profit de l’amendement n° 281 rectifié, auquel la commission est favorable, car il tend à préciser que la liberté de l’enseignement s’exerce dans le cadre « des programmes et des instructions ministérielles », répondant ainsi à une préoccupation de notre collègue députée Annie Genevard. Celle-ci déclarait en effet : « Veillons à ce qu’un professeur qui userait de façon négative de sa liberté pédagogique ne puisse pas invoquer un délit d’entrave pour justifier ce qui ne serait en réalité qu’un exercice déficient de cette liberté. »

La rédaction de l’amendement n° 281 rectifié me paraît également répondre à la préoccupation exprimée à l’amendement n° 546 rectifié, qui fait référence au socle commun de connaissances. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. L’amendement n° 409 rectifié, rédactionnel, nous semble opportun. Le Gouvernement y est favorable. Par conséquent, il émet un avis défavorable sur les autres amendements.

Mme le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Le délit d’entrave est dorénavant un sujet majeur dans notre République. Combien d’opposants politiques se mettent à entraver des libertés définies dans les codes pour parvenir à imposer leur volonté ?

Prenons l’exemple de la chasse, monsieur le garde des sceaux. Il y a deux ans, le Gouvernement nous a promis la création d’un délit d’entrave à ce sujet.

S’agissant de la liberté d’enseignement, la création d’un tel délit est totalement opportune. Pour autant, monsieur le garde des sceaux, que pensez-vous de l’extension de ce type de délit ? Considérez-vous qu’il s’agisse d’un sujet important ?

J’admets que vous vous contentiez d’émettre l’avis du Gouvernement sur les amendements, mais pourriez-vous, sur ce sujet du délit d’entrave, nous confier au moins votre sentiment personnel ?

Mme le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour explication de vote.

M. Jacques Grosperrin. Monsieur le garde des sceaux, je trouve dommage que vous émettiez un avis défavorable sur ces amendements. Leur adoption pourrait pourtant avoir un effet protecteur et contribuer à restaurer l’intégrité physique, morale et intellectuelle des enseignants.

La montée des revendications identitaires est incompatible avec certaines valeurs essentielles de la République. Certains pans du programme font l’objet de contestations répétées, on le sait : c’est le cas en histoire et géographie, en sciences de la vie et de la terre (SVT), en philosophie, en physique, etc.

Certains enseignants d’éducation physique et sportive s’autocensurent et n’osent pas emmener leurs élèves à la piscine, parce qu’ils savent que cela posera problème, ou leur faire pratiquer un sport de combat, parce que les garçons et les filles refuseront.

On sait que certains thèmes ne sont pas enseignés, les enseignants nous le disent : l’Égypte préislamique, les croisades, les génocides arménien ou juif, la condition féminine, les guerres de décolonisation, les textes fondateurs en français, la nudité dans les arts, la reproduction en SVT…

Si ces difficultés sont parfois singulières, elles peuvent se multiplier dans certains quartiers ou dans certaines villes. Nous avons visité des établissements et nous nous sommes rendu compte qu’il y avait un vrai problème.

L’adoption de ces amendements pourrait contribuer à rassurer les enseignants qui s’autocensurent ou se sentent intimidés. Nous ne pouvons accepter cela. Il faut absolument inscrire dans la loi ce délit spécifique, car cela permettra aux enseignants d’accomplir simplement le travail auquel leurs études les ont préparés : enseigner.

C’est la raison pour laquelle je voterai les amendements défendus par Olivier Paccaud et Max Brisson.

Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Monsieur le garde des sceaux, vous êtes certainement devenu avocat pour des raisons de fond. Je suis pour ma part devenu professeur pour pouvoir exercer la liberté pédagogique et je suis choqué que vous balayiez ces amendements importants d’un revers de main. En effet, le Sénat s’honorerait en inscrivant, après l’Assemblée nationale, dans le code pénal et dans le code de l’éducation, l’importance de cette liberté pédagogique qui ne peut être entravée.

Le délit d’entrave est une réalité. Les pressions peuvent avoir de nombreuses origines – je partage sur ce point les propos de Céline Brulin. Dans certains lycées de France, l’on ne peut plus enseigner la Shoah ou les thèses sur l’évolution. C’est pourquoi les professeurs ont besoin d’être rassurés. Ils ont besoin que la représentation nationale indique clairement que ces délits d’entrave ne peuvent pas être acceptés.

L’école est au cœur de la République. Il me paraît important que, dans ce texte relatif au respect des principes de la République, nous affirmions fortement et clairement que les professeurs disposent d’une protection particulière parce qu’ils ont un rôle particulier à jouer dans l’enseignement de ces principes. Nous sommes au cœur du sujet.

J’ai indiqué mardi à la tribune que ce texte faisait souvent tomber la massue à côté et qu’il ne cherchait pas suffisamment à traquer les séparatismes au cœur de l’école, où ils menacent la jeunesse et son éducation. De grâce, monsieur le garde des sceaux, apportez-nous une réponse un peu plus convaincante !

Permettez-moi de saluer le travail d’Olivier Paccaud, qui, par sa proposition de loi, a déjà fait avancer le débat. Je retire mon amendement et me rallie à la rédaction qu’il propose. Je vous invite à faire de même, même chers collègues, pour que la Haute Assemblée affirme clairement ce qu’est la liberté pédagogique, dans le respect des programmes et des instructions ministérielles. C’est le fondement même de l’école publique et, plus largement, du service public de l’éducation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. L’amendement n° 11 rectifié bis est retiré.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le garde des sceaux, comme nous l’avons déjà indiqué, nous voterons l’amendement n° 281 rectifié, dont la rédaction correspond tout à fait à la vision que nous avons du rôle de la Nation apprenante et de la relation particulière qui existe en France entre le peuple, la Nation et les enseignants.

Malgré les nombreux exemples que vous avez cités, mes chers collègues, vous avez oublié l’éducation sexuelle. Si cette discipline est systématiquement au programme, elle n’est pas toujours enseignée. J’aurais souhaité que ce que nous nous apprêtons à voter s’appliquât à l’ensemble des écoles, y compris les écoles hors contrat, notamment dans les classes où la mixité n’est pas respectée. En effet, les cours d’éducation sexuelle y auraient sans doute été utiles pour favoriser l’émancipation des jeunes filles concernées.

En dépit du regret que je viens d’indiquer, sur le fond, nous sommes tout à fait d’accord avec votre position. Nous défendrons de façon absolue la liberté pédagogique des enseignants, y compris contre leur propre administration qui est parfois en cause et y compris contre les imprécations du Parlement (M. Max Brisson applaudit.), qui décide de temps en temps au-dessus des règlements de ce que le professeur doit faire ou ne pas faire.

La pédagogie est un acte créateur. S’il y a encore des professeurs et des enseignants, c’est parce qu’ils ont le sentiment que, dans leur classe, ils innovent en permanence. C’est ce qui fait toute la beauté de ce métier et nous devons la préserver. Il faut que les professeurs et les enseignants continuent de pouvoir créer avec leurs classes. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il me paraît très important de créer ce délit d’entrave. Nous adresserons ainsi au corps enseignant un message spécifique sur la liberté pédagogique. Cela fait aussi partie du contrat que la Nation doit rappeler au corps enseignant et à l’éducation nationale. Nous devons garantir cette liberté, à plus forte raison quand il s’agit de transmettre des savoirs et des valeurs.

Ce faisant, j’estime que nous enverrons également un message très important à la hiérarchie de l’éducation nationale. En effet, si le Parlement indique qu’il considère le délit d’entrave comme un délit majeur, j’espère que le niveau de responsabilité d’un certain nombre de cadres de l’éducation nationale s’en trouvera rehaussé. En effet, ces derniers ont eu trop souvent tendance à privilégier le « pas de vagues » plutôt que d’assumer avec force l’indispensable soutien à cette liberté pédagogique. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Nous enverrons donc un double message, mes chers collègues : un message de la Nation visant à réaffirmer ses valeurs et un message à l’ensemble des personnels d’encadrement de l’éducation nationale, leur indiquant qu’ils sont comptables du respect scrupuleux et vigoureux de cette liberté. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

Mme le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.

M. Olivier Paccaud. Convaincu par la pertinence des arguments du rapporteur pour avis Stéphane Piednoir, je retire l’amendement n° 282 rectifié.

Permettez-moi de saluer les propos de Pierre Ouzoulias et Max Brisson et de rendre un hommage tout particulier aux enseignants. S’ils ne sont plus les hussards noirs de Charles Péguy, parce qu’ils n’ont plus de blouses, ou très rarement, ils sont désormais des hussards tricolores ou arc-en-ciel, qui illuminent l’esprit de leurs élèves. Le mot « élève » est d’ailleurs un très beau mot de la langue française, qui indique bien que l’on « élève » l’esprit des enfants.

Je ne dirai qu’un mot sur la liberté d’enseigner. Les professeurs ne se contentent pas de lire un manuel scolaire. Pas du tout ! Ils préparent leurs cours, ils les adaptent à leur audience, qui est toujours différente. Cela requiert un travail considérable, qui ne se limite pas à la présence en classe. Ce travail que l’on ne voit pas permet souvent – pas toujours, mais souvent – d’opérer le miracle par lequel ils font germer de petites graines dans l’esprit de nos plus jeunes.

L’article 4 bis n’a rien d’anodin. Il était attendu. Je remercie nos collègues députés d’avoir planté la première graine et j’espère qu’ils confirmeront en deuxième lecture ce que nous nous apprêtons à voter.

Mme le président. L’amendement n° 282 rectifié est retiré.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, je perçois votre légitime passion sur cette question – votre passion professorale, monsieur Brisson – et je dois avouer qu’elle me touche.

Dans sa rédaction initiale, ce texte couvrait la situation des enseignants. Pour autant, lorsque la députée Annie Genevard a souhaité introduire une nouvelle rédaction, je lui ai tout de suite indiqué que nous étions ouverts à une discussion, à une coproduction, à un partage, à un échange sur cette question particulière, et ce pour tenir compte de ce que j’appellerai avec égard un « effet Paty » au sein du corps enseignant. L’article 4 bis est issu de cette préoccupation légitime.

Je ne puis vous laisser dire que j’aurais écarté ces amendements d’un revers de main. Il n’en est rien, bien au contraire. Si j’estime que le texte est équilibré, on peut toujours le modifier et je sais que chacun d’entre vous agira en conscience. Comme je l’ai indiqué, les aménagements rédactionnels que vous proposez me conviennent, madame Havet.

Quoi qu’il en soit, je tiens à préciser que je me sens en empathie totale avec tout ce que les différents orateurs ont exprimé.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 409 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 281 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. En conséquence, l’amendement n° 546 rectifié n’a plus d’objet.

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l’article.

Mme Cécile Cukierman. Nous voterons l’article 4 bis.

Toutefois, il nous faut avoir collectivement conscience qu’en votant ce délit d’entrave nous ne réglerons pas le débat, plus large, sur la place des enseignants et de l’école dans notre société.

Depuis plus d’une quarantaine d’années, le savoir est progressivement sorti des classes au profit des savoir-faire et des savoir-être, fragilisant le corps enseignant dans son rapport aux élèves et le mettant parfois en difficulté dans son rapport aux parents et, plus largement, à la société.

Depuis plus de quarante ans, nous avons beaucoup demandé à l’école, parfois beaucoup plus qu’elle ne peut accomplir, oubliant que les difficultés rencontrées en classe sont le fruit des difficultés de notre société. Dans une société qui va bien, l’école va bien ; dans une société qui va mal, l’école va mal.

Depuis plus de quarante ans, le corps enseignant a parfois été laissé un peu seul sur le bord de la route. Les propositions de revalorisation des carrières, des salaires, de l’autorité des enseignants ont successivement été balayées ou pas assez prises en compte. De ce fait, de nombreux enseignants, qu’ils soient en début, en milieu ou en fin de carrière, sont en proie à des problématiques inédites.

Le temps est loin où une jeune professeure d’histoire certifiée pouvait affronter son inspecteur pédagogique pour déterminer si l’enseignement de la Révolution française devait plutôt s’inspirer des thèses de Soboul ou de celles de Furet.

Si ces difficultés peuvent sembler risibles aujourd’hui, elles nous ramènent à ce que devrait être l’école et à cette liberté pédagogique qui, par les contradictions scientifiques, permettait de faire avancer ce savoir pour toutes et pour tous dans chacune des matières. Mes chers collègues, à ce stade du débat, il me semble important de ne pas l’oublier.

Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote sur l’article.

M. Max Brisson. Je remercie d’abord le garde des sceaux : je retiendrai sa seconde intervention, qui efface la première.

Je salue ensuite les propos de Mme Cukierman. J’estime moi aussi que l’école retrouvera le rôle qui est le sien si elle en revient à la transmission de savoirs et de connaissances. Comme vous l’avez fort bien souligné, ma chère collègue, nous avons certainement trop orienté l’école vers les compétences et les savoir-être.

Nous ne parviendrons pas à transmettre la signification de la laïcité ou des principes de la République, si nous ne les ancrons pas dans l’histoire et que nous ne les replaçons pas dans la profondeur de leur construction politique. Seule cette histoire permet de comprendre que, en France, le mot République ait un sens tellement différent de celui qu’il a dans tous les autres pays. De même, nous devons expliquer aux élèves que la laïcité est un combat qui a été mené dans un cadre très particulier, et que c’est en raison de cette histoire que ce mot a un sens totalement exceptionnel dans notre pays. Nous sommes donc bien au cœur du sujet.

Si elle ne peut le faire, l’école ne remplira pas son devoir. C’est bien pour cela que nous devons absolument la doter des moyens de lutter contre le séparatisme. C’est au cœur de l’école que l’on apportera des réponses pour faire face à ce totalitarisme. J’estime qu’il était important qu’ensemble nous l’exprimions ce soir de manière solennelle, ici même, au Sénat.

Mme le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote sur l’article.

Mme Esther Benbassa. Bien entendu, notre groupe votera l’article 4 bis.

Mes chers collègues, je suis très émue de l’hommage que nous avons rendu ce soir à ces enseignants que l’on critique, auxquels on reproche de ne jamais travailler assez, d’avoir trop de vacances… (M. Jérôme Bascher sexclame.) C’est pourtant ce qui circule dans les médias et dans divers cercles.

Les enseignants sont encore les hussards de la République. Alors qu’ils exercent leur profession au sein des écoles dans un cadre corseté, marqué par des relations assez complexes avec l’administration et le ministère, il faut leur donner la possibilité de s’épanouir et d’user de leur liberté d’expression.

Reste que les enseignants sont d’abord des êtres humains qui ont besoin de gagner leur vie. Les professeurs agrégés commencent leur carrière avec un traitement de 2 000 euros,…

Mme Cécile Cukierman. Et les certifiés alors ?

Mme Esther Benbassa. … bien moins que les collaborateurs au Sénat !

Les enseignants sont des professionnels investis, qui donnent de leur personne et qui travaillent dur pour embrasser des programmes qui, souvent, ne correspondent plus à la réalité de ce que les élèves vivent.

L’école devrait se réformer, se remettre en question pour que, malgré les difficultés, élèves et enseignants puissent communiquer et aller de l’avant. L’école a besoin d’être repensée.

Si nous avons sans doute fait un petit pas ce soir, il reste encore beaucoup à faire.

Mme le président. Je mets aux voix l’article 4 bis, modifié.

(Larticle 4 bis est adopté.)

Article 4 bis (Texte non modifié par la commission) (suite)
Dossier législatif : projet de loi confortant le respect des principes de la République
Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 33 rectifié ter et n° 34 rectifié ter

Article 5

(Non modifié)

Le chapitre II de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article 6 quater A est ainsi modifié :

a) Les mots : « , selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, » sont supprimés ;

b) Après la première occurrence du mot : « victimes », sont insérés les mots : « d’atteintes volontaires à leur intégrité physique, » ;

c) Les mots : « ou d’agissements sexistes » sont remplacés par les mots : « d’agissements sexistes, de menaces ou de tout autre acte d’intimidation » ;

2° Le IV de l’article 11 est complété un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’elle est informée, par quelque moyen que ce soit, de l’existence d’un risque manifeste d’atteinte grave à l’intégrité physique du fonctionnaire, la collectivité publique prend, sans délai et à titre conservatoire, les mesures d’urgence de nature à faire cesser ce risque et à prévenir la réalisation ou l’aggravation des dommages directement causés par ces faits. Ces mesures sont mises en œuvre pendant la durée strictement nécessaire à la cessation du risque. »