M. Philippe Bas. Monsieur le garde des sceaux, j’espère que cet amendement-ci ne suscitera aucune controverse juridique. (Sourires.)

Il s’agit simplement de prévoir que, dans le cas où une infraction est commise à l’égard d’une personne investie d’un mandat électif public, le juge peut prononcer une interdiction des droits civiques. Cela a principalement vocation à assurer la protection des maires, devenue grande cause nationale depuis la mort brutale du maire de Signes, le 5 août 2019.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Cet amendement tend à instituer une peine complémentaire de déchéance des droits civiques lorsque l’infraction réprimée par les dispositions de l’article 4 est exercée contre un élu.

Vous avez raison de le rappeler, mon cher collègue, les maires font face à une violence extrême, tant en zone urbaine qu’à la campagne ; c’est un véritable sujet. Ainsi, pour que les élus soient protégés ou, en tout cas, que ceux qui commettent des actes extrêmement violents à leur encontre soient punis un peu plus fortement qu’aujourd’hui, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Errare humanum est, perseverare diabolicum…

Votre amendement est satisfait, monsieur le sénateur,…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … par les dispositions de l’article 433-22 du code pénal, qui énumère les peines complémentaires applicables à l’ensemble des infractions prévues au chapitre au sein duquel est inséré le délit de menace séparatiste. Au rang de celles-ci figure l’« interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l’article 131-26 » du même code.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.

Mme le président. Monsieur Bas, l’amendement n° 292 rectifié est-il maintenu ?

M. Philippe Bas. Nous allons mettre à profit le délai qui nous sépare de la réunion de la commission mixte paritaire pour examiner votre argument, monsieur le garde des sceaux.

En attendant, je maintiens mon amendement, madame la présidente.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Vous ne me croyez donc pas sur parole ? (Sourires.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 292 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 187 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, Charon, Longuet, Bouchet, Genet et Savary, Mme Boulay-Espéronnier et MM. Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 8

Remplacer les mots :

peut être

par le mot :

est

II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer la peine mentionnée au premier alinéa du présent article en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. L’article 4 permet au juge de prononcer une peine complémentaire d’interdiction du territoire français, « soit à titre définitif, soit pour une durée minimale de dix ans, à l’encontre de tout étranger coupable de l’infraction prévue ».

Cet amendement a pour objet de prévoir que le prononcé de l’interdiction du territoire français soit une obligation. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction ou de la personnalité de son auteur.

J’insiste donc sur le fait qu’il ne s’agit pas d’instaurer une peine automatique, puisque le juge aura toujours la possibilité de ne pas prononcer la peine. Cela permet de protéger ceux que nous souhaitons protéger, en appliquant pleinement le texte.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Je comprends l’objet de cet amendement et les inquiétudes que ce sujet peut susciter, mais il est important de maintenir la liberté de décision du juge dans ce domaine.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cela sent un peu la nostalgie non pas des peines planchers, mais des peines obligatoires.

Le principe actuel est que le juge décide en fonction de la gravité des faits et de la personnalité de celui qui les a commis. C’est un grand, un vieux, un beau principe.

Le juge a donc la possibilité de prononcer les peines complémentaires que vous appelez de vos vœux ou de ne pas le faire, madame la sénatrice. Le principe demeure celui de la liberté du juge et non le fait de lui imposer je ne sais quelle obligation.

Je suis donc défavorable à cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

Mme le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.

Mme Valérie Boyer. Monsieur le garde des sceaux, je comprends bien vos propos et, moi aussi, je suis attachée à ce principe.

Toutefois, j’y insiste bien, cet amendement vise justement à prévoir que, bien évidemment, le juge peut refuser cette peine, mais, dans ce cas, il doit motiver sa décision.

Le juge devra donc prononcer une peine complémentaire d’interdiction du territoire français, soit à titre définitif, soit pour une durée minimale de dix ans, à l’encontre de tout étranger coupable de ce type d’infraction ; s’il veut prendre une décision contraire, il devra motiver son choix. Cela enverrait un signal fort.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Vous voulez donc que le principe devienne l’exception et l’exception le principe !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 187 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 343, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« La déchéance de nationalité peut être prononcée dans les conditions du premier alinéa de l’article 25 du code civil à l’encontre des personnes coupables de l’infraction prévue à l’article 433-3-1. »

La parole est à M. Sébastien Meurant.

M. Sébastien Meurant. Il s’agit de permettre au juge de prononcer la déchéance de nationalité des personnes condamnées pour le nouveau délit. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.) En effet, nous examinons un projet de loi qui vise à conforter le respect des principes de la République et ce type de délit porte une grave atteinte à la communauté nationale.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. On ne peut pas tout résoudre par la surenchère, me semble-t-il ; voilà ce que j’ose exprimer ce soir devant vous.

La déchéance de nationalité existe, contrairement à ce que l’on entend parfois. Elle est limitativement prévue par l’article 25 du code civil aux infractions les plus graves, telles que les actes de terrorisme, et il serait excessif d’étendre cette liste à des condamnations pour des faits moins graves.

En outre, comme le Conseil d’État l’a précisé dans son avis du 11 décembre 2015 sur le projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation, une telle mesure ne peut être instaurée par une loi ordinaire.

Pour ces deux raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 343.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : projet de loi confortant le respect des principes de la République
Article 4 bis (Texte non modifié par la commission) (début)

Article additionnel après l’article 4

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 93 rectifié ter est présenté par Mmes Borchio Fontimp et Demas, MM. H. Leroy et Bascher, Mme Garnier, MM. Genet, Le Rudulier, Babary et Bacci, Mme Belrhiti, MM. Bonhomme, Boré, Bouchet, Bouloux, Burgoa, Charon et Cuypers, Mmes Deroche, Drexler et Dumont, M. Favreau, Mmes Goy-Chavent, Gruny et Joseph, MM. Laménie et Mandelli, Mmes Micouleau et Raimond-Pavero et MM. Rapin, Saury et Savin.

L’amendement n° 189 rectifié ter est présenté par Mme V. Boyer, MM. Meurant, Longuet et Savary, Mme Bourrat et M. Tabarot.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Nul individu ou groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer du respect de la règle commune.

La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp, pour présenter l’amendement n° 93 rectifié ter.

Mme Alexandra Borchio Fontimp. Cet amendement a pour objet de reprendre l’article 1er de la proposition de loi constitutionnelle visant à garantir la prééminence des lois de la République, déposée par MM. les présidents de groupe Retailleau et Marseille ainsi que par M. Bas.

Je souhaite que ce texte aboutisse, car il représente une avancée indéniable pour la sauvegarde de nos libertés fondamentales, mais, vous le savez, l’Assemblée nationale bloque encore, à ce jour, son adoption.

Aussi, parce qu’il est nécessaire de rappeler que la règle commune s’impose à tous, cet amendement tend à inscrire ce principe dans la loi, à défaut d’avoir pu la faire légitimement figurer dans notre Constitution, comme le demandaient mes collègues.

Cette disposition donnerait une assise juridique aux employeurs publics et privés pour lutter contre ces dérives, plutôt que de devoir s’y adapter.

Mme le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 189 rectifié ter.

Mme Valérie Boyer. La formule que vient d’employer ma collègue me paraît tout à fait adaptée : nous sommes ici pour lutter contre les dérives, non pour nous y adapter. La grandeur de la loi réside justement dans le fait d’instituer des garde-fous et des outils permettant de préserver les principes de la République.

L’adoption de cette proposition de loi constitutionnelle par l’Assemblée nationale permettrait des avancées indéniables, notamment l’impossibilité d’alléguer des motifs tenant à ses origines ou à ses croyances. Cela permettrait également d’éviter aux personnes de se soustraire à des contrôles administratifs ou au respect des règles de sécurité. Cela permettrait encore d’empêcher de revendiquer un traitement particulier pour l’accès au service public ou pour son accomplissement ; je pense en particulier aux écoles et aux prisons. Cela interdirait ainsi de refuser l’autorité d’une femme ou d’un homme dans un cadre professionnel, administratif, juridictionnel ou scolaire.

Mme le président. Ma chère collègue, remettez votre masque correctement, s’il vous plaît.

Mme Valérie Boyer. Cela permettrait aussi d’obtenir des adaptations particulières en matière d’application du droit du travail et, de même, cela empêcherait qu’un employeur privé ou public soit contraint de prévoir des prestations ou d’adapter des règles pour tenir compte de prescriptions religieuses auxquelles certains salariés ou usagers se diraient attachés, par exemple des horaires aménagés ou des menus adaptés.

Je considère que ce texte doit prospérer. Nous avons la possibilité d’en faire avancer la rédaction ici et maintenant.

C’est la raison pour laquelle, selon le même raisonnement que ma collègue, je souhaite que cet amendement soit voté.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Ces amendements identiques sont satisfaits, puisque nous avons réintégré l’article 35 de la loi de 1905, en y apportant les précisions que vous demandez, à la suite de MM. Retailleau, Bas et Marseille.

Vous avez eu raison de souligner l’importance du respect de la règle commune.

La commission demande le retrait de ces amendements.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ces amendements sont assez curieux. La loi est une disposition normative qui pose une règle juridique d’application obligatoire ; elle doit donc être respectée par tous.

Certes, Giraudoux considérait le droit comme « la plus puissante des écoles de l’imagination », mais, en ce qui me concerne, je suis défavorable à ces amendements.

Mme le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. S’il était évident que, partout en France, cette règle était bien respectée, pensez-vous, monsieur le garde des sceaux, que nous aurions ici, dans notre légendaire absence de sagesse, fait en sorte que cela soit voté sous une autre forme ? (Ah ! sur les travées du groupe GEST.)

Ces amendements sont peut-être satisfaits en droit, mais pas en réalité. Or c’est de cela qu’il s’agit, monsieur le garde des sceaux : il s’agit de la vie des Français.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Oui !

M. Jérôme Bascher. Votre majorité manque peut-être du courage nécessaire pour affronter certaines réalités et en discuter ! (M. le garde des sceaux fait un geste dimpatience.)

Oh, vous pouvez faire des moulinets, mais vous n’êtes pas au tribunal, ici : vos effets de manche n’impressionnent personne ! (M. le garde des sceaux répète son geste.)

Ce geste est très désagréable !

Madame la présidente, nous sommes au Sénat, pas au tribunal : les parlementaires se respectent et ce genre de geste n’a pas sa place.

J’admettrais, monsieur le garde des sceaux, que vous acceptiez de discuter de ce sujet plutôt que de le balayer d’un revers de manche. (Mme Marie-Noëlle Lienemann sexclame.)

Mme Esther Benbassa. Ah, ça va !

Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Essayons de dépassionner les choses, parce que nous avons encore quelques jours à consacrer à l’examen de ce texte.

Mes chères collègues, je le répète : nous avons réintégré l’article 35 de la loi de 1905 à l’article 39. C’est écrit en toutes lettres. Je vous propose donc encore une fois de retirer ces amendements, qui, il est important de le dire, sont satisfaits.

Mme le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je vous rappelle que je suis garde des sceaux. Le droit m’importe donc, voyez-vous. Le droit protège nos libertés, mais il ne fait pas que cela. La justice est un pacte social et elle est rendue en fonction des règles de droit.

Quand on me demande d’inscrire dans la loi que nul ne peut s’exonérer de la règle commune, je tique ! (Marques dapprobation sur les travées du groupe GEST.) C’est redondant, cela a peu de sens et le garde des sceaux que je suis ne peut pas laisser passer.

S’il s’agit de reprendre la parole pour vous interroger sur les actes et non pas sur les droits, c’est votre choix et je le respecte.

Quant à ma vie antérieure, pardon de vous dire que celle-ci ne vous regarde pas et que vos allusions à ce sujet me semblent contraires, de mémoire – je ne les connais pas toutes, comme c’est sans doute votre cas –, aux dispositions de l’article 33 du règlement du Sénat. (Bravo ! sur certaines travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

Mme le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.

Mme Valérie Boyer. J’ai bien évidemment confiance dans l’analyse de Mme la rapporteure.

Monsieur le garde des sceaux, je suis troublée par la réponse que vous venez de faire. Je vous poserai donc la question de façon transparente. Vous avez parlé d’imagination et de droit, mais votre réponse me laisse penser que vous seriez défavorable à l’article 39, que Mme la rapporteure vient d’évoquer et qui dispose que nul individu ou groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer du respect de la règle commune ? (M. le garde des sceaux fait un geste de dénégation.) Je n’ai donc pas compris.

Si j’ai vraiment l’assurance que l’article 39 intègre cette formule,…

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. C’est fait !

Mme Valérie Boyer. … je retire cet amendement.

Mme le président. Madame Boyer, je vous prie d’être attentive à bien porter votre masque.

L’amendement n° 189 rectifié ter est retiré.

La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Je rappelle à nos collègues qui ont déposé ces amendements que, dans l’article 39 du texte de la commission, nous avons totalement intégré les dispositions de l’article 35 de la loi de 1905.

Afin que les choses soient bien claires, je vous en donne lecture, parce que je ne suis pas certain que tout le monde en ait véritablement pris connaissance.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. « Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte, contient une provocation à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, ou à conduire une section du peuple à se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer du respect de la règle commune, le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni de sept ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, sans préjudice des peines de la complicité dans le cas où la provocation aurait été suivie d’une sédition, révolte ou guerre civile. »

La commission des lois a donc non seulement intégré l’article 35 dans le texte, mais, de surcroît, elle a repris les quanta de peine pour les adapter, puisque ceux-ci dataient évidemment de son origine.

C’est la raison pour laquelle j’insiste sur la nécessité de retirer l’amendement n° 93 rectifié ter.

Mme le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. La réponse du président de la commission n’est pas satisfaisante. La rédaction qu’il évoque concerne un ministre du culte, alors que ces amendements tendent à inscrire dans le texte une formule bien plus large, puisque « nul ne peut s’exonérer… »

À mon sens, l’article 39 ne couvre donc qu’une partie de ce que souhaitent Mmes Boyer et Borchio Fontimp.

Mme le président. Madame Borchio Fontimp, l’amendement n° 93 rectifié ter est-il maintenu ?

Mme Alexandra Borchio Fontimp. Non, je le retire, madame la présidente.

Article additionnel après l'article 4 - Amendements n° 93 rectifié ter et n° 189 rectifié ter
Dossier législatif : projet de loi confortant le respect des principes de la République
Article 4 bis (Texte non modifié par la commission) (suite)

Mme le président. L’amendement n° 93 rectifié ter est retiré.

Article 4 bis (Texte non modifié par la commission) (début)
Dossier législatif : projet de loi confortant le respect des principes de la République
Article 5 (Texte non modifié par la commission)

Article 4 bis

(Non modifié)

Après le deuxième alinéa de l’article 431-1 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait d’entraver ou de tenter d’entraver par des pressions ou des insultes l’exercice de la fonction d’enseignant selon les objectifs pédagogiques de l’éducation nationale déterminés par le Conseil supérieur des programmes mentionné à l’article L. 231-14 du code de l’éducation est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

Mme le président. L’amendement n° 31 rectifié bis, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Kerrouche, Bourgi, Durain, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Dans la mesure où nous n’avons pas pu inclure les dispositions de cet article à l’article 4 et même si nous regrettons que les peines encourues par ceux qui entraveront le travail des enseignants ne soient pas à la hauteur de celles qui concernent les personnes qui intimideront, insulteront ou entraveront le travail des fonctionnaires dans leur ensemble, nous retirons cet amendement.

Nous sommes évidemment tout à fait favorables à la défense des enseignants.

Mme le président. L’amendement n° 31 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 188 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, Charon et Longuet, Mme Lassarade, M. Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet et Savary, Mme Boulay-Espéronnier, M. H. Leroy, Mme Bourrat et MM. Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le fait d’entraver à l’aide de menaces, violences, voies de fait, destructions ou dégradations au sens du présent code, l’exercice par un professionnel de santé de son activité professionnelle, l’exercice par un enseignant de sa mission de service public, ou l’exercice par un agent public ou privé de sa mission de service public est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. L’adoption de cet article à l’Assemblée nationale, à la suite, notamment, de l’assassinat barbare du professeur Samuel Paty le vendredi 16 octobre 2020, mais aussi de nombreux autres signalements, constitue une avancée nécessaire en matière de protection de nos enseignants.

Ce dispositif pourrait également être étendu aux professions médicales et, plus largement, à tout agent chargé d’une mission de service public, car eux aussi peuvent être confrontés à des pressions s’ils ne se conforment pas aux exigences de certains extrémistes religieux.

Cet amendement vise également à porter les peines prévues à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Cet amendement tend à supprimer la spécificité du délit d’entrave à l’enseignement. Or l’objectif de l’article 4 bis est de protéger les enseignants et leur liberté pédagogique, qui est la marge de manœuvre dont ils disposent pour transmettre les programmes de l’éducation nationale. Il me semble qu’il n’existe rien de comparable chez les professionnels de santé.

Par ailleurs, les actes de violence, de destruction ou de dégradations pointés dans votre amendement sont déjà couverts, pour les professionnels de santé comme pour les enseignants, par l’article L. 433-3 du code pénal.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

Mme le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.

Mme Valérie Boyer. Je comprends la remarque de M. le rapporteur pour avis, mais il me semble que les situations des enseignants et des professionnels de santé sont comparables. Ceux-ci sont confrontés à des difficultés similaires, même si certains faits sont déjà couverts. C’est pourquoi je souhaitais introduire un dispositif parallèle.

Il n’y aurait pas de chartes de bonne conduite dans les hôpitaux et nos collègues membres du conseil d’administration d’un hôpital ou sollicités par des professionnels de santé ne seraient pas saisis des difficultés que ces derniers rencontrent si ces problèmes ne se posaient pas !

Le délit d’entrave et les difficultés que peuvent rencontrer les enseignants me semblent totalement analogues à ceux auxquels se heurtent les professionnels de santé ; ils sont d’ailleurs confrontés à la même solitude.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 188 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 409 rectifié, présenté par Mme Havet et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de menaces, l’exercice de la fonction d’enseignant est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

La parole est à Mme Nadège Havet.

Mme Nadège Havet. Cet article, issu d’un amendement parlementaire adopté en commission, condamne les agissements de même nature que le drame qui a eu lieu le 16 octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine, en créant un délit d’entrave spécifique à la fonction d’enseignant.

Cet amendement vise donc à améliorer la rédaction de l’article en s’alignant sur les dispositions existantes, puisque le délit d’entrave existe déjà dans le code pénal.

Par ailleurs, il s’agit de supprimer la mention du Conseil supérieur des programmes (CSP), qui pose problème, puisque ce dernier n’est pas chargé de déterminer les objectifs pédagogiques. Il serait donc ennuyeux que cette référence figure dans la loi.

Mme le président. L’amendement n° 282 rectifié, présenté par MM. Paccaud, Bascher, Bazin et Belin, Mmes Belrhiti, Berthet et Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Boré, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux, J.M. Boyer, Cadec, Chaize, Charon et Chasseing, Mme L. Darcos, M. Decool, Mmes N. Delattre et Deroche, M. Détraigne, Mme Dumont, MM. Fialaire, Grand et Gremillet, Mme Gruny, MM. Houpert et Husson, Mmes Imbert et Joseph, MM. Klinger, Laménie, Lefèvre, Le Gleut, H. Leroy, Le Rudulier, Levi et Longeot, Mme Lopez, MM. A. Marc, Maurey, Menonville et Meurant, Mme Muller-Bronn, MM. de Nicolaÿ, Panunzi, Regnard et Sautarel, Mme Schalck, MM. Segouin et Somon et Mme Thomas, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

ou des insultes

par les mots :

, violences, menaces, insultes ou actes d’intimidations

La parole est à M. Olivier Paccaud.

M. Olivier Paccaud. Le triste assassinat de Samuel Paty, mais surtout ce qui l’a précédé et l’a déclenché, a démontré la nécessité de mieux protéger les enseignants.

À la fin du mois d’octobre 2020, j’ai déposé une proposition de loi visant à instaurer un délit d’entrave à la liberté d’enseigner dans le cadre des programmes édictés par l’éducation nationale et à protéger les enseignants et personnels éducatifs. Nos collègues de l’Assemblée nationale, parmi lesquels Annie Genevard, la première signataire de l’amendement qui est devenu l’article 4 bis, en ont repris quasiment 90 % du texte. Je me réjouis que l’Assemblée nationale ait adopté cet amendement, dans la mesure où le texte du Gouvernement souffrait d’une grosse lacune. En effet, l’article 4 vise à protéger « toutes les personnes participant à l’exécution d’une mission de service public », mais l’enseignement est très particulier.

Par ailleurs, il me semble que l’on peut encore améliorer l’article 4 bis.

Cet amendement a très précisément pour objet la qualification des tentatives d’entrave. Si le délit d’entrave existait déjà pour la liberté d’expression, d’association, etc., il n’existait pas pour la liberté d’enseigner. Nous l’avons créé.

Dans le texte retenu par l’Assemblée nationale, il est question de « pressions » ou d’« insultes ». Nous pouvons être plus précis, car les enseignants sont malheureusement parfois victimes de « violences, menaces, insultes ou actes d’intimidation ».

Cet amendement vise donc à élargir le bouclier qui protégera les enseignants.