M. Didier Marie. La laïcité subit les assauts de tous les intégrismes. Au premier rang de ces derniers se trouvent les promoteurs de l’islamisme radical, auxquels le texte que nous examinons depuis hier est censé faire face.

Autrement dit, derrière la remise en cause de la laïcité, c’est la promesse républicaine de liberté, d’égalité et de fraternité qui est attaquée, car elle représente tout ce qu’ils abhorrent.

En guise de réponse à ces attaques, on entend régulièrement qu’il faudrait réaffirmer le principe de laïcité. À cette fin, on multiplie les propositions visant à modifier la Constitution ou la loi, pour lui faire dire ce qu’elle dit déjà.

Bien sûr, nous n’écartons pas de manière définitive la perspective d’éventuelles modifications constitutionnelles. Toutefois, l’enjeu est moins l’affirmation de la laïcité que la nécessité de la faire vivre.

Faire vivre la laïcité, c’est évidemment faire appliquer les lois et règlements qui la régissent, mais c’est aussi déployer les outils qui assurent la pédagogie de la laïcité.

Tel est le rôle conféré à l’Observatoire de la laïcité lors de sa création, en mars 2007. Depuis lors, par la qualité de ses travaux et de ses publications, cette instance a fait la démonstration de son utilité comme organe de conseil et d’expertise. Par ses recommandations, par les guides et outils pédagogiques qu’il publie et par les actions de formation qu’elle dispense, elle est parvenue à donner corps au principe de laïcité.

Créé par décret, l’Observatoire relève du niveau réglementaire ; à nos yeux, ce n’est pas cohérent avec la considération que méritent les enjeux liés à la laïcité et avec l’importance des missions confiées à cette structure.

Aussi, cet amendement vise à donner à l’Observatoire une assise législative et, ce faisant, à conforter sa place dans le champ institutionnel, à élargir le périmètre de ses attributions et à renforcer sa composition.

À titre de symbole, nous proposons d’en modifier la dénomination : il deviendrait ainsi l’Observatoire national de la laïcité. Nombre de commissions consultatives existantes bénéficient de ce qualificatif, telles la Commission consultative nationale des droits de l’homme ou encore la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.

Ainsi, nous entendons souligner la singularité de l’acceptation française du principe de laïcité.

De plus, cet amendement tend à élargir les attributions de l’Observatoire et son périmètre d’action, tout en modifiant sa composition.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Mon cher collègue, vous souhaitez donner un statut très particulier à l’Observatoire de la laïcité, dont le fonctionnement inspire beaucoup de questions à un certain nombre de personnes.

En outre, compte tenu de ce qui a été dit tout à l’heure, l’avenir de cette instance semble assez incertain, du moins dans son organisation actuelle.

J’émets donc un avis défavorable, qui ne vous étonnera pas, mon cher collègue !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je l’ai déjà précisé au sujet d’un précédent amendement, le Premier ministre s’est exprimé sur ce sujet. J’ai également abordé cette question à plusieurs reprises, étant la ministre chargée du respect du principe de laïcité.

Nous nous sommes exprimés au nom du Gouvernement au sujet de l’Observatoire de la laïcité, dont le président voit son mandat de huit ans arriver à son terme.

À présent, il nous semble opportun de faire évoluer cette structure. En effet, les questions de laïcité n’ont plus la même place dans la société qu’il y a huit ans.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Exactement !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. À nos yeux, la situation a changé. C’est précisément ce qui nous réunit aujourd’hui dans cet hémicycle : la nécessité de mieux défendre la laïcité, de mieux la définir et d’animer le réseau des référents laïcité se fait de plus en plus pressante.

J’ai confié au préfet Besnard le soin d’étudier les moyens de mieux défendre la laïcité dans l’administration d’État. Il me remettra, dans quelques jours, les conclusions de sa mission, ainsi qu’à ma collègue Amélie de Montchalin.

Nous souhaitons faire évoluer l’organisation de l’Observatoire de la laïcité et le portage de la laïcité au sein de l’appareil d’État.

Le Premier ministre l’a indiqué : cette transformation ne passera pas nécessairement par le maintien d’un tel observatoire. Plusieurs propositions sont sur la table et, dans les semaines qui viennent, Jean Castex aura l’occasion de détailler l’organisation que le Gouvernement souhaite retenir.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement : cette consécration législative ne nous paraît pas opportune. Au contraire, au terme des huit ans de mandat du président de l’Observatoire de la laïcité, nous souhaitons faire évoluer la manière dont la laïcité est défendue, ce qui passe par une refonte de ces structures.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, je vous ai écoutée attentivement, comme j’ai écouté Mme la rapporteure. Avouez tout de même que c’est un peu dommage : alors que nous débattons d’un texte essentiel pour la laïcité, des interrogations persistent quant à l’avenir de l’Observatoire de la laïcité.

Jusqu’à aujourd’hui, cette instance porte un message reconnu dans toute la France ; vous avez d’ailleurs cité le travail mené par son président, Jean-Louis Bianco.

Madame la ministre, j’espère que vous associerez étroitement le Parlement au devenir de cette institution appelée à changer de structure, peut-être pour se transformer en autorité indépendante.

Je me souviens que, au détour d’un projet de loi de finances, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la Miviludes a disparu des écrans radars en tant que telle. On ne sait toujours pas qui, aujourd’hui, assure la défense contre les sectes. Vous me répondrez que la Miviludes existe toujours ; mais, techniquement, on se heurte tout de même à certaines difficultés…

J’espère donc qu’il n’arrivera pas à l’Observatoire de la laïcité ce qui est arrivé à la Miviludes. Nous avons besoin de la première comme nous avions besoin de la seconde !

Le présent texte a pour but de traiter un certain nombre de problèmes liés à des dérives sectaires et, j’y insiste, quels que soient les choix retenus par le Gouvernement, j’espère réellement que vous associerez le Parlement au devenir de l’Observatoire de la laïcité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Mme Esther Benbassa. Sur ce point, je rejoins Mme Goulet : je ne comprends pas très bien ce que l’on reproche à l’Observatoire de la laïcité,…

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. De n’avoir rien fait, tout simplement !

Mme Esther Benbassa. … qui est bien connu dans divers milieux et qui a accompli un travail intéressant, y compris aux yeux des universitaires et des scientifiques.

Madame la ministre, si cette instance est menacée de disparition, est-ce parce qu’elle ne suit pas la politique du Gouvernement en matière de laïcité ?… Pouvez-vous nous donner quelques raisons de ce désaveu ?

En parallèle, le projet que vous présentez est entièrement flou : il ne remplace pas cette institution, qui obtient des résultats – témoin la diffusion de son travail. Je vous remercie par avance de votre réponse.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mes chers collègues, aujourd’hui, 31 mars 2021, à dix-sept heures treize, nous pouvons prendre acte de l’annonce formelle de la disparition de l’Observatoire de la laïcité.

C’est exactement ce que vient d’annoncer le Gouvernement, et cela, j’en suis absolument désolée, avec le soutien de Mme la rapporteure.

Le mandat du président de cet observatoire arrive à échéance : ce n’est donc pas lui que je suis en train de défendre.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Ce n’est pas le sujet !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cela étant, on sait les tentations, voire les actions, de certains Présidents de la République que telle commission ou telle autorité indépendantes dérange… Or l’existence de ces institutions est une excellente chose.

Avec son amendement, Didier Marie propose un certain nombre d’évolutions, mais Mme la ministre ne lui apporte aucune réponse. « Le dossier est sur la table. Nous allons réfléchir. Le Premier ministre va s’exprimer » : ce n’est pas un projet !

Enfin, alors même que nous débattons d’un texte relatif à la laïcité, il est bien curieux d’annoncer la mort de l’Observatoire de la laïcité. Pour ma part, je ne puis m’y résoudre.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

M. Didier Marie. Madame la ministre, c’est en effet très étonnant : à l’occasion d’un texte dédié aux principes de la République et à la défense de la laïcité, on nous signifie la fin du principal outil permettant de faire vivre cette valeur !

Vous contestez l’initiative que nous prenons, faute de proposition du Gouvernement ou de la commission, qu’il s’agisse de conforter l’existant ou de le remplacer. Toutefois, si une telle initiative doit être prise, c’est bien à la faveur de ce texte ! S’ils jugeaient insuffisantes les dispositions que nous avançons, le Gouvernement et la commission avaient tout loisir de concevoir un projet plus abouti.

Nous prenons acte de ce que vous venez d’annoncer : d’ici à quelques semaines, l’Observatoire de la laïcité n’existera plus.

Cela étant, nous serons extrêmement vigilants et nous espérons, nous aussi, que le Parlement sera associé à la définition d’une nouvelle autorité, que nous souhaitons indépendante. En effet, il serait assez paradoxal que la structure chargée de faire vivre la laïcité soit placée sous la coupe du ministre des cultes.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.

M. Laurent Burgoa. Madame la ministre, madame la rapporteure, pour ma part, je vous donne raison !

Mes chers collègues, étant Gardois, je connais bien le directeur de l’Observatoire de la laïcité. Un observatoire, cela observe, mais cela ne décide pas. Ce sont les élus qui décident. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. Or, madame de La Gontrie, par le passé, le président et le directeur de cet observatoire ont pris ces décisions qui outrepassaient leurs prérogatives.

M. Didier Marie. Lesquelles ?

M. Laurent Burgoa. Ils sont là pour observer et pour faire des propositions, non pour décider à la place du Gouvernement et des élus de la République !

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Monsieur Burgoa, je suis bien sûr tout à fait d’accord avec vous.

Madame Benbassa, vous relevez que l’Observatoire de la laïcité est bien connu. Certes ! Mais certaines personnes sont bien connues sans avoir pour autant un grand succès…

L’heure est venue de dresser le bilan : avec quelle efficacité l’Observatoire de la laïcité a-t-il préservé et défendu la laïcité, dans l’ensemble des territoires ? C’est une vraie question ! De plus, il existe également le conseil des sages de la laïcité, dont nous avons auditionné les représentants. Lui aussi se penche sur ces questions.

Or nous n’avons pas bien compris comment ces deux instances s’articulaient ; je ne suis seulement pas sûre qu’une telle coordination existe.

Quand une telle structure suscite des questions de cette nature, qu’il s’agisse de son efficacité ou de sa place dans la société, il me semble normal de s’interroger sur son avenir. L’Observatoire de la laïcité existe depuis un certain temps et – nous le constatons tous, partout dans nos territoires –, jamais la laïcité n’a été tant attaquée.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Tout d’abord, je tiens à revenir sur le sujet de la Miviludes ; la question qui m’a été posée à cet égard me permet de faire une mise au point.

On dit et on répète que cette mission a disparu, mais ce n’est pas le cas. Nous menons pied à pied la lutte contre les dérives sectaires, qui relève également du ministère dont j’ai la responsabilité, pour ce qui concerne la citoyenneté.

En ce sens, nous avons renforcé la Miviludes. Nous l’avons annoncé par voie de la presse – peut-être pas suffisamment, puisque l’information ne semble pas être parvenue jusqu’à ces travées. Je vous transmettrai avec grand plaisir le détail de la nouvelle organisation que nous avons présentée.

J’ai annoncé que je nommais à la tête de la Miviludes Mme Hanène Romdhane, qui est une magistrate de terrain et qui connaît bien la lutte contre les dérives sectaires. Je lui adosse un conseil d’orientation sur les dérives sectaires, qui comprend un certain nombre d’experts reconnus de cette question. J’installerai ce conseil mardi prochain au ministère de l’intérieur. Il viendra épauler les équipes de la Miviludes.

Par ailleurs, j’ai décidé de renforcer l’organisation de cette mission, avec l’appui de l’ensemble de mes collègues du Gouvernement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. « Je, je, je… »

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. À cette fin, ils vont dépêcher des fonctionnaires, notamment pour renforcer le travail mené avec Bercy sur les questions financières – vous le savez très bien, la lutte contre les dérives sectaires passe aussi par des opérations de redressement fiscal –, mais aussi avec le ministère de la justice. Ce chantier doit redevenir une priorité.

Cette semaine, j’ai adressé aux préfets une circulaire relative à la lutte contre les dérives sectaires, reprenant ces éléments et leur demandant la plus grande vigilance, en écho au rapport que m’ont remis la police nationale, la gendarmerie nationale et la Miviludes il y a de cela deux semaines. Ce document dresse un état des lieux très précis des nouveaux groupes sectaires présents partout sur le territoire.

La Miviludes n’est donc pas abandonnée. Au contraire, elle est renforcée. Le fait de dépendre non plus de Matignon, mais du ministère de l’intérieur, permet précisément un pilotage politique concret et des ambitions fortes pour la lutte contre les dérives sectaires.

Édouard Philippe, alors Premier ministre, a clairement exprimé cette volonté : à son sens, il était important que cette administration soit pilotée par des ministres, en lieu et place de Matignon, qui a d’autres missions à assumer.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pourquoi cet organisme est-il interministériel, alors ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. La Miviludes se trouve maintenant dans les locaux du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, le CIPDR, sous l’autorité du préfet Gravel, nommé il y a quelques mois par le Président de la République.

Pour conclure sur ce sujet, je vous informe que le conseil que j’installerai mardi prochain comptera un sénateur et un député ; bien entendu, ces deux parlementaires seront pleinement associés aux travaux de cette instance.

Pour ce qui concerne l’Observatoire de la laïcité, je vais bien faire des annonces, mais, pour l’instant, je ne vous ai rien dit de nouveau : les éléments que je viens de vous donner ont été fournis par Jean Castex par la voie d’un communiqué de presse le 20 octobre dernier et ils ont été très largement repris dans les médias.

Le mandat de l’équipe en place à l’Observatoire de la laïcité arrive à son échéance au début du mois d’avril prochain, et le Premier ministre a fait savoir qu’il ne serait pas suivi d’un nouveau mandat de huit ans.

En effet, la situation de la laïcité en France et les préoccupations qu’elle inspire ont évolué au cours des huit dernières années. Si l’on en croit un sondage IFOP publié il y a quelques semaines, plus de 70 % de la population estiment que la laïcité n’est pas assez défendue dans notre pays.

Notre volonté est de mieux défendre la laïcité et, j’y insiste, jusqu’à présent, je ne fais que citer les propos du Premier ministre.

Par ailleurs, je rappelle que l’Observatoire de la laïcité est non pas une autorité indépendante, mais une instance consultative, qui observe, comme son nom l’indique et comme un orateur l’a très justement dit. Cette instance a pris des positions tout en menant ce travail. Je ne fais pas grief à qui que ce soit : je dresse simplement des constats, qui me semblent faire consensus.

À ce titre, le présent texte nous a permis de consolider considérablement un certain nombre de sujets.

Je pense notamment à l’amendement tendant à créer les référents laïcité, que Gérald Darmanin et moi-même avons déposé. Je pense encore à l’ensemble des sujets dont vous avez discuté hier et dont nous allons continuer de débattre : la systématisation de ces référents, l’animation du réseau qu’ils constituent, ou encore le caractère obligatoire de la formation à la laïcité pour les agents publics. C’est réellement une nouvelle dynamique que nous voulons donner avec ce projet de loi.

Selon vous, il ne serait pas cohérent de refondre, dans le même temps, l’Observatoire de la laïcité. Au contraire, il me semble parfaitement cohérent d’imprimer cette nouvelle dynamique, grâce au présent texte, et de la mettre en œuvre avec des organisations qui agissent avec volontarisme.

Depuis plusieurs mois, plusieurs ministres travaillent sur cette question, sous l’égide de Jean Castex. Nous réfléchissons à une structure de coordination qui aurait vocation à animer les référents laïcité en assurant un maillage de l’administration et de l’ensemble du territoire.

Un certain nombre de faits, résumés notamment par le rapport remis à ma collègue Sarah El Haïry, nous montrent que l’appareil d’État n’est pas suffisamment formé et outillé, face aux questions de laïcité et général et, en particulier, pour lutter contre l’islamisme radical. Cette formation doit être organisée au sein de l’État, et c’est ce que nous nous attacherons à faire.

De surcroît, nous entendons nourrir et éclairer le débat. Voilà pourquoi, sous l’autorité du Premier ministre, nous réfléchissons à la création d’une sorte de Haut Conseil à la laïcité, à même d’animer le débat sur le principe de laïcité et les nouvelles questions qu’il peut poser.

Cette instance aurait pour mission d’éclairer le Gouvernement et, peut-être, de coordonner l’ensemble des structures existantes, comme celles qui ont été mentionnées précédemment. Bien entendu, les parlementaires y seraient le cas échéant associés.

Ce sont là des pistes de travail et de réflexion et, comme je l’ai indiqué, le Premier ministre fera connaître son arbitrage dans les prochaines semaines.

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Madame la ministre, il ne faut pas se le cacher : l’Observatoire de la laïcité a fait débat. Un certain nombre de ministres, vous notamment, sont en désaccord avec certaines prises de position de cette institution. C’est précisément pourquoi nous en discutons aujourd’hui.

Vous parlez de « refonder ». Mais gardera-t-on, oui ou non, une instance indépendante ? Allez-vous le supprimer purement et simplement, comme vous avez supprimé l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, parce que vous ne supportiez plus ses prises de position et ses observations ?

Allez-vous, au contraire, renforcer ses missions, les développer et préserver son indépendance ? Nous voulons simplement savoir, car c’est là toute la question qui nous est posée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je viens de vous répondre !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. La ministre a déjà répondu !

M. Fabien Gay. On peut le comprendre, c’est un débat politique ; c’est précisément parce que ces observatoires sont indépendants que les mandats de leurs principaux responsables ne sont pas alignés sur les calendriers de l’élection présidentielle et des élections législatives.

Les gouvernements vont-ils supprimer ces structures sitôt qu’ils ne sont pas d’accord avec elles, alors qu’ils permettent le débat démocratique ?

Nous soutiendrons donc l’amendement de nos collègues socialistes, car, selon nous, l’Observatoire de la laïcité doit continuer à exercer ses missions.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, je vous ai déjà répondu sur le fond. (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SER.) Je vous épargnerai donc une répétition !

Nous voulons, au contraire, renforcer ces missions.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous voulez une commission consultative qui ne soit jamais en désaccord avec vous !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. En parallèle, vous me demandez si le problème résulte d’un désaccord entre l’Observatoire de la laïcité et moi.

Je n’oserais jamais solliciter le Sénat en lui faisant part de la position personnelle Marlène Schiappa ! Je suis ici en tant que représentante du Gouvernement, dont je vous communique les arbitrages. Le Gouvernement souhaite faire évoluer cette structure et la renforcer.

La simple question que vous posez appelle, de ma part, une remarque que je formule à titre très personnel : ce que l’on attend d’une telle structure, menant le combat pour la défense de la laïcité partout en France, ce n’est pas nécessairement de débattre sur la place publique avec un gouvernement, quel qu’il soit, de subtilités conceptuelles de la laïcité.

C’est mon humble avis personnel. Ce dont nous avons besoin, ce dont le pays a besoin, c’est d’une structure armée. Nous lui donnerons donc les moyens dont elle a besoin. Elle doit assurer un maillage territorial, animer le réseau des référents laïcité, conformément au rapport que le préfet Besnard va prochainement remettre à Amélie de Montchalin et à moi-même ; former les uns et les autres à la définition de la laïcité ; enfin, agir véritablement dans l’appareil d’État avec l’ensemble des directions de l’administration de notre pays, y compris à l’échelon déconcentré.

Depuis tout à l’heure, les orateurs successifs me poussent à donner un avis personnel au sujet de l’Observatoire de la laïcité. (M. Fabien Gay se récrie.) Si, monsieur le sénateur : c’est précisément la nature des questions que vous venez de me poser ! Mais je ne le ferai pas : je vous ai fait part des arbitrages du Gouvernement pour l’avenir et je m’en tiendrai là.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Roger, pour explication de vote.

M. Gilbert Roger. Je suis très ennuyé, parce qu’il s’agit là d’une commission consultative. En effet, c’est adresser un mauvais signe à la représentation nationale et aux élus locaux que d’estimer qu’une telle instance ne peut donner d’avis sur la laïcité, alors même que le Gouvernement consulte le Parlement pour qu’il adopte un texte de loi qu’il considère comme essentiel pour la préservation de la laïcité.

Il ne s’agit pas d’une administration à votre service, madame la ministre, mais d’un organe consultatif. Je pense donc que, à défaut, vous devez expliquer ce que vous allez mettre en place pour continuer à préserver la laïcité.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Pardonnez-moi de reprendre la parole, madame la présidente, mais je réponds aux questions qui me sont posées.

Monsieur le sénateur, je viens d’expliquer ce que nous projetons de faire, mais c’est avec plaisir que je peux vous le réexpliquer.

M. Antoine Lefèvre. On a bien compris !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. On ne peut pas être en désaccord avec vous ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Bien sûr que si, madame de La Gontrie !

Il vient d’être dit que je voudrais une administration qui fasse ce que je lui demande. Encore une fois, il ne s’agit pas d’une question personnelle et, oui, l’administration met en œuvre les décisions politiques. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER.)

M. Fabien Gay. Voilà !

M. Gilbert Roger. C’est mieux d’assumer !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. C’est le fonctionnement constitutionnel de l’État. Nous sommes le pays de la laïcité, mais il n’y a pas d’administration de la laïcité dans l’appareil d’État.

D’une part, il est fondamental que nous puissions avoir une administration de la laïcité qui permette de coordonner le travail des référents, de réaliser le travail de formation et de vérifier que ce travail de laïcité est mené au niveau des préfectures.

D’autre part, nous avons besoin d’une instance de type Haut Conseil à la laïcité. Elle pourra librement nourrir le débat public, avec différents membres, et les parlementaires en seront bien sûr partie prenante. Ce n’est pas déshonorant d’envisager de créer une administration, et nous n’allons pas nous excuser d’en créer une qui mette en place les politiques publiques sur la question de la laïcité. On a l’impression que c’est un drame !

D’une part, nous souhaitons créer une administration qui coordonne ce travail, parce que c’est important et parce que nous assumons que la laïcité est un principe fort pour notre gouvernement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est une autre question !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. D’autre part, nous voulons créer une instance de type Haut Conseil à la laïcité, qui pourra s’exprimer librement. Tout le monde pourra alors de manière claire et manifeste connaître le périmètre et les contours des interventions des uns et des autres.

Il ne s’agit pas de faire taire qui que ce soit ni d’avoir des ennemis où que ce soit. J’ai salué le travail mené par Jean-Louis Bianco pendant huit ans, ainsi que les avis officiels remis au Gouvernement, qui sont très éclairants.

Cela pourrait constituer le travail d’une instance de type Haut Conseil à la laïcité, sur le modèle du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge ou d’autres hauts conseils, qui sont des instances consultatives, partenariales et de débat.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 23 rectifié quater.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er ter - Amendement n° 23 rectifié quater
Dossier législatif : projet de loi confortant le respect des principes de la République
Article 2

Article 1er quater

(Non modifié)

Le référent laïcité des établissements mentionnés à l’article 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales alerte l’agence régionale de santé compétente de tout manquement à l’exigence de neutralité des agents publics desdits établissements porté à sa connaissance, dans un délai de quinze jours.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 22 rectifié bis est présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 516 est présenté par Mmes Assassi et Apourceau-Poly, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas.

L’amendement n° 604 est présenté par MM. Mohamed Soilihi et Richard, Mme Havet, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Didier Marie, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié bis.