Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Pierre Cuypers, Mme Victoire Jasmin.

1. Procès-verbal

2. Questions d’actualité au Gouvernement

politique de vaccination

M. Thani Mohamed Soilihi ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles.

organisation des élections départementales et régionales

M. Mickaël Vallet ; Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté ; M. Mickaël Vallet.

nouvelles mesures pour lutter contre la pandémie

M. Jean-Claude Requier ; M. Jean Castex, Premier ministre ; M. Jean-Claude Requier.

vaccination dans les écoles

Mme Sophie Taillé-Polian ; Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l’éducation prioritaire ; Mme Sophie Taillé-Polian.

situation préoccupante de la filière viande

M. Franck Menonville ; M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

situation de l’unef

M. Jérôme Bascher ; Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ; M. Jérôme Bascher.

tensions diplomatiques avec la chine

M. Olivier Cadic ; M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l’attractivité ; M. Olivier Cadic.

situation des travailleurs des plateformes numériques

M. Pascal Savoldelli ; M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargé des retraites et de la santé au travail ; M. Pascal Savoldelli.

situation des petits commerces et éligibilité au fonds de solidarité

Mme Pascale Gruny ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; Mme Pascale Gruny.

décision de la turquie de quitter la convention d’istanbul contre les violences faites aux femmes

Mme Claudine Lepage ; M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.

sécurité

M. Philippe Pemezec ; Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté ; M. Philippe Pemezec.

politique agricole commune et aide aux éleveurs

Mme Anne-Catherine Loisier ; M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

stratégie vaccinale

Mme Chantal Deseyne ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; Mme Chantal Deseyne.

système de combat aérien du futur

Mme Hélène Conway-Mouret ; Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants.

actualisation de la loi de programmation militaire

M. Dominique de Legge ; Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants ; M. Dominique de Legge.

numéro d’appel d’urgence unique européen le 112

Mme Françoise Dumont ; Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté.

Suspension et reprise de la séance

3. Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes suivi d’un débat

M. le président

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes

M. Claude Raynal, président de la commission des finances

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales

M. Jean-Claude Requier

M. Pascal Savoldelli

M. Jérôme Bascher

Mme Vanina Paoli-Gagin

Mme Sophie Taillé-Polian

M. Didier Rambaud

M. Vincent Capo-Canellas

M. Rémi Féraud

M. Arnaud Bazin

M. Jean-Baptiste Blanc

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

4. Conférence des présidents

Conclusions de la conférence des présidents

5. Candidatures à une commission mixte paritaire

6. Communication d’un avis sur un projet de nomination

7. Quel rôle pour le préfet à l’heure de la relance ? – Débat organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen

M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics

Débat interactif

Mme Cécile Cukierman ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; Mme Cécile Cukierman.

M. Michel Canevet ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; M. Michel Canevet.

M. Hervé Gillé ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; M. Hervé Gillé.

M. Philippe Mouiller ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; M. Philippe Mouiller.

M. Daniel Chasseing ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; M. Daniel Chasseing.

Mme Sophie Taillé-Polian ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Nicole Duranton ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.

M. Stéphane Artano ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; M. Stéphane Artano.

M. Yves Détraigne ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; M. Yves Détraigne.

M. Franck Montaugé ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; M. Franck Montaugé.

Mme Brigitte Lherbier ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; Mme Brigitte Lherbier.

Mme Annie Le Houerou ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.

Mme Catherine Belrhiti ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; Mme Catherine Belrhiti.

M. Jean-Baptiste Blanc ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.

M. Laurent Burgoa ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; M. Laurent Burgoa.

Mme Else Joseph ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.

Conclusion du débat

M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol

8. Quelle perspective de reprise pour une pratique sportive populaire et accessible à tous ? – Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

M. Jérémy Bacchi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste

M. Claude Kern

M. Jean-Jacques Lozach

M. Michel Savin

M. Dany Wattebled

M. Thomas Dossus

Mme Marie Evrard

M. Éric Gold

Mme Céline Brulin

M. Philippe Folliot

M. Cyril Pellevat

Mme Anne Ventalon

Suspension et reprise de la séance

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports

9. Ordre du jour

Nomination de membres d’une commission mixte paritaire

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Pierre Cuypers,

Mme Victoire Jasmin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun de vous, mes chers collègues, veillera au respect des uns et des autres, ainsi que du temps de parole. Il sera également attentif aux gestes prophylactiques, qui sont très importants.

politique de vaccination

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, hier, l’épidémie de la covid-19 causait 292 décès supplémentaires, nous rapprochant encore davantage de la barre redoutée des 100 000 morts. Mes pensées vont aux familles endeuillées et aux soignants, épuisés.

Un an après, le virus est toujours là, mais la résilience des citoyens, la force de nos professionnels de santé et l’engagement des élus s’efforcent de lui faire face.

Le Premier ministre a ainsi annoncé des mesures spécifiques dans seize départements la semaine dernière. Elles sont nécessaires pour répondre aux appels des professionnels de santé submergés. Elles sont nécessaires, aussi, pour nous adapter à ce virus, qui mute et qui nous impose de modifier nos certitudes.

Toutefois, les mesures de l’année passée ne sont plus celles d’aujourd’hui et ne seront probablement pas celles de demain. Elles peuvent dorénavant être territorialisées, comme à Mayotte, et variées, pour répondre aux besoins sanitaires sans oublier la santé mentale.

Un an après, la covid rythme encore nos journées, mais une certitude est aujourd’hui acquise : la vaccination, sur tout le territoire, dans l’Hexagone comme en outre-mer, est notre unique issue.

En un an, les scientifiques ont réalisé des prouesses, suspendant leurs recherches pour se concentrer sur un seul virus afin de développer des vaccins aux taux d’efficacité inégalés.

Désormais, la vaccination de près de 91 % des résidents en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les Ehpad, ou en unités de soins de longue durée, les USLD, a permis de diminuer sensiblement les hospitalisations de ces populations.

La vaccination fonctionne ; nous pouvons nous en réjouir. Pour autant, encore trop de personnes âgées ne parviennent pas à trouver de places pour se protéger, et la confiance à l’égard de certains vaccins continue d’être ébranlée par quelques cas isolés, mais inquiétants.

Monsieur le secrétaire d’État, alors que la fatigue prend de plus en plus le pas sur la résilience, les citoyens ont besoin d’un horizon clair vers une sortie de crise.

Quelles perspectives pouvez-vous nous apporter pour assurer la vaccination sécurisée de tous les Français qui le souhaitent, sur l’ensemble du territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Monsieur le sénateur Thani Mohamed Soilihi, vous avez commencé par l’essentiel : je m’associe à l’hommage que vous rendez aux dizaines de milliers de familles endeuillées et aux soignants mobilisés depuis maintenant plus d’un an face à cette crise qui met notre système de santé à l’épreuve. Nous saluons de nouveau leur dévouement, ainsi que la résilience, que vous avez évoquée, de l’ensemble de nos compatriotes.

Face à cette situation changeante, le Gouvernement adapte sa stratégie en concertation avec l’ensemble des acteurs, notamment les élus locaux, avec pour seul objectif de rester le plus efficace dans cette lutte contre l’épidémie et de prendre les bonnes dispositions au bon moment.

Vous avez justement noté que ces mesures sont de plus en plus territorialisées, car si le taux d’incidence et la pression hospitalière sont très élevés à certains endroits du territoire – je pense évidemment à l’Île-de-France et aux Hauts-de-France –, ce n’est heureusement pas le cas dans toutes nos régions.

Nous avons choisi de prendre des mesures de freinage fortes dans seize départements à ce stade. Elles seront peut-être étendues – le Premier ministre y reviendra éventuellement tout à l’heure – à d’autres départements où la situation est critique. Les quatre semaines pour lesquelles ont été décidées ces mesures sont déterminantes, nous le savons tous.

Ces mesures s’articulent à l’effort de vaccination que nous souhaitons tous voir s’intensifier. Les vaccins sont le principal espoir de sortie de crise. Nous le répétons sans cesse : il faut vacciner et il faut se faire vacciner.

Cela vaut pour l’outre-mer, évidemment, et cela vaut pour Mayotte, où 75 % des doses livrées ont été inoculées. Il faut néanmoins accélérer. La mobilisation de tous doit être totale, notamment celle des élus locaux. Je salue d’ailleurs votre engagement, monsieur le sénateur, à cet égard.

Nos objectifs restent inchangés : vacciner 10 millions de Français à la mi-avril et 20 millions à la mi-mai. Le Président de la République, pour ce faire, a annoncé hier, vous l’avez entendu, que dès samedi prochain la vaccination sera élargie aux plus de 70 ans sans comorbidités.

Pour n’oublier personne, l’assurance maladie appellera tous les plus de 75 ans qui ne sont pas encore vaccinés afin de leur proposer un créneau. Des campagnes de vaccination ciblée seront enfin bientôt lancées, en lien avec l’arrivée des nouvelles doses, puisque, évidemment, tout dépend de la disponibilité et de l’arrivée des vaccins.

Je pense également à l’ouverture rapide de trente-cinq vaccinodromes. Une concertation a lieu en ce moment avec les élus locaux pour déterminer les lieux et la répartition de ces centres, ce qui permettra d’optimiser à la fois l’attribution des doses, dont les arrivées vont augmenter à compter de la mi-avril, notamment dans les outre-mer, et la façon dont les professionnels de santé seront mobilisés.

Enfin, comme vous le savez, nous allons également mobiliser l’armée pour accélérer cette phase de vaccination. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

organisation des élections départementales et régionales

M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Mickaël Vallet. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’intérieur, visiblement représenté aujourd’hui par Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté. Elle porte sur la continuité de notre vie démocratique.

Il y a un an, jour pour jour, la France entrait de nouveau dans l’état d’urgence. La soudaineté du premier confinement a pleinement justifié les difficultés d’organisation des élections municipales.

Toutefois, un état d’urgence vise, par définition, à répondre aux urgences. Il ne doit pas affecter de façon déraisonnable des rendez-vous démocratiques planifiés de longue date.

La loi du 22 février 2021 portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique prévoit une clause de revoyure au 1er avril, après avis du conseil scientifique.

Néanmoins, ne nous y trompons pas : le conseil scientifique rendra un avis qui sera fonction des moyens et des innovations mis en œuvre pour permettre le bon déroulement de ces élections.

Ma question est simple, madame la ministre : quelles propositions d’organisation de notre vie démocratique pouvez-vous mettre en avant pour faciliter une réponse positive du conseil scientifique à la tenue de ce temps fort de notre démocratie ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Mickaël Vallet, je répondrai très clairement à la question que vous posez.

Je le ferai d’autant plus volontiers que j’ai eu le plaisir et l’honneur de représenter le Gouvernement ici même pendant plusieurs heures, quand nous avons débattu, ensemble, de la question de la date des élections départementales et des élections régionales. Le Sénat et l’Assemblée nationale ont acté le fait, lors de l’examen de cette loi de report, que ces élections se tiendraient les 13 et 20 juin prochain.

Le Gouvernement, comme il s’y était engagé, a d’ailleurs immédiatement publié dès le mois de mars le décret de convocation des électeurs pour les 13 et 20 juin prochain.

Dans cette loi que nous avons discutée et que vous avez votée, il est également fait mention du rapport du conseil scientifique, qui doit être présenté et transmis par le Gouvernement au Parlement avant le 1er avril.

À l’heure actuelle, nul ne dispose du contenu du rapport du conseil scientifique, mais finalement c’est bien le Parlement qui aura le dernier mot, puisque, en fonction des résultats de ce rapport, dont il aura eu connaissance, le Parlement sera amené à se prononcer.

Je veux vous dire très simplement, au nom du gouvernement de Jean Castex, que nous souhaitons que les élections régionales, à ce stade, puissent se maintenir le 13 et le 20 juin, comme cela a été voté par le Parlement. (Exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

M. Rachid Temal. Avec quelles mesures ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. D’ailleurs, je travaille avec Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur, auquel je suis rattachée, en lien avec les maires et les collectivités, à un protocole sanitaire strict, qui réponde à toutes les mesures que vous avez votées, notamment la mutualisation des fonctions d’assesseur et de président de bureau de vote.

Il s’agit de faire en sorte que la démocratie continue et que les élections régionales se tiennent bien les 13 et 20 juin prochain,… (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Et les départementales ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. … ainsi que les élections départementales. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Vous vous souvenez enfin des départements !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. C’est pourquoi des bureaux de vote seront mutualisés, pour que les deux scrutins puissent bien avoir lieu à ces dates. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour la réplique.

M. Mickaël Vallet. J’entends bien, madame la ministre, que les élections doivent se tenir « quoi qu’il en coûte », selon l’expression consacrée.

Ces six derniers mois, l’Allemagne, les États-Unis, le Kosovo, la Côte d’Ivoire, la Suisse, le Niger et cinquante autres États ont tous fait en sorte que leurs élections se tiennent. Mais la cinquième puissance mondiale demeure dans le doute à trois mois d’un scrutin !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. François Patriat. Vous n’avez pas écouté la réponse de la ministre !

M. Mickaël Vallet. Ces six derniers mois, sur les différentes travées du Sénat, ont été proposés la double procuration, le vote par correspondance, l’étalement du vote sur trois jours, et j’en passe !

Le Gouvernement a rejeté toutes ces innovations démocratiques, qui valaient pourtant bien les grands débats de 2019 et la Convention citoyenne de 2020. La démocratie aurait gagné à ce que vous vous saisissiez de nos propositions.

Sur le bon déroulement des élections, chacun devra assumer ses responsabilités. Le Sénat, lui, en formulant ses propositions, a déjà pris les siennes ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

nouvelles mesures pour lutter contre la pandémie

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le Premier ministre, lors de la réunion du mercredi 17 mars du comité de liaison parlementaire pour la gestion de la crise sanitaire, qui a rassemblé sous votre présidence plusieurs de vos ministres, le président du Sénat et les présidents des groupes de la Haute Assemblée, je vous ai demandé, au nom du RDSE, de retarder le début du couvre-feu de dix-huit heures à vingt heures, en raison de l’allongement de la durée du jour et de l’arrivée de l’heure d’été.

Vous m’avez répondu que l’heure d’été posait problème et vous avez annoncé le lendemain le décalage du couvre-feu de dix-huit heures à dix-neuf heures, faisant ainsi gagner une heure de jour, de lumière et de liberté à nos concitoyens. Je voudrais vous en remercier.

M. Emmanuel Capus. Très bien !

M. Jean-Claude Requier. Pour les seize départements les plus touchés par la pandémie, vous avez ensuite annoncé une troisième variante de confinement, une troisième voie, à savoir un confinement « moins confiné », toujours vigilant dans l’espace privé, mais plus large dans l’espace public, permettant aux habitants de se déplacer davantage que lors des précédents confinements.

Toutefois, c’était sans compter samedi sur la fameuse attestation dérogatoire de deux pages, avec quinze motifs de déplacements retenus et trois limites fixées à 1 kilomètre, à 10 kilomètres et à 30 kilomètres…

Cette attestation a aussitôt été qualifiée de « chef-d’œuvre bureaucratique ». (Marques dapprobation sur de nombreuses travées.) Vous l’avez supprimée le dimanche, puis ressortie en version simplifiée.

Cette complexité et ces excès de normes contribuent à aggraver la morosité, la lassitude et la fatigue de nos concitoyens, mis à rude épreuve depuis un an.

Monsieur le Premier ministre, en cas d’aggravation de la pandémie, quelles mesures envisagez-vous de prendre dans les seize départements de la zone rouge et dans ceux de la zone verte ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le sénateur Requier, je vous remercie, tout d’abord, d’avoir rappelé le processus de concertation que j’organise de manière régulière avec les présidents des différents groupes du Sénat, comme du reste de l’Assemblée nationale, avant toute prise de décision.

Je vous remercie également d’avoir observé que, contrairement à ce que je peux entendre ici ou là, ces concertations sont des exercices extrêmement utiles et que je tiens le plus grand compte des observations formulées lors de ces réunions.

M. Rachid Temal. Cela ne s’est pas vu !

M. Jean Castex, Premier ministre. Vous venez, en particulier, de faire référence à l’heure du couvre-feu. Les arguments que vous avez invoqués, notamment le passage à l’heure d’été, étaient parfaitement pertinents.

En réponse à votre question, monsieur le sénateur, le Gouvernement va continuer dans cette stratégie, qui est d’abord territorialisée. J’y insiste, car il s’agit également d’une demande régulièrement exprimée par le Sénat. Je dois dire ici que nous maintiendrons cette stratégie autant que cela sera possible.

Il n’a échappé à personne, sur aucune travée de cette assemblée, que nous sommes face à une troisième vague particulièrement virulente. (Manifestations de surprise feinte sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

Je sais que vous aimez toutes et tous observer ce qui se passe dans les pays étrangers, en Allemagne, en Italie, etc. Aussi, posons les choses telles qu’elles sont : nous sommes confrontés à une troisième vague extrêmement importante, qui nous conduit à prendre des mesures territorialisées et de freinage les plus adaptées possible.

Toutefois, nous pourrions effectivement, monsieur le sénateur, être conduits à les durcir, en fonction de l’évolution de la pandémie, car nous avons le devoir de nous adapter, comme nous l’avons toujours fait !

Nous tenons également compte de ce que nous avons appris l’année dernière et lors des mesures de freinage antérieures.

M. Bruno Retailleau. Bravo ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Castex, Premier ministre. Effectivement, les retours d’expérience montrent que les lieux de contamination clos sont beaucoup plus dangereux que l’espace extérieur.

M. Bernard Jomier. Ah bon ? (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. Jean Castex, Premier ministre. Par conséquent, nous avons intégré cette considération dans les mesures prises, ce qui ne signifie pas, je le dis de façon très solennelle devant le Sénat, qu’à l’extérieur on puisse faire n’importe quoi ! (Marques dironie sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

C’est pourquoi nous avons clairement défini dans l’attestation ce qu’il est possible de faire et ce qu’il n’est pas possible de faire ! (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour la réplique.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le Premier ministre, dans la gestion de cette crise, continuez à associer les élus locaux à votre réflexion et à leur faire confiance.

Par ailleurs, pour rédiger une attestation simple, fonctionnelle et applicable, vous pourriez peut-être demander un avis à un maire expérimenté, à un conseiller départemental chevronné ou peut-être même à un sénateur ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER, INDEP, UC et Les Républicains.)

vaccination dans les écoles

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Mme Sophie Taillé-Polian. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Je souhaite lui faire part d’une remontée de terrain et citer les propos des responsables de l’académie de Créteil : « Il y a eu un véritable tsunami de remontées de cas positifs par les écoles à traiter cette dernière semaine. Tous les médecins de l’éducation nationale du département sont sur le pont, mais, compte tenu du nombre très important de cas positifs signalés dans les écoles du département, il n’est pas possible de répondre dans des délais satisfaisants. »

Un médecin du Val-de-Marne le confirme : il y a plus de 600 situations de retard – soit autant d’écoles que dans le département ! – pour traiter les demandes qui se multiplient, eu égard à l’augmentation des cas positifs. Voilà la réalité du terrain !

Dans les écoles, vous êtes aujourd’hui débordés. Il n’y a pas de réponse dans les temps pour décider des éventuelles fermetures ou pour mettre en œuvre avec rigueur le « tester, isoler, tracer ». Cela suscite de la confusion et de mauvaises décisions.

Il n’y a pas de remplaçants en nombre suffisant, donc on mélange les élèves pour poursuivre l’accueil, au mépris du protocole sanitaire.

Il n’y a pas de moyens de protection des personnels enseignants ou éducatifs pourtant en première ligne. Certes, il est question de leur ouvrir un accès à la vaccination, comme ils le demandent, mais donnez-leur déjà des masques ! Ces derniers n’ont pas été remplacés depuis le mois de septembre et les personnels se contentent des masques en tissu distribués, qui ne sont même pas de catégorie 1 !

Il n’y a pas de réponse pour les collèges qui demandent à faire des rotations, comme dans les lycées, pour limiter l’accès à la restauration scolaire.

Enfin, il n’y a pas d’anticipation pour utiliser, quitte à les prolonger un peu, les prochaines vacances, afin que celles-ci soient l’occasion d’un freinage puissant.

Comme vous, monsieur le ministre de l’éducation nationale, nous voulons que les écoles restent ouvertes, mais pas n’importe comment ! Quand allez-vous prendre les mesures fortes qui sont nécessaires pour que la situation revienne sous contrôle ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’éducation prioritaire.

Mme Nathalie Elimas, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de léducation prioritaire. Madame la sénatrice, en cette période si particulière, nous avons deux responsabilités. La première est d’assurer la protection de nos élèves et de nos personnels. La seconde est de garantir la réussite scolaire.

Afin de garantir la protection de nos élèves et de nos personnels, je vous rappelle que nous avons déployé des protocoles sanitaires que nous ne cessons d’adapter.

Vous avez évoqué, madame la sénatrice, la question des remplacements. Oui, il y a des remplaçants dans nos écoles : 2 200 d’entre eux ont été affectés dans le premier degré et 2 700 assistants d’éducation, ou AED, ont été affectés dans le second degré. Nous déployons également des tests antigéniques et salivaires : 320 000 tests ont été proposés… (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER.)

M. Fabien Gay. Où ça ?

M. Rachid Temal. Où sont-ils ?

Mme Nathalie Elimas, secrétaire dÉtat. … et 200 000 tests ont été réalisés, avec un taux de positivité dans nos établissements qui oscille entre 0,3 % et 0,5 %.

Comme je l’ai rappelé, notre second objectif est de garantir la réussite de nos élèves. Avec Jean-Michel Blanquer et l’ensemble des membres du Gouvernement, j’ai une conviction : l’école, c’est important, notamment pour nos élèves les plus fragiles. Il faut lutter contre le décrochage scolaire !

Il suffit d’observer, madame la sénatrice, le résultat des évaluations nationales et de comparer les résultats de septembre avec ceux de janvier. Et c’est parce que nos écoles sont ouvertes, c’est parce qu’il y a cette exception française qui fait notre fierté que nous sommes parvenus à rattraper les différences et que nous avons résorbé l’écart qu’il y avait entre les zones d’éducation prioritaire et les autres.

Le Président de la République a annoncé hier l’élargissement de la politique vaccinale, notamment le déploiement d’une campagne ciblée. Madame la sénatrice, nos professeurs pourront en bénéficier d’ici à quelques semaines ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour la réplique.

Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la secrétaire d’État, il n’y a pas que les professeurs à vacciner. Il y a toute la communauté éducative et tous les personnels !

À l’école Hautes Bruyères de Villejuif, pour obtenir des remplaçants, les parents ont été obligés de se mobiliser, de menacer et même d’occuper l’établissement ! Si vous pensez être à la hauteur de la situation, vous vous trompez. Il faut des moyens supplémentaires, notamment des remplaçants, pour mettre un terme à l’actuel brassage des élèves ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

situation préoccupante de la filière viande

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Franck Menonville. Ma question s’adresse au ministre de l’agriculture et porte sur les difficultés rencontrées actuellement par la filière de viande bovine.

En 2020, alors même que les ventes de viandes bovines françaises ont progressé, le prix payé aux éleveurs n’a cessé de chuter, pour aboutir à un résultat particulièrement alarmant. Selon la Fédération nationale bovine, les éleveurs ont dû vivre avec moins de 700 euros par mois l’année dernière.

La France est pourtant le premier producteur européen de viande bovine, avec 485 000 emplois qui contribuent à l’animation de nos territoires et façonnent nos paysages. La viande rouge représente 63 % de la viande consommée en France et fait partie intégrante de notre patrimoine gastronomique.

Nous ne pouvons pas regarder sans réagir nos éleveurs disparaître en raison de prix inexplicablement bas, à l’image du cours des jeunes bovins.

Nous ne pouvons pas laisser les éleveurs continuer de vendre leurs animaux à un prix inférieur d’environ un euro du kilogramme à leur coût de production, un coût de production qui ne cesse d’ailleurs de croître.

La crise des éleveurs est accentuée par l’augmentation des prix des matières premières nécessaires à l’alimentation du bétail, ravivant ainsi des tensions sur le partage de la valeur ajoutée.

La loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Égalim, porteuse d’espoirs, censée rééquilibrer les relations commerciales entre agriculteurs, transformateurs et grande distribution, tarde à porter ses fruits. En pleine négociation de la politique agricole commune, la PAC, les inquiétudes se font grandes.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour soutenir concrètement et dans la durée l’élevage français, pour lui redonner de nouvelles perspectives ?

Au-delà des aides déjà annoncées, les éleveurs ont besoin de soutiens structurels. Quelles mesures comptez-vous prendre pour rendre la loi Égalim efficiente ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Emmanuel Capus. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Julien Denormandie, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le sénateur, votre question porte sur la loi Égalim et la rémunération de nos agriculteurs.

Je vous parlerai avec beaucoup de franchise : la situation actuelle demeure inacceptable. (M. Bruno Sido applaudit.) La loi Égalim a permis de faire bouger les lignes, mais force est de constater que certains, dans l’industrie et la grande distribution, ne respectent ni l’esprit ni parfois même la lettre de ce texte.

Certes, nos agriculteurs ont, chevillée au corps, la volonté de nourrir le peuple. (Marques dironie sur les travées du groupe SER.) Mais on ne peut pas leur demander de le faire, avec des produits dont la qualité est toujours plus élevée, en laissant dans le même temps s’organiser cette guerre des prix.

La montée en qualité est incompatible avec la guerre des prix. Face à une telle situation, nous devons faire preuve de fermeté et aller plus loin par rapport à la loi Égalim. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Les négociations commerciales sont un rapport de force. Je l’ai toujours dit, l’État est entré dans ce rapport de force. Songez, monsieur le sénateur, qu’en l’espace de six semaines nous avons réalisé l’équivalent de six mois de contrôles. Je le dis avec fermeté, dans notre République, la loi doit être appliquée. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, a donc démultiplié les contrôles. (Marques dironie sur les travées du groupe SER.)

Au-delà de ce rapport de force, il nous faut aller plus loin sur la loi Égalim, comprendre ce qui ne fonctionne pas et déterminer ce qu’il nous faut modifier. C’est tout le sens des travaux que j’ai confiés à Serge Papin, l’ancien président de Système U, qui me remettra ses recommandations demain.

Il s’agit d’aller plus loin dans la voie de la contractualisation et de la transparence, pour, finalement, trouver des solutions – probablement législatives, d’ailleurs –, afin de mettre un terme à cette contradiction entre la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, que vous connaissez bien et qui était une loi de déflation, et la loi Égalim, qui vise à mieux rémunérer.

Ces deux lois doivent être mieux coordonnées. Des avancées sont nécessaires en ce sens, je m’engage à tenir cet objectif, sous l’autorité du Premier ministre, car c’est une question de souveraineté ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

situation de l’unef

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jérôme Bascher. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, à la fin de la semaine dernière, la présidente de l’Union nationale des étudiants de France, l’UNEF, a avoué organiser des réunions réservées aux personnes de couleur.

L’UNEF a donc désormais comme critère la couleur de peau dans ces réunions dites « racisées », mais pas « racistes » !

Hélas, ce syndicat n’en est pas à un coup d’essai. En 2019, il a tenté d’empêcher une représentation de la pièce d’Eschyle et a considéré l’émotion ressentie par les Français lors de l’incendie de Notre-Dame de Paris comme « un délire de petit blanc ».

M. Bruno Sido. C’est honteux !

M. Jérôme Bascher. On pourrait parler aussi de la récente affaire de l’Institut d’études politiques de Grenoble.

Aujourd’hui, l’arsenal juridique français permet de sanctionner toutes les formes de discriminations, particulièrement lorsqu’elles se fondent sur l’origine et la couleur de la peau. Le délit de provocation à la discrimination existe. Pourquoi n’y faites-vous pas référence ? Qu’attendez-vous pour simplement appeler à l’application de la loi pénale ?

Au-delà de l’action judiciaire, chaque année, l’UNEF perçoit une subvention de 600 000 euros de l’État. Aussi, l’État doit-il continuer à financer l’organisation de réunions « racisées » ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Mme Frédérique Vidal, ministre de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation. Monsieur le sénateur Bascher, les réunions que vous avez mentionnées sont inacceptables, et je les condamne.

Pourquoi sont-elles inacceptables ? Parce qu’elles trahissent les valeurs fondamentales de notre République, des valeurs que nous défendons tous ici. L’une des valeurs longtemps défendues par l’UNEF elle-même est l’universalisme ; je regrette qu’une partie de cette organisation semble manifestement s’en éloigner, au travers de ces réunions.

M. Bruno Retailleau. Alors, agissez !

Mme Frédérique Vidal, ministre. Pourquoi sont-elles regrettables ? Parce qu’elles sont contraires à l’objectif même qu’elles prétendent viser : la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

La lutte contre le racisme et l’antisémitisme – je suis sûr que nous sommes tous d’accord sur ce point – est l’affaire de tous. Par conséquent, oui, je condamne ces réunions et, oui, je regrette qu’au moins une partie des membres de l’UNEF cède à ces dérives.

Vous savez sans doute que ces réunions se tenaient apparemment à l’extérieur des universités, dans la sphère privée. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous le savez comme moi, il est facile d’en appeler à la loi, mais le terrain sur lequel nous devons nous placer, avant toute chose, c’est vraiment celui des valeurs.

Nous devons donc demander à l’UNEF de clarifier ses positions et ses valeurs. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Sido. Il faut une loi pénale !

Mme Frédérique Vidal, ministre. Ce sont les étudiants qui jugent de cela, et ils le feront, notamment dans les urnes. Nous avons besoin de corps intermédiaires. L’UNEF est aujourd’hui la deuxième organisation représentative des étudiants en France. Nous devons donc nous préoccuper des valeurs que l’UNEF porte.

Nous avons besoin de l’engagement de tous les étudiants pour proposer des solutions.

Nous avons besoin de corps intermédiaires pour définir avec eux quelles réponses sont les meilleures, mais nous devons aussi leur rappeler que l’universalisme n’est pas réservé aux livres d’histoire. C’est une valeur moderne, utile, exigeante : une valeur qui fait la grandeur de notre nation.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour la réplique.

M. Jérôme Bascher. J’avais déjà interrogé le Gouvernement il y a trois ans sur la candidate vice-présidente voilée de l’UNEF. Le Gouvernement, à l’époque, avait répondu qu’il ferait tout pour défendre les valeurs de la République.

Soit vous n’avez rien fait, soit votre discours performatif est tout aussi efficace que pour lutter contre le covid ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Comme dirait le ministre de l’intérieur, votre réponse est un peu molle ! Quid des 600 000 euros d’aide de l’État et d’une possible action judiciaire ? Vous n’avez pas répondu sur ces points.

L’UNEF est aujourd’hui à l’opposé des valeurs françaises. Ne laissons pas le pire du monde anglo-saxon nous envahir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

tensions diplomatiques avec la chine

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Cadic. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

« Petite frappe », « hyène furieuse », voilà le langage fleuri utilisé par l’ambassade de Chine pour qualifier le chercheur Antoine Bondaz, à la suite de son rapport Taïwan, une puissance diplomatique à part entière.

Parallèlement, cette ambassade a adressé une lettre à notre groupe sénatorial d’échanges et d’études avec Taïwan. L’ambassadeur de Chine Lu Shaye s’est fermement opposé au déplacement de sénateurs français à Taïwan et a menacé ceux qui s’y rendraient.

Comme l’an dernier, à la suite d’outrances similaires, le ministre a de nouveau convoqué ce triste diplomate, dont les saillies donnent une bien piteuse image de la Chine, le grand pays avec lequel nous aimerions avoir d’autres relations. Il a eu raison d’agir avec fermeté.

La France et le Sénat ne reçoivent pas de consignes du parti communiste chinois. Pour mener le combat idéologique majeur qui nous oppose à la Chine, l’Europe ne peut qu’être unie, nous disiez-vous en octobre dernier.

Grâce aux médias, le monde découvre peu à peu avec effroi l’emprise de la dictature du régime de Pékin sur tout le peuple chinois, avec l’aide des nouvelles technologies.

Lundi dernier, pour la première fois depuis la répression de Tiananmen, l’Union européenne a imposé des sanctions aux Chinois ayant commis de graves atteintes aux droits de l’homme au Xinjiang contre la minorité musulmane ouïgoure.

En réponse, la Chine a sanctionné dix parlementaires européens et des entités de l’Union européenne.

Lors de la réunion qui s’est tenue hier entre le ministre et ses homologues européens à Bruxelles, M. Le Drian a-t-il envisagé de prendre de nouvelles dispositions vis-à-vis de Pékin ? Pense-t-il que les conditions sont réunies pour ratifier l’accord commercial de l’Union européenne avec la Chine ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.

M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de lattractivité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Olivier Cadic, Jean-Yves Le Drian est retenu par des réunions au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, l’OTAN.

En ce qui concerne l’ambassadeur de Chine, j’ai été, comme vous, monsieur le sénateur, et comme tous nos concitoyens, profondément choqué par ses récents propos et par sa conduite.

Je rappelle devant vous l’évidence : les parlementaires français décident librement de leurs projets de déplacement et de leurs contacts.

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Franck Riester, ministre délégué. Ses propos inacceptables ont valu à M. Lu Shaye d’être convoqué hier matin au ministère de l’Europe et des affaires étrangères, comme vous l’avez rappelé.

M. Christian Cambon. Il n’est pas venu !

M. Franck Riester, ministre délégué. Il a été sommé de prendre la mesure de la gravité de la situation.

Les polémiques publiques, les tentatives d’intimidation, l’insulte et l’invective contre les élus de la République, les institutions académiques, les chercheurs, les médias et, plus largement, la société civile : tout cela n’est pas tolérable dans notre République et n’a absolument pas sa place dans les relations entre la France et la Chine.

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Franck Riester, ministre délégué. Pour ce qui concerne les mesures annoncées par la Chine en réponse aux sanctions européennes auxquelles vous avez fait référence, notamment à l’encontre de membres du Parlement européen ou des parlements nationaux, comme le député européen Raphaël Glucksmann, de chercheurs et de diplomates, nous les avons fermement et fortement condamnées.

J’en profite pour souligner, comme vous l’avez fait, que c’est la première fois depuis trente ans que l’Union européenne adopte des sanctions à l’encontre de la Chine.

Cette décision historique est légitime et nécessaire. Il a été solennellement demandé à l’ambassadeur de Chine de rapporter à Pékin que ce n’est pas en attaquant ceux qui ont dénoncé les violations commises ou en s’en prenant à la liberté académique, à la liberté d’expression et aux libertés démocratiques fondamentales que la Chine répondra aux préoccupations légitimes exprimées sur la situation des droits de l’homme au Xinjiang.

S’agissant de nos relations commerciales, la Chine est un partenaire économique incontournable à l’échelle mondiale, mais nos relations ne doivent ni se faire au détriment de nos principes, de nos valeurs et du modèle de société que nous défendons, ni être exemptes de réciprocité.

En ce qui concerne spécifiquement l’accord d’investissement entre l’Union européenne et la Chine, les derniers développements, qui sont graves – je pense notamment aux sanctions contre les parlementaires européens –, nous confortent dans notre volonté d’être très fermes sur nos exigences, notamment s’agissant du travail forcé, lors des discussions à venir. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour la réplique.

M. Olivier Cadic. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Dans son communiqué, le ministère chinois des affaires étrangères a annoncé que les dix ressortissants de l’Union européenne sanctionnés et leurs familles sont dorénavant interdits d’entrée dans la partie continentale de la Chine et dans les régions administratives spéciales de Hong Kong et Macao.

En omettant de citer Taïwan, tout le monde peut constater que Pékin reconnaît implicitement la souveraineté de Taïwan sur son territoire. Rien ne devrait donc plus s’opposer à ce que Taïwan siège au sein de l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, et d’Interpol ! (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes SER et Les Républicains.)

M. André Gattolin. Bravo !

situation des travailleurs des plateformes numériques

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail, mes chers collègues, le 4 juin dernier, le Sénat a rejeté la proposition de loi que j’ai déposée avec mon collègue Fabien Gay et le groupe communiste républicain citoyen et écologiste et qui portait sur le statut des travailleurs des plateformes numériques de travail.

Cette proposition de loi visait à appliquer le droit social à la relation de travail unissant ces plateformes, telles qu’Uber ou Deliveroo, et leurs travailleurs qui sont dits « indépendants », alors qu’ils sont soumis à leur management algorithmique.

L’intégration dans le livre VII du code du travail que nous proposions leur permettait d’accéder à la protection du salariat, tout en renforçant la demande d’une autonomie collective – je parle bien d’autonomie, et non d’indépendance – des travailleurs.

En dépit de notre main tendue à votre gouvernement et à tous les groupes de cette assemblée, la droite a voté contre et le groupe socialiste s’est abstenu.

Pourtant, les décisions de justice qui se multiplient en Europe nous donnent raison, que ce soit aux Pays-Bas, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni, et même en France ! Toutes confirment notre position : la requalification en salariat fait foi.

Je vous le demande donc, monsieur le secrétaire d’État : allez-vous enfin confirmer le statut de salariés de ces travailleurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat auprès de la ministre du travail, de lemploi et de linsertion, chargé des retraites et de la santé au travail. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Savoldelli, les plateformes de mise en relation offrent, il est vrai, des possibilités d’emploi et des services qui sont de plus en plus utilisés et demandés par nos concitoyens depuis quelques années.

En cette période de crise sanitaire, nous savons qu’elles permettent aux restaurateurs de développer massivement leur offre de livraison à domicile, ce qui peut compenser pour partie les difficultés auxquelles ils font face.

Il est cependant nécessaire que ces nouvelles formes d’emploi ne se développent pas au détriment des conditions de travail et de rémunération des travailleurs indépendants qui y ont recours.

Le Gouvernement est convaincu, comme vous,…

M. Pascal Savoldelli. Moins que nous !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. … et sans doute comme l’immense majorité des sénateurs, que seul un dialogue structuré entre les plateformes et les représentants légitimes des travailleurs indépendants permettra de rééquilibrer la relation commerciale en faveur de meilleures conditions de travail. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)

La loi d’orientation des mobilités habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur les modalités de représentation des travailleurs indépendants des plateformes et les conditions d’exercice de cette représentation.

Le Premier ministre a chargé l’ancien président de la chambre sociale de la Cour de cassation, Jean-Yves Frouin, d’une mission visant à préciser ces modalités de représentation. Son rapport a été remis en décembre de l’année dernière. Élisabeth Borne a, par la suite, confié à trois personnalités qualifiées la responsabilité de mener les travaux de rédaction du projet d’ordonnance, en concertation avec les partenaires sociaux et les représentants des plateformes et des travailleurs indépendants de ces plateformes.

Ces travaux ont été menés en tout début d’année, et les préconisations présentées au groupe des partenaires sociaux le 12 mars dernier. Nous avançons ! Le projet d’ordonnance sera prochainement soumis à l’examen du Conseil d’État, en vue d’une adoption par le conseil des ministres au mois d’avril. Son ambition est de rendre effective la représentation, donc de permettre le dialogue social dans la durée avec ces travailleurs de plateforme.

Je crois, monsieur le sénateur, que nous pourrions au moins nous retrouver sur cet objectif de représentativité et de discussion équilibrée au sein de ce nouveau type d’entreprise.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, vous ne m’avez pas répondu ! Vous avez évoqué le rééquilibrage des relations commerciales et une ordonnance sur le dialogue social. Moi, je vous parle, pour les livreurs des plateformes, du code du travail ! (Lorateur brandit un exemplaire dudit code.) Je ne parle que de cela, et pas d’autre chose !

Les voyez-vous, ces livreurs qui apportent des burgers et qui, ensuite, cherchent comment ils pourraient s’alimenter… Voulez-vous d’une telle « uberisation » de la société ?

Vous méprisez les décisions de justice qui sont rendues dans toute l’Europe, vous n’écoutez pas nos propositions et vous nous vendez votre autosatisfaction teintée de moralité en proposant une usine à gaz avec tous ces textes…

Heureusement que, en politique, certains font preuve de courage et de volonté. Je voudrais saluer la ministre espagnole, Mme Yolanda Díaz, qui est communiste. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Tout s’explique !

M. Philippe Dallier. Il en reste donc !

M. Pascal Savoldelli. Eh oui ! Son pays a décidé de donner un statut de salarié aux travailleurs des plateformes, avec lesquels cette proposition a été travaillée.

M. le président. Il faut conclure.

M. Pascal Savoldelli. Appliquons le droit du travail aux travailleurs des plateformes ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

situation des petits commerces et éligibilité au fonds de solidarité

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Gruny. Ma question s’adressait à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.

Fermeture, ouverture, refermeture : les commerçants voient les décisions gouvernementales se succéder comme autant de coups de massue. Ils n’en peuvent plus : ils n’ont plus de réserves et de fonds propres, ils ont des stocks sur les bras et leurs fournisseurs et leurs banques sur le dos. Leur colère monte.

Que sont finalement les produits de première nécessité ? Le choix devient absurde. Comment expliquer à un petit commerçant respectant les gestes barrières et accueillant ses clients les uns après les autres qu’il est plus contaminant qu’un magasin de bricolage ?

Comment expliquer à une esthéticienne qu’elle doit fermer son salon de beauté quand un coiffeur a le droit d’ouvrir ?

Les commerçants, comme les Français, sont prêts à faire des efforts. Mais le Gouvernement doit leur parler clairement, sinon quel sens donner à leur sacrifice ? Vos décisions doivent être logiques et, surtout, équitables.

Nous vous attendons aussi sur la question des oubliés du fonds de solidarité.

Pourquoi les entrepreneurs qui ont repris un fonds de commerce existant sous statut de holding n’ont-ils aucune aide ? Pourquoi les bars-épiceries n’ont-ils pas une indemnisation suffisante ? Vous avez été saisi de plusieurs questions relatives au fonds d’indemnisation il y a quelques mois, et l’on attend encore les réponses.

Il est urgent d’apporter ces réponses, sinon ce sera le dépôt de bilan ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Christian Cambon. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la présidente Gruny, je veux tout d’abord souligner que les restrictions d’ouverture ou, pour être plus explicite, les obligations de fermeture qui s’imposent aux commerçants sont applicables dans la plupart des pays européens. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

La distinction entre les commerces que l’on qualifie « d’essentiels » ou « de première nécessité » et les autres – au fond, peu importe le vocabulaire – répond uniquement à des préoccupations sanitaires. Cette décision ne cache nulle volonté de stigmatiser une catégorie de commerçants plutôt qu’une autre, nulle volonté de favoriser une catégorie de commerçants plutôt qu’une autre : nous voulons freiner l’épidémie.

Puisque le Premier ministre l’évoque régulièrement, j’en viens donc directement à la question de l’indemnisation. Le fonds de solidarité, que nous avons mis en place au mois de mars 2020, a d’ores et déjà accompagné 2 millions d’entreprises ; jusqu’à présent, nous avons décaissé 20 milliards d’euros de soutien auprès des entreprises.

Nous sommes le pays européen qui indemnise le plus fortement les indépendants, les commerçants et les entreprises fermées : c’est un motif de fierté que nous devons revendiquer, car nous avons le devoir de les accompagner.

Nous avons modifié le fonds de solidarité à dix-sept reprises, pour répondre au plus grand nombre de situations possibles. Nous avons notamment apporté des changements pour tenir compte, après un examen au cas par cas, des commerces qui font de la multiactivité.

Nous avons veillé à ce que les codes NAF, pour nomenclature d’activité française, et APE, pour activité principale exercée, ne soient pas des critères discriminants pour l’accès au fonds de solidarité, à tel point que 15 % des entreprises aidées n’ont pas de code APE justifiant de leur éligibilité – nous tenons compte de la réalité de leur activité.

Nous avons fait en sorte de prendre en charge les entreprises qui ont des coûts fixes particulièrement élevés. Après des discussions importantes avec la Commission européenne, le décret a permis de mettre en place une prise en charge à partir du 31 mars prochain.

Nous devons encore travailler sur deux questions : celle des stocks, que vous avez évoquée, et celle des commerces qui ont été repris et pour lesquels nous n’avons pas de référentiel en matière d’activité passée, puisqu’ils n’existaient pas ou existaient sous une autre forme. Nous avançons sur ces sujets.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Je puis vous assurer, madame la présidente Gruny, que les modifications que nous avons apportées, associées à la réactivité des services de la direction générale des finances publiques, permettent d’accompagner les commerçants et de faire face à la situation.

Nous travaillons aussi avec la Banque de France pour faciliter les conditions de remboursement du prêt garanti par l’État…

M. le président. Il faut conclure.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. … et faire en sorte que cela ne soit pas un obstacle à la reprise et à la réouverture de l’activité des commerces. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.

Mme Pascale Gruny. Monsieur le ministre, il faut commencer par assumer ses décisions : on est en confinement ou on ne l’est pas. Les commerçants, comme les Français en général, ont besoin de voir les choses clairement, d’avoir un cap, des objectifs et de la visibilité.

Là, nous n’en avons pas ! Nous avons même l’impression qu’il n’y a ni pilote dans l’avion ni capitaine dans le bateau – ou alors c’est le Titanic ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jérôme Bascher. Ou alors il y a plusieurs pilotes !

Mme Pascale Gruny. Même le ministre Alain Griset ne savait pas répondre sur le tri qui avait été opéré entre les commerces : franchement, c’est grave !

Je vous le dis sincèrement, aujourd’hui les commerçants, comme beaucoup de Français, n’en peuvent plus. Ils ont le moral à zéro.

Moi, ce qui m’inquiète, c’est de savoir où vous allez acheter votre veste pour les prochaines élections. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

décision de la turquie de quitter la convention d’istanbul contre les violences faites aux femmes

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Claudine Lepage. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

La décision de la Turquie de quitter la convention d’Istanbul, premier traité international à fixer des normes juridiquement contraignantes pour prévenir les violences sexistes et obliger les gouvernements à se doter d’une législation réprimant la violence domestique, ainsi que le viol conjugal et la mutilation génitale féminine, a été un véritable choc.

Cette décision, prise en catimini par simple décret du président Erdogan, est d’autant plus choquante qu’elle intervient quelques jours seulement après le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes.

Nos pensées et notre solidarité vont aux milliers de personnes qui ont eu le courage de manifester dans plusieurs villes turques contre cette décision brutale, ainsi qu’aux femmes turques, de plus en plus victimes de violences.

On estime en effet que, en 2020, quelque 300 femmes turques ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, un chiffre en constante augmentation ces dernières années.

Après avoir muselé l’opposition et s’être attaqué aux Kurdes, qui sont pourtant en première ligne face à Daech, le président Erdogan commet cette énième provocation à quelques jours seulement du Conseil européen, ce qui appelle une réaction forte.

L’Europe ne peut en effet rester silencieuse ou se contenter de simples communiqués face à une décision qui, de fait, encourage les féminicides.

Aussi, quelles mesures fortes compte prendre notre pays pour mettre fin à la dérive autoritaire de la Turquie ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.

M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de lattractivité. Madame la sénatrice Claudine Lepage, comme l’ont indiqué Jean-Yves Le Drian, Elisabeth Moreno et Clément Beaune samedi dernier, avec beaucoup de force, ainsi que les ministres des affaires étrangères de l’Union européennne lors du Conseil des affaires étrangères de lundi dernier, nous déplorons la décision des autorités turques de se retirer de la convention du Conseil de l’Europe dite « d’Istanbul », relative à la lutte contre les violences faites aux femmes.

Vous l’avez dit avec beaucoup de justesse, madame la sénatrice, ce retrait affectera particulièrement et en tout premier lieu les femmes turques, auxquelles la France a exprimé toute sa solidarité, alors même que, comme vous l’avez rappelé, ce pays connaît un grand nombre de féminicides, d’ailleurs en forte augmentation.

Cette décision est d’autant plus regrettable que la convention d’Istanbul représente l’instrument international le plus abouti en matière de prévention et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles et, plus largement, contre les violences faites aux femmes.

La France rappelle à ce titre qu’elle continuera de promouvoir et d’encourager l’universalisation de la convention d’Istanbul. La lutte contre toutes les formes de violences sexistes et sexuelles demeure au cœur de nos priorités de politique étrangère.

En outre, cette décision marque de nouveau une régression en matière de respect des droits de l’homme en Turquie, qui est d’autant plus symbolique que ce pays avait été le premier pays à ratifier la convention en 2011.

D’une façon générale, nous restons très vigilants sur la situation des droits de l’homme et du système judiciaire en Turquie. Les autorités turques ne peuvent pas dire vouloir se rapprocher de l’Union européenne et, en même temps, s’en éloigner sur le plan de l’État de droit et du respect des libertés fondamentales.

À n’en pas douter, ce sujet sera évoqué demain ou après-demain par le Conseil européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

sécurité

M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Pemezec. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’intérieur.

Le 15 février dernier, à Poissy, des policiers étaient victimes de tirs de mortier de la part d’une bande de jeunes mineurs. Le ministre a déclaré vouloir aider les élus en fournissant des équipements de caméras de vidéoprotection et des effectifs.

Le 26 février, à Marseille, il a annoncé l’arrivée de « 300 policiers supplémentaires, dont 100 dès 2021 ».

Voilà deux exemples annonçant, à grand renfort de communiqués, l’arrivée d’effectifs dans les quartiers.

Une chose m’intrigue : soit M. Darmanin a des policiers en réserve qui ne sont pas sur le terrain ou, pis encore, à qui leur hiérarchie interdit d’aller dans certains quartiers devenus des zones de non-droit ; soit il prend des policiers de certaines circonscriptions pour les déplacer dans d’autres, déshabillant Pierre pour habiller Paul.

Le résultat, c’est l’atteinte à notre liberté au travers d’une insécurité qui explose – en hausse de 20 % dans les villes moyennes, en particulier chez les jeunes. La délinquance violente a augmenté de 407 % en cinq ans à Paris.

Par ailleurs, 100 000 peines de prison sont en attente d’exécution ; plus de 400 jours sont nécessaires en moyenne pour faire exécuter une peine ; et les décisions d’expulsions ne sont plus exécutées.

Aujourd’hui, l’insécurité explose littéralement ! Quelle est la stratégie d’action du ministre pour rétablir l’ordre et la liberté dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Philippe Pemezec, j’ai l’honneur de vous répondre ici au nom du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin. Vous le savez, le gouvernement de Jean Castex est très fortement engagé sur les questions de sécurité.

Je voudrais évoquer plusieurs sujets.

Vous avez tout d’abord posé la question des moyens et de la manière par laquelle nous allons concrétiser les annonces faites par le ministre de l’intérieur ou le Premier ministre.

Ma réponse sera très simple : vous avez voté, ici au Sénat, le budget présenté par le Gouvernement, qui traduisait une hausse historique des crédits consacrés à la sécurité. Grâce à cette décision du gouvernement de Jean Castex, le budget de la sécurité, tout comme celui de la justice qui est confié à Éric Dupond-Moretti, a connu une augmentation, je le répète, historique. Grâce à votre vote, nous avons les moyens de nos ambitions pour la sécurité.

En ce qui concerne les décisions que vous avez évoquées, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, sillonne la France (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et SER.) et répond aux demandes des élus locaux pour garantir la sécurité des Français. C’est aussi le sens de notre stratégie nationale de prévention de la délinquance.

Vous évoquez les violences qui concernent les jeunes : vous le savez, nous nous focalisons sur les questions de la délinquance juvénile et des violences entre bandes. Plusieurs ministres sont mobilisés autour du Premier ministre pour apporter des réponses à ces problèmes.

J’ai moi-même lancé hier un comité des parents contre le harcèlement, qui intègre la police, la gendarmerie et des associations (Marques dironie sur les travées des groupes Les Républicains et SER.), pour, très concrètement, soutenir par exemple les interventions faites dans les écoles avec l’éducation nationale. Nous voulons faire de la prévention et de la répression, car l’une ne s’oppose pas à l’autre.

Je serai par ailleurs samedi prochain en déplacement avec le Premier ministre et Nadia Hai, la ministre chargée de la politique de la ville. Dans le cadre du comité interministériel de la ville, nous avons arbitré en faveur de nouveaux moyens, notamment pour la vidéoprotection, afin de garantir la sécurité de tous et de toutes.

Je terminerai mon propos en saluant les résultats de la police et de la gendarmerie en ce qui concerne le harcèlement de rue.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Vous avez voté en 2018 une loi pour verbaliser le harcèlement de rue et garantir la sécurité des femmes, notamment les plus jeunes, particulièrement dans les quartiers difficiles.

Mme Laurence Rossignol. Avec un numéro vert ? (Sourires sur les travées du groupe SER.)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. J’ai le plaisir de vous annoncer que plusieurs milliers de verbalisations ont été dressées grâce à l’engagement des forces de l’ordre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour la réplique.

M. Philippe Pemezec. Madame la ministre, vous êtes encore dans les effets d’annonce.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je n’ai rien annoncé !

M. Philippe Pemezec. Cela fait tout de même quatre ans que M. Macron et vous-même êtes au pouvoir.

La crise sanitaire ne suffira pas à masquer une réalité qui saute aux yeux des Français. L’État obèse veut tout faire et fait tout mal sous le poids de sa technostructure.

L’État n’assure même plus ses missions régaliennes. Dans le domaine de la santé, nous avons des retards de vaccination ; en matière d’alimentation, il faudra importer à partir de 2023 pour nourrir les Français ; en matière d’éducation, nous assistons à un déclassement à tous les niveaux ; dans le domaine industriel, nous avons bradé nos entreprises pour des intérêts financiers ; quant à l’immigration, elle n’est pas gérée et nous laissons entrer chez nous la terre entière. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Le virus de la délinquance a atteint le taux d’incidence le plus élevé que l’on ait jamais connu, faute de courage. Mais cela dure depuis des années !

Quand allons-nous passer de la communication à l’action ?

M. François Patriat. Pas avec Les Républicains !

M. Philippe Pemezec. Quand allons-nous songer à reconstruire une France pacifiée, dans laquelle les citoyens se sentiraient en sécurité et seraient de nouveau fiers de leur pays ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

politique agricole commune et aide aux éleveurs

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, vous affichez régulièrement votre attachement aux éleveurs.

Vous rendez, à juste titre, hommage à ceux qui travaillent 70 heures par semaine pour nourrir les Français, tout en vivant avec quelques centaines d’euros par mois.

Vous dites votre fierté du modèle d’élevage bovin « à la française », extensif, familial, herbager, reconnu comme le plus durable au monde, bien loin des feedlots canadiens ou brésiliens, qui concentrent des milliers d’animaux élevés aux antibiotiques, mais qui pénètrent toujours plus les marchés européen et français par le cheval de Troie que constituent les traités commerciaux.

Monsieur le ministre, votre soutien est précieux, mais vos actes sont déterminants.

Aujourd’hui, la situation des éleveurs, notamment des 80 000 éleveurs bovins, continue de se dégrader. Ils s’enfoncent dans la pauvreté et le désespoir, jusqu’à l’acte ultime, comme l’analyse le rapport de nos collègues Françoise Férat et Henri Cabanel, qui vous a été remis, me semble-t-il, ce matin.

Trois ans après son vote, la loi Égalim (loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous) se révèle impuissante à garantir à ces éleveurs des prix couvrant leurs coûts de production. « La faute de la filière qui n’arrive pas à s’organiser », selon vous, ou « à l’Europe qui empêche la France d’imposer les coûts de production comme socle des négociations commerciales ».

Pourtant, dans les débats qui s’engagent sur la politique agricole commune, la PAC, il semblerait que vous vous apprêtiez à priver ces éleveurs de près de 250 millions d’euros d’aides selon la filière, oubliant ainsi vos promesses de redistribution vers les agriculteurs les plus démunis, vers les zones à faibles rendements, qui n’ont pas ou peu d’autres options et qui sont déjà les mal-lotis des PAC antérieures. C’est la triple peine !

Ce choix n’est ni celui de la filière ni celui de l’Europe. Est-il donc le vôtre, monsieur le ministre ? En avez-vous mesuré les conséquences humaines, économiques et sociales ? Au-delà, quelle est finalement votre vision de l’avenir de l’élevage en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Julien Denormandie, ministre de lagriculture et de lalimentation. Madame la sénatrice Loisier, vous m’interrogez sur ma vision de l’élevage en France. Vous la savez, ma vision de l’agriculture française est une vision de souveraineté : il n’y a pas de pays fort sans une agriculture forte. Et parmi les pans de notre agriculture, il y a l’élevage.

Aujourd’hui, nous sommes face à de nombreux défis, dont le premier est celui de la création de valeur au sein de la filière de l’élevage. Vous avez évoqué les filières et les débouchés, un sujet dont nous avons souvent discuté : de nombreux éleveurs sont dépendants de marchés à l’international, comme le marché italien.

Face à ces défis, le plan de relance prévoit non seulement des financements importants – on pourrait citer les 50 millions d’euros pour la création de valeur par les filières –, mais également des aides conjoncturelles. Avec le Premier ministre, je me suis rendu dans la Creuse, il y a quelques semaines, pour annoncer une aide de 60 millions d’euros destinée à nos éleveurs.

Au-delà de ces aides conjoncturelles, la question est de réussir à mieux structurer sur le long terme. Je ne reviens pas sur ce point que j’ai évoqué précédemment, mais la mère des batailles, c’est la loi Égalim, que vous avez citée.

Or ce sujet dépend non pas de l’Europe, mais des moyens que la France peut déployer au niveau national pour aller plus loin et arrêter le jeu de dupes, mortifère, pratiqué par certains pour empêcher une montée en qualité, tout en menant une guerre des prix. La responsabilité est entre nos mains : à nous de faire bouger les lignes. C’est ce que je veux faire sur la base des propositions que me remettra Serge Papin demain.

Toujours d’un point de vue structurel, se pose ensuite la question de la politique agricole commune : quelle sera notre agriculture en 2027 ? La PAC doit accompagner la volonté de souveraineté et la création de valeur par les filières que j’évoquais, en prenant en compte la réalité de notre territoire.

Vous venez, madame la sénatrice, d’un territoire situé dans une de ces zones intermédiaires que nous avons souvent évoquées, pour lesquelles je connais votre engagement et qu’il faut absolument préserver. La réalité de nos territoires, ce sont aussi les zones difficiles ou les zones de montagne.

M. le président. Il faut conclure.

M. Julien Denormandie, ministre. Les négociations, les discussions et les consultations sur cette politique agricole commune sont aujourd’hui toujours en cours. Nous allons les mener à terme, pour aboutir à une PAC souveraine, plus juste et qui tienne compte des réalités de nos territoires. (M. François Patriat applaudit.)

stratégie vaccinale

M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Chantal Deseyne. Ma question s’adressait à M. le ministre des solidarités et de la santé.

L’épidémie flambe, et les chiffres de la vaccination restent en deçà des prévisions. Dès le mois de décembre dernier, M. le ministre de la santé a déclaré qu’il était impératif d’optimiser l’organisation de la vaccination, pour utiliser toutes les doses contenues dans les flacons, quel que soit le vaccin, afin de ne jamais être contraint de jeter les doses surnuméraires.

Alors même que nous sommes tributaires des approvisionnements en vaccins, de nombreux médecins semblent ne pas pouvoir récupérer les doses surnuméraires. Plusieurs départements sont confrontés à cette situation ; j’ai été alertée, notamment, par les départements du Maine-et-Loire, de la Savoie et de la Haute-Saône.

Le recueil de la dernière dose, pourtant si précieuse, ne serait pas possible faute de seringues disponibles en nombre suffisant. Ainsi, 15 % des vaccins AstraZeneca et 10 % des vaccins Moderna seraient jetés.

Si l’on ajoute à cela les doses de vaccin AstraZeneca jetées à la suite de la suspension de la vaccination décidée par le Président de la République, on a le sentiment d’assister à un véritable gâchis, au moment où l’épidémie est sur le point de devenir hors de contrôle…

S’agit-il d’un problème de pénurie de seringues, comme cela m’a été rapporté, ou d’un défaut d’information des agences régionales de santé, les ARS ?

Par ailleurs, pour vacciner les populations éloignées des centres de vaccination, ne serait-il pas possible de favoriser des équipements mobiles, au plus près de la population, avec l’appui des élus locaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la sénatrice, permettez-moi de ne pas vous rejoindre dans vos propos ; je ne puis vous laisser parler de gâchis.

En cette période d’intensification de notre politique vaccinale, nous devons envoyer des signaux de confiance à nos concitoyens ; nous sommes à un moment clé, puisque la vaccination constitue, vous le savez, le cœur de la bataille contre le covid-19, comme le Président de la République l’indiquait encore, voilà quelques jours.

À ce stade, quelque 8,6 millions de doses ont été injectées à nos concitoyens, soit une couverture de plus de 10 % de la population âgée de plus de 18 ans.

C’est vrai, l’enjeu, et même la priorité, c’est de ne laisser aucune dose dormir dans les réfrigérateurs. Mais, sachez-le, madame la sénatrice, en moyenne, le taux d’utilisation des vaccins atteint 80 %, et même 90 % pour le vaccin Pfizer, le plus important quantitativement ; nous sommes donc quasiment en flux tendus.

Vous le savez, notre campagne vaccinale dépend beaucoup de la livraison de doses de vaccin à notre pays, et celle-ci va s’accentuer à la fin du mois de mars, avec la fourniture de 10 millions de doses de vaccin Pfizer et de 1,5 million de doses de vaccin Moderna, ainsi que de près de 500 000 doses du vaccin Janssen, qui nous seront livrées à compter du mois d’avril.

Pour optimiser cette stratégie vaccinale, nous allons, d’une part, permettre la montée en charge des centres de vaccination déjà existants, afin qu’ils puissent atteindre 1 000 à 2 000 vaccinations par jour, et, d’autre part, créer les trente-cinq « vaccinodromes » que j’évoquais précédemment, avec la mobilisation de l’ensemble des professionnels de santé et de l’armée.

En outre, il existe déjà dans les territoires, en lien avec les élus locaux – même à Prades, si j’ai bien compris –,… (Sourires.)

M. Jean Castex, Premier ministre. Absolument !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. … des équipes mobiles qui font des actions d’« aller vers », destinées aux populations les plus isolées,…

M. le président. Il faut conclure.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. … afin que notre stratégie soit optimale.

M. Bruno Sido. Vous ne répondez pas à la question !

M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour la réplique.

Mme Chantal Deseyne. Vous m’avez partiellement répondu, monsieur le secrétaire d’État.

Je vous ai rapporté des informations qui me sont remontées du terrain. Je suis d’accord avec vous : pour sortir de cette crise et de cette pandémie, il faut une vaccination massive ; donc, allons-y, vaccinons, vaccinons ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

système de combat aérien du futur

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, madame la ministre des armées, mes chers collègues, en 2017, la France et l’Allemagne lançaient deux projets ambitieux : le futur système de combat aérien – le SCAF, ou système de combat aérien du futur –, dont nous aurions le pilotage, et le futur char de combat – le Main Ground Combat System, ou MGCS –, sous pilotage allemand.

Ces projets permettaient, d’une part, de consolider la coopération franco-allemande, dans la lignée du traité d’Aix-la-Chapelle, et, d’autre part, de concrétiser notre vision d’une défense européenne forte et autonome, sur laquelle il existe, en tout cas en France, un consensus.

Néanmoins – je le dis sous le contrôle de mes collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées –, nous observons depuis longtemps, lors de nos nombreuses rencontres avec les parlementaires allemands, que notre vision de l’autonomie stratégique européenne ne semble pas partagée outre-Rhin, ni par le Bundestag ni, d’ailleurs, par la ministre allemande de la défense.

Entendons-nous s’exprimer ces réserves de l’Allemagne, dont les objectifs géopolitiques et les besoins militaires, donc opérationnels, sont très différents des nôtres ?

Pas vraiment, puisqu’il aura fallu attendre la médiatisation de l’entretien de l’un de nos grands industriels, suivie de l’audition, au Sénat, des présidents de Dassault Aviation et d’Airbus Defence and Space, pour révéler au grand jour la situation de blocage dans laquelle nous nous trouvons.

Nous avons donc, d’un côté, une France pour qui l’avenir est européen, donc franco-allemand, qualificatif que nous étendons au secteur de la défense, et, de l’autre, une Allemagne qui demeure profondément attachée aux liens transatlantiques et à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, l’OTAN.

Ces projets industriels seraient-ils au service de l’affichage de l’entente parfaite avec l’Allemagne, à laquelle nous aspirons tant ?

Finalement ma question est simple : qui, en France, décide de la politique industrielle de défense ? Brienne ? Le Quai d’Orsay ? Les deux, peut-être ? Plus généralement, jusqu’où sommes-nous prêts à fragiliser notre base industrielle au service d’un projet politique qui semble, malheureusement, de moins en moins partagé par notre partenaire, ce dont nous nous désolons ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. André Guiol applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Madame la sénatrice Hélène Conway-Mouret, vous me donnez l’occasion de faire un point d’étape sur le projet du SCAF, le système de combat aérien du futur, qui est très simple : il faut continuer de préparer les démonstrations technologiques avec nos partenaires, travaux très ambitieux, mais indispensables.

Ce programme est emblématique de l’ambition qui nous anime : assurer le développement d’une industrie européenne aéronautique et de défense qui soit à la pointe de la technologie et capable de répondre à nos besoins d’armement dans la durée.

Deux contrats sont en cours : le premier, relatif à l’étude d’architecture, a été signé en février 2019 pour un montant de 65 millions d’euros sur deux ans ; le second, relatif à la première phase de recherche et technologie, autrement dit au lancement du démonstrateur qui volera en 2026, a été signé en février 2021, pour un montant de 150 millions d’euros sur dix-huit mois.

En ce qui concerne la prochaine phase, le ministère des armées échange avec ses partenaires allemand et espagnol, ainsi qu’avec les industriels, afin de définir les travaux qui se dérouleront au cours de la période 2021-2027 et qui visent bien évidemment à mettre en vol, à cet horizon, ce démonstrateur. Chaque pays prévoit de contribuer à parts égales à cette phase, la France restant meneuse du projet.

L’objectif reste bien de notifier, dans le courant de 2021, ces travaux ; l’ensemble des acteurs partagent cette ambition, ainsi que celle d’assurer une entrée en service opérationnel à l’horizon de 2040.

Les discussions industrielles dont vous parliez se poursuivent intensivement ; nous devons nous assurer d’une répartition équilibrée des travaux entre pays, en respectant la logique du meilleur dans son domaine, seule garantie pour nous de réussir à mener ce programme ambitieux dans l’écoute, la qualité et les délais.

La ministre des armées, Florence Parly, le rappelle systématiquement,…

M. le président. Il faut conclure.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. … il ne faut pas perdre de vue les grands principes affirmés, dès le départ, par le Président de la République et la Chancelière allemande.

actualisation de la loi de programmation militaire

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Dominique de Legge. Lors de son audition devant la commission de la défense de l’Assemblée nationale, la ministre des armées a déclaré : « Il n’est pour l’instant pas prévu de procéder à une actualisation législative de la LPM », la loi de programmation militaire.

J’ai par ailleurs consulté ses déclarations de la semaine dernière devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat : la ministre indiquait souhaiter associer le Parlement à cette révision, mais, en même temps, elle estimait qu’il n’y avait pas lieu de saisir ce dernier ; je ne suis pas sûr d’avoir bien tout compris… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Par conséquent, auriez-vous la gentillesse de bien vouloir nous indiquer si le Gouvernement entend respecter la lettre et l’esprit de l’article 7 de la LPM, qui prévoit que le Parlement doit être saisi de cette révision avant la fin de cette année ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Monsieur le sénateur Dominique de Legge, je tiens à vous le rappeler, le Président de la République a confirmé, lors de ses vœux aux armées, son ambition de maintenir un modèle d’armée complet et cohérent.

Il a également confirmé avec force la trajectoire financière, telle que celle-ci est précisée dans la loi, jusqu’en 2023, ce qui permettra de poursuivre la modernisation des armées et la préparation de l’avenir. La loi de programmation militaire est mise en œuvre, les engagements sont tenus et nous continuerons d’appliquer, à l’euro près, cette loi de programmation.

Une analyse de l’actualisation stratégique, lancée au cours des derniers mois en association avec le Parlement, nous amène à tirer toutes les conclusions nécessaires pour agir en conséquence, pour ajuster notre effort et pour mieux orienter nos moyens.

Au regard de ces conclusions, nous avons constaté que, d’une manière générale, la loi de programmation militaire, ses ambitions et ses priorités conservent plus que jamais toute leur pertinence.

Dans ce contexte, il n’est pas prévu de procéder à une actualisation législative de la loi de programmation militaire.

M. Bruno Sido. Et voilà…

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Cela ne signifie pas pour autant que nous ne ferons rien.

Mme la ministre des armées, Florence Parly, dont je vous prie d’excuser l’absence, liée au bicentenaire de la République hellénique, procédera, au cours des prochains mois, à des ajustements, en accélérant nos efforts sur certaines ambitions défendues au travers de la loi de programmation militaire. Comme cela a été demandé par le Président de la République, le Parlement y sera pleinement associé.

Au reste, ces débats ont commencé. La ministre a été entendue en audition par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, mercredi dernier, sur l’actualisation de la revue stratégique.

L’examen de la loi de programmation militaire nécessite, vous le savez, un temps long, à l’image des programmes d’armement. Il convient donc de se donner du temps, pour ne pas prendre le risque de déséquilibrer, à la lumière du contexte d’aujourd’hui, les enjeux de demain.

Cette loi de programmation est respectée ; les engagements le sont également et ils continueront de l’être. C’est ce qu’a affirmé le Président de la République.

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour la réplique.

M. Dominique de Legge. Si je comprends bien, madame la ministre déléguée, « circulez, il n’y a rien à voir ! ».

Néanmoins, il y a un tout petit problème : nous sommes en République et, dans ce type de régime, le Gouvernement propose et le Parlement dispose (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.), c’est-à-dire que l’exécutif exécute les lois et le Parlement contrôle cette exécution.

Je ne vois pas au nom de quoi le gardien de la loi et du respect de celle-ci – je sais bien que c’est le chef de l’État, que vous avez cité, qui a pris cette décision, et non la ministre – pourrait s’affranchir du respect de la loi. L’article 7 de la LPM est clair : il doit y avoir une révision.

Aussi, madame la ministre, je vous le dis comme je le pense, vous appelez souvent le Gouvernement au rassemblement, mais, en ne respectant pas la loi, vous ne respectez pas le Parlement et vous accentuez la crise de confiance qui existe entre les Français et nos institutions.

En ne respectant pas loi, vous vous rendez coupables de cet état d’esprit. L’autosatisfaction n’autorise pas à s’affranchir du respect de la loi ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

numéro d’appel d’urgence unique européen le 112

M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Françoise Dumont. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adressait à M. le ministre de l’intérieur.

Madame la ministre déléguée, vous le savez, hors période covid-19, chaque jour, les sapeurs-pompiers de France reçoivent en moyenne, 11 700 appels, et le service d’aide médicale urgente, le SAMU, en reçoit près de 2 500. Sur ce nombre, on estime que, dans plus de 30 % des cas, la réponse apportée consiste seulement en une information ou en un conseil médical. Ainsi, en période normale, presque un appel sur trois sature les plateformes, déjà sous forte tension.

Cette situation n’a fait que s’accroître l’année dernière, avec des temps d’attente pouvant atteindre, pour un appel d’urgence au SAMU, jusqu’à quarante-cinq minutes, comme l’avaient dénoncé les syndicats de pompiers et ceux de médecins généralistes, en juin 2020, alors que cette durée devrait être inférieure à trente secondes, selon les recommandations scientifiques actuelles, pour assurer le bon traitement des situations de détresse immédiate, notamment de l’arrêt cardiaque.

Cette question n’est pas nouvelle, et l’enjeu est bien connu au sommet de l’État, puisque, le 6 octobre 2017, M. le Président de la République, Emmanuel Macron, accueillait des professionnels de la protection civile, auxquels il indiquait : « Ce quinquennat doit être aussi l’occasion […] de mettre en place des plateformes uniques de réception des appels d’urgence », à savoir le 112.

Toutefois, la politique du « en même temps » a ses limites, car, trois ans plus tard, n’a succédé à ces engagements forts qu’une proposition d’action des plus timorées. En effet, en octobre 2020, le Président de la République se disait favorable à une expérimentation régionale du numéro unique, expérimentation non encore programmée à ce jour…

Madame la ministre déléguée, comment accepter ce manque d’ambition, ce manque d’action, en particulier dans la situation sanitaire que nous connaissons aujourd’hui, alors que la population serait prête ?

Pour preuve, dans le département dont je suis l’élue, le Var, 50 % des appels au service départemental d’incendie et de secours, le SDIS, proviennent déjà du numéro 112. C’est le cas aussi dans d’autres départements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Je veux tout d’abord vous remercier, madame la sénatrice Françoise Dumont, d’avoir inscrit à l’agenda des questions d’actualité au Gouvernement cette question fondamentale du numéro 112.

Vous l’avez très bien rappelé, ce numéro d’appel d’urgence unique européen est une véritable matérialisation, une traduction en actes, de l’ambition de l’Union européenne pour les citoyens européens.

Aujourd’hui, le 112 ne se substitue pas aux autres numéros directs que nous connaissons et dont les Français ont l’usage. En effet, en 2017, le Président de la République avait fait part de sa volonté et de son ambition ; il avait indiqué qu’il souhaitait une simplification de la gestion des appels d’urgence, pour assurer plus d’efficacité – les enjeux de durée que vous avez rappelés – et plus de lisibilité.

Depuis lors, le Gouvernement travaille à cette simplification, notamment par le biais de la mission de modernisation de l’accessibilité et de la réception des communications d’urgence pour la sécurité, la santé et les secours, la mission Marcus, qui nous a proposé plusieurs scénarios permettant de garantir l’accessibilité aux services d’urgence, et ce même en situation d’afflux massif d’appels, comme celle que vous avez mentionnée.

En effet, il y a différents avantages à tendre vers un numéro unique. Plusieurs États européens ont d’ailleurs déjà fait le choix d’abandonner leurs différents numéros ; je pense à l’Espagne, au Danemark ou à d’autres. La mise en place d’un numéro unique permettrait d’englober le concept du secours d’urgence dans sa totalité et d’activer simultanément, dans certains cas, différents services nécessaires.

En revanche, il nous faut prendre en compte l’ensemble des éléments relatifs à la mise en œuvre de ce numéro unique.

Aujourd’hui, le 112 rencontre certaines difficultés, que nous allons devoir résoudre. Par exemple, il faut étudier son articulation avec le service d’accès aux soins, en pleine montée en puissance, qui doit permettre de désengorger les urgences et de garantir l’accès aux soins partout et à toute heure.

De même, l’absence d’interopérabilité entre les systèmes d’information des urgentistes et des pompiers, comme entre ceux de ces derniers et d’autres systèmes d’urgence, pose, à l’heure actuelle, problème.

Le ministère de l’intérieur travaille pleinement, avec les autres ministères concernés, à cette question, qui ouvre effectivement de belles perspectives d’efficacité pour la gestion, à l’avenir, des situations d’urgence, afin de mieux assurer la sécurité et le secours des Français.

La solution de salles communes entre pompiers et urgentistes, qui existent dans dix-huit départements, doit pouvoir être approfondie. C’est en tout cas le sens du travail que nous sommes en train de mener.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je conclus en saluant le travail de toutes les personnes répondant au téléphone, notamment les pompiers, tant volontaires que professionnels,…

M. le président. Il faut vraiment conclure !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. … qui sont particulièrement mobilisés en ce moment, pour la sécurité et pour la vaccination. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 31 mars 2021, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

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Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes suivi d’un débat

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat à la suite du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes.

Huissiers, veuillez faire entrer M. le Premier président et Mme la rapporteure générale de la Cour des comptes.

(M. le Premier président et Mme la rapporteure générale de la Cour des comptes sont introduits dans lhémicycle selon le cérémonial dusage.)

M. le président. Monsieur le Premier président, madame la rapporteure générale, c’est avec plaisir que nous vous accueillons, cette après-midi, à l’occasion du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes.

C’est la première fois que nous allons vous entendre en cette qualité dans notre hémicycle. Au nom du Sénat, je vous remercie de votre présence. Je salue la présence de la nouvelle rapporteure générale de la Cour, Mme Carine Camby, à qui je souhaite pleine réussite dans ses fonctions.

La présentation de ce rapport annuel devant notre assemblée s’inscrit dans le cadre de la mission d’assistance du Parlement au contrôle du Gouvernement que la Constitution confie à la Cour. Pour la deuxième année consécutive, et comme l’autorise la loi organique relative aux lois de finances, nous avons souhaité que cette présentation puisse prendre la forme d’un débat permettant aux groupes politiques de s’exprimer. Nous y sommes maintenant attachés.

Le contrôle de l’action du Gouvernement est au cœur de la démocratie parlementaire, et l’année de crise sanitaire que nous venons de vivre dans des circonstances exceptionnelles exige de notre part une vigilance rigoureuse et, naturellement, un contrôle attentif et accru des politiques mises en œuvre.

À contexte exceptionnel, pouvoirs exceptionnels, mais aussi contrôle exceptionnel du Parlement. Je le redis, notre démocratie est vivante, et, en cette période où les voies d’urgence restreignent les libertés, nous avons davantage encore un devoir de contrôle.

En 2020, nous avons créé un régime juridique spécial d’état d’urgence sanitaire impliquant ces restrictions de liberté. Nos politiques publiques ont subi les effets de la crise et ont dû se réorganiser dans l’urgence pour s’adapter à la situation sanitaire. Nous avons voté des mesures de soutien aux conséquences financières très importantes, tandis que de nombreux secteurs d’activité ont été touchés par la crise.

C’est donc sans surprise que votre rapport public constitue, comme vous me l’avez dit à l’occasion de notre entretien préalable, une forme de premier regard sur la gestion de la crise sanitaire, notamment par l’exécutif.

Comment a-t-elle été pilotée ? Quelle en a été la gestion opérationnelle ? Quel en a été – et en sera – le coût pour nos finances publiques ? Quels enseignements peut-on en tirer ? Quelles insuffisances ou erreurs pourrait-on s’épargner à l’avenir ?

Vos travaux ont été menés dans des conditions particulièrement contraintes, je le sais. Dès l’été, vous avez lancé des enquêtes relatives à l’impact de la crise sur certaines politiques publiques, telles que la réanimation et les soins critiques, l’hébergement et le logement des personnes sans domicile, ou encore certains opérateurs comme la SNCF. Les résultats de certaines de ces enquêtes figurent d’ailleurs déjà dans la première partie de votre rapport.

Vous avez également consacré, cette année encore, une part importante de votre activité à répondre aux demandes d’enquêtes formulées par le Parlement en application des articles 47-2 de la Constitution et 58 de la loi organique relative aux lois de finances.

Vous avez ainsi remis pas moins de six enquêtes à notre commission des finances et deux à notre commission des affaires sociales, ce qui est un motif de satisfaction. Ces enquêtes vous ont d’ailleurs valu d’être largement sollicités cette année, s’agissant tout particulièrement du pilotage et de la mise en œuvre des crédits du plan de relance, qui fera l’objet d’un rapport prévu pour le début de 2022.

En cette période, notre responsabilité d’éclairer les citoyens me paraît essentielle. Je souhaite que le Sénat prenne toute sa part dans cette tâche et joue pleinement son rôle. Cette responsabilité vous incombe également, tandis que vous tirez comme première leçon de cette année de crise, la question de la trop faible anticipation et de l’impréparation des services publics concernés par la situation sanitaire.

Votre travail d’enquête, votre analyse et votre regard nous sont précieux et viennent enrichir les travaux de notre commission d’enquête, dont le rapport a été rendu au mois de décembre dernier et qui se poursuit par une mission commune d’information.

Monsieur le Premier président, vous avez la parole.

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. Monsieur le président du Sénat, je vous remercie de vos mots de bienvenue et de l’accueil que vous avez réservé à la Cour. Ils traduisent la qualité des liens qui unissent nos deux institutions. Vous savez combien j’y suis attaché. J’ai d’ailleurs grand plaisir à retrouver aujourd’hui cet hémicycle de la Haute Assemblée, que je n’avais pas fréquenté depuis plusieurs années.

Il s’agit en effet, depuis ma nomination comme Premier président de la Cour des comptes, du premier rapport public annuel, ou RPA, que j’ai l’honneur et la fierté de vous présenter.

C’est Sophie Moati qui, l’an dernier, était intervenue devant vous en sa qualité de doyenne des présidents de chambre de la Cour, après le départ de mon prédécesseur Didier Migaud et avant ma nomination en juin. Nous étions alors au début de mars 2020 et, si nous pressentions la gravité de la crise épidémique qui se profilait, cette dernière n’avait, bien sûr, pas encore pris toute son ampleur et ne se traduisait pas encore dans les travaux de la Cour.

La publication de notre rapport public annuel 2021 intervient, quant à elle, plus d’un an après le déclenchement de cette crise majeure et sans précédent.

Bien évidemment, ce choc a eu d’importantes répercussions sur le fonctionnement et les travaux des juridictions financières – la Cour des comptes, mais aussi les chambres régionales et territoriales des comptes, les CRTC –, comme le rappelle l’introduction générale du rapport public.

Les raisons en sont multiples ; il s’agit notamment du confinement des contrôlés, de l’allongement des délais de contradiction pour tenir compte des difficultés de ces derniers, de notre engagement, que nous avons respecté, de ne pas perturber les administrateurs placés en première ligne dans la gestion de la crise, mais aussi du report des élections municipales, qui a prolongé la période de réserve pendant laquelle nous sommes tenus de limiter la publication de certains travaux concernant le « bloc communal ».

Ces contraintes n’ont toutefois pas empêché les juridictions financières de remplir leurs missions, avec succès, me semble-t-il, notamment celles qui ont été accomplies au service du Parlement et qui sont essentielles pour nous. Nous avons réalisé, en 2020, pas moins de 16 rapports à la demande de l’Assemblée nationale et du Sénat, et vous avons transmis au total plus de 300 travaux.

En particulier, l’année dernière a permis de vous remettre des enquêtes très attendues, que ce soit sur la lutte contre la fraude aux prestations sociales – je suis venu la présenter devant la commission des affaires sociales –, les politiques de lutte contre la pollution de l’air ou encore la conduite des grands projets numériques de l’État.

Je suis donc très heureux que nous ayons pu, malgré le contexte sanitaire, maintenir des relations de travail régulières et fructueuses. Je vois dans leur solidité en temps de crise le reflet de notre attachement commun à l’indispensable débat démocratique et à la continuité de la vie institutionnelle.

La crise née de la pandémie de covid-19 a fait émerger, chez les décideurs comme chez nos concitoyens, de nouvelles réalités et de nouvelles préoccupations.

Ces réalités, ces préoccupations, les juridictions financières ne pouvaient pas les ignorer. Nous avons donc fait évoluer nos programmes de contrôles, pour prendre en compte cette situation inédite.

Au-delà de nos premières analyses relatives à l’impact de cette crise sur les comptes publics, qui ont été publiées dès le mois de juin dernier, j’ai pris la décision de consacrer une grande partie du rapport public annuel 2021 aux effets et à la gestion opérationnelle de la crise du covid-19. Nous avons lancé, dès l’été, de nouvelles enquêtes pour remplir cet objectif.

Ce rapport public annuel est donc le fruit de cette année 2020 si particulière. Il présente deux autres originalités, liées, elles aussi, aux circonstances.

Tout d’abord, de façon exceptionnelle, il ne comporte pas de chapitre relatif à la situation d’ensemble des finances publiques. Le Premier ministre a, en effet, demandé à la Cour de lui remettre, à la fin du mois d’avril prochain, un diagnostic sur la situation de nos finances publiques et de premières recommandations sur la stratégie à adopter pour l’après-crise. Il ne nous est pas apparu cohérent de nous exprimer deux fois sur ces questions à quelques semaines d’intervalle.

Nous publierons le mois prochain l’ensemble de nos analyses sur l’état des finances publiques, avec les données les plus à jour, à l’occasion de ce rapport. Je serai bien sûr heureux de venir les présenter à votre commission des finances si vous en formulez le souhait.

Ensuite, seconde originalité, ce RPA 2021 ne contient pas non plus de partie consacrée au suivi des recommandations pour 2020. Réunir les informations correspondantes aurait en effet nécessité d’interroger les services de l’État et des collectivités locales au cours du second trimestre de 2020, c’est-à-dire au plus fort de la première vague, période durant laquelle ils étaient très sollicités par la gestion de la crise.

Le prochain RPA y reviendra néanmoins et fera le bilan des recommandations sur deux ans. Ce n’est donc qu’un décalage temporaire.

J’en viens maintenant au contenu du rapport public 2021, qui se divise en deux tomes. Le premier aborde les premiers enseignements de la crise, au travers d’une dizaine de chapitres. Le second tome est consacré, de manière plus habituelle, aux politiques publiques et à la gestion publique.

Je commencerai par aborder les enseignements et le contenu du premier tome de notre rapport public. Nous avons choisi ici de traiter de sujets importants par leur ampleur opérationnelle ou par les masses financières en jeu, mais aussi d’approfondir d’autres travaux, pour fournir différents éclairages sur la gestion de la crise du covid-19.

Si nous ne prétendons pas, bien sûr, que ces différents chapitres permettent de dresser un bilan exhaustif et définitif des façons dont la crise a été gérée, ils peuvent toutefois déjà nous offrir quelques enseignements.

Le premier, c’est la faible anticipation d’un choc comme la crise du covid-19 – au demeurant très peu prévisible –, au sein de plusieurs des acteurs publics étudiés.

Nos chapitres consacrés au service public du numérique éducatif pendant la crise sanitaire ou encore à l’hébergement et au logement des personnes sans domicile mettent ainsi en évidence l’absence de plan de continuité dans plusieurs services publics, que ce soit les établissements scolaires ou certaines administrations d’État en charge de l’hébergement d’urgence, ce qui n’a pas permis de couvrir de façon satisfaisante les besoins de protection des plus précaires au début de la crise.

De même, l’appropriation du numérique était encore trop limitée pour permettre le basculement rapide dans l’enseignement à distance généralisé. Nous estimons ainsi que 5 % environ des élèves, soit, tout de même, 600 000 enfants, étaient en rupture numérique lors du premier confinement.

Un autre secteur trop peu armé pour affronter une crise qui l’a pourtant placé en toute première ligne est celui des services de réanimation et des soins critiques. Ces derniers constituaient, avant la crise, des activités hospitalières très spécifiques et parfois peu connues du grand public – elles le sont, hélas, devenues beaucoup plus depuis lors.

Depuis le déclenchement de l’épidémie, elles ont dû se mobiliser au prix d’un renoncement sans précédent aux autres soins, dont il faudra évaluer toutes les conséquences. Ce modèle doit, selon nous, être revu, car le vieillissement de la population soulèvera quoi qu’il arrive la question de l’augmentation des services de réanimation, avec un redimensionnement des effectifs et une réforme des modalités de financement.

L’enquête menée par les chambres régionales et territoriales des comptes sur un vaste échantillon d’établissements de santé implantés dans les régions Nouvelle-Aquitaine et Bourgogne-Franche-Comté permet de corroborer, au niveau territorial, les constats de la Cour.

Elle souligne, en particulier, que les incertitudes qui entourent le système de collecte et de remontée d’informations, sur lequel se fondent pourtant des décisions stratégiques nationales, constituent un chantier absolument prioritaire.

Une faible anticipation n’implique toutefois pas forcément une mauvaise gestion une fois la crise enclenchée. C’est le deuxième enseignement de ce premier tome, plus positif pour les acteurs publics : ces derniers se sont fortement mobilisés pour faire face aux conséquences de la crise et ont su faire preuve de réactivité, voire d’innovation.

Cela vaut bien sûr pour les administrations et services que je viens de citer, mais aussi pour d’autres politiques.

Le chapitre consacré à l’aide au retour des Français retenus à l’étranger pendant la pandémie souligne, par exemple, la mobilisation tout à fait exceptionnelle à la fois du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et d’Air France, qui a déployé des efforts considérables, notamment en comparaison d’autres compagnies nationales. Près de 370 000 personnes ont pu ainsi regagner le territoire français, dont 240 000 directement aidées par le ministère, pour un coût total maîtrisé d’environ 8,5 millions d’euros.

Le groupe ferroviaire SNCF a également fait preuve d’une très grande réactivité, en mettant rapidement en place une organisation de crise et des mesures sanitaires pour ses personnels et ses clients, mais aussi en anticipant la reprise de l’activité. La circulation des trains de voyageurs a été assurée, tout comme le transport de fret, orienté en priorité vers les besoins essentiels.

Notre rapport public aborde également le fonds de solidarité à destination des entreprises, qui constitue l’un des principaux dispositifs de soutien aux entreprises mis en œuvre par le Gouvernement, avec l’indemnisation de l’activité partielle et les prêts garantis par l’État. Son succès a été réel et a permis de limiter les effets de la crise, en distribuant rapidement 11,8 milliards d’euros d’aides à 1,8 million d’entreprises.

Le fonds s’est transformé après le premier confinement : il est passé d’un outil de soutien aux petites entreprises à un outil d’aide plus global et durable pour des structures de plus grande taille. Mais les principes de son fonctionnement, qui repose sur un traitement largement automatisé des demandes, n’ont pas été adaptés en parallèle. Cela accroît le risque d’un cumul d’aides supérieur au préjudice subi et justifie, à nos yeux, le renforcement des contrôles.

Ces risques m’amènent à aborder le troisième enseignement de ce premier tome consacré à la gestion de la crise du covid-19 : son coût financier est évidemment très élevé et remet en cause durablement certains modèles de financement.

C’est particulièrement vrai pour la SNCF, qui devra faire l’objet d’un suivi attentif, avec un risque de déficit structurel pour le transport à grande vitesse et le fret.

Par ailleurs, la crise née de la pandémie a très durement touché les finances d’autres secteurs, comme le montre le chapitre consacré à l’assurance chômage. Cette dernière, qui avait déjà une situation financière dégradée avant la crise, a pleinement joué son rôle de stabilisateur économique et social depuis son déclenchement, en finançant, conjointement avec l’État, le dispositif exceptionnel d’activité partielle.

Conséquence logique, l’assurance chômage présente un déficit historique de plus de 17 milliards d’euros en 2020, contre moins de 2 milliards d’euros en 2019. De son côté, la dette de l’Unédic s’élèverait à près de 65 milliards d’euros à la fin de 2021, un montant bien trop lourd à porter pour ce seul régime. Ses modalités d’apurement devront donc être étudiées dans le contexte plus large du traitement de la dette publique.

Le secteur culturel a également beaucoup souffert depuis le déclenchement de la crise, comme l’illustre notre chapitre consacré à l’institut Lumière de Lyon.

Ce remarquable organisme, présidé par le grand cinéaste lyonnais Bertrand Tavernier et créé dans les années 1980 par les héritiers des frères Lumière, était parvenu à diversifier ses ressources privées, ce qui est exemplaire. Ce type d’associations culturelles peu subventionnées est néanmoins particulièrement exposé aux effets de la crise, malgré les mesures d’urgence mises en place. Il appartiendra donc aux pouvoirs publics, en coordonnant leurs aides et en définissant des orientations claires, d’accompagner sur le long terme ces acteurs culturels précieux.

Ces quelques chapitres, par leur grande diversité, nous permettent donc d’avoir un premier aperçu de la manière dont la crise du covid-19 a été gérée, même si, encore une fois, nous ne prétendons nullement à l’exhaustivité et si un grand nombre de sujets doivent être revus.

L’année 2020 a également vu l’aboutissement d’autres travaux et enquêtes, dans le vaste champ des compétences de la Cour et des CRTC.

J’en viens ainsi au second tome du RPA. Ses onze chapitres regroupent des sujets de contrôle variés, choisis notamment sur la base des enseignements du grand débat national auquel, comme vous le savez, la Cour a largement participé. Ils accordent ainsi une place importante à l’action publique locale et à l’innovation publique.

Ce second tome revient tout d’abord sur deux politiques publiques qui ont connu des évolutions importantes et qui seront amenées à jouer un rôle majeur dans les prochaines années.

La première est celle qui est menée en faveur de l’inclusion bancaire et de la lutte contre le surendettement ; elle vise à donner à chacune et à chacun la possibilité d’accéder à un compte bancaire, ce qui est aujourd’hui devenu un impératif pour participer à la vie économique et sociale.

Ces dispositifs ont beaucoup progressé, mais ils demeurent perfectibles, d’autant qu’ils sont susceptibles d’être très fortement sollicités dans les mois et années à venir du fait des répercussions économiques et sociales de la pandémie, c’est-à-dire – appelons les choses par leur nom – de la montée de la pauvreté qui va accompagner celle-ci.

Leur mise en œuvre devra donc être renforcée, pour mieux accompagner les personnes en difficulté. La procédure de droit au compte, en particulier, gagnerait à être mieux encadrée.

La seconde politique publique évoquée est l’innovation de défense, qui sera indispensable pour renforcer notre indépendance stratégique, dans un contexte marqué par l’intensification de la compétition mondiale entre pôles de puissance tels que les États-Unis, la Chine ou la Russie.

Davantage tournée vers la préparation de l’avenir et la maîtrise des technologies de rupture et mieux intégrée aux futurs programmes d’armement, elle pourra également permettre de consolider notre indépendance économique en soutenant les grands groupes industriels, ainsi que les secteurs les plus touchés par la crise sanitaire, comme l’aéronautique et le spatial. Nous recommandons, en particulier, de sanctuariser l’effort de recherche en créant un programme budgétaire d’innovation.

Le rapport annuel de la Cour s’intéresse aussi de près à l’action publique dans les territoires, avec des exemples très concrets tirés de travaux des chambres régionales des comptes, que je souhaite voir toujours plus intégrés avec ceux de la Cour.

Je souhaite, à ce titre, reprendre différemment la logique de Philippe Séguin, non pas par l’intégration statutaire, mais par l’intégration fonctionnelle sans cesse renforcée de la Cour et des chambres régionales.

Certains de ces travaux abordent les enjeux locaux du changement climatique et de la préservation de l’environnement. C’est le cas du chapitre sur l’optimisation de l’éclairage public dans les communes d’Auvergne-Rhône-Alpes.

L’enquête de la chambre régionale des comptes montre que le bilan des actions entreprises pour diminuer la consommation énergétique est encourageant, mais que la lutte contre la pollution lumineuse, à laquelle nos concitoyens sont très attentifs, demeure en retrait. Ce chantier implique plusieurs paramètres, comme la puissance émise ou la durée de l’éclairage, dans un contexte de forte évolution technologique.

La gestion de l’eau doit aussi tenir compte de nouveaux enjeux, notamment en matière de préservation des milieux naturels, comme le montre le chapitre sur la compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne.

Les chambres régionales des comptes se sont également intéressées à la situation des quelque 200 communes qui dépendent fortement de l’implantation d’un casino sur leur territoire.

Pour ces collectivités, la présence d’un casino assure des recettes nombreuses, la principale étant le prélèvement sur le produit des jeux, qui peut représenter, pour certaines d’entre elles, plus du tiers des recettes de fonctionnement. Nos travaux révèlent que les communes concernées appréhendent souvent la présence d’un casino comme une sorte de rente de situation, dont la crise sanitaire a dévoilé la très grande fragilité. Nous recommandons donc de mieux protéger leurs intérêts à l’avenir, en renforçant leur expertise juridique.

Comme chaque année, le rapport public annuel revient aussi, dans ce second tome, sur différents exemples d’actions et de gestions publiques.

Il aborde notamment une question que vous connaissez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, à savoir le cas des réseaux consulaires, que ce soit les chambres de commerce et d’industrie, les CCI, les chambres de métiers et de l’artisanat, les CMA, ou les chambres d’agriculture. Ces chapitres permettent de mesurer les forces et faiblesses relatives de ces organismes.

La structuration des réseaux des CCI et des CMA semble plus aboutie, mais le positionnement des chambres d’agriculture est mieux identifié et reconnu. Ces dernières doivent poursuivre leurs mutations internes en encourageant la fusion des chambres départementales, tandis que les réformes sectorielles déjà conduites pour les CCI et les CMA posent, à terme, la question du maintien de leur financement public.

Des choix stratégiques devront également être faits pour d’autres organismes. En particulier, le chapitre sur l’ex-agence du numérique montre que l’héritage de cette dernière doit être consolidé, notamment en matière d’inclusion numérique.

Cette politique n’a pas encore donné de résultats probants, puisque 17 % de la population – c’est énorme ! – sont concernés par ce que l’on appelle « l’illectronisme » ; il s’agit de personnes sans compétences numériques de base ou qui n’ont absolument pas utilisé internet au cours de l’année écoulée. D’autres dispositifs présentent un bilan bien plus satisfaisant, comme la French Tech, mais doivent être mieux coordonnés et mieux pilotés.

De son côté, l’Institut de recherche pour le développement, l’IRD, fait montre d’une implication forte, notamment dans la recherche pour lutter contre les pandémies, mais souffre d’une visibilité réduite, en partie liée au caractère dispersé de ses missions et moyens.

Le rapprochement organique de l’IRD avec le CNRS apparaît aujourd’hui nécessaire pour renforcer les leviers d’influence et de coopération de la France en matière scientifique et économique.

Enfin, le rapport public annuel aborde deux politiques publiques au cœur des enjeux économiques et sociaux de notre pays.

Il s’agit, pour la première, de l’emploi et de la formation professionnelle, au travers de notre insertion sur le pilotage des acteurs associatifs par le ministère du travail. La crise a accentué les tensions sur le financement de ces associations et mis en lumière l’importance de renforcer leur pilotage et l’évaluation de leurs actions.

Une autre politique ô combien essentielle abordée dans ce rapport est la santé, avec un chapitre sur la gouvernance des ordres des professions de santé. Nous nous exprimons régulièrement sur ces ordres, pour lesquels des évolutions en profondeur paraissent nécessaires, afin d’améliorer leur gouvernance et de remettre au centre de leurs priorités ce qui est leur raison d’être, à savoir la protection des droits des patients.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, nous avons choisi d’aborder dans ce rapport public annuel des thèmes variés et concrets, sans nous focaliser sur une politique ou un secteur d’administration en particulier.

Bien sûr, ce rapport ne vise pas à dresser un constat définitif sur la gestion de la crise. Il s’attache simplement, à ce stade, à partager quelques enseignements pour renforcer notre résilience collective face aux prochains chocs – ils viendront – et à souligner la remarquable capacité de réaction de la majorité des acteurs publics.

En cela, ce rapport est peut-être plus équilibré que ceux que la Cour a pu produire par le passé. Il n’épingle pas. Il n’étrille pas. Il souligne, à côté de déficiences ou d’insuffisances, de bonnes pratiques. Je suis assez favorable à ce que cette évolution se confirme dans le temps.

Cependant, il faut aller plus loin. Notre programmation 2021 sera également très orientée vers la gestion et les conséquences de la crise du covid-19, pour produire un rapport public annuel 2022 qui sera intégralement – je l’annonce déjà – consacré à ce sujet.

Vous nous avez d’ailleurs vous-mêmes commandé des travaux cohérents avec ce choix, que ce soit, par exemple, sur la mise en œuvre et le pilotage du fonds de relance ou sur les mesures de soutien en faveur de la filière aéronautique. Je puis vous assurer que nos équipes sont déjà au travail pour vous rendre en temps et en heure ces rapports qui, j’en suis sûr, seront très suivis, car les questions soulevées par le Sénat sont très importantes.

D’ici là, j’aurai remis au Premier ministre l’audit qu’il nous a commandé sur la stratégie d’évolution des finances publiques à la suite du covid-19.

Nos travaux sur la crise s’articulent, bien sûr, avec ceux que d’autres que nous conduisent, ou ont conduit, sur ce sujet, au sein, par exemple, des missions Pittet, Arthuis ou Coeuré, mais avec les atouts qui sont les nôtres et que vous connaissez : notre indépendance, la très grande diversité de nos missions, notre grande attention portée au niveau local de l’action publique, que je sais cher à vos cœurs de sénateurs.

À cet égard, croyez bien que l’intégration fonctionnelle de la Cour et des chambres régionales des comptes – je le répète encore une fois – est le cœur du projet que je porte.

J’aurai plaisir à vous revoir tout au long de l’année 2021, qui sera, je l’espère, toujours aussi riche de nos échanges et de notre coopération. Vous pourrez en tout cas toujours compter sur la cour et son concours.

Monsieur le président, en application de l’article L. 143-6 du code des juridictions financières, j’ai l’honneur de vous remettre le rapport public annuel de la Cour des comptes. (M. le Premier président remet à M. le président du Sénat un exemplaire du rapport public annuel de la Cour des comptes.)

Il s’agit de l’un des rares exemplaires reliés en cuir de ce rapport. (Sourires.) Ceux-ci sont destinés exclusivement au Premier président et au procureur général de la Cour, au Président de la République et aux présidents des deux assemblées ; à titre exceptionnel, le Premier ministre en a également reçu un cette année, parce qu’il est membre de la Cour des comptes. (Applaudissements sur lensemble des travées, à lexception de celles du groupe CRCE.)

M. le président. Monsieur le Premier président, le Sénat vous remercie et vous donne acte du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes.

Nous allons procéder au débat dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

La parole est à M. le président de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. André Guiol applaudit également.)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, le Premier président de la Cour des comptes présente cette après-midi au Sénat le rapport public annuel. Cette présentation est un moment solennel pour notre assemblée, qui illustre et symbolise l’assistance que la Cour des comptes apporte au Parlement, en application de l’article 47-2 de notre Constitution.

Cette année, la remise du rapport public a été quelque peu décalée pour permettre à la Cour d’achever l’instruction de ses enquêtes et de livrer ses analyses sur la gestion de la crise. Le Premier ministre lui a également confié une mission relative à la situation des finances publiques et aux priorités de l’action publique pour l’après-crise, ce qui explique l’absence de sa traditionnelle analyse de la situation de nos finances publiques. Alors que le Parlement débat de la soutenabilité de notre dette publique et que la commission Arthuis vient de rendre ses conclusions, nous serons attentifs aux résultats de ces travaux.

Je ne reviendrai pas longuement sur le fait que, au-delà de ce rapport public annuel, la Cour des comptes produit de nombreux autres rapports qui nous sont très utiles. La commission des finances vous entend très régulièrement, monsieur le Premier président, comme ce sera encore le cas, le 15 avril prochain, sur l’exécution du budget de l’État.

L’activité de contrôle de notre commission se nourrit également des résultats des enquêtes demandées en application de l’article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.

Nous avons ainsi entendu, le 10 mars dernier, les magistrats de la cinquième chambre de la Cour, venus présenter, au cours d’une audition pour suite à donner, l’enquête sur l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU.

D’autres auditions seront organisées avant l’été sur le bilan de l’intégration de la gendarmerie au ministère de l’intérieur et sur la couverture mobile en 4G du territoire.

De nouvelles enquêtes sont d’ores et déjà programmées pour être remises au début de l’année 2022, dont l’une, très attendue, concernera la mise en œuvre du plan de relance et sera suivie par le rapporteur général de notre commission, Jean-François Husson.

Ces enquêtes complètent utilement les travaux de contrôle et d’évaluation conduits par les rapporteurs spéciaux tout au long de l’année, lesquels donnent lieu à la publication de nombreux rapports d’information – une vingtaine l’an passé –, en dehors même de la période du printemps. Tous ces travaux ont vocation à nourrir et à éclairer nos débats budgétaires.

Le premier tome du rapport public annuel a pour ambition de tirer les premiers enseignements de la crise liée à l’épidémie s’agissant de plusieurs politiques publiques.

La Cour fait, par exemple, un premier bilan de la politique d’hébergement et de logement des personnes sans domicile pendant la crise sanitaire. Elle souligne la faible préparation de l’État, qui manquait, avant le mois de mars 2020, d’outils opérationnels de gestion de crise, tout en décrivant l’engagement des opérateurs sur le terrain, lequel a permis, dans une situation critique, d’assurer la continuité des missions.

L’hébergement d’urgence ne doit toutefois être qu’un point de passage : c’est sur l’accès au logement, en particulier dans les différentes formes de logement social, qu’il nous faut désormais mettre l’accent. Ce premier bilan nous intéresse particulièrement, puisque notre rapporteur spécial Philippe Dallier travaille actuellement sur le sujet.

La Cour analyse, en outre, le déploiement des outils numériques qui ont permis d’assurer une continuité des apprentissages dans le contexte de fermeture des établissements scolaires lors du confinement de mars 2020.

Comme l’avait fait notre collègue Gérard Longuet dans son dernier rapport budgétaire, la Cour rapport souligne que, malgré un succès global et la mise en œuvre rapide d’outils numériques à grande échelle, la crise sanitaire a soulevé des problématiques d’inégalités d’accès au numérique. Cet enseignement doit désormais guider la stratégie numérique de l’éducation nationale, en intégrant les acquis et l’expérience de la période de confinement.

La Cour détaille également les répercussions de la crise sur le groupe SNCF. S’il apparaît que celui-ci a su faire preuve de réactivité au cœur de la pandémie pour affronter cette épreuve inédite, la dégradation de sa situation financière n’en est pas moins très sévère. La crise a révélé les fragilités structurelles dont souffrait déjà la SNCF avant la pandémie, sources de préoccupations quant aux perspectives financières du groupe.

Cette question majeure constitue l’un des axes principaux du contrôle que les rapporteurs spéciaux Hervé Maurey et Stéphane Sautarel viennent d’engager et qui a démarré le 9 mars dernier par l’audition du P-DG Jean-Pierre Farandou.

Une étude approfondie du déploiement du fonds de solidarité par la direction générale des finances publiques, la DGFiP, est aussi présentée. Pour la Cour, le bilan intermédiaire est globalement positif : la DGFiP a su réagir rapidement et efficacement aux problématiques rencontrées par les entreprises lors du premier confinement, même si elle note la complexité croissante du dispositif, qui vise à répondre à un grand nombre de situations et concerne des entreprises de plus en plus importantes.

Ces évolutions sont, de fait, porteuses de risques pour nos finances publiques, et ce d’autant plus depuis les annonces visant à prendre en charge une part substantielle des charges fixes des entreprises des secteurs les plus touchés. L’importance des enjeux financiers doit conduire à un renforcement des contrôles. Nous partageons votre inquiétude sur ce point, monsieur le Premier président.

La participation des régions au fonds de solidarité à hauteur de 467 millions d’euros en 2020 a témoigné de la mobilisation exceptionnelle des collectivités territoriales face à la crise. La Cour conteste l’autorisation accordée par le Gouvernement d’imputer ces dépenses en section d’investissement. Une telle décision a néanmoins permis de permettre un haut niveau d’engagement des régions aux côtés de nos entreprises, sans compromettre leur propre équilibre financier, leur capacité à investir et ainsi, à prendre part à la relance.

Les développements consacrés à l’assurance chômage rappellent que la baisse des cotisations, la hausse des dépenses d’indemnisation et le financement d’un tiers du dispositif exceptionnel d’activité partielle ont provoqué une explosion du déficit du régime, qui s’est ainsi établi à 17,4 milliards d’euros en 2020.

La Cour pose donc la question de la responsabilité que doit prendre l’État dans l’effort de redressement de la trajectoire financière de l’assurance chômage, en évoquant notamment la reprise d’une partie de la dette de celle-ci, qui a atteint 54,2 milliards d’euros à la fin de l’année 2020. Les comptes de l’Unédic sont, en effet, affectés par des décisions de l’État auxquelles elle est insuffisamment associée.

Comme l’ont déjà souligné les rapporteurs spéciaux Emmanuel Capus et Sophie Taillé-Polian, cette tendance ne date cependant pas de la crise : elle s’était déjà manifestée à l’occasion de la baisse de la subvention de l’État à Pôle emploi, compensée par une contribution croissante de l’Unédic au financement de cet opérateur. Une clarification s’impose sur ce sujet.

Le second tome du rapport est consacré à plusieurs politiques publiques et à leur gestion. J’y relèverai deux éléments.

D’une part, l’interrogation de la Cour quant au modèle des réseaux consulaires, que vous avez évoqué. Je pense que certains d’entre nous ne partagent pas tout à fait la position de la Cour.

Le rapport remet très clairement en cause le financement par une taxe affectée des deux principaux réseaux consulaires, les chambres de commerce et d’industrie, les CCI, et les chambres de métiers et de l’artisanat, les CMA.

La Cour les considère comme des prestataires de services, qui devraient être financés par le produit de leurs activités commerciales. Or ils assument des missions d’intérêt général et, au cours de la crise, ils ont accompagné, dans un contexte difficile, un très grand nombre d’entreprises. Le dispositif de financement actuel joue également un rôle de péréquation territoriale qu’il ne faut pas négliger.

D’autre part, la Cour se penche sur les politiques de lutte contre le désendettement et en faveur de l’inclusion bancaire, ce qui prolonge l’enquête réalisée au titre de l’article 58-2 de la LOLF et remise à notre commission en juillet 2017, plusieurs auditions que nous avons organisées et la préoccupation que traduit la proposition de loi de notre groupe sur le plafonnement des frais bancaires.

La Cour souligne les difficultés rencontrées par la procédure du droit au compte, en recul depuis qu’elle a atteint son plus haut niveau d’application en 2015, du fait de l’insuffisante simplification des procédures et d’une mobilisation hétérogène des réseaux bancaires. Elle constate la grande hétérogénéité des seuils retenus par les établissements bancaires pour apprécier la situation de fragilité financière.

Alors que les nouvelles offres de bancarisation ne font pas l’objet d’un plafonnement des frais et accentuent encore l’exclusion numérique, la Cour cite le « maquis » des frais bancaires et leur difficile appréhension par les clients et par les acteurs. Cette situation plaide pour que notre commission continue à travailler sur ce thème.

En conclusion, je veux dire ma satisfaction de voir la Cour des comptes jouer tout son rôle en assistant le Parlement dans son contrôle de l’action du Gouvernement et l’évaluation des politiques publiques et en répondant aux demandes d’enquêtes formulées par les sénateurs, ceux-ci, dans leurs fonctions législatives comme de contrôle, décidant des suites qu’ils entendent y apporter. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, le rapport annuel de la Cour des comptes prend, cette année, une forme très particulière, avec une focalisation sur l’analyse des réponses des pouvoirs publics à la crise sanitaire que notre pays traverse encore.

Ce faisant, monsieur le Premier président, vous êtes en quelque sorte allés à l’essentiel, au plus près du vécu et des préoccupations des Français.

Pour autant, l’exercice était délicat, puisque plusieurs commissions et organismes s’étaient déjà donné une mission d’analyse du même ordre.

Pour ne parler que du Sénat, notre assemblée a mis sur pied une commission d’enquête pour l’évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion. Cette commission, présidée par Alain Milon et dont les rapporteurs étaient Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales, Bernard Jomier et Sylvie Vermeillet, a remis son rapport le 8 décembre dernier.

Le Sénat a, depuis lors, créé une mission commune d’information pour évaluer les effets des mesures prises ou envisagées en matière de confinement ou de restrictions d’activités, mission qui est présidée par Bernard Jomier et dont Jean-Michel Arnaud et Roger Karoutchi sont les rapporteurs.

Néanmoins, vous avez bien souvent évité l’écueil de la redite. Le Parlement trouvera donc d’intéressantes pistes de réflexion à la lecture de votre rapport annuel.

Je centrerai naturellement mon propos sur les chapitres du rapport qui concernent le plus les domaines de compétences de notre commission des affaires sociales : le champ sanitaire, bien entendu, et celui de l’assurance chômage.

S’agissant du volet sanitaire, la commission a pris connaissance avec un très grand intérêt des recommandations formulées par la Cour visant à la réorganisation des services de réanimation.

Votre rapport souligne, tout comme le faisait d’ailleurs la commission d’enquête du Sénat, que le chiffre des unités de réanimation en France, rituellement brandi comme l’une des preuves de notre retard structurel par rapport à l’Allemagne, ne tient pas compte des unités de surveillance continue. Or, lorsque l’on ajoute ces unités, la capacité française s’établit à 27 lits pour 100 000 habitants, ce qui place notre pays à la troisième position de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), derrière l’Allemagne et l’Autriche.

Vous vous êtes également penché sur les causes réelles des transferts sanitaires de la première vague, sur les raisons de la faible implication, tout au moins dans un premier temps, des établissements de santé privés et sur les effets largement inconnus des déprogrammations massives d’activités hospitalières et libérales.

À cet égard, vous soulignez d’ailleurs très bien, à travers les exemples de la Bourgogne-Franche-Comté et de la Nouvelle-Aquitaine, que, indépendamment du niveau de présence réelle du virus dans ces territoires au cours de la première vague, les établissements ont procédé à des reprogrammations de soins, notamment chirurgicaux, dans des proportions comparables.

Dans certains cas, cette réorganisation a même pu permettre d’accueillir des patients covid venant d’autres régions. Les conséquences de ces réorganisations pour les autres territoires pourraient donc être similaires.

Vous concluez en recommandant de « mieux tenir compte des besoins lors de la planification sanitaire ». Le Sénat, chambre des territoires, vous rejoint évidemment sur ce point. Nous avons d’ailleurs récemment tenté de promouvoir les projets territoriaux de santé lors de l’examen de la proposition de loi censée porter la traduction législative des engagements du Ségur de la santé. Nous ne pouvons qu’espérer, monsieur le Premier président, que les recommandations de la Cour donneront à cette intention le poids qui paraît encore lui manquer…

Pour ce qui concerne votre recommandation d’augmenter les effectifs des médecins réanimateurs et d’infirmières qualifiées, je constate qu’elle rejoint l’appréciation de la commission d’enquête du Sénat. Celle-ci avait aussi constaté que la difficulté venait de l’évaluation locale des besoins en temps réel et du manque d’efficacité des circuits d’information censés renseigner les gestionnaires de crise sur l’évolution territoriale de l’épidémie à l’hôpital.

À cet égard, je note que la Cour n’est pas plus parvenue que notre commission d’enquête à évaluer et à localiser les capacités disponibles dans le secteur privé qui n’auraient pas été mobilisées dans la crise. Nous espérons que le temps permettra d’éclaircir ce point et de préciser la gestion de ces lits, en particulier en cas de crise.

À l’invitation de la présidente Catherine Deroche, la Cour des comptes aura d’ailleurs l’occasion de poursuivre ses travaux sur l’organisation des services de réanimation et sur leur modèle de financement au-delà de la première vague épidémique de covid-19. La situation actuelle de ces services, lors d’un confinement intervenant un an après la première crise, pourra sans doute apporter de nouveaux enseignements.

Pour ma part, je suis convaincu que, au-delà même des services de réanimation, l’organisation d’un système de santé trop centralisé et trop éloigné des territoires constitue une difficulté qu’il nous faudra résoudre afin de gagner en efficacité.

Pour ce qui est de l’assurance chômage, dont la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la Mecss, du Sénat a d’ailleurs entendu la direction la semaine dernière, vous rappelez la situation financière dégradée dans laquelle l’Unédic a abordé la crise, ainsi que les changements en matière de gouvernance qui proviennent de l’attribution à l’assurance chômage de ressources fiscales par la loi de 2018.

À cette lumière, vous soulignez que les décisions extraordinaires de l’année 2020 ont été prises par l’État, certes dans un contexte d’urgence, mais sans que les partenaires sociaux, théoriquement gestionnaires de l’Unédic, aient leur mot à dire, malgré l’impact financier considérable de ces mesures sur les comptes du régime.

Par conséquent, vous recommandez de préciser les rôles respectifs de l’État et des partenaires sociaux dans la détermination des dépenses, des recettes et, bien sûr, de l’amortissement de la dette. Vous recommandez également de définir, à la sortie de la crise, la nouvelle trajectoire financière qui s’impose, de statuer sur le niveau et les modalités de reprise d’une partie de la dette et de redéfinir le niveau de participation de l’Unédic au financement de Pôle emploi dans un cadre pluriannuel.

La commission vous suit largement sur ces préconisations. À nos yeux, il est nécessaire, en particulier, de sortir de l’ambiguïté en matière de gouvernance.

C’est pourquoi un rapport d’information de notre commission, qui sera bientôt suivi d’une proposition de loi organique, propose formellement d’intégrer l’assurance chômage dans le périmètre des lois de financement de la sécurité sociale. Il rejoint en cela l’une des conclusions du rapport de la Cour des comptes de 2020 sur le cadre organique et la gouvernance des finances publiques.

En conclusion, monsieur le Premier président, je remercie la Cour, au nom de notre commission, de son rapport, comme d’habitude solide et rigoureux et qui apporte de nouveaux enseignements utiles sur la gestion publique de la crise que nous avons connue et que nous traversons malheureusement encore. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, RDSE et SER.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, avec les bouleversements dus depuis un an à la crise sanitaire, il est d’une certaine façon rassurant de retrouver cette échéance classique du printemps qu’est la publication du rapport public annuel de la Cour des comptes.

Celle-ci permet à la fois de faire le point sur la situation générale des finances publiques au regard des engagements pris en lois de finances et de mettre l’accent sur la gestion de certaines institutions ou administrations.

Je regrette simplement la brièveté du délai imparti – moins d’une semaine – entre la publication du rapport annuel et la tenue de ce débat : elle qui ne permet pas d’effectuer une analyse très approfondie de ses quelque mille pages.

Le présent rapport public annuel rappelle l’impact exceptionnel de la crise sanitaire sur les finances publiques, avec pas moins de quatre budgets rectificatifs l’année dernière. Rappelons néanmoins la rectification de quelque 45 milliards d’euros annoncée en début d’année par le ministre des comptes publics sur l’exécution du budget 2020. S’il s’agit d’une bonne nouvelle relative, n’interroge-t-elle pas sur la prévisibilité des lois de finances, monsieur le Premier président ?

Vous soulignez également la faible anticipation de la crise sanitaire. Avec le recul, il est vrai que ce manque d’anticipation apparaît comme un grand défaut de la gestion de la crise, sans doute renforcé par un calendrier politique défavorable. Cependant, il faut tout de suite mettre en regard la forte mobilisation, dès le début, de moyens budgétaires massifs, rendue possible par la suspension des règles du pacte de stabilité. Le Parlement a été au rendez-vous, malgré des conditions de travail compliquées – comme partout ailleurs –, afin de continuer à faire fonctionner la démocratie et les institutions.

Ce rapport revient sur la contribution du service public du numérique éducatif à la continuité scolaire pendant la crise sanitaire. En tant qu’ancien enseignant, je tiens moi-même à exprimer ma solidarité et ma reconnaissance envers le monde éducatif, qui a dû faire face, avec les moyens dont il dispose, à un défi inédit. La réouverture des établissements scolaires après le premier confinement doit aussi être considérée comme une chance, alors que, dans de nombreux pays, comme en Italie, ils sont restés fermés près d’un an.

Le fonds de solidarité pour les PME devrait rester comme l’une des mesures phares de la lutte contre les conséquences économiques de la crise sanitaire. La Cour salue, à juste titre, l’efficacité de sa mise en œuvre. Le montant des aides et les critères d’éligibilité, souples, ont évolué depuis le début de la pandémie.

Les mesures de soutien d’urgence ont un coût budgétaire très important. C’est pourquoi notre salut dépend autant de l’efficacité de la campagne vaccinale, qui permettra de rouvrir progressivement les activités. Gageons que la Cour ne manquera pas de s’y intéresser l’an prochain, lorsque nous aurons davantage de recul.

De nombreux secteurs économiques sont désormais fortement fragilisés.

La Cour attire l’attention sur la situation de la SNCF. On pourrait parler de celle des transports en général, comme du secteur aérien et même du transport maritime, comme on l’a vu hier lors du débat qui s’est tenu ici même sur les liaisons trans-Manche. Cette situation est d’autant plus préoccupante que les transporteurs doivent réaliser des investissements importants pour la rénovation des infrastructures ou encore la transition énergétique.

Un autre secteur très fortement touché est celui de l’hôtellerie-restauration. On ne peut que regretter la fermeture de ces lieux de convivialité depuis des mois, en particulier à Paris.

Je terminerai par la situation des réseaux consulaires, notamment des chambres de métiers et de l’artisanat. Leur rôle a été essentiel avant et pendant la crise. Il l’est aujourd’hui pour accompagner les entreprises dans la sortie de crise. L’effort de réorganisation du réseau depuis la loi Pacte a été très important. À la différence des CCI, les chambres de métiers continuent de voir leur activité augmenter.

Mon groupe a récemment formulé des propositions visant à soutenir les travailleurs indépendants et les PME. Elles vont, entre autres, dans le sens du renforcement du stage de préparation à l’installation des artisans et du maintien des centres de formalités des entreprises.

On ne saurait assez insister sur l’importance des réseaux consulaires dans le maillage économique du territoire. Ce sont des interlocuteurs de proximité et des interlocuteurs naturels pour les entrepreneurs et les artisans. Le maintien d’un financement public nous paraît ainsi essentiel pour garantir l’équité entre toutes les entreprises sur tous les territoires.

Telles sont, mes chers collègues, les quelques réflexions que m’inspire la présentation de ce rapport public annuel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, Henry Kissinger aurait affirmé : « Il ne peut pas y avoir de crise la semaine prochaine : mon agenda est déjà plein ». (Sourires.)

Année après année, les responsables politiques du pays ont refusé d’anticiper la survenance d’une crise, que celle-ci soit financière, sociale ou sanitaire. C’est ce que je lis dans le rapport de la Cour des comptes : ce gouvernement, comme bien d’autres avant lui, a contribué à l’impréparation généralisée qui a affecté notre capacité à répondre à la conjonction de crises que nous affrontons et à la gérer. Au reste, ce n’est un secret pour personne que la crise était antérieure à la pandémie…

Je note, au préalable, un symptôme du manque de réflexion de la période d’avant le covid : jamais, par exemple, n’est paru un rapport sur l’activité de réanimation. Pourtant, la saturation des lits de réanimation ne date pas de la crise sanitaire !

Depuis au moins une décennie, elle est bien connue des personnels médicaux. Puisque, en temps normal, 88 % des lits de réanimation sont occupés, il est évident que, en période de pandémie mondiale, l’Île-de-France, par exemple, ne peut que constater, impuissante, que sa capacité d’accueil est dépassée de 8 points ! Autrement dit, 8 patients sur 100 sont reçus dans des conditions précaires, sans matériels adaptés.

Le pire, c’est que l’on aurait dû apprendre, si ce n’est avant l’épidémie, du moins entre les différentes vagues ! Entre le 2 et le 16 avril dernier, ce sont 2 700 patients qui ont été accueillis en Île-de-France, pour seulement 1 150 places.

Indépendamment d’une éventuelle crise sanitaire, nous savions que nous ne pourrions pas faire face à des besoins de soins accrus avec des moyens en baisse. Or, entre 2013 et 2019, la France a été amputée de 21 000 lits d’hospitalisation.

Mes chers collègues, tout est dit à la page 163 de ce rapport. Il y est question de la progression des lits de réanimation : « Cette progression de 0,17 % par an s’avère dix fois plus faible que celle des effectifs de personnes âgées », qui constituent pourtant près des deux tiers des malades hospitalisés dans ce secteur.

Concrètement, en 2013, il y avait 44 lits de réanimation pour 100 000 habitants de plus de 65 ans ; à la veille de la crise sanitaire, il n’y avait plus que 37.

Sans entrer dans les détails du rapport, nous y trouvons bien d’autres choses que nous savions déjà, notamment que 5 % des jeunes souffraient de défaut d’accès aux outils informatiques et que les 600 000 élèves en rupture numérique ne pourraient pas continuer à étudier.

Nous savions que les 300 000 personnes sans domicile, dont 40 000 sans-abri, étaient chaque année plus nombreuses dans cette société confrontée à une exclusion chronique : 10 % de plus par an depuis 2012 !

Nous savions, comme le souligne la Cour, que l’« absence de préparation opérationnelle », alors même que l’épidémie de H1N1 ou la canicule de 2006 auraient dû permettre une réponse moins confuse, a rendu l’État défaillant dans sa capacité à proposer des solutions d’hébergement et d’accueil et à répondre aux besoins urgents d’équipement en masques et en tests de dépistages.

On savait donc, mais on n’en a pas tenu compte. Notre groupe adresse donc ses remerciements à la Cour d’avoir rappelé et précisé ces éléments.

Vous l’aurez compris, la gestion de la crise sanitaire s’inscrit dans une situation déjà complexe, sur fond de détresse sociale, de rationnement de services publics et de pression financière sur les collectivités locales.

L’afflux de cas n’a pas entraîné un recours aux hôpitaux privés pour combler les carences de l’hôpital public, qui était dépassé : 80 % des patients covid en soin critiques étaient hospitalisés dans le public et seulement 10 % dans le privé lucratif.

La fédération représentative de l’hospitalisation elle-même déplore que ces établissements n’aient pas été associés pour soutenir le public, l’exécutif préférant les transferts de patients et les déprogrammations massives. En avril dernier, c’est près d’un acte chirurgical majeur sur deux qui n’a pas été assuré.

Concernant le logement de ceux qui n’en avaient pas, à l’heure des successions de confinements, les acteurs de la solidarité sont très critiques : « Tant les objectifs fixés que les outils mobilisés se situent dans la lignée de ceux qui préexistaient à la crise sanitaire. Ils ne permettent pas de se situer au niveau qu’appelle la crise. L’échec de nombreuses dynamiques d’insertion et, plus largement, les tensions dans les structures d’hébergement résultent de cette impossibilité […] d’accéder à un logement ».

Ainsi, le tarif des places d’hôtels est de 14 % plus cher en moyenne à Paris pendant la période hivernale. Autre exemple, l’État réserve 400 places sur le site Kellermann à 113 euros par jour et par personne. Cette situation d’urgence permet de répondre à court terme et de façon coûteuse à des besoins profonds, mais ne propose aucune perspective à horizon post-épidémique.

Je vous remercie de votre rapport, monsieur le Premier président. Je pense qu’il constitue un exercice critique invitant à l’audace et à l’inédit politique. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. – M. Jean-Raymond Hugonet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jérôme Bascher. Monsieur le président, monsieur le Premier président, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer Mme Camby pour sa prise de fonction et avoir une pensée pour Michèle Pappalardo, dont ce rapport constitue en partie la dernière grande œuvre, avant son départ à la retraite.

Monsieur le Premier président, je ne sais pas si la France est bien gérée, mais ce rapport semble montrer que la Cour est quelque peu lassée de ne pas être suffisamment entendue. Les mots sont choisis, comme toujours. Mais si la force de la langue française est parfaitement maîtrisée par votre institution, les jugements que porte la Cour ressemblent davantage à ceux de la justice pénale : ils ne sont pas assez sévères.

Permettez-moi de relever le satisfecit adressé aux collectivités locales. Vous avez remarqué qu’elles ont été, dans la crise, force d’intelligence, d’innovation et d’adaptation. Les rapports des chambres régionales sont souvent quelque peu sévères, parfois à juste titre, avec la gestion des collectivités locales. On y sent souvent un certain parisianisme, une volonté de nous expliquer, depuis la capitale, comment bien gérer nos collectivités et être réactifs.

Or, comme vous l’avez souligné dans votre rapport, les collectivités ont su faire preuve d’intelligence et se montrer novatrices durant la crise sanitaire. On le voit encore aujourd’hui avec les vaccinodromes, y compris mobiles, comme dans mon département de l’Oise. Certes, comme l’a rappelé le président Raynal, ces innovations peuvent nous obliger à quelques contorsions comptables. Je ne souhaite pas que cette dérive momentanée se poursuive, mais il faut comprendre que la crise peut obliger à d’autres méthodes.

Le président Requier a déjà évoqué les chambres de commerce et d’industrie, dont vous dites, à juste titre, qu’elles n’ont pas forcément été très actives en ce qui concerne le fonds de solidarité. Toutefois, elles n’ont pas non plus été inactives. Elles ont agi en utilisant leurs propres moyens et leurs propres réseaux. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain.

Les thèmes abordés par le rapport étant particulièrement nombreux, je me centrerai sur l’Unédic. Jean-Marie Vanlerenberghe l’a rappelé, le Sénat fera des propositions, comme c’est son rôle. Il me semble toutefois que vous auriez pu aller plus loin dans vos préconisations.

La question des financements à court terme, par exemple, constitue un vrai sujet. Vous savez que les recettes de Pôle emploi sont assises sur celles de l’Unédic de l’année n-2 – je le sais d’autant mieux que c’est moi qui ai écrit la loi à l’époque.

Or les recettes de l’Unédic ont chuté de manière colossale en 2020. Il y a donc urgence à se préoccuper de ce qui va se passer l’an prochain. L’année 2021 ne s’annonce guère bonne. Monsieur le Premier président, je suis sûr que vous ne manquez pas de souligner, au sein du Haut Conseil des finances publiques, la menace représentée par la hausse du chômage qui pointe. Il y a là un sujet majeur, qu’il faut trancher maintenant ; j’en parlais voilà quelques instants avec notre collègue Frédérique Puissat.

Je comprends la nécessité de la reprise de la dette par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la Cades, mais la dette émise est plus chère que celle de l’État. Les marchés profitent d’une bonification. Est-ce la bonne façon de gérer les finances publiques ?

L’État étant le garant de cette dette, cette situation conduit à des petits arrangements et à des accommodements sur la gestion de l’Unédic. Le président et ancien ministre Jean Arthuis le rappelait ce matin devant la commission des finances. Il y a là des choses à clarifier. Peut-être le modèle a-t-il vécu ? Il faudrait alors le dire clairement.

Enfin, monsieur le Premier président, votre rapport gagnerait, dans les années à venir, à sommer les économies qu’il serait possible de réaliser. Pour diminuer la dette de la France et son déficit, en effet, il faudra faire des économies ici et là, et vos recommandations seront toujours les bienvenues lorsqu’elles seront chiffrées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, monsieur le Premier président, mes chers collègues, le Parlement est un lieu de traditions, et le débat organisé à la suite du dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes en est une, qui occupe une place importante.

C’est pour moi une première. Je comprends que ce débat, en ces temps de crise sanitaire, ne ressemble en rien à ceux des années précédentes. Au-delà du contexte, l’objet même de notre discussion ne respecte pas vraiment les traditions, car la mouture 2021 du rapport annuel ne traite pas de la situation des finances publiques.

Le Premier ministre a d’ailleurs demandé aux sages de la rue Cambon un rapport complémentaire sur cette question, ainsi que sur les priorités de l’action publique pour l’après-crise. Il devrait être publié en avril prochain ; nous en débattrons certainement.

Le rapport annuel dont nous discutons aujourd’hui porte essentiellement sur la gestion de la crise sanitaire que nous traversons depuis plus d’un an. Comme cela a déjà été dit, le principal enseignement formulé par la Cour peut se résumer en quelques mots : manque d’anticipation.

Le Premier président Pierre Moscovici l’a clairement dit, le principal enseignement du rapport 2021, c’est la faible anticipation de la crise par la plupart des acteurs publics impliqués. Mais il n’a pas précisé si l’institution qu’il préside est incluse dans le périmètre des acteurs publics concernés…

La consultation du rapport 2020, paru le 25 février de l’an passé, nous met sur la piste. La Cour concluait ainsi son avis sur la situation d’ensemble des finances publiques : « Il importe que [la trajectoire de finances publiques pluriannuelle] prévoie une réduction du déficit structurel ambitieuse, cohérente avec les règles européennes et ne repoussant pas en fin de période de programmation l’essentiel des efforts à accomplir. En complément, un renforcement de l’effectivité du cadre pluriannuel, pouvant passer notamment par une révision des textes organiques, permettrait de crédibiliser dans la durée un tel engagement. »

Autant dire que la Cour des comptes, dans sa grande sagesse, n’avait rien vu venir de la mise à l’arrêt de notre économie, du creusement abyssal de notre déficit et de l’explosion vertigineuse de notre dette. Personne ne lui en tient rigueur.

Nous pouvons nous appesantir sur le manque d’anticipation des acteurs publics, mais gardons-nous d’en tirer des conclusions bien sévères et très politiques sur ce qu’il fallait faire pour anticiper la crise. À la vérité, il semble que seuls les pays du Sud-Est asiatique, déjà confrontés au SRAS en 2011, ont à peu près su anticiper la gestion d’une telle crise.

Je crois plus pertinent de débattre de l’avenir, et pour cause : l’enjeu est de reconstruire notre pays, brisé par la crise. Le défi, c’est de dessiner au plus vite une voie de sortie crédible, eu égard aux nouvelles contraintes budgétaires.

Bien évidemment, le rapport de la Cour des comptes nous livre des éléments de réflexion aussi nombreux que précieux.

Je pense notamment, et de façon non exhaustive, à la baisse du nombre de lits de réanimation, passé de 44 pour 100 000 habitants en 2013 à 37 en 2020 ; à la forte dégradation du réseau ferroviaire national, qui devra bénéficier, dans les prochaines années, des quelque 4 milliards d’euros alloués à la SNCF dans le cadre du plan de relance ; et aux recommandations sur le pilotage de l’innovation de défense, qui illustre les difficultés de la recherche dans notre pays, laquelle débouche trop rarement sur des innovations de marché déployées à grande échelle.

De ces trois exemples, je veux tirer quelques leçons, dont je crois qu’elles pourront utilement guider, au cours des prochains mois, notre action parlementaire.

Tout d’abord, l’augmentation de la dépense publique n’induit pas nécessairement l’amélioration du service public – c’est une spécialité française. On le voit, par exemple, avec les équipements de nos hôpitaux publics : malgré l’augmentation continue de nos dépenses depuis plusieurs décennies, la situation n’a cessé de se dégrader et les inégalités territoriales n’ont cessé de se creuser.

Ensuite, nous aurons besoin de grands projets d’infrastructures pour reconstruire notre pays. La transition écologique doit tirer notre développement économique, et non le freiner. Nous devrons massivement investir dans nos équipements de réseau, qu’il s’agisse du numérique, de l’hydrogène, du cloud souverain, du ferroviaire ou encore de l’internet des objets.

Enfin, nous devrons mobiliser toutes les ressources, y compris celles de la société civile, pour enclencher cette reconstruction.

Si nous ne voulons pas condamner les générations futures à payer cette crise et sa gestion, nous devons inventer de nouveaux moyens de financer la relance en privilégiant les investissements dans les territoires. J’ai déposé une proposition de loi en ce sens. J’espère que nous aurons l’occasion d’en débattre prochainement. (MM. Daniel Chasseing et Vincent Capo-Canellas applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, le fait est trop rare pour ne pas être souligné : cette année, le rapport de la Cour des comptes fait l’éloge du service public et de ses agents.

S’il est vrai que c’est dans l’adversité que se révèlent les valeureux, notre service public est un joyau. Dans les administrations centrales, dans les collectivités territoriales, ce sont les fonctionnaires, les agents du service public, qui ont permis au pays de tenir debout. Leur boussole, c’est l’intérêt général, pas les profits à courte vue et encore moins les bénéfices de quelques actionnaires rentiers.

Toutefois, les baisses de postes et de moyens, opérées à marche forcée depuis tant d’années, ont désarmé l’État et les services publics face à la crise. C’est principalement ce que je retiens de ce rapport massif, dont je n’ai que quelques minutes pour parler.

À l’hôpital, la gestion a consisté à faire ce que l’on a pu, et l’on a fait extrêmement bien. L’hôpital public a pourtant été fragilisé et abîmé ces dernières années. Aujourd’hui, nous devons mette fin à cette logique infernale, car qui sait si d’autres crises ne surviendront pas après celle-là ?

La situation est la même en ce qui concerne le logement : les partenaires de l’État dans le logement social ont été si fragilisés qu’il a fallu, après plusieurs semaines de difficultés, payer davantage de nuits d’hôtel. Et leurs moyens continuent de baisser. Le mal-logement constitue pourtant une véritable bombe à retardement, prête à exploser si le volet social de la crise devait se poursuivre encore plusieurs années.

On n’a pas lésiné sur les moyens alloués aux entreprises, et c’était nécessaire. Toutefois, comme le souligne la Cour, on n’a pas été très regardant.

Il faut maintenant être extrêmement attentif : les agents de la direction générale des finances publiques, la DGFiP, sont aujourd’hui renforcés par des vacataires, mais de nouvelles suppressions de postes sont prévues. Si l’on veut mettre en place un contrôle effectif, plus important, plus précis et plus efficace de l’utilisation du fonds de solidarité par les entreprises, il faut arrêter ces réductions de postes et mettre en pause les réformes qui désorganisent les services.

Faut-il continuer de désarmer l’État et l’administration au travers des politiques de baisse des dépenses publiques que nous constatons depuis tant d’années ? C’est peut-être la leçon à retenir : nos services publics ont atteint un tel niveau de fragilité qu’ils ont du mal à résister à la crise que nous traversons et à répondre aux attentes et aux besoins de la population.

À la question de savoir qui doit payer, j’ai été choquée d’entendre le ministre Bruno Le Maire affirmer que la réforme de l’assurance chômage, qui permettra 1 milliard d’euros d’économies, quitte à mettre en difficulté des dizaines de milliers de personnes, servirait à rétablir les comptes de l’Unédic.

En effet, cela revient à demander aux plus précaires d’aider à résorber les déficits créés pour la protection des salariés dont la situation est meilleure. Cette mise en concurrence n’est pas viable moralement, démocratiquement, politiquement et financièrement. Nous ne pourrons jamais rétablir les déséquilibres financiers de l’Unédic. L’État devra prendre ses responsabilités.

Nous appelons pour notre part à une réforme fiscale permettant de rééquilibrer les outils dont l’État pourra se servir, notamment dans la sphère sociale et pour ce qui concerne les dettes de l’Unédic ou de la sécurité sociale. Nous serons amenés à discuter encore de ces questions et de ces enjeux. Je remercie la Cour des comptes de ce travail, qui nourrit utilement le débat. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. Didier Rambaud. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, à l’image de l’année qui s’est écoulée, le rapport annuel 2021 de la Cour des comptes est singulier. Il se distingue des précédents rapports par la crise que nous traversons, par sa structure et, surtout, par son contenu.

Comme l’ensemble des juridictions, la Cour des comptes a été contrainte d’adapter ses travaux. La crise sanitaire s’éternise, et son lot de conséquences, en particulier sur l’état des finances publiques, continue de s’aggraver. Les conclusions de la Cour doivent donc nous interroger.

Tout d’abord, les enseignements de la crise nous incitent à l’humilité. Ils éclairent les dysfonctionnements qui existent depuis de nombreuses années et que nous devons corriger. Il nous faut prendre conscience qu’un certain nombre de dispositifs sont à revisiter. Le rapport de la Cour pointe en effet des situations financières qu’il nous faut transformer, à commencer par notre système de santé.

Pendant la première vague, et encore aujourd’hui – hélas ! –, les déprogrammations massives de soins ont été inévitables. Force est de constater que les services de réanimation étaient mal préparés pour affronter une telle crise. Si le nombre de lits de réanimation pour adultes a augmenté de 0,17 % ces six dernières années, cette progression se révèle dix fois plus faible que celle des effectifs de personnes âgées.

De plus, le mode de financement des soins critiques a participé indirectement à leur recul progressif au regard des besoins. L’ouverture d’un lit en réanimation médicale suscite un déficit moyen de 115 000 euros par an. Nous devons donc réformer le modèle de financement et les capacités d’accueil, pour mieux armer les services de réanimation et de soins critiques.

La situation de la SNCF doit également nous interroger. Avec une perte nette de 3 milliards d’euros, la Cour ne voit pas « de perspectives financières favorables pour les deux années à venir ».

Comme dans d’autres secteurs, la crise a révélé les fragilités structurelles du transport ferroviaire : mauvais état du réseau, fret peu compétitif, endettement chronique… Le pacte ferroviaire, voté en 2018, a sans doute pallié certaines de ces insuffisances, qu’il était grand temps de corriger. Toutefois, après tant d’années de négligence et d’abandon, tout ne se résout pas d’un seul coup.

De la même manière, la crise nous enseigne que nous devons poursuivre nos efforts pour l’accès au numérique dans le milieu scolaire.

La lecture du rapport montre aussi que certains choix ont été bénéfiques pour les finances publiques de notre pays. Affirmer sans nuance que rien n’a fonctionné serait totalement faux. Le fonds de solidarité est un succès dont nous pouvons être fiers. Avec l’indemnisation de l’activité partielle et les prêts garantis par l’État, ce fonds de soutien massif et inédit a limité les conséquences économiques de la crise.

Le constat de la Cour des comptes à ce sujet est sans appel : « Créé en deux semaines, grâce à la très forte mobilisation de toutes les parties prenantes et au recours le plus large possible à des outils déjà existants, simples et efficaces, il a permis de limiter les effets de la crise par la distribution rapide, au 31 décembre 2020, de 11,8 milliards d’euros d’aides à 1,8 million d’entreprises et d’entrepreneurs individuels et indépendants. »

De façon progressive, le Gouvernement a su transformer et élargir le fonds de solidarité pour éviter la faillite d’entreprises de plus grande taille, en particulier dans les secteurs de la restauration, de l’hôtellerie, du sport, du tourisme, de la culture et de l’événementiel.

Nous devrons, demain, faire preuve de prudence pour ce qui concerne l’extinction du dispositif. Mais, à ce jour, le fonds de solidarité a montré son efficacité et continue de le faire.

Le coût de certaines mesures a été maîtrisé. C’est le cas de l’aide au retour des Français retenus à l’étranger. Au total, le montant des opérations d’aide au retour a été de 8,5 millions d’euros, soit trente-cinq euros par personne aidée.

Les 2 635 ressortissants d’autres pays membres de l’Union européenne pris en charge par des avions affrétés par la France ont permis d’obtenir de la Commission européenne une couverture de 75 % du coût net de ces vols. La solidarité européenne montre ici encore ses bienfaits.

Mes chers collègues, oui, la situation est grave. Il serait insensé de le nier. Mais ce bilan est à nuancer : si l’on devait ne retenir qu’une chose de ce rapport, ce serait la réactivité inédite de nombreux organismes publics, qui ont su s’adapter avec une remarquable efficacité.

La crise économique des prochaines années appelle à considérer avec beaucoup d’attention les recommandations de la Cour des comptes. Que ce soit en matière d’éclairage public ou de fusion des chambres d’agriculture ou de santé, la gestion des finances publiques doit désormais se heurter au choc économique sans précédent de la crise et à la hausse de l’endettement public.

Avec une chute d’activité de plus de 30 % en avril 2020, le PIB français s’est effondré de 8,3 % l’année dernière. C’est un repli inédit depuis 1945. Le déficit de l’assurance chômage est supérieur à 17 milliards d’euros, et le niveau de la dette est estimé, à ce stade, à 120 % du PIB.

Pour ces raisons, le Premier ministre a confié à la Cour des comptes une mission relative à la situation des finances publiques. Il a également mis en place une commission sur l’avenir des finances publiques. L’audition de Jean Arthuis, ce matin, par la commission des finances a d’ailleurs été très instructive. Le rapport annuel de la Cour des comptes l’est tout autant.

Plus que jamais, nous devons réajuster la gestion et l’évaluation de nos finances publiques. Lorsque la crise sanitaire sera derrière nous, reprendre la trajectoire des finances publiques engagée en 2017 et les réformes créatrices de croissance doit être une priorité pour notre pays.

Il est juste et légitime de s’endetter en temps de crise, mais il faut être capable de retrouver l’équilibre dans les périodes les plus favorables.

Tous les gouvernements, sans exception, depuis les années 1970, ont laissé notre solde public en déficit. Ce gouvernement a contribué à le résorber entre 2017 et 2020, avant que n’éclate la crise. C’est cette trajectoire qu’il nous faudra retrouver. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le Premier président, mes chers collègues, la publication du rapport annuel de la Cour des comptes intervient cette année dans un contexte exceptionnel, lié bien sûr à la crise sanitaire, ainsi qu’aux conséquences économiques et sociales et à l’impact inédit de cette dernière sur les finances publiques.

La dégradation vertigineuse de ces dernières traduit l’ampleur du cataclysme économique provoqué par la crise sanitaire. Encouragés par les banques centrales, les États, et la France en particulier, ont pris des mesures exceptionnelles de soutien, auxquelles est venu s’ajouter l’effet de la récession sur l’encaissement des recettes fiscales. Résultat, la France a quasiment doublé en 2020 le niveau de son déficit budgétaire et porté celui de la dette publique à environ 120 % du PIB.

Dans ce contexte, la mission habituelle de contrôle de la Cour des comptes quant à l’emploi et à la gestion des fonds publics, matérialisée par la publication de son rapport annuel, revêt cette année une importance peut-être plus grande encore.

Il est d’ailleurs significatif que sa publication ait coïncidé, jeudi dernier, avec la remise au Premier ministre du rapport de la commission sur l’avenir des finances publiques, présidée par notre ancien collègue Jean Arthuis, dont nous partageons, dans les grandes lignes, les préconisations.

« L’argent magique » n’existant pas, il nous faudra rembourser la dette contractée pendant la pandémie. Nos marges de manœuvre fiscales étant particulièrement étroites, il nous faudra en priorité actionner le levier de la dépense publique, c’est-à-dire celui des économies budgétaires.

À cet égard, l’un des aspects de la crise épidémique qui a été souligné par la Cour des comptes dans le tome Ier de son rapport annuel nous interpelle tout particulièrement : la situation de la réanimation et des soins critiques en général.

Les magistrats de la Cour des comptes déplorent « l’impréparation du secteur à affronter une crise sanitaire d’une telle ampleur ». La crise de la covid-19 a mis en lumière les carences de l’hôpital public, spécifiquement l’insuffisance et les grandes inégalités territoriales des capacités d’accueil en lits d’hôpital, qui se sont ajoutées à un manque d’effectifs de médecins réanimateurs, alors que les besoins d’hospitalisation croissent avec le vieillissement de la population.

Des besoins concrets d’intervention de l’État dans le secteur de la santé sont apparus, alors que nos dépenses de santé représentent 11,3 % du PIB, soit le plus haut niveau de l’Union européenne, dont la moyenne s’établit à 9,8 %. Alors que nous avons manqué de médecins réanimateurs formés, les comparaisons internationales mises en exergue par l’OCDE indiquent que nous avons le plus fort taux – 34 % – de personnels à l’hôpital n’exerçant pas de fonction médicale.

La Cour souligne également le faible recours aux capacités du secteur privé au plus fort de la pandémie et appelle à une coordination nationale des soins critiques, incluant structures publiques et privées.

Nous pouvons nous demander si la rhétorique du manque de moyens ne nous aveugle pas en partie, au détriment du problème de leur meilleure allocation. Ce problème de la bonne allocation des moyens est d’ailleurs celui que rencontre globalement l’État dans la définition et la hiérarchisation de ses priorités.

Toujours en ce qui concerne le volet social, la Cour des comptes s’émeut de la dérive des comptes de l’assurance chômage, tout en reconnaissant que celle-ci a pleinement joué son rôle d’amortisseur économique et social, en finançant, aux côtés de l’État, le dispositif exceptionnel d’activité partielle déployé massivement au bénéfice des entreprises et des salariés.

La forte dégradation de la situation financière du régime qui s’est ensuivie, avec un déficit annuel de plus de 17 milliards d’euros en 2020, ne peut qu’interroger sur la trajectoire financière de ce régime, déjà largement déficitaire avant la crise. Le niveau de l’endettement, passé de près de 37 milliards d’euros à plus de 54 milliards fin 2020, pose la question de son amortissement et de la reprise d’une partie de la dette de l’Unédic par l’État.

En outre, la question de la gouvernance du régime, marquée, comme le souligne la Cour, par une confusion des rôles entre l’État et les partenaires sociaux, appelle sans doute à une réforme plus profonde que celle qui a été engagée par le Gouvernement à la fin de 2019, si nous voulons redéfinir une trajectoire financière de retour à l’équilibre.

Cette problématique, comme celle des retraites d’ailleurs, peut difficilement être éludée à brève échéance. Encore faut-il surmonter la pandémie et définir clairement les bases d’un pacte social renouvelé.

La France se singularise moins par le niveau des dépenses de l’État que par celui des dépenses sociales. Sans remettre en cause leur légitimité, on peut tout de même s’interroger, et cela d’autant plus que leur efficacité est régulièrement mise en doute, en particulier dans les enquêtes de la Cour des comptes.

Un autre volet du rapport a particulièrement retenu notre attention : celui qui concerne l’indemnisation des entreprises au titre du fonds de solidarité. Ce puissant instrument a été, et continue d’être, indispensable à la survie d’un grand nombre d’entreprises durement touchées par la crise dans les secteurs de la restauration, de l’hôtellerie, du tourisme, de l’événementiel, du sport ou encore de la culture.

Des aides d’un montant de plus de 15 milliards d’euros ont ainsi été distribuées, via un dispositif simple et efficace, à quelque 2 millions d’entreprises et d’entrepreneurs individuels et indépendants, et, comme l’indique la Cour des comptes, avec un taux de fraude très faible.

Là où la Cour semble regretter l’évolution du fonds au gré de la progression de l’épidémie, passant d’une logique généraliste à une logique plus sectorielle, nous pouvons au contraire y déceler une opportune malléabilité, ainsi qu’une précieuse capacité d’adaptation de l’État à l’évolution de la crise sanitaire et économique.

Toutefois, nous ne contestons pas que la puissance de l’intervention publique, en aval, appelle en amont un ciblage des dispositifs, ainsi que des contrôles rigoureux. Il ne faudrait pas que, par la multiplication des mécanismes d’aides de la part d’une multiplicité d’acteurs, le cumul des aides versées à certaines entreprises soit supérieur au préjudice subi.

Les membres du groupe Union Centriste, vous le savez, sont particulièrement vigilants à la lutte contre la fraude, qui, en matière d’aides économiques, comme en matière de fiscalité et d’aides sociales, doit être implacable. En ce sens, nous souscrivons aux recommandations de la Cour des comptes visant à ce que l’élargissement du fonds s’accompagne d’une instruction plus exigeante des aides et d’un dispositif renforcé de prévention de la fraude et des sanctions.

Bien d’autres thèmes abordés par la Cour des comptes dans ce rapport montrent combien le coût élevé de la crise a remis en cause certains de nos modèles de financement, nous obligeant à les repenser.

Ces observations et ces recommandations seront utiles aux réflexions et aux contributions que notre commission des finances compte mener, dans les prochaines semaines, pour la reconstruction de la trajectoire de nos finances publiques sur le long terme. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Rémi Féraud. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le rapport public annuel de la Cour des comptes. S’il a toujours été utile à nos travaux de contrôle parlementaire, il s’inscrit, cette année, dans un contexte exceptionnel.

Dans son introduction consacrée à la situation des finances publiques, la Cour dresse le lourd bilan de l’année passée : chute du PIB et explosion du déficit public et de la dette publique. Si les chiffres présentés reflètent évidemment l’impact de la crise sanitaire, force est de constater qu’ils s’inscrivent dans la suite d’une situation déjà défavorable pour notre pays.

La Cour elle-même avait pointé ce risque, l’an dernier, énonçant que « les marges de manœuvre dont dispose la France en cas de retournement conjoncturel restent limitées, et nettement inférieures à celles de certains de nos partenaires ».

Notre collègue Vincent Éblé, encore président de la commission des finances il y a tout juste un an, avait tenu des propos très justes lors du dépôt du précédent rapport de la Cour des comptes en 2020 :

« Nos mauvais résultats sur le déficit et la dette au regard de ceux de nos partenaires européens trouvent une explication. À son arrivée, le nouveau Gouvernement a d’abord fait le choix d’une baisse des prélèvements obligatoires dirigée vers les entreprises et les contribuables les plus aisés. Dans un second temps, il a dû, après le mouvement des “gilets jaunes”, en plus de la suppression progressive, mais non financée, de la taxe d’habitation, revenir sur les hausses de fiscalité énergétique et de contribution sociale généralisée, ou CSG, qui touchaient les classes populaires. Enfin, après le grand débat national, il a décidé une réduction de l’impôt sur le revenu pour les classes moyennes ».

Depuis lors, face à la crise sanitaire et à ses conséquences désastreuses pour l’économie, le Gouvernement a davantage fragilisé les recettes fiscales, notamment en ce qu’il a choisi de baisser massivement les impôts de production, privilégiant les grandes entreprises et poursuivant sa politique de l’offre, mais sans jamais envisager d’augmenter, même exceptionnellement, les contributions des plus aisés et des activités gagnantes de la crise.

En réalité, cette crise révèle que la politique économique et fiscale menée depuis 2017 a été très largement vaine. Ce sont trois années de perdues…

Je veux évoquer ensuite certains des enseignements très utiles que le rapport tire de la crise, que j’illustrerai par trois exemples.

Le premier concerne l’hôpital public. Alors que la ministre de la santé de l’époque affirmait avoir tiré la sonnette d’alarme auprès du Président de la République et du Premier ministre, dès le mois de janvier 2020, rien n’a été véritablement préparé pour faire face à l’épidémie : les hôpitaux ont été logiquement débordés, faute de moyens.

Dans son rapport, la Cour des comptes dresse un constat éclairant sur les conséquences de la tarification à l’activité, qui ont fait de la réanimation une activité structurellement déficitaire, donc souvent reléguée au second plan. Elle estime que la création d’un lit de réanimation entraîne un déficit moyen de 115 000 euros, ce qui a entraîné un recul progressif du nombre de ces lits en dépit des besoins si criants aujourd’hui.

Il nous faut maintenant tirer les leçons de cette crise et faire en sorte que nous nous préparions à celles à venir.

Le Gouvernement n’écoute aucune des oppositions. Peut-être écoutera-t-il la Cour des comptes et traduira-t-il en actes les recommandations de cette dernière ?

En second lieu, je voudrais évoquer l’hébergement des personnes sans abri durant la crise. À cet égard, la Cour des comptes salue l’action des associations et des pouvoirs publics, un constat que je partage, à deux titres : l’effort sans précédent de mise à l’abri des personnes à la rue – près de 300 000 –, et la capacité de contenir les contaminations, alors que l’hébergement collectif aurait pu les faire exploser.

Dès lors, pourquoi arrêter cette politique, qui, malgré un démarrage difficile, fonctionne si bien ? Le surcoût annoncé de 326 millions d’euros pour les places supplémentaires est tout à fait absorbable budgétairement, au vu de l’enjeu. Et je n’aurai pas la mauvaise manière de comparer ce montant à celui qui a été perdu à cause d’autres réductions fiscales : ce serait cruel !

En revanche, je rappelle l’engagement pris par le Président de la République qu’il n’y ait plus de personnes sans domicile fixe à la rue, objectif qu’il s’était imposé pour la fin de l’année 2017. Nous avons là l’occasion de réaliser un grand progrès.

La Cour des comptes le souligne : « L’ensemble de ces mesures exceptionnelles a permis d’éviter une surmortalité des personnes à la rue ou sans domicile. Elles ont conduit à une situation sans précédent, où l’essentiel des personnes sans abri, y compris les plus marginalisées, se sont retrouvées hébergées par l’État. » Pourquoi ne pas poursuivre cet effort ? Ce serait un progrès considérable de notre société. Là encore, puisse le Gouvernement écouter les magistrats de la Cour des comptes !

En tant que rapporteur spécial de la mission budgétaire « Action extérieure de l’État », je ne veux pas manquer l’occasion de souligner la grande efficacité du plan déployé par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères pour rapatrier, au printemps dernier, les Français bloqués à l’étranger à cause de la pandémie – c’est l’un des principaux satisfecit du rapport.

Au total, près de 370 000 personnes ont ainsi été rapatriées en France. La Cour des comptes souligne tant l’efficacité de l’opération que la maîtrise des coûts entraînés par celle-ci. Cette mobilisation sans précédent montre l’importance, à l’avenir, de préserver notre réseau diplomatique et consulaire, ainsi que les moyens qui lui sont alloués.

Quant à l’inclusion bancaire et aux frais bancaires, ils constituent un enjeu majeur de justice sociale. Je l’ai défendu avec mes collègues socialistes au travers d’une proposition de loi qui n’a pas trouvé grâce aux yeux du Gouvernement, malgré les engagements pris devant les Français depuis 2018.

Comme nous, la Cour des comptes dresse le constat que « l’opacité qui entoure les frais occasionnés par les incidents de paiement et irrégularités de fonctionnement, et l’absence d’information des pouvoirs publics à la fois sur leur montant global et sur leur détail par catégorie de clients et de frais, sont un obstacle à une appréhension correcte de difficultés qui concernent chaque année un quart des clients particuliers et plus de deux millions de clients en situation de fragilité financière. »

En recommandant de poursuivre les travaux d’évaluation et de suivi des frais d’incidents bancaires, la Cour des comptes met bien cette question au cœur de son rapport – c’est une excellente chose !

Il revient au Gouvernement de s’en saisir et d’avancer sur ce sujet, qui a tant d’importance pour nos concitoyens les plus modestes.

Je conclurai en revenant à la question fondamentale que pose ce rapport, et qui sera certainement au cœur des échéances électorales l’année prochaine : qui va payer ?

S’agissant de l’assurance chômage et de l’Unédic, la Cour des comptes recommande de statuer sur le niveau et les modalités de reprise de la dette du régime d’assurance chômage. Les décisions prises en la matière permettront à ce dernier de maintenir les indemnisations futures, ou bien conduiront inéluctablement celles-ci à être revues à la baisse.

Dans ce contexte si particulier, le rapport de la Cour des comptes nous invite en réalité à réfléchir aux solutions, en sortant des recettes qui sont toujours les mêmes et des blocages idéologiques qui ont présidé à la politique budgétaire et fiscale menée jusqu’à cette crise. Ces réflexes risquent de resurgir dès après, au détriment de nos politiques publiques, des finances de l’État et de la juste répartition de l’effort.

C’est avec cette boussole que nous pouvons lire le rapport de la Cour des comptes et en tirer des conclusions positives pour l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Arnaud Bazin. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, sans vouloir abuser des chiffres, il me semble nécessaire, pour nos compatriotes qui les ignorent largement, de rappeler que, en 2020, l’État a dépensé 461 milliards d’euros alors qu’il a constaté 283 milliards d’euros de recettes, portant le déficit à 178 milliards d’euros.

Certes, il était nécessaire de soutenir « quoi qu’il en coûte » l’économie, les entreprises, les ménages et les collectivités.

Toutefois, en 2019, les comptes publics faisaient déjà apparaître, en dehors de toute circonstance exceptionnelle, un déficit de 93 milliards d’euros, alors que les recettes atteignaient péniblement 301 milliards d’euros ; les dépenses de l’État étaient financées à hauteur de 23 % par la dette.

La dégradation est donc bien antérieure à la crise du covid-19. D’ailleurs, le Haut Conseil des finances publiques, le HCFP, demandait, en septembre dernier, une nouvelle loi de programmation des finances publiques.

Un consensus semble se dessiner aujourd’hui sur la nécessaire stabilisation de l’encours de la dette autour de 120 % du PIB, afin que celle-ci reste soutenable à terme de quelques années, considérant les risques pour l’économie d’un réel effort de désendettement. Cela impliquerait le maintien d’un certain niveau de déficit, sans doute de l’ordre de 3 %, pour les années à venir.

Toutefois, cet objectif même est sujet à caution, compte tenu de la hausse prévisible de 11 milliards d’euros de la dépense publique, dès 2021.

Reste que la question de la qualité de la dépense publique demeure… En effet, les déficits des dernières années ont servi non pas à investir pour l’avenir du pays, mais à arroser les sables d’une bureaucratie galopante qui vient encore de s’illustrer, ces jours derniers, en prétendant faire face à la crise sanitaire avec des attestations et des normes…

Que reste-t-il des 50 000 postes de fonctionnaires à supprimer durant le quinquennat ? Rien ! Et si l’on regarde l’investissement public net de dépréciation, celui-ci était proche de zéro en 2015 et en 2016, et il a été porté à un misérable 0,4 % du PIB en 2019. Cette réalité serait celle d’une commune très mal gérée !

L’exemple du Grand Paris Express, investissement le plus rentable en termes de recettes publiques, est emblématique : il n’y a aucune participation du budget de l’État à son financement.

Cette situation a, et aura, des conséquences multiples. L’incapacité de l’État à soutenir les conseils départementaux, en première ligne pour faire face aux conséquences sociales de la crise économique accompagnant la crise sanitaire, en est l’une des plus préoccupantes, d’autant que les dépenses sociales représentent aujourd’hui près de 60 % des dépenses de fonctionnement des conseils départementaux.

Ces dernières années, les départements avaient pourtant amélioré leur situation financière, grâce à de puissants efforts de gestion et à la dynamique de leurs recettes, principalement via les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO. Ils ont ainsi pu augmenter leurs dépenses d’investissement, dont on connaît l’effet de levier sur l’emploi local.

Néanmoins, avec la crise sanitaire revient l’effet de ciseaux : dépenses liées à pandémie de l’ordre de 1,6 à 1,8 milliard d’euros ; baisse des DMTO de 4 % sur les onze mois de l’année dernière, avec de fortes différences selon les départements ; augmentation des dépenses de l’aide sociale à l’enfance, compte tenu du problème posé par les mineurs non accompagnés ; augmentation structurelle des dépenses en faveur des personnes âgées d’environ 3 % ; enfin, et surtout, explosion des dépenses de RSA et de lutte contre la pauvreté, au-delà de 10 % pour 2020.

Du fait d’un décalage bien connu entre la dégradation de l’emploi et l’inscription au RSA, ce sera pire en 2021 !

Face à ces difficultés prévisibles, l’État, fidèle à sa ligne de conduite avec les départements, s’est montré largement indifférent : 200 millions d’euros pour un maigre fonds de stabilisation ; non-reconduction des avances remboursables sur les DMTO en 2021, alors qu’une quarantaine de départements y avaient eu recours en 2020 ; refus de financer l’augmentation au-delà de 5 % du RSA en 2021 ; absence de réponse sur la perte probable de 10 % de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE ; amendement au projet de loi de finances pour 2021 visant à priver les départements de la dynamique naturelle de TVA compensant la perte du foncier bâti.

Faut-il rappeler que les départements ne disposent plus aujourd’hui d’aucun levier fiscal pour équilibrer en dernier ressort leurs comptes ?

Or ce sont les départements qui joueront un rôle crucial en sortie de crise. Leurs investissements sont nécessaires au tissu économique local ; ils devront prendre en charge nos compatriotes toujours plus nombreux à bénéficier du RSA, lutter contre la pauvreté, continuer à prendre en charge toujours davantage de personnes en perte d’autonomie et soutenir les enfants dont les familles sont défaillantes.

Ils devront aussi, entre autres, maintenir la qualité de l’accueil des collégiens et la sécurité des routes départementales.

Dans ce contexte, il est urgent que le Gouvernement s’engage sur une clause de sauvegarde, pour compenser, au moins au-delà d’un seuil à négocier, ce redoutable effet de ciseaux, faute de quoi il ferait courir le risque à notre pays de voir un élément essentiel de sa cohésion sociale en situation de défaillance. Je laisse à chacun le soin de faire l’inventaire des conséquences que cela entraînerait. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Gruny. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le rapport public annuel de la Cour des comptes. C’est un moment important, qui traduit la qualité des liens unissant les juridictions financières et le Parlement.

Le Sénat, tout comme votre juridiction, monsieur le Premier président, est très attaché au contrôle de l’action du Gouvernement. Nous savons combien vous êtes mobilisé.

Nos travaux se complètent et s’enrichissent parfaitement ; nous partageons les mêmes attentes : plus de transparence et de pédagogie dans la mise en œuvre et dans les résultats des politiques publiques, plus d’attention portée au coût et à la qualité des services publics, financés par les contributions, et plus de responsabilisation pour les décideurs publics.

Cette année, vous avez décidé de consacrer la première partie de votre rapport à différents thèmes liés à la crise du covid-19 ; cela se comprend parfaitement.

Vous avez notamment dressé un bilan des deux principales mesures mises en place pour soutenir les entreprises : le fonds de solidarité et l’indemnisation de l’activité partielle.

Permettez-moi, à l’occasion de ce débat, de revenir plus particulièrement sur cette mesure d’urgence prise par le Gouvernement pour éviter la faillite d’entreprises, prévenir les licenciements et soutenir le revenu des demandeurs d’emploi.

Le Gouvernement a eu un recours massif à l’activité partielle. Comment pouvait-il en être autrement alors qu’il fallait sauver nos entreprises mises à l’arrêt du jour au lendemain ?

Toutefois, ce recours massif et les aides exceptionnelles aux demandeurs d’emploi auront mis à mal le système financier de l’assurance chômage, qui était déjà en déséquilibre, avec une dette de 36,8 milliards d’euros à la fin de l’année 2019.

Ainsi, à la fin 2020, la dette devrait se creuser à 54,2 milliards d’euros, avec un déficit de 17,4 milliards d’euros, dont 9,2 milliards d’euros affectés au financement de l’activité partielle. Il convient donc de s’interroger sur le coût réel de cette dernière.

Durant cette crise, de nombreux Français ont eu recours au chômage partiel ; nous avons pu suivre, semaine après semaine, le nombre de demandes et le coût afférent, soit une trentaine de milliards d’euros.

A contrario, nous n’avons pas pu observer son équivalent dans la fonction publique d’État, dans les agences et les opérateurs de l’État, mais aussi dans les collectivités locales.

Nous ne savons pas encore à ce jour combien de personnels ont eu recours à l’autorisation d’absence, qui équivaut au chômage partiel, durant la crise sanitaire. De fait, nous ne connaissons pas son coût.

De toute évidence, nous avons là un problème de transparence, laquelle est pourtant si chère à votre juridiction et au Sénat, ainsi qu’un problème d’information en temps réel des citoyens et du Parlement. Fort heureusement, la Cour des comptes et le Sénat sont là !

Je veux également souligner l’émergence d’un problème d’équité entre les salariés du privé, qui perçoivent une indemnité de leur employeur représentant une partie de leur rémunération, et les salariés du public, qui bénéficient d’autorisations d’absence et perçoivent la totalité de leur salaire.

Nous pouvons nous interroger sur le choix de ne pas avoir fait converger les modalités de rémunération entre le public et le privé. En tout état de cause, ce manque de transparence du Gouvernement pose question, le coût réel des mesures ne pouvant être estimé.

La Cour des comptes devrait poursuivre ses investigations sur ce sujet. En effet, si nous ne disposons pas de toutes les informations nécessaires, comment pourrions-nous, comme vous le demandez, redéfinir véritablement une trajectoire financière et statuer sur le niveau et les modalités de reprise d’une partie de la dette ?

C’est cette transparence et cette pédagogie qu’il faudra bien poursuivre dans la mise en œuvre et dans les résultats des politiques publiques.

Il s’agit d’un principe fondamental, qui contribue à renforcer la confiance entre responsables politiques et citoyens, mais aussi à construire des politiques publiques plus efficientes et plus proches des besoins des usagers. Mais encore faut-il que nous discutions sur la base de véritables chiffres, en temps réel et en toute transparence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier président de la Cour des comptes, pour répondre aux intervenants.

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. Je veux tout d’abord remercier les sénateurs de la place qu’ils accordent à la présentation de notre rapport public annuel, dans un calendrier parlementaire que nous savons très chargé ; j’y suis naturellement très sensible.

Je me félicite que, pour la seconde année consécutive, les groupes aient pu exprimer leurs réactions et poser toutes les questions qu’ils souhaitent.

Nous sommes particulièrement attentifs à ce que nos travaux soient débattus et à ce que les parlementaires se les approprient. Cet échange avec vous est absolument fondamental à nos yeux ; tel est le sens de notre mission constitutionnelle d’information : je ne la conçois que comme un moment d’échange privilégié avec la représentation nationale.

Nos rapports sont d’abord écrits pour être lus, pour être présentés et diffusés, et ainsi pour être utiles au débat public. Je me prête donc très volontiers à cet exercice, et m’y prêterai encore à d’autres occasions.

Je présentais ce même rapport hier, à l’Assemblée nationale. Or le débat a été plus vivant et plus riche au Sénat, je dois le dire. (Marques de satisfaction sur diverses travées.)

Mme Pascale Gruny. Il en est toujours ainsi !

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. Je vous remercie encore une fois, monsieur le président du Sénat, d’en avoir pris l’initiative.

Je souhaite désormais revenir, non pas sur l’objet des questions posées par les différents orateurs, mais sur certains points de méthode et de projection.

Premièrement, le président Requier a évoqué le délai qui sépare la publication du rapport et notre débat. Cette année, il est vrai, il est plus long que d’habitude. Mais si nous avions attendu plus longtemps, on aurait pu nous faire le reproche inverse, à savoir que nous n’aurions aucune considération à l’égard du Parlement. Aussi, il est bon que le débat devant les assemblées suive de très près la remise du rapport public annuel au Président de la République.

Deuxièmement, je veux formuler une remarque de méthode, qui est aussi une remarque de fond. Le rapport présente deux caractéristiques assez nouvelles.

La première, c’est que nous avons voulu nous inscrire dans le temps réel de la vie des Français et des Françaises, dans leurs préoccupations – j’y ai tenu personnellement, dès ma nomination comme Premier président. Il était inévitable que nous commencions à travailler d’emblée sur la crise du covid-19 ; il eût été incompréhensible que je vienne ce soir devant vous présenter ce rapport de façon habituelle.

La seconde caractéristique relève de la tonalité. Certains la jugent trop indulgente, d’autres la considèrent trop sévère ; en réalité, elle est simplement équilibrée.

La Cour des comptes ne prétend pas avoir une boule de cristal ; ce n’est pas là son rôle ! Elle est d’abord, historiquement, une institution qui contrôle, qui évalue et qui, de plus en plus, se projette. Je souhaite que nous allions plus loin dans cette dernière direction.

En définitive, je me réjouis que ce rapport ne soit pas spectaculaire, qu’il ne se contente pas de mettre en lumière des sujets croustillants et qu’il ne vise pas à fustiger.

Le rapport se borne à souligner ce qui a manqué dans cette période, à savoir l’anticipation. Le fait que celle-ci ait fait défaut à tous n’excuse d’ailleurs personne. Nous avons besoin d’anticipation. D’autres crises se produiront : des crises sanitaires, climatiques ou encore géopolitiques. Il nous faut nous outiller pour être plus résilients à l’avenir : ce n’est pas une critique que lance la Cour des comptes, c’est un appel.

Certains sénateurs ont parlé du service public comme d’un « joyau », ou d’un « trésor ». Pour ma part, je ne saurais porter de jugement de valeur de cette nature.

Notre rapport est positif en ce qu’il assume de dire que les acteurs publics, même s’ils ont pu être désarçonnés par la crise, qu’ils n’avaient pas prévue au premier chef, ont été réactifs, inventifs, innovants et mobilisés.

Notre système public a tenu : c’est l’une des forces de notre pays. Cela ne signifie pas que l’on peut tout lui demander, ou qu’il résisterait à tout, mais nous pouvons attester, en grandeur nature, de sa robustesse.

Je veux aussi noter notre très grande convergence de vues. Ce que nous avons entendu, sur toutes les travées, à propos de notre rapport, est extrêmement réconfortant et encourageant. Le fait que vous estimiez nos observations à la fois pertinentes et utiles, tout en mettant l’accent sur certains points, constitue pour nous un aiguillon extraordinairement précieux. Moi qui fus parlementaire, je considère que c’est aussi le gage de la solidité de nos relations.

Que la Cour des comptes se situe à équidistance entre le Gouvernement et le Parlement et qu’elle soit à la disposition du Parlement est fondamental et le restera tout au long de mon mandat. Ce débat en est la marque.

En outre, vous avez noté que certains sujets mériteraient d’être travaillés plus amplement. Nous les approfondirons donc, à la demande de la commission des finances, notamment la question des réanimations et, bien sûr, celle des finances publiques, sur laquelle nous reviendrons souvent.

Autant il me paraissait impossible que le rapport ne traite pas de la question du covid-19 en 2021, autant ce document ne pouvait être exhaustif. Le rapport pour 2022, avec le recul du temps et l’extension des travaux de notre programmation, sera beaucoup plus complet ; je m’y engage devant vous.

Il traitera de certaines questions urticantes que nous n’avons pu aborder faute de temps, les compteurs ayant été arrêtés à la fin de la première partie de la crise sanitaire.

Je souhaite arrêter ma réflexion quelques instants sur les chambres de commerce et d’industrie, les CCI, qui ont été évoquées aujourd’hui à plusieurs reprises. J’avais d’ailleurs pressenti que vous aborderiez ce sujet, vous qui êtes proches des territoires.

Les CCI n’exercent pas uniquement des activités qui relèvent du secteur ou du service public. Elles ont également des activités de nature concurrentielle, d’expertise et de consultation. La gestion déléguée d’infrastructures publiques, qui faisait partie des activités les plus importantes de certaines CCI, est en perte de vitesse, c’est un fait, et les chambres sont de plus en plus en compétition avec les opérateurs privés.

Leurs perspectives d’évolution plaident pour un renforcement de leur financement par le produit de leurs activités, plutôt que par une fiscalité affectée, qui pèse aujourd’hui sur les actifs physiques des entreprises. C’est ce que veut dire la Cour.

Pour autant, cela ne signifie pas que les activités de service public doivent être niées, bien sûr. Au contraire, elles doivent faire la preuve de leur efficacité et de leur utilité, pour justifier un financement public à l’avenir.

À la suite de ce débat, nous serons amenés à nous revoir très rapidement et souvent, et j’en suis heureux. J’aurai ainsi l’occasion de venir au Sénat, le mois prochain, pour m’exprimer devant la commission des finances en ma qualité de président du HCFP, à l’occasion de la publication des avis de cet organisme sur le règlement et le programme de stabilité.

J’ai noté que vous aviez reçu M. Jean Arthuis, ce matin. De notre côté, nous présenterons l’audit des finances publiques dont le Premier ministre nous a chargés.

Nous sommes d’accord avec Jean Arthuis sur un point : il faut essayer d’améliorer la gouvernance des finances publiques. Sur d’autres sujets en revanche, notamment en ce qui concerne le rôle du Haut Conseil des finances publiques nous aurons peut-être des vues un peu différentes. Selon moi, l’institution indépendante qu’il appelle de ses vœux existe déjà : il s’agit du Haut Conseil des finances publiques ! Je souhaite simplement, je l’ai déjà dit, que l’on augmente ses moyens et étende ses mandats afin qu’elle puisse se situer à cet égard dans la moyenne européenne.

En tant que Premier président de la Cour des comptes, cette fois, je reviendrai dans vos murs dès la semaine prochaine pour l’examen du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, thème qui me tient personnellement très à cœur et sur lequel la Cour des comptes est tout à fait prête à s’investir davantage, notamment dans le cadre de la mission d’évaluation prévue dans ce texte.

Enfin, je le répète, le mois prochain paraîtra le rapport annuel de la Cour des comptes sur le budget de l’État et la finalisation des conclusions demandées par le Premier ministre sur la stratégie d’évolution des finances publiques. Je mesure – plusieurs d’entre vous l’ont souligné, mesdames, messieurs les sénateurs – les frustrations qu’a pu susciter l’absence de chapitre consacré à ce sujet dans notre rapport public annuel, notamment pour la commission des finances, qui, je le sais, y est très attentive.

Il eût été, me semble-t-il, incohérent de revenir par deux fois en un mois sur ce sujet, avec des données différentes, d’autant que les mesures actuelles auront des effets sur les finances publiques. Il vaut donc mieux disposer de données actualisées.

Je suis convaincu que la mission que nous a confiée le Gouvernement, qui constitue par ailleurs une marque de confiance à l’endroit de la Cour des comptes, est un très beau défi : sommes-nous capables de produire en deux mois une analyse aussi complète de la situation et des perspectives des finances publiques ? J’en suis persuadé.

Nous aurons donc un débat riche et étayé sur ces sujets absolument essentiels pour notre pays, dans la terrible période d’incertitudes que nous traversons.

Pour finir, mesdames, messieurs les sénateurs, je réitère ma totale disponibilité pour venir présenter, dès qu’elles seront publiées, les conclusions de la Cour des comptes à la représentation nationale, dans la forme que vous choisirez.

Encore une fois, la relation qui nous lie à votre assemblée et les échanges avec le Parlement sont tout à fait cruciaux pour la belle institution que j’ai aujourd’hui l’honneur de présider. (Applaudissements sur toutes les travées, à lexception de celles du groupe CRCE.)

M. le président. Monsieur le Premier président, madame la rapporteure générale, nous en avons terminé avec la présentation du rapport public annuel de la Cour des comptes, et nous donnons acte du débat qui s’est ensuivi.

Huissiers, veuillez reconduire M. le Premier président et Mme la rapporteure générale de la Cour des comptes.

(M. le Premier président et Mme la rapporteure générale de la Cour des comptes sont reconduits selon le cérémonial dusage.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)

PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

vice-président

Mme le président. La séance est reprise.

4

Conférence des présidents

Mme le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents réunie ce jour sont consultables sur le site du Sénat.

Conclusions de la conférence des présidents

SEMAINE DE CONTRÔLE

Mercredi 24 mars 2021

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 24 mars à 11 heures

À 16 h 45

- Débat à la suite du dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes

• Présentation du rapport annuel

• Temps attribué à la commission des finances : 10 minutes

• Temps attribué à la commission des affaires sociales : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 23 mars à 15 heures

- Débat sur le thème : « Quel rôle pour le préfet à l’heure de la relance ? » (demande du groupe RDSE)

• Temps attribué au groupe RDSE : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 23 mars à 15 heures

Le soir

- Débat sur le thème : « Quelle perspective de reprise pour une pratique sportive populaire et accessible à tous ? » (demande du groupe CRCE)

• Temps attribué au groupe CRCE : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 23 mars à 15 heures

Jeudi 25 mars 2021

À 14 h 30 et, éventuellement, le soir

- Débat sur le thème : « Veolia-Suez : quel rôle doit jouer l’État stratège pour protéger notre patrimoine industriel ? » (demande du groupe SER)

• Temps attribué au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 24 mars à 15 heures

- Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste (texte de la commission n° 468, 2020-2021) (demande du groupe UC)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 22 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 23 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 25 mars à 14 h 30

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 24 mars à 15 heures

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention (texte de la commission n° 473, 2020-2021) (demande du gouvernement)

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 24 mars à 15 heures

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 30 mars 2021

À 14 h 30 et le soir

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (texte de la commission n° 455 rectifié, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois avec saisines pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et de la commission des finances.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 12 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 mars matin et après-midi

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 25 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 30 mars matin, mercredi 31 mars matin et 14 heures, mardi 6 avril matin et mercredi 7 avril matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 h 30

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 29 mars à 15 heures

Mercredi 31 mars 2021

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 31 mars à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (texte de la commission n° 455 rectifié, 2020-2021)

Jeudi 1er avril 2021

À 10 h 30

- Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine du 4 avril 1979, en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (texte de la commission n° 481, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances.

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 31 mars à 15 heures

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement (texte de la commission n° 442, 2020-2021)

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 31 mars à 15 heures

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale (texte de la commission n° 424, 2020-2021)

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 31 mars à 15 heures

À 14 h 30 et le soir

- Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification (texte n° 461, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 22 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 24 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 29 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 31 mars matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 31 mars à 15 heures

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (texte de la commission n° 455 rectifié, 2020-2021)

Éventuellement, vendredi 2 avril 2021

Le matin, l’après-midi et le soir

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (texte de la commission n° 455 rectifié, 2020-2021)

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 6 avril 2021

À 14 h 30 et le soir

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (texte de la commission n° 455 rectifié, 2020-2021)

Mercredi 7 avril 2021

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 7 avril à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (texte de la commission n° 455 rectifié, 2020-2021)

Jeudi 8 avril 2021

À 10 h 30

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi rénovant la gouvernance du service public d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe (texte de la commission n° 471 rectifié, 2020-2021)

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 7 avril à 15 heures

- Projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2021-45 du 20 janvier 2021 et n° 2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux (procédure accélérée ; texte n° 377, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 26 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 31 mars à 12 heures

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mardi 6 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 7 avril matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 7 avril à 15 heures

À 14 h 30 et, éventuellement, le soir

- Éventuellement, suite du projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2021-45 du 20 janvier 2021 et n° 2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux (procédure accélérée ; texte n° 377, 2020-2021)

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (texte de la commission n° 455 rectifié, 2020-2021)

SEMAINE SÉNATORIALE

Mardi 13 avril 2021

À 9 h 30

- Questions orales

À 14 h 30 et le soir

- Débat sur le thème : « La loi Égalim ou comment sortir de l’impasse dans laquelle ce texte a plongé l’agriculture » (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 12 avril à 15 heures

- Proposition de loi tendant à inscrire l’hydroélectricité au cœur de la transition énergétique et de la relance économique, présentée par M. Daniel Gremillet (texte n° 389, 2020-2021) (demande de la commission des affaires économiques)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques avec une saisine pour avis de la commission des finances et de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 26 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 31 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 8 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 13 avril matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 12 avril à 15 heures

Mercredi 14 avril 2021

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 14 avril à 11 heures

De 16 h 30 à 20 h 30

(Ordre du jour réservé au groupe RDSE)

- Proposition de loi relative à la lutte contre l’illectronisme et pour l’inclusion numérique, présentée par M. Éric Gold et plusieurs de ses collègues (texte n° 367, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 2 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 avril matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 14 avril matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 13 avril à 15 heures

- Proposition de loi visant à moderniser et faciliter la procédure d’expropriation de biens en état d’abandon manifeste, présentée par MM. Jacques Mézard, Jean-Claude Requier et plusieurs de leurs collègues (texte n° 263, 2018-2019)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 2 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 avril matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 14 avril matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 13 avril à 15 heures

Jeudi 15 avril 2021

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures

(Ordre du jour réservé au groupe INDEP)

- Proposition de loi visant à orienter l’épargne des Français vers des fonds souverains régionaux, présentée par Mme Vanina Paoli-Gagin et plusieurs de ses collègues (texte n° 385, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 29 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 31 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 8 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 14 avril matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 14 avril à 15 heures

- Proposition de loi d’expérimentation visant à favoriser le retour à l’emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), présentée par M. Claude Malhuret et plusieurs de ses collègues (texte n° 34 rectifié, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 2 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 avril matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 14 avril matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 14 avril à 15 heures

De 16 heures à 20 heures

(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)

- Proposition de loi visant à garantir effectivement le droit à l’eau par la mise en place de la gratuité sur les premiers volumes d’eau potable et l’accès pour tous à l’eau pour les besoins nécessaires à la vie et à la dignité, présentée par Mme Marie-Claude Varaillas, M. Gérard Lahellec et plusieurs de leurs collègues (texte n° 375, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 26 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 31 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 8 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 14 avril matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 14 avril à 15 heures

- Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à envisager la poursuite de la procédure de ratification du CETA (texte n° 249 rectifié, 2020-2021)

• Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 14 avril à 15 heures

• Les interventions des orateurs vaudront explications de vote

Suspension des travaux en séance plénière :

du lundi 19 avril au dimanche 2 mai 2021

SEMAINE DE CONTRÔLE

Mardi 4 mai 2021

À 14 h 30

- Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, relative à l’avenir du régime de garantie des salaires, présenté par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues (texte n° 463, 2020-2021) (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 3 mai à 15 heures

• Les interventions des orateurs vaudront explications de vote

- Débat sur l’avenir institutionnel, politique et économique de la Nouvelle-Calédonie, dans la perspective du terme du processus défini par l’accord de Nouméa du 5 mai 1998 (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 3 mai à 15 heures

- Débat sur la souveraineté économique de la France (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 3 mai à 15 heures

Le soir

- Débat sur le thème : « Contrat de Relance et de Transition Écologique (CRTE), ne pas confondre vitesse et précipitation » (demande du groupe GEST)

• Temps attribué au groupe GEST : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 3 mai à 15 heures

Mercredi 5 mai 2021

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 5 mai à 11 heures

À 16 h 30

- Débat sur la réponse européenne à la pandémie de covid-19 (demande de la commission des affaires européennes)

• Temps attribué à la commission des affaires européennes : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 4 mai à 15 heures

- Débat sur le thème : « Les enjeux nationaux et internationaux de la future PAC » (demande du groupe SER)

• Temps attribué au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 4 mai à 15 heures

Le soir

- Débat sur le thème : « L’impact de la Réduction Loyer Solidarité sur l’activité et l’avenir du logement social » (demande du groupe CRCE)

• Temps attribué au groupe communiste républicain citoyen et écologiste : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 4 mai à 15 heures

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Lundi 10 mai 2021

À 16 heures et le soir

- Projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement (texte n° 449, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois avec une saisine pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

• Réunion de la commission pour élaborer son rapport : mercredi 5 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 7 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 10 mai début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 2 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 7 mai à 15 heures

Mardi 11 mai 2021

À 14 h 30 et le soir

- Suite du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement (texte n° 449, 2020-2021)

- Projet de loi de programmation, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (texte n° 404, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées avec une saisine pour avis de la commission des finances.

• Temps attribué à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes : 5 minutes

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 9 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 14 avril matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 6 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 11 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 10 mai à 15 heures

Mercredi 12 mai 2021

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 12 mai à 11 heures

À 16 h 30

- Suite du projet de loi de programmation, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (texte n° 404, 2020-2021)

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Éventuellement, lundi 17 mai 2021

À 16 heures et le soir

- Suite du projet de loi de programmation, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (texte n° 404, 2020-2021)

Mardi 18 mai 2021

À 9 h 30

- Questions orales

À 14 h 30 et le soir

- Sous réserve de leur dépôt, projet de loi relatif à la protection de l’accès du public aux œuvres culturelles à l’ère numérique et projet de loi organique relatif à la protection de l’accès du public aux œuvres culturelles à l’ère numérique

Ces textes seront envoyés à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

• Il a été décidé qu’ils feraient l’objet d’une discussion générale commune.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et les textes : mercredi 5 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mercredi 12 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 18 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 17 mai à 15 heures

Mercredi 19 mai 2021

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 19 mai à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Sous réserve de leur dépôt, suite du projet de loi relatif à la protection de l’accès du public aux œuvres culturelles à l’ère numérique et du projet de loi organique relatif à la protection de l’accès du public aux œuvres culturelles à l’ère numérique

- Sous réserve de son dépôt, projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances

Ce texte sera envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 7 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 12 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 17 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 19 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 18 mai à 15 heures

Jeudi 20 mai 2021

À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir

- Explications de vote puis vote sur la deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à améliorer la trésorerie des associations (texte n° 160, 2019-2020)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois. Il est examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 7 mai matin

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 12 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du règlement : lundi 17 mai à 12 heures

• Délai limite de demande de retour à la procédure normale (pour les articles faisant l’objet de la procédure de législation en commission) : vendredi 14 mai à 17 heures

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 19 mai à 15 heures

- Explications de vote puis vote sur la deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, en faveur de l’engagement associatif (texte n° 486, 2018-2019)

Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Il est examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 10 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 12 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du règlement : lundi 17 mai à 12 heures

• Délai limite de demande de retour à la procédure normale (pour les articles faisant l’objet de la procédure de législation en commission) : vendredi 14 mai à 17 heures

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 19 mai à 15 heures

- Sous réserve de son dépôt, suite du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances

Prochaine réunion de la Conférence des Présidents :

mercredi 5 mai 2021 à 14 heures

Mme le président. En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.

5

Candidatures à une commission mixte paritaire

Mme le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi pour un nouveau pacte de sécurité respectueux des libertés ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

6

Communication d’un avis sur un projet de nomination

Mme le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires sociales a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable – 24 voix pour, aucune voix contre – à la reconduction de M. Jean-François Delfraissy à la présidence du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé.

7

Quel rôle pour le préfet à l’heure de la relance ?

Débat organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen

Mme le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, sur le thème : « Quel rôle pour le préfet à l’heure de la relance ? »

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. Monsieur le ministre, chaque crise majeure que traverse notre société nous conduit à repenser l’efficacité de l’État. À cet égard, les Lettres sur la réforme gouvernementale de Léon Blum en 1918 sont sans nul doute un exemple des plus significatifs.

La catastrophe sanitaire que nous traversons et la crise économique et sociale que nous devrons surmonter au cours des prochaines années n’échappent pas à la règle. La crise agit en effet comme un révélateur de dysfonctionnements, de rigidités, supportables par le passé, anachroniques aujourd’hui, mais aussi de solutions qui s’imposent à nous et méritent d’être pérennisées.

Souvenons-nous, mes chers collègues, au mois de mai 2020, au sortir du premier confinement, le Président de la République, comme le Premier ministre, identifiait un couple maire-préfet de département, capable non seulement d’assurer de concert la scolarisation des enfants de soignants, de fournir des masques, d’organiser une aide concrète pour les citoyens isolés, mais aussi de prendre part à des décisions locales de confinement et de couvre-feu.

Ce binôme s’est imposé par temps d’urgence comme un outil plus opérationnel, attestant d’une décentralisation et d’une déconcentration de fait.

Monsieur le ministre, au quotidien, c’est bien au maire et aux conseillers départementaux que les concitoyens s’adressent pour obtenir des réponses concrètes, de même que c’est le préfet que les élus interrogent pour obtenir des réponses et prendre les décisions locales qui s’imposent. À l’instar des élus, le préfet est un interlocuteur naturel, fin connaisseur des territoires, des leviers et des difficultés de proximité.

Plus encore, le couple maire-préfet contribue, par ses réponses à nos concitoyens, à faire accepter, bon an mal an, des mesures de restriction sanitaires.

Aussi, nous pensons qu’il est désormais temps que cette décentralisation de fait puisse être pleinement légitimée et, de ce fait, améliorée, généralisée ou adaptée à l’ensemble de nos territoires. Notre droit est-il à la hauteur de cette décentralisation ?

Chacun ici a en mémoire l’article 72 de la Constitution : « Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. »

Si, comme le Président de la République l’a déclaré, nous sommes en état de guerre sanitaire, alors les intérêts nationaux commandent bien la mobilisation supplémentaire et élargie des préfets de département. Toutefois, les capitaines, si près du front, sont parfois loin des états-majors.

M. Jean-Claude Requier. C’est vrai !

M. Jean-Yves Roux. Si, compte tenu de notre organisation territoriale, le préfet de département a partagé ses compétences avec le préfet de région, il a, en corollaire, trop souvent perdu la connaissance de l’ensemble des décisions de l’administration déconcentrée, d’autant que, il faut le dire, de puissantes administrations centrales – je pense à l’éducation nationale – échappent encore à une réelle déconcentration.

Mes chers collègues, avez-vous tenté d’interroger votre préfet sur des décisions de l’agence régionale de santé (ARS) ? Avez-vous fait de même avec vos rectorats, vos directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), afin d’adapter aussi vite vos politiques locales en conséquence ?

Concrètement, l’ARS, pour ne prendre que cet exemple, ne peut pas répondre, au cœur de notre crise sanitaire, à chacun des élus mobilisés aux quatre coins de régions gigantesques et forcément disparates. Le préfet, lui, le peut.

Pour cela, nous disposons également d’un outil réglementaire quelque peu oublié, mais qui porte en germe tout un champ de possibilités, en donnant corps à un trio opérationnel : le maire, le préfet et le conseiller départemental.

Sans préjudice des dispositions du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions et départements, le décret du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration permet en effet au préfet de région de « proposer au Premier ministre une modification des règles d’organisation des services déconcentrés et de répartition des missions entre ces services, pour s’adapter aux spécificités du territoire dont il a la charge ».

Plus encore, la conférence nationale de l’administration territoriale de l’État, qui, je dois le rappeler, œuvre tout à fait séparément des élus de terrain, a pour sa part toute légitimité pour « proposer au Premier ministre tout projet de modification législative ou réglementaire nécessaire à la modernisation et à l’efficacité de l’administration territoriale de l’État. » Faisons-le, nous y sommes prêts !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous allez me répondre que le projet de loi 4D – pour décentralisation, différenciation, déconcentration, décomplexification – arrive et que l’on peut attendre que la décentralisation de fait devienne une décentralisation de droit. Nous y veillerons bien sûr, mais nous savons que le temps de la loi est long, celui des décrets aussi. Quant aux changements culturels, ne nous ont-ils pas déjà précédés ?

Aussi, monsieur le ministre, nous pensons utile de proposer une approche inédite, de procéder dès à présent à des expérimentations préalablement au vote du projet de loi 4D, afin que le préfet du département soit, au moins dans les départements les plus ruraux, l’interlocuteur décisionnaire auprès des maires et des conseils départementaux et qu’il puisse, de la même manière, s’appuyer sur le maillage des sous-préfectures. Nul doute que vous trouverez ici des candidats et des partenaires pour y parvenir.

Pour cela, nous souhaitons que chaque préfet puisse connaître des décisions qui relèvent non pas strictement de l’organisation territoriale, mais de sa responsabilité constitutionnelle, et qu’il puisse les transmettre. Comme disait Albert Einstein, « ceux qui ont le privilège de savoir ont le devoir d’agir ».

Nous pourrions également avancer sur un autre point : le pouvoir de dérogation des préfets, tel qu’il est prévu lui aussi par la charte de déconcentration. Il pourrait, à notre sens, être généralisé dès à présent. Le 18 février dernier, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a procédé à l’audition d’Alain Lambert, président du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN). À cette occasion, Alain Lambert nous a appris que peu de préfets usaient de ce pouvoir de dérogation, mais que, dans 80 % des cas, les dérogations avaient été très positives.

Il y a là aussi sans doute matière à faire vivre une décentralisation de fait sans plus attendre. Les maires comme les conseillers départementaux, avec le concours de leur préfet, pourront, dans la légalité absolue de leurs actes, être ainsi plus efficaces.

En temps de crise, l’appareillage technocratique et le cloisonnement des responsabilités ne sont pas de mise. Nous avons plus que jamais besoin d’une décentralisation ascendante, d’une déconcentration plus complète, intégrant la compétence santé et, j’ose le dire, dans le droit-fil du rapport d’information sur les nouveaux territoires de l’éducation que j’ai rédigé avec Laurent Lafon. C’est le bon moment.

Mes chers collègues, pour conclure, je redirai ici notre fierté de travailler avec les grands serviteurs de l’État que sont nos préfets. Ils savent comme nous que la proximité est non un simple principe, mais bien une condition de l’efficacité de nos actions communes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai beaucoup de plaisir à être parmi vous ce soir pour débattre, à la demande du groupe du RDSE, du rôle des préfets à l’heure de la relance et de la mise en œuvre du plan de relance sur l’ensemble du territoire.

Annoncé le 3 septembre dernier, ce plan est doté de 100 milliards d’euros. Il nous permet d’accélérer la transition écologique, de soutenir l’activité économique, d’améliorer notre compétitivité et de renforcer la cohésion sociale et territoriale. Nos priorités sont claires : accélérer les transformations écologiques, économiques, numériques, territoriales du pays. Nous sommes particulièrement attentifs à une mise en œuvre rapide de ce plan sur l’ensemble du territoire.

À cet égard, je saisis l’occasion de ce débat pour souligner que le plan de relance se déploie vite. Au 31 décembre 2020, 11 milliards d’euros ont été dépensés, à destination notamment de la SNCF et des collectivités territoriales – par le biais des mesures de soutien à l’investissement, de compensations de recettes ou d’avances remboursables aux autorités de transports –, à destination du plan « 1 jeune, 1 solution », 495 000 contrats d’apprentissage ayant été signés, et à destination des ménages, 200 000 demandes ayant été déposées en 2020 dans le cadre de MaPrimeRénov’.

Nous accélérons le processus. Depuis le début du mois de mars, nous avons déployé près de 16 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent 10 milliards d’euros de baisse d’impôt de production.

Nous accordons une grande importance à la déclinaison du plan de relance à l’échelon local et à son incarnation dans les territoires, comme le souhaitent beaucoup d’entre vous. Dès l’origine, nous avons voulu que la relance soit orientée vers les territoires en associant particulièrement les services déconcentrés de l’État, coordonnés par les préfets. Toutes les dispositions du plan de relance ne peuvent être mises en œuvre à l’échelon territorial, certaines ayant un caractère purement national. En revanche, dès que nous le pouvons, nous nous appuyons sur cette expertise déconcentrée et sur les collectivités locales.

Le maillage territorial pour la déclinaison du plan de relance est ainsi composé, sous la responsabilité et l’autorité de chaque préfet de département, de l’ensemble des sous-préfets sur leur arrondissement, parmi lesquels est désigné un « référent relance » dans chaque département, qui assure un rôle de pilotage. Dans les départements où cela s’est révélé nécessaire, ce réseau a été complété par trente sous-préfets à la relance recrutés à temps plein, à la suite d’un appel à candidatures ayant permis d’examiner 400 candidatures.

Leur rôle, sous l’autorité du préfet, est d’assurer le bon déploiement de la relance sur le territoire, d’être des interlocuteurs uniques de la relance dans leur département ou leur région pour informer sur le déploiement du plan et lever tous les obstacles qui pourraient se présenter lors de sa mise en œuvre. Il leur revient également de promouvoir et de valoriser les dispositions du plan, de coordonner les différents services et les organismes impliqués. Je pense à la Banque des territoires, à l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ou encore à Bpifrance.

Enfin, et peut-être surtout, les préfets ont pour rôle d’associer les collectivités territoriales à la mise en œuvre du plan de relance. C’est là une condition sine qua non de sa réussite.

À cet égard, je rappelle tout d’abord le soutien massif que l’État apporte aux collectivités locales en cette période de crise économique et sanitaire. Sur les 100 milliards d’euros du plan de relance, 16 milliards d’euros seront très concrètement fléchés vers les collectivités, dans le cadre d’enveloppes régionalisées.

Au-delà des soutiens à destination des collectivités, nous avons eu à cœur d’associer les élus dès la conception du plan de relance et dans son déploiement. Afin de les accompagner au mieux dans leurs démarches, ma collègue Jacqueline Gourault et moi-même avons mis au point un guide à destination des maires en particulier. Ce guide complet présente les différents dispositifs, les critères éventuels à remplir, ainsi que le calendrier des mesures du plan de relance. Il en précise également les modalités pratiques de mise en œuvre.

C’est aussi le travail commun réalisé par l’État et les collectivités territoriales qui permettra d’atteindre les objectifs du plan de relance. Comme l’a rappelé le Premier ministre dans la circulaire relative à la mise en œuvre territorialisée du plan de relance : « La territorialisation du plan de relance est un gage d’efficacité, d’adaptabilité, d’équité et de cohésion. Elle sera l’un des facteurs de sa réussite, en accompagnant les dynamiques territoriales et en rendant possible la consommation rapide des crédits. »

C’est dans cet esprit que s’inscrit le travail commun entre l’État et les collectivités, lequel se concrétise à travers la contractualisation. En effet, la territorialisation du plan de relance passe tout d’abord par la signature d’accords régionaux de relance, signés entre le préfet et les présidents de région. À ce jour, neuf accords ont été signés, un dixième le sera dans les prochains jours. Les discussions concernant les autres sont bien avancées.

Par ailleurs, ces accords régionaux de relance peuvent être déclinés à l’échelon départemental et intercommunal à travers les contrats de relance et de transition écologique (CRTE). Il est important que cette déclinaison puisse avoir lieu pour accompagner les projets de territoires et cibler les projets prêts à démarrer. Il s’agit d’outils de simplification et de mise en cohérence des soutiens apportés par l’État aux territoires. Si, en matière de calendrier, leur horizon dépasse celui de la relance, c’est parce qu’ils doivent nous permettre d’ancrer dans la durée les transitions rendues possibles par le plan de relance. C’est, en somme, un contenant unique des objectifs de chacune des politiques publiques du territoire et des financements octroyés.

Depuis le 15 janvier dernier, les préfets font part des périmètres de référence qu’ils arrêtent en concertation avec les élus. Le premier contrat de relance et de transition écologique a été signé à Nantes à la fin du mois de février dernier. Un deuxième a été signé avec la métropole de Lyon. Nombre de collectivités – je pense aux départements de la Charente-Maritime, de la Gironde et de l’Ardèche – ont signé des accords régionaux territorialisés de relance.

Notre objectif est que tous les territoires soient couverts par un CRTE d’ici au 30 juin 2021. C’est ambitieux, mais il nous faut faire vite afin de relancer notre économie. Partout, des périmètres se dessinent. Je peux vous dire en cet instant que, à quelques établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) près, la totalité du territoire sera couverte par des contrats de relance et de transition écologique. Pour l’heure, une seule communauté de communes n’est pas intégrée dans un CRTE, sur décision de ses élus.

Cette méthode d’association des élus, nous l’appliquons aussi dans la mise en œuvre concrète du plan de relance. Nous arrêtons le maximum de mesures à l’échelon local.

Par exemple, l’État décide des aides à l’industrie en associant les régions, pour les projets relevant du programme Territoires d’industrie. France Relance offre aux entreprises la possibilité de bénéficier d’une subvention publique pour ouvrir une nouvelle ligne de production. Les projets sont sélectionnés à l’échelon de la préfecture régionale et les présidents de région peuvent apporter un soutien financier supplémentaire. Au regard de la forte demande, le Gouvernement a ajouté hier 150 millions d’euros en partenariat avec les régions, qui ont décidé d’apporter le même montant.

De la même manière, nous travaillons avec les communes et les départements à la rénovation énergétique des collèges et des écoles. La dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) France Relance, c’est 1 milliard d’euros en 2020 au titre du soutien à l’investissement local et 950 millions d’euros en 2021 au titre de l’accompagnement énergétique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, nous veillons à associer le plus souvent et le mieux possible les collectivités locales. Cette association ne peut se faire sans la mobilisation des préfets et des sous-préfets.

Monsieur le sénateur Roux, dans la perspective notamment du projet de loi 4D, vous avez évoqué plusieurs pistes en matière de déconcentration et de dérogation pour l’application de certaines décisions et dispositions, mais également en matière de pouvoir réglementaire. J’aurai l’occasion de revenir sur ces sujets en réponse aux questions qui me seront posées. Je ne doute pas que les prochains débats sur le projet de loi 4D seront l’occasion de les approfondir.

Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l’occasion que vous nous donnez de débattre de ce thème aujourd’hui et je me réjouis des questions qui vont maintenant m’être posées.

Débat interactif

Mme le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et que le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, lors de leur prise de fonctions aux mois de décembre et janvier derniers, plusieurs sous-préfets à la relance, interrogés notamment par des médias locaux, étaient dans l’incapacité de préciser l’enveloppe dont ils disposaient pour gérer la relance, alors qu’ils ont été nommés pour veiller à la mise en œuvre du plan.

Si les préfets à la relance gèrent les crédits, quelle est alors la place des élus locaux, qui, eux, pourraient garantir une répartition égalitaire dans nos territoires ?

En fonctionnant de la sorte, l’État montre qu’il souhaite garder la main sur une partie des financements locaux. Le résultat est implacable : les élus de terrain n’ont aucune visibilité et, encore une fois, le processus démocratique entrepris reste faible.

Certes, 8 milliards d’euros sont affectés aux régions dans les contrats de plan État-région (CPER) et dans les contrats de relance et de transition écologique, mais, entre les nouveaux crédits des contrats, le recyclage de dotations déjà existantes et les reports de crédits à venir, les moyens engagés sont peu clairs pour les élus.

Cela porte à confusion pour les élus et complique évidemment la participation financière de l’État, tout en privilégiant les plus grandes collectivités. De surcroît, la transparence doit être de mise dans le processus de décision. Dans ce cadre, la publicisation des réponses de l’administration est importante, notamment afin de contrôler les deniers publics et d’évaluer les choix de politique publique.

Monsieur le ministre, quelles sont les consignes du Gouvernement pour garantir l’égalité des territoires, ainsi que la transparence quant au choix des projets retenus ?

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice Cukierman, je répondrai à votre question en trois points.

D’abord, certains crédits relèvent de politiques décidées par l’État et appliquées à un échelon national, je le disais dans mon propos liminaire, sans possibilité ou choix d’associer une collectivité locale ou un échelon déconcentré. MaPrimeRénov’ ou les primes à la conversion du parc automobile sont des politiques nationales qui s’appliquent de manière indistincte sur le territoire en fonction de la demande et des projets des ayants droit.

Ensuite, je suis en désaccord avec un aspect de votre question. Vous évoquez les 100 milliards d’euros du plan de relance en les qualifiant de « financements locaux ». Or il s’agit de financements de l’État, votés à la fin du mois de décembre dernier en loi de finances. Les crédits du plan de relance sont avant tout des financements d’État, qui peuvent être articulés avec les moyens et les politiques mis en œuvre par les collectivités locales – région, département, ou bloc communal, avec les intercommunalités –, sans qu’il y ait nécessairement de confusion.

Enfin, nous veillons chaque fois que nous le pouvons à associer les collectivités locales à la décision. C’est le cas au travers des contrats de plan État-région, que vous avez mentionnés. C’est également le cas, en matière de rénovation énergétique des collèges, au travers de l’enveloppe de 300 millions d’euros déléguée aux préfets, mais mise en œuvre en association avec les élus concernés. Les 300 millions d’euros destinés à la rénovation thermique et énergétique des lycées sont délégués de la même manière aux régions. Je conclus en précisant que les critères d’éligibilité sont connus et que cela vaut publicité pour l’utilisation de ces fonds.

J’insiste sur le fait que nous avons veillé, dans chacune des décisions prises depuis le début de la mise en œuvre du plan de relance, à ce que l’État central, si je puis m’exprimer ainsi, ne remette pas en cause les choix dévolus aux échelons déconcentrés de l’État, préfet ou sous-préfet, considérant qu’il fallait respecter la valeur du travail réalisé localement.

Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, il est plutôt rassurant que nous ne soyons pas d’accord sur tous les aspects de ma question ! (Sourires.)

Plus sérieusement, une part des financements du plan de relance sert à l’État et à la rénovation énergétique de ses propres bâtiments ! La Gazette des communes en faisait d’ailleurs état cette semaine. Lorsque nous parlons de transparence et du besoin que l’argent débloqué soit réellement destiné à tous les territoires et à toutes les collectivités, ce n’est donc pas simplement une vue de l’esprit. C’est bien une réalité, sur laquelle vous êtes interpellé.

Mme le président. La parole est à M. Michel Canevet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Michel Canevet. Monsieur le ministre, nous avons compris que l’objectif du plan de relance était d’agir très vite, de façon à relancer l’économie. Pour cela, des sous-préfets à la relance ont été nommés afin d’épauler les préfets et de faciliter la mise en œuvre des projets.

Ma première question est la suivante : des sous-préfets à la relance sont-ils prévus dans tous les départements ou le casting actuel est-il destiné à répondre aux besoins ? En d’autres termes, est-il possible que des sous-préfets à la relance complémentaires soient nommés dans certains secteurs ?

Ma seconde question porte sur les crédits dédiés aux collectivités territoriales. Les élus ont beaucoup apprécié la DSIL supplémentaire d’un milliard d’euros accordée au mois de juillet dernier, qui permet notamment d’engager des opérations de rénovation énergétique d’envergure. La consommation de ces crédits étant assez rapide, des enveloppes complémentaires sont-elles envisagées pour répondre à cet objectif de la transition écologique ? Les besoins sont importants. Quelles sont les intentions du Gouvernement à cet égard ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Canevet, trente sous-préfets à la relance ont été nommés et, dans toutes les préfectures, des sous-préfets déjà installés dans des arrondissements ou exerçant des fonctions de secrétaires généraux ont été désignés comme « référents relance ». Si nous constatons un besoin particulier de muscler le dispositif avec un sous-préfet à la relance supplémentaire dans tel ou tel département, nous y sommes évidemment ouverts, l’essentiel pour nous étant que le plan soit déployé.

Sur les crédits d’aide à l’investissement, je tiens à préciser que le Gouvernement a toujours veillé, avec l’approbation du Parlement, à ce que les crédits d’investissement prévus pour le bloc local – DSIL et dotation d’équipement des territoires ruraux, DETR - soient reconduits d’année en année, à hauteur de 2 milliards d’euros environ. Nous avons ajouté, avec le PLFR 3 adopté au mois de juillet dernier, un milliard d’euros de DSIL dite relance.

Ces crédits sont en grande partie consommés et nous avions prévu qu’ils puissent partiellement être dépensés sur l’année 2021 au titre des reports de crédits. Je m’étais engagé ici même à ce que ce soit possible. Dans le cadre de la loi de finances pour 2021 et avec l’adoption du plan de relance à proprement parler, 3,7 milliards d’euros ont été prévus pour la rénovation énergétique des bâtiments, 2,7 milliards d’euros étant destinés aux bâtiments d’État et universitaires. L’État, cela a été dit, met à profit le plan de relance pour rénover ses propres bâtiments et intégrer son patrimoine dans les trajectoires de transition énergétique.

J’ajoute que 950 millions d’euros sont fléchés sur les collectivités locales. Les préfets recevront dans les prochains jours les notifications, département par département, de ce que représente cette DSIL verte – je la nomme ainsi pour la différencier de la DSIL relance du mois de juillet dernier. Nous estimons que ce sera la meilleure façon d’accompagner les collectivités pour la rénovation énergétique.

Même si la gestion est faite sous forme de DSIL, nous avons veillé à ce que les projets éligibles à la DETR soient éligibles tant à la DSIL relance de l’été dernier qu’à la DSIL rénovation énergétique. Par ailleurs, Jacqueline Gourault et moi-même avons exonéré les préfets de la règle de minimis de 20 % pour la collectivité maître d’ouvrage, le temps de la relance et pour les projets exceptionnels portés par des collectivités qui n’auraient pas les moyens d’apporter les 20 % nécessaires.

Mme le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour la réplique.

M. Michel Canevet. Monsieur le ministre, nous nous réjouissons que des opérations de rénovation énergétique soient réalisées sur les bâtiments de l’État. Il est en effet impératif que l’État puisse adapter son parc bâti et participe ainsi à la relance. Nous nous réjouissons également qu’une enveloppe destinée à la relance puisse concerner les collectivités territoriales.

Il faut simplement que tout le monde soit bien informé, afin que les crédits puissent être rapidement déployés aux préfets de département. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme le président. La parole est à M. Hervé Gillé.

M. Hervé Gillé. Monsieur le ministre, le 16 juillet dernier, le Premier ministre insistait sur sa volonté de s’appuyer sur les territoires, afin que l’État puisse agir au plus près du terrain. La mise en œuvre du plan de relance ne reflète pas véritablement cette volonté. En effet, le choix de placer la majorité des crédits sous la responsabilité des préfets va à l’encontre de la volonté et des souhaits des élus locaux. Il témoigne même d’un manque de confiance envers les territoires, les collectivités se retrouvant souvent contraintes par la préfecture dans l’utilisation des crédits alloués par le plan de relance.

De plus, en l’absence de processus clair, précis et transparent, malgré la circulaire envoyée aux préfectures, nous remarquons la diversité des méthodes appliquées par les préfets sur l’ensemble du territoire national. Certains font le choix d’associer et d’informer régulièrement les élus et les parlementaires du territoire, tandis que d’autres limitent ces échanges au minimum.

Ainsi, dans mon département, et ce n’est pas un cas isolé, le comité départemental ne s’est réuni qu’une seule fois, au début du mois de février dernier, sans même qu’un dossier préparatoire soit distribué, même sur la table. Si ce dernier nous a été fourni, c’est à la suite de notre demande et à l’issue de cette réunion. Ce sont les dernières informations que nous avons reçues à ce jour. D’autres réunions ne portent que sur des réponses données aux appels à projets, sans débat ni concertation.

Dès lors, si la territorialisation paraît nécessaire, les différences de traitement relevées témoignent de l’absence de méthode et de cap. Alors que la mise en place du plan de relance aurait pu être l’occasion d’agir de concert pour construire le monde d’après, notre constat donne lieu à cette question centrale : comment les élus peuvent-ils animer et faire vivre le plan de relance s’ils n’y sont pas réellement associés ? Monsieur le ministre, que prévoyez-vous pour que les élus deviennent enfin coacteurs et ne soient pas de simples participants ?

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, concernant la nature des crédits, je le répète, au risque d’être désagréable, il s’agit de crédits d’État. L’État instaure un plan de relance, avec des priorités qui lui sont propres, qui ont fait l’objet de débats au Parlement et d’éventuelles contestations. Ensuite, nous établissons des dispositions visant à libérer et à mettre en œuvre ces 100 milliards d’euros de crédits en fonction de ces priorités. Lorsque celles-ci sont complémentaires de l’action des collectivités, nous associons systématiquement ces dernières, avec d’autant plus de plaisir que cela renforce l’efficacité du plan de relance.

Associer les élus est une nécessité. Régulièrement, Bruno Le Maire et moi-même rappelons à l’ensemble des préfets la nécessité d’associer les élus – parlementaires, maires des communes les plus importantes ou qui structurent le territoire, présidents d’intercommunalité, élus régionaux et départementaux – à la mise en œuvre du plan de relance.

Monsieur le sénateur, je note que vous êtes un élu du département de la Gironde, qui est le deuxième, après la Charente-Maritime, à avoir conclu un accord infrarégional de relance avec l’État. Votre département a ainsi obtenu 40 millions d’euros de la part de l’État pour financer des projets qu’il a choisis, dans le cadre d’une discussion entre l’exécutif départemental, la préfecture de département et la préfecture de région. Cela me laisse tout de même imaginer que le débat entre les élus, au moins départementaux, et l’État a été plus fécond que ne le laisse entendre votre question.

Mme le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.

M. Hervé Gillé. Monsieur le ministre, vous ne répondez pas exactement à ma question, qui porte sur la méthode partagée dans l’ensemble des territoires. Pour évaluer les politiques publiques, il faut un cadre commun ; or celui-ci n’existe pas ou n’est pas communiqué aux parlementaires, lesquels sont souvent mal associés à la mise en œuvre du plan de relance.

Un cadre commun améliorerait l’évaluation de la mise en œuvre des crédits. Quels sont les objectifs réels, les montants de consommation des crédits, les perspectives ? Ces éléments nous manquent aujourd’hui, y compris dans le cadre de notre mission de contrôle. Comment pouvons-nous agréger l’ensemble de ces données ? Ce cadre et cette méthode n’existent pas. (M. Laurent Burgoa applaudit.)

Mme le président. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Mouiller. Monsieur le ministre, dans le cadre du plan de relance, les communes et les intercommunalités bénéficient pour investir de moyens financiers importants émanant de l’État, avec la DETR et les DSIL que vous avez évoquées, mais également des régions et des départements, qui ont volontairement mis en place des aides à l’investissement. L’objectif commun de ces partenaires financiers est d’investir rapidement, afin d’enclencher des travaux susceptibles d’avoir un véritable impact sur la crise que nous vivons.

En même temps, ces travaux lancés par les collectivités nécessitent des déclarations administratives préalables, des demandes d’autorisation. Or les services instructeurs des départements et les services de l’État sont souvent à saturation, dans l’incapacité de répondre dans des délais restreints ; cela s’explique par l’impact de la crise sanitaire sur les organisations et par le nombre élevé de dossiers déposés par les collectivités. Les instructions nécessitent des délais beaucoup plus longs que d’habitude, ce qui est contraire à l’objectif d’aide aux collectivités en échange d’un investissement rapide. Je pense notamment à l’archéologie préventive, dont nous attendons souvent la réponse sans savoir quand elle arrivera et si nous pourrons investir dans les délais.

Ma question est fort simple : peut-on imaginer que les préfets aient un rôle de simplificateur et de facilitateur, voire que soient prévus des outils de dérogation pour être cohérents avec l’objectif affiché par l’État ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir souligné que des moyens importants étaient mis en œuvre, tant par l’État que par certaines collectivités, dans le cadre de leur libre administration.

Je reviens sur la question de la simplification. Consigne a été donnée à l’ensemble des services de l’État de simplifier au maximum l’instruction des dossiers. Nous le faisons, tout en respectant un cadre législatif et réglementaire. Certains aspects du cadre réglementaire ou législatif ont pu être allégés, d’autres non ; il faudrait pour cela soit voter ou modifier une loi, soit publier des textes réglementaires souvent longs à élaborer. Chaque fois que nous le pouvons, nous le faisons.

Comme je l’ai indiqué au sénateur Canevet, la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) a permis d’exonérer les collectivités porteuses de projets de la règle des 20 % minimum de financement, ainsi que de rehausser temporairement, pour la durée du plan de relance, de 40 000 à 100 000 euros, le seuil à partir duquel les marchés publics sont obligatoires dans leurs formes les plus complexes. Ces deux éléments ont d’ores et déjà un impact.

Nous avons ouvert un milliard d’euros de DSIL l’été dernier et 950 millions d’euros avec la loi de finances pour 2021. D’ores et déjà, un quart de cette DSIL a été non pas engagé, mais consommé, dans des délais plus rapides qu’habituellement. De la même manière, l’État a sélectionné 4 200 de ses bâtiments pour des travaux de rénovation énergétique. Alors que la sélection a été rendue publique le 15 décembre dernier, 500 marchés ont déjà été notifiés aux entreprises, souvent d’ailleurs pour des montants inférieurs à 100 000 euros, ce qui fait le lien avec la disposition que j’évoquais précédemment.

Chaque fois que nous le pouvons, nous simplifions, mais je le répète, et c’est là notre limite principale, dans le cadre des dispositifs législatifs et des dispositifs réglementaires ; les seconds peuvent être modifiés plus facilement que les premiers, mais demandent aussi du temps.

Mme le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.

M. Philippe Mouiller. Monsieur le ministre, au-delà des engagements et des moyens dispensés, je pense qu’il faut aller plus loin dans le système de simplification pour atteindre nos ambitions collectives. Je pense en particulier aux moyens humains consacrés aux services instructeurs pour traiter l’ensemble des dossiers.

Par ailleurs, les services de l’État pourraient réduire les délais de procédures. Compte tenu du nombre élevé de dossiers, ce sont souvent les délais maximums qui sont appliqués. Sans modifier la loi, par certaines orientations et surtout par des moyens complémentaires, nous serions capables d’aller plus vite et plus loin en matière d’investissements, ce qui est essentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Je remercie à mon tour le groupe du RDSE de la tenue de ce débat.

Dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons depuis un an maintenant, le rôle du préfet paraît plus que jamais primordial, tout comme est décisive l’importance d’offrir aux élus locaux un interlocuteur de l’État en phase avec la réalité du terrain.

La mise en place du plan de relance a pour but de reconstruire le tissu économique, l’attractivité de nos territoires, sous l’autorité du préfet, aidé par un chef de projet dans ce domaine, le sous-préfet à la relance. La tâche du préfet est immense, car devront être mobilisés tous les moyens et l’énergie nécessaires pour réinventer la réindustrialisation, l’énergie, la relocalisation, le soutien à l’innovation.

Au-delà de ce rôle de développeur en faveur des entreprises, le préfet doit accompagner de façon pérenne les communes et les communautés de communes dans la revitalisation des centres-bourgs, le maintien des services publics et de la santé, le numérique. Cet accompagnement pour l’aménagement des territoires doit constituer la mission prioritaire du préfet.

Pendant les premiers mois de la crise sanitaire, les maires étaient au premier rang. Nous avons pu constater l’efficacité du couple maire-préfet pour adapter les règles en fonction des réalités du terrain. Je ne peux que me réjouir du renforcement du lien préfet-maire. À l’heure de la relance, ce circuit décisionnel pragmatique doit non seulement être maintenu, mais aussi perdurer. Il doit devenir un lien naturel de concertation et de différenciation dans les territoires fragiles.

Monsieur le ministre, dans le cadre de la différenciation, envisagez-vous un rôle renforcé du préfet au sein des territoires ruraux ?

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Chasseing, votre question anticipe sur la discussion du projet de loi 4D – pour différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification –, notamment sur la différenciation, qui sera l’occasion d’approfondir ces sujets.

Pour illustrer notre volonté, je peux vous indiquer qu’à l’occasion du dernier comité de transformation de l’État nous avons acté notre souhait de donner aux préfets un rôle de coordination, de suivi de l’action de l’État plus interministériel et pas seulement sur le périmètre de l’organisation territoriale de l’État. D’autres modalités d’organisation pourraient donc être envisagées.

Ma conviction, partagée je crois par le Gouvernement, est que le couple maire-préfet, ou le couple entre les préfets et les représentants de l’État, d’une part, et les élus locaux, d’autre part, fonctionne dès lors que chaque partie prenante est l’interlocutrice de l’autre. Pour être un interlocuteur, il faut disposer de marges de manœuvre. Si nous transformons les préfets en « machines » à lire des circulaires ou à répéter les instructions sans aucune marge de discussion, ce ne sont plus des interlocuteurs pour les élus. Si nous accordons aux préfets la faculté d’adapter un certain nombre de décisions, la discussion avec les élus peut être productive et aboutir à des solutions adaptées au territoire, dans un objectif d’intérêt général. Ce projet de loi sera sans doute l’occasion d’aller plus avant dans cette direction.

J’en profite pour compléter la réponse que j’ai apportée au sénateur Mouiller et souligne que, dans la dernière circulaire du Premier ministre, il a été précisé à l’ensemble des services de l’État l’obligation de réduire les délais d’instruction, comme il en a exprimé le souhait.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour la réplique.

M. Daniel Chasseing. Monsieur le ministre, je me permets d’insister : l’État doit être le garant de l’aménagement de tous les territoires, urbains, péri-urbains, hyper-ruraux, afin d’y maintenir la vie, par l’intermédiaire du préfet et grâce à une différenciation suivant les objectifs que j’ai indiqués : le renforcement des bourgs, le maintien des services publics et la présence de médecins dans chaque maison de santé, l’implication dans l’économie, l’aide à l’immobilier pour les TPE et les zones de revitalisation rurale (ZRR), le soutien à l’agriculture. Dans certains territoires isolés, une implication forte de l’État, avec une différenciation, est impérative.

Mme le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le ministre, le 14 novembre dernier, plus d’une centaine de maires ont lancé un appel au Gouvernement afin de réclamer que 1 % du plan de relance – un milliard d’euros – soit fléché en direction des quartiers prioritaires de la politique de la ville, ou QPPV. Ces revendications ont été entendues. Le Gouvernement a annoncé qu’un milliard d’euros du plan de relance serait bien consacré à ces quartiers ; des annonces ultérieures sont venues compléter cette somme.

Cependant, si nous nous félicitons des moyens supplémentaires accordés, une inquiétude demeure au sujet du suivi et de la déclinaison opérationnelle de ces dispositifs dans les territoires. Les élus locaux déplorent toujours le manque d’informations de la part des services locaux de l’État concernant le déploiement concret de ces crédits. Quels appels à projets ? Quels délais ? Quels financements ?

Dans le Val-de-Marne, une attention particulière est accordée aux projets proposés dans ces quartiers, sans assurance cependant, car il ne semble pas y avoir de fléchage. Comment les préfets pourront-ils assurer ce travail en l’absence de pilotage centralisé ou en tout cas d’information claire ?

Je ne doute pas que les préfets y soient attentifs, mais comment combiner les projets locaux et un pilotage central suffisamment affûté pour que cet argent soit effectivement affecté à ces quartiers qui en ont bien besoin ?

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice, vous pourriez encore nous féliciter : outre le milliard d’euros destiné aux QPPV sur les 100 milliards d’euros du plan de relance, 3,3 milliards d’euros ont été annoncés par le Premier ministre à l’occasion du comité interministériel à la ville (CIV) qui s’est tenu au mois de février dernier, notamment avec la réutilisation de crédits non consommés dans le cadre du plan d’investissement volontaire d’Action Logement.

Élisabeth Borne, pour la partie emploi, et Nadia Hai, pour la partie politique de la ville, veillent à la mise en œuvre de ces crédits et à ce que le fléchage que vous appelez de vos vœux soit respecté. Je ne doute pas qu’elles auront à cœur de présenter aux parlementaires qui le souhaitent la manière dont ces crédits peuvent être tracés.

Par ailleurs, je précise que nous avons prévu un outil destiné à rendre compte de la mise en œuvre du plan de relance. Vous trouverez sur le site du Gouvernement le détail des résultats, département par département, appel à projets par appel à projets.

Enfin, nous avons rendu public un guide spécifique pour les maires comprenant à la fois les actions pouvant être mises en œuvre et sollicitées par les collectivités locales, comprenant les critères d’éligibilité et le calendrier des appels à projets auxquels celles-ci peuvent répondre. C’est une façon de permettre un meilleur accès à l’information.

Cependant, je le répète, nous continuerons de veiller à ce que la traçabilité du milliard d’euros fléché dans le cadre du plan de relance et des 3,3 milliards d’euros annoncés lors du CIV soit effective, de manière à ce que chacun puisse la constater.

Mme le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour la réplique.

Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le ministre, je ne manquerai pas de contacter les ministres concernées pour avoir une vision du pilotage et travailler sur le sujet.

Je tiens également à vous alerter sur la question de l’utilisation des crédits. Je pense notamment au plan « 1 jeune, 1 solution », pour lequel des missions locales attendent encore la notification des crédits supplémentaires qui leur sont alloués. Cela bloque les structures les plus fragiles, qui n’ont pas forcément la trésorerie. C’est un véritable enjeu pour que ce plan et plus globalement le plan de relance atteignent réellement leurs objectifs en faveur des QPPV et, au-delà, des quartiers de veille active, que nous ne saurions oublier.

Mme le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.

Mme Nicole Duranton. Monsieur le ministre, lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement du mercredi 4 novembre dernier, j’ai demandé à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques des précisions sur l’installation des sous-préfets à la relance.

Depuis, les trente sous-préfets à la relance, aux profils jeunes et variés, sont entrés en fonction. En tout, il existe 101 « référents relance ». Ces facilitateurs travaillent avec les administrations et les opérateurs de l’État. Bien que mon département de l’Eure n’ait pas reçu de sous-préfet à la relance, la référente étant la secrétaire générale, j’en profite pour saluer le travail important et remarquable du préfet, Jérôme Filippini, ainsi que des sous-préfets.

Plusieurs sujets peuvent bénéficier très concrètement de cette territorialisation et reposent entre les mains du préfet.

Je pense d’abord à la reconquête des friches, afin de maîtriser l’étalement urbain en vue de l’objectif de « zéro artificialisation nette » inscrit dans le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dit Climat et résilience.

Je pense ensuite à l’inclusion numérique. Une circulaire du 4 février 2021 précise aux préfets les conditions de mise en œuvre de cette enveloppe, dont le montant était initialement de 280 millions d’euros et que le ministre de l’économie, des finances et de la relance, Bruno Le Maire, a porté à presque 1 milliard d’euros au 1er mars dernier.

Or, depuis le début de la crise sanitaire, une grande variété d’aides a été mise en place : CRTE, DSIL additionnelle spéciale, subventions aux entreprises lauréates, programme Territoires d’industrie, appels à projets divers, comme celui qui concerne les jardins partagés, ou encore volontariat territorial en administration (VTA).

Aujourd’hui, plusieurs élus de mon département me font part de leur confusion face à la diversité de modalités et au grand nombre d’interlocuteurs : préfet, sous-préfet, référent ou service central d’un ministère. Face aux nombreux acronymes, les maires sont parfois un peu perdus et la répartition des compétences n’est pas toujours claire.

Les préfets ne font pas qu’appliquer…

Mme le président. Votre temps de parole est épuisé, madame Duranton. Je ne peux vous laisser poursuivre.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice Duranton, logiquement, les attentes et les interrogations des parlementaires sur les plans de relance se recoupent, notamment sur notre capacité à informer et à intégrer les élus locaux à leur mise en œuvre.

Votre question me donne l’occasion de rappeler la publication du guide de la relance destiné aux maires, avec les calendriers de mise en œuvre de chacune des mesures, les contacts pour postuler et être accompagné, les liens utiles, les critères d’éligibilité et le calendrier des appels à projets ou des appels à manifestation d’intérêt. Je souligne d’ailleurs que la publication du calendrier des appels à projets est le fruit d’une suggestion de la mission parlementaire sur la territorialisation du plan de relance, afin de donner de la lisibilité aux élus ainsi qu’aux acteurs du plan de relance.

Nous veillerons également à ce que les contrats de relance et de transition écologique ne se superposent pas avec d’autres, mais se substituent à des contrats existants, de manière à ce que le cadre de contractualisation soit le plus simple possible, en lien avec les accords régionaux et les CPER.

Plus largement, notre objectif – cela a été rappelé – est de veiller à l’information des élus et des acteurs de la relance. Nous nous appuyons pour cela sur l’administration déconcentrée de l’État, sur Bpifrance, sur l’Agence nationale de la cohésion des territoires et sur les « référents relance », qui, vous l’avez souligné, sont au nombre de 101 ; certains se consacrent exclusivement à cette fonction tandis que d’autres l’exercent en plus de leur activité. Je m’associe aux félicitations et aux remerciements que vous leur avez adressés, notamment pour la rapidité avec laquelle ils apportent autant d’informations.

Certes, il reste du travail à accomplir, mais les informations qui ne sont pas encore parvenues aux élus locaux leur seront transmises dans les plus brefs délais. Nous y veillerons.

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Artano.

M. Stéphane Artano. Monsieur le ministre, le préfet, représentant de l’État dans nos territoires, est souvent considéré comme son bras armé. Odilon Barrot disait : « C’est le même marteau qui frappe, mais on en a raccourci le manche. » Je vous rassure : c’était sous la IIIe République ! (Sourires.)

L’acte I de la décentralisation a fait évoluer le rôle du préfet dans nos territoires, puisque nous sommes passés d’une situation de quasi-tutelle à un partenariat. L’État ayant connu de nouvelles organisations territoriales, il était nécessaire d’adapter le rôle des préfets dans nos collectivités.

La modernisation de la gestion des administrations publiques est venue accroître le sentiment que le préfet était un acteur local comme les autres et qu’il peinait souvent à coordonner les actions territoriales des services de l’État. Cela n’est pas forcément vrai partout, en particulier dans les petites collectivités, comme celle que j’ai l’honneur de représenter. Dans mon territoire, contrairement aux propos de mes collègues, le préfet a à la fois un rôle central dans le pilotage de l’action de l’État et un rôle de partenaire.

Malgré tout, le travers possible d’un tel positionnement est la tentation d’interférer dans la gestion des affaires locales. Au titre du principe de la libre administration des collectivités, il me semble inconcevable qu’un préfet puisse se prononcer publiquement sur le choix qu’une collectivité doit effectuer dans un dossier relevant de sa compétence exclusive.

Or notre préfet s’est exprimé tout récemment sur une problématique relative à la submersion marine d’une route territoriale, déclarant qu’il valait mieux s’occuper de la route, et pas forcément goudronner la piste ; on verrait ça plus tard. Il est donc devenu juge de l’opportunité politique !

Monsieur le ministre, le préfet et moi ayant visiblement une lecture différente de la Constitution, pouvez-vous me préciser, à l’aune de cet exemple, les règles qui garantissent le respect du principe de libre administration sur nos territoires ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et SER. – Mme Brigitte Lherbier applaudit également.)

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Artano, je ne peux pas me prononcer sur un échange entre vous et le préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon que je ne connais pas.

Je souligne simplement que le Gouvernement est très attaché au principe de libre administration. Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler précédemment, il est tout aussi attaché à sa propre liberté d’action et à la mise en œuvre des actions publiques qui sont la traduction de ses orientations et priorités politiques. Dans la perspective de l’attribution et de la sélection des projets, nous adressons un certain nombre d’instructions et d’orientations à l’ensemble des préfets de France. Ceux-ci les mettent en œuvre dans le cadre des compétences qui sont les leurs.

Je note que, dans votre territoire, le préfet travaille en lien avec les élus locaux pour mobiliser les 2,3 millions d’euros de crédits votés en 2020 au titre du soutien à la relance. Près de 600 000 euros ont été versés à la collectivité territoriale, le reste de l’enveloppe ayant été réparti entre les communes. En outre, 500 000 euros supplémentaires ont été engagés pour la modernisation de l’abattoir. Il s’agit donc de s’en tenir à des projets structurants.

Tout se passe, me semble-t-il, en bonne intelligence. Toutefois, si des difficultés apparaissaient, je les examinerais, au besoin avec mon collègue ministre de l’intérieur.

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Artano, pour la réplique.

M. Stéphane Artano. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

À mon sens, quand chacun reste à sa place, il n’y a pas de confusion. C’est vrai aussi en matière de relance. Or, quand un préfet interfère sur un dossier dans lequel l’État met zéro financement, il n’est, je le crois, plus à sa place. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Michel Canevet. Très bien !

Mme le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Au-delà de la communication intensive des services déconcentrés de l’État à laquelle nous assistons depuis quelques semaines, comment les préfets à la relance sont-ils des facilitateurs ?

Raccourcir les délais, alléger les contraintes administratives pour permettre les nécessaires investissements stratégiques sur nos territoires : tels sont les enjeux des plans de relance. De nombreux exemples sur nos territoires tendent à montrer que certaines administrations déconcentrées n’ont pas abandonné leur interprétation restrictive de la loi. Au lieu d’accompagner les investisseurs, elles continuent à les accabler de contraintes incompréhensibles et injustifiées au vu de l’impératif de relance.

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, j’ai répondu en partie à votre question en répondant à celle de M. Mouiller.

Dans sa circulaire sur la territorialisation, le Premier ministre a donné instruction à l’ensemble des services de l’État de travailler à la réduction des délais d’instruction et de simplifier le plus souvent et le plus fortement possible les procédures.

Nous y veillons s’agissant non seulement des services déconcentrés de l’État, mais également des services ne relevant pas de l’organisation territoriale de l’État. Je pense notamment aux services de la direction générale des finances publiques et, plus largement, du ministère de l’économie et des finances. Nous souhaitons que l’échelon central respecte les choix effectués de manière déconcentrée et qu’il n’y ait pas de double instruction.

Ainsi que je l’évoquais à l’instant, nous avons aussi veillé à l’allégement d’un certain nombre de procédures. Nous demandons aux sous-préfets à la relance et aux « référents relance », qui sont déjà en poste dans les départements, d’être l’interlocuteur unique à la fois des porteurs de projets, des institutions et des administrations mettant en œuvre les plans de relance, comme la Banque des territoires, l’ANCT ou d’autres agences.

Nous savons qu’il existe des difficultés. Le fait que l’éligibilité des dossiers soit conditionnée au respect de certains critères donne lieu à des échanges et, parfois, à des incompréhensions. Toutefois, nous n’avons pas connaissance à ce stade de situations problématiques au point d’entraîner des blocages comme ceux que vous sous-entendez. Bien entendu, si c’est le cas dans tel ou tel département, nous sommes preneurs de l’information.

Mme le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour la réplique.

M. Yves Détraigne. Monsieur le ministre, je précise que j’intervenais pour le compte d’un collègue absent aujourd’hui. N’allez pas croire qu’il y aurait des problèmes dans le département de la Marne ! (Sourires.)

Mme le président. La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre, je tiens à remercier l’ensemble des services locaux de l’État. Je pense en premier lieu au préfet de mon département, le Gers, qui œuvre avec détermination depuis le déclenchement de cette crise profonde, dont nous ne voyons pas le bout.

Les fonctionnaires d’État ont le mérite de travailler avec professionnalisme dans l’incertitude, confrontés aux ordres et contre-ordres de l’autorité centrale. Face à une telle difficulté, une communication permanente avec les élus a été instaurée. Elle est utile, mais on ne gère bien que ce que l’on mesure. Il faut donc documenter la situation et ses évolutions pour les différentes composantes de la société.

Un premier indicateur est évidemment la santé de la population. Cela permet de mesurer les évolutions quasiment au jour le jour et de pointer les déficiences ou les insuffisances que l’on retrouve peu ou prou partout sur le territoire national.

La situation sociale doit aussi être observée, en partenariat avec les conseils départementaux.

L’économie, de l’artisan au micro-entrepreneur jusqu’à la grosse entreprise, mérite des représentations spécifiques, que les services de l’État, les conseils régionaux, Pôle Emploi et les chambres consulaires sont en mesure de produire.

Un tableau de bord, éventuellement normé, nous serait très utile pour constater la situation et ses évolutions, cerner les points sur lesquels l’action doit être portée ou améliorée, en suivre les effets, etc. Le plan d’action France Relance gagnerait aussi à être suivi de la sorte.

En d’autres termes, monsieur le ministre, prévoyez-vous la conception et l’implémentation d’un processus de représentation, de suivi et d’amélioration du plan de relance et, plus globalement, de l’action menée par l’État à l’échelon local, et ce dans tous les domaines ?

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, le site internet « france-relance.transformation.gouv.fr » présente à ce stade quinze des items du plan de relance faisant l’objet d’un suivi, ainsi qu’un tableau de bord quantitatif et qualitatif des projets mis en œuvre.

Vous trouverez sur ce site nombre d’informations relatives à votre département. Par exemple, presque 600 Gersois ont fait l’objet d’une aide à la rénovation de leur logement dans le cadre de MaPrimeRénov’, 580 jeunes Gersois ont été recrutés en apprentissage dans le cadre d’un contrat financé par l’État et à peu près le même nombre de Gersois de moins de 26 ans ont pu être accompagnés.

Nous l’avons fait pour le plan de relance. Nous le faisons ministère par ministère sur un certain nombre de politiques publiques, même s’il n’y a pas pour l’instant de site récapitulant l’intégralité des travaux de l’État dans tous les départements. Cela n’existait pas avant la crise du covid et c’est toujours le cas aujourd’hui. Si l’initiative est sans doute très l’utile et l’outil pertinent, dans la période que nous vivons, je ne vous cache pas que nous préférons concentrer les efforts de l’État sur la mise en œuvre du plan de relance et la réponse à la crise. Nous voulons aussi – je saisis l’occasion de votre question pour le rappeler – veiller à ce que les élus soient le plus utilement et le plus efficacement associés, département par département.

Je vous remercie d’avoir salué l’action du préfet Xavier Brunetière. Nous étions ensemble voilà quelques jours, presque quelques heures, dans le département du Gers pour visiter des entreprises et rencontrer des associations accompagnées dans le cadre du plan de relance. J’ai pu noter combien tous les élus étaient satisfaits de travailler avec lui dans la mise en œuvre du plan. Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour le remercier et, à travers lui, pour remercier l’ensemble des préfets.

Mme le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.

M. Franck Montaugé. À mon sens, les préfets pourraient jouer un rôle moteur en la matière.

La démarche instrumentée que j’appelle de mes vœux pourrait également servir en temps normal pour suivre l’action à l’échelon départemental, en lien avec les collectivités locales ; je crois que c’est nécessaire. Elle pourrait aussi s’appliquer aux contrats de relance et de transition écologique, dont nous allons entendre parler de plus en plus.

Il nous faudra tirer les enseignements de cette crise, dont j’espère que nous sortirons le plus vite possible, pour progresser collectivement. Je pense que les préfets et les élus – nous en faisons partie – doivent être entendus et associés à la démarche.

Mme le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier.

Mme Brigitte Lherbier. Monsieur le ministre, nombre de secteurs d’activités et d’entreprises sont actuellement sous perfusion, comme un malade à qui l’on administre de la morphine. Le risque pour nombre d’acteurs économiques serait un arrêt brutal de cette perfusion, synonyme pour eux de mort subite.

Les tribunaux de commerce, véritables thermomètres de la vitalité économique d’un territoire et des difficultés rencontrées sur le terrain, disposent d’une expertise comptable utile à la pérennité des entreprises en souffrance.

Le président du tribunal de commerce de Lille Métropole, Éric Feldmann, se bat depuis des années pour faire savoir aux entreprises qu’elles ne doivent pas hésiter à le solliciter à la première difficulté. Pour trouver des solutions pérennes, les préfets peuvent et doivent s’appuyer sur ces acteurs de terrain. Ces derniers connaissent les entreprises, qui, quand bien même elles seraient en difficulté à un moment donné, peuvent être porteuses d’avenir.

M. Feldmann et le préfet Michel Lalande ont mis en place une coopération étroite. Cela leur a permis de remonter une série d’informations de terrain depuis le premier confinement, faisant avancer les textes du Gouvernement, notamment ceux qui visent à aider les TPE.

Par exemple, le fonds de premier secours mis en place par la région et le tribunal de commerce des Hauts-de-France a permis de sauver 3 000 emplois grâce à une aide de 5 millions d’euros.

La mutualisation des efforts des entreprises, des chambres de commerce et d’industrie (CCI), du conseil régional, des tribunaux de commerce sous la houlette du préfet ont été très efficaces.

Monsieur le ministre, de telles synergies entre les acteurs locaux sont vitales pour la santé économique de notre territoire. Seriez-vous favorable à l’extension de ces coopérations ?

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice Lherbier, oui ! Le Gouvernement y est favorable, à condition de laisser un maximum de liberté aux acteurs locaux.

J’ai eu l’occasion de réunir les acteurs économiques du département du Nord lors d’une visite à la préfecture voilà quelques semaines. J’ai pu constater la mobilisation des chambres consulaires, du tribunal de commerce, des représentants de l’État, des élus locaux pour mettre leurs forces en commun dans des instances de concertation qui existent – je pense notamment à celles qui sont pilotées par le préfet et le directeur départemental des finances publiques – et pour examiner la situation des entreprises en difficulté, en lien permanent avec les représentants consulaires. Ces derniers encourageaient les entreprises à se placer sous la protection du tribunal de commerce et à éviter ainsi des défauts irréversibles.

Nous sommes aujourd’hui dans une situation un peu particulière. En 2020, le nombre de redressements ou de liquidations a été de 35 % à 40 % inférieur par rapport à 2019, un certain nombre d’entreprises ayant pu survivre notamment grâce aux aides liées à la crise du covid.

Cela doit nous inciter à un débranchement progressif des aides – vous l’avez souligné – ainsi qu’à une forme de responsabilité et de mesure, car le niveau de dépenses que nous sommes amenés à engager aujourd’hui n’est pas soutenable dans le temps. Il faudra donc être extrêmement judicieux en choisissant ce que nous laisserons en activité en sortie de crise épidémique et ce que nous pourrons débrancher.

Un certain nombre de dispositions du plan de relance ont vocation à poursuivre l’action et l’effet de dispositifs d’aides. Dans un département comme le vôtre, la baisse des impôts de production représente 411 millions d’euros, au bénéfice de 21 000 entreprises. C’est quelque chose de durable et cela permettra de prolonger les dispositifs d’urgence que nous avons mis en place.

Mme le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, pour la réplique.

Mme Brigitte Lherbier. Je remercie M. le ministre de faire attention aux tribunaux de commerce et j’invite mes collègues à se rapprocher des présidents de ces juridictions, qui sont toujours de très bon conseil.

Mme le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Monsieur le ministre, le plan de relance de 100 milliards d’euros sur deux ans est inédit. Vous avez recruté des sous-préfets à la relance pour une déclinaison au plus près du terrain. Les appels à projets foisonnent. Ce sont des moules trop souvent façonnés à Paris et les acteurs du territoire – entreprises, administrations ou bailleurs sociaux – se contorsionnent pour s’y couler. Pour ma part, je constate que les sous-préfets sont très mobilisés pour expliquer la subtilité des appels à projets aux acteurs du territoire.

Dans votre volonté de réarmer les territoires, n’aurait-il pas été opportun d’apporter l’ingénierie manquante aux collectivités en difficulté, afin d’accompagner les projets structurants pour leur développement ? Les appels à projets servent toujours ceux qui sont les plus réactifs ou les plus structurés et ceux qui entrent dans le moule préétabli, mais pas toujours les projets les plus adaptés à la spécificité de chaque territoire ou les plus innovants.

Sur le volet cohésion, plus particulièrement sur l’accompagnement des jeunes, les mesures sont parfois en concurrence ou, au contraire, excluent certains profils. Je pourrais ainsi mentionner les nombreux dispositifs d’accompagnement renforcé et personnalisé pour les jeunes, dont la garantie jeunes, le parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (Pacea), le contrat initiative emploi (CIE), l’insertion par l’activité économique (IAE), le parcours emploi compétences (PEC) jeunes, lui-même en concurrence avec l’accompagnement intensif jeunes (AIJ) de Pôle emploi, sans oublier les contrats aidés ou les services civiques.

Ne manque-t-il pas un peu de cohésion et d’animation locale dans tout cela ? Quel rôle est par exemple réservé aux commissions territoriales emploi-formation, qui sont coprésidées par les régions et les préfets, et auxquelles participent les élus locaux ? Est-il envisagé d’évaluer la pertinence et l’efficacité de ce mode opératoire très encadré via les appels à projets ou via la multiplicité des dispositifs ? Ces derniers peinent à être lisibles pour ceux qui pourraient en bénéficier, voire pour ceux qui les mettent en œuvre.

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice Le Houerou, les deux sujets que vous abordez sont très différents. Je vous répondrai sur le second, car, très sincèrement, ma collègue ministre du travail serait plus à même que moi d’entrer dans la subtilité d’un certain nombre de dispositifs d’accompagnement vers l’emploi relevant de son ministère.

Les commissions territoriales que vous avez évoquées sont évidemment mobilisables. Elles doivent avoir un rôle d’information, de coordination et de partage des données. Certes, comme nous le savons, leur capacité d’action peut varier d’une région à l’autre, voire d’une commission à l’autre, ce qui n’en fait pas nécessairement un outil totalement pertinent à l’échelon national.

Je partage une partie des considérations qui président à votre question s’agissant de l’ingénierie, notamment de l’ingénierie dans les territoires. Nous avons pris trois décisions pour essayer de répondre à ce besoin.

Premièrement, chaque fois que nous avons pu le faire, nous avons retenu des modalités proches de l’attribution de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) ou de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) plutôt que de l’appel à projets. C’est ce que nous avons fait sur la DSIL relance – nous l’appelons ainsi précisément pour cette raison – ou sur la DSIL rénovation énergétique. Initialement, c’était pensé sous forme d’appels à projets, mais il nous est apparu que l’organisation de l’aide sous forme de DSIL ou de DETR était plus à même de répondre aux attentes des élus, notamment des élus ayant le moins d’ingénierie.

Deuxièmement, le Premier ministre a demandé aux préfets de laisser un mois de plus aux communes de plus petite taille pour répondre aux appels à projets, afin de pallier, d’une certaine manière, les difficultés d’ingénierie.

Troisièmement, et cette décision est mise en œuvre selon les partenariats département par département, l’Agence nationale de la cohésion des territoires dispose de crédits d’aide à l’ingénierie. J’étais à Aurillac voilà quelque temps. Le président du conseil départemental s’est vu notifier plusieurs dizaines de milliers d’euros pour cofinancer des postes d’ingénierie à mettre à disposition des intercommunalités, afin de les aider à répondre aux différents appels à projets du plan de relance.

Il y a là, me semble-t-il, une piste utile pour réarmer ces collectivités, au moins pendant le temps du plan de relance.

Mme le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti.

Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le ministre, le Gouvernement a voulu faire piloter à l’échelon local le plan de relance de l’économie par des hauts fonctionnaires dédiés spécialement à cette entreprise.

Une trentaine de sous-préfets ont ainsi été nommés auprès des préfectures de département ou de région. Ils sont censés s’assurer que les fonds du plan de relance sont acheminés vers les bons acteurs sur le terrain pour que les appels à projets soient utilisés à bon escient sans favoriser les grands groupes et les plus puissantes collectivités.

Monsieur le ministre, vous connaissez les critiques dont ces sous-préfets à la relance font l’objet. Je souhaite que vous éclairiez le Sénat sur plusieurs aspects.

Tout d’abord, que répondez-vous à la remarque selon laquelle ces postes sont redondants avec d’autres postes déjà chargés du développement économique ? Le risque d’un court-circuitage du travail actuel des préfets et sous-préfets est réel, sans compter que les collectivités territoriales restent méfiantes envers ce qu’elles considèrent comme un jacobinisme déguisé.

Par ailleurs, le choix du Gouvernement est celui d’une diversification des profils. Cette initiative est destinée à ne pas réserver le pilotage de la relance au corps préfectoral. Reste que nombre de ces sous-préfets, dont la moyenne d’âge est de 30 ans, ont délibérément été recrutés dans des secteurs trop éloignés des problématiques économiques. Comme ils arrivent dans des dispositifs existants, il est à craindre que beaucoup de temps ne soit perdu dans l’apprentissage des réseaux économiques et dans la connaissance des entreprises sur le terrain. Certains viennent du secteur privé, mais leur carrière s’est faite dans de très grandes entreprises, par exemple dans le domaine de la communication.

On aurait pu s’attendre à ce qu’une telle démarche de diversification des profils conduise plutôt au recrutement de professionnels des secteurs de l’économie productive les plus durement touchés par la crise.

Monsieur le ministre, pourriez-vous dresser le bilan du recrutement de ces sous-préfets à la relance et nous éclairer sur la plus-value que vous estimez avoir apportée à nos territoires en créant cette fonction supplémentaire ?

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice, votre intervention est assez contradictoire – mais c’est l’objet du débat parlementaire – avec plusieurs de celles qui l’ont précédée. Il nous est plus souvent reproché l’absence de sous-préfet à la relance dans un département que la possible redondance entre ces hauts fonctionnaires et tel ou tel acteur.

Nous avons reçu 400 candidatures. Nous avons souhaité que ces sous-préfets à la relance viennent d’horizons diversifiés. D’une part, cela nous semblait utile pour enrichir les expériences de chacun. D’autre part, c’est conforme à ce que nous mettons en œuvre en matière de gestion de la fonction publique et des ressources humaines de l’État depuis le début de ce quinquennat, avec une volonté de mobilité à la fois interministérielle et inter-versants. J’ai eu l’honneur de défendre la réforme de la fonction publique, permettant justement d’abattre bien des blocages et des obstacles à la mobilité, que ce soit entre les ministères ou entre les trois versants de l’administration.

Ces sous-préfets à la relance sont soit des personnes nommées pour exercer exclusivement cette fonction – cela concerne une trentaine de cas – soit des référents désignés au sein de l’administration préfectorale. Ils jouent un véritable rôle d’information des acteurs – je l’ai indiqué – et de coordination à la fois des services de l’État chargés de la mise en œuvre du plan de relance et d’agences de l’État, comme l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), les agences de l’eau, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) ou encore l’Agence nationale de la cohésion des territoires.

Leur plus-value est extrêmement sensible dans les départements où ils officient, quels que soient leur profil ou leur horizon. En effet, ils permettent de débloquer des dossiers et – je le dis en écho à l’intervention de Mme Le Houerou – d’apporter aux collectivités manquant d’ingénierie un soutien pour constituer des dossiers et répondre aux appels à projets.

Votre question me permet, peut-être un peu a contrario de ce que vous avez indiqué, de saluer leur professionnalisme et leur engagement.

Mme le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.

Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le ministre, les remarques que j’ai formulées correspondent aux remontées du terrain. Certains élus jugent sincèrement le dispositif redondant. Ils ont l’impression que ces sous-préfets se surajoutent à quelque chose qui existe déjà.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc.

M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le ministre, il n’a échappé à personne que la crise sanitaire avait remis la verticalité à l’ordre du jour.

Dans des situations de crise comme celle que nous vivons actuellement, le pouvoir a toujours actionné son dispositif préfectoral. Nous en avons encore une illustration aujourd’hui avec la nomination dans quasiment chacun de nos territoires d’un sous-préfet à la relance. Ces hauts fonctionnaires ont la lourde tâche d’accompagner la mise en œuvre du plan de relance dans les territoires, territoires – ma collègue Catherine Belrhiti a raison – qu’ils méconnaissent souvent.

Nous le constatons une fois de plus : lorsque l’État ne sait pas comment faire, il nomme un sous-préfet. C’est un patch sur sa faiblesse, une rustine pour cacher le démantèlement des services préfectoraux désertés de leurs experts, qui se sont fait happer au fil des années, notamment par les agences régionales.

Ces nominations sont d’autant plus surprenantes au regard de l’inflation galopante du corps préfectoral, ce dont nous pourrions aussi débattre…

Vous auriez également pu dépêcher de Paris des inspecteurs de Bercy ou des membres du contrôle général économique et financier pour coordonner ces plans. Il y en a, paraît-il, 300 qui pourraient nous servir.

Que voulez-vous ? On a encore l’impression de technocratie et d’approche lointaine du sujet.

Monsieur le ministre, oui, à l’heure de la relance, le préfet est porteur, facilitateur de projets. Il a la capacité de dialogue avec les élus locaux, bien plus que des agences de l’État comme les agences régionales de santé (ARS) ou les rectorats, dont nous connaissons la trop grande rigidité et le caractère procédurier.

Le préfet pourrait animer, faciliter, être médiateur, mettre en cohérence les politiques publiques de territoire, c’est-à-dire simplifier ce magasin de farces et attrapes qu’est devenu l’État avec ses appels d’offres et autres aides diverses ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Il y a deux conditions à cela. D’une part, il faut que le préfet soit entouré de collaborateurs formés. D’autre part, il faut que cette ambition soit partagée par votre gouvernement, monsieur le ministre. Or le Gouvernement a poursuivi ses fusions, comme c’est le cas depuis vingt ans dans ce pays.

On se rend compte à présent que le département est le bon échelon. Vous avez donc deux outils : la charte pour la contractualisation territoriale et les contrats de relance et de transition écologique. Il ne manque plus que la volonté de s’appuyer sur les préfets de département. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Blanc, j’ai déjà répondu à votre question en répondant à Mme Belrhiti.

Vous qualifiez l’État de « magasin de farces et attrapes ». J’ai trop de considération pour les agents mobilisés face à la crise pour partager et laisser passer de tels propos.

Vous contestez le rôle et l’utilité des sous-préfets à la relance. Je persiste à dire que ceux-ci sont utiles et que les maires, y compris dans un département comme le vôtre, sont assez heureux de s’appuyer sur leur expertise.

Enfin, vous avez mis en cause, parmi d’autres cadres d’emploi, le contrôle général économique et financier de l’État. Cela signifie que vous avez mis en cause les fonctionnaires chargés de veiller au respect des orientations de l’État au sein des conseils d’administration des entreprises au capital desquelles celui-ci participe, ainsi que l’un des corps d’audit de la fonction publique de l’État et du ministère de l’économie et des finances.

Pour être honnête, je ne suis pas sûr qu’il soit particulièrement responsable d’incriminer le travail de celles et ceux qui défendent au quotidien les intérêts de l’État.

Mme le président. La parole est à M. Laurent Burgoa.

M. Laurent Burgoa. Monsieur le ministre, voilà peu de temps encore, votre gouvernement souhaitait encourager des relations préfet-maire plus étroites.

Pourtant, aujourd’hui, à l’heure où se pose la question de la relance, donc de l’attribution des crédits de soutien à l’investissement, certains maires se trouvent face à un mécanisme qu’ils jugent occulte. Comment ne pas les comprendre ?

Ces décisions d’attribution sont entre les mains des seuls préfets. Hier, le Gouvernement et la majorité parlementaire jugeaient discrétionnaires et d’un autre temps les dotations d’action parlementaire, c’est-à-dire les réserves parlementaires. Aujourd’hui, des sommes considérables sont entre les mains de hauts fonctionnaires, qui n’ont de comptes à rendre à personne. Ce n’est pas un détail !

À défaut de pouvoir participer à une commission ou d’y être représentés, nos élus perdent confiance dans les services de l’État. Les relations privilégiées que les grandes villes entretiennent avec les préfectures et, surtout, leur importante ingénierie confèrent à ces dernières un avantage certain par rapport aux plus petites communes de France.

Monsieur le ministre, les crédits de soutien ne ruissèlent pas jusqu’aux petites communes ! C’est la raison pour laquelle, afin de pouvoir les défendre, mais aussi d’être gage de transparence, donc de confiance envers le processus d’attribution, je vous demande de bien vouloir vous inspirer du mode d’attribution de la DETR, qui est soumis à une commission regroupant préfet, parlementaires et élus locaux.

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, comme je l’ai indiqué, pour la première partie, les crédits de la DSIL relance ou de la DSIL rénovation thermique sont attribués selon les mêmes critères que la dotation de soutien à l’investissement local classique ou la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), justement pour ne pas exclure les communes de petite taille. Nous avons aussi veillé à ce que ces dernières aient plus de temps ; elles disposeront notamment d’un mois de plus pour déposer les dossiers relatifs à la DSIL rénovation énergétique.

Je souligne un dernier point. À vous entendre, monsieur le sénateur, les préfets ont la main sur des crédits importants sans avoir de comptes à rendre. Je vous assure que les préfets rendent des comptes au Premier ministre, au ministre de l’intérieur et à l’ensemble des ministres qui les mobilisent pour la mise en œuvre de leurs actions.

M. Hervé Gillé. Mais pas aux parlementaires !

Mme le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour la réplique.

M. Laurent Burgoa. Monsieur le ministre, je vous écoute depuis tout à l’heure répondre aux questions de nos collègues. Vous maîtrisez parfaitement la théorie, mais, très franchement, je ne crois pas que les maires ruraux puissent être en phase avec vos propos.

Vous avez parlé d’un document programme, mais le maire d’une commune du Gard de 50, 100 ou 200 habitants n’a pas le temps de lire 50 à 100 pages par jour. Il a autre chose à faire et il n’a pas l’ingénierie pour le faire à sa place, contrairement au maire d’une commune de 50 000 ou 100 000 habitants, qui peut confier cette tâche à son directeur général des services (DGS).

Il faudrait que, de Paris, vous commenciez à le comprendre et que vous ne soyez pas toujours hors sol ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et RDSE.)

Mme le président. La parole est à Mme Else Joseph.

Mme Else Joseph. Monsieur le ministre, ces derniers mois, la crise sanitaire a révélé bien des fragilités, des lenteurs et des inadaptations dans l’organisation de notre État et de notre administration. Pourtant, c’est à ce même État que les Français sont attachés.

Dans les mois à venir, je l’espère, la question de la relance de notre économie sera posée. Nous avons raté la crise, ne ratons pas la reprise. Nous pouvons faire de la relance l’antithèse de ce qui a été défectueux, en agissant directement, au plus près du terrain.

Pour cette raison, les préfets sont aux côtés des collectivités locales, qui ne manquent pas d’expertise pour développer des projets économiques et industriels, comme c’est le cas dans mon département des Ardennes.

Il y a moins d’un an, ma collègue Sophie Primas proposait la mise en place de task forces de simplification administrative pour les nouvelles implantations industrielles, autour des préfets et en lien avec les élus locaux. Elles sont nécessaires pour encourager la relocalisation de notre économie.

Les services de l’État doivent faciliter davantage encore les projets locaux. C’est dans ce cadre que l’on peut imaginer une saine articulation, non seulement entre les différents échelons publics, mais aussi entre les acteurs publics et les acteurs privés autour du préfet, qui joue un rôle clé.

Nous ne voudrions toutefois pas que nos espoirs soient gâchés par nos craintes, et nous avons donc des questions à vous poser, monsieur le ministre.

Le préfet est le délégué territorial de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Quel est précisément son rôle à ce titre ? Quelles sont ses libertés et ses initiatives ?

Dans les Ardennes, nous avons la chance de disposer d’un préfet à la relance. Comment son rôle s’articule-t-il avec celui des préfets ? Il faut adresser un message clair sur ce point, car cela est source d’incompréhension.

Quels seront également les liens des préfets avec les acteurs économiques ? Qu’en est-il par exemple des friches contrôlées par l’État, évoquées dans le pacte Ardennes ?

Monsieur le ministre, le préfet n’est pas seulement une image d’Épinal de la déconcentration. Il doit aussi être l’incarnation vivante et adaptée de l’État stratège, avec plus d’autonomie et de prérogatives. À ce titre, n’hésitons pas à renforcer ses compétences en matière d’éducation et de santé, sujets que l’actualité rend prioritaires. Le préfet doit illustrer la réinvention du rôle de l’État au XXIe siècle, dans une logique de complémentarité avec les élus locaux. (M. Étienne Blanc applaudit.)

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice, en tant que représentant de l’État, le préfet a autorité sur les sous-préfets à la relance, qui sont pour leur part des interlocuteurs et des facilitateurs.

La représentation de l’État dans le département relève bien du préfet, qui est aussi délégué de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et de l’ANCT. Il dispose à ce titre de toutes les marges prévues dans le règlement d’intervention de ces agences pour mettre en œuvre les projets sur le territoire.

Il vous semblerait également utile que le préfet ait autorité sur les administrations de santé. Une modification législative serait nécessaire si nous voulions vous suivre, notamment pour revoir le périmètre de l’organisation territoriale de l’État, qui exclut les administrations de la santé, les administrations militaires, les administrations des finances publiques – DGFiP et douanes – et les représentations territoriales du ministère de l’éducation nationale – directeur académique des services de l’éducation nationale (Dasen) et rectorat.

Un débat sur ce modèle totalement nouveau serait certainement intéressant, mais il n’a pas encore été ouvert à ce stade.

Quoi qu’il en soit, je souligne l’importance du rôle des préfets pour coordonner les actions dans les territoires. En cela, je partage le sens général de votre intervention.

Madame la présidente, si vous le permettez, je profiterai des quelques secondes qui me restent pour répondre à M. Burgoa.

Monsieur le sénateur, vous êtes conseiller départemental depuis cinq ans et vous avez été adjoint au maire de Nîmes pendant trois ans. C’est une expérience notable.

Pour ma part, j’ai été député de la deuxième circonscription de l’Ardèche, laquelle compte 92 communes, de 2007 à mon entrée au Gouvernement, et maire d’une commune de 17 000 habitants pendant un peu plus de dix ans. J’estime avoir assez peu de leçons à recevoir sur ma capacité à tenir le sol !

Conclusion du débat

Mme le président. En conclusion du débat, la parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel rôle pour le préfet à l’heure de la relance, à un moment où notre société n’a jamais eu autant besoin d’autorité et de clarté ?

Le plan de relance de 100 milliards d’euros sur deux ans doit permettre de reconstruire le tissu économique local, de renforcer l’attractivité de nos territoires, d’accompagner la transition écologique et de lutter contre la précarité sociale.

Une architecture spécifique de dialogue entre l’État et les acteurs locaux a été prévue dans la mise en œuvre de la territorialisation du plan de relance. Ainsi, deux comités de pilotage et de suivi aux échelons régional et départemental ont été créés.

Le choix a été fait de contractualiser les modalités de déploiement du plan de relance par le biais d’un « accord régional de relance », signé entre l’État et la région en parallèle du contrat de plan État-région 2021-2027.

Un contrat de relance et de transition écologique pourra éventuellement être signé entre l’État, d’une part, et les départements, les EPCI et les communes, d’autre part, pour des projets particuliers cofinancés par ces collectivités.

Enfin, le plan de relance distingue trois types d’enveloppes de crédits « d’actions territorialisées » : certaines seront gérées de manière déconcentrée par les opérateurs régionaux, d’autres seront directement placées sous l’autorité du préfet, d’autres enfin pourront être déconcentrées au fur et à mesure.

Plusieurs mois après le lancement des premières actions de relance, le constat est sans appel : il est nécessaire d’appeler à une meilleure coordination des efforts de relance.

En effet, il est à craindre que la superposition de multiples niveaux de décision, de diverses couches contractuelles et de différents types d’enveloppes ne soit source de confusion et de retards. De même, la double contractualisation avec les collectivités prendra nécessairement du temps.

Les collectivités ne sauraient être réduites au seul rôle d’opérateurs de l’État. Elles attendent au contraire une meilleure reconnaissance de leur rôle, central, dans la vie économique des territoires.

Pourtant, en dépit des annonces de territorialisation, les financements restent en grande majorité octroyés in fine sur décision des préfets. Les collectivités sont bien sûr largement appelées à cofinancer ces actions, sans avoir néanmoins de pouvoir de codécision sur leurs orientations.

C’est donc une organisation très verticale du plan de relance qui se dessine, dans laquelle les crédits ayant vocation à irriguer les territoires seront distribués par le préfet, sans véritable prise en compte de la vision stratégique propre des collectivités.

Le Gouvernement doit donc œuvrer à offrir les clarifications et simplifications nécessaires, sous peine que la territorialisation du plan de relance ne soit pas effective avant plusieurs mois et repousse encore un stimulus économique déjà étalé dans le temps.

Pour venir en renfort des territoires, le Gouvernement a décidé de déployer des sous-préfets à la relance. L’intention est louable : il s’agit de faire remonter tous les blocages administratifs rencontrés sur le terrain.

Toutefois, l’envoi de nouveaux fonctionnaires ne risque-t-il pas de conduire à un court-circuitage du travail des préfets en place et de brouiller la qualité du dialogue avec les élus locaux ? Et c’est sans compter les doublons avec les commissaires au redressement productif et, surtout, avec les 450 sous-préfets en poste, dont certains ont déjà en charge des domaines particuliers, par exemple la ville ou l’égalité des chances.

Enfin, le préfet se heurte toujours à de nombreuses difficultés dans l’exercice de ses différentes missions, malgré les réformes engagées afin d’améliorer son rôle d’animation.

La crise de la covid-19 nous a éclairés sur la difficile coordination des services déconcentrés et l’absence de pilotage du millefeuille administratif, en particulier les agences régionales de santé, mais aussi les services locaux de l’ANRU, dont l’autonomie rend complexe la mise en œuvre des politiques publiques dans nos territoires.

Les interférences de la double tutelle locale et nationale sont nombreuses et l’on note trop souvent la réticence des ministères centraux à se voir cantonnés au seul rôle de réflexion stratégique et d’impulsion.

Nous avons pu constater ces derniers mois l’efficacité des gestions de crise dans les territoires dès lors qu’elles réunissent, autour du préfet, l’ensemble des acteurs locaux selon un modèle de task forces.

Le décret de 2020 accorde aux préfets un pouvoir de dérogation aux normes réglementaires dans sept domaines pour motif d’intérêt général, et en cas de circonstances locales particulières, afin de réduire les délais de procédure et favoriser l’accès aux aides publiques.

Cette mesure de simplification sera particulièrement appréciée dans le cadre du plan de relance et permettra aux préfets, attentifs aux difficultés d’application des règles, de s’engager en faveur d’un dialogue à l’échelon local.

En conclusion, je remercie l’ensemble de nos collègues de leur contribution au débat. Comme Jean-Yves Roux l’a souligné en introduction, le groupe du RDSE sera très attentif au projet de loi 4D, qui doit permettre de mettre en œuvre toutes ces politiques. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)

Mme le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Quel rôle pour le préfet à l’heure de la relance ? »

L’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures trente, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.)

PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

8

Quelle perspective de reprise pour une pratique sportive populaire et accessible à tous ?

Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, sur le thème : « Quelles perspectives de reprise pour une pratique sportive populaire et accessible à tous ? »

Dans le débat, la parole est à M. Jérémy Bacchi, pour le groupe auteur de la demande.

M. Jérémy Bacchi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le sport transcende les clivages, y compris dans cet hémicycle. Sa portée universelle nous permet, un temps, de mettre de côté nos différends. Son utilité sociale n’est plus à démontrer. Alors que de plus en plus de personnes s’inquiètent d’un délitement de la société, il fait partie de ces outils essentiels à la République émancipatrice que nous souhaitons. C’est d’autant plus vrai qu’il permet souvent aux populations les plus fragiles socialement et économiquement de sortir la tête de l’eau et d’échapper aux difficultés du quotidien. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que l’on constate, en même temps que la fermeture des lieux sportifs, une augmentation de 80 % des troubles d’ordre psychologique chez les jeunes de moins de 15 ans.

Il y a encore peu, la France s’était donné comme cap d’accueillir les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 avec une progression de trois millions de pratiquants sportifs. Sans même entrer dans le débat autour de la dénomination de ces pratiquants, la pandémie nous oblige à revoir nos plans.

Aujourd’hui, ce sont 180 000 clubs et 108 fédérations qui sont en souffrance. Clubs de danse, de gymnastique, d’arts martiaux, de basketball, de rugby, etc. : plus de 70 000 structures craignent de ne jamais pouvoir rouvrir.

Au mois d’octobre dernier, la baisse des licenciés était estimée aux alentours de 30 %, ce qui représente autant de personnes ne faisant plus vivre l’idéal émancipateur du sport. C’est aussi quelque 260 millions d’euros de cotisations en moins pour les structures.

Ce constat est d’autant plus accablant qu’il existe de fortes disparités selon les territoires et les disciplines. J’étais lundi dernier dans les quartiers nord de Marseille, ma commune, au comité de veille de La Busserine. Là-bas, 65 % des licenciés ne sont pas revenus, alors même que le confinement a été particulièrement éprouvant pour eux et que la pratique libre du sport n’est plus possible.

Pire, la fermeture des locaux a entraîné une occupation des lieux par des dealers. Or les bénévoles ne savent pas s’ils pourront les faire partir une fois l’activité sportive relancée.

À cela, il faut ajouter près de 120 millions d’euros de pertes de recettes issues des événements et du sponsoring.

Je salue l’engagement important des collectivités territoriales : premier financeur du sport français, elles ont maintenu, voire augmenté leur contribution pour 92 % d’entre elles.

Face à cette situation cataclysmique, les pouvoirs publics doivent être en mesure de répondre à trois questions. Qu’a-t-il été fait jusqu’à présent ? Quelles réponses apporter dans les semaines et les mois qui viennent ? Quelles leçons tirer de la situation ?

Madame la ministre, je ne doute pas un seul instant de votre attachement à la pratique sportive, qui fait votre quotidien depuis tant d’années. Force est toutefois de reconnaître que, jusqu’à présent, les réponses à la crise de votre ministre de tutelle et du Gouvernement ne sont pas satisfaisantes. J’y vois d’ailleurs un nouvel effet indésirable du rattachement forcé de votre ministère à celui de Jean-Michel Blanquer.

Premièrement, ces réponses ont brillé par leur insuffisance en direction du sport amateur : 900 000 euros via le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et l’Agence nationale du sport (ANS) en 2020, auxquels s’ajouteront 20 millions d’euros pour l’année à venir pour compenser les pertes de licences, 15 millions d’euros d’aides d’urgence et 100 millions d’euros pour le Pass’Sport.

Voilà, en substance, la réponse apportée pour le gros des associations sportives. Pour être tout à fait exhaustif, il faut citer également l’accompagnement des 30 000 associations sportives employeuses, qui peuvent bénéficier du chômage partiel et des prêts garantis par l’État (PGE).

Deuxièmement, ces réponses ont été ressenties par le mouvement sportif comme particulièrement déséquilibrées, et ce en tous points. Un président de club s’exprime ainsi : « Il faut différencier le sport spectacle-business, où il y a de gros intérêts en jeu. Celui-là, il est visiblement plus important que les autres, on ne l’a pas sacrifié. L’économie prime sur tout, on l’a tous bien compris. »

Bien sûr, les pertes à assumer pour le sport professionnel, ainsi que sa place dans le paysage économique du pays, sont d’un tout autre ordre. Les chiffres sont connus : des pertes de recettes dépassant allègrement le milliard d’euros, près de 350 000 emplois directs concernés et plusieurs milliards d’euros de retombées fiscales en temps normal.

Toutefois, force est de constater que la réponse publique aux difficultés des clubs professionnels a été d’une tout autre dimension. Rien que les prêts garantis par l’État contractés par les clubs rattachés à la ligue de football professionnelle (LFP) dépassent les 600 millions d’euros.

Même en matière sportive, on ressent une sorte de « deux poids, deux mesures » qui interroge. À ce titre, est-il pertinent d’avoir relancé et maintenu avec tant d’ardeur les compétitions professionnelles, tout en laissant au placard les compétitions amatrices ? J’évoquerai deux cas qui, à mon sens, illustrent les paradoxes de la situation.

Martigues est une commune des Bouches-du-Rhône située à 35 kilomètres de Marseille et à 150 kilomètres de Sète. Malgré cette proximité, et les échanges entre les trois villes, un seul des trois clubs est interdit de compétitions, alors que les protocoles sanitaires sont appliqués partout. C’est d’autant plus incompréhensible que certains clubs de National 2 sont au moins aussi structurés que certains clubs professionnels. Le club de Martigues compte ainsi deux fois plus de contrats professionnels qu’une majorité d’équipes de National 1, la division supérieure.

De cet exemple découle le sentiment d’une coexistence de deux politiques sanitaires sportives et d’une prise en compte différenciée des risques selon que le club est sous régime de contrat professionnel ou sous régime de contrat fédéral.

D’un côté, les amateurs, qui ne rapportent pas d’argent, sont mis en extinction. De l’autre, les professionnels, pour qui « le jeu en vaut la chandelle », bénéficient d’un régime d’exception.

Madame la ministre, quelles perspectives à court terme pouvez-vous donner au monde amateur sportif ? Peut-on espérer une reprise progressive des compétitions en extérieur et en salle dans les semaines qui viennent ? Ce ne sera manifestement pas le cas en National 2, puisqu’il vient d’être mis fin à la saison.

La mise sur le marché la semaine dernière du masque fabriqué par Salomon peut-elle constituer une porte de sortie de crise pour les associations sportives ? Si oui, votre ministère s’engagera-t-il financièrement et matériellement pour aider les fédérations et les clubs à se doter en matériel ?

De façon moins immédiate, cette crise montre que notre modèle sportif a atteint ses limites.

On pourrait presque se poser la question : le sport professionnel est-il devenu fou ? Le sportif et le supporter que je suis est parfois atteint, je le concède, d’une forme de schizophrénie : je voudrais tout à la fois voir les meilleurs joueurs évoluer tous les week-ends dans mon club de cœur, l’Olympique de Marseille (Sourires.), et conserver aussi l’esprit sportif historique français.

Ce printemps encore, certains clubs exprimaient leur volonté de renforcer leur indépendance vis-à-vis de l’État, tout en attendant de ce dernier un soutien financier important. On en revient à la privatisation des profits et à la mutualisation des pertes, qui prévaut déjà dans la gestion des stades.

Il faudra bien pourtant reposer la question des liens, d’une part, entre sport professionnel et État, d’autre part, entre sport professionnel et sport amateur.

Sur le premier point, j’évoquais à l’instant l’attitude ambiguë de certaines ligues professionnelles.

Sur le second, pendant des décennies, sport professionnel et sport amateur ont entretenu une forme de solidarité à double sens. D’un côté, les clubs amateurs accueillaient et préformaient des jeunes qui faisaient ensuite carrière dans les clubs professionnels. De l’autre, ces derniers aidaient financièrement les clubs amateurs pour les maintenir en vie et les aider à se développer, dans un contexte de désengagement de l’État. Cette solidarité existe-t-elle toujours pleinement aujourd’hui ?

Le scandale de Mediapro, s’il met grandement en difficulté le football professionnel, a une conséquence que l’on évoque trop peu souvent : il prive toutes les disciplines sportives amatrices d’une manne essentielle à leur survie.

Depuis plusieurs années, des économistes pointent le risque d’implosion de la bulle des droits télévisés et de celle des transferts, mais aussi le problème de l’endettement des clubs, et appellent à revoir le modèle sportif professionnel.

Il me semble qu’un chantier devrait être lancé autour du plafonnement des taxes liées au sport. Selon les documents budgétaires présentés par le Gouvernement, les taxes sur les paris sportifs, les jeux de loterie et la taxe Buffet représenteront en 2021 une recette d’environ 420 millions d’euros, pour un reversement à l’ANS estimé à 166 millions d’euros à peine.

L’Assemblée nationale a discuté la semaine dernière d’une proposition de loi visant à démocratiser le sport en France. Madame la ministre, Laura Flessel, votre prédécesseure, nous parlait déjà de ce texte en 2017. Il est donc heureux qu’il arrive enfin. Toutefois, je me joins à la colère de ma collègue Marie-George Buffet qui, me semble-t-il, a une certaine légitimité en matière sportive.

Comment démocratiser le sport sans avancer sur le dossier de la régulation du monde professionnel, qui tout à la fois apporte les moyens nécessaires au monde amateur, mais capte une part non négligeable des ressources publiques ?

Comment démocratiser le sport sans s’atteler à la question de l’engagement de l’État dans la pratique sportive, alors même que votre ministère ne représente que 0,14 % du budget de l’État ?

Comment démocratiser le sport sans évoquer la question du sport scolaire, qui constitue un outil essentiel à l’épanouissement des enfants comme une porte d’entrée à la pratique licenciée ?

Comment, enfin, démocratiser le sport sans s’atteler à tous les freins à la pratique, notamment économiques ?

En cette période de crise, les sports amateurs et professionnels ressemblent de plus en plus à un champ de ruines. Si la situation est catastrophique, elle offre aussi l’opportunité de repartir sur de bonnes bases.

Ce débat, qui préfigure d’une certaine manière la discussion sénatoriale sur la proposition de loi de Céline Calvez, doit être l’occasion de proposer des solutions pour un avenir sportif populaire et accessible à toutes et tous. Je sais que, sur toutes les travées de cet hémicycle, se trouvent des amatrices et des amateurs de sport qui auront à cœur de faire vivre les valeurs sportives. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Claude Kern. Madame la ministre, il y a trois semaines, vous nous annonciez une bien mauvaise nouvelle.

La reprise du sport amateur au sens large n’aura pas lieu avant plusieurs semaines, certainement pas à Pâques, compte tenu du presque reconfinement, peut-être à la Trinité, voire aux calendes grecques – ironie du sport à la veille des jeux Olympiques, dont il n’est certes pas question ici, quoique…

Pas plus tard que ce week-end, plusieurs fédérations ont en effet déjà annoncé l’arrêt du sport amateur pour cette saison. Or c’est bien une pratique sportive, populaire et accessible à tous, en d’autres termes la reprise d’une activité essentielle en termes de santé physique, d’hygiène mentale, de bien-être individuel du corps, mais aussi d’équilibre collectif, qui doit guider notre responsabilité politique.

Nous devons préserver nos infrastructures sportives et nos pratiques si essentielles, du point de vue économique, certes, mais surtout des points de vue sanitaire et social.

Il est heureux que le plan de relance décidé à l’automne dernier ouvre des perspectives, là où le sport figurait dans l’angle mort du déconfinement et du retour vers une vie en société.

Nous ne sommes pas seulement dans l’insuffisance moribonde, nous sommes dans la suffisance d’une majorité gargarisée par de belles paroles qui n’engagent à rien quand elles ne sont pas confrontées à la réalité.

Certes, de nombreux efforts ont été accomplis en complément des aides de droit commun déjà mises en place par le Gouvernement : Fonds d’urgence pour les fédérations sportives, Pass’Sport, Fonds de compensation de pertes de billetterie, etc.

En l’espèce, dans un souci d’exigence et c’est désormais une préoccupation d’urgence, ce sont plus que jamais les plus jeunes citoyens qui doivent être la priorité. C’est vers ces jeunes en quête d’identité, d’ouverture et d’équilibre, que l’on doit déployer appui, solidarité et facilitation, parce qu’il est attesté qu’ils subissent ces restrictions plus que d’autres.

Aussi, alors qu’un pan entier du socle de nos valeurs communes est en train de s’effondrer, qu’en est-il concrètement de votre projet à leur endroit ?

« Le réel, c’est quand on se cogne », n’est-ce pas ? Madame la ministre, quelles nouvelles alarmes de santé publique faudra-t-il attendre pour que votre gouvernement se projette réellement dans une approche prospective, cesse le stop and go insupportable, accélère la mise en œuvre de ses projets et leur inscription dans une société si violemment heurtée ? L’heure n’est plus aux pansements sur des jambes de bois – ce que les jeunes ne sont d’ailleurs pas !

On le sait, la sédentarité et l’inactivité prolongée ne sont pas qu’un spectre fantasmé aux contrecoups hypothétiques : c’est une entaille profonde et attestée dans l’idée même de santé publique, dont les conséquences sont trop bien déterminées. Les plus jeunes sont en première ligne de cette démoralisation de masse, quand la vie sociale n’est plus possible à l’âge des possibles.

On parle de « génération sacrifiée »… J’aimerais tant que l’on puisse ici se permettre de dire que cette expression est galvaudée, mais qu’en est-il en réalité ?

Nous devons nous projeter dans une nouvelle donne de reconstruction et de rééquilibrage, et non dans une simple reprise. En effet – faut-il le préciser ? –, dans la vie d’un jeune, une année compte bien plus qu’une seule année !

Madame la ministre, au-delà des mesures au coup par coup, que nous saluons, qu’en est-il réellement de votre projet sur l’activité sportive des jeunes, qu’il s’agisse de sport à l’école ou à l’université, dans un cadre public ou privé, à l’échelle d’un petit d’homme ou d’un jeune citoyen à l’esprit sain dans un corps sain ?

Quid de votre volonté, de votre agenda, des moyens, et pas seulement pour les trois prochaines semaines ?

Qu’en sera-t-il de la mise en œuvre du plan 2020 et de ses belles idées, « véritable enjeu de santé, d’épanouissement, d’égalité et de réussite pour les élèves », selon vos propres mots ? Madame la ministre, comment comptez-vous dépasser l’horizon funeste et pénible de la sédentarité et de la perspective d’anomie.

Quel est votre projet au-delà d’un sport pour la jeunesse enfin ressuscitée ? Y a-t-il au plus haut niveau l’idée et les moyens d’en faire une priorité crédible ?

C’est en effet à se demander si le sport trouve encore une place dans la politique de ce gouvernement !

Enfin, je remercie Jérémy Bacchi et le groupe CRCE d’avoir pris l’initiative de ce débat. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.

M. Jean-Jacques Lozach. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai par féliciter nos collègues du groupe CRCE d’être à l’origine de ce débat auquel la conjoncture actuelle apporte un écho démultiplié. Ne nous berçons pas d’illusions, le sport sortira sérieusement affaibli de la crise sanitaire : le nombre de licenciés aura régressé dans des proportions inquiétantes ; des bénévoles resteront à la maison ; des clubs amateurs disparaîtront ; des structures professionnelles connaîtront une adaptation difficile ; certains événements auront du mal à renaître.

Les loisirs sportifs marchands enregistrent d’ores et déjà des pertes financières considérables. Par exemple, l’Union Sport & Cycle annonce une perte de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires cette saison pour les commerces et fournisseurs d’équipements de ski.

Bref, tout l’écosystème sportif se trouve affecté par une crise inédite. Dans ce contexte, je salue les efforts déployés par Mme la ministre et ses services, ainsi que par les fédérations, notamment afin de proposer des protocoles sanitaires adaptés à chaque situation.

Rendre l’activité physique accessible au plus grand nombre justifie l’existence d’un service public du sport, qui est un bien collectif à partager. En d’autres termes, la promotion d’un authentique sport pour tous nécessite une politique publique affirmée et globale, en phase avec les évolutions contemporaines. Pour donner de la respiration financière aux clubs sportifs, au moins trois mesures exceptionnelles doivent être envisagées jusqu’à l’été 2024 : d’abord, rehausser de 60 % à 80 % le plafond de réduction fiscale des dons aux associations sportives pour encourager le mécénat ; ensuite, transformer une partie du coût des adhésions et licences en dons donnant lieu à crédit d’impôt pour réduire l’hémorragie du nombre d’adhérents ; enfin, relever le plafond des taxes affectées au financement de l’Agence nationale du sport.

Toutefois, le premier rendez-vous à ne pas manquer, dès le mois de juin prochain, est celui du Pass’Sport, afin d’aider à la reprise d’activité pour les plus jeunes générations. Je formule le souhait que celui-ci devienne d’ailleurs l’outil privilégié d’une orientation structurelle de notre politique sportive. Une enquête réalisée par l’Association européenne des professeurs d’éducation physique et sportive montre que 40 % des élèves présentent une augmentation de leur masse graisseuse et une diminution de 16 % de leurs capacités aérobies. Les tests réalisés à l’issue du premier confinement indiquent une perte de capacité physique des élèves de CE2 de l’ordre de 20 %.

La proposition de loi débattue la semaine dernière à l’Assemblée nationale aurait pu être l’occasion de redonner ses lettres de noblesse à l’éducation physique et sportive. Le rapprochement ministériel entre l’éducation nationale et le sport restera de l’ordre du symbole tant que ne sera pas augmenté le nombre d’heures d’EPS de la maternelle à l’université et qu’un continuum sport éducatif-sport fédéral ne sera pas effectif.

Si le retour à une vie normale s’accompagnera probablement d’une soif d’expression corporelle sous toutes ses formes, mais particulièrement au travers des activités physiques de pleine nature, un soutien public se révélera nécessaire notamment par l’intermédiaire de l’ANS. Il est urgent de doter les politiques sportives d’un financement durable reposant équitablement sur le rendement financier produit par l’activité sportive elle-même, d’où le slogan : « Le sport doit financer le sport ! »

Si l’engagement de l’État doit être consolidé, il faut encourager d’autres sources de financement : mécénat, financement participatif, obligations à impact social des investisseurs privés, etc.

Lever les freins à la pratique des activités physiques et sportives (APS) en renforçant l’accompagnement du public spécifique et en assurant l’égalité d’accès aux pratiques est un enjeu majeur. Des efforts doivent ainsi être conduits pour promouvoir la mixité dans l’éducation sportive et pour lutter plus efficacement contre le sexisme et l’exclusion dont font l’objet les jeunes filles et les femmes dans l’exercice d’activités, dont l’offre n’est pas toujours adaptée et suffisamment diversifiée. Une plus grande inclusion et une meilleure accessibilité des personnes en situation de handicap constituent également un objectif vers lequel nous devons tendre en modernisant les équipements et en développant des politiques plus ambitieuses de promotion du handisport.

Conséquence d’un sous-investissement chronique et persistant, l’état de notre parc d’équipements sportifs, y compris scolaire, doit faire l’objet d’un plan global de modernisation. Le problème se pose, en particulier, pour les piscines, qui n’ont pas fait l’objet de financement d’envergure depuis le grand plan d’équipement lancé en 1971. Depuis de nombreuses années, lors de chaque débat budgétaire est rappelée l’urgence de lancer un ambitieux plan de rénovation-construction d’installations et équipements, avec une recherche de mixité des usages, pour que puissent y cohabiter des sportifs pratiquant dans un cadre institutionnel, mais aussi des personnes venues pratiquer une activité de loisir.

La montée en puissance des exigences environnementales et territoriales est à intégrer, au-delà de la prise en compte impérative des zones dites carencées, notamment les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les zones de revitalisation rurale (ZRR).

La problématique d’une pratique sportive populaire et accessible à tous pose la question du droit au sport. Depuis les années 1980, nous connaissons une croissance des activités autonomes dans l’espace public, des pratiques libres ou encadrées dans des structures commerciales.

S’il reste élevé, le nombre de licences sportives, près de 19 millions selon Les Chiffres clés du sport 2020 – 16,4 millions de licences et 2 millions d’autres titres de participation –, tend à stagner, voire à diminuer depuis quarante ans dans de nombreuses fédérations. Les inégalités territoriales, socioculturelles, économiques, genrées demeurent élevées. À l’aune de la réduction de ces inégalités, la gestion de l’après-covid représentera une période test pour la nouvelle gouvernance du sport français, pour le rôle de l’ANS et de ses déclinaisons territoriales.

En effet, les conférences régionales du sport et les conférences des financeurs, qui se mettent progressivement en place sur le terrain, ont pour mission d’associer plus étroitement l’ensemble des acteurs susceptibles de contribuer au développement de l’offre d’activités physiques et sportives : parcours sportif des enfants, pratique des populations adultes dans leur diversité, etc.

L’intitulé de notre débat de ce soir rappelle l’importance du sport de masse ou du sport pour tous. Il sous-entend que l’accès au sport doit être considéré comme un droit, à l’instar de l’accès à la santé, à l’éducation ou à la sécurité, ce qui suppose d’envisager l’activité physique et sportive comme un élément de la citoyenneté. Cela implique des exigences éminemment concrètes : assurer un accès pour tous aux équipements, favoriser un développement équilibré des pratiques sur l’ensemble du territoire national et tout au long de la vie, diversifier les métiers de l’accompagnement sportif. Sur ce dernier point, les chiffres de Parcoursup parlent d’eux-mêmes : aucun autre secteur de recrutement ne connaît une telle saturation en matière d’orientation.

Aussi le moment est-il sans doute venu de conduire une réflexion sur une nouvelle diversification des métiers du sport. En matière d’encadrement, le recul de 80 % en trois ans des emplois aidés du secteur associatif est fortement préjudiciable à son dynamisme. Le rebond de la pratique passe par une relance de l’emploi sportif qualifié dans les clubs, lesquels demeurent la cellule de base institutionnelle dans un univers de pratiques différenciées. Ces structures doivent se penser comme étant au centre d’une articulation de tout un ensemble de pratiques publiques : sport et éducation, sport et santé, sport et entreprise, sport et développement économique, sport et aménagement du territoire, sport et environnement, sport et tourisme, sport et réinsertion sociale, etc. Au cœur de cette transversalité se distingue une mission : proposer des services à la population et à un territoire comme illustration de l’utilité sociale du sport.

Ainsi le sport d’après-covid devra-t-il intégrer davantage la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) dans le fonctionnement des acteurs concernés, qu’ils soient une composante de l’économie sociale et solidaire ou une entreprise marchande.

Au-delà des mesures d’urgence, le sport français a besoin d’un nouveau cadre et d’objectifs réactualisés. La proposition de loi visant à démocratiser le sport en France a commencé à tracer des perspectives. Les réactions qui ont suivi son adoption sont révélatrices de manques qu’il reste à combler. Un quotidien du soir titrait hier : « La proposition de loi sur le sport provoque frustration et regrets. » Puisse l’examen prochain de ce texte au Sénat contribuer à donner contenu et rayonnement au titre ambitieux qui est le sien.

La première priorité d’une politique sportive nationale doit être de développer le nombre de pratiquants, ce qui suppose une forte capacité d’action de la part de l’État, avec un ministère doté de moyens financiers supplémentaires, à un moment où le sport français est en danger.

Par ailleurs, n’oublions pas qu’il peut fortement contribuer à renforcer la cohésion sociale et éviter les dérives populistes menaçant notre société. L’héritage olympique était censé amener une augmentation de 10 % du nombre de pratiquants en 2024, un objectif exprimé par le Président de la République. Ayons le courage de dire que cette ambition est devenue caduque.

Notre intention de court terme est plutôt de retrouver la situation d’avant-covid. Depuis un an, nous n’avons jamais autant entendu parler de facteurs de comorbidité, mais également de l’apport de l’activité physique pour faire face à ces facteurs, dans le domaine tant préventif que curatif. Cette réalité doit nous encourager à poursuivre collectivement ce combat pour le développement de la pratique sportive.

Je termine sur ce message d’espoir, qui doit susciter une meilleure prise en compte du sport dans notre société et, plus largement, du corps dans notre vie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Savin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie à mon tour le groupe CRCE d’avoir pris l’initiative de ce débat.

Depuis plus d’un an, une crise sanitaire sans précédent s’est abattue sur notre pays. Depuis plus d’un an, nos espaces de vie sociale sont profondément modifiés : nombre d’activités sont à l’arrêt, l’activité physique et sportive ne faisant malheureusement pas figure d’exception.

Durant le premier confinement, 38 % des Français ont diminué leur pratique sportive. Ce chiffre est loin d’être négligeable, même si, sur l’année 2020, la part de pratiquants reste relativement stable, puisque 65 % des Français ont pratiqué au moins une activité sportive dans l’année écoulée, contre 66 % en 2018.

Il convient également de souligner que, durant ce premier confinement, contrairement aux idées reçues, quasiment aucun non-pratiquant ne s’est mis à la pratique sportive.

Le secteur du sport amateur en club et association a lui aussi connu un coup d’arrêt brutal. Après la stupeur des premiers instants, les acteurs ont tout fait pour organiser une reprise dans les meilleures conditions. Las, depuis un an, la pratique en club n’a été autorisée que durant quelques semaines entre les mois de juin et d’octobre derniers.

Les inquiétudes quant à la reprise de ces activités sont aujourd’hui nombreuses. En effet, les clubs, mais également les fédérations, font face à des difficultés logistiques, humaines et financières sans précédent.

Certes, ces structures ont pu accéder aux dispositifs de droit commun, mais il est regrettable qu’aucun véritable plan ambitieux pour le sport n’ait été présenté à ce jour pour bien préparer la reprise.

Les pertes financières sont là et elles seront très difficiles à surmonter.

Du point de vue humain, de nombreux clubs craignent aussi de souffrir d’un désengagement des bénévoles, qui sont pourtant la ressource clé de la majorité de ces structures.

Il est un autre sujet d’inquiétude. Les clubs retrouveront-ils tous leurs licenciés lorsque la situation redeviendra normale ? Une baisse drastique du nombre de licenciés est à craindre pour plusieurs fédérations. Pour certaines, selon les derniers chiffres, cela peut aller de 10 % à 25 %.

Afin d’assurer une reprise de la pratique sportive populaire et accessible à tous, le Président de la République a annoncé, au mois de novembre dernier, la création d’un Pass’Sport, à hauteur de 100 millions d’euros. Si nous pouvons saluer cette idée, de nombreuses questions restent malheureusement en suspens, et j’espère que nous pourrons avoir des réponses ce soir.

Tout d’abord, comment ce Pass’Sport sera-t-il financé ? Nous avons proposé une solution de financement dans le projet de loi de finances pour 2021, mais vous l’avez refusée, madame la ministre. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Qui pourra en bénéficier ? Sous quelle forme et pour quel montant ?

Il est également regrettable que ce Pass’Sport ne soit pas universel, à l’instar du Pass’Culture. Encore une fois, cela souligne malheureusement la différence de traitement entre le sport et la culture.

Un autre moyen de soutenir la reprise sportive serait de permettre aux licenciés et adhérents des salles de sport de voir leur adhésion considérée comme un don ouvrant droit à une défiscalisation. Cette proposition aurait le mérite de bénéficier à un public différent de celui qui sera concerné par le Pass’Sport, étant donné que celui-ci serait soumis à des conditions de ressources. Madame la ministre, que pensez-vous d’une telle initiative ?

Je tiens à rappeler que de nombreux pratiquants en club comme dans les salles de sport privées ont pris leur licence ou leur adhésion lors de la rentrée 2020. Depuis, la plupart d’entre eux n’ont quasiment jamais pu pratiquer dans ce cadre et beaucoup se posent la question de la rentrée prochaine.

Si certaines fédérations ont d’ores et déjà annoncé vouloir renoncer à leur part, toutes ne peuvent pas se le permettre et l’État doit prendre ses responsabilités pour accompagner et aider les acteurs.

La reprise de la pratique sera difficile, nous le savons tous, mais cette crise sanitaire a également fait émerger une pratique libre ou digitale renforcée. À une époque où les individus sont demandeurs d’une pratique plus simple et sans contrainte, le développement de ce type d’activité, qui passe notamment par la digitalisation des organisations sportives, est un enjeu déterminant. Si certaines fédérations ont d’ores et déjà entamé un véritable travail sur le sujet, il est indispensable de renforcer le soutien de l’État à ces évolutions rapides. Or l’effort annoncé par le plan de relance n’est pas à la hauteur.

Aussi, madame la ministre, que comptez-vous faire concrètement pour soutenir les clubs et associations lors de la reprise de la pratique ? Avez-vous pour eux un réel plan ambitieux, financé, concret et prêt à l’emploi ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled.

M. Dany Wattebled. Madame la ministre, la pratique sportive est fortement fragilisée par la crise sanitaire. Le financement du sport professionnel par la vente de billets et le sponsoring est en chute libre, tandis que le sport amateur connaît une forte diminution du nombre de ses adhérents et, surtout, de ses bénévoles. Pourtant, le sport est plus que jamais indispensable pour améliorer la santé physique et mentale des Français.

Nos habitudes sont bouleversées par les confinements et couvre-feux successifs. La sédentarité s’installe dans nos vies avec le télétravail. Dans un tel contexte, à trois ans des jeux Olympiques, ce débat sur l’activité et la popularité de la pratique sportive arrive à point nommé.

Il s’agit d’une question essentielle, tant la pratique sportive est un facteur déterminant de santé publique, d’intégration et de cohésion sociale.

Le premier objectif de la politique publique du sport, pilotée par l’État dans le cadre de la nouvelle Agence nationale du sport, devrait être l’accessibilité des lieux sportifs pour tous et la promotion du sport au quotidien.

La situation actuelle est préoccupante : notre pays arrive en 119e position pour ce qui est du respect des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la pratique physique régulière des jeunes. D’après l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), une grande partie des adolescents français seraient en surpoids.

Pour lutter contre la sédentarisation, il nous faut nécessairement renforcer la pratique sportive à l’école, d’autant plus que l’exercice physique améliore sensiblement les résultats scolaires.

Or, sur les trois heures hebdomadaires de sport dispensées dans les écoles, la Cour des comptes observe que seule la moitié est effectivement consacrée à la pratique sportive. Et que dire de l’apprentissage de la natation, qui souffre d’un manque de structures ?

Des initiatives intéressantes sont menées à l’étranger, notamment en Finlande. Favorisons les initiatives locales pour diffuser une culture du sport dès le plus jeune âge, dans le cadre scolaire ou périscolaire, et gardons à l’esprit que les temps extrascolaires sont la plupart du temps consacrés à des activités sédentaires. La lutte contre les dispenses de complaisance d’éducation physique et sportive ou les disparités d’accès aux pratiques sportives entre les hommes et les femmes sont aussi des points importants. Nous en débattrons prochainement en séance.

Par ailleurs, la pratique sportive est un facteur essentiel de la santé au travail. Nous pourrions utilement l’intégrer dans notre politique de prévention des affections et maladies professionnelles. Il me semble que les prochains débats sur la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail seront bénéfiques à ce sujet.

L’examen de la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France constituera un autre rendez-vous législatif important, en ce qu’il sera l’occasion d’évoquer l’accessibilité des équipements sportifs des établissements scolaires au grand public en dehors des heures de classe. Nous devons également réfléchir à l’accessibilité de ces infrastructures pour les enfants scolarisés en famille.

Le sport étant parfois le meilleur des remèdes, dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous ne pourrons faire l’économie d’une réflexion sur la prise en charge par la solidarité nationale de séances d’activité sportive dans le traitement des affections de longue durée. Une expérimentation pourrait être menée à ce sujet. La pratique sportive aurait aussi toute sa place dans nos politiques de prévention de la perte d’autonomie et dans l’offre d’accompagnement des personnes en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou Ehpad.

Enfin, la pratique sportive peut constituer un premier pas vers l’insertion en milieu carcéral, en lien avec les éducateurs sportifs. Nous devons encourager ces initiatives, tout en renforçant notre vigilance pour prévenir les phénomènes de radicalisation, qui s’étendent bien au-delà de l’univers carcéral et touchent le monde du sport à bien des niveaux.

Les auditions sur la radicalisation en milieu sportif menées par notre collègue Nathalie Delattre au mois de janvier 2020 sont édifiantes. La proximité entre certains clubs, le communautarisme et la radicalisation n’est plus à démontrer.

Pour reprendre les recommandations du Conseil d’État, promouvoir la pratique du sport pour tous nécessite avant tout d’instaurer un cadre sécurisé et d’étendre les contrôles réalisés par les services de l’État aux éducateurs sportifs.

Pour conclure, je souligne que la politique du sport irrigue l’ensemble de l’action publique, de la santé à la cohésion nationale. Les prochaines échéances législatives seront autant d’occasions de renforcer l’accès au sport pour tous dans les meilleures conditions possible.

Avant d’être la recherche de performances et de victoires, le sport est avant tout une école de la volonté, de la confiance et du vivre ensemble.

Pour toutes ces raisons, nous espérons que la reprise des activités sportives en intérieur est imminente, avec des protocoles sanitaires adaptés aux différentes pratiques. Nous serons particulièrement attentifs à leur développement dans le cadre scolaire. Il faut aimer le sport et surtout le faire vivre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie à mon tour le groupe CRCE d’avoir proposé ce débat.

Le monde d’après… Depuis un an, chacun s’y projette : un monde plus solidaire, plus local, plus durable, plus libre, un monde qui revient à l’essentiel.

Dans ce monde, le sport, notamment le sport-loisir, le sport-santé, le sport populaire, doit avoir une place centrale.

Dès le premier confinement, l’activité physique, même extrêmement contrainte, a souvent été le seul moment de liberté. Beaucoup ont enfilé leurs baskets pour s’évader, se libérer, y compris dans le kilomètre autorisé.

Après le premier confinement, le club Vélo et Territoires a constaté une hausse de près de 28 % de la pratique du vélo par rapport à 2019.

Il s’agit là d’une tendance profonde, mais fragile. Besoin de santé, besoin de vivre mieux : selon une étude de l’Université de Glasgow, réalisée en 2017 sur un échantillon de 200 000 individus, les personnes se rendant au travail à vélo voient leurs risques cardio-vasculaires ou de cancer diminuer de 40 % à 50 %. Bien entendu, cette tendance est difficilement mesurable aujourd’hui pour tous les sports.

La pratique sportive en club est en chute libre, et ce pour des raisons faciles à comprendre. Dès le mois de septembre dernier, les reprises de licence étaient extrêmement variables selon les disciplines et les clubs étaient alors déjà très inquiets.

Cette soif de sport reviendra. Notre rôle de parlementaires et le vôtre, madame la ministre, sont d’accompagner ce mouvement. Nous sommes convaincus que c’est un écosystème entier qui doit être préservé et dynamisé.

J’aborderai principalement deux points : le soutien aux milliers de bénévoles qui font vivre le sport et le renforcement de l’aspect éducatif de la pratique sportive.

En ce qui concerne le soutien aux bénévoles, le Gouvernement a déployé plusieurs mesures importantes. Ainsi, pour les clubs employeurs, aux dispositifs généraux de chômage partiel et d’allégement de cotisations viennent s’ajouter des mesures spécifiques pour l’économie sociale et solidaire en général, et pour le sport en particulier. Je pense ainsi aux emplois Fonjep, pour Fonds jeunesse et éducation populaire, supplémentaires ou à l’aide annoncée pour la rénovation des équipements sportifs ; cela va dans le bon sens.

Hélas, madame la ministre, comme dans beaucoup de domaines, dès que votre gouvernement fait un pas en avant dans la bonne direction, celui-ci est quasiment immédiatement remis en cause par un recul majeur.

Dans le projet de loi confortant le respect des principes de la République, que nous examinerons la semaine prochaine, les articles 25 et suivants imposent un grand nombre de nouvelles contraintes et obligations aux associations sportives, ainsi que plusieurs nouvelles restrictions, notamment dans la mise à disposition des équipements.

Dans un contexte de crise sanitaire où les associations sportives sont presque toutes à l’arrêt, où leurs dirigeants se démènent chaque jour pour la survie de leur structure, où les vocations des bénévoles s’amenuisent, alors que la vivacité du secteur sera la clé de la sortie de crise, le Gouvernement préfère ajouter à toutes ces difficultés des obligations aberrantes, jetant ainsi une suspicion détestable sur l’ensemble du monde sportif et associatif.

En ce qui concerne l’éducation, là aussi, beaucoup reste à faire. Je le répète, l’aspiration à un mieux-être physique recouvre de nombreuses réalités, notamment dans le domaine des déplacements.

La pratique du vélo nous semble ainsi particulièrement représentative de cette nouvelle réalité. Il suffit de se promener dans les artères des grandes villes ou sur les véloroutes le week-end pour le constater : jamais autant de vélos n’ont parcouru nos villes et nos campagnes. Il s’agit d’un moyen de transport et d’activité physique en plein boom, qui pourrait bientôt devenir le mode de transport urbain le plus utilisé, comme c’est déjà le cas dans plusieurs pays du nord de l’Europe.

Pour une réelle pratique populaire du vélo, le rôle de l’éducation nationale doit être de préparer les enfants au monde de demain. Il est ainsi logique qu’elle se saisisse de ces sujets.

C’est à ce titre que la loi d’orientation des mobilités de 2019 prévoit un programme d’apprentissage du vélo pour tous, afin de permettre à chaque enfant de maîtriser, à son entrée dans les établissements du second degré, la pratique autonome et sécurisée du vélo dans l’espace public.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, nous avons été plusieurs, de tous les bords politiques, à proposer des amendements pour prolonger dans le budget de l’État cette mesure déjà votée par le Parlement. Depuis, rien n’a bougé.

Madame la ministre, à ce stade, nous vous demandons plus que des promesses. Nous demandons simplement que cette mesure soit dotée du budget qu’elle mérite, dès maintenant, d’autant que votre ministère est désormais rattaché à celui de l’éducation nationale.

Pour conclure, mes chers collègues, les Écologistes appellent à une politique globale en faveur du sport pour toutes et tous, une politique qui soutient ces acteurs financièrement et qui ne jette pas une suspicion permanente sur les milliers de bénévoles qui animent le sport populaire pratiqué par des milliers de Françaises et Français.

Redonnons-leur des libertés, des marges de manœuvre. Nous militons en faveur d’une politique inclusive dès le plus jeune âge et dotée d’un budget réel pour accompagner les changements profonds de notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Anne Ventalon applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Evrard.

Mme Marie Evrard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, parce qu’il recouvre une large variété de disciplines, qu’il peut être pratiqué en intérieur ou en extérieur, individuellement ou collectivement, en amateur ou en professionnel, le sport est peut-être le secteur dont on entend le moins parler depuis le 17 mars 2020. Pourtant, le sport traverse la crise la plus importante de son histoire.

Depuis un peu plus d’un an, la pandémie de la covid-19 a bouleversé la vie des sportifs, en particulier celle des amateurs. Habituellement rythmée par l’organisation de plusieurs entraînements en semaine et de compétitions le week-end, la vie sportive ne peut plus se dérouler comme avant.

Nous le déplorons tous.

Face à l’impossibilité de se rendre dans leurs lieux de pratique habituels et face à l’arrêt des compétitions, les 18 millions de licenciés sportifs n’ont pas tous renouvelé leur licence lors du changement de saison.

La perte de licenciés est estimée à 25 %, ce qui a pour conséquence la remise en cause de l’équilibre financier des associations sportives, les adhésions représentant une part importante des recettes, mais aussi la mise en danger de la vie associative des clubs, la mobilisation des bénévoles risquant de s’essouffler. Or, sans eux, cette vie sportive locale aussi riche, qui constitue le véritable « poumon » de nos communes, n’existerait pas.

Face à cette situation, ces bénévoles et ces dirigeants sportifs continuent à se mobiliser pour garder le contact avec leurs adhérents grâce aux visioconférences ou aux réseaux sociaux. Ils font aussi preuve d’innovation pour extérioriser leurs activités sportives.

Les collectivités locales ne sont pas en reste pour aider leurs clubs et associations sportives. Le conseil départemental de l’Yonne, où je siège, a ainsi voté jeudi dernier un budget de plus de 2 millions d’euros en faveur du sport.

Alors que notre pays continue à être dans la tempête de la covid-19, il est plus que jamais nécessaire de donner des perspectives de reprise aux sportifs amateurs et à leurs clubs, de réfléchir à la place que nous souhaitons donner au sport de demain dans notre société et à la manière dont nous souhaitons l’ouvrir au plus grand nombre.

Avec la crise de la covid-19 et les confinements, l’activité sportive est apparue comme essentielle.

Ce n’est pas un hasard si, parmi les mesures renforcées annoncées le 18 mars dernier par le Premier ministre pour freiner la troisième vague, figurent la possibilité de se déplacer dans un rayon de 10 kilomètres pour faire du sport, sans limitation de temps, la reprise normale de l’éducation physique et sportive sur le temps scolaire, ainsi que le maintien des activités extrascolaires en plein air pour les mineurs.

Vecteur de lien social, la pratique du sport est bonne pour le physique et le moral. Avec la crise sanitaire et la progression de la sédentarité, la nécessité de rester actif est devenue une évidence pour demeurer en bonne santé.

Pour bâtir le sport de demain, nous devons continuer à faire preuve d’agilité et à innover tout au long de cette crise.

Pour cela, il est nécessaire que les associations sportives puissent continuer à bénéficier du soutien de l’État. Il faut le reconnaître : même si ce n’est jamais assez, le monde sportif en France est soutenu comme nulle part ailleurs dans le monde.

Au-delà du plan de relance, de son volet relatif au sport, doté de 120 millions d’euros, et du déploiement du Pass’Sport en 2021, il faut continuer à lever les freins pour permettre une pratique sportive populaire et accessible à tous, mais aussi faire de la France une véritable nation sportive, comme le Président de la République s’y est engagé dès 2017.

Cet objectif ne pourra pas être atteint sans l’aide des collectivités locales. Je le dis par expérience, en tant qu’ancienne maire adjointe de la ville de Migennes, dans l’Yonne, chargée des sports pendant treize ans.

L’accueil de la Coupe du monde de rugby en 2023, puis des jeux Olympiques et Paralympiques en 2024, constitue de véritables occasions à saisir pour donner un nouveau souffle au monde sportif local. Nos territoires l’ont bien compris. Ces événements permettront de fédérer toutes les énergies locales autour d’actions variées et festives.

Labélisée « Terre de Jeux 2024 » en 2019, l’Yonne a ainsi décidé récemment d’accentuer son engagement pour se positionner en tant que terre de jeux et d’accueil.

Libérer les énergies sportives aura un impact positif pour nos territoires, mais aussi pour la France entière, dans le cadre de la relance.

Aussi, madame la ministre, je souhaite savoir de quelle manière vous comptez encourager et amplifier la mobilisation des collectivités locales et des acteurs locaux dans le domaine du sport, dans la perspective de ces événements sportifs internationaux, et donner ainsi à nos sportifs amateurs de nouvelles perspectives positives et résolument tournées vers un avenir meilleur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold.

M. Éric Gold. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à remercier le groupe CRCE d’avoir demandé l’inscription de ce débat à l’ordre du jour de nos travaux.

Comme l’écrivait Jean Giraudoux en 1928 dans son ouvrage Le Sport, « il y a des épidémies de tout ordre ; le goût du sport est une épidémie de santé ».

La crise liée à la covid-19 rythme nos vies depuis plus d’un an maintenant. Pour tenter de contenir la propagation du virus, des mesures drastiques ont été mises en œuvre. Elles ont eu des conséquences dramatiques pour nombre d’acteurs économiques, culturels ou associatifs sur l’ensemble de notre territoire. Le monde sportif a ainsi été lourdement touché.

On ne compte plus le nombre d’événements annulés, reportés ou restreints au strict minimum, les championnats stoppés, qui s’ajoutent à la fermeture des lieux de rassemblement : les salles de sport, les stades, les gymnases, les piscines.

Si rien n’est fait rapidement, les difficultés pourraient perdurer bien après la réouverture des infrastructures accueillant du public.

Nombreuses sont les associations sportives qui font face à une évaporation du nombre de leurs licenciés et à des situations financières compliquées engendrées par le manque d’événements. Leurs adhérents, notamment les plus jeunes, les ont financées par une adhésion ou l’acquisition d’une licence, mais sans qu’aucune compétition soit organisée.

Aujourd’hui, sans aucune assurance de reprise des championnats, tous ces amateurs sont dans l’expectative ; ils ne s’acquitteront pas forcément d’une nouvelle adhésion à leur club de sport. Déjà mises en difficulté par le manque de bénévoles, les associations sportives redoutent aujourd’hui des défections d’adhérents en grand nombre.

Comme un problème ne vient jamais seul, l’absence de manifestations, source de recettes, et de compétitions auront aussi pour effet de faire baisser les ressources provenant des sponsors, qui peuvent représenter une part importante de la trésorerie des clubs amateurs.

Les associations sportives redoutent également une chute importante du nombre de licenciés, ce qui aurait pour conséquence de mettre à mal bon nombre de championnats, notamment pour les sports d’équipe. La crainte existe aussi que les adhérents demandent un remboursement de leur cotisation.

Au vu de l’ensemble de ces difficultés, le risque n’est pas nul qu’un grand nombre de ces structures ne puissent y faire face et disparaissent.

Par le lien social que leur tissu facilite, par les valeurs qui y sont transmises et les effets bénéfiques que la pratique a sur la santé des adhérents, les associations sportives sont indispensables au vivre ensemble sur tout le territoire national.

Pour qu’un retour des championnats amateurs soit possible, au-delà de l’amélioration sanitaire attendue, il faut être en mesure d’agir sur le coût de l’adhésion annuelle des licenciés. Plusieurs pistes sont à l’étude. Parmi elles, on peut citer le travail autour du dispositif Pass’Sport, qui pourrait apporter une aide à la prise en charge des licences sportives de 1,8 million de jeunes, à hauteur de 50 à 80 euros ; cela va évidemment dans le bon sens.

S’assurer que la pratique du sport soit accessible à tous est d’autant plus primordial que bon nombre de jeunes basculent dans la précarité du fait de la crise.

D’autres actions doivent certainement être envisagées. Dans cette perspective, et toujours afin de limiter le coût des licences et de favoriser la trésorerie des associations, pourrait-on réfléchir à un crédit d’impôt sur les frais d’adhésion ou à une déduction fiscale supplémentaire pour les dons aux associations ?

Par ailleurs, une part du coût de la licence sportive couvre les frais d’assurance. Or, depuis l’arrêt des championnats, il n’y a plus de risque d’accident sur les terrains de sport. Dès lors, une nouvelle proposition peut être faite : les assureurs ne pourraient-ils pas être mis à contribution, en supprimant leur appel à cotisations, pour favoriser la reprise des licences sportives amateur ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Madame la ministre, depuis un an, la pratique sportive est entravée. Les différents règlements et protocoles qui se sont succédé au fil des confinements et des couvre-feux ont créé beaucoup d’incompréhensions. Il est même arrivé que les parcs et les plages soient interdits d’accès, ce qui a découragé la pratique sportive libre et de plein air. Tout cela malmène considérablement les responsables d’associations, les bénévoles, les familles et les enfants qui pratiquent une activité physique et sportive.

C’est encore plus vrai aujourd’hui, alors que débute dans seize départements un troisième confinement, même si l’on a pu reprendre l’activité physique et sportive à l’intérieur dans les établissements scolaires, dont beaucoup avaient vécu des situations tout à fait ubuesques. Tant mieux, mais cela ajoute de la confusion à la confusion – c’est malheureusement une constante dans la gestion de la crise par ce gouvernement –, d’autant qu’en sens inverse, il y a quelques semaines à peine, l’interdiction de la pratique d’activités en salle avait été annoncée sans préavis, ce qui a par exemple affecté la danse.

En dépit des efforts financiers des clubs pour se conformer à la réglementation sanitaire, de leur réactivité pour adapter la pratique aux nouvelles règles encadrant les lieux et les publics autorisés, et de leur capacité à démontrer leur sérieux dans la lutte contre la propagation du virus dans le milieu du sport amateur, le risque est grand aujourd’hui de voir de plus en plus de personnes s’éloigner du sport.

Déjà plus de 30 % des licenciés semblent se détourner de leurs clubs. C’est pourquoi il y a aujourd’hui unanimité pour réclamer le droit de pratiquer son sport favori.

Jason Lorcher, ancien hockeyeur de haut niveau à Rouen, a ainsi lancé une pétition, voilà quelques jours. Les « sportifs en détresse » qu’il a rassemblés sont aujourd’hui plus de 30 000 à témoigner des méfaits de l’interruption de l’activité sportive : amateurs, enfants, jeunes ou adultes, bénévoles ou dirigeants de clubs, tous expriment leur besoin vital de renouer avec la pratique sportive.

Du point de vue de la santé, chacun sait ici combien l’activité sportive est importante pour la prévention, y compris maintenant, face au covid-19. La rupture de la pratique risque aussi de créer de nouvelles problématiques de cohésion sociale. De l’avis des professionnels de santé, les conséquences de cette interruption peuvent en effet être graves sur le bien-être, mais également sur l’équilibre psychologique ou psychique de la personne. De plus, dans cette période particulièrement anxiogène, qui expose au repli sur soi, on manque cruellement du partage qui se noue autour du sport, ce qui exacerbe les inégalités sociales et isole les pratiquants les plus en difficulté.

Cette rupture risque aussi, à terme, d’avoir des conséquences sur le sport de haut niveau, en asséchant le vivier dans lequel l’élite sportive puise ses ressources. Nous avons tous plaisir à regarder de grandes compétitions internationales, de beaux matchs de sport professionnel, mais ceux-ci prennent sens parce qu’ils s’appuient sur un sport amateur et populaire : ils le font rayonner, mais la réciproque est tout aussi vraie.

Comment comprendre, dès lors, qu’aujourd’hui même, il y a quelques heures, les compétitions départementales et régionales de football aient été stoppées par la Fédération française de football, alors même que débutent les éliminatoires de la Coupe du monde de 2022 ?

Tout cela suscite des questions sur le modèle sportif qui perdurera après cette crise ; elles ont été posées par Jérémy Bacchi.

Nous sommes pour notre part convaincus que le sport est un véritable outil d’éducation, d’inclusion, d’épanouissement et de solidarité. Il est de ce fait encore plus utile en ce moment même que d’ordinaire.

Il faut donc créer les conditions de la reprise de la pratique sportive, bien évidemment dans le respect des règles sanitaires, et soutenir les clubs comme les collectivités, dont l’implication en la matière n’est plus à démontrer.

Le Pass’Sport est un outil qui peut contribuer à lever les obstacles financiers pour tous ceux qui, dans le contexte de crise sociale actuelle, auront des difficultés à payer leur licence. Nombre de collectivités auront à cœur d’y participer.

N’oublions pas cependant qu’elles aussi sont lourdement affectées, financièrement, par la crise sanitaire et toutes ses conséquences ! Il faut le prendre en compte. Il faut que les financements de l’État soient au rendez-vous si nous voulons que le Pass’Sport suscite véritablement la reprise de licences par le plus grand nombre.

La situation que nous connaissons doit être l’occasion de revoir en profondeur le financement de notre modèle sportif et de porter un plan ambitieux en matière de sport.

Je salue à mon tour l’ensemble des propositions qui ont été émises sur toutes les travées de notre assemblée à l’occasion de ce débat. Vous avez là, madame la ministre, des propositions à la fois précises, solides et concrètes qui peuvent permettre de redonner un nouveau souffle au mouvement sportif dans notre pays, ou de le relancer, puisque l’on parle beaucoup du plan de relance en ce moment. Nous sommes heureux d’avoir pu contribuer ce soir à ce débat. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Madame la ministre, le sport est un enjeu de société. Il représente aussi un enjeu économique. On lui consacre 0,14 % du budget de l’État et il représente 1,7 % du PIB de la France. Le sport est encore un enjeu populaire : on compte 10 millions de licenciés dans les différentes fédérations sportives ; deux Français sur trois pratiquent toutes les semaines une activité sportive régulière.

Eu égard à ces éléments, pendant longtemps, on a opposé dans notre pays le sport d’élite, professionnel, au sport amateur, sport de masse. Aujourd’hui, nous serons tous d’accord ici pour reconnaître qu’il est plus important de mettre en avant les schémas de complémentarité que les oppositions.

Dans ma bonne ville de Castres, au temps où cela était possible, 10 000 personnes se réunissaient tous les quinze jours pour assister à un match de rugby, soit un quart de la population de la ville. Aucun autre événement ou mouvement social populaire ne peut rassembler autant de personnes aussi régulièrement : voilà la magie des sports !

Du reste, madame la ministre, je profite de cette occasion pour vous interpeller directement en tant que président de l’amicale parlementaire de rugby et vous rappeler combien il est important que vous continuiez à aider les clubs professionnels du Top 14, dont le modèle économique repose sur les hospitalités et les spectateurs, avec toutes les conséquences que l’on imagine. Ces clubs ont besoin de l’aide de l’État pour faire face au huis clos qui leur est imposé !

Au-delà, j’estime essentielle la capacité de notre pays à organiser de grands événements sportifs. Tous les ans, on a le Tour de France. En 2023, nous accueillerons la Coupe du monde de rugby, pour laquelle 310 000 billets ont été vendus en quelques heures, ce qui montre toute l’attente qu’il peut y avoir en la matière. Enfin, on prépare les jeux Olympiques de 2024, eux aussi essentiels à bien des égards.

La réussite sportive, dans ses différentes manifestations, dépend aussi de la capacité de fonctionner du socle sur lequel elle repose, c’est-à-dire le sport amateur. De ce point de vue, la pandémie à laquelle nous devons faire face risque d’avoir à terme des effets dévastateurs, comme cela a déjà été rappelé. Les enjeux du sport en matière de santé publique sont particulièrement forts et importants.

J’ai rencontré ces dernières semaines de nombreux maires de mon département. Ils m’ont fait part de leurs plus profondes inquiétudes au regard du fait que certains jeunes qui avaient une pratique sportive sombrent aujourd’hui dans certaines addictions : l’alcool, le tabac, la drogue peut-être pour certains d’entre eux ! Il y a lieu d’être particulièrement vigilant.

Il faut donc se donner la possibilité d’une reprise de l’activité sportive qui soit la plus massive et la plus rapide possible.

J’ai consulté bien des élus, notamment des maires et des adjoints chargés des sports, parmi lesquels je citerai ceux de Gaillac, de Mazamet et de Saint-Sulpice-la-Pointe. Il ressort de ces entretiens un élément fondamental, madame la ministre : il faut donner aux acteurs locaux la capacité d’adapter un certain nombre de règles nationales, de manière à favoriser la reprise la plus rapide possible de l’activité sportive ! Il faut leur apporter des éléments de souplesse, de sorte que des protocoles spécifiques puissent être expérimentés dans nos collectivités, nos départements et nos territoires. C’est un enjeu majeur.

Je terminerai mon propos par une citation de Jean Giraudoux : « Il y a des épidémies de tout ordre ; le goût du sport est une épidémie de santé. » Puisse cette épidémie de santé durer le plus longtemps possible ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Cyril Pellevat. Madame la ministre, le monde sportif souffre depuis près d’un an. À ce jour, il n’a aucune perspective de reprise ; seuls les clubs professionnels sont pleinement autorisés à pratiquer avec contact et à prendre part à des compétitions à huis clos. Ce n’est pas idéal, mais c’est adapté et proportionné à la situation sanitaire.

En revanche, le sport amateur, la grande majorité des clubs semi-professionnels et les salles de sport restent sur la touche. Les clubs semi-professionnels et amateurs sont tous soumis au même régime, qu’ils prennent ou non part à des compétitions nationales ou continentales. D’après les consignes qu’ils ont reçues de la part de la direction des sports, seuls les clubs comptant plus de 70 % de sportifs professionnels peuvent s’entraîner sans distanciation et prendre part à des compétitions. Ce critère n’est absolument pas adapté à la réalité du monde sportif et met de côté un grand nombre de clubs qui évoluent dans des compétitions de haut niveau.

Madame la ministre, je vous ai envoyé un courrier pour vous alerter de la situation dans laquelle se trouvent ces clubs qui rassemblent à la fois des sportifs de haut niveau, qui sont autorisés à s’entraîner avec contact, et des sportifs amateurs, qui ne peuvent s’entraîner que sans contact et en dehors du couvre-feu. En raison de ce critère de 70 %, la plupart de ces clubs ne peuvent pas prendre part à des compétitions ni s’entraîner de façon adaptée pour celles-ci.

Je vous ai alors proposé de fixer différemment les critères, en autorisant les compétitions et les entraînements sans distanciation uniquement pour les clubs évoluant à l’échelle nationale ou européenne. Ceux qui ne prennent part qu’à des compétitions départementales ou régionales n’y seraient pas autorisés.

Dans votre courrier de réponse, vous m’avez indiqué que permettre la reprise des entraînements avec contact pour l’ensemble du sport amateur n’était pas adapté à la situation sanitaire. Il ne s’agit absolument pas de permettre une reprise pour tous, cette demande concerne les seuls clubs prenant part à des compétitions de haut niveau et ayant de ce fait des budgets importants que les aides actuelles ne peuvent compenser.

Cette règle des 70 % a des conséquences désastreuses pour les clubs. La majorité des fédérations ont dû annuler les championnats de France et plusieurs devront rompre les engagements qu’ils avaient pris dans le cadre des championnats européens. Plusieurs clubs voient leurs membres les quitter pour d’autres, situés dans des pays étrangers où les compétitions amateurs ou semi-professionnelles sont autorisées, tels que la Suisse, l’Italie, la Finlande, l’Espagne ou encore l’Allemagne.

Malheureusement, il est déjà trop tard pour rattraper cette situation. Il faut donc maintenant tout miser sur la saison prochaine. Les clubs sont conscients de la situation sanitaire et leurs revendications sont proportionnées à celle-ci.

D’une part, ils souhaitent une reprise des sports collectifs avec contact avant l’été, en priorité pour les jeunes. Cela leur permettra de sécuriser leurs inscriptions pour la rentrée de septembre prochain.

D’autre part, si d’ici à l’été la situation sanitaire n’est pas suffisamment stabilisée pour permettre une reprise du sport pour tous, les clubs souhaitent que le sport sans distanciation et les compétitions soient possibles uniquement pour ceux d’entre eux qui évoluent dans des compétitions nationales et européennes, pour les jeunes comme pour les adultes.

Si par malheur l’épidémie venait à se prolonger jusqu’à la prochaine saison, madame la ministre, il est absolument indispensable que vous ne reconduisiez pas cette règle absurde de 70 % de professionnels au sein des clubs, sans quoi nombre d’entre eux ne se relèveront pas. Vous engagez-vous de ce fait à ne pas laisser le sport collectif à l’abandon et à étudier leurs propositions raisonnables et sensées ?

Enfin, j’en viens à la situation des salles de sport. Déjà fermées durant le premier confinement, elles le sont de nouveau depuis le mois d’octobre dernier. Elles sont aidées au titre du fonds de solidarité, mais celles qui enregistrent moins d’un million d’euros de chiffres d’affaires par mois ne sont pas éligibles à l’indemnisation de leurs charges fixes. Cela changera au début du mois d’avril prochain, mais seuls les mois de janvier, février et mars seront indemnisés de façon rétroactive, alors que les charges sont supportées depuis de nombreux mois. Plus de 300 salles ont déjà déposé le bilan et il a fallu plus d’un an pour que leurs alertes soient entendues. Quel gâchis !

Le sport participe pourtant à la lutte contre la pandémie, puisque les personnes en bonne santé et pratiquant une activité physique régulière ont moins de chances de souffrir d’une forme grave de la covid-19.

La plupart des études prouvent en outre que, si le sport sans masque en milieu fermé favorise la propagation du virus, une pratique sportive en intérieur avec masque, distanciation et aération présente très peu de risques. Si l’interdiction d’ouverture peut se comprendre dans les départements confinés ou en surveillance, elle est loin d’être proportionnée dans ceux où les taux d’incidence sont bas.

Le Gouvernement a commencé à territorialiser les mesures de lutte contre l’épidémie, mais il faut aller plus loin et faire de même pour l’ouverture des salles de sport. Des critères supplémentaires peuvent être fixés, tels qu’une surface suffisante pour pratiquer la distanciation et des moyens d’aérer la salle.

Interdire à toutes les salles d’ouvrir sur tout le territoire n’est pas proportionné. Aussi, madame la ministre, comptez-vous défendre la réouverture des salles de sport dans les départements où le virus circule peu ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Ventalon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Anne Ventalon. En écoutant vos propos, mes chers collègues, qui font écho aux témoignages des licenciés que j’ai rencontrés, évoquant les risques qui pèsent sur leurs fédérations et leurs clubs, une évidence apparaît : le rôle du sport dans nos sociétés. Cela nous oblige à mesurer la portée civilisationnelle du terme de « culture physique ».

En m’entretenant notamment avec les professionnels des salles de sport de l’Ardèche, au-delà du désarroi, j’ai perçu un sentiment d’incompréhension et de gâchis.

Plutôt que l’interdiction brutale, l’État aurait dû et pu instaurer avec eux un protocole adapté à la crise. En effet, non seulement aucun cluster n’est apparu dans ces établissements, mais des mécanismes d’identification à l’entrée permettent de tracer l’heure d’arrivée des adhérents et d’identifier les personnes croisées.

Plus généralement, les gérants et les responsables associatifs qui assurent le fonctionnement des équipements sportifs connaissent mieux que quiconque les gestes et les déplacements qui y sont pratiqués. Hélas, ils n’ont pas été consultés, alors qu’ils auraient pu être des auxiliaires précieux pour éliminer le virus sans détruire le sport.

Il faudra s’en souvenir demain. Il faudra aller chercher des solutions innovantes.

Je veux en prendre un exemple relatif aux masques, qui sont indispensables dans l’attente de l’immunité collective, mais peu compatibles avec l’exercice physique. Devons-nous pour autant continuer à renoncer totalement à nos activités sportives, avec les conséquences que chacun a déplorées ici ? Non !

Concentrons plutôt nos efforts sur la diffusion de masques adaptés à un large éventail de disciplines, notamment les sports collectifs. Une entreprise ardéchoise, Chamatex, développe justement de tels masques, qui n’entravent pas la respiration et permettent une mobilité impensable avec les modèles basiques. Soutenons-la ! Encourageons ainsi partout le génie du pragmatisme, ce French flair qui sifflera la fin de cet interminable arrêt de jeu.

Au-delà de cette épidémie dont nous finirons par venir à bout, le temps est déjà venu de réfléchir aux crises de demain. Je pense à notre future capacité à passer, en cas de nouvelle alerte épidémique et dans un délai minimal, à une organisation adaptée à nos pratiques sportives, individuelles ou collectives.

Les orateurs précédents l’ont souligné : faute d’anticipation, nous découvrons brutalement les conséquences de la privation de sport sur la population.

Il faut donc, madame la ministre, que vos services travaillent dès à présent sur un modus operandi qui serait directement efficient en cas de nouvelle crise. Il permettrait aux associatifs, aux professionnels, aux élus et aux sportifs de basculer immédiatement dans un fonctionnement de crise, avec des règles du jeu connues, puisque déjà définies en amont.

Les acteurs du secteur, comme le collectif événementiel sportif Outdoor, très actif dans mon département, proposent des expérimentations encadrées pour sauver des événements sportifs grand public en plein air. Accompagnons-les !

En 2020, nous avons été surpris et désemparés. Aujourd’hui, nous devons prévenir un futur épisode pandémique avec l’état d’esprit des athlètes de haut niveau, c’est-à-dire en nous jurant d’être prêts le jour de l’épreuve.

Pour paraphraser une devise célèbre, je dirais que nous devons passer à ce format adapté plus vite, avec des niveaux de maintien de la pratique plus hauts, et que nous en sortirons plus forts.

Madame la ministre, à vous qui avez en votre temps prononcé le serment olympique, il appartient de prendre ce soir devant nous ce nouvel engagement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Jérémy Bacchi et Claude Kern applaudissent également.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures dix, est reprise à vingt-trois heures quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée auprès du ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie tout d’abord le groupe CRCE d’avoir proposé l’inscription de ce débat thématique autour du sport à l’ordre du jour de vos travaux.

Comme certains d’entre vous l’ont souligné, je pense que ce débat témoigne de votre motivation à traiter de ce sujet prochainement, peut-être au sein de cette assemblée. J’espère qu’il préfigure l’examen de la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France que l’Assemblée nationale a discutée et adoptée la semaine dernière.

Pourquoi cette proposition de loi est-elle importante ? Permettez-moi de faire le lien entre ce texte et les propos que vous avez tenus de ce soir, mesdames, messieurs les sénateurs.

D’abord, ce texte se place au cœur d’une actualité dominée par la crise sanitaire et des préoccupations des associations sportives et des collectivités, soucieuses de l’état et de l’avenir de ce monde associatif sportif, qui est tellement important pour la cohésion sociale, pour la santé physique et psychologique des Françaises et des Français, mais aussi, tout simplement, pour le vivre ensemble, ce vivre ensemble qui nous manque tant aujourd’hui.

Il est essentiel que ce texte ouvre de nouveaux champs d’action au monde associatif pour que celui-ci vienne en appui à des politiques publiques dépassant le seul cadre du sport en France, notamment à l’échelon local : auprès des personnes handicapées, à l’école… Il importe de créer davantage de liens entre le monde associatif sportif et le monde économique afin de promouvoir l’attractivité des territoires. Dans le cadre du volet sport-santé, les associations sportives peuvent devenir de véritables outils pour sensibiliser nos concitoyens à cette thématique.

Il s’agit également, comme vous le demandez, d’ouvrir des perspectives de reprise pour la pratique sportive populaire et accessible à tous. Pour ce faire, nous devons parvenir à structurer différemment le monde associatif, qui joue un rôle majeur.

Vous avez cité le nombre d’emplois que le sport génère et le nombre de personnes impliquées en France, je ne reprendrai pas ces chiffres que nous connaissons tous. Le monde du sport est important pour notre économie. Nous savons aussi combien il est déterminant pour les enfants et les adolescents, car il leur permet d’exprimer une passion, un engagement personnel, voire de définir un projet de vie. Il faut donc que les collectivités et l’ensemble des responsables publics soient aux côtés de ces jeunes qui mettent le sport au cœur de leur existence.

Le titre Ier de cette proposition de loi a pour objet d’ouvrir davantage le champ d’intervention du monde associatif pour lui permettre de se structurer, d’aller chercher de nouveaux publics, d’être plus en lien avec des politiques locales – communes, agglomérations, régions – ou nationales.

Le titre II traite du renouveau du monde sportif. Lorsque je suis arrivée à la tête de ce ministère, une réforme était déjà en cours, engagée par Laura Flessel, dont l’ambition était de nouer une relation différente avec le mouvement sportif. Il s’agissait également de porter une attention particulière à ce qui se passait en matière sportive sur nos territoires et dans nos collectivités, en associant différemment le monde économique à la politique du sport afin de trouver de nouveaux financements.

Le Sénat a voté la création d’un groupement d’intérêt public, l’Agence nationale du sport, permettant d’instaurer une gouvernance partagée. Cette agence met en effet autour de la table l’ensemble les acteurs – collectivités, mouvements sportifs, État, entreprises – pour traiter sérieusement de la politique du sport, promouvoir des cofinancements et faire prévaloir l’utilité du sport pour la société.

En contrepartie d’un nouveau contrat passé entre l’État et le monde sportif, qui confère à ce dernier une autonomie accrue, nous attendons du mouvement sportif qu’il témoigne d’une responsabilité plus grande, qu’il se restructure, se repense et se renouvelle. Voilà pourquoi le titre II aborde la question de la parité dans les instances sportives – je sais que pour certaines et pour certains d’entre vous cela compte beaucoup. Il y est également question d’un lien plus fort entre l’instance fédérale, les clubs et les adhérents au travers des modalités de vote au sein des instances dirigeantes des fédérations. Il pose également la question de la limitation du nombre de mandats pour les présidents de fédération afin de promouvoir le renouvellement des générations et la mixité. Il s’agit d’apporter au monde associatif des perspectives nouvelles de développement.

Enfin, le titre III traite du modèle économique que vous avez évoqué à plusieurs reprises ce soir. Comment protéger le modèle économique du sport en France ?

Vous l’avez souligné dans certaines de vos interventions, le Gouvernement assume tout à fait l’idée que le sport ne se résume pas à la pratique amateur. Certes, le sport amateur constitue la base de la pratique sportive en France, mais tout cela conduit au sport professionnel, c’est-à-dire à des carrières et à des métiers. C’est un aspect fondamental que nous souhaitons affirmer et protéger, de la même manière que le monde amateur et son modèle économique doivent être structurés pour mieux être préservés.

Je suis donc ravie que nous puissions ce soir, en préambule des discussions qui auront lieu dans cet hémicycle sur la future loi Sport, aborder tous ces sujets ensemble.

J’appelle également votre attention sur une autre échéance, à savoir l’article 25 du projet de loi confortant le respect des principes de la République. Le ministère des sports, en accord avec le mouvement sportif, a prévu d’y inscrire cette relation nouvelle et importante qui lie l’État aux fédérations sportives. Il faut aller encore plus loin et affirmer une relation renouvelée entre le monde fédéral, le sport amateur et le sport professionnel.

Les contrats de délégation qui figurent à l’article 25 sont un point important, car c’est dans ce cadre qu’il sera question des thématiques que vous avez évoquées, qu’il s’agisse de la performance sociale du sport et de toutes les externalités positives du sport. Tout cela pourra se trouver inscrit dans les contrats de délégation, non pas pour contrôler davantage les fédérations ou les contraindre, mais au contraire pour valoriser ce qu’elles font déjà bien, avec engagement et passion. Je pense en particulier à la participation aux valeurs de la République, à la protection des publics, ainsi qu’à la protection de l’éthique et de l’intégrité du sport.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je me suis autorisée à faire un peu de publicité autour de ces deux textes, car ils sont d’une importance majeure dans la gestion de cette crise. J’aimerais vous expliquer maintenant comment a été gérée cette période, qui a été très compliquée pour moi en tant que ministre des sports.

Le sport se situe, en effet, dans la zone dangereuse : on le pratique sans masque, en intérieur, où le virus se répand beaucoup plus facilement qu’en extérieur, dans une pratique collective. Nous sommes donc confrontés à un phénomène de groupe, que l’on soit spectateur, pratiquant d’un sport collectif ou d’un sport de contact. Certes, les manières de pratiquer le sport sont diverses et variées, mais il me revient de défendre de la même manière tous les sports, ainsi que l’écosystème associatif et fédéral afin de maintenir, durant cette période très compliquée, un minimum d’activité.

Dans le cadre de cette nouvelle gouvernance, le secteur économique du sport, qu’il s’agisse des salles de sport privées ou des magasins de sport, se tourne vers nous pour que nous défendions sa cause. Nous le faisons avec grand plaisir, car nous sommes tous dans le même bateau, si vous me permettez l’expression.

Nous sommes aussi tous embarqués dans la même aventure, qui nous mènera aux deux grands événements qui scanderont le rayonnement du sport et de notre pays à l’international : la Coupe du monde de rugby en 2023 et les jeux Olympiques et Paralympiques en 2024. Malgré la crise que nous traversons aujourd’hui, il importe que nous soyons à la hauteur de cette responsabilité que nous avons prise en postulant et en gagnant ces candidatures.

C’est pourquoi il m’a paru dans un premier temps essentiel de préserver la pratique sportive de ceux qui en ont fait leur métier. Nous avons nous aussi été pris par surprise par ce virus. Au mois de mars 2020, quand il s’est agi de préserver la santé des sportifs et des professionnels du sport, il nous a semblé indispensable de leur demander de cesser leur pratique pour les mettre à l’abri, pour les protéger jusqu’au moment où nous en saurions davantage sur cette épidémie. Ensuite, dès le mois de septembre dernier, nous avons fait le choix de les placer au rang de public prioritaire. Nous l’assumons, car il s’agit, je le répète, de personnes pour qui la pratique du sport constitue le métier : elles doivent donc pouvoir exercer leur métier comme tous ceux qui sont aujourd’hui autorisés à travailler.

Nous avons donc décidé qu’il leur serait possible de continuer à pratiquer leur sport. Ce n’est pas facile, car ils doivent subir des tests tous les deux jours et sont contraints à faire davantage attention à la circulation du virus que le reste de la population. En effet, ce qui est en jeu, c’est leur corps, qui est leur outil de travail !

Nous devons accompagner les sportifs, les clubs professionnels et les ligues professionnelles dans la mise en place de tous ces protocoles. Nous travaillons au quotidien avec le monde professionnel pour qu’il maintienne l’activité de ces sportifs afin que ceux-ci n’aillent pas, comme vous l’avez souligné, à l’étranger. Nous voulons aussi qu’ils restent motivés en vue des grandes échéances qui auront lieu en France ou à l’international ; je pense aux jeux Olympiques qui auront lieu dans quelques mois et à ceux qui se tiendront à Paris en 2024.

L’autre aspect essentiel était d’aider les organisateurs d’événements sportifs. Nous les avons accompagnés pour qu’ils puissent nous proposer des protocoles et avons validé un certain nombre d’exceptions dans le cadre des déplacements – je pense à l’ouverture et à la fermeture des frontières. Il importe également d’assurer l’équité des compétitions sportives internationales. C’est donc un public auquel nous avons évidemment fait très attention et que nous soutenons au quotidien.

Pour autant, le sport professionnel n’est pas notre seul public prioritaire, puisque nous sommes également très attachés au sport-santé. Comme vous l’avez rappelé, le sport est bon pour la santé : c’est d’autant plus évident à l’heure actuelle.

Bien avant la crise, le Président de la République a pris l’engagement de valoriser le sport-santé par la création de 500 maisons sport-santé en France, d’ici à la fin de son mandat. Il s’agissait de repérer, de financer et d’accompagner les territoires déjà engagés en ce sens, afin d’aider à faire de sortir de terre de telles structures. Nous y sommes presque, puisque leur nombre s’élève aujourd’hui à 300 sur l’ensemble du territoire. Nous venons d’annoncer la deuxième vague de labellisation et nous avons débloqué une ligne financière de 3,5 millions d’euros pour accompagner les territoires qui financent le sport-santé, thème sur lequel Olivier Véran et moi-même souhaitons mettre l’accent.

C’est pourquoi, lorsque c’est possible, nous préservons au maximum la pratique sportive pour les enfants, dans le cadre scolaire ou dans le cadre associatif. C’est pourquoi nous faisons en sorte, là encore lorsque c’est possible, que la pratique sportive puisse reprendre pour les adultes. C’est le cas aujourd’hui puisque toutes les associations sont autorisées à fonctionner. La seule restriction concerne le sport à l’intérieur.

Comme vous l’avez rappelé, nous comptons beaucoup sur le masque dit sportif. En réalité, il s’agit d’un masque de deuxième génération que tout le monde pourra utiliser. Je pense notamment aux métiers du bâtiment ou aux métiers où l’on parle beaucoup. C’est un masque qui protégera aussi efficacement que les anciens masques contre le virus tout en permettant une respiration plus facile. Nous misons sur ce masque pour que les adultes ou les enfants puissent reprendre le sport en intérieur.

Dans le cadre de l’éducation physique et sportive, ou EPS, lorsque les enfants demeurent dans le même groupe, dans la même classe, il est déjà possible de reprendre une activité sportive. L’arrêt de la pratique pour les enfants depuis le 15 janvier dernier était un élément d’inquiétude pour le Gouvernement.

Si la pratique libre est envisageable pour les adultes, qui peuvent courir et faire leur jogging seuls, elle est plus difficile pour les enfants, qui ont besoin de l’encadrement des éducateurs sportifs et des bénévoles des associations. Ces derniers, qui font de la pédagogie autour de la crise sanitaire, sont les relais du Gouvernement pour faire respecter le protocole. Au travers des enfants, ils font aussi passer des messages aux adultes et aux parents.

La reprise se dessine avec un échéancier bien précis. Les enfants, dans le cadre associatif et périscolaire de l’exercice d’une pratique sportive à l’intérieur, sont maintenant le public prioritaire. Aujourd’hui, les adultes et les enfants sont autorisés à pratiquer un sport, mais uniquement à l’extérieur. Nous incitons d’ailleurs toutes les associations indoor à se rapprocher de celles qui pratiquent en extérieur. Nous demandons également aux collectivités de mettre à disposition des associations leurs équipements sportifs d’extérieur, les cours d’école et leurs espaces publics municipaux afin qu’elles puissent déployer à l’extérieur leur savoir-faire.

Je ne vous cache pas que le fait d’avoir repoussé d’une heure le couvre-feu est une source de motivation supplémentaire par rapport à cet espace de liberté qu’est le sport – c’est ainsi que vous l’avez qualifié et nous en sommes d’accord. Tout cela nous incite à privilégier la pratique sportive jusqu’à dix-neuf heures, après le travail ou l’école.

Nous solliciterons les collectivités et nous leur demanderons, grâce à la mise en place d’une aide financière via une ligne spécifiquement dédiée à l’Agence nationale du sport, d’ouvrir dès maintenant les équipements d’été, par exemple les piscines. J’ai besoin que vous passiez ce message aux collectivités avec lesquelles vous êtes en lien. Le Gouvernement soutiendra le fonctionnement de ces équipements sportifs d’extérieur pour permettre des ouvertures en avance de phase.

Nous voulons découvrir dès à présent des terrains de tennis ou des piscines pour offrir un maximum d’espace à ces associations, qui déploient déjà, depuis le début de la semaine, des activités à l’extérieur pour leurs adhérents.

Nous sommes conscients que la crise est difficile dans le champ sportif comme elle l’est dans d’autres secteurs d’activité. C’est pourquoi le Gouvernement a débloqué un certain nombre d’aides. Vous en avez cité quelques-unes, je les rappelle toutefois.

Depuis le début de la crise, toutes les associations ont pu profiter des mêmes aides que les entreprises. À partir du moment où elles avaient des salariés, elles ont pu bénéficier du fonds de solidarité de la direction générale des finances publiques, la DGFiP, à hauteur de 10 000 euros par mois, et du chômage partiel.

Les associations qui n’ont pas d’employés et qui ne fonctionnent que grâce au bénévolat ont, plus spécifiquement, eu accès à deux enveloppes de 15 millions d’euros – une l’année dernière et une cette année – via le budget de l’Agence nationale du sport : 8 000 associations sportives ont bénéficié de ce fonds d’urgence. Cela peut paraître peu, comparé aux 380 000 associations sportives en France, mais il faut savoir que l’État, en temps normal, n’accorde de subventions qu’à 20 000 associations.

À l’heure actuelle, en effet, l’État n’est pas le principal financeur des associations : il finance l’emploi, il finance en partie les équipements sportifs dans les territoires, il finance partiellement les associations. Quoi qu’il en soit, 8 000 associations, ce n’est pas rien par rapport aux 20 000 associations financées habituellement. Je crois donc que nous avons rempli notre part du contrat !

Nous avons souhaité trouver un équilibre entre l’aide apportée au secteur amateur et l’aide apportée au secteur professionnel. Nous y sommes parvenus, puisque nous avons débloqué 107 millions d’euros pour compenser la perte de billetterie due au huis clos. Une deuxième vague d’aide est aujourd’hui en discussion avec Bercy ; elle sera débloquée prochainement pour soutenir les clubs.

Ce sont des aides considérables, puisque certains clubs ont pu toucher jusqu’à 5 millions d’euros de compensations. Tous les sports qui accueillent habituellement du public ont été concernés, qu’il s’agisse du football, du rugby, du handball, du basket, du volley ou du hockey sur glace : ils ont été aidés à la hauteur de leurs besoins et des pertes qu’a entraînées ce huis clos. Nous continuerons de les aider.

Comme dans tous les autres secteurs d’activité, nous n’avons pas pu aller jusqu’à un remboursement de 100 % des pertes. La compensation a été plafonnée, à l’instar de ce qui a été prévu pour les magasins et les restaurants. En tout état de cause, le secteur du sport n’a pas été traité différemment des autres. Au contraire, il a bénéficié, d’une part, des aides de droit public et, d’autre part, de l’aide spécifique du ministère des sports.

Le plan de relance prévoit des aides supplémentaires, à hauteur de 50 millions d’euros, en faveur de la rénovation des équipements sportifs – il revient aux collectivités de soumettre ces projets aux préfets de région. Un autre budget spécifique de 30 millions d’euros sera consacré aux équipements situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPPV).

Nous aiderons également, grâce au Pass’Sport, les Françaises et des Français les plus en difficulté financièrement à prendre des licences à la rentrée. Nous sommes très attachés à ce dispositif.

Vous m’avez interrogé sur le public bénéficiaire. Il concerne les enfants âgés de 6 à 16 ans, voire à 20 ans pour les jeunes en situation de handicap. Cette mesure concernera environ 2 millions de Français. Encore une fois, cette aide de 100 millions d’euros viendra compléter les mesures déjà mises en place par les collectivités pour faciliter les adhésions à un club sportif.

Le cofinancement existait bien avant la crise. Il a été structuré différemment par la nouvelle gouvernance du sport afin d’être au plus près des besoins des citoyens et des territoires. À l’heure actuelle, y compris dans la gestion de cette crise, nous voulons travailler main dans la main avec les collectivités.

Les associations et leur survie ne concernent pas que l’État, elles concernent également les villes et l’ensemble des citoyens. Le Gouvernement répondra présent pour soutenir le sport amateur et les structures associatives.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je compte sur vous et sur votre engagement en faveur du sport et des associations sportives. Il importe que nous puissions travailler ensemble sur les thématiques relatives au mouvement sportif soulevées dans le cadre de cette proposition de loi. Il reste encore des modifications à apporter, ainsi que des concertations à mener avec le monde fédéral et le monde professionnel.

Tout comme vous, je suis très attachée à la régulation du modèle économique du sport. Je suis également très attachée à la solidarité entre le sport amateur et le sport professionnel. Ayant été moi-même sportive de haut niveau, je connais le parcours et le circuit que suit tout sportif qui « naît » dans une association. Cette dernière l’aide à devenir quelqu’un, à trouver sa place dans la société. J’en suis d’autant plus consciente que je ne suis pas Française d’origine. Le sport m’a permis de trouver ma place en France, il m’a enseigné ce qu’étaient la République et ses valeurs, et m’a permis d’y adhérer. Je ne méconnais donc pas le rôle du sport de ce point de vue.

Le sport ouvre vers des métiers, vers une carrière de sportif, il permet de s’exprimer professionnellement peut-être plus tôt que dans d’autres secteurs. Il faut encourager les talents et la pratique sportive. Il faut surtout soutenir cette dernière dans les moments de difficulté, c’est ce que nous faisons en collaboration, encore une fois, avec les territoires, les mouvements sportifs et toutes les entreprises, qui sont aussi convaincues que le sport est essentiel au bien-être physique et psychologique des Français.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie encore de la tenue de ce débat. J’espère avoir prochainement l’occasion de discuter de nouveau de sport avec vous ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Quelle perspective de reprise pour une pratique sportive populaire et accessible à tous ? »

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Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 25 mars 2021 :

À quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :

Débat sur le thème « Veolia-Suez : quel rôle doit jouer l’État stratège pour protéger notre patrimoine industriel ? » ;

Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste (texte de la commission n° 468, 2020-2021) ;

Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention (texte de la commission n° 473, 2020-2021).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures quarante.)

 

nomination de membres dune commission mixte paritaire

La liste des candidats désignés par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi pour un nouveau pacte de sécurité respectueux des libertés a été publiée conformément à larticle 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :

Titulaires : MM. François-Noël Buffet, Marc-Philippe Daubresse, Étienne Blanc, Loïc Hervé, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Hussein Bourgi et Thani Mohamed Soilihi ;

Suppléants : Mme Brigitte Lherbier, M. Stéphane Le Rudulier, Mmes Jacky Deromedi, Françoise Gatel, MM. Jean-Yves Leconte, Jean-Yves Roux et Mme Éliane Assassi.

 

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

ÉTIENNE BOULENGER