M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre de la mer. Monsieur le sénateur Didier Marie, la liaison entre Dieppe et Newhaven qui est opérée, vous l’avez dit, par délégation de service public au groupe danois DFDS Seaways, pour le compte du département de la Seine-Maritime, connaît effectivement des difficultés. Deux navires battant pavillon français, sur les douze que compte l’armateur, assurent la traversée. Le trafic de passagers entre Dieppe et Newhaven a chuté fortement au cours de l’année 2020. En dépit des 26 millions d’euros annuels que la compagnie reçoit du département au titre de la DSP, l’équilibre économique de l’activité demeure très difficile à atteindre, voire introuvable.

De surcroît, cette ligne ne pourra pas bénéficier de la mesure relative à l’élargissement des exonérations de charges, car nous avons choisi de ne pas la rendre applicable aux DSP.

La compagnie, qui a enregistré sur cette ligne une baisse de son trafic de passagers de 66 % après impôts, en 2020, a lancé une consultation auprès du Royaume-Uni et de la France. Nous avons donc des échanges réguliers avec ses représentants.

Cependant, même si nous sommes vigilants et que nous souhaitons examiner les possibilités d’un soutien plus important, il n’en reste pas moins que DFDS Seaways fait partie des armateurs les plus solides en Europe. Les capacités et marges d’investissement de l’entreprise sont importantes, ce qui explique qu’elle n’ait pas contracté de PGE. Elle a la possibilité de réagir rapidement, et il faut s’en réjouir.

La compagnie a d’ailleurs su prendre des initiatives et saisir l’occasion de développer les liaisons entre la France et l’Irlande. Nous l’encourageons dans cette voie.

Pour ce qui concerne le Fontenoy du Maritime, la concertation ne sera pas réservée à certaines compagnies. Elle a pour objectif d’élaborer le nouveau contexte qui favorisera une meilleure attractivité de nos navires et du pavillon français, dans une perspective globale. En prenant en compte l’ensemble des sujets, cette concertation pourra aussi contribuer à aider DFDS Seaways.

M. le président. La parole est à M. Philippe Paul.

M. Philippe Paul. Madame la ministre, le sujet a déjà été abordé, mais je me permets d’insister. On ne peut pas évoquer l’avenir des entreprises assurant les liaisons trans-Manche sans mentionner la situation de la compagnie Brittany Ferries.

Créée en 1972 par des bâtisseurs visionnaires, soucieux de désenclaver leur territoire excentré, la compagnie finistérienne est devenue au fil des ans le premier transporteur maritime dans la Manche ouest et centrale, et le premier employeur de marins français.

Les restrictions sanitaires liées à la pandémie de covid-19 ont très fortement réduit le trafic de passagers depuis un an, affectant ainsi la santé économique des opérateurs.

Dès le 21 avril 2020, sur la proposition de Pascal Allizard, Philippe Bas et Jean Bizet, nous alertions le Premier ministre sur la nécessité de mettre en place un plan d’action volontariste et ambitieux pour une filière qui, avant la crise sanitaire, était déjà dans la crainte des effets du Brexit. Nous soulignions alors qu’il fallait agir rapidement afin de sauver le trans-Manche chez les opérateurs sous pavillon français, et préserver les emplois directs et indirects qui en dépendent. Nous précisions qu’il y allait aussi plus largement de l’économie des territoires concernés.

Dans un courrier de réponse, le 30 septembre dernier, M. le ministre délégué chargé des transports rappelait que le Gouvernement s’était engagé à attribuer aux compagnies une subvention correspondant à un remboursement de charges salariales en 2021, soit 15 millions d’euros pour la Brittany Ferries. Il indiquait également que la situation post-2021 était en cours d’examen.

Madame la ministre, face aux difficultés particulièrement lourdes que les opérateurs continuent de rencontrer, ma question sera double : tout d’abord, avez-vous confirmation du versement, au mois de mai prochain, de la somme correspondant au remboursement des charges salariales ? La situation reste floue. Or vous pouvez aisément comprendre que les compagnies ont besoin de ce soutien pour maintenir leur flotte et préserver l’emploi en attendant la reprise du trafic de passagers.

Dans un contexte de crise qui s’installe, il est clair que cette aide doit être prolongée. Quelles sont les intentions du Gouvernement à ce propos ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre de la mer. Monsieur le sénateur Philippe Paul, je ne reviendrai pas sur l’ensemble des aides de droit commun qui ont été apportées à Brittany Ferries, car votre question porte surtout sur les moyens d’accompagner davantage l’entreprise.

Le Gouvernement est déterminé à soutenir cette compagnie qui souffre à la fois du Brexit et de la crise sanitaire. Alors qu’elle a connu des jours meilleurs en 2018 et 2019, elle a été mise à rude épreuve en 2020 et 2021, et il n’est pas besoin de rappeler les chiffres que vous avez déjà mentionnés.

En revanche, l’activité de fret se maintient avec des perspectives favorables pour 2021, car le Brexit n’a pas mis fin aux besoins de trafic entre le Royaume-Uni et la France. L’armateur prévoit de reprendre un certain nombre de liaisons à partir du mois de mai 2021, si la situation sanitaire le permet.

Quant aux premiers versements correspondant au net wage annoncés par le Premier ministre, ils devraient intervenir au mois de mai prochain, date à laquelle nous devrions être opérationnels.

La compagnie a lancé un plan de réduction de dépenses, notamment par l’optimisation des effectifs. Nous avons veillé à ce qu’il n’y ait aucun licenciement, car l’emploi reste au cœur de toutes nos actions.

Compte tenu de l’importance des recrutements effectués par la compagnie dans les régions Bretagne et Normandie, un comité interministériel de restructuration industrielle a formulé plusieurs demandes auprès de la Commission européenne, dont un accord d’activité partielle de longue durée pour 19 millions d’euros, le refinancement de 80 % du PGE par un prêt de longue durée, un PGE sur seize ans de 50 millions d’euros, l’abandon des créances Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) pour 10 millions d’euros et des subventions de portage pour 20 millions d’euros. Telles sont les propositions que nous avons faites à la Commission européenne.

M. le président. La parole est à M. Michel Dagbert.

M. Michel Dagbert. Madame la ministre, je voudrais intervenir sur la question du transport de marchandises, notamment à partir des ports de mon département du Pas-de-Calais.

L’enjeu est en effet de taille puisque près de 6 millions de camions transitent chaque année entre les ports de la région des Hauts-de-France et la Grande-Bretagne, ce qui représente 70 % des échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. À lui seul, le site de Calais voit ainsi passer 4 millions de camions via les ferries et le tunnel, et son port reçoit environ 40 millions de tonnes de marchandises par an.

L’entrée en vigueur du Brexit et la mise en place de nouvelles procédures et obligations douanières, vétérinaires et phytosanitaires ne sont pas sans conséquence sur la fluidité du trafic.

Des ralentissements dus aux contrôles à la frontière ont été observés au début de l’année, malgré la création par les services de la douane française, en collaboration avec le port de Calais, les opérateurs maritimes et ferroviaires et les services de l’État, d’une frontière dite « intelligente » reposant sur l’utilisation des nouvelles technologies.

Certes, des investissements ont été faits par les opérateurs trans-Manche et l’État à hauteur de 40 millions d’euros, dont 12 millions ont été apportés par le port Boulogne Calais pour éviter les engorgements. Il faut aussi saluer le recrutement de fonctionnaires dans les douanes et les services vétérinaires, notamment 276 agents pour les contrôles sanitaires sur le seul site de Calais.

Madame la ministre, compte tenu des remontées de terrain et des constats effectués à la fois par les professionnels, les transporteurs et les services de l’État, quelles mesures comptez-vous prendre pour assurer la fluidité du lien trans-Manche et éviter l’engorgement de l’autoroute A16 ?

En parallèle se pose la question du développement du ferroutage. Le 6 novembre 2018, Mme Élisabeth Borne, à qui je souhaite un prompt rétablissement, inaugurait l’autoroute ferroviaire qui relie le port de Calais à Orbassano, dans la banlieue de Turin. Le port de Calais devenait ainsi le hub de référence des interconnexions entre la mer, la route et le chemin de fer pour la circulation des flux entre le nord et le sud de l’Europe. La création d’une ligne de fret ferroviaire entre Sète et Calais a, quant à elle, été confirmée en juillet dernier, ce qui assurera une liaison notamment pour les containers maritimes.

De quelle manière le Gouvernement compte-t-il accompagner ce type de projet permettant aux transporteurs de disposer de solutions de report modal au sein même du port ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre de la mer. Monsieur le sénateur Michel Dagbert, 500 agents supplémentaires sont désormais dédiés au contrôle, dont 270 douaniers et 230 vétérinaires.

Chacun ici a pu constater que la France s’était largement préparée, bien avant d’autres pays, à faire face à tous les aspects du Brexit, notamment ceux qui concernent le trafic trans-Manche. Des exercices ont été effectués régulièrement dans les territoires concernés. Depuis 2019, l’État, les collectivités et les entreprises se sont donné les moyens d’être prêts.

Nous avons effectivement besoin de créer une « frontière intelligente » de la douane reposant sur un système d’information qui permettra d’éviter les engorgements. Des travaux sont en cours.

Le Brexit a été préparé en amont et ses conséquences ont été bien ciblées, de sorte que nous pouvons y apporter des réponses au fur et à mesure. Des opportunités s’ouvrent aussi, comme avec l’Irlande, que nous devons saisir.

L’État entend accompagner les ports dans le développement de nouvelles stratégies en lien avec le fret ferroviaire, dont vous avez parlé, ou l’intermodalité entre le rail et le fluvial qui concerne surtout les ports de la côte d’Opale.

Nous devons être au rendez-vous de la compétitivité. Le Fontenoy du Maritime nous y aidera, ainsi que tous les investissements que nous ferons pour accélérer la transition écologique. Ces objectifs doivent rester au cœur de notre action, qu’il s’agisse d’infrastructures ou de simplification des procédures.

Le réseau fluvial permet de pénétrer au centre des agglomérations traversées par des voies d’eau, ce qui favorise aussi une logistique urbaine massifiée. En consacrant près de 25 millions d’euros à la transition des flottes, grâce aux aides de l’État, de l’Ademe, mais aussi des régions, nous devrions être efficaces dans ce secteur.

Le plan de relance prévoit également 175 millions d’euros pour rafraîchir les infrastructures fluviales. Enfin, la stratégie nationale portuaire vise à accroître de 30 % la part des modes de transport massifié, ferroviaire et fluvial, dans les pré et post acheminements portuaires.

Nous préparons donc l’avenir. Le Premier ministre a annoncé un volet de soutien pérenne en faveur de la compétitivité et du fret ferroviaire, à hauteur de 170 millions d’euros par an. Le plan de relance garantira la stabilité du programme opérationnel pour le fret grâce à une enveloppe de 250 millions d’euros.

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer.

Mme Agnès Canayer. Madame la ministre, selon l’humour anglais : « Entre la France et l’Angleterre, la meilleure chose, c’est la Manche ! » Elle est surtout un lien maritime incontournable au cœur de l’entente cordiale entre nos deux pays, entente souvent tumultueuse que le Brexit a de nouveau fragilisée, notamment pour ce qui est des relations maritimes.

L’annonce en novembre 2020 de la création de dix ports francs au Royaume-Uni a ravivé les tensions des deux côtés de la Manche. Le choix des huit premiers sites retenus, le 3 mars dernier, pour devenir les premiers ports francs géographiques d’Europe a donné corps à l’ambition anglaise.

Madame la ministre, quand la France pourra-t-elle disposer des mêmes armes que ses concurrents anglais ? Notre pays doit rester une puissance maritime d’envergure. Quand lui donnera-t-on des moyens à la hauteur de ses concurrents ? C’est particulièrement nécessaire dans les temps de crise que nous vivons.

Comme élue de la Porte Océane, vous connaissez mon attachement à l’essor des grands ports maritimes. Le Havre doit naturellement jouer un rôle dans les relations trans-Manche et occuper une place prépondérante.

Conscient de cette nécessité, l’État s’est engagé en faveur du transport combiné, et à investir fortement dans les ports français, comme M. le Premier ministre l’a annoncé lors du CIMer, au Havre, le 21 janvier dernier.

Il faut aller plus loin en dotant les ports français de nouveaux outils juridiques et fiscaux. Les zones franches portuaires peuvent être un levier pour maintenir nos ports à flot. Elles permettent de libérer les marchandises des formalités douanières lourdes et d’inciter fiscalement le transport maritime. Avec ce dispositif, les ports français pourront alors décharger, stocker, transformer et réexpédier des marchandises plus facilement et à moindre coût.

Madame la ministre, vous m’opposerez qu’il faut prendre le temps d’engager une réflexion sur le sujet dans le cadre d’une mission d’information. Cependant, je vous pose une question simple : quand pourrons-nous expérimenter les ports francs en France, notamment sur la côte normande ?

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre de la mer. Madame la sénatrice Agnès Canayer, j’ai déjà rappelé l’implication du Gouvernement sur le sujet des ports francs. Même si nous préférons parler de « zones industrialo-portuaires », le terme recouvre la même réalité. Des travaux sont en cours qui témoignent de notre volonté d’apporter des réponses assez rapidement. Nous devrions trouver un accord sur les dispositifs à déployer d’ici quelques mois.

La création, au 1er juin 2021, du premier port de France, Haropa, issu de la fusion entre Le Havre, Rouen et Paris montre combien le Gouvernement tient à positionner la France comme un pays portuaire qui peut devenir le premier port d’Europe. Nous poursuivrons cette ambition, en y mettant les moyens.

Je veux rappeler que les grands ports maritimes et les ports autonomes bénéficient d’investissements forts, à hauteur de 175 millions d’euros, sur la période 2020-2022, pour des projets de verdissement, et à hauteur de 44,6 millions d’euros en ce qui concerne Le Havre.

À cela s’ajoute le fonds de concours de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), qui est inscrit dans la loi d’orientation des mobilités (LOM), et qui finance chaque année plus de 30 millions d’euros de projets inscrits à la fois dans les contrats de plan État-région (CPER), en ce qui concerne les ports régionaux, ou dans les contrats de convergence, pour ce qui est des territoires ultramarins.

Nous sommes au rendez-vous pour financer les infrastructures. Nous le serons également lorsqu’il s’agira de créer des zones qui pourront répondre aux attentes fiscales ou sociales des acteurs.

J’ai mentionné précédemment deux signaux forts : l’un pour favoriser l’attractivité fiscale et douanière, l’autre consacré à la simplification administrative.

Il m’est difficile de vous donner la date exacte du début de l’expérimentation de ces zones industrialo-portuaires. En revanche, je m’engage à faire en sorte que le ministre chargé des transports et moi-même avancions rapidement sur ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour la réplique.

Mme Agnès Canayer. Madame la ministre, vous appelez les ports francs des « zones industrialo-portuaires ». Pour votre information, cette dénomination de zone industrialo-portuaire (ZIP) existe au Havre depuis près de cinquante ans ! Il faut à mon avis éviter toute confusion entre ces notions. Il me semble que la désignation de zone franche portuaire est plus claire pour nos concitoyens.

Enfin, la capitainerie du Havre porte la devise : « Le Havre, porte de l’Europe » ; je compte sur vous pour donner véritablement du sens à cette inscription.

M. le président. La parole est à M. Alain Cadec.

M. Alain Cadec. En 2019, les deux tiers des plus de 10 millions de visiteurs britanniques ont utilisé les lignes de transport maritime ou ferroviaire trans-Manche. Pour rappel, les dépenses de ces touristes britanniques séjournant en France s’élèvent à 1,5 milliard d’euros par an. Par le biais de la TVA, l’État en récupère une part non négligeable, estimée à 250 millions d’euros.

Avec la crise sanitaire, les confinements successifs et le Brexit, les entreprises de transport assurant les liaisons entre la France et la Grande-Bretagne sont fortement touchées. Cette situation a des conséquences négatives majeures et entraîne une désorganisation des échanges maritimes sans précédent.

L’impact financier sera très lourd, et les pertes de chiffre d’affaires significatives. Entre 2019 et 2020, Brittany Ferries a perdu 70 % de ses passagers – très majoritairement des Britanniques – ou, en tous les cas, 70 % des recettes que ceux-ci pouvaient représenter ; la société Eurostar, quant à elle, a perdu 77 % de ses recettes, et la compagnie DFDS Seaways 53 %.

Les collectivités, singulièrement des régions comme les Hauts-de-France, la Normandie ou la Bretagne, et l’État ont déjà pris des engagements, qui ont permis au secteur pour l’instant d’éviter des faillites qui toucheraient dramatiquement tout un pan de notre économie, avec les conséquences sur l’emploi que l’on imagine.

Désormais, nous devons anticiper sur la sortie de crise et fixer un cap clair pour aider ces entreprises à se relever dans les meilleurs délais et les meilleures conditions.

Madame la ministre, avez-vous l’intention de mettre en place un plan de relance spécifique, tant attendu par les entreprises de transport et de service maritime trans-Manche ?

Mieux vaut répéter que contredire. C’est pourquoi, pour faire face à une concurrence internationale impitoyable, à la veille d’une saison touristique estivale que l’on espère réussie, ce soutien devrait, me semble-t-il, se traduire par la prise en charge par l’État des charges sociales des personnels des entreprises assurant les liaisons trans-Manche, ainsi que par des campagnes de promotion de nos territoires auprès du public britannique.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre de la mer. Monsieur le député Alain Cadec…

M. Alain Cadec. Monsieur le sénateur ! J’ai été autrefois député européen…

Mme Annick Girardin, ministre. Oui, excusez-moi, monsieur le sénateur ! Nous nous sommes d’ailleurs connus à cette époque (Sourires.), et je crois pouvoir dire sans risque de me tromper que nous avons la même passion pour la mer, les ports, les bateaux et les marins.

Vous avez raison de rappeler que le Brexit, tout comme la crise sanitaire, a malmené l’ensemble de nos entreprises. Nous avons effectivement accordé un certain nombre d’aides et prévu plusieurs aménagements. Nous nous sommes préparés à cet événement, au travers notamment d’investissements portuaires.

Il nous a fallu, aussi, nous préparer à l’après-Brexit et à la sortie de crise : nous avons jusqu’ici investi 650 millions d’euros pour l’économie bleue au sens large – et je sais que vous y tenez – dans le cadre du plan de relance, ou plus exactement du plan France Relance, dont 175 millions d’euros dédiés aux grands ports maritimes, de manière à ce que nous puissions restaurer l’attractivité des ports mais aussi celle des territoires littoraux.

Je ne rappellerai pas l’ensemble des mesures. Je veux simplement redire que le Fontenoy du Maritime, cette consultation que nous avons lancée depuis déjà plusieurs semaines, nous a permis de mener plus de soixante-dix entretiens pour avancer sur la voie de la compétitivité. Comment faire en sorte que la France devienne plus compétitive, qu’il s’agisse de ses navires, de son pavillon ou de ses ports ? À cet égard, on en a parlé tout à l’heure, une nouvelle stratégie portuaire a été présentée au CIMer.

Des dynamiques seront engagées et des instruments déployés dans les semaines et les mois qui viennent. Le ministère de la mer est né en juillet dernier, il n’y a donc pas si longtemps que cela. Cela faisait plus de trente ans que notre pays n’avait plus eu de ministère de la mer. Il était nécessaire de défendre à nouveau cette vision globale de ce que doit être la France, de cette puissance que nous souhaitons tous rétablir : c’est chose faite !

Bien sûr, il nous faudra un peu de temps pour mettre tout cela en cohérence. Beaucoup de ministères ont travaillé sur ces questions et il importe de mettre du liant avec l’ensemble de l’écosystème. C’est ce que nous faisons actuellement.

L’issue du Fontenoy du Maritime sera importante. Le net wage est l’une des mesures envisageables, mais ce ne sera pas la seule. Des groupes de travail, pilotés par des personnalités d’ores et déjà nommées, ont été lancés pour avancer sur les propositions formulées au cours de la première phase.

J’attends aussi une implication totale de la part des armateurs et des différentes structures qui participent à cette consultation. En effet, pour que la France retrouve le rang de grande puissance maritime qui a été le sien, elle devra certes bénéficier des engagements de l’État, mais aussi de ceux du secteur privé.

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin.

Mme Béatrice Gosselin. Le trafic maritime trans-Manche sous pavillon français a une longue histoire.

Cette activité, qui assure habituellement le transport de plusieurs millions de passagers chaque année et emploie directement des milliers de salariés, présente un intérêt stratégique et économique majeur pour le pays et pour le département de la Manche. Ses débouchés créent des milliers d’emplois et sont essentiels pour le développement économique du Grand Ouest.

Déjà mis à mal par la très longue incertitude due aux négociations du Brexit, le transport trans-Manche a été fortement affecté par la crise sanitaire, qui a fait fuir les voyageurs.

À cela s’ajoutent les distorsions de concurrence, qui perdurent, avec les pavillons étrangers. En effet, les concurrents britanniques sont dispensés de cotisations sociales salariales, et les opérateurs danois se voient rembourser les cotisations sociales patronales et salariales. Si de telles mesures sont licites au regard du droit de l’Union européenne, l’État français n’y a pas recours. Nos opérateurs, à cause de ces coûts salariaux excessifs, sont en position de fragilité, laquelle n’est pas liée au niveau des rémunérations nettes mais véritablement au poids des cotisations sociales dans notre pays.

Depuis la sortie officielle du Royaume-Uni de l’Union européenne, la route classique pour rejoindre l’Irlande par le tunnel sous la Manche, puis la traversée de l’Angleterre, étant moins rentables, de nombreux transporteurs se tournent vers le port de Cherbourg où des liaisons directes sont assurées vers l’Irlande, ce qui accroît l’activité du port.

Cependant, il ne faudrait pas que l’augmentation du fret à Cherbourg soit un feu de paille. Une reprise du trafic à travers l’Angleterre pourrait avoir lieu lorsque les entreprises se seront habituées aux nouvelles procédures. Il nous faut dès maintenant renforcer notre compétitivité et mettre en place une véritable stratégie proactive.

Madame la ministre, quelles mesures entendez-vous prendre en réaction à la récente annonce faite par le gouvernement britannique de créer huit ports francs ou zones industrialo-portuaires, afin de défendre ce secteur et de construire une vision stratégique indispensable pour notre pays ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre de la mer. Madame la sénatrice Béatrice Gosselin, j’ai envie de vous répondre : reconquête ! Voilà ce que veut le gouvernement français aujourd’hui.

Cette reconquête doit concerner nos ports, dont nous souhaitons qu’ils soient mieux classés sur la scène européenne. Elle doit aussi s’appliquer au pavillon français. Il faut accroître notre puissance, qui se définit avant tout par le nombre de bateaux, de marins, de ports ou de containers transportés.

Le net wage est une passion française ; la preuve en est que l’on ne cesse de parler de cette mesure au cours de ce débat. Pourtant, ce n’est pas le seul outil à notre disposition. S’il m’est impossible de dévoiler le contenu des travaux qui se déroulent dans le cadre du Fontenoy du Maritime, je peux vous garantir que d’autres propositions tout aussi importantes sont en préparation pour améliorer la compétitivité de notre pays – c’est bien là tout le sujet – et conforter la place de la France dans le shipping.

Du fait du Brexit, la France a une vraie chance à saisir dans ce domaine. J’y crois, et l’ensemble des investissements ou des mesures qui sont mis en œuvre contribueront à favoriser cette reconquête.

On parle beaucoup d’ambition, mais je préfère parler de conquête ou de reconquête. L’État et le Gouvernement ne l’entreprendront pas seuls ; nous n’y parviendrons que si l’ensemble de l’écosystème est au rendez-vous. Pour l’évoquer souvent avec elles, je sais pouvoir compter sur les collectivités du littoral, tout comme sur l’ensemble des élus, sénateurs et députés.

J’essaie le plus possible d’échanger sur l’ensemble de ces sujets et sur les propositions qui sont sur la table, de sorte que l’on aboutisse à un paquet complet de mesures pour le mois de mai ou de juin prochain. Nous envisageons effectivement la tenue d’un nouveau CIMer à cette échéance, dont le rôle sera d’arbitrer entre les diverses dispositions.

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour la réplique.

Mme Béatrice Gosselin. Le Brexit a mis l’économie de nos territoires de la Manche, de la Normandie et du Grand Ouest en grande difficulté économique, aussi bien le secteur de la pêche, que vous connaissez, que le transport trans-Manche.

Nous espérons que l’État français et les collectivités – je suis d’accord avec vous sur ce point – sauront accompagner ces territoires littoraux afin qu’ils ne subissent pas davantage une situation indépendante de leur volonté.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Tout d’abord, je tiens à remercier nos collègues du groupe Union Centriste d’avoir organisé ce débat concernant l’avenir des entreprises qui assurent les liaisons trans-Manche, en particulier Michel Canevet et Nathalie Goulet.

Mon interrogation portera principalement sur le volet ferroviaire. Malheureusement, le trafic ferroviaire connaît une baisse significative de son activité du fait de la crise sanitaire et du Brexit. La circulation des Eurostar dans l’Eurotunnel, qui est une réalisation exceptionnelle, est en très forte baisse avec 77 % de passagers en moins, soit 2,5 millions de voyageurs seulement au total.

Même si le fret ferroviaire résiste mieux, puisque plus de 1 700 trains ont traversé le tunnel sous la Manche en 2020, on peut comprendre que, pour l’exploitant du tunnel, la situation soit très problématique.

Madame la ministre, quelles seront, selon vous, les perspectives pour l’année 2021 et au-delà ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre de la mer. Monsieur le sénateur Marc Laménie, comme il s’agit de la dernière question, je veux moi aussi remercier le groupe qui a pris l’initiative de ce débat. Plus largement, et si vous en êtes d’accord, il serait intéressant que nous puissions avoir prochainement un grand débat sur la mer.

Votre question me permet de revenir et de conclure sur les principales actions mises en place par l’État pour soutenir le transport ferroviaire.

Le Gouvernement est disposé à accompagner la société Eurostar avec beaucoup d’énergie pour lui permettre de rebondir. Cela étant, il s’agit – il faut qu’on se le dise – d’une société de droit anglais, qui appartient à des actionnaires privés. Le soutien des pouvoirs publics, celui du gouvernement britannique et celui du gouvernement français, doit s’organiser. Nous y travaillons très activement.

Près de 26 % des échanges entre le continent européen et la Grande-Bretagne transitent par l’Eurotunnel. Ce chiffre ne s’effondrera pas avec le Brexit. Il s’agit d’un mauvais moment à passer, mais l’avenir est tout de même à envisager sous un soleil radieux.

La volonté d’accompagner l’ensemble de ces structures est commune. Je tiens d’ailleurs à saluer le ministère français des transports et à remercier mon collègue Jean-Baptiste Djebbari et ses équipes, qui œuvrent sans relâche pour trouver des solutions à cette crise. L’issue de celle-ci dépendra avant tout de la situation sanitaire, qui perdure hélas. Il reste difficile de préjuger de la date à laquelle nous en sortirons.

Le soutien au fret ferroviaire est véritablement la marque de ce quinquennat. J’ai évoqué précédemment plusieurs mesures : au total, 1 milliard d’euros sera investi pour soutenir ce secteur. Le transport de voyageurs est également concerné ; pour les lignes de desserte fine du territoire, l’État et les collectivités – encore une fois –, en particulier les régions, vont investir 6,5 milliards d’euros lors des prochaines années, ce qui permettra, entre autres, de réactiver ou de sauvegarder des lignes capillaires de fret.

L’État stratège est au rendez-vous et définit une ligne politique claire. Il faut construire une offre de transport massifiée et favoriser une meilleure interconnexion entre le ferroviaire, le fluvial et le transport maritime. Je sais que nous en sommes tous d’accord. Au sein de ce gouvernement, Barbara Pompili, Jean-Baptiste Djebbari et moi-même encourageons cette dynamique au travers de la stratégie de développement du fret ferroviaire et la stratégie nationale portuaire, qui devraient donner un autre visage à cette France maritime et terrestre.

Conclusion du débat