M. Olivier Véran, ministre. Vous dites que nous avons perdu un mois ?

Mme Éliane Assassi. C’est bien cela, monsieur le ministre.

Comme pour les masques et les tests, c’est l’intervention citoyenne, celle de la population, des élus locaux et des parlementaires – ce que nous appelons la démocratie et que d’autres appellent la polémique – qui a permis d’avancer.

Reste à savoir si nous aurons les vaccins tant attendus pour nos concitoyennes et nos concitoyens : la question demeure posée…

Monsieur le ministre, l’obstination à restreindre la démocratie dissimule de moins en moins des choix auxquels vous ne renoncez pas, des choix à nos yeux ultralibéraux.

Pourtant, je l’affirme avec force : c’est ensemble que nous vaincrons ce fléau ! C’est pourquoi la solidarité et la démocratie doivent aujourd’hui prendre le pas sur l’exercice solitaire et hasardeux du pouvoir.

Sans poignarder qui que ce soit – soyez rassuré, cher président Malhuret –, le groupe CRCE votera contre la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, en dépit des améliorations apportées au texte par la commission des lois, malheureusement vouées à un probable échec. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Dumont. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Françoise Dumont. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et reportant la date de caducité des régimes institués pour faire face à la crise sanitaire.

Son article 1er reporte au 31 décembre prochain la caducité du régime d’état d’urgence sanitaire, initialement fixée au 1er avril.

L’article 2, qui prorogeait jusqu’au 1er juin de cette année l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national, a été modifié par la commission des lois pour ramener cette limite au 3 mai, sur l’initiative du rapporteur, dont je salue les travaux sur ce texte.

Notre collègue a fait adopter un autre amendement, aux termes duquel aucune mesure de confinement ne pourra être prolongée au-delà d’un mois pendant l’état d’urgence sanitaire sans l’autorisation préalable du Parlement. Je soutiens cette mesure également.

De même, à l’article 4, qui reportait au 31 décembre prochain la caducité des systèmes d’information institués pour suivre l’évolution de l’épidémie, la commission des lois, toujours sur l’initiative du rapporteur, a avancé l’échéance au 1er août, soit trois mois après la date du 3 mai, par souci de cohérence.

L’article 5 du projet de loi étend à l’outre-mer les dispositions qui le nécessitent.

Enfin, l’article 3, prorogeant jusqu’au 30 septembre prochain le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire, a été supprimé par nos collègues de l’Assemblée nationale. Je m’en félicite, car il paraît essentiel aux sénateurs Les Républicains que le Gouvernement justifie régulièrement sa politique en la matière devant le Parlement.

Notre groupe a voté les précédentes prorogations par souci de responsabilité devant les Français, et non par confiance en la politique sanitaire du Gouvernement.

Mes chers collègues, nous le savons bien : de telles mesures ne sont pas neutres. De fait, nous parlons de réduire, même temporairement, les libertés individuelles de nos concitoyens. Nous devons donc peser chacune des dispositions qui nous sont soumises avec prudence et justesse, d’autant qu’il s’agit du quatrième – tout de même – projet de loi sur l’état d’urgence sanitaire et, nous l’espérons, du dernier.

En creux, la question de la stratégie vaccinale se pose.

Voilà deux semaines, monsieur le ministre, lors des questions d’actualité au Gouvernement, j’avais appelé votre attention sur l’importance d’un travail en cohérence avec les élus locaux pour assurer au mieux et le plus rapidement possible le déploiement de la vaccination.

La semaine dernière, vous laissiez entendre que quelques élus locaux ne seraient pas responsables, du fait qu’ils ouvraient des créneaux de rendez-vous surnuméraires pour avoir plus de doses ; en outre, vous assuriez que les maires auraient une visibilité à quatre semaines sur la distribution des doses. L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) a dû publier un communiqué de presse pour démentir ces deux affirmations.

Un creux se fera sentir dans la vaccination des primo-vaccinés aux environs du mois de février, au moment même où, selon les projections, une nouvelle vague devrait submerger notre pays, ce qui est source d’une grande crainte. Des restrictions de liberté encore plus fortes seront alors très probablement envisagées.

Quand des pays comme l’Angleterre entrevoient 15 millions de vaccinés à la mi-février et que d’autres, comme Israël, qui compte déjà 7 millions de vaccinés, tablent sur 70 % de leur population vaccinée en mars, comment pouvons-nous nous contenter de l’espoir de 1,3 ou 1,4 million de vaccinés à la fin du mois ?

Vous nous demandez encore une fois de vous accorder un pouvoir exceptionnel – en somme, de vous faire confiance.

Pourtant, voilà moins d’une semaine, auditionné par la commission des lois, vous avez donné pour meilleure ligne d’horizon à l’été 15 millions de personnes vaccinées, parmi les plus fragiles, en précisant : « Avec toutes les personnes qui sont en maladie chronique et les personnes âgées de 60 ans et plus, on est plus proche des 25 à 30 millions de personnes, ce qui veut dire que, même avec la meilleure organisation et tous les approvisionnements qui arriveraient en temps et en heure, nous ne pourrions avoir vacciné tous les publics fragiles d’ici à l’été. »

Le soir même, miracle ! Vous annoncez à la télévision pouvoir vacciner d’ici à la fin d’août 70 millions de Français – soit plus que les 67 millions que nous sommes…

Monsieur le ministre, comment expliquez-vous cette différence faramineuse entre deux annonces faites le même jour ? Le chiffre donné le soir est-il tenable, réaliste, ou ne répond-il pas plutôt à l’assaut de critiques faisant suite au retard à l’allumage dans la livraison des vaccins et à votre manque d’ambition initial dans la stratégie vaccinale ?

Pour atteindre cet objectif, il faudrait, mes chers collègues, que la France soit en mesure de vacciner environ 327 000 personnes par jour, sept jours sur sept, entre le 1er février et la fin d’août, sans aucune rupture dans les livraisons de vaccins et de matériels – et encore, en supposant que les prochains vaccins soient rapidement autorisés sur le marché…

Or, justement, nous avons appris le week-end dernier que, après Pfizer et BioNTech, le laboratoire AstraZeneca annonçait des difficultés de production qui devraient conduire à un manque de l’ordre de 50 % dans les livraisons de vaccins prévues pour la France au premier trimestre de cette année. Le ministère de la santé a confirmé cette information hier. Ainsi, au lieu des 17,5 millions de doses de décembre à mars prévues par le contrat initial, Paris n’en attendrait plus que 9 millions en février et mars.

Dimanche soir, le professeur Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique, a remis en question votre annonce de jeudi dernier, en expliquant : « Le problème de la pénurie relative des vaccins existe dans l’ensemble de l’Europe, mais aussi aux États-Unis ; on va vacciner un maximum de gens, probablement 6 à 8 millions de personnes d’ici à la mi-avril, mais il va nous falloir du temps, beaucoup de temps ; d’ici à la fin de l’été, on aura vacciné 40 % de la population française, pas plus. »

Lequel de ces scénarii est-il le plus probable ? Les prochains mois nous le diront sûrement. En tout cas, ces annonces ne doivent pas cacher la réalité de la situation actuelle : pendant ce temps, au-delà de la situation sanitaire terrible pour les Français, c’est une économie qui se meurt.

Je pense aux restaurants, aux bars et aux cafés, fermés depuis des mois et auxquels on fait miroiter désormais une possible ouverture en avril, après le fiasco de la date du 20 janvier. Je pense aux professionnels de la montagne, qui vont connaître une saison blanche, et aux professionnels du tourisme, qui misent tout sur la prochaine saison estivale. Aux professionnels de la culture, aussi, qui n’attendent que de voir rouvrir cinémas, théâtres et espaces de spectacle et de concert. Je pense encore aux professionnels de l’aviation. Et à tant et tant d’autres secteurs que je ne puis pas mentionner : les « non-essentiels », en réalité si vitaux pour notre économie et pour nos vies, bien malmenés ces derniers mois.

Monsieur le ministre, vous le comprenez, nous avons des réticences à vous donner encore ce pouvoir immense, en particulier après votre double message du 21 janvier dernier. Pourtant, comme les fois précédentes et comme il le fera toujours, le groupe Les Républicains du Sénat prendra ses responsabilités vis-à-vis des Français. C’est pourquoi, au regard de la situation sanitaire dégradée, nous voterons votre projet de loi, en respectant les équilibres résultant des propositions du rapporteur et des travaux de la commission des lois.

Nous le ferons pour garantir le dialogue démocratique et les libertés des Français, mais nous attendons du Gouvernement qu’il prenne la mesure de la situation dans ce contexte tout à fait inédit et qu’il ne cherche pas à pérenniser – pour ne pas dire banaliser – cette exception qu’est et doit rester un état d’urgence. Mes chers collègues, gardons en mémoire cette phrase de Victor Hugo, notre devancier dans cette chambre haute : « Sauvons la liberté, la liberté, sauve le reste ! » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je commencerai par vous exprimer toute notre sympathie. Il y a quelques instants, en effet, un sénateur a cru bon de mettre en cause votre responsabilité personnelle ou celle résultant de vos actes dans le décès de son médecin de famille. Mes chers collègues, il y a des arguments qui ne doivent pas avoir droit de cité au Parlement ! (Applaudissements.)

Il est important que nous puissions discuter librement, sans qu’une position, comme l’a dit Éliane Assassi, soit assimilée à un coup de poignard dans le dos. Nous avons le droit d’être d’accord ou non, d’amender, dans le respect – nous sommes là pour cela. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.) Il y a tellement de choses abominables qui circulent sur les réseaux dits « sociaux » que nous devons absolument veiller, ici, à préserver la dignité du débat.

Je tenais, monsieur le ministre, à vous le dire avec le cœur, sans que cela n’enlève rien, bien sûr, à nos désaccords sur ce texte.

Marie-Pierre de La Gontrie a exprimé la position de notre groupe, résolument attaché à ce que le Parlement joue pleinement son rôle. Nous pensons qu’il est quelque peu contradictoire de vouloir reporter la caducité de l’état d’urgence au 31 décembre, après avoir affirmé que, au mois d’août, tout le monde serait vacciné…

Au-delà de cette contradiction et de quelques autres, il est certain, comme presque tous les orateurs l’ont signalé, que, en toute circonstance, rien n’empêche le Parlement de se réunir pour statuer sur d’éventuels confinements ou couvre-feux, sans limite.

En outre, nous pensons que ce texte présente plusieurs lacunes.

Nous avons débattu du report des élections régionales et départementales, mais, plus globalement, nous avons besoin d’un débat de fond sur le fonctionnement de la démocratie en période de crise. On ne peut pas rafistoler tout le temps des systèmes ! Notre collègue Éric Kerrouche a avancé moult propositions dans ce domaine, parmi lesquelles le vote par correspondance et l’extension des périodes de vote. Je ne dis pas que ces formules sont parfaites, mais nous devons réfléchir au devenir de la démocratie, y compris en période de crise.

Manque aussi un volet social : on a assez dit le malheur des gens en grande précarité du fait de cette crise. Mme Dominique Simonnot vient de vous écrire une lettre, monsieur le ministre, qu’elle nous a transmise, sur les difficultés des détenus et des personnels des établissements pénitentiaires. Par ailleurs, nous avons beaucoup parlé de la situation des étudiants, dont beaucoup vivent très mal cette situation difficile et dépriment.

Il manque encore à votre texte, monsieur le ministre, un volet économique. Car ne croyons pas que, un jour, la dette s’évanouira comme par enchantement ! Nous devons nous préparer à faire face à la situation économique qui arrive et aux difficultés liées à la gestion de la dette, en mettant au premier plan l’exigence de justice ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre. Monsieur le rapporteur, je vous remercie d’avoir exprimé votre souhait de voter un texte portant sur une prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Je le dis, parce que, à l’Assemblée nationale, la quasi-totalité des groupes d’opposition ont voté contre ce projet de loi…

Madame la sénatrice Françoise Dumont, personne ne vote un état d’urgence sanitaire de gaieté de cœur !

Je n’ai pas, pour ma part, préparé ce texte sur l’état d’urgence sanitaire de gaieté de cœur. Couvre-feu, fermeture d’établissements recevant du public, limitation des déplacements, confinement : toutes ces décisions sont lourdes, pesantes, pour la France et les Français, leur vie sociale, économique, sportive et culturelle ; elles sont extrêmement lourdes de conséquences.

Nous avons décidé de confiner le pays à deux reprises. Cette mesure a été utile, indispensable, vitale puisqu’elle a permis de sauver un grand nombre de vies.

Nous devons veiller à la proportionnalité entre les mesures visant à protéger les Français et les conséquences qu’elles peuvent avoir, par exemple sur le plan de la santé mentale : un grand nombre de Français sont en souffrance, voire en détresse, en ont marre, notamment parmi les publics dits fragiles, dont les étudiants.

La question qui se pose, nous l’envisageons régulièrement, y compris avec les présidents des groupes parlementaires, que le Premier ministre continue à recevoir. On peut la formuler ainsi : d’autres mesures ont-elles été prises dans d’autres pays qui auraient fait la preuve de leur efficacité contre l’épidémie tout en entraînant moins de conséquences sur la vie des gens ?

Ce n’est pas une question d’orientation politique. La droite anglaise et la droite allemande, le centre-droit portugais, la gauche italienne et la gauche espagnole ont, sans exception, pris des mesures de couvre-feu, de confinement, de fermeture d’établissements recevant du public – la plupart des gouvernements ont même fermé les écoles. Quand on est en mode « survie » pour la population, on prend les décisions nécessaires… Au reste, je suis persuadé que, chacun d’entre vous, à quelque parti que vous apparteniez, vous prendriez, en responsabilité, des mesures de même nature si vous étiez à notre place.

Je vous remercie donc, monsieur le rapporteur, pour votre accord de principe sur ce texte.

Mme de La Gontrie a évoqué le risque de refus d’un certain nombre de mesures. J’observe que, contrairement à ce qui se passe dans certains pays autour de nous, comme les Pays-Bas, les Français, depuis le début, comprennent le sens des mesures que nous prenons, leur importance, et font preuve dans cette période d’un esprit de solidarité et d’un courage qui me rendent extrêmement fier en tant que ministre. Je suis convaincu que personne de raisonnable et de responsable ne soufflera sur les braises, et que les Français se sentiront soutenus par l’ensemble de leur classe politique dans la période que nous connaissons.

Vous avez raison, madame la sénatrice, la différenciation territoriale est importante. Nous l’avons appliquée systématiquement, chaque fois que nous le pouvions.

Le 24 décembre dernier, j’ai contacté les directeurs généraux des ARS de Bourgogne-Franche-Comté et du Grand Est, les présidents de région, des présidents de département et des maires, pour les interroger sur la nécessité de mettre en place un couvre-feu dans leur région – couvre-feu finalement mis en place le 2 janvier. Je leur ai demandé : « Où l’épidémie flambe-t-elle ? » Or elle ne flambait pas au cœur des villes, mais dans les toutes petites communes rurales, parmi les personnes âgées, parfois isolées. Allez comprendre pourquoi des personnes âgées, en zone rurale, au fin fond de la Bourgogne-Franche-Comté, étaient exposées…

On peut penser des mesures territorialisées et, je le répète, nous le faisons chaque fois que nous le pouvons et que cela a un sens – par exemple, pour le couvre-feu ; mais on ne peut pas considérer que des mesures de gestion générale devraient ne pas s’appliquer à certains territoires parce qu’ils sont moins urbains. La réalité, c’est que l’épidémie est particulièrement vicieuse : elle frappe là où on ne l’attend pas forcément – en Mayenne en juin dernier, en Guyane au cœur de l’été, aujourd’hui dans les Bouches-du-Rhône.

Monsieur Sueur, merci pour votre marque de soutien. Le sénateur Ravier, qui d’ailleurs est parti, a donné, une fois de plus, raison à Charles-Maurice de Talleyrand : tout ce qui est excessif est insignifiant… Votre collègue me paraît très, très excessif (Sourires.) : il démontre la réelle violence du Rassemblement national – une violence intense, morale et verbale. (M. Loïc Hervé opine.)

Monsieur Malhuret, à propos de la grippe, j’avais fait un pari lors de mon audition au Sénat. Eh bien, figurez-vous qu’il me reste des doses de vaccin antigrippal, même si nous avons davantage vacciné que les années précédentes… La grippe est, à ce stade, plus faible, voire absente, dans notre pays, mais nous avons amélioré la couverture antigrippale. Nous serons capables d’organiser, avec la même dextérité, une campagne vaccinale massive, avec des vaccins d’usage assez simple, en nous appuyant sur les pharmaciens d’officine, les médecins, l’ensemble des professionnels et les centres.

À partir de mars, environ 1,5 million de vaccins Pfizer, Moderna et, je l’espère, CureVac, auront déjà été attribués aux centres. Pour les vaccins supplémentaires, il faudra de toute façon s’appuyer sur les réseaux officinaux et les médecins.

Madame Dumont, en réponse à M. le rapporteur, j’ai déjà expliqué que, en additionnant les personnes qui ont une fragilité ou un âge les exposant à un risque de forme grave, on arrive à 25 à 30 millions de personnes. Je le répète, nous n’aurons pas fait les deux injections nécessaires à une protection vaccinale complète de ces 30 millions de personnes avant juin – avant l’été, si vous voulez.

Cela ne veut pas dire que nous n’aurons pas de quoi vacciner 70 millions de personnes – vous m’avez compris : tous les Français, certes un peu moins nombreux – d’ici à la fin du mois d’août. En effet, nous recevrons beaucoup de doses en juin, juillet et août. C’est pourquoi j’ai expliqué sur TF1 que nous aurions, si tous les vaccins sont validés et nous sont livrés, de quoi vacciner 70 millions de personnes.

Je reconnais que le sujet est complexe et j’ai lu un grand nombre d’articles affirmant que mon discours était contradictoire. Je profite donc de cette occasion pour préciser de nouveau mon propos.

Le rythme vaccinal – Mme Dumont a parlé de 300 000 personnes par semaine – n’est pas en soi un problème ; contre la grippe, on vaccine 5 à 6 millions de Français en une semaine…

Le seul enjeu, ce sont les doses. À cet égard, un laboratoire qui envisage de réduire de 75 % les quantités qu’il s’est engagé à nous livrer au premier trimestre, comme tout laboratoire qui ne respecterait pas ses engagements contractuels, met en difficulté la stratégie vaccinale et peut faire prendre du retard. Nous verrons : nous avons du temps et nous allons travailler avec l’ensemble de la filière industrielle pour compenser, rattraper tout ce qui sera possible.

Mme Assassi a affirmé que nous avions perdu un mois sur la campagne vaccinale. Mais, il y a un mois, nous n’avions pas de vaccins ! Évidemment, on peut toujours dire que nous avons mis quatre jours à décoller… Quant à la stratégie, je l’ai présentée trois semaines avant qu’un vaccin ne soit validé par une autorité européenne devant votre chambre parlementaire. On peut toujours critiquer, mais soyons factuels…

Je remercie le sénateur Mohamed Soilihi pour son soutien.

Madame Benbassa, je salue votre constance, puisque vous n’avez jamais voté un texte sur l’état d’urgence sanitaire ou le confinement. Être toujours contre est confortable, mais ne nous aide pas à prendre des mesures pour protéger les gens. Vous avez le droit d’exprimer votre désaccord, mais on ne fait pas avancer le schmilblick avec des non…

S’agissant enfin du débat parlementaire, sur lequel de nombreux orateurs ont insisté, il ne me pose aucun problème. Mais vous proposez une clause de revoyure au 3 mai : avec les vacances parlementaires, si je dois présenter un texte pour qu’il soit opérationnel avant le 3 mai, il faut que nous le préparions en mars. Or en mars, quoi qu’il arrive, nous aurons encore besoin d’outils pour protéger les Français.

Peut-être pouvons-nous trouver d’autres cadres de débat : je viens ici toutes les semaines, il y a les questions au Gouvernement, des travaux de contrôle, les réunions très régulières des présidents de groupe par le Premier ministre.

Soyons pragmatiques, en fixant des dates qui correspondent à des événements importants. Si vous votez pour l’état d’urgence qui nous autorise à confiner et que vous devez voter aussi pour le confinement, cela fait beaucoup de votes pour les mêmes dispositions. Ce n’est pas un problème de manque de temps ou de disponibilité pour le Parlement, mais il ne faudrait pas non plus emboliser les chambres – sans qu’il s’agisse de vous priver de débats, au contraire.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour permettre à la commission des lois d’examiner les amendements déposés sur le texte.

Monsieur le président de la commission, de combien de temps avez-vous besoin ?

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Vingt minutes nous conviendront, madame la présidente.

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire
Article 1er

Article additionnel avant l’article 1er

Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par M. Cardon, Mme de La Gontrie, MM. Sueur, Kanner, Bourgi et Durain, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Antiste, Mmes Artigalas et Conconne, MM. Jacquin et P. Joly, Mmes Le Houerou et Lubin, M. Mérillou, Mme Poumirol, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport concernant l’urgence sociale chez les 18 – 25 ans. Dans ce rapport figurent également les dispositions prises par le Gouvernement en direction des publics jeunes et étudiants pour leur garantir l’accès à la dignité qui leur est due.

La parole est à M. Rémi Cardon.

M. Rémi Cardon. La prolongation de l’état d’urgence est un sujet complexe. Sans parler de la crise environnementale que nous avons tendance à oublier, la crise sanitaire fait naître une crise économique, elle-même à l’origine d’une crise sociale redoutable. Il est donc nécessaire de légiférer pour adapter et accompagner notre pays dans cette crise sans précédent.

Cet amendement a pour objet de rappeler combien la jeunesse est dans une situation d’urgence sociale. Les conséquences économiques de la crise sanitaire de la covid-19 n’épargnent aucune couche de la société, mais elles frappent plus fortement et plus durement les jeunes entre 18 et 25 ans, qui sont très vulnérables en cette période.

Lors du débat sur la proposition de loi relative aux droits nouveaux dès 18 ans, qui visait à instaurer le revenu de solidarité active (RSA) pour les moins de 25 ans, le constat a été unanime sur toutes les travées de l’hémicycle quant à l’état social préoccupant, pour ne pas dire dramatique, de la jeunesse de notre pays.

Nous n’avons pourtant pas réussi à trouver d’accord sur l’accompagnement financier et matériel à mettre en place. La majorité sénatoriale s’est prononcée contre la proposition de loi et a préféré soutenir la piste suggérée par le Gouvernement d’étendre la garantie jeunes.

Tout en espérant que votre choix était le bon, je crains honnêtement et sincèrement qu’il ne soit insuffisant de tout miser sur l’insertion dans le monde du travail où les offres d’emplois fondent aussi vite que la banquise. Cela ne semble pas sérieux.

Notre mission de législateur passe aussi par le contrôle et l’évaluation des politiques publiques. Je vous propose donc un amendement relativement modeste qui vise à évaluer à court terme l’ensemble des dispositifs d’accompagnement des jeunes, afin de nous assurer que leur diversité ne transforme pas la forêt en jungle, si vous me permettez la comparaison.

Mes chers collègues, j’espère que vous dépasserez le clivage partisan. Si la situation des jeunes vous préoccupe réellement, je vous incite à adopter cet amendement dont le seul but est de nous doter de données supplémentaires, afin de prendre à l’avenir les bonnes décisions à leur encontre. C’est le moins que nous puissions faire, car ils le méritent.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Je remercie Rémi Cardon de porter une attention soutenue à la situation des étudiants. J’ai eu l’occasion de m’en entretenir avec lui, il y a une dizaine de jours, puisqu’il a présenté une proposition de loi visant à étendre le bénéfice du revenu social d’activité aux étudiants en difficulté. J’ai pensé que cette disposition comportait un certain nombre d’inconvénients.

Pour autant, monsieur le ministre, personne ne peut nier la situation extrêmement difficile dans laquelle beaucoup d’étudiants se trouvent. En effet, non seulement ils ont perdu le contact humain avec leurs camarades, l’université et leurs enseignants, même avec une journée de cours par semaine, mais en plus, ceux d’entre eux qui ont besoin de travailler pour financer leurs études, ont également très souvent été privés de la possibilité d’exercer leur emploi, qu’il s’agisse de cours particuliers à dispenser ou d’un travail dans les cafés et les restaurants.

Des mesures ont été prises, dont nous sommes nombreux à considérer qu’elles ne sont pas suffisantes.

Cependant, cher Rémi Cardon, votre amendement présente quelques défauts. Un rapport n’est pas une politique, et l’injonction donnée au Gouvernement par le législateur d’en produire n’a pas beaucoup d’impact sur la réalité de l’action publique. Elle se trouve être de surcroît inconstitutionnelle, car seule la Constitution peut enjoindre le Gouvernement à entreprendre telle ou telle action. Le législateur doit respecter la séparation des pouvoirs.

C’est pourquoi la jurisprudence constante de la commission des lois est de refuser les rapports. Celle-ci a donc émis un avis défavorable à votre amendement qui a cependant été l’occasion d’avoir un échange, aussi bref soit-il, sur la situation des étudiants. Nous devons continuer à nous montrer attentifs à l’évolution de cette dernière.