Sommaire

Présidence de Mme Nathalie Delattre

Secrétaires :

Mme Martine Filleul, M. Jacques Grosperrin.

1. Procès-verbal

2. Questions orales

pérennité des établissements d’abattage non agréés

Question n° 1416 de Mme Sabine Van Heghe. – M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; Mme Sabine Van Heghe.

situation des producteurs de noix et de fruits à coques

Question n° 1419 de M. Didier Rambaud. – M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Didier Rambaud.

moyens alloués aux agriculteurs français pour répondre aux nouvelles exigences climatiques

Question n° 1423 de M. Jean-François Rapin. – M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Jean-François Rapin.

situation financière des établissements de la mission laïque française

Question n° 1402 de Mme Hélène Conway-Mouret. – M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes ; Mme Hélène Conway-Mouret.

participation des français de l’étranger aux élections

Question n° 1414 de M. Ronan Le Gleut. – M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes.

prise en compte des projets d’aménagements structurants dans le plan de relance

Question n° 1366 de M. Denis Bouad. – M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes.

violences et saccages de l’espace public dans l’agglomération de montbéliard

Question n° 1395 de M. Jean-François Longeot. – Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté ; M. Jean-François Longeot.

Application des règlements départementaux de défense incendie et secours dans les territoires ruraux

Question n° 1436 de M. Daniel Laurent. – Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté ; M. Daniel Laurent.

Futur décret relatif à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires

Question n° 1376 de M. Cyril Pellevat. – Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté ; M. Cyril Pellevat.

Sécurité routière

Question n° 1441 de M. Olivier Paccaud. – Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté ; M. Olivier Paccaud.

avenir des associations de récipiendaires des ordres nationaux

Question n° 1410 de Mme Sylvie Vermeillet. – Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté ; Mme Sylvie Vermeillet.

bilan de la loi mettant fin à la recherche et à l’exploitation des hydrocarbures en france

Question n° 1317 de Mme Françoise Férat. – M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports ; Mme Françoise Férat.

avenir des moulins à eau

Question n° 1337 de Mme Corinne Imbert. – M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports ; Mme Corinne Imbert.

définition de la réglementation environnementale 2020

Question n° 1364 de Mme Annick Billon. – M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports ; Mme Annick Billon.

contournement est de rouen

Question n° 1388 de Mme Catherine Morin-Desailly. – M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports ; Mme Catherine Morin-Desailly.

délais d’instruction des demandes de création d’unités de méthanisation

Question n° 1403 de M. Laurent Somon. – M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.

réalisation de la ligne 17 et impacts du calendrier sur la ville de tremblay-en-france

Question n° 1406 de M. Fabien Gay. – M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports ; M. Fabien Gay.

projet du barreau paris-laon

Question n° 1411 de M. Pierre-Jean Verzelen. – M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.

barrage de sivens

Question n° 1420 de M. François Bonhomme. – M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports ; M. François Bonhomme.

situation de la structure mobile d’urgence et de réanimation du centre hospitalier agenais

Question n° 890 de Mme Christine Bonfanti-Dossat. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; Mme Christine Bonfanti-Dossat.

inquiétudes des assistantes maternelles

Question n° 1302 de Mme Laurence Rossignol. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles.

revalorisation des visites à domicile pour le suivi des patients covid stabilisés

Question n° 1350 de M. Bernard Bonne. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Bernard Bonne.

implantation du nouveau centre hospitalier universitaire à nantes

Question n° 1398 de Mme Laurence Garnier. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles.

fermeture de l’hôpital roger-prévot à moisselles

Question n° 1415 de M. Sébastien Meurant. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Sébastien Meurant.

appareil d’imagerie par résonance magnétique pour le centre hospitalier de condom

Question n° 1435 de M. Franck Montaugé. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Franck Montaugé.

calendrier du projet de loi relatif au grand âge et à l’autonomie

Question n° 1159 de M. Patrice Joly. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles.

rôle et responsabilité des maires dans la gestion actuelle de la pandémie de covid-19

Question n° 1261 de Mme Christine Herzog. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; Mme Christine Herzog.

location de voiture pour les jeunes conducteurs

Question n° 1222 de M. Gilbert Roger. – M. Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques ; M. Gilbert Roger.

mise en application de la réforme du « nouveau réseau de proximité » à compter du 1er janvier 2021

Question n° 1373 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – M. Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques ; Mme Cathy Apourceau-Poly.

réorganisation « nouveau réseau de proximité »

Question n° 1396 de M. Olivier Rietmann. – M. Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques ; M. Olivier Rietmann.

conséquences de la restructuration d’edf hydro méditerranée sur le site de sainte-tulle

Question n° 1430 de M. Jean-Yves Roux. – M. Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

relations commerciales entre producteurs et grande distribution

Question n° 1209 de M. Michel Canevet. – M. Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques ; M. Michel Canevet.

arnaques sur internet et protection des utilisateurs

Question n° 1424 de M. Stéphane Piednoir. – M. Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques ; M. Stéphane Piednoir.

couverture en téléphonie mobile dans les territoires ruraux

Question n° 1412 de M. Bruno Rojouan. – M. Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

entretien du réseau de téléphonie fixe

Question n° 1429 de Mme Anne Ventalon. – M. Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques ; Mme Anne Ventalon.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi

3. Démission et remplacement d’une juge suppléante à la Cour de justice de la République

4. Garantie du respect de la propriété immobilière contre le squat. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la proposition de loi

M. Henri Leroy, rapporteur de la commission des lois

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement

M. Hussein Bourgi

M. Stéphane Ravier

M. Alain Marc

M. Guy Benarroche

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Jean-Yves Roux

Mme Marie-Claude Varaillas

M. Loïc Hervé

Mme Valérie Boyer

M. Daniel Gueret

M. Édouard Courtial

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

M. François Bonhomme

Mme Catherine Procaccia

Amendements identiques nos 2 de M. Hussein Bourgi et 10 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article.

Article 2

Amendement n° 11 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet.

Amendement n° 7 rectifié de Mme Corinne Imbert. – Retrait.

Amendement n° 8 rectifié de Mme Corinne Imbert. – Retrait.

Amendement n° 6 de M. Hussein Bourgi. – Rejet.

Amendements identiques nos 3 de M. Hussein Bourgi et 9 de M. Guy Benarroche. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 5 de M. Hussein Bourgi. – Rejet.

Amendement n° 4 de M. Hussein Bourgi. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 3

Amendement n° 1 rectifié bis de Mme Catherine Procaccia. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 4 – Adoption.

Vote sur l’ensemble

Mme Dominique Estrosi Sassone

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

Suspension et reprise de la séance

5. Outils des collectivités permettant d’assurer un meilleur accueil des gens du voyage. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement

M. Stéphane Ravier

M. Dany Wattebled

M. Guy Benarroche

Mme Nicole Duranton

Mme Maryse Carrère

Mme Éliane Assassi

M. Loïc Hervé

M. Jean-Yves Leconte

M. Cyril Pellevat

M. Pascal Allizard

Mme Sylviane Noël

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

M. François Bonhomme

M. Jérôme Bascher

Amendement n° 4 rectifié bis de Mme Françoise Gatel. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 2

Amendement n° 6 rectifié bis de Mme Dominique Estrosi Sassone. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 3 (supprimé)

Article 4

Amendement n° 12 de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 5

Amendements identiques nos 13 de M. Jean-Yves Leconte et 16 de M. Guy Benarroche. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article.

Article additionnel après l’article 5

Amendement n° 2 rectifié de Mme Jocelyne Guidez. – Retrait.

Article 6 (supprimé)

Article 7 – Adoption.

Article 8

M. Yves Bouloux

M. Laurent Burgoa

Amendement n° 14 de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.

Adoption de l’article.

Articles additionnels après l’article 8

Amendement n° 3 rectifié quater de M. Cyril Pellevat. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 15 rectifié bis de M. Cyril Pellevat. – Retrait.

Amendement n° 10 rectifié de M. Loïc Hervé. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 11 rectifié de M. Loïc Hervé. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 9 rectifié de M. Loïc Hervé. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 7 rectifié de M. Loïc Hervé. – Retrait.

Amendement n° 8 rectifié de M. Loïc Hervé. – Retrait.

Article 9 (nouveau) – Adoption.

Article additionnel après l’article 9

Amendement n° 18 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Vote sur l’ensemble

M. Patrick Chaize

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

6. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Nathalie Delattre

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Martine Filleul,

M. Jacques Grosperrin.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 13 janvier 2021 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Questions orales

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

pérennité des établissements d’abattage non agréés

Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, auteure de la question n° 1416, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Mme Sabine Van Heghe. Monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, je souhaite attirer votre attention sur la problématique des établissements d’abattage non agréés (EANA).

Aujourd’hui, les exploitations agricoles qui élèvent des volailles, palmipèdes gras et lapins sont en droit d’avoir des EANA sur leur exploitation pour abattre, découper et transformer les animaux élevés sur place. La direction générale de l’alimentation estime à 2 700 le nombre de ces ateliers en France.

L’essentiel des produits issus de ces ateliers est commercialisé en circuits courts et de proximité, circuits plébiscités notamment depuis la crise sanitaire. De plus, un atelier d’abattage, de découpe et de transformation embauche à lui seul un à trois équivalents temps plein (ETP).

C’est le règlement 853/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 fixant des règles spécifiques d’hygiène applicables aux denrées alimentaires d’origine animale qui permet à ces établissements d’exister et de découper les produits dans un cadre très strict. Le règlement d’application 2017/185 du 2 février 2017 de la Commission européenne complète ce règlement et étend la dérogation à la transformation dans ces ateliers, qui se terminait fin 2020.

La suppression éventuelle de ce droit aurait des conséquences très négatives pour les exploitations concernées. En effet, la transformation des produits est un élément clé dans l’équilibre économique des ateliers et des exploitations. Les éleveurs qui transforment leurs viandes n’ont pas les capacités matérielles et financières d’investir dans un abattoir agréé. Cela pénaliserait fortement l’économie locale, freinerait le développement des circuits courts et pourrait à terme faire disparaître de nombreux savoir-faire et emplois.

Je souhaite donc savoir ce que le Gouvernement entend faire pour garantir la pérennité des ateliers concernés et des exploitations qui les ont développés, afin de répondre à la demande sociétale croissante en produits locaux vendus en circuits courts et respectant le bien-être des animaux.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre de lagriculture et de lalimentation. Madame la sénatrice Sabine Van Heghe, ainsi que vous l’avez souligné, ces établissements d’abattage non agréés, les fameux EANA, sont des outils extrêmement importants pour notre territoire. Il y en a près de 3 000. Les circuits courts reposent sur eux.

Vous connaissez mon attachement à la promotion des produits frais et locaux. J’attire d’ailleurs votre attention et celle de la Haute Assemblée sur la plateforme nationale que nous avons lancée voilà quinze jours : fraisetlocal.fr. Elle permet à tous nos concitoyens de repérer les points de vente directe, à la ferme ou au producteur, à proximité de chez eux.

Les EANA sont essentiels. Comme le règlement européen prenait effectivement fin au 31 décembre 2020, ces établissements ne pouvaient plus intervenir à compter de cette date. La situation aurait même été ubuesque : il aurait été possible de prolonger la vente de viande fraîche, mais pas de viande transformée ! Or les EANA peuvent précisément transformer des produits carnés et les mettre ensuite à la disposition des consommateurs.

Le Gouvernement s’est donc beaucoup mobilisé. J’ai à plusieurs reprises soulevé cette question au sein du conseil des ministres de l’agriculture de l’Union européenne et auprès de la commissaire européenne chargée de ce dossier, Mme Stella Kyriakides.

J’ai plaisir de vous annoncer ce matin que nous avons trouvé une solution technique : ce n’est pas la prolongation du règlement européen stricto sensu, mais elle permet à nos EANA de continuer à fonctionner. Je vous en transmettrai le détail par écrit. Il était très important pour moi de garantir la pérennité des EANA : c’est chose faite.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour la réplique.

Mme Sabine Van Heghe. Monsieur le ministre, j’entends bien vos déclarations et je compte sur votre intervention. Je ne doute pas que mes collègues partagent mon sentiment.

Pensons aux petits éleveurs, qui se trouveraient une nouvelle fois pénalisés, et toute une frange de l’économie locale avec eux, face aux plus puissants.

situation des producteurs de noix et de fruits à coques

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, auteur de la question n° 1419, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Didier Rambaud. Monsieur le ministre, le 9 novembre dernier, la Commission européenne a décidé de prendre des sanctions douanières contre les États-Unis, notamment par une surtaxe sur des produits agricoles et agroalimentaires. Or la noix, de même que d’autres fruits à coques, ne s’y trouve pas.

La production de noix en France s’élève en moyenne à 40 000 tonnes par an, dont 20 000 tonnes en région Auvergne-Rhône-Alpes. La noix de Grenoble, appellation d’origine protégée (AOP) à laquelle vous imaginez bien que je suis très attaché, fait office de locomotive, en tirant toute la filière vers le haut.

La production de cette noix AOP représente environ 12 000 à 14 000 tonnes par an. Une majorité de cette production, environ 60 %, est exportée chaque année vers l’Europe, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne étant les principaux clients. Or la concurrence est très forte sur le marché européen. Les États-Unis inondent les marchés ; leur production avoisinerait les 800 000 tonnes en 2020. Pour le volume comme pour les tarifs, la France n’est pas en mesure de rivaliser face à une telle force de frappe.

Bien entendu, les modes de production divergent largement entre le système californien, ultraproductiviste, et le système traditionnel français, qui fait la renommée de notre agriculture tout entière.

Dans sa décision, la Commission européenne a pourtant ignoré les noix et la plupart des fruits à coques, qui sont exclus de la surtaxation. Or, si l’objectif est de faire pression sur les États-Unis, les fruits à coques pourraient constituer un levier efficace. En effet, l’Europe est l’un des premiers clients des États-Unis, tant pour la noix en coques que pour le cerneau.

Intégrer les noix dans ces mesures de rétorsion permettrait donc aux producteurs français de redevenir concurrentiels sur le marché européen. L’enjeu n’est rien de moins que la protection des productions hexagonales et de notre agriculture dans ce qu’elle a de qualitative et de singulière.

Monsieur le ministre, comment la France pourrait-elle intervenir auprès de la Commission européenne pour qu’un élargissement des produits concernés par la surtaxation puisse intégrer les noix et les fruits à coques, qui en sont aujourd’hui exclus ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le sénateur Didier Rambaud, je voudrais d’abord saluer votre action en faveur tant de la filière noix de Grenoble que d’autres productions locales. Je connais votre engagement sur ces dossiers. Nous échangeons régulièrement sur le sujet.

Vous m’interrogez sur les moyens de renforcer la production et la consommation de noix dans notre beau pays face à la pression que représentent les importations. Vous proposez à ce titre la mise en place de barrières tarifaires douanières contre l’importation de fruits à coques, notamment de noix, des États-Unis, en guise de mesure de rétorsion dans le cadre du contentieux qui oppose l’Union européenne à ce pays sur le dossier Airbus-Boeing. Je comprends cette idée. Tout sujet doit être regardé. Je m’y engage.

Cela étant dit, l’objectif du Gouvernement est, sans faire preuve de naïveté – la France avait, je le rappelle, poussé à l’échelon européen en faveur de mesures de rétorsion –, d’aboutir à une désescalade et d’« atterrir » sur un compromis dans le dossier Airbus-Boeing. En effet, le contentieux fait des victimes collatérales. Ainsi, la filière vitivinicole française – je connais la sensibilité de Mme la présidente sur le sujet – est durement touchée par les conséquences des mesures prises par les États-Unis. À nos yeux, les sanctions ne doivent pas devenir pérennes. Je ne pense pas qu’elles soient le bon vecteur pour aider durablement la production de fruits à coques en France.

En revanche, une autre question se pose ; vous y avez fait référence. Ce sera un combat de longue haleine, mais j’entends bien l’inscrire à l’agenda lorsque j’exercerai la présidence du conseil des ministres de l’agriculture de l’Union européenne.

Le dispositif issu du fameux article 44 de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Égalim, a été modifié par la loi du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières.

Ne devrait-on pas avoir une réflexion sur l’importation d’un certain nombre de produits dont les modes de culture ne respectent pas les principes de base, notamment environnementaux, qui régissent le marché commun ? Je suis prêt à travailler avec vous sur ce dossier. Cela peut concerner la noix, mais également la noisette. Des décisions en ce sens ont pu être prises à l’égard, par exemple, de cerises en provenance de Turquie.

Regardons cela tous ensemble. Le combat doit être mené à l’échelon européen. Cela prendra du temps. Mais je pense que la question doit être posée ; c’est une vraie question politique.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, pour la réplique.

M. Didier Rambaud. Monsieur le ministre, je vous remercie de la clarté de vos propos – nous y sommes habitués ! – et, surtout, des perspectives que vous tracez. Comme vous, je place beaucoup d’espoirs dans l’administration Biden. J’espère qu’elle pourra ramener un peu de paix dans les relations commerciales entre les États-Unis et l’Union européenne, même si je ne suis pas naïf s’agissant du protectionnisme américain.

moyens alloués aux agriculteurs français pour répondre aux nouvelles exigences climatiques

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Rapin, auteur de la question n° 1423, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Jean-François Rapin. Monsieur le ministre, je souhaite aujourd’hui vous interpeller sur les moyens alloués aux agriculteurs français pour répondre aux nouvelles exigences climatiques.

Comme le soulignait un rapport sénatorial sur la résilience agricole et alimentaire, les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à s’engager dans la voie d’une production plus respectueuse de l’environnement. Cependant, afin de les inciter davantage, les politiques publiques actuelles agissent par la contrainte, en durcissant les normes applicables aux paysans, au détriment de leur compétitivité.

Les travaux de mon collègue Laurent Duplomb dressent le constat selon lequel le respect de ces objectifs réduit d’autant plus notre capacité productive agricole, au point que nous risquons de perdre notre excédent dès 2023. Dans le même temps, des pays dont le modèle agricole est bien moins respectueux de ces normes continueront d’exporter leur production vers la France, notamment pour répondre à l’injonction des prix bas, étouffant ainsi les agriculteurs français. On voit déjà d’ailleurs poindre un débat entre producteurs et grandes enseignes de distribution.

Face à une telle situation, la recherche scientifique et technologique peine à trouver les moyens suffisants pour avancer dans une direction qui permettrait de restaurer notre puissance productive sans dégrader les écosystèmes et en s’adaptant aux changements climatiques.

Comment le Gouvernement envisage-t-il d’améliorer l’accompagnement des agriculteurs, mais aussi des acteurs de la recherche, afin de permettre de trouver une conciliation entre le respect des exigences climatiques et notre souveraineté agricole ? Quel en serait le calendrier d’action ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le sénateur Jean-François Rapin, la question que vous posez est essentielle ; j’ai déjà eu l’occasion de l’évoquer ici. Je salue les travaux de la Haute Assemblée, en particulier de M. le sénateur Laurent Duplomb sur le sujet.

La base de l’agriculture et de l’agronomie, c’est l’eau. N’en déplaise à un certain nombre de prophètes, il n’est pas vrai que l’on pourra demain faire sans eau. Nous devons donc affronter aujourd’hui le sujet avec beaucoup de détermination. Le conflit d’usage de l’eau existe depuis que l’homme est sédentaire, c’est-à-dire depuis des millénaires.

Premièrement, pour se prémunir contre les aléas du changement climatique, il faut améliorer la gestion de l’eau dans notre pays. C’est l’un des objets du plan de relance et du « mode projet » que j’ai mis en place au sein du ministère de l’agriculture. Nous avons répertorié, territoire après territoire, tous les projets d’eau pour identifier les accompagnements à apporter, toujours dans la concertation avec les fameux projets de territoire pour la gestion de l’eau. Une concertation qui dure huit à dix ans est une mauvaise concertation. La concertation est importante, mais elle doit être canalisée dans le temps, faute de quoi tout le monde s’épuise in fine.

Deuxièmement, nous devons accompagner nos agriculteurs dans des investissements de protection ; l’eau, c’est la prévention. Dans le cadre du plan de relance, une ligne de 100 millions d’euros a été mise en place pour financer des équipements de lutte contre les aléas du changement climatique : systèmes d’irrigation individualisée, de performance, de filets anti-grêle, etc. Les dossiers commencent à affluer.

Troisièmement, nous devons agir sur la souveraineté agricole. Cela fait écho à ce que j’indiquais à votre collègue Didier Rambaud.

Quatrièmement, il faut favoriser la recherche. Ainsi que vous l’avez peut-être vu, mes prises de position sur les New Breeding Techniques (NBT) ont suscité des débats enflammés. D’illustres scientifiques considèrent que ces techniques peuvent constituer une solution pour déterminer comment trouver des plantes plus résilientes face à ces changements. Les NBT sont une accélération de la sélection variétale. Elles permettent d’avoir des plantes qui seraient probablement apparues de manière naturelle, mais en accélérant la sélection variétale.

Vous le voyez, mon approche est très pragmatique. Mais c’est la mère des batailles : il n’y a pas d’agriculture possible sans une gestion efficace de l’eau et sans une recherche sur la résilience de nos plantes pour pouvoir affronter les épisodes de sécheresse et, plus généralement, le réchauffement climatique. D’ailleurs, cela vaut aussi pour les arbres et la forêt : les très belles hêtraies de notre pays subissent le réchauffement climatique.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour la réplique.

M. Jean-François Rapin. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. J’ai évidemment pris bonne note des dispositions proposées en loi de finances pour 2021. J’espère qu’elles seront officiellement actées.

Néanmoins, nous sommes toujours demandeurs de plus de crédits. Certes, c’est difficile dans le contexte actuel. Mais, à mon sens, la question est celle des priorités. Fait-on de l’échéance climatique une priorité en termes de recherche et de développement agroalimentaires ? Si oui, il faut y consacrer les moyens.

Il faut également aborder la question des prix. Ainsi que je l’ai indiqué, nous voyons la bataille des prix entre producteurs et distributeurs recommencer et atteindre des proportions inédites : certains mots qui sont prononcés me paraissent très violents. La recherche doit donc garantir aux agriculteurs des coûts de production leur permettant de rester compétitifs, afin que la grande distribution puisse également satisfaire le pouvoir d’achat des consommateurs.

situation financière des établissements de la mission laïque française

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, auteure de la question n° 1402, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite alerter le Gouvernement sur la situation financière des établissements de la Mission laïque française (MLF) au Liban.

La situation politique, économique et sociale de ce pays est critique. Elle s’aggrave malheureusement avec la pandémie, et l’explosion en août 2020 qui a dévasté le quartier du port de Beyrouth nous a fait prendre conscience du soutien dont a besoin ce pays ami. Nous y avons répondu en envoyant au Liban une aide humanitaire d’urgence avec plusieurs tonnes de matériel sanitaire. Nous avons également apporté un soutien financier de quelque 50 millions d’euros pour la santé, l’emploi, le logement, la culture et l’éducation.

Enfin, nous avons attribué environ 20 millions d’euros pour venir en aide au réseau des cinquante écoles francophones, dont 4,4 millions d’euros en faveur des cinq établissements de la Mission laïque française. Je ne peux que saluer ce soutien en faveur de l’enseignement français dans ce pays francophone et francophile.

Malheureusement, il semblerait que ces crédits ne soient pas suffisants. En effet, les cinq lycées de la Mission laïque française, avec leurs 7 100 élèves, sont particulièrement touchés par la crise sanitaire et économique locale. Le pire est sans doute à venir, avec un déficit cumulé estimé à 10 millions d’euros au moins si rien n’est fait pour les aider. La MLF ne peut pas compenser seule ce déficit.

Je souhaiterais savoir si les aides attribuées en 2020 seront reconduites cette année pour aider ces cinq établissements à traverser la crise et éviter leur fermeture.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, je partage votre préoccupation sur la situation du Liban, qui connaît aujourd’hui une crise profonde, à la fois économique, sociale, politique et sanitaire. Cette préoccupation, vous le savez, est également celle du Président de la République, qui s’est rendu à deux reprises au Liban depuis l’explosion de cet été dans le port de Beyrouth.

Dans ce contexte difficile, nous portons une attention toute particulière à la situation des cinquante-cinq établissements d’enseignement français au Liban. C’est le premier réseau au monde en nombre d’élèves scolarisés, avec près de 60 000 élèves à la dernière rentrée, dont une majorité d’enfants libanais. Cinq de ces établissements sont gérés directement en pleine responsabilité par la Mission laïque française, et cinq autres y sont affiliés. Tous ont été affectés par la crise économique, par la crise sanitaire et par les destructions liées aux explosions du début du mois d’août dans le port de Beyrouth.

C’est pourquoi nous avons veillé à ce que ces difficultés particulières soient bien prises en compte dans le cadre du plan de soutien au réseau d’enseignement français à l’étranger préparé par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Les établissements d’enseignement français au Liban ont effectivement reçu un peu plus de 20 millions d’euros, dont 7 millions d’euros pour l’aide à la reconstruction, ce qui a fait du Liban le premier bénéficiaire de ce plan d’aide.

Pour les cinq établissements de la Mission laïque française, un effort important a été réalisé. Une aide budgétaire de 4,3 millions d’euros leur a été attribuée. Deux de ces établissements ont reçu plus de 800 000 euros chacun. Au total, ces cinq établissements ont bénéficié de 20 % des crédits de soutien destinés au réseau libanais.

Les établissements conventionnés de la MLF au Liban ont pu compter sur un soutien important de la part de l’État. Je le souligne, le déploiement de ces aides, engagé en 2020, se poursuivra sur le premier semestre 2021.

Au total, la Mission laïque française a reçu plus de 10 millions d’euros d’aides pour l’ensemble de son réseau d’établissements dans le monde. Là aussi, c’est environ 20 % du plan global débloqué pour notre réseau à l’étranger.

Madame la sénatrice, en 2021 comme en 2020, nous resterons mobilisés auprès des familles et des établissements scolaires au Liban, avec une aide significative, dont le versement se prolongera. Nous resterons évidemment vigilants pour, le cas échéant, adapter ou renforcer le soutien nécessaire. Nous ne laisserons pas tomber notre réseau en général, et ce réseau exceptionnel que nous avons au Liban en particulier.

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour la réplique.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez très justement rappelé – je l’avais d’ailleurs fait moi-même – l’action que nous avons menée. Simplement, ce qui m’intéressait en vous interrogeant, c’était surtout de savoir ce que nous allions faire.

Allons-nous continuer à aider ces établissements scolaires ? Il faut rassurer non seulement les familles, qui font de gros efforts, de gros sacrifices, pour scolariser leurs enfants dans des établissements où les frais d’écolage sont tout de même élevés, mais également tous les personnels qui travaillent dans ces établissements.

La situation est vraiment très critique dans ce pays. Voilà quelques jours, le quotidien Al-Akhbar titrait : « C’est l’enfer ! »

Il me paraît donc primordial de regarder non pas ce qui a été fait pour s’en réjouir – et je crois qu’il y a de quoi s’en réjouir –, mais ce que nous allons faire.

J’aurais aimé savoir – peut-être aurai-je des précisions par écrit, puisque je ne les ai pas eues oralement ce matin – en quoi va consister le soutien dont vous parlez. C’est très bien de prolonger les crédits votés l’an dernier. Mais y aura-t-il des crédits supplémentaires ? Il y a un déficit de 10 millions d’euros. Il faut le combler. Je vous adresserai donc un courrier, afin d’avoir des réponses un peu plus précises.

participation des français de l’étranger aux élections

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Le Gleut, auteur de la question n° 1414, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Ronan Le Gleut. « Un bulletin de vote est plus fort qu’une balle de fusil. » Cette citation d’Abraham Lincoln, monsieur le secrétaire d’État, nous interpelle sur le rôle de la démocratie.

Ma question concerne la participation électorale des Français de l’étranger. Nombre de nos compatriotes qui vivent à l’étranger parcourent parfois des centaines de kilomètres pour aller voter. Je souhaite donc vous interroger sur trois points.

Premièrement, il est nécessaire de mettre à jour la liste des bureaux de vote. Et il faut qu’elle soit la plus importante possible. En effet, l’établissement d’une procuration suppose souvent la venue d’agents dans la commune de résidence dans le cadre d’une tournée consulaire. Or, avec la crise pandémique, la mobilité est évidemment contrainte.

Je citerai un exemple parmi d’autres. Le bureau de vote du consulat honoraire d’Al-Khobar, qui se situe à 420 kilomètres de Riyad – pour aller voter, il faut donc parcourir 840 kilomètres aller-retour –, a été fermé lors des dernières élections européennes. Je pense qu’il faut revenir sur cette fermeture.

Deuxièmement, le vote par correspondance ne se limite pas au vote électronique, sur internet. Dans les pays où les services postaux fonctionnent parfaitement bien, le rétablissement du vote par correspondance papier est souhaité ; j’avais d’ailleurs défendu un amendement en ce sens. C’est en effet un moyen pour les Français de l’étranger de participer.

Troisièmement – là, c’est plutôt une proposition que je soumets au Gouvernement –, pourquoi ne pas créer une carte d’électeur, cette carte tamponnée au moment du vote, au profit des Français de l’étranger, qui, contrairement à leurs compatriotes de métropole et d’outre-mer, n’en ont pas ? Cela aurait un très fort caractère symbolique d’appartenance à la citoyenneté : la carte électorale est remise lors de la cérémonie d’accueil à la nationalité française et aux jeunes majeurs. Cette carte d’électeur pourrait être dématérialisée et imprimée par les Français eux-mêmes.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères s’attache en effet à faciliter et encourager la participation aux élections de nos ressortissants vivant à l’étranger. Ce sera notamment le cas pour les prochaines élections consulaires, prévues les 29 et 30 mai prochain : mon collègue Jean-Baptiste Lemoyne organise plusieurs campagnes de communication pour informer les électeurs sur les modalités du scrutin et le rôle des conseillers des Français de l’étranger.

Vous proposez de créer une carte électorale qui serait destinée aux Français de l’étranger. Aujourd’hui, la présentation d’une pièce d’identité française ou d’une carte d’inscription au consulat pouvant être imprimée directement par l’usager – cela fait aussi office de démarche civique – suffit aux opérations électorales. L’impératif d’efficacité et de rapidité me paraît ainsi rempli. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas, à ce stade, donné suite à l’idée que vous avez de nouveau soumise ce matin. Mais je suis prêt, avec Jean-Baptiste Lemoyne, à regarder comment mieux mobiliser et informer nos concitoyens, par exemple par des courriers électroniques. Je lui en ferai part, afin que nous puissions continuer avec vous de mener cette réflexion.

En mai 2020, nous avions prévu un dispositif très étendu s’agissant des bureaux de vote : 464 bureaux sur 358 sites. Cela représente un effort de mobilisation important. Pour le mois de mai 2021, le dispositif doit naturellement tenir compte de l’évolution de la situation sanitaire. Mais nous ferons évidemment en sorte que la couverture et l’accessibilité soient les plus larges possible. Nous travaillons avec nos postes diplomatiques et consulaires pour adapter et définir le dispositif dans ce contexte, avec deux impératifs : garantir la sécurité sanitaire des électeurs, d’une part, des volontaires et des agents qui tiendront ces bureaux, d’autre part. Cet impératif est essentiel. Nous travaillons sur l’idée d’une liste à jour, afin d’informer au mieux.

Nous n’avons aucun doute sur le vote électronique. C’est un système simple et sûr dont nous devons faire encore mieux connaître l’existence. En revanche, je le dis sincèrement, nous avons plus de réserves sur le vote par correspondance postale. Vous avez cité les cas où cela fonctionne bien. Mais il y a aussi des pays où la fiabilité de la transmission postale est très aléatoire. Surtout, et cela vaut pour tous les pays, les risques de contentieux sont importants. Cela étant, la réflexion peut, là aussi, se poursuivre avec Jean-Baptiste Lemoyne, peut-être dans le souci de différenciation accrue que vous exprimez.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que je tenais à vous communiquer en toute transparence ce matin.

prise en compte des projets d’aménagements structurants dans le plan de relance

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Bouad, auteur de la question n° 1366, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

M. Denis Bouad. Monsieur le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, je souhaite attirer votre attention sur la mise en œuvre concrète du plan de relance, plus particulièrement sur les possibilités de financer des projets structurants dans le département du Gard.

La crise sanitaire que nous traversons aura d’importantes répercussions sur notre économie. Dans beaucoup de secteurs, ces conséquences économiques se font déjà ressentir.

Dans ce contexte, l’annonce d’un plan de relance doté de 100 milliards d’euros est une bonne nouvelle pour l’activité des entreprises et pour l’emploi.

Dans de nombreux départements, il existe des projets structurants, fortement espérés par les habitants. Certains d’entre eux sont évoqués et attendus avec impatience depuis maintenant plusieurs décennies.

Soulignons également que, compte tenu de l’impossibilité pour les collectivités territoriales de les financer, un cercle vicieux de sous-investissement s’est installé, avec les conséquences économiques et sociales que nous connaissons.

Alors même que le Gard est le deuxième département le plus industrialisé de la grande région Occitanie, avec quelques fleurons comme SNR, Merlin Gerin, Royal Canin ou encore Melox, il reste le quatrième plus pauvre de France. Ce n’est pas une fatalité !

Nous avons besoin d’infrastructures modernes, durables et efficaces.

Songez que la mise à deux fois deux voies de la route nationale 106 entre Nîmes et Alès – ces deux grandes villes, une préfecture et une sous-préfecture, distantes d’une quarantaine de kilomètres, forment deux bassins d’emplois industriels et tertiaires –, entamée par la mise en place d’un premier tronçon en 1998, n’est toujours pas achevée !

Heureusement, monsieur le secrétaire d’État, nous avons pu bénéficier à l’époque de fonds structurels européens pour financer ces projets. Le Gard a d’ailleurs toujours été l’un des départements les plus performants pour obtenir des subventions de l’Europe. Je profite de votre présence pour émettre le souhait que, dans le cadre du nouveau budget européen pluriannuel 2021-2027, le Gard continue à en bénéficier.

Huit petits kilomètres sont donc nécessaires pour achever la liaison entre Nîmes et Alès, préalable au contournement ouest de Nîmes.

La maîtrise d’ouvrage est portée par l’État, et je ne doute pas que le Gouvernement aura à cœur d’en faire l’une des priorités du plan de relance, pour que ce contournement et son barreau voient enfin le jour très prochainement.

Je reviendrai également vers vous pour évoquer d’autres projets, notamment la rocade nord de Nîmes, portée par le conseil départemental du Gard, dont j’ai été le président pendant plus de cinq ans, qui permettrait un accès direct à la gare TGV Nîmes-Pont du Gard.

Les Gardois et Gardoises sont prêts, monsieur le secrétaire d’État, et je souhaite donc que vous puissiez inscrire aujourd’hui ces projets dans le cadre du plan de relance, non seulement pour permettre à ce département de rebondir rapidement à la sortie de la crise sanitaire, mais également pour envisager un futur développement économique durable au service de notre population.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, vous interrogez le Gouvernement, particulièrement ma collègue ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, au sujet de la mise en œuvre du plan de relance et de ses répercussions sur le projet de contournement ouest de Nîmes.

Il convient de rappeler que le plan de relance français, financé à 40 % par le plan de relance européen, s’articule autour de trois axes : l’écologie, la compétitivité et la cohésion des territoires. Dans ce cadre, plusieurs opérations relatives au réseau routier national, inscrites aux contrats de plan État-région, pourraient bénéficier d’un financement permettant une accélération de leur mise en œuvre. L’effort de relance, qui s’étale sur la période 2021-2022, conduit toutefois à privilégier les opérations pouvant être engagées d’ici à 2022.

Le contournement ouest de Nîmes bénéficie d’ores et déjà d’une inscription de 8,3 millions d’euros au contrat de plan État-région 2015-2020, afin de mener les études et de procéder aux acquisitions foncières. Le financement des travaux n’est pas encore bouclé à ce jour et le déroulement des études et des procédures ne permettent pas d’envisager un début des travaux avant l’année 2022. L’opération ne nous paraît donc pas éligible à ce stade au plan de relance.

Néanmoins, l’État travaille à la finalisation des études préalables du contournement ouest de Nîmes, dans la perspective de soumettre le projet à l’enquête publique préalable à sa déclaration d’utilité publique au premier semestre de l’année prochaine. En particulier, la possibilité d’intégrer une liaison entre le contournement ouest de Nîmes et la RN 113 – une demande forte des collectivités locales – est en cours d’étude.

L’année 2021 devrait donc être consacrée à la consultation des services de l’État et des collectivités territoriales concernées sur le projet modifié, afin de prendre en compte les remarques émises lors de la concertation publique de 2017, préalablement à la saisine de l’Autorité environnementale pour avis sur l’évaluation environnementale du projet.

En tout état de cause, la question du financement des travaux du contournement ouest de Nîmes trouvera naturellement sa place lors des négociations à venir concernant l’élaboration de la prochaine contractualisation État-région en vigueur à partir de 2023. Le volontarisme financier de l’État et des collectivités locales sera alors déterminant pour la poursuite de ce projet.

D’autres projets d’infrastructures modernes et sûres, notamment la rocade nord, seront également pris en compte. Je m’engage, si vous le souhaitez, monsieur le sénateur, à travailler avec vous sur les financements européens additionnels qui pourraient faciliter la réalisation de ces équipements.

violences et saccages de l’espace public dans l’agglomération de montbéliard

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, auteur de la question n° 1395, adressée à M. le ministre de l’intérieur.

M. Jean-François Longeot. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation dans le département du Doubs, plus particulièrement dans l’agglomération de Montbéliard, où les habitants, les services de police et de secours subissent régulièrement des violences, des incendies et des saccages de l’espace public.

Malgré des échanges avec la préfecture et la venue ponctuelle de renforts de compagnies républicaines de sécurité (CRS), aucune amélioration n’apparaît. Bien au contraire, la situation se dégrade.

L’escalade de la violence est bien réelle, montrant l’inefficacité de la politique de sécurité publique menée sur les territoires.

Aujourd’hui, les services de secours et de sécurité ne peuvent intervenir sereinement par manque de directives courageuses d’intervention et de rétablissement de l’État de droit dans chacun de ces quartiers.

Les habitants sont en danger ; ils subissent chaque jour des dégradations et des violences.

Aussi, dans ces conditions, je tenais tout d’abord à remercier le ministre pour son écoute lors d’une rencontre organisée au ministère de l’intérieur en décembre dernier, et souhaitais de surcroît connaître les intentions du Gouvernement pour rétablir l’ordre public et la sécurité sur ce territoire Nord-Franche-Comté.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur, en matière de sécurité, les attentes des Français sont fortes et le Gouvernement est pleinement mobilisé pour y répondre. Cette mobilisation est d’abord celle des policiers et des gendarmes sur le terrain. C’est pourquoi nous renforçons leurs moyens.

Le plan de relance se traduit par une augmentation du budget de 325 millions d’euros pour la police nationale. Ce sont également plus de 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires qui seront recrutés d’ici à la fin du quinquennat, pour renforcer les effectifs là où les besoins sont identifiés.

Après les pistes ambitieuses tracées par le Livre blanc de la sécurité intérieure, dont certaines se concrétisent – je pense, par exemple, à l’expérimentation de directions départementales de la police nationale –, le « Beauvau de la sécurité », annoncé par le Président de la République en décembre, et qui sera lancé le 25 janvier, va constituer une nouvelle étape. Avec les forces de l’ordre, des maires et des parlementaires, nous allons identifier les nouveaux moyens dont il nous faut doter, à court terme, les policiers et les gendarmes. À plus long terme, nous allons bâtir, ensemble, les bases d’une nouvelle loi de programmation, que nos forces méritent et que vous avez appelée de vos vœux.

J’en viens maintenant à votre département, monsieur le sénateur. Nous connaissons vos préoccupations, et les cabinets du ministère de l’intérieur ont eu l’occasion de recevoir les élus locaux début décembre.

En premier lieu, je tiens à vous assurer, au nom du ministre de l’intérieur, que nous ne laissons rien passer. Nous intervenons chaque fois que l’ordre public est contesté. Les violences et les désordres, à Montbéliard comme ailleurs, les attaques contre les policiers et contre tous les représentants d’institutions publiques, sont particulièrement inadmissibles.

À Montbéliard comme ailleurs, vous le savez, nos policiers sont pleinement mobilisés. Je note d’ailleurs, même si cela ne saurait minimiser les problèmes qui existent, que plusieurs indicateurs témoignent de l’efficacité de leur travail dans ce département. On note ainsi une baisse de 13 % des violences aux personnes et de près de 18 % des atteintes aux biens en 2020 dans la circonscription interdépartementale de sécurité publique (CISP) de Montbéliard-Héricourt. La prochaine arrivée de huit nouveaux gardiens de la paix supplémentaires permettra de poursuivre cet effort.

Les violences de novembre ont légitimement choqué les habitants. Mais la réaction des forces de l’ordre, appuyées par les CRS, qui sont intervenues en renfort durant plusieurs semaines, ne s’est pas fait attendre.

Les forces locales ont fait avancer l’enquête. Le 2 décembre, soit dix jours après les faits, deux individus ont été interpellés. Depuis, les violences urbaines ont baissé d’intensité et sont même devenues quasi inexistantes dans le quartier de la Petite-Hollande où s’étaient déroulés les événements de novembre : 16 faits de violences urbaines, dont 4 dans ce quartier, ont été enregistrés dans la circonscription en décembre ; 4 faits « seulement », si je puis dire, et aucun dans la zone de sécurité prioritaire (ZSP), ont été relevés en janvier. Pour mémoire, en novembre, on recensait 29 faits de violences urbaines dans la CISP Montbéliard-Héricourt, dont 9 en ZSP.

À Montbéliard, comme partout ailleurs, monsieur le sénateur, je veux vous assurer du soutien total de l’État, du ministre de l’intérieur et de moi-même. Nous sommes aux côtés des élus locaux et je salue à cet égard l’engagement de la municipalité en faveur de la sécurité. C’est seulement ensemble que nous pouvons garantir aux Français la sécurité et la tranquillité qu’ils attendent légitimement dans leur vie quotidienne. Ce travail partenarial mérite d’être souligné.

Mme la présidente. Je rappelle que votre temps de parole est limité à deux minutes trente par question, madame la ministre déléguée.

La parole est à M. Jean-François Longeot, pour la réplique.

M. Jean-François Longeot. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, et de l’entretien que vous avez accordé aux élus locaux en décembre – j’y étais accompagné notamment de ma collègue Annick Jacquemet.

La Petite-Hollande est un quartier de Montbéliard où il fait bon vivre, mais, aujourd’hui, la vie de ses habitants devient très compliquée. Ils aspirent à un peu de tranquillité.

Une vraie relation doit se nouer entre votre ministère et celui de la justice. Il y a trop de laxisme à l’égard des auteurs de ces violences. Il est inadmissible qu’avec un engin de chantier on aille faire tomber des candélabres sur lesquels la municipalité, trois jours auparavant, avait installé des caméras de surveillance !

Il faut non seulement condamner ces actes, mais aussi les punir.

application des règlements départementaux de défense incendie et secours dans les territoires ruraux

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 1436, adressée à M. le ministre de l’intérieur.

M. Daniel Laurent. Madame la ministre, ma question porte sur la défense extérieure contre l’incendie, qui, depuis la réforme de 2015, ne répond plus à une norme nationale, mais relève d’un règlement départemental élaboré par le préfet, en concertation avec les collectivités territoriales.

Si la sécurité des habitants est une priorité pour les élus, l’interprétation souvent très stricte des dispositions des règlements départementaux conduit à des contraintes disproportionnées sur certains territoires et à des coûts de mise aux normes très importants pour les budgets communaux.

En Charente-Maritime, grâce à la mobilisation des élus, la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) est priorisée pour les dossiers de mise en conformité. Le département apporte également sa contribution, dans la limite des plafonds d’intervention légaux.

Ce sont des décisions importantes pour alléger la facture des communes. Toutefois, celles qui sont très déficitaires devront étaler la mise en conformité sur plusieurs années, dans le cadre des schémas communaux de défense extérieure contre l’incendie, obérant ainsi le développement d’autres projets et la dynamique de nos territoires.

Ainsi, de nombreux permis de construire sont refusés en raison de l’appréciation de la distance entre le point d’eau et l’habitation.

Dans une décision du 30 octobre 2019, le tribunal administratif de Poitiers fait état que le règlement départemental de défense contre l’incendie, qui relève d’une législation distincte de celle de l’urbanisme, ne saurait être opposable aux demandes d’autorisation d’urbanisme.

Cette jurisprudence a permis de débloquer des dossiers, quand bien même les communes ne se seraient pas mises en conformité avec le règlement départemental.

Toutefois, il convient de lever toute insécurité juridique, comme nous le demandent les élus.

À ce jour, aucune compagnie d’assurance ne s’est retournée contre un maire ou une commune, mais il convient de prévenir ce risque.

En cas d’incendie d’une construction située dans une zone ne répondant pas aux critères du règlement départemental, la responsabilité du maire pourrait-elle être engagée ?

L’engagement d’une commune à réaliser la mise en œuvre dans le cadre du schéma communal suffit-il à protéger les élus ?

Madame la ministre, lors de la campagne sénatoriale, cette problématique a été soulevée par une très grande majorité des élus.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur, la défense extérieure contre l’incendie (DECI) est placée sous l’autorité du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale chargé d’un pouvoir de police administrative spéciale.

Cette défense a pour objet d’assurer, en fonction des besoins résultant des risques à couvrir, l’alimentation en eau des moyens des services d’incendie et de secours, par l’intermédiaire de points d’eau identifiés à cette fin. Elle permet aux sapeurs-pompiers d’intervenir rapidement, efficacement et dans des conditions optimales de sécurité.

La réforme de la DECI, conduite en 2015, a instauré une approche novatrice : celle-ci ne répond plus à une norme nationale, mais relève d’un règlement départemental élaboré par le préfet.

Cette réglementation répond à un double objectif : un renforcement de la concertation avec les collectivités territoriales et une plus grande souplesse dans la définition et l’application des mesures, adaptées à la réalité et à la diversité des risques incendie propres à chaque territoire.

La distance maximale séparant les points d’eau et les risques à couvrir est déterminée au regard des enjeux en matière de protection et des techniques opérationnelles des sapeurs-pompiers. La fixation de ces distances est déterminée par l’analyse du risque d’incendie ; elle conditionne les délais de mise en œuvre des dispositifs d’extinction.

Nous avons parfaitement conscience que cette réglementation, nécessaire pour garantir une lutte efficace et rapide contre les incendies, peut parfois être contraignante dans certaines communes, notamment rurales. Ce règlement peut évoluer par le biais de nouveaux échanges avec les partenaires, selon les procédures applicables. Pour avoir moi-même participé à des commissions sécurité incendie quand j’étais élue locale, je sais à quel point les retours de terrain, notamment des élus locaux, sont fondamentaux.

En ce qui concerne la coexistence des règles d’urbanisme et des règles de DECI, comme vous l’avez évoqué, et comme l’a confirmé la juridiction administrative, la DECI et l’urbanisme relèvent de deux régimes juridiques distincts. Il ne nous semble pas souhaitable d’établir une automaticité entre la présence ou le projet d’une construction et la présence obligatoire d’un point d’eau incendie à proximité. La nécessité d’une DECI est liée à l’analyse des risques que je viens d’évoquer, et non à la seule existence d’une construction.

Pour répondre à votre souci, que nous partageons, de protection des élus quant à un éventuel engagement de leur responsabilité en matière de DECI, je rappelle que la réforme de 2015 incite à la mise en place de schémas communaux ou intercommunaux permettant de développer l’analyse du risque, d’identifier des priorités et de les planifier sur plusieurs années.

Cette optimisation du déploiement de la DECI et de son financement peut aussi être obtenue en transférant le domaine aux établissements publics de coopération intercommunale. C’est le choix qui a été fait à plusieurs endroits. Enfin, dans certains cas strictement encadrés par la réglementation nationale, un financement de la DECI par des tiers peut être envisagé.

La DECI repose sur un équilibre entre les impératifs de la sécurité des populations, sa constante amélioration et un coût financier supportable, notamment pour les communes rurales, le tout étant apprécié à l’échelon local.

Cette réforme est déployée sur le terrain depuis six ans, après avoir fait l’objet d’une expérimentation positive dans les Deux-Sèvres et en Ille-et-Vilaine bien avant 2015.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame la ministre déléguée !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Comme vous le suggérez, monsieur le sénateur, le ministère de l’intérieur envisage de réaliser une évaluation de cette réforme courant 2021.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent, pour la réplique.

M. Daniel Laurent. Je vous remercie, madame la ministre. Il est en effet très important de procéder à une évaluation de la réforme pour tenir compte des difficultés rencontrées par les élus des communes rurales.

futur décret relatif à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires

Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 1376, adressée à M. le ministre de l’intérieur.

M. Cyril Pellevat. Madame la ministre, le ministère de l’intérieur a récemment annoncé qu’un décret venant réformer l’activité des sapeurs-pompiers volontaires était en cours de préparation, pour une publication durant l’année 2021. Ce décret aurait pour objectif de rendre le modèle français conforme au droit européen, notamment à la directive européenne sur le temps de travail, et de prendre en compte l’arrêt Matzak de la Cour de justice de l’Union européenne, qui assimile les sapeurs-pompiers volontaires à des salariés.

Toutefois, cette réforme de l’activité des sapeurs-pompiers volontaires viendrait totalement bouleverser le modèle français de la sécurité civile, basé sur l’engagement et le volontariat. Elle aurait pour conséquence de soumettre les sapeurs-pompiers volontaires à des limitations en termes de cumul de temps de travail et empêcherait l’engagement de ces derniers, en ce qu’elle ne permettrait pas de dépasser quarante-huit heures de travail hebdomadaires, temps passé en astreinte compris.

Cela viendrait donc limiter considérablement le nombre de personnes pouvant s’engager et ferait passer le nombre de volontaires de 195 000 à 48 000. Cette baisse drastique du nombre de pompiers viendrait faire peser un risque accru sur les administrés, tout particulièrement en période de crise exceptionnelle telle que la crise sanitaire que nous connaissons actuellement.

Par ailleurs, la mise en œuvre de cette politique européenne obligerait à embaucher des sapeurs-pompiers professionnels supplémentaires, ce qui représenterait un coût estimé à 2,5 milliards d’euros. Les finances publiques étant déjà extrêmement mises à mal par des années de mauvaise gestion et par la crise sanitaire, il serait plus que malvenu que la France ait à supporter ces dépenses supplémentaires.

En outre, le Gouvernement s’est engagé à travailler sur l’élaboration d’une nouvelle directive européenne qui permettrait de protéger le volontariat en matière de sécurité civile, solution qui sera bien plus adaptée à la situation française que ce décret.

Aussi, madame la ministre, pouvez-vous m’indiquer pourquoi votre ministère a commencé la préparation de ce décret, alors même que le Gouvernement s’était engagé à ne pas le faire et à privilégier des négociations au niveau européen ? Avez-vous engagé ces négociations et, si oui, vont-elles dans le sens de l’élaboration d’une nouvelle directive relative aux sapeurs-pompiers volontaires, qui ne bouleverserait pas le modèle français ? Vous engagez-vous à ne pas remettre en cause le fonctionnement français de la sécurité civile, en ne le faisant pas basculer vers un modèle basé sur le salariat des sapeurs-pompiers ? Pouvez-vous enfin nous donner davantage d’informations sur le décret ? Le plafond de 800 heures est-il toujours d’actualité ? Les événements exceptionnels tels que les feux de forêt et les astreintes seront-ils comptabilisés ?

Voilà autant de questions qui attendent vos réponses !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur, je crains de ne pouvoir répondre à toutes vos questions dans le temps qui m’est imparti, mais je me tiens à votre disposition pour vous donner plus de précisions ultérieurement.

Il existe aujourd’hui un consensus partagé par une très grande majorité des acteurs sur la nécessité d’adapter notre modèle actuel de volontariat, non pas pour remettre en cause l’intégralité de son fonctionnement, alors qu’il a largement fait ses preuves, tant au quotidien que dans les crises, mais pour mieux encadrer certains points de ce modèle que nous défendons collectivement.

Il est d’ailleurs utile de rappeler à ce stade la position de la Commission européenne, qui a confirmé qu’elle n’envisageait pas de faire évoluer la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (DETT), ni de proposer une nouvelle directive consacrée aux volontaires dans les services de sécurité civile, excluant de fait toute possibilité d’exclure formellement les sapeurs-pompiers volontaires du champ de la DETT, tel que cela fut envisagé un temps, notamment par certains parlementaires.

C’est donc bien pour répondre à ce besoin de consolider notre modèle de volontariat que le ministère de l’intérieur a récemment engagé des travaux de concertation, qui doivent permettre, à la suite des échanges avec la Commission européenne, de tirer les conséquences des problématiques soulevées par certaines situations et de limiter les possibilités de qualification des sapeurs-pompiers volontaires comme travailleurs au sens de la DETT.

Nous sommes loin d’une quelconque transposition aux sapeurs-pompiers volontaires de cette directive et nous sommes convaincus que, une fois ces ajustements réalisés, le volontariat se trouvera de fait exclu du champ d’application de la DETT. Soyez assuré, monsieur le sénateur, que les impacts que vous évoquez ne constituent en rien les éléments de la concertation qui débute.

La réflexion qui s’engage doit au contraire permettre, en liaison étroite avec les services d’incendie et de secours et l’ensemble de leurs acteurs et partenaires, de disposer d’une analyse des possibles écueils et de propositions qui permettront d’alimenter, par la suite, les travaux de consolidation de notre réglementation. Vos suggestions seront aussi les bienvenues, mesdames, messieurs les sénateurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour la réplique.

M. Cyril Pellevat. Je vous remercie de ces éléments de réponse, madame la ministre. Nous sommes régulièrement sollicités par les réseaux sociaux, les professionnels et les volontaires et nous pourrons faire part de cette réalité du terrain si nous sommes associés à la réflexion.

sécurité routière

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, auteur de la question n° 1441, adressée à M. le ministre de l’intérieur.

M. Olivier Paccaud. Madame la ministre, depuis de nombreuses années, la sécurité routière est devenue une cause nationale. Même si le bilan annuel reste toujours dramatiquement élevé, avec plus de 3 000 morts, nous sommes désormais loin des hécatombes des années 1970, lorsque plus de 16 000 de nos compatriotes perdaient la vie sur les routes tous les ans.

Nos voitures sont devenues plus sûres, les routes sont aussi plus sécurisées. La ceinture de sécurité, le permis à point, les limitations de vitesse, les campagnes de prévention et la pédagogie ont porté leurs fruits ; la sanction aussi, probablement, par l’installation de radars.

Cependant, depuis quelques années, un plancher semble atteint et le nombre de décès liés à la circulation ne baisse plus. Par ailleurs, la multiplication des radars ne fait pas consensus et est ressentie par les Français non plus uniquement comme un instrument de sécurité routière, mais plutôt comme une arme fiscale déguisée. C’est ainsi que les radars sont devenus la cible prioritaire des « gilets jaunes » voilà deux ans.

Aussi, alors que de nouveaux radars « tourelles » sont en cours d’installation, ne serait-il pas judicieux d’orienter une part minime – 10 %, par exemple – des crédits consacrés à ces équipements vers la mise en place de radars pédagogiques, bien moins coûteux, mais tout aussi utiles ? Certes, ils ne rapportent pas un centime à l’État, mais ils font ralentir la plupart des automobilistes raisonnables. N’est-ce pas là le but ?

Quand on sait qu’un radar pédagogique coûte en moyenne 2 000 euros, alors que la plantation d’un radar « tourelle » est de plus de 32 000 euros, quand on sait aussi que de nombreux élus de petites communes souhaitent sécuriser la traversée de leur commune via ces machines, ne pourrait-on pas envisager la création d’enveloppes départementales spécifiquement dédiées à ces outils, par l’intermédiaire des préfectures ? Ne serait-ce pas là un bon moyen de démontrer à nos concitoyens que le Gouvernement s’intéresse plus à leur sécurité qu’à leur portefeuille ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur, les radars routiers sont d’abord un instrument de prévention. Vous l’avez rappelé : leur but est de faire ralentir les automobilistes et d’éviter un certain nombre d’accidents. La quasi-totalité des dispositifs de contrôle installés est d’ailleurs signalée par des panneaux très visibles. Les radars déployés, dont le nombre a été limité à 4 700 par une décision du comité interministériel de sécurité routière de 2015, ont d’abord une vocation préventive – j’insiste sur ce point.

Depuis l’installation d’un premier radar automatique en octobre 2003, le nombre de morts est passé de 5 731 au cours de cette même année à 3 244 en 2019 en France métropolitaine, soit une baisse de 43 % en quelques années. Selon les experts, une part très significative de cette baisse peut être directement attribuée à la politique de déploiement de ces radars.

S’il est vrai qu’ils ont aussi pour objet de permettre la constatation des infractions aux règles de vitesse et la verbalisation de leurs auteurs, ils constituent un élément fondamental de la politique de prévention des accidents de la route.

Votre affirmation d’une « multiplication » des radars est donc vraiment sujette à débat. Il a certes fallu remplacer et moderniser un certain nombre de radars entre 2019 et 2020, mais le programme des radars « tourelles », en cours de déploiement, n’a pas pour objet d’en augmenter le nombre. Il en va de même du programme d’externalisation de la conduite des voitures radars, désormais déployé dans quatre régions. Un tel déploiement, qui va se poursuivre en 2021 dans quatre nouvelles régions, a, là encore, une vocation préventive ou de remplacement.

Enfin, vous m’interrogez sur les intentions du Gouvernement concernant le comportement des conducteurs. Je vous confirme que notre intention est bien d’inciter les usagers de la route, au-delà des seuls conducteurs d’automobiles, à adopter une conduite plus apaisée et à partager plus harmonieusement l’espace public. C’est bien cet esprit qui inspire la dernière campagne de communication de la sécurité routière, largement diffusée à la télévision et sur les réseaux sociaux, qui rappelle que les transgressions quotidiennes des règles de sécurité routière se traduisent parfois par des drames.

C’est cet esprit qui guide quotidiennement les services de l’État, seuls ou en concertation avec leurs partenaires, associations ou élus locaux, pour concevoir, encadrer et organiser, chaque jour, sur le terrain, des dizaines d’actions d’éducation et de prévention sur les risques routiers, notamment dans les écoles, les collèges et les entreprises.

Permettez-moi de saluer leur engagement et leur mobilisation et de vous assurer, monsieur le sénateur, que le Gouvernement a fait le choix de poursuivre cette politique de prévention et d’éducation routière, dont les radars ne forment qu’une toute petite partie.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.

M. Olivier Paccaud. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais je ne vous ai pas entendue parler des radars pédagogiques. Je pense pourtant sincèrement qu’ils peuvent jouer un rôle en matière de prévention. La proposition – modeste – que j’avance mérite donc à mon sens d’être examinée.

Il convient d’allier prévention et sanction, efficacité et sagesse, et d’adresser un message de confiance et de responsabilité aux Français, pour qui – je le dis très sincèrement ; n’y voyez là aucune marque de cynisme ou de provocation – radar rime trop souvent avec piège, tirelire ou « pompe à fric ».

Vous dites enfin que les radars sont signalés. Or ce n’est pas le cas des radars « tourelles » dans mon département. Mieux vaudrait privilégier les outils qui permettent aux automobilistes de ralentir à l’entrée des agglomérations.

avenir des associations de récipiendaires des ordres nationaux

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, auteure de la question n° 1410, adressée à M. le Premier ministre.

Mme Sylvie Vermeillet. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur le devenir de deux associations – la Société des membres de la Légion d’honneur (SMLH) et l’Association nationale des membres de l’ordre national du Mérite – à la suite de la diminution du nombre de nouvelles personnes distinguées et de la modification des critères d’attribution.

À l’issue du conseil des ministres du 2 novembre 2017, le Premier ministre a présenté une communication relative aux ordres nationaux, par laquelle il a exprimé la volonté du Président de la République d’engager une double révision de l’attribution des plus hautes distinctions nationales : réduction des effectifs ; respect plus strict des critères d’attribution et des valeurs fondamentales de ces ordres.

L’ordre national du Mérite (ONM) et la Légion d’honneur récompensent depuis leurs origines les militaires comme les civils qui ont rendu des services éminents à la Nation.

Pour la période 2018-2020, le nombre de décorés est ainsi réduit, au titre de la Légion d’honneur, de 50 % pour les civils, 10 % pour les militaires et 25 % pour les étrangers, et, au titre de l’ordre national du Mérite, de 25 % pour les civils, 10 % pour les militaires et 20 % pour les étrangers.

Ces diminutions ne sont pas sans incidence sur les effectifs des 130 sections départementales de la Société des membres de la Légion d’honneur et des 140 sections de l’Association nationale des membres de l’ordre national du Mérite.

Combinées au fait que de nombreux récipiendaires de la Légion d’honneur et de l’ONM n’adhèrent pas à leur association respective et au fait que celles-ci sont fortement touchées par les décès de leurs adhérents vieillissants, les restrictions risquent d’accélérer l’érosion régulière des effectifs de ces associations.

Ces associations sont essentielles dans leur symbolique et pour les actions de renforcement du lien intergénérationnel qu’elles mènent ; elles distillent au quotidien les valeurs de citoyenneté et la transmission de la mémoire.

Je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir m’indiquer si une solution peut être apportée à ces associations menacées. À défaut, beaucoup d’entre elles pourraient disparaître à moyen terme.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice, je vous réponds au nom du Premier ministre, qui vous remercie de votre question. Elle est l’occasion pour le Gouvernement de rappeler son attachement et son respect pour nos deux ordres nationaux, la Légion d’honneur et le Mérite.

C’est afin de préserver leur prestige et leur qualité que le Président de la République, Grand maître de ces deux ordres, a souhaité, dès son élection, engager une double révision des modalités de leur attribution : une réduction des effectifs, ce que vous avez rappelé, mais aussi un respect plus strict des critères d’attribution et des valeurs fondamentales de ces ordres.

Vous nous interrogez sur les conséquences de ces nouvelles règles sur la pérennité des associations qui réunissent les récipiendaires de ces ordres, la Société des membres de la Légion d’honneur et l’Association nationale des membres de l’ordre national du Mérite, lesquelles mènent d’importantes actions au service de l’intérêt général – je tiens à le souligner.

Le Gouvernement souhaite, en premier lieu, souligner que ces associations sont parfaitement indépendantes et que ni le Grand maître ni le Grand chancelier n’ont à connaître de leurs actions ou de leurs comptes, les ressources de ces associations provenant avant tout des cotisations des adhérents et de divers dons et legs. Il leur est cependant loisible de faire appel à la générosité publique, en sollicitant une subvention de l’État ou des collectivités territoriales selon la procédure de droit commun applicable aux associations.

Il semble important de rappeler, en second lieu, que la baisse régulière des effectifs de ces associations – la SMLH revendique environ 45 000 membres contre 55 000 au début des années 2010 – s’inscrit moins dans un contexte de diminution du nombre de récipiendaires que dans celui d’un vieillissement des adhérents et d’un affaiblissement du taux d’adhésion à ces associations des nouveaux médaillés. Il conviendrait donc de s’interroger en priorité sur l’attractivité de ces deux associations et sur les moyens de la renforcer à court et moyen terme, comme a commencé à le faire, par exemple, la SMLH avec son projet associatif SMLH 2030, qui met l’accent sur des activités à destination des plus fragiles et des plus jeunes.

Le Gouvernement est confiant dans la capacité de ces associations à faire face aux évolutions, qu’elles soient réglementaires ou sociologiques. Elles l’ont montré par le passé, y compris à la suite de réformes beaucoup plus drastiques des critères d’attribution – je vous rappelle que le général de Gaulle avait décidé de plafonner le nombre de médaillés de la Légion d’honneur à 125 000, alors qu’ils étaient 320 000 en 1962. Le Gouvernement et les parlementaires accompagneront évidemment les associations dans ces évolutions.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour la réplique.

Mme Sylvie Vermeillet. Je vous remercie, madame la ministre, du respect que vous témoignez à ces associations. Nous leur portons nous-mêmes une grande admiration.

Je suis plus inquiète que vous sur l’évolution de leurs effectifs et je ne peux que vous recommander d’examiner cette question au cas par cas, association par association, et de leur apporter un soutien tangible. La faiblesse de leurs effectifs devient vraiment un problème aigu.

bilan de la loi mettant fin à la recherche et à l’exploitation des hydrocarbures en france

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, auteur de la question n° 1317, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.

Mme Françoise Férat. La loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures en France vient de fêter son troisième anniversaire, le 30 décembre. Votre majorité l’a décidé, monsieur le ministre : la France ne produira plus de pétrole ni de gaz naturel à partir de 2040. Cette loi découle d’une application stricte de l’accord de Paris sur le climat issu de la COP 21 – 194 pays l’ont signé ou se sont engagés à le faire. Donc acte !

Nicolas Hulot l’a affirmé dans cet hémicycle avec vigueur et certitude : la France inspirera d’autres pays dans le monde. A-t-elle été suivie dans cette interdiction d’exploitation et de recherche ? La France a-t-elle une perspective réaliste pour un monde sans pétrole et sans gaz à partir de 2040 ?

À titre d’exemple, la société ExxonMobil vient de découvrir du pétrole au Guyana, grâce à ses dix-septième et dix-huitième forages : une production a déjà démarré au rythme de 120 000 barils par jour, avec une perspective de 220 000 barils par jour dès 2022.

De fait, notre loi se cantonne aujourd’hui à la fin du made in France. Dans ce contexte, j’ai deux questions précises à vous poser, monsieur le ministre. Quels sont les pays qui ont imité la France, trois ans après l’accord de Paris ? Pouvons-nous parler de la fin des hydrocarbures dans le monde dans moins de vingt ans ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Madame la sénatrice, vous interrogez Mme Barbara Pompili, qui, ne pouvant être présente, m’a chargé de vous répondre.

La loi de 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures, que vous avez évoquée, est une mise en cohérence du droit français avec nos engagements climatiques pris dans l’accord de Paris. Elle met la France en conformité avec l’objectif de lutte contre le changement climatique, puisque, pour rester au-dessous de la limite de 2 degrés Celsius, il faut laisser la quasi-totalité des énergies fossiles dans le sous-sol.

La loi prévoit l’interdiction de l’attribution de nouveaux permis de recherche d’énergies fossiles, qu’il s’agisse de gaz ou de pétrole, ce qui mettra un terme à la recherche de nouveaux gisements. Elle limite également le renouvellement des concessions d’exploitation existantes à 2040.

La production française d’hydrocarbures, qui a été divisée par dix en quarante ans, représente aujourd’hui moins de 1 % de la consommation française. Comme les gisements actuellement exploités s’amenuisent, ne plus délivrer de nouveaux permis d’exploration conduit à une extinction progressive, mais plus rapide, de la production nationale résiduelle d’hydrocarbures.

Ainsi, alors que le nombre de permis d’exploration en cours de validité était relativement stable, de l’ordre de soixante, il a fortement chuté depuis la loi de 2017 et on n’en compte plus que dix-sept actuellement. D’ici à huit ans, il n’y aura plus de permis d’exploration d’hydrocarbures en France.

Le Danemark est actuellement le second pays de l’Union européenne à avoir programmé, récemment, la fin de l’exploration et de l’exploitation de ses ressources en hydrocarbures, notamment en mer du Nord, à l’horizon 2050.

La France étudie, sous l’égide de son représentant, l’ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique, et avec d’autres États, la possibilité de créer une alliance internationale pour une sortie du pétrole et du gaz.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, pour la réplique.

Mme Françoise Férat. Monsieur le ministre, j’entends ce que vous venez de me dire, mais vous voyez bien que l’argument « Nous interdisons d’abord chez nous, les autres suivront » – il paraissait déjà très hasardeux à l’époque – ne tient pas !

Nous allons continuer à consommer des hydrocarbures pendant longtemps, certainement au-delà de 2040 – bien sûr, je le regrette autant que vous ! –, et ils seront produits en dehors de nos frontières dans des conditions environnementales que nous ne tolérerions pas chez nous et avec un bilan carbone important en raison du transport.

Nous avons le même objectif, monsieur le ministre, et nous serons d’accord, si plus une seule goutte de pétrole n’est utilisée. Vous l’avez bien compris, je défends non pas le pétrole, mais tout simplement l’économie française !

avenir des moulins à eau

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, auteure de la question n° 1337, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.

Mme Corinne Imbert. Ma question porte sur les difficultés rencontrées par les propriétaires de moulins à eau.

Le 30 juin 2020, le Premier ministre de l’époque, Édouard Philippe, a accéléré le processus de destruction des moulins en eau, en autorisant par décret le passage d’un régime d’autorisation à un régime de déclaration concernant la démolition des barrages des moulins.

Cette démarche serait censée favoriser la préservation de certaines espèces aquatiques et ainsi présenter des vertus en matière de biodiversité et de continuité écologique sur le long terme.

Ces moulins à eau, pour beaucoup vestiges de l’époque médiévale, possèdent un potentiel non négligeable en matière d’hydroélectricité. De plus, les aménagements demandés pour leur maintien sont particulièrement onéreux pour les propriétaires. Enfin, les moulins à eau ont un rôle prépondérant en matière d’irrigation des plans d’eau.

Il conviendrait alors de s’intéresser aux véritables raisons qui menacent notre faune aquatique et non pénaliser les propriétaires de moulins à eau, acteurs séculaires de l’équilibre entre l’activité humaine et la préservation de l’environnement.

Entre 10 000 et 20 000 seuils et barrages pourraient être concernés à terme par ces destructions.

Monsieur le ministre, j’aimerais savoir si le Gouvernement entend revenir sur cette décision et entreprendre une concertation visant à déboucher sur une solution respectueuse de l’environnement, de nos traditions et de notre patrimoine historique. N’est-ce pas, une nouvelle fois, une surinterprétation de directive européenne ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Madame la sénatrice, vous interrogez Mme Barbara Pompili, qui, ne pouvant être présente, m’a chargé de vous répondre.

La restauration de la continuité écologique des cours d’eau nécessite de concilier plusieurs enjeux qui semblent parfois contradictoires. Le Gouvernement a lancé en juin 2018 un plan d’action pour une mise en œuvre apaisée, après une large concertation de toutes les parties prenantes. Priorisation des ouvrages, meilleure prise en compte des enjeux patrimoniaux et sportifs, concertation renforcée, implication des collectivités locales, financements : de nombreuses actions sont en cours de déploiement.

Dans un contexte de réchauffement des eaux et d’état critique pour la biodiversité aquatique, cette politique reste une priorité – elle a d’ailleurs été réaffirmée lors des assises de l’eau en 2019, avec l’objectif de restaurer 25 000 kilomètres de cours d’eau d’ici à 2022. À l’échelon européen, c’est l’une des mesures phares de la stratégie en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030.

Le décret du 30 juin 2020, auquel vous faites référence, n’est pas un décret anti-moulins : il permet de simplifier les procédures de travaux, en améliorant la qualité des cours d’eau et des écosystèmes dans une logique d’accélération attendue par nos concitoyens.

Tous les petits barrages, dont les seuils de moulins, peuvent avoir un impact significatif sur la migration des poissons et des sédiments et les écosystèmes d’eau douce. Il n’y a donc aucune raison objective d’exclure les seuils de moulins des obligations de réduction de leurs impacts.

Cependant, il n’y a pas d’incompatibilité entre cette ambition et la sauvegarde de notre patrimoine local lié à l’eau. Différentes possibilités de restauration de la continuité écologique existent ; la concertation locale permet d’identifier la meilleure solution au cas par cas, en prenant en compte les contraintes et les opportunités locales, qu’il s’agisse de la valeur historique, touristique ou énergétique ou des usages de loisir de l’ouvrage considéré.

S’agissant plus particulièrement de la petite hydroélectricité, le soutien à cette filière fait partie des objectifs de la politique énergétique. Afin de réduire les impacts environnementaux, la programmation pluriannuelle de l’énergie affiche une priorité à l’équipement de seuils existants, dans le respect de la restauration des milieux aquatiques, plutôt qu’à la création de nouveaux seuils.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.

Mme Corinne Imbert. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Vous l’avez dit vous-même, cette question soulève plusieurs enjeux contradictoires.

Concernant la migration des poissons, la localisation des moulins à eau ne permet pas toujours la mise en place d’un contournement de la rivière pour, à la fois, maintenir le barrage du moulin et faciliter la migration des poissons.

En général, je suis plutôt favorable à la simplification, mais je me pose toujours la question de savoir ce qui est essentiel – c’est d’ailleurs une question que nous devrions nous poser pour toutes les politiques publiques !

Le décret de simplification de juin 2020 est une décision politique qui va contribuer à détruire des paysages et un patrimoine séculaire. Il donne les pleins pouvoirs aux agences de l’eau, lesquelles pourront se passer d’une enquête publique et d’une étude d’impact pour araser ces barrages – c’est ce qui me dérange.

Je partage évidemment votre remarque sur la concertation locale. Les acteurs locaux, qu’ils soient politiques ou administratifs, sont certainement les mieux à même de déterminer ce qui doit être détruit et ce qui doit être conservé, ainsi que les aménagements à réaliser.

Sachez en tout cas, monsieur le ministre, que nous serons très attentifs à ce sujet en Charente-Maritime !

définition de la réglementation environnementale 2020

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, auteure de la question n° 1364, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.

Mme Annick Billon. Monsieur le ministre, la rénovation énergétique des bâtiments est l’un des piliers de la relance verte envisagée par le Gouvernement pour tenir les engagements de la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.

Diminuer l’impact carbone des bâtiments, poursuivre l’amélioration de leurs performances énergétiques et en garantir la fraîcheur pendant les étés caniculaires figurent parmi les objectifs de la future réglementation RE 2020, qui se veut ambitieuse et exigeante.

L’intention d’appliquer l’indicateur d’analyse du cycle de vie dynamique au sein de cette réglementation apparaît comme une évolution favorable pour de nouveaux matériaux. Ainsi, les constructions qui utilisent le bois et les isolants biosourcés auraient voix au chapitre dans le grand chantier visant à lutter contre les passoires thermiques.

Cependant, cette évolution réglementaire aura une incidence majeure sur le développement de la filière, car elle nécessitera des investissements industriels importants pour pouvoir répondre à l’offre de marché, des investissements semblables à ceux qui ont été effectués en Vendée, voilà déjà plusieurs années, par des acteurs comme la coopérative agricole Cavac pour le chanvre, Igloo pour la ouate de cellulose ou encore Hoffmann pour le ciment décarboné.

Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous me préciser dans quelle mesure le bilan carbone favorable des matériaux biosourcés sera pris en compte dans la réglementation RE 2020 et quel plan de relance vous envisagez pour aider les entreprises de la filière végétale, essentiellement des PME, à investir afin d’augmenter les capacités de production française ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Madame la sénatrice, vous interrogez Mme Barbara Pompili, qui, ne pouvant être présente, m’a chargé de vous répondre.

Un contentieux oppose depuis plus de vingt ans deux fabricants de matériaux isolants représentatifs de deux technologies – isolant mince et isolant épais. Les performances respectives de leurs produits en situation réelle de pose sont en question. Certains médias qui s’en sont fait l’écho ont évoqué, à tort, un scandale de l’« isolgate ».

Ce sujet aura toutefois eu le mérite de mettre en avant le fait que les conditions de pose des isolants doivent respecter certaines règles pour que leurs performances soient pérennes. C’est pourquoi le Gouvernement a conditionné la délivrance des aides à la pose d’un système global d’isolation comportant également des dispositifs de protection et a renforcé, pour les entreprises qui posent ces isolants, les critères de qualification du label Reconnu garant de l’environnement (RGE).

La ministre chargée du logement a par ailleurs demandé à disposer d’éléments objectifs pour mieux connaître le comportement de ces matériaux dans la durée ; le centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) y travaille.

S’agissant de l’élaboration de la prochaine réglementation environnementale 2020 des bâtiments neufs (RE 2020), elle permettra d’aller plus loin que les précédentes réglementations thermiques. Le ministère du logement est chargé de définir les exigences de la future réglementation avec l’appui des meilleurs experts du domaine au CSTB, à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), ainsi que dans des bureaux d’études indépendants sélectionnés par appel d’offres.

Les concertations menées ces derniers mois ont été très transparentes. Elles ont fait l’objet d’un contrôle par des professionnels choisis au sein du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique, qui réunit toute la filière. L’ensemble des contributions réalisées dans ce cadre est public et accessible. Vous pouvez donc être assurée du plein engagement du Gouvernement pour que la RE 2020 soit le fruit de ce processus indépendant, transparent et fondé sur une expertise reconnue, au service du confort thermique dans les bâtiments et de la transition écologique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.

Mme Annick Billon. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Vous avez prononcé le mot « isolgate », ce que je ne m’étais pas permis de faire.

Vous avez parlé d’indépendance, de transparence. C’est ce que souhaitent les acteurs de ce secteur. Compte tenu des études qui existent et de l’expertise que nous avons, nous savons que les matériaux biosourcés et le bois ont des performances exceptionnelles qui ne sont pas à remettre en question. Il ne s’agit pas, bien entendu, d’opposer le minéral au végétal.

De nombreuses entreprises sont déjà lancées dans cette transition et utilisent ces matériaux. Il est urgent de mieux les accompagner. Je vous ai cité tout à l’heure deux d’entre elles, il y en a bien d’autres – je pense par exemple aux établissements Cougnaud, qui sont intervenus, ici même, dans la cour d’honneur du Sénat, et à la société Boisboréal, basée à Coex. Ces entreprises sont nombreuses ; elles attendent votre soutien !

contournement est de rouen

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteure de la question n° 1388, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le ministre chargé des transports, je souhaite attirer votre attention sur l’évolution du projet de contournement est de Rouen par la liaison entre les autoroutes A28 et A13.

Chaque jour, 40 000 véhicules, dont 5 000 poids lourds et 800 camions nocturnes transportant des matières dangereuses, saturent les axes routiers de l’agglomération rouennaise.

Face à la dégradation des conditions de vie qu’entraînent pollutions atmosphérique et sonore, aux entraves à la libre circulation des habitants des communes limitrophes et à la paralysie de l’activité économique, l’État et les collectivités territoriales – la région Normandie, dont je suis élue, la métropole rouennaise et le département de la Seine-Maritime – ont conclu, en 2017, un contrat d’investissement de 886 millions d’euros pour ce chantier.

Au-delà de l’intérêt pour la métropole de Rouen et son désenclavement, le contournement est constitue avant tout un projet structurant majeur pour la Normandie. En effet, on constate aujourd’hui que la traversée de ce territoire est le goulet d’étranglement de l’axe autoroutier Nord-Sud-Ouest européen, qui relie Stockholm à Gibraltar. La création de cette liaison A28-A13 connectera enfin la métropole rouennaise, et donc toute la Normandie, au reste de l’Europe : c’est une réelle chance pour l’économie du territoire métropolitain et la région.

En tant que partie prenante, monsieur le ministre, l’État a également identifié l’intérêt stratégique que revêt le projet de contournement est de Rouen, en y apportant un investissement de 245 millions d’euros. Celui-ci s’inscrit en complémentarité du plan de relance présenté par le Gouvernement en faveur des mobilités durables, du fret ferroviaire et fluvial via l’axe Seine et des infrastructures de transport.

Le 19 novembre 2020, le Conseil d’État a rejeté sans ambiguïté les treize requêtes déposées contre le projet, en relevant notamment que les études d’impact environnemental avaient été particulièrement respectées. Tous les voyants sont désormais au vert !

Aussi, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir si l’État réaffirme cette nécessaire ambition, et connaître ses intentions pour faire aboutir ce projet rapidement.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Madame la sénatrice Morin-Desailly, vous m’interrogez à propos du projet de contournement est de Rouen, qui consiste en un tracé neuf de 40 kilomètres destiné à relier les autoroutes A28 et A13 et décongestionner ainsi la métropole rouennaise. Je connais bien ce projet et j’ai très récemment eu l’occasion de m’en entretenir avec M. le maire de Rouen.

Ce projet a fait l’objet de nombreuses concertations depuis dix ans. La déclaration d’utilité publique (DUP) a été délivrée le 14 novembre 2017 après un avis favorable du Conseil d’État. Les collectivités parties prenantes – la métropole de Rouen, le département de la Seine-Maritime et la région Normandie – avaient confirmé leurs engagements financiers en 2017 pour 50 % de la subvention d’équilibre. L’État a également confirmé le sien – il correspond à l’autre moitié du financement – dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités.

Ce projet autoroutier a été retenu parmi ceux à engager dans la décennie et l’État se tient prêt à lancer la procédure de concession d’ici à la fin 2022.

Toutefois, un important débat est apparu lors des élections municipales de 2020 à Rouen ; des interrogations ont notamment été soulevées sur les impacts environnementaux du projet. Je tiens à préciser que de nombreuses garanties ont été prises, notamment en matière de compensation, avec déjà 329 hectares de terres agricoles mises en réserve et l’ambition de replanter quatre arbres pour un déraciné. En outre, une attention particulière au suivi des nuisances sonores a été intégrée.

Madame la sénatrice, le projet ne se fera pas contre les collectivités locales. Nous avons besoin d’y voir clair rapidement sur la position de chacune d’entre elles. C’est pourquoi le préfet a demandé aux trois collectivités partenaires de délibérer pour confirmer ce choix dans les semaines à venir. Nous attendons leur retour !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je vous remercie, monsieur le ministre, parce que vous avez été très clair : vous avez réaffirmé l’intérêt stratégique majeur de cette infrastructure routière et, en même temps, vous avez levé toute question relative à son impact environnemental. Je vous en remercie vivement.

Au moment où les choses sont en train de se conclure, le préfet a en effet demandé aux collectivités de se positionner. Le département de la Seine-Maritime l’a fait fermement le 14 janvier dernier. La région le fera le 15 février et la métropole le 8 février.

Il est important de rappeler à ceux qui nous écoutent que ce projet s’inscrit dans une démarche de transition écologique, puisqu’il s’accompagnera d’une réflexion d’ensemble sur les modes alternatifs et doux. Il faut regarder ce projet extrêmement important dans un cadre global. Nous sommes à un moment particulièrement stratégique de ce projet et je vous remercie, monsieur le ministre, d’en avoir rappelé la nécessité.

délais d’instruction des demandes de création d’unités de méthanisation

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon, auteur de la question n° 1403, transmise à Mme la ministre de la transition écologique.

M. Laurent Somon. Monsieur le ministre, je souhaite aujourd’hui vous alerter et vous interroger au sujet du soutien de l’État aux acteurs de la filière de gaz « vert ».

Le plan de relance économique France relance veut faire de l’écologie l’une des grandes priorités du quinquennat ; nous ne pouvons que toutes et tous nous en réjouir. En effet, réduire l’empreinte carbone est indispensable.

Alors, pourquoi entendons-nous trop souvent dans nos territoires que les délais sont trop longs et que les aides se font attendre ?

Dans mon département de la Somme, la société par actions simplifiée (SAS) Agri Bio Énergies a démarré la construction d’une unité de méthanisation au mois de septembre, après avoir obtenu le permis de construire et les autorisations nécessaires pour les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), mais elle n’en voit aujourd’hui que partiellement le bout, cinq mois après !

En effet, cette entreprise a rencontré une difficulté majeure, qui a mis en péril l’issue et la concrétisation de ce projet de plus de 7 millions d’euros.

Après avoir sollicité pendant plusieurs mois GRDF afin d’obtenir le contrat de raccordement au réseau, la SAS était toujours en attente de celui-ci à l’aube de l’ouverture du chantier. On lui avait pourtant assuré que pour le 15 octobre ils disposeraient du contrat, celui-ci étant gage de validation du déblocage des fonds bancaires nécessaires à la construction.

Cependant, quelle ne fut pas la surprise des responsables de l’entreprise quand ils ont appris quelques jours plus tard que les règles de gestion d’accès au réseau de gaz avaient changé depuis quelques jours, malgré le droit à l’injection, et que toutes les dispositions et obligations étaient désormais régies par la Commission de régulation de l’énergie – elle vient enfin, semble-t-il, de délibérer de manière positive sur ce dossier.

Cette lenteur et cette lourdeur administratives ont mis la SAS Agri Bio Énergies en situation de ne pas pouvoir régler ses fournisseurs pour les premiers travaux effectués – on parle tout de même de 600 000 euros !

Cette situation n’est pas unique dans la Somme, ni même en France. Alors, soyons attentifs, car, dans un contexte de grave crise sanitaire et économique, il paraît inconcevable de laisser les sociétés agricoles abandonner ces projets vertueux. D’autres attendent confirmation des subventions de l’Ademe, qui conditionnent la finalisation du plan de financement de leur projet.

Entre-temps, une autre annonce gouvernementale est venue perturber la filière, puisque, à la fin de l’année dernière, Mme la ministre de la transition écologique déclarait qu’à l’été 2021 il ne serait plus possible de construire de nouvelles maisons individuelles exclusivement chauffées au gaz.

Comment expliquer à ceux qui investissent pour produire du gaz « vert » que les habitations neuves ne pourront plus être chauffées au gaz ? D’un côté, on incite les Français à produire et consommer de manière vertueuse, alors que, de l’autre, on va les empêcher de se chauffer au gaz !

Je me fais aujourd’hui le porte-voix de toutes les structures agricoles qui peinent à voir leurs dossiers avancer. Monsieur le ministre, vous le savez, beaucoup de nos concitoyens et d’agriculteurs ont des difficultés et ne se relèveront pas.

Ma question est donc simple : y a-t-il une réelle volonté à court terme de développer les énergies renouvelables issues de la biomasse ? Que comptez-vous faire pour aider ces entreprises et plus largement la filière agricole qui souffre ? Pour cette filière, la méthanisation est une source de diversification ; pour les territoires, elle est une source d’autonomie énergétique et de production circulaire d’énergie.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Monsieur le sénateur, vous interrogez Mme Barbara Pompili, qui, ne pouvant être présente, m’a chargé de vous répondre.

Le Gouvernement est pleinement engagé dans le développement de la filière de production du biométhane. Créé en 2018 par la loi dite Agriculture et alimentation, le dispositif d’aide au renforcement des réseaux fait partie des outils mis en œuvre pour soutenir cette filière. Ce dispositif permet de faciliter le raccordement des projets d’installation de production de biométhane à un réseau gazier, en faisant supporter les coûts des renforcements nécessaires des réseaux de gaz naturel par les tarifs d’utilisation de ces réseaux plutôt que par les producteurs de biométhane.

L’objectif ambitieux de développement de la production de biométhane passe par un usage efficient et maîtrisé des dispositifs de soutien. C’est pourquoi le dispositif d’aide au renforcement des réseaux comprend un mécanisme de vérification par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) de la pertinence de ces projets de renforcement.

La CRE a mis en place un mécanisme de vérification reposant sur des zonages de raccordement. Ces zonages visent à rechercher, pour chacun des territoires concernés, le schéma de réseau le plus pertinent pour le raccordement des installations de production de biométhane.

Si un délai est initialement nécessaire pour l’élaboration des zonages, ces derniers permettent ensuite de faciliter et d’accélérer la vérification des projets de renforcement des réseaux de gaz naturel nécessaires pour le raccordement d’installations de production de gaz « vert ».

Au cours des six derniers mois, cent cinquante zonages ont d’ores et déjà été validés par la Commission de régulation de l’énergie, une nouvelle délibération étant prévue cette semaine pour une quarantaine de zonages additionnels. Ces projets représentent un investissement cumulé d’environ 100 millions d’euros.

réalisation de la ligne 17 et impacts du calendrier sur la ville de tremblay-en-france

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, auteur de la question n° 1406, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, si la Seine-Saint-Denis jouxte Paris, il s’agit pourtant d’un territoire dont certaines zones sont totalement enclavées, l’offre de transports en commun étant, vous le savez bien, insuffisante et couvrant mal le territoire.

Ainsi, le RER B – nous parlons en connaissance de cause, beaucoup de nos collègues du groupe CRCE en étant des usagers quotidiens – transporte près d’un million de voyageurs par jour, ce qui en fait la deuxième ligne d’Europe. Cette saturation entraîne des incidents, des ralentissements et des retards à répétition. Cela handicape fortement les usagers dans leur vie professionnelle et personnelle.

Conséquence de cette offre de transports insuffisante, l’utilisation de véhicules personnels occasionne un engorgement des routes, notamment de l’autoroute A1, avec la pollution qui l’accompagne. Par exemple, il faut savoir que 76 % des salariés de la zone aéroportuaire utilisent leur véhicule pour les trajets du domicile au travail.

L’amélioration de l’offre de transports est donc fondamentale pour le quotidien des Séquanodionysiens. C’est particulièrement vrai pour les Tremblaysiennes et les Tremblaysiens, qui attendent la nouvelle ligne 17 du métro. En effet, cette ligne permettra de désengorger les transports existants, l’autoroute, et de fournir une solution alternative aux salariés des bassins d’emploi du Parc des Expositions, d’Aérolians et de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle.

Certes, nous pensons qu’il faut abandonner la station du Triangle de Gonesse, située en plein champ et dans une zone interdite à l’habitat, non seulement pour laisser ces terres fertiles disponibles pour des projets respectueux de l’environnement, mais également pour éviter d’ouvrir la voie à de grands projets de construction nocifs pour l’environnement. Nous pensons bien sûr à EuropaCity.

En revanche, la ligne 17 dans son ensemble, hormis cette station, est absolument nécessaire.

Aussi, monsieur le ministre, les Tremblaysiennes et les Tremblaysiens, mais également tous les territoires concernés par le parcours de la ligne 17 et ses correspondances, ont besoin de savoir si le calendrier initial de mise en circulation de la ligne 17 pour 2030 est maintenu, et si la mise en service de la station Parc-des-Expositions-Tremblay-Villepinte est toujours prévue pour 2028. Si ce calendrier n’est plus d’actualité, quelles sont les nouvelles échéances ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Monsieur le sénateur Gay, vous interrogez le Gouvernement à propos de la réalisation de la ligne 17, notamment, et du futur métro Grand Paris Express.

Ce projet est en effet une priorité du Gouvernement et des acteurs locaux. Le Grand Paris Express avance ! Plus de 40 kilomètres sur les 200 prévus ont déjà été creusés et 20 milliards d’euros ont été engagés. Les premiers tronçons devraient être livrés entre 2024 et 2030. Je reviendrai dans un instant plus précisément sur le calendrier de la ligne 17.

La crise sanitaire que nous traversons a évidemment perturbé l’échéancier de réalisation. Nous travaillons notamment sur des scénarios alternatifs, afin que le premier tronçon de la ligne 16 entre Saint-Denis-Pleyel et Le Bourget-RER soit, par exemple, bien ouvert pour les jeux Olympiques de 2024. Des études sont en cours afin de réévaluer les priorités et le phasage du projet. Les résultats seront connus d’ici à l’été prochain.

Concernant la ligne 17, j’avais annoncé l’été dernier le report après les jeux Olympiques de son premier tronçon entre Le Bourget-RER et Le Bourget-Aéroport. Par ailleurs, comme vous le savez, il convient de rester attentif aux suites d’un recours contentieux contre l’autorisation environnementale de la ligne 17, qui pourrait compromettre les échéances.

Ainsi, s’agissant des autres tronçons entre Le Bourget-Aéroport et Le Mesnil-Amelot, il est encore trop tôt pour évaluer les impacts éventuels de la crise sanitaire et du contentieux en cours sur la mise en service, prévue à ce jour entre 2027 et 2030 selon les sections.

Toutefois, je peux d’ores et déjà vous confirmer que la réalisation de la ligne 17 est maintenue telle qu’elle est prévue au schéma d’ensemble du Grand Paris. Cette ligne de 27 kilomètres traversera bien 13 communes dans les départements de la Seine-Saint-Denis, du Val-d’Oise et de la Seine-et-Marne et facilitera le quotidien de près 565 000 habitants.

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour la réplique.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais je ne peux pas entendre l’explication selon laquelle le covid aurait ralenti les travaux, alors que, dans le même temps, en pleine crise, vous avez relancé les travaux du Charles-de-Gaulle Express. Il faut abandonner cette ligne, mettre plus de moyens pour les usagers du RER B et finir toutes les lignes du Grand Paris. Les habitantes et les habitants de la Seine-Saint-Denis ont droit à l’égalité républicaine, donc à des transports en commune de qualité, car ils paient leur pass Navigo au même titre et au même tarif que les Parisiens.

projet du barreau paris-laon

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, auteur de la question n° 1411, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.

M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le ministre, ma question porte sur la « virgule Roissy ». Il s’agit d’un projet de tronçon ferroviaire de 6 kilomètres qui permettra de raccrocher Roissy à la ligne de chemin de fer Paris-Soissons-Laon-Hirson.

L’intérêt, il est pour les Axonais, qui pourront avoir accès à Roissy et à ses zones d’activité, et donc y trouver du travail. L’intérêt, il est pour ceux qui arriveront à Roissy et qui pourront utiliser cette ligne pour aller visiter la nouvelle Cité internationale de la francophonie.

Ce projet de 6 kilomètres est un enjeu structurant, essentiel et vital non seulement pour le sud, mais aussi pour l’ensemble du département de l’Aisne.

On le sait, il y a beaucoup de dossiers lourds qui ne font pas toujours l’unanimité ; là, on peut dire, pour le coup, que les élus et tous les acteurs sont derrière ce projet.

Dans le contrat de plan État-région (CPER) actuel, une somme de 150 000 euros est fléchée pour la réalisation des études, auxquelles participent la région et l’État ; mais, monsieur le ministre, pouvez-vous réaffirmer la volonté du Gouvernement d’inscrire dans le prochain CPER les travaux de raccordement de cette « virgule Roissy » ? Tant que je suis sur les CPER, j’aimerais savoir quand ils seront signés.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Monsieur le sénateur Verzelen, tout d’abord, je veux vous assurer de mon attention toute particulière au désenclavement des territoires peu desservis par les différents modes de transport, sujet que je connais bien. Les transports du quotidien sont au cœur de la politique de ce quinquennat et le mode ferroviaire fait l’objet d’un soutien sans précédent. Dans ce cadre, j’ai bien pris acte du souhait des élus locaux d’améliorer la desserte ferroviaire entre l’Aisne et l’Île-de-France.

Toutefois, la question d’un nouveau barreau ferroviaire entre la ligne Paris-Laon et la ligne à grande vitesse d’interconnexion menant à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle se pose à plus long terme.

L’opportunité de ce projet a été analysée dans le cadre d’une étude exploratoire sur l’accessibilité de l’Aisne à l’Île-de-France, menée en 2013 dans le cadre du CPER 2007-2013. Cette dernière avait évoqué plusieurs pistes d’action, dont la réalisation de ce nouveau barreau, pour un coût minimum de 110 millions d’euros, mais aussi l’amélioration des dessertes et des correspondances avec le réseau francilien ou encore celle de l’infrastructure de la ligne Paris-Laon.

Dans la continuité de cette première étude, j’entends la nécessité de mettre à jour et d’approfondir l’analyse fonctionnelle et technique d’un tel projet. À ce titre, je vous confirme l’engagement de l’État, au côté de la région Hauts-de-France, à hauteur de 150 000 euros en 2021, pour financer l’étude correspondante. Ce financement démontre l’attention que l’État porte au développement économique et à l’attractivité du territoire axonais. Cette étude viendra également alimenter les réflexions globales à conduire sur l’ensemble des opérations prévues sur le réseau nord, en particulier au sein de la plateforme « Services et Infrastructures » dédiée, qui réunit toutes les parties prenantes : État, collectivités et SNCF Réseau.

Sur cette partie du réseau, comme vous le savez, le Président de la République et le Gouvernement ont d’ores et déjà défini comme prioritaire pour les cinq années à venir le projet de liaison ferroviaire Roissy-Picardie, dont l’enquête publique se tiendra au premier trimestre 2021.

barrage de sivens

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, auteur de la question n° 1420, transmise à Mme la ministre de la transition écologique.

M. François Bonhomme. Monsieur le ministre, ma question porte sur le projet de territoire du bassin versant du Tescou, en particulier sur le projet de retenue sur le site de Sivens, abandonné en catimini en 2015.

Depuis, les associations écologistes, les agriculteurs, les syndicats agricoles, les élus et membres de l’instance dite de coconstruction tentent de trouver un consensus sur ce dossier devenu sensible.

Durant les quatre ans qui viennent de s’écouler, près de 200 réunions et groupes de travail se sont succédé. Pourtant, les décisions tardent encore à venir.

Chacun s’accorde cependant à reconnaître l’existence de tensions sur l’eau et les milieux aquatiques. Le territoire et les cours d’eau sont en effet en souffrance depuis de nombreuses années. Ainsi, l’eau du Tescou est médiocre en qualité et en quantité.

Il est donc indispensable de trouver les moyens d’une gestion équilibrée de la ressource en eau sur ce secteur.

Le projet demeure au point mort cinq ans après, alors qu’il se révèle plus que jamais nécessaire de clarifier les besoins agricoles de dizaines d’agriculteurs de ce territoire des départements de Tarn-et-Garonne et du Tarn.

Je vous demande donc de bien vouloir m’indiquer, monsieur le ministre, les mesures envisagées par le Gouvernement afin de lancer enfin la phase opérationnelle, c’est-à-dire une phase de réalisation, visant à permettre une meilleure gestion des ressources sur ce secteur.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Monsieur le sénateur, vous interrogez Mme Barbara Pompili, qui, ne pouvant être présente, m’a chargé de vous répondre.

Je tiens tout d’abord à saluer le travail de concertation mené ces dernières années par l’ensemble des parties prenantes, travail qui a permis, après la mort tragique de Rémi Fraisse, de donner un sens à l’après-Sivens au travers d’un nouveau projet de territoire pour la gestion de l’eau sur le bassin versant du Tescou.

Le projet initial avait provoqué de vives contestations locales, car il prévoyait de stocker 1,5 million de mètres cubes d’eau pour de l’irrigation et du soutien d’étiage. Il aurait ainsi conduit à la destruction de 13,4 hectares de zones humides. Dans cette configuration initiale, il a été abandonné par le conseil départemental, qui a été indemnisé par l’État. Un nouveau cadre de réflexion préalable à la construction d’un ouvrage a donc été défini à partir d’une concertation locale.

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Conformément au processus de concertation promu par le Gouvernement, les travaux menés ont permis d’établir un diagnostic de la ressource en eau disponible, de préciser les besoins pour l’agriculture en s’inscrivant dans une logique de transition agroécologique, de recherche de valeur ajoutée et de revenus satisfaisants pour ce territoire, constitué majoritairement de petites exploitations en polyculture élevage avec des revenus modestes, comme le démontrent les différentes études.

Il reste aujourd’hui à finaliser les discussions, sous l’égide de la préfète et de l’agence de l’eau. Mme la ministre a entendu l’impatience de certains acteurs, et nous la comprenons, mais nous devons prendre le temps d’aboutir sur un compromis à la hauteur du travail accompli dans le cadre de la concertation qui s’est tenue ces derniers mois.

Mme la ministre tient à réaffirmer son engagement et celui du ministre de l’agriculture quant à la mise en œuvre opérationnelle d’un nouveau projet de territoire, conciliant enjeux environnementaux et agricoles. S’agissant de la création d’un ou plusieurs ouvrages pour mobiliser la ressource en eau, en complément de l’optimisation des retenues déjà existantes et d’économies d’eau, le volume d’eau stocké devra être calibré au plus juste, en réduisant ses impacts sur le milieu à ce que la loi permet.

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour la réplique.

M. François Bonhomme. Merci, monsieur le ministre. Évidemment, j’aurais préféré que Mme Pompili me réponde en chair et en os, si j’ose dire, parce que je ne souscris aucunement à l’historique qui vient d’être fait. Ce n’est pas simplement le conseil départemental qui a annulé ; c’est l’État, en catimini, qui a pris un arrêté d’abandon, tenez-vous bien, le 24 décembre 2015. Quand on prend un arrêté un tel jour, c’est que l’on ne cherche pas à faire beaucoup de publicité autour…

Depuis, il ne s’est pas passé grand-chose. On a cherché le consensus en mettant en place une instance dite de coconstruction – c’est la mode ! – et en reconnaissant des groupes écologistes dont la représentativité est vraiment sujette à caution. Il y a également eu 700 000 euros d’études supplémentaires, alors que les études préalables avaient déjà été faites. L’instance de coconstruction coprésidée par deux élus a fait des propositions consensuelles qui ont été mises sur la table. On attend toujours que l’État tranche, mais il ne le fait pas. Or c’est bien de sa responsabilité.

Monsieur le ministre, je rappelle que l’enjeu, c’est quand même l’irrigation, le développement du territoire. Le temps que nous perdons est très préjudiciable aux agriculteurs, qui attendent et qui se fatiguent. Il ne faudrait pas que se joue une espèce de comédie au terme de laquelle, à force d’épuisement, nous finirions pas renoncer à tout.

situation de la structure mobile d’urgence et de réanimation du centre hospitalier agenais

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, auteur de la question n° 890, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Mme Christine Bonfanti-Dossat. Monsieur le secrétaire d’État, je suis interpellée par le SAMU (service d’aide médicale urgente) d’Agen à la suite des récentes décisions de l’agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine, qui a décidé de restreindre la collaboration des médecins libéraux au sein du centre de réception et de régulation des appels du SAMU aux seules interventions covid-19.

Lorsqu’un système fait ses preuves, le bon sens commande de lui octroyer les moyens humains nécessaires pour se renforcer. En temps normal, comme en temps de crise, la collaboration exemplaire ville-hôpital au sein de ce centre de régulation a justement fait ses preuves. Pourtant, aujourd’hui, elle est mise à mal.

Les personnels du SAMU 47 ne comprennent pas les récentes décisions de l’ARS et je me joins à leur incompréhension. Faut-il vous rappeler que les médecins urgentistes sont déjà soumis à une activité à flux tendu non seulement au SAMU, mais également dans leur exercice quotidien aux urgences de l’hôpital d’Agen et pour le compte des SMUR (structures mobiles d’urgence et de réanimation) d’Agen et de Nérac ? L’intervention de leurs collègues généralistes est donc primordiale.

La possibilité de retirer des plages horaires en régulation médicale pour la médecine libérale deviendrait alors un véritable non-sens.

En maintenant ces décisions, c’est en même temps l’expertise, l’expérience, le savoir et les passions que vous tuez à petit feu. Le SAMU de Lot-et-Garonne est un modèle de réussite. C’est en effet le seul SAMU de France qui gère de façon autonome et partagée l’articulation territoriale toutes les nuits, et parfois la journée, tout en assurant la régulation supradépartementale pour le Gers en lieu et place des médecins du SAMU 32.

Monsieur le secrétaire d’État, nous savons que cette organisation sera pérennisée jusqu’au 9 février, mais nous aimerions savoir quelle décision le Gouvernement compte prendre pour donner à ce centre de régulation les moyens humains nécessaires à son bon fonctionnement.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la sénatrice Christine Bonfanti-Dossat, je vais vous répondre précisément. Auparavant, alors qu’un mouvement de libération de la parole important a cours sur les réseaux sociaux, avec #MeTooInceste, je me permets de vous rappeler le déplacement que j’ai fait à Agen dans la maison d’accueil du docteur Jean Bru, seule structure en France qui s’occupe de jeunes filles victimes d’inceste. Je garde évidemment un souvenir poignant des échanges que j’ai pu avoir avec certaines de ses pensionnaires.

J’en viens à la question que vous évoquez. Vous le savez, les difficultés des structures d’urgence sont pour partie liées à l’augmentation continue du nombre de passages, qui a doublé en vingt ans sur le territoire, mais aussi à la démographie des médecins urgentistes et aux difficultés à trouver des lits. Nous y répondons par le déploiement du pacte de refondation des urgences, réaffirmé récemment dans le Ségur de la santé, et de ses douze mesures clés. Je pense notamment à la coordination entre hôpital et médecine de ville, un des enjeux principaux, qui, je le crois, fait ses preuves depuis le début de la crise sanitaire.

En ce qui concerne votre territoire, des mesures de soutien ont été apportées aux « SAMU-Centres 15 » par l’ARS dès le début de la crise. En février, l’ARS validait un renforcement de la régulation libérale, notamment étendue à des périodes hors horaires de permanence de soins ambulatoires, et avec un forfait de régulation revalorisé sur ces tranches horaires de 70 euros à 92 euros de l’heure. Ce dispositif exceptionnel a été prolongé jusqu’à ce jour, tant la mobilisation des médecins libéraux s’est avérée précieuse pour faire face à l’augmentation du nombre d’appels.

Ces mesures de soutien se sont traduites par un effort financier majeur, à hauteur de 2 millions d’euros sur la période de mars à décembre 2020 en région Nouvelle-Aquitaine, soit une augmentation de 25 % de l’enveloppe régionale dédiée à la régulation libérale en temps normal. Dans le département de Lot-et-Garonne, cela représente une hausse de 46 % des moyens consacrés chaque année.

Afin de pouvoir adapter les ressources au regard de l’évolution de la situation, l’ARS a mis en place un dispositif dédié de suivi de l’activité des « SAMU-Centres 15 ». En liaison avec l’observatoire régional des urgences, des indicateurs de suivi reposant sur des données remontées quotidiennement par les SAMU ont été mis en place.

Des pics d’appels ont bien sûr été identifiés, mais, sur la période de septembre à décembre, l’activité globale de régulation a plutôt diminué par rapport à l’année précédente. Au niveau du SAMU 47, par exemple, l’activité était ainsi de 15 % inférieure à celle qui a été constatée en 2019.

Toutefois, compte tenu des incertitudes importantes concernant l’évolution de la situation épidémique et du risque de rebond, l’ARS a décidé de maintenir les renforts de régulation alloués jusqu’à présent. Une réunion de concertation prévue le 9 février prochain permettra de partager un diagnostic sur la bonne adaptation des moyens à l’évolution de la crise sanitaire.

Tels sont, madame la sénatrice, les éléments de réponse que nous souhaitions apporter à votre question.

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour la réplique.

Mme Christine Bonfanti-Dossat. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de vos propos encourageants qui font suite à votre visite, dont nous vous savons gré.

Effectivement, compte tenu de la clause de revoyure, une décision doit être prise d’ici au 9 février. Cela étant, il nous faut tuer cet esprit de modernité à tout prix, surtout quand il va à l’encontre de choses qui fonctionnent bien. Je serai très attentive, au-delà du 9 février, à apporter un soutien total au personnel du SAMU 47, qui souhaite vivement que cette organisation soit conservée.

inquiétudes des assistantes maternelles

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question n° 1302, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez, le 28 septembre dernier, prononcé un discours sur les mille premiers jours de l’enfant. Plusieurs des mesures annoncées à cette occasion ont été très bien accueillies par les professionnels de la petite enfance, notamment par les assistantes maternelles. Je pense tout particulièrement aux 45 millions d’euros consacrés à un plan de formation pour les professionnels de la petite enfance et à l’annonce d’une amélioration à la fois de la rémunération et des conditions de travail des assistantes maternelles.

Pour autant, vous le savez, la crise sanitaire a laissé des traces dans cette profession, en particulier le premier confinement, qui a aggravé chez elles un sentiment de manque de reconnaissance, d’abandon, d’indifférence à leur profession. Elles ont fait face au début à un manque d’information, à des difficultés pour accéder à du matériel pour protéger les enfants et pour se protéger elles-mêmes, ainsi que leurs familles. Il y a eu aussi la question de la hauteur de prise en charge du chômage partiel, d’abord à 80 %, au lieu des 84 % du droit commun, avant l’annonce d’un rattrapage à ce niveau, qui a été remise en cause par la suite. Le sujet est toujours en cours de discussion.

Les difficultés financières des assistantes maternelles pendant la crise ont donc été importantes : droits au chômage ; ruptures de contrat pour non-paiement des heures de travail, y compris par des parents bénéficiant du complément de libre choix de mode de garde (CMG) ; calculs imprécis des abattements fiscaux. Bref, vous connaissez le dossier et vous voulez le faire avancer. Aussi, comment comptez-vous poursuivre les discussions avec les assistantes maternelles sur la revalorisation et la stabilité de leurs revenus ?

Enfin, petite question subsidiaire, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire si les personnels de la petite enfance, crèches et assistantes maternelles, sont inclus dans la stratégie vaccinale du Gouvernement et à quelle étape ils seront concernés ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la sénatrice Laurence Rossignol, je partage évidemment votre préoccupation envers les assistants maternels, qui ont été, vous l’avez rappelé, durement éprouvés par la crise épidémique, notamment dans sa première phase. Dès ma prise de fonctions, qui a coïncidé avec la deuxième vague et le deuxième confinement, j’ai été en contact avec eux de façon régulière, comme avec l’ensemble des professionnels de la protection de l’enfance, pour les accompagner au mieux. J’en profite pour saluer de nouveau leur engagement et redire mon attachement à l’accueil individuel, composante singulière et essentielle de l’offre française de modes d’accueil du jeune enfant.

Je me réjouis de savoir que vous approuvez plusieurs des mesures en faveur des assistants maternels, que j’ai annoncées en septembre 2020. Depuis cette date, d’autres annonces sont venues les préciser ou les compléter, notamment à l’occasion du dévoilement des grands arbitrages pris dans le cadre de la réforme du cadre normatif applicable aux modes d’accueil du jeune enfant. Je pense, par exemple, à l’ouverture aux assistants maternels du bénéfice de la médecine du travail, revendiquée de longue date par les représentants de cette profession. On peut légitimement comprendre pourquoi.

Par ailleurs, les dispositions de l’article 100 de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi ASAP, autoriseront le site « mon-enfant.fr » à indiquer aux parents de jeunes enfants en recherche d’un mode d’accueil les assistants maternels qui sont à proximité et ont des disponibilités.

Je souhaite en premier lieu rappeler que cette plateforme rénovée permettra : d’une part, aux parents d’avoir une vision plus claire et plus fluide de l’offre d’accueil à leur disposition ; d’autre part, à un certain nombre d’assistants maternels d’accéder plus facilement à des parents employeurs. Cette évolution est donc au bénéfice de tout le monde, me semble-t-il.

En second lieu, je tiens à apaiser les inquiétudes soulevées à l’occasion du projet de loi de finances pour 2020. Après consultation des représentants de la profession, le texte proposé au Parlement avait d’ailleurs été modifié par le Gouvernement sur deux points.

D’abord, même si a été maintenue l’obligation pour les assistants maternels de s’inscrire sur « mon-enfant.fr » et de communiquer aux gestionnaires du site leur adresse, la publication de l’adresse ne sera pas obligatoire. L’assistant maternel pourra opter pour qu’une seule indication de distance du domicile des parents soit communiquée. Ensuite, le texte voté garantit que le fait de ne pas renseigner ses disponibilités ne constituera pas à lui seul un motif de retrait d’agrément. C’était une des grandes inquiétudes et, là aussi, je comprends pourquoi.

Enfin, s’agissant du manque d’ergonomie du site, je peux vous dire que la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), éditrice du site, a conscience que le service actuel ne donne pas satisfaction. Un chantier de rénovation du site est actuellement mené avec des parents et des assistants maternels volontaires. La CNAF s’attachera prochainement à présenter ces évolutions aux associations.

Je termine, madame la présidente, par la toute dernière question, subsidiaire, de Mme la sénatrice sur la place des personnels de la petite enfance dans la stratégie vaccinale. Vous le savez, celle-ci est fondée, notamment, sur une priorisation progressive en fonction de l’exposition des différents publics au virus et de leur sensibilité. C’est ce qui explique la priorité accordée aux personnes vivant en Ehpad, au personnel soignant en contact avec ces personnes et à nos concitoyens de plus de 75 ans. Comme pour la population générale, le moment viendra pour les personnels de la petite enfance d’être vaccinés, et ce, nous l’espérons, le plus tôt possible. Le Gouvernement, en toute transparence, comme depuis le début de cette crise, communiquera à cet égard.

revalorisation des visites à domicile pour le suivi des patients covid stabilisés

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Bonne, auteur de la question n° 1350, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Bernard Bonne. Monsieur le secrétaire d’État, ma question concerne la nécessaire revalorisation des visites à domicile assurées par les médecins généralistes auprès des patients covid-19.

Nos hôpitaux ont fait face ces derniers mois à la violence de la reprise de l’épidémie de covid-19, et certains sont au bord de la rupture, notamment dans mon département de la Loire. Nous craignons aujourd’hui une nouvelle flambée, accentuée par la présence sur notre territoire de différents variants. Face à cette arrivée massive et continue de malades, il faut impérativement désengorger nos services hospitaliers, notamment les services de réanimation.

C’est pourquoi il est urgent d’impliquer la médecine libérale, en particulier les médecins généralistes, dans le suivi des patients covid-19 stabilisés ayant quitté l’hôpital, le cas échéant dans les structures spécialisées type Ehpad, mais surtout à domicile.

Dans le cadre du Ségur de la santé, le ministre avait indiqué que les professions libérales devaient négocier directement avec l’assurance maladie pour les revalorisations tarifaires. Or l’article 33 du PLFSS propose de reporter à 2023 les négociations conventionnelles. Par ailleurs, la cotation qui prévaut pour les visites à domicile est moins élevée que pour les visites en Ehpad, à la suite d’un décret d’avril 2020.

Il y a là une véritable injustice. Il paraîtrait tout à fait normal que les médecins généralistes acceptant de prendre en charge le suivi à domicile de ces pathologies lourdes puissent, eux aussi, bénéficier de cette dérogation tarifaire ou d’une lettre clé permettant une valorisation de ces actes de visite à domicile.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures entendez-vous prendre pour accompagner les médecins généralistes qui accepteraient, dans le contexte sanitaire fortement dégradé que nous connaissons, de prendre en charge les patients covid-19 stabilisés au sortir de l’hôpital ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Monsieur le sénateur Bernard Bonne, vous m’interrogez sur la nécessité d’une revalorisation des visites à domicile auprès des patients atteints de la covid-19 assurées par les médecins généralistes et d’une plus grande association de ceux-ci à la politique mise en œuvre.

Je sais pouvoir parler au nom du ministre Olivier Véran en vous disant que nous sommes évidemment très attentifs aux remarques que vous formulez et pleinement conscients du rôle fondamental de la médecine de ville.

Sur le même modèle que pour les interventions en Ehpad de professionnels de santé, des mesures dérogatoires ont été prises à destination des patients ne résidant pas en établissement. Il s’agit notamment de la prise en charge à domicile, par des médecins de ville, des patients atteints de la covid-19 nécessitant une oxygénothérapie. Cette disposition leur permet de facturer une majoration d’une valeur de 30 euros et, au total, jusqu’à 65 euros pour chacune des deux premières visites.

Par ailleurs, le report de dix-huit mois de l’échéance de la convention médicale que vous mentionnez n’implique en aucune manière un gel de toute négociation et de tout moyen supplémentaire sur la durée du report. Des avancées majeures, comme l’entrée dans le droit commun de la télémédecine ou le déploiement des assistants médicaux, ont ainsi été négociées depuis la signature de la dernière convention en 2016. Les huit avenants négociés à la convention de 2016 représentent un investissement global de 200 millions d’euros.

Enfin, nous partageons avec vous la conviction qu’il faut continuer à améliorer l’accompagnement des personnes âgées et en perte d’autonomie de manière pérenne, et non pas seulement pendant cette période de crise sanitaire. Vous le savez, le ministre Olivier Véran a demandé, dans le cadre des orientations aux négociations conventionnelles pour le prochain avenant à la convention médicale, qu’une attention particulière soit portée à l’accès aux soins des personnes âgées. Les visites à domicile s’inscrivant bien dans cette perspective, une majoration des visites gériatriques a été proposée par l’assurance maladie à l’automne 2020 aux représentants des médecins libéraux dans le cadre des négociations conventionnelles. Telle est la réponse, monsieur le sénateur, que je suis en mesure de vous donner.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Bonne, pour la réplique.

M. Bernard Bonne. Merci, monsieur le secrétaire d’État. Si j’ai bien compris, une proposition a été faite au mois de septembre dernier, mais l’assurance maladie ou le ministère acceptent-ils de revaloriser ces visites ? C’était le sens de ma question. L’inquiétude est forte au vu des obligations pesant sur les médecins généralistes, chaque fois qu’ils vont à domicile, de s’équiper de matériels de protection en présence de ces malades qui sont stabilisés, mais qui ne sont pas guéris du covid-19.

J’espère en tout cas que l’on pourra leur apporter une réponse rapidement dans le cadre des discussions avec la sécurité sociale et que vous appuierez les demandes de ces médecins généralistes, qui sont aujourd’hui en grande difficulté et n’en peuvent plus.

implantation du nouveau centre hospitalier universitaire à nantes

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Garnier, auteure de la question n° 1398, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Mme Laurence Garnier. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite appeler votre attention sur le projet de déménagement du CHU de Nantes. Ce projet, dont le coût est évalué à 1 milliard d’euros, accumule les incohérences. La première d’entre elles est la suppression annoncée de 231 lits et de 400 postes.

Vous le savez comme moi, la population de Loire-Atlantique continue d’augmenter ; le nombre de lits est donc primordial, comme la crise sanitaire nous le montre tous les jours. Vous le savez si bien que votre ministre de tutelle a annoncé au mois d’avril dernier la révision de tous les projets de restructuration des hôpitaux. J’attends donc qu’il s’intéresse de très près au projet nantais.

Ce projet comporte une autre incohérence, à savoir le site choisi pour cette nouvelle implantation : l’île de Nantes, un site exigu, coincé entre les deux bras de la Loire. Cela en fait un site à la fois inondable, ce qui engendre des surcoûts colossaux pour les travaux, et très difficilement accessible : quel que soit l’endroit d’où l’on vient, il faut franchir des ponts pour s’y rendre. Enfin, ce lieu est trop petit : les surfaces réservées sont quatre fois inférieures à celles qu’occupent actuellement les hôpitaux nantais.

Ce projet tire son origine de la volonté de regrouper les trois sites hospitaliers nantais sur un même lieu, l’île de Nantes. Or on a appris la semaine dernière que, compte tenu de l’exiguïté que j’ai exposée, les trois sites existants poursuivraient leur activité dans les années à venir.

On s’apprête donc à dépenser 1 milliard d’euros pour avoir moins de lits et moins de postes ! Le financement du projet est extrêmement fragile, car il est conditionné à cette suppression de lits et de postes, comme l’a récemment souligné la chambre régionale des comptes.

Nous nous dirigeons tout droit vers un scandale sanitaire. N’en soyez pas la caution ! Beaucoup de maires, d’élus et d’acteurs locaux de Loire-Atlantique sont aujourd’hui mobilisés contre ce projet. D’autres solutions existent. Je compte donc sur votre bon sens pour remettre à plat ce dossier. Pouvez-vous dès aujourd’hui nous confirmer que ce projet d’hôpital nantais est bien concerné par le moratoire annoncé en avril dernier par le ministère de la santé ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la sénatrice Laurence Garnier, je vais développer une vision sensiblement différente de celle que vous venez de partager avec nous.

Le projet du CHU de Nantes est le fruit de longues années de réflexion et de concertation. Il ne sort pas de terre comme cela : il a été conçu sur la base de principes d’évolutivité et de modularité qui doivent lui permettre de s’adapter aux besoins et aux nouvelles pratiques.

Les premiers enseignements de la crise sanitaire que nous traversons montrent la pertinence de son dimensionnement en lits spécialisés nécessaires dans un contexte de crise. Son organisation architecturale en « plots » apparaît également adaptée à la prise en charge des patients dans un contexte épidémique.

La crise sanitaire a démontré l’importance du maillage territorial de notre système de santé. Aussi, si des adaptations de cibles capacitaires devaient être déclinées sur le territoire de la Loire-Atlantique au regard de l’évolution des besoins et de la démographie, il est essentiel qu’elles puissent avoir une traduction opérationnelle à l’échelle du territoire, et non du seul projet Île de Nantes. Il s’agit de pouvoir favoriser et fluidifier les logiques de parcours de santé, en concertation avec les élus et les professionnels de santé.

Le choix de la centralité de ce projet, sur l’île de Nantes, n’est pas remis en question. Au contraire, il a été conforté lors de l’instruction du permis de construire et de l’autorisation unique environnementale.

Le CHU de Nantes connaît une situation financière solide – elle a été certifiée sans réserve – qui lui permet de soutenir des investissements. La chambre régionale des comptes, dans son rapport de 2019, témoigne d’une analyse très aboutie de la gestion de l’établissement et de sa dynamique de fonctionnement. Elle souligne de bons résultats, un état d’avancement conforme aux attentes, ainsi que la qualité du pilotage du projet.

La situation du CHU en matière de ressources humaines et notamment d’absentéisme se situe dans la moyenne nationale. Des actions d’amélioration de la qualité de vie au travail sont déployées par la direction générale. L’organisation actuelle sur deux sites de court séjour ainsi que la vétusté et l’inadéquation des locaux sont une contrainte pour les équipes, à laquelle le projet Île de Nantes va apporter une véritable réponse. En cela, il semble emporter l’adhésion du personnel du CHU.

Soyez convaincue, madame la sénatrice, que le Gouvernement portera une attention particulière à ce que le projet puisse être mis en œuvre d’une manière qui préserve tant la santé financière de l’établissement qu’un niveau de ressources humaines adapté aux enjeux de prise en charge découlant des nouvelles orientations issues du Ségur de la santé.

fermeture de l’hôpital roger-prévot à moisselles

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Meurant, auteur de la question n° 1415, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Sébastien Meurant. Ma question porte sur la fermeture programmée de l’hôpital Roger-Prévot, situé à Moisselles, dans le Val-d’Oise. En effet, entre 2022 et 2024, cet hôpital de 200 lits va être délocalisé pour être intégré au centre hospitalier de Nanterre, contre la volonté des élus locaux et du personnel hospitalier des deux structures.

D’un côté, Patrick Jarry, président du conseil de surveillance du centre d’accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre et maire de la ville, juge disproportionnée cette délocalisation ; selon lui, elle ne permettra pas « une prise en charge digne et humaine des patients ». De l’autre, le personnel du CASH partage ce point de vue et s’inquiète de la disparition des services dits « rentables » – pneumologie, réanimation, chirurgie – et de l’accumulation de structures médicales et sociales peu valorisantes au sein de locaux de plus en plus vétustes.

Monsieur le secrétaire d’État, comment expliquer cette logique de paupérisation de l’offre de soins, dans le Val-d’Oise comme dans les Hauts-de-Seine ? Pourquoi ne pas faire preuve de bon sens et écouter les élus locaux et les agents hospitaliers, qui vivent ces sujets au quotidien ? La logique consistant à fermer les lits d’hôpitaux et à réduire l’offre de soins pour faire des économies dans un contexte général d’augmentation et de vieillissement de la population française est tout bonnement une ineptie !

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté – l’hôpital Roger-Prévot est aussi un hôpital psychiatrique – a lui-même mis en avant, dans un rapport de visite de mai 2016, de nombreux éléments objectifs en faveur d’un maintien de cet établissement sur son territoire valdoisien. Il cite notamment son cadre magnifique, dans un parc de sept hectares, où de nombreuses activités diversifiées permettent d’assurer la continuité des activités thérapeutiques, l’équilibre financier de l’établissement et les capacités d’autofinancement dont il dispose, ou encore la stabilité et l’efficacité d’un personnel en nombre suffisant – presque tous les postes sont pourvus, dans des locaux adaptés.

Aussi, je vous demande si vous entendez intervenir en faveur du maintien de l’EPS Roger-Prévot à Moisselles. Je souhaite savoir quels moyens vous comptez dégager pour préserver les emplois des agents de l’hôpital, qui se mobilisent contre cette fermeture depuis maintenant plus de deux ans.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Monsieur le sénateur Sébastien Meurant, comme vous l’avez rappelé, les lits d’hospitalisation complète de l’hôpital Roger-Prévot rejoindront le site du CASH de Nanterre à l’horizon de 2024. Cela se fera dans le cadre d’un projet médical commun validé par les CME des deux établissements en décembre 2020. Les structures ambulatoires sont déjà toutes situées dans les Hauts-de-Seine.

Tout d’abord, cette opération vise à rapprocher les lieux d’hospitalisation des lieux de vie des patients. L’hôpital Roger-Prévot est en effet dédié aux patients du nord des Hauts-de-Seine. Il est pourtant géographiquement éloigné de la population qu’il dessert. La relocalisation facilitera le maintien des liens des patients hospitalisés avec leurs proches et leur environnement.

Ensuite, cette opération vise à adapter les locaux aux objectifs du projet médical commun, qui tend à favoriser les prises en charge en ambulatoire et les parcours de soins. La localisation des lits d’hospitalisation complète, dans un bâtiment neuf, permettra de proposer aux patients une qualité hôtelière améliorée et harmonisée. Cette nouvelle implantation permettra enfin le développement d’activités nouvelles, pour les jeunes adultes comme pour les personnes âgées.

Enfin, cette opération devra favoriser les liens avec la cité. Le site de Moisselles a mis en place, à l’échelle intrahospitalière, une organisation performante et largement saluée pour proposer des activités thérapeutiques. La relocalisation au CASH permettra de capitaliser sur cette expertise acquise, en lui ajoutant une dimension de lien avec l’extérieur.

Ce projet consolidera les axes d’excellence du CASH : filières médicales, gynécologie-obstétrique, offres destinées aux personnes âgées ou encore aux personnes en situation de précarité. Il est aussi porteur de développements de l’offre de soins en cardiologie, pneumologie, gastro-entérologie ou encore psychogériatrie.

Sa mise en œuvre fait l’objet d’une gouvernance spécifique, qui doit permettre une large concertation. Au sein du comité des élus installé le 22 janvier 2020, il a reçu un accueil très favorable des élus locaux des communes des Hauts-de-Seine dont les concitoyens sont actuellement hospitalisés très loin de leur domicile.

Un accompagnement spécifique des personnels est mis en place depuis deux ans. Vous avez évoqué cet aspect du problème dans votre question ; des inquiétudes se sont manifestées à cet égard. Des réflexions sont en cours entre les élus locaux de Moisselles et d’Attainville pour envisager l’avenir du site dans le respect des projets portés par chacune des communes.

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour la réplique.

M. Sébastien Meurant. Je ne suis pas complètement rassuré par vos propos, monsieur le secrétaire d’État, notamment pour ce qui est du site de Moisselles-Attainville. J’ai reçu les élus locaux de ces communes, et je n’ai pas la même vision que vous.

Plus généralement, nous assistons dans le Val-d’Oise à la fermeture de plusieurs hôpitaux : Saint-Martin-du-Tertre, Moisselles-Attainville, Beaumont-sur-Oise. En pleine crise du covid-19, c’est vraiment difficile à avaler pour les élus locaux et tous les habitants !

appareil d’imagerie par résonance magnétique pour le centre hospitalier de condom

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, auteur de la question n° 1435, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Franck Montaugé. La direction du centre hospitalier de Condom a soumis à l’agence régionale de santé d’Occitanie une demande d’installation d’un appareil d’imagerie par résonance magnétique. Cette demande s’est soldée par un avis négatif des instances décisionnaires, motivé par le choix d’installer un appareil d’IRM à Auch, dans le même département.

Au regard des réalités de terrain, cette justification ne paraît pas recevable. Le centre hospitalier de Condom et celui d’Auch ne peuvent être considérés comme concurrents. Ces deux établissements contribuent conjointement à l’accès aux soins sur un territoire très affecté par la désertification médicale, la raréfaction de certains praticiens, une population âgée et dépendante et des temps de trajets souvent longs.

La demande d’équipement du centre hospitalier de Condom ne doit pas être considérée comme un luxe. Elle répond à un réel besoin dans un territoire où la population vulnérable subit des inégalités très fortes en matière d’accès aux soins de santé.

L’implantation d’un appareil d’IRM contribuerait de plus au confortement du centre hospitalier de Condom, ainsi qu’à son dynamisme ; il insufflerait un nouvel élan, grâce au recrutement de spécialistes.

Il est essentiel de renforcer de telles entités sur notre territoire national. La gestion de la pandémie de la covid-19 a prouvé combien le maillage des établissements est vital dans le cas du délestage imposé par la crise sanitaire.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, je vous sollicite pour que la demande du centre hospitalier de Condom soit réexaminée dans son contexte, au regard des caractéristiques de la population qu’il sert et des difficultés d’accès aux soins. De plus, dans une approche d’économie de fonctionnement, notamment en matière de transports sanitaires, mais aussi dans une approche de cohésion et de lutte contre le renoncement aux soins, cette demande d’investissement me paraît légitime et mérite d’être à nouveau étudiée.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Monsieur le sénateur Franck Montaugé, vous appelez notre attention sur la demande d’implantation d’un appareil d’IRM déposée par le centre hospitalier de Condom. Cette demande a été déposée durant la période de dépôt de demandes d’autorisation ouverte par l’ARS d’Occitanie pour un scanner et un appareil d’IRM, entre juin et août derniers. En parallèle, une autre demande d’implantation d’un appareil d’IRM a été émise, concernant le centre hospitalier d’Auch.

Ce dernier, établissement support du groupement hospitalier de territoire auquel appartient également le centre hospitalier de Condom, ne dispose pas d’équipement matériel lourd en propre. Rappelons que les possibilités d’autorisations d’EML en Occitanie, fixées dans le schéma régional de santé 2018-2022, répondent en priorité à deux objectifs de santé pour le volet imagerie : d’une part, prioriser les nouvelles attributions selon leur adossement à des activités fortement demandeuses d’imagerie, en particulier l’activité de soins de médecine d’urgence autorisée et l’activité de neurologie et de cancérologie ; d’autre part, favoriser pour les nouvelles implantations la constitution ou le renforcement de plateaux complets et diversifiés.

Les possibilités d’autorisations d’implantations nouvelles d’appareils d’imagerie en coupe n’avaient pas été inscrites dans le schéma régional de santé pour le Gers. Elles l’ont été dans le cadre d’un besoin exceptionnel, dont l’objectif était de sécuriser le fonctionnement des EML du département, à la suite de difficultés majeures de gouvernance du groupement d’intérêt économique qui en assurait la gestion. Rappelons que ce GIE gère, pour le compte du centre hospitalier d’Auch, de la clinique de Gascogne et d’un groupement de radiologues libéraux, le seul appareil d’IRM installé dans la ville d’Auch ; plus des deux tiers de l’activité de cet équipement sont de nature privée. Il était donc nécessaire et urgent de sécuriser l’accès aux examens d’IRM de la population du département.

L’appareil d’IRM qui sera implanté dans le Gers aura vocation à desservir toute sa population et devra répondre au besoin de maillage territorial, en tenant compte des EML installés en limite de ce département.

La commission spécialisée pour l’organisation des soins de la région Occitanie a donné un avis fortement favorable à l’installation de l’appareil d’IRM au centre hospitalier d’Auch, comparativement à celui qu’elle a donné pour le centre hospitalier de Condom.

Le directeur général de l’agence régionale de santé d’Occitanie a noté l’activité importante et pertinente du scanner installé au centre hospitalier de Condom, dont la place et le rôle sur son territoire sont bien connus. Il rendra sa décision au plus tard le 22 mai prochain.

Par ailleurs, conformément à ses engagements auprès des fédérations et à la suite de l’initiative de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie, les travaux de révision du volet imagerie du SRS ont débuté en juillet 2020. Ces travaux, qui associent notamment radiologues et cliniciens, doivent aboutir à la formulation de nouveaux besoins en EML pour la région Occitanie courant 2021 et à la définition de nouveaux objectifs d’implantation d’EML par département.

La réforme des autorisations d’activités de soins en cours dans le cadre du programme Ma Santé 2022 s’attache également, dans le domaine de l’imagerie, à simplifier l’ajustement de la réponse aux besoins via une réflexion sur un assouplissement du régime actuel.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.

M. Franck Montaugé. Monsieur le secrétaire d’État, vous me faites la même réponse que celle que Mme Bourguignon, à l’Assemblée nationale, a offerte à ma collègue députée Gisèle Biémouret, ce qui est bien normal. Reste que cette décision de non-attribution d’un appareil d’IRM à Condom fragilise le territoire de santé dont le centre hospitalier d’Auch est l’établissement support. On habitue les gens à aller à Agen ou ailleurs encore.

Dans une perspective de réponse de service public aux besoins des habitants du Condomois et, plus largement, du nord du département du Gers, on va dans le mauvais sens. Les équipes se sont beaucoup mobilisées sur ce dossier, ainsi que la direction du centre hospitalier de Condom ; aujourd’hui, elles sont très déçues.

Je terminerai mon propos en évoquant la démographie médicale : celle-ci dépend aussi de la qualité des équipements et des actes que l’on peut réaliser au sein des centres hospitaliers. C’est typiquement le cas dans le Condomois.

calendrier du projet de loi relatif au grand âge et à l’autonomie

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 1159, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Patrice Joly. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous relayer les inquiétudes des représentants des grandes organisations et fédérations de l’aide à domicile concernant le calendrier incertain du projet de loi relatif au grand âge et à l’autonomie.

Comment, pour commencer, ne pas rappeler la forte mobilisation des acteurs accompagnant les personnes âgées, le 30 janvier 2018, pour exprimer leur malaise ? Ce fut leur manière de dénoncer les moyens humains et financiers manquants, ainsi que les effets délétères de la réforme de la tarification de 2015.

Depuis lors, un rapport comportant plus de 175 propositions visant à refonder la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie a été remis, en mars 2019, à la ministre des solidarités et de la santé. La mission sur l’attractivité des métiers du grand âge et de l’autonomie a pour sa part rendu ses conclusions, dans un rapport portant « plan de mobilisation nationale en faveur de l’attractivité des métiers du grand âge », en octobre 2019. Ces deux rapports ont mis en exergue la nécessité de mener une réflexion réelle sur les métiers du grand âge, leurs qualifications, diplômes, statuts et rémunérations, ainsi que sur les formations préparant à ces métiers.

Comme vous le savez, les directeurs d’Ehpad ont des difficultés à recruter des personnels qualifiés et se retrouvent à devoir embaucher des encadrants non diplômés, qui apprennent leur métier sur le terrain, sans suivre de formation théorique et sans obtenir de qualification professionnelle reconnue. Ces employés – majoritairement des femmes – se retrouvent cantonnés dans des postes à faible rémunération, sans possibilité d’évolution, ce qui rend ces emplois peu attractifs.

Les enjeux sont cruciaux et connus de tous. La problématique du vieillissement de la population devient plus aiguë en raison de l’arrivée des baby-boomers à des âges avancés. La prise en charge de la dépendance des personnes âgées se pose donc avec une plus grande acuité.

Trois ans après un mouvement social d’ampleur dans les établissements et les services d’aide à domicile pour les personnes âgées, les professionnels restent très inquiets et attendent la mise en œuvre de mesures concrètes, d’un calendrier stable et d’une réforme lisible, coordonnée et financée. Une loi était annoncée pour l’automne 2019 ; elle est désormais repoussée, éventuellement à l’été 2021, selon Mme Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie. Le Président Emmanuel Macron ne l’a d’ailleurs pas mentionnée parmi ses priorités lors de ses vœux aux Français le 31 décembre dernier, ce qui était surprenant. Aussi, je souhaite connaître les intentions du Gouvernement en la matière.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Monsieur le sénateur Patrice Joly, vous m’interrogez sur le calendrier gouvernemental en matière de prévention et de soutien à l’autonomie et au grand âge. Ce calendrier, vous le connaissez : il a déjà débuté et il est bien entamé. De nombreuses concertations se sont déjà tenues, sur des questions organisationnelles ; on peut citer le rapport Libault sur le renforcement de l’attractivité des métiers du grand âge, mais aussi le rapport de Myriam El Khomri et de nombreux autres.

Ces rapports ont connu deux premières traductions, en attendant la réforme globale sur laquelle nous travaillons. Le projet de loi Grand Âge et autonomie fait partie de cette réforme ; il sera examiné dès que nous aurons surmonté cette crise sanitaire.

C’est dans cet esprit qu’ont été adoptées la loi relative à la dette sociale et à l’autonomie ainsi que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, qui contenait un certain nombre de dispositions en la matière. Il y a déjà eu des avancées majeures : la première d’entre elles est la création de la cinquième branche de la sécurité sociale, pour la protection du risque de perte d’autonomie. C’est une première étape essentielle pour la concrétisation de notre ambition en la matière, mais notre ambition ne s’arrête pas là.

Le défi démographique bat son plein ; nous avons à cœur de faire vivre de nouvelles solidarités. Pour leur donner corps, il nous faut repenser l’accueil de nos concitoyens en perte d’autonomie, comme ils le demandent eux-mêmes. Il faut répondre à leur attente de mieux vivre, que ce soit chez eux ou dans un établissement en phase avec leurs aspirations. Pour cela, il faut à la fois des lieux adaptés et des personnes pour y travailler. Nous avons œuvré sur ces deux sujets.

Le plan de relance vient financer la rénovation de près de 30 000 places dans les établissements. Le Ségur de la santé vient quant à lui rehausser le salaire des professionnels en Ehpad d’un montant minimum de 160 à 185 euros nets par mois.

Les professionnels du domicile ne sont pas en reste. Le point d’indice a enfin été dégelé, et le Gouvernement a décidé d’accompagner le financement de la revalorisation des salaires des aides à domicile, qui dépendent normalement des seuls départements. Ainsi, 200 millions d’euros sont mobilisés chaque année par l’État, en plus de ce que les conseils départementaux apporteront eux-mêmes.

Les besoins sont majeurs ; la crise les a mis en relief un peu plus encore. Elle mobilise pleinement Olivier Véran et Brigitte Bourguignon, qui travaillent activement à la fois sur la protection de nos aînés face à la crise sanitaire et sur le projet de soutien à l’autonomie que nous développons. Notre priorité est de faire face à la crise, mais nous continuons et continuerons de porter notre ambition par tous les moyens, tant que cette crise ne sera pas pleinement jugulée.

rôle et responsabilité des maires dans la gestion actuelle de la pandémie de covid-19

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Herzog, auteure de la question n° 1261, transmise à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Mme Christine Herzog. La Moselle a été durement touchée par la crise sanitaire du covid-19 : on y compte 1 490 décès depuis mars dernier, soit 22 % des victimes du Grand Est. Les élus ont dû faire face à des situations difficiles, malgré leur manque de moyens.

Les Premiers ministres qui se sont succédé depuis mars 2020 ont assuré au Sénat et à la ville de Metz que l’État menait des actions ciblées de prévention de l’épidémie, d’assistance et de gestion de la vaccination ; ils ont affirmé avoir désormais les moyens de contenir la contamination une fois les clusters identifiés, notamment pour la dernière souche, ou « variant ». Néanmoins, les chiffres ne baissent pas, bien au contraire. Au 17 janvier, on relevait 204 nouveaux cas pour 100 000 habitants en Moselle, alors que la moyenne nationale est de 188.

Le maire, en tant qu’élu et premier magistrat de sa commune, est la personne de confiance vers qui nos concitoyens se tournent en cas de difficultés, car il est le mieux placé pour leur répondre. Pour la vaccination, il n’a pourtant pas été sollicité, hormis dans les grandes métropoles. C’est étonnant, car le maire peut avoir une grande influence sur la décision de se faire vacciner.

Plus d’un million d’Allemands ont été vaccinés, dont plus de 100 000 dans les régions frontalières de la Moselle, contre 422 000 Français et 39 000 dans le Grand Est. Nous sommes très en retard !

Vacciner les personnes âgées est une bonne chose, mais il est indispensable de vacciner celles et ceux qui sont associés à ces personnes pour éviter la contamination et ne pas aggraver la crise économique. Il faut aller plus vite et vacciner davantage d’actifs !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Il faut des vaccins !

Mme Christine Herzog. Je souhaite donc savoir quels moyens sont mis à la disposition des élus locaux et quels seront leur rôle et leurs responsabilités dans les actions des prochaines vaccinations et du passeport vaccinal.

Par ailleurs, dans l’éventualité où l’école serait touchée par un nouveau confinement, je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, de nous préciser quand et comment le Gouvernement envisage d’associer les maires au protocole sanitaire à mettre en place pour les enfants.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la sénatrice Christine Herzog, la réussite de la campagne de vaccination se fera main dans la main avec les maires. C’est la conviction qui est la nôtre !

La concertation est quotidienne, à l’échelle locale, avec les préfets et les agences régionales de santé. Dans le département de la Moselle, deux instances de concertation se réunissent à une fréquence hebdomadaire : pour une approche stratégique, le Collec réunit sous le pilotage du préfet tous les parlementaires du département, le président de la région Grand Est, les élus des grandes villes, mais aussi trois représentants des maires ruraux ; quant aux enjeux opérationnels, une instruction ministérielle du 15 décembre a institué une cellule départementale de vaccination, qui réunit l’ensemble des parties prenantes sous la coprésidence du préfet de département et de la directrice générale de l’ARS. Les maires en font partie.

Dès la fin de décembre, par l’intermédiaire de ces cellules, nous leur avons demandé de proposer des lieux adaptés à l’ouverture de centres vaccinaux et de prendre attache avec les personnes vulnérables concernées par la nouvelle étape de vaccination qui s’est ouverte lundi dernier. À l’occasion de votre question, je tiens à les remercier d’avoir contribué, par leur expertise au plus près du terrain, à l’ouverture de plus de 800 centres à ce jour. Nous savons pouvoir leur faire confiance dans la mobilisation des acteurs des territoires pour l’organisation, malgré les contraintes logistiques fortes qui s’imposent à nous tous.

Nous continuons dans ce sens, en associant les maires, avec le ministère de l’éducation nationale, au protocole sanitaire mis en œuvre dans les établissements scolaires pour garantir leur ouverture. Depuis la rentrée de janvier, ce protocole sanitaire est renforcé. Pour éviter le brassage entre les classes, les activités physiques et sportives scolaires en intérieur sont suspendues ; nous décuplons notre capacité de dépistage dans les écoles, avec un objectif de 300 000 tests par semaine.

Le rôle des maires sera aussi premier dans le transport des personnes vers les centres de vaccination. Le ministre des solidarités et de la santé a eu l’occasion d’échanger à ce propos avec le président de l’AMF pour réaffirmer ce principe.

La stratégie vaccinale française repose sur les connaissances scientifiques dont nous disposons et sur les recommandations de la Haute Autorité de santé. Depuis le démarrage de la campagne vaccinale, nous avons été transparents sur les approvisionnements. Nous avons transmis aux élus locaux, via les associations d’élus, les préfets et les directeurs généraux d’ARS, les nombres de vaccins, les lieux et les dates de livraison dans les établissements pivots.

Le 17 janvier, plus de 422 000 personnes avaient pu recevoir une première injection du vaccin. Dans notre pays, environ 1,6 million de doses ont été livrées, auxquelles s’ajouteront 315 000 doses supplémentaires du vaccin Pfizer d’ici au 20 janvier. Nous avons demandé aux préfets et aux ARS d’adapter l’ouverture des centres de vaccination au caractère progressif du calendrier d’approvisionnement. Il est important que le dialogue puisse se tenir localement pour optimiser la vaccination en fonction des doses disponibles en organisant au mieux la coordination des horaires d’ouverture des différents centres et éviter l’éparpillement des ressources médicales et paramédicales.

Les allocations des doses dans les établissements ont été faites pour coller à la réalité des territoires et aux besoins de leurs populations, en utilisant toutes nos ressources en vaccins. Tout est fait pour éviter les stocks dormants.

La campagne de vaccination durera jusqu’à l’été, à mesure que les vaccins seront autorisés et livrés à l’Union européenne. Les volumes globaux dont nous disposons, dont vous savez qu’ils sont négociés au niveau européen, sont limités pendant ces premières semaines ; il faudra donc encore quelques semaines pour que l’ensemble des personnes de plus de 75 ans ou atteintes de pathologies graves puissent être vaccinées. Il s’agit d’une course de fond dans laquelle l’engagement de chacun doit primer.

Enfin, s’agissant du guide relatif à l’organisation de la vaccination dans les Ehpad et les USLD, celui-ci était à destination des directeurs d’établissement. Il est le produit des interrogations légitimes de ces derniers au regard de la fragilité des publics concernés et ne constitue en aucun cas un frein à la vaccination, le recueil du consentement s’effectuant dans le cadre du droit et des règles en vigueur, connues et pratiquées par les médecins en vertu du code de la santé publique et du code de déontologie.

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Herzog, pour la réplique.

Mme Christine Herzog. Merci beaucoup pour ces précisions, monsieur le secrétaire d’État. Malheureusement, ce ne sont que des effets d’annonce, ce n’est pas la réalité du terrain. Voici ce que l’on vous demande : que le Gouvernement soit beaucoup plus clair dans ses communications ! Rassurez les gens et faites confiance aux élus !

location de voiture pour les jeunes conducteurs

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 1222, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.

M. Gilbert Roger. J’ai appelé l’attention de M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance sur la surprime appliquée par les loueurs de voitures aux jeunes conducteurs, c’est-à-dire aux jeunes âgés de moins de 26 ans, du fait du risque d’accident plus élevé pour cette catégorie de conducteurs.

Les prix varient selon les sociétés de location, mais certains loueurs pratiquent des surprimes très élevées, pouvant atteindre jusqu’à deux fois le tarif normal. Par ailleurs, les sociétés de location appliquant une surprime aux jeunes conducteurs n’en communiquent pas toujours le montant sur leurs tarifs.

Aussi, je souhaite savoir si le Gouvernement est prêt à réglementer cette surprime pratiquée par les sociétés de location de véhicules et à en limiter l’application aux conducteurs ayant moins de deux ans de permis afin d’éviter l’application de tarifs prohibitifs.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur Gilbert Roger, vous appelez l’attention du Gouvernement sur les suppléments que les loueurs de voitures appliquent aux consommateurs âgés de moins de 26 ans.

Je rappelle que, s’il est interdit de refuser ou de subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service à une condition fondée sur l’âge, rien n’interdit aux loueurs d’appliquer des suppléments. Ainsi, le Défenseur des droits a souligné, dans une décision du 16 décembre 2014, que la fourniture d’une prestation de location de voiture « à des conditions tarifaires distinctes ne caractérise pas une différence de traitement prohibée, sauf si [cela] manifeste une volonté d’exclure les personnes concernées et s’apparente alors à un refus implicite ». Toutefois, il est indispensable que le consommateur en soit parfaitement informé avant la conclusion du contrat.

Des dispositions réglementaires visent, dans ce cadre, à protéger le consommateur en lui permettant d’avoir une connaissance précise des montants de ces suppléments avant de s’engager contractuellement. Ce cadre réglementaire vise à favoriser la transparence des prix au bénéfice d’une concurrence accrue et d’une modération tarifaire.

Les services de la DGCCRF effectuent régulièrement des contrôles dans ce secteur. Les agents prêtent une attention particulière à l’absence de refus de vente liée à l’âge du consommateur et à la bonne communication des tarifs. Les consommateurs peuvent, si cela est nécessaire, adresser des réclamations sur le site mis en place par le Gouvernement à l’adresse signal.conso.gouv.fr.

En application de l’article L. 410-2 du code de commerce, le Gouvernement peut réglementer les prix « dans les secteurs ou les zones où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés durables d’approvisionnement […] ». Tel n’est pas le cas du secteur de la location de véhicules, qui se caractérise par une forte concurrence entre plusieurs sociétés, dont les agences sont le plus souvent implantées dans les mêmes zones de commercialisation, comme les aéroports, les gares ou les centres-villes, ce qui permet au consommateur d’accéder à différentes offres.

De plus, le secteur se caractérise par l’émergence de nouveaux canaux de réservation, notamment en ligne, rendant les comparaisons tarifaires plus aisées et favorisant de facto la concurrence.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Roger, pour la réplique.

M. Gilbert Roger. Si vous allez dans un aéroport ou une gare, vous vous apercevrez, même si, comme moi, vous n’avez plus moins de 26 ans, que les surprimes pratiquées par les loueurs pour les jeunes conducteurs sont équivalentes et très élevées.

Un jeune qui passe le permis à 18 ans aujourd’hui peut avoir commencé à apprendre à conduire à partir de sa quinzième ou de sa seizième année. À 20 ans, il a donc les fameux deux ans de permis qui lui confèrent des droits supplémentaires et lui permettent d’assurer sa voiture individuelle auprès d’une compagnie traditionnelle à un coût moindre. Or il est surtaxé jusqu’à sa vingt-sixième année lorsqu’il loue une voiture !

M. Gilbert Roger. Franchement, réfléchissez-y quand vous retournerez à votre bureau tout à l’heure et vous vous rendrez compte qu’il y a un truc qui ne va pas ! Essayons de régler ce problème pour la jeunesse, qui est par ailleurs durement touchée.

mise en application de la réforme du « nouveau réseau de proximité » à compter du 1er janvier 2021

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, auteure de la question n° 1373, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Le prédécesseur de l’actuel ministre délégué chargé des comptes publics a lancé une réforme prévoyant la fin des transactions en numéraire dans les trésoreries, mais également la fermeture de trésoreries, ce qui entraînera un bouleversement total de la présence des finances publiques dans les territoires.

Nombre de maires et d’élus de mon département, le Pas-de-Calais, ont fait part de leurs craintes, mais aussi de leur colère aux services du ministère et au ministre chargé des comptes publics lui-même, ainsi qu’à son prédécesseur, concernant la mal nommée réforme du nouveau réseau de proximité, grâce à laquelle le Gouvernement prétend améliorer la présence des services publics dans les territoires. En effet, les maires et les élus voient en cette réforme un nouveau transfert de compétences par l’État aux collectivités territoriales, sans compensation. Les accueils de proximité et les maisons France Services sont bien souvent à la charge des collectivités, qui doivent assumer seules des compétences qui relevaient autrefois de l’État, et ce sans compensation.

Les services publics de proximité sont essentiels. Ils ont montré toute leur efficacité en cette période de crise sanitaire. Leur connaissance du terrain et leur implantation en proximité en font indéniablement des maillons essentiels pour la sauvegarde de nos territoires.

Dernièrement, le directeur du Pas-de-Calais a annoncé dans la presse que les particuliers pourraient à nouveau payer leurs amendes et factures de divers services dans les permanences municipales ou les points d’accueil de proximité. Alors que le paiement chez les buralistes engendre un surcoût pour l’État, pourquoi avoir mis en place cette réforme pour finalement revenir à un paiement possible auprès des agents des finances publiques ?

Une réforme à moyens décroissants n’est pas compatible avec la réaffirmation de la République dans tous les territoires. Les circonstances sanitaires ne permettent pas de tenir des réunions de travail et de concertation entre élus, services de l’État et services des directions départementales et générales des finances publiques. Je demande donc au Gouvernement de bien vouloir suspendre la mise en application du nouveau réseau de proximité afin que le dialogue puisse s’engager sereinement à la suite des alertes des élus, des usagers et des agents, chez qui la suppression de plusieurs milliers d’emplois est envisagée.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Permettez-moi tout d’abord, madame la sénatrice Apourceau-Poly, de rappeler, au nom d’Olivier Dussopt, les objectifs du nouveau réseau de proximité de la DGFiP et les caractéristiques de la méthode mise en œuvre pour le définir.

Le maillage de la DGFiP, l’un des plus denses de l’État, reflète la diversité de ses missions, mais également une organisation qui ne correspond plus aux besoins actuels. Le nouveau réseau de proximité vise précisément à rapprocher les services publics de nos concitoyens et à tenir compte des besoins spécifiques de nos publics, en offrant aux élus et à nos concitoyens un service modernisé, plus proche et répondant à leurs demandes. Concrètement, il consiste à augmenter le nombre d’accueils de proximité de plus de 40 % et à développer le conseil aux élus locaux : près de 1 300 cadres seront dédiés à terme à cette mission de conseil financier, fiscal, budgétaire et comptable. En parallèle, les activités de gestion seront mutualisées au sein de services de gestion comptable pour gagner en efficacité et en rapidité.

La DGFiP s’attache à mettre en place un accueil de proximité, aussi bien dans les maisons France Services que dans les mairies, notamment dans les communes les plus reculées et éloignées des centres urbains. Les usagers bénéficient d’un accueil dédié par des agents aux compétences élargies, qui prennent en charge toute demande. En complément, la possibilité de payer chez les buralistes agréés, implantés dans les villages, se déploie progressivement et offre aux usagers une facilité horaire plus large que celle des services de la DGFiP.

Pour définir l’organisation cible de ses services, la DGFiP a engagé, il y a un peu plus d’un an, une démarche inédite, concertée, partenariale, auprès des élus et de ses agents. À ce jour, à l’échelon national, des conventions ont été signées dans trente-sept départements, avec les présidents de conseil départemental et, assez souvent, avec les maires de l’Association départementale des maires et le préfet. Parallèlement, plus de 400 conventions ont pu être signées avec les présidents d’EPCI. Au total, soixante-dix-huit départements ont signé une charte, soit départementale, soit avec un EPCI.

Le projet du nouveau réseau de proximité se construit dans le dialogue et au bénéfice des territoires ruraux, qui ont tout à gagner de la nouvelle organisation de la DGFiP, laquelle s’adapte aux besoins de ses usagers et de ses partenaires.

Dans le cas particulier du Pas-de-Calais, la DDFiP est présente aujourd’hui dans quarante-deux communes. À l’issue de cette réforme, elle sera implantée dans cinquante-deux communes, soit une présence renforcée dans dix communes supplémentaires.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la réplique.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes en train de m’expliquer que vous êtes moderne, que vous êtes dans la proximité, mais vous supprimez des trésoreries. Il faut que vous m’expliquiez comment, avec de telles suppressions, vous allez encore pouvoir être dans la proximité !

réorganisation « nouveau réseau de proximité »

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Rietmann, auteur de la question n° 1396, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.

M. Olivier Rietmann. Ma question est très proche de celle de ma collègue Apourceau-Poly, mais, comme le disait le philosophe, répétez, répétez, il en restera toujours quelque chose !

Depuis 2019, les finances publiques ont engagé à l’échelon national une vaste opération de réorganisation appelée NRP, pour nouveau réseau de proximité. Je connais et je partage en partie vos objectifs, monsieur le secrétaire d’État. Aucune administration ne peut rester figée, et nous devons exploiter les potentiels offerts par les nouvelles technologies. Pour autant, permettez-moi de vous faire part du constat des maires et des conseillers départementaux de la Haute-Saône et de relayer leur question.

Leur constat est d’ordre sociétal. Pour des millions de Français, déjà confrontés à la fracture numérique et dont les capacités en informatique sont inexistantes ou limitées, cette dématérialisation à marche forcée est un accélérateur du délitement des relations humaines.

Leur question est d’ordre très pratique. Elle porte sur la qualité du service rendu par notre administration.

Ce nouveau réseau fait la part belle aux maisons de services au public (MSAP) et aux établissements France Services. Or nul ne peut affirmer qu’un accueil par les employés de ces structures sera à la hauteur du service rendu par un agent de la DDFiP. À titre d’exemple, auprès de quelle instance de proximité un contribuable, souvent modeste, pourra-t-il argumenter afin de bénéficier d’un plan d’étalement d’une dette ?

Sur un autre plan, qui intéresse tout particulièrement les collectivités locales, la fermeture de trésoreries de proximité fragilisera les régies municipales dès lors que tous les paiements perçus ne peuvent être dématérialisés. Je pense aux forains sur les marchés et au nombre insuffisant de bureaux de poste pouvant recevoir des versements.

Comment entendez-vous assurer la qualité du service rendu aux administrés et quelles bornes allez-vous mettre à la démarche de dématérialisation continue, qui nous entraîne progressivement vers une déshumanisation et qui, de mon point de vue, est insupportable ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur Olivier Rietmann, le maillage de la DGFiP, l’un des plus denses de l’État, reflète la diversité de ses missions, mais également une organisation qui ne correspond plus aux besoins actuels, comme vous l’avez d’ailleurs souligné dans votre question. Le nouveau réseau de proximité vise précisément à rapprocher les services publics de nos concitoyens, en ligne et hors ligne, et à tenir compte des besoins spécifiques de nos différents publics, en offrant aux élus et à nos concitoyens un service modernisé, plus proche et répondant mieux à leurs demandes.

Le NRP se traduira ainsi par une augmentation du nombre d’accueils de proximité de plus de 40 %, aussi bien dans les maisons France Services que dans les mairies, notamment dans les communes les plus reculées. Il s’agit tout particulièrement de se rapprocher des usagers les moins mobiles et les moins à l’aise avec le numérique afin de garantir l’accès de tous à nos services, notamment dans les communes les plus éloignées des centres urbains.

La DGFiP veille à ne pas imposer la dématérialisation à ses usagers. La déclaration en ligne n’est d’ailleurs obligatoire, je le rappelle, que pour ceux qui sont en mesure de la réaliser. Les services en ligne et les services téléphoniques, tout comme les échanges en visioconférence qui commencent à être proposés, viennent donc en complément et non en remplacement des accueils physiques. Ils répondent d’ailleurs à une attente très forte d’une grande majorité des usagers, qu’il faut également prendre en compte et qui souhaitent, lorsque c’est possible, réaliser leurs démarches en toute autonomie ou être assistés à distance afin d’éviter de se déplacer.

Par ailleurs, afin d’accompagner les usagers qui le désirent dans leurs premières démarches en ligne, la DGFiP met à leur disposition, dans les halls de ses centres des finances publiques, mais aussi dans les relais externes, notamment les structures France Services, des ordinateurs et une offre d’accompagnement pédagogique.

L’enjeu est donc de permettre à chacun d’utiliser les différents canaux de contact proposés, en favorisant l’autonomie, mais en accompagnant et en renforçant en parallèle la présence de proximité.

La DGFiP porte une grande attention à la qualité du service offert dans les accueils de proximité, aussi bien dans les maisons France Services que dans les permanences en mairie.

Il convient de rappeler que les structures France Services doivent répondre à des critères exigeants pour obtenir ce label et que tous leurs animateurs suivent un cycle de formation très complet. Les usagers bénéficient ainsi d’un accueil dédié, par des agents aux compétences élargies, qui prennent en charge toute demande de premier niveau et tout souhait d’accompagnement dans la réalisation d’une démarche, qu’elle soit réalisée sur papier ou en ligne.

Par ailleurs, les agents des finances publiques seront disponibles pour répondre aux questions plus complexes, soit à distance, soit lors des permanences organisées notamment en mairie.

Enfin, la DGFiP s’est engagée à assurer, conjointement avec les élus, un suivi de cette nouvelle organisation pour s’assurer que celle-ci répond bien aux besoins des usagers et aux attentes des élus.

En complément, je le rappelle, la possibilité de payer chez les buralistes agréés, implantés dans les villages, se déploie progressivement et offre aux usagers une amplitude horaire plus large que celle des services de la DGFiP.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour la réplique.

M. Olivier Rietmann. Monsieur le secrétaire d’État, ne vous faites pas d’illusion : ces restructurations et ces fermetures de services éloignent toujours plus les usagers des services de la DGFiP. Ne niez pas l’évidence !

Il faut que le Gouvernement rompe avec l’hypocrisie et assume le fait que la fermeture des trésoreries provoquera un affaiblissement de la qualité de l’accueil et du conseil fiscal. Elle accentuera inexorablement le sentiment d’abandon, bien légitime, de nos territoires ruraux par l’État. La France n’est pas uniforme, vous semblez l’oublier !

conséquences de la restructuration d’edf hydro méditerranée sur le site de sainte-tulle

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la question n° 1430, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie.

M. Jean-Yves Roux. Je dois dire en préambule combien je regrette qu’un ministre s’occupant directement de ce dossier majeur ne soit pas présent pour répondre à ma question.

Avec trente centrales hydroélectriques et dix-sept barrages répartis dans les Alpes-de-Haute-Provence, les Hautes-Alpes, le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône, notre région contribue à la bonne santé de l’hydroélectricité en France, deuxième source d’énergie renouvelable dans notre pays. Or, depuis 2020, l’entreprise EDF Hydro Méditerranée, qui assure l’exploitation des principaux aménagements hydroélectriques, est en cours de réorganisation. Il est tout d’abord prévu de rattacher quatre-vingt-cinq agents, installés dans l’arrière-pays niçois et sur les aménagements de l’Argentière dans les Hautes-Alpes, à une unité nationale hydraulique basée à Lyon.

Par ailleurs, EDF Hydro Méditerranée prévoit dès l’été 2021 une restructuration de son siège marseillais, ainsi que des entités d’Aix-Marseille et de Sainte-Tulle près de la gare d’Aix-en-Provence TGV. Ce projet de restructuration, il faut le souligner, entraînera une perte d’emplois sur Marseille, mais aussi sur le site florissant de Sainte-Tulle dans les Alpes-de-Haute-Provence.

De plus, le centre de conduite hydroélectrique de l’aménagement Durance-Verdon sera lui aussi transféré à Lyon, ce qui entraînera la destruction de douze emplois directs sur le site de Sainte-Tulle.

Le centre de conduite hydroélectrique joue un rôle majeur dans la synchronisation des dix-huit centrales hydroélectriques permettant un transfert d’eau instantané de Serre-Ponçon vers l’étang de Berre. Cet aménagement est de fait indispensable à la sécurisation du système électrique dans la région sud. De même, lors du passage de crues, le site permet de garantir la sécurité des personnes et des biens.

Depuis sa création en 1981, le centre de conduite hydroélectrique de Sainte-Tulle a engendré des aménagements multi-usages très divers, depuis l’hydroélectricité, la fourniture d’eau potable, l’irrigation et, bien sûr, des activités de tourisme indispensables à l’écosystème de notre département.

Monsieur le secrétaire d’État, pour nous, la gestion optimale des centrales hydroélectriques ne passe pas par une découpe des activités. Aussi, pouvez-vous nous donner des garanties sur l’avenir des sites hydroélectriques des Alpes-de-Haute-Provence ? Quelle position l’État et le Gouvernement défendent-ils pour préserver ces aménagements et éviter tout démantèlement, toute délocalisation et, à terme, une privatisation de la gestion partagée de nos barrages et de la ressource en eau ? Nous n’en voulons pas !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de mes collègues Barbara Pompili et Agnès Pannier-Runacher pour répondre à votre question sur les projets de restructuration d’EDF Hydro Méditerranée, qui concernent particulièrement le site de Sainte-Tulle.

L’aménagement de la Durance et du Verdon, qui représente une puissance de 2 000 mégawatts, est unique en France.

L’hydroélectricité joue un rôle essentiel pour le système électrique régional – elle représente 50 % de la production régionale –, mais aussi pour les usages multiples de l’eau comme l’irrigation, la distribution d’eau potable, d’eau industrielle ou encore le tourisme. Elle a également des retombées économiques importantes dans votre département – je sais qu’elles vous tiennent à cœur –, puisqu’elles ont généré 3,6 millions d’euros d’achats locaux en 2019 et 26 millions d’euros d’impôts locaux et de taxes en 2018.

Un projet de réorganisation visant à moderniser les outils de pilotage des centrales hydrauliques d’EDF est en effet envisagé. Ce projet aurait un impact très limité sur la présence des salariés d’EDF sur le territoire, salariés qui se comptent par centaines pour la totalité de l’aménagement Durance-Verdon. Ne concernant pas les ouvrages d’EDF à proprement parler – les barrages, les usines et les ateliers –, le projet n’aura au demeurant pas d’impact sur les achats locaux ni sur les retombées fiscales en lien avec l’activité industrielle d’EDF.

Toutefois, le projet de réorganisation évoqué concerne bien vingt-cinq salariés actuels du site de Sainte-Tulle, qui seront désormais rattachés à l’état-major de l’unité. Actuellement réparti sur trois sites – Marseille, Aix-en-Provence et Sainte-Tulle –, cet état-major sera regroupé dans le courant de l’année 2021 à Aix-en-Provence. Ces vingt-cinq salariés pourront travailler à distance plusieurs jours par semaine, soit en télétravail, soit depuis le site de Sainte-Tulle. Ces salariés et leurs familles, attachés au territoire et à son cadre de vie, pourront donc y demeurer.

Enfin, à l’horizon de 2022-2025, dix salariés chargés de la téléconduite des aménagements seront concernés par la constitution à Lyon d’un pôle national dans le cadre du projet de modernisation du pilotage des centrales hydrauliques pour répondre aux évolutions du marché et au nouveau code de réseau européen. Il leur sera proposé soit de rejoindre Lyon pour y poursuivre leur activité actuelle, soit d’être affectés à d’autres activités sur la Durance, voire dans d’autres entités du groupe EDF, pour ceux qui le souhaiteraient.

Soyez assuré, monsieur le sénateur, que nous suivons avec la plus grande attention ce projet de restructuration et que nous sommes vigilants à ce que l’activité hydroélectrique demeure sur votre territoire.

relations commerciales entre producteurs et grande distribution

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, auteur de la question n° 1209, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.

M. Michel Canevet. Monsieur le secrétaire d’État, vous étiez dans le centre Finistère voilà une dizaine de jours et à Varennes-sur-Allier ce week-end. Vous avez pu constater l’importance de l’agriculture pour les zones rurales, mais aussi que certains producteurs, en particulier de viande bovine et de lait, souffrent terriblement, car ils ont du mal à vivre de la vente de leurs produits. On espère bien sûr une évolution technologique, notamment le recours aux outils connectés, pour améliorer la productivité, mais cela ne suffira pas.

Vous êtes par ailleurs conscient que, dans notre pays, la grande distribution est concentrée entre quelques mains et qu’elle assure l’essentiel des ventes des produits.

La loi Égalim, adoptée par le Parlement en 2018, n’a pas apporté de réponses à l’ensemble des problématiques auxquelles les producteurs sont confrontés. Elle ne leur permet pas de vivre du fruit de leur travail. Il faut maintenant travailler sur d’autres axes afin de trouver des solutions.

Aux États-Unis, depuis 1936, le Robinson-Patman Act, oblige les PME à vendre leurs productions au même prix à l’ensemble des distributeurs de façon à éviter la pression par les volumes.

Le Gouvernement envisage-t-il des solutions afin de permettre à l’ensemble des producteurs de gagner enfin leur vie grâce à la vente de leurs produits ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur Michel Canevet, le Gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre les pratiques commerciales déloyales.

Vous l’avez rappelé, en 2018, le Président de la République a lancé les États généraux de l’alimentation, processus de concertation réunissant l’ensemble des acteurs de la filière agroalimentaire, qui a abouti au vote de la loi dite « Égalim ». Il faut souligner que, auparavant, le législateur a multiplié ses interventions dans le domaine des relations commerciales : loi Galland en 1996, loi relative aux nouvelles régulations économiques en 2001, loi en faveur des petites et moyennes entreprises, dite « loi Dutreil » en 2005, loi de modernisation de l’économie en 2008, loi Hamon en 2014, loi Sapin II en 2016.

Aujourd’hui, il importe de laisser les mesures de la loi Égalim produire leurs effets, d’autant qu’il est encore trop tôt pour mesurer leur impact, notamment sur le revenu des agriculteurs. C’est pour cette raison que le Parlement, par la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, adoptée en octobre dernier, a prolongé jusqu’en 2023 l’expérimentation des mesures d’encadrement des promotions et de relèvement du seuil de revente à perte.

Par ailleurs, les interprofessions commencent à élaborer leurs indicateurs de coûts de production, comme le prévoit la loi, notamment dans la filière laitière que vous évoquiez.

Il est nécessaire de laisser le temps aux opérateurs de s’emparer du texte et de les inciter à la contractualisation en amont dans les filières. La DGCCRF, par son programme de contrôle, les pousse en ce sens. Il n’apparaît donc pas opportun de légiférer de nouveau à court terme, notamment pour rétablir l’interdiction de discrimination abusive, laquelle, je vous le rappelle, a été supprimée par le législateur en 2008.

Vous évoquez également la possibilité de poursuivre les distributeurs sur le fondement du déséquilibre significatif. Je vous informe que le ministre chargé de l’économie assigne régulièrement les distributeurs devant les tribunaux de commerce pour des pratiques abusives envers leurs fournisseurs. Depuis 2008, de nombreuses décisions de justice ont été rendues dans des affaires engagées par le ministre. Ainsi, des amendes civiles, pour un montant de 16 millions d’euros, ont été prononcées contre les auteurs de telles pratiques, parfois également condamnés à restituer aux fournisseurs lésés plus de 180 millions d’euros indûment perçus.

Très récemment, Bruno Le Maire a engagé deux actions judiciaires dans lesquelles il demande au juge la condamnation à près de 220 millions d’euros d’amende civile. En 2020, il a développé le recours aux sanctions administratives dans le domaine de pratiques restrictives de concurrence en sanctionnant quatre grands opérateurs de la distribution alimentaire pour non-respect de la date de signature des conventions.

Enfin, le législateur vient d’adopter, dans le cadre de la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, une disposition instituant la possibilité d’associer à une injonction administrative une astreinte financière dissuasive.

Le Gouvernement est donc particulièrement attentif à l’état des relations entre fournisseurs et distributeurs, notamment dans cette période de négociations commerciales, qui font l’objet d’un suivi spécifique des services de la DGCCRF.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour la réplique.

M. Michel Canevet. Je partage bien entendu votre analyse sur le foisonnement textuel, mais pas votre conclusion sur le fait que nous n’aurions pas assez de recul pour pouvoir analyser les effets de la loi Égalim.

Très concrètement, on voit qu’un certain nombre de producteurs, notamment de lait et de viande bovine, mais ils ne sont pas les seuls, ont du mal à vivre de leur activité, ce qui n’est pas normal. Il importe donc d’agir. Agir, cela signifie trouver d’autres solutions !

Je sais que le Gouvernement a confié une mission à Serge Papin sur ce sujet : il faudra qu’elle produise des résultats. Ils sont très attendus sur le terrain.

arnaques sur internet et protection des utilisateurs

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, auteur de la question n° 1424, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

M. Stéphane Piednoir. À l’heure de la dématérialisation quasi généralisée, en France comme ailleurs, l’outil informatique est devenu pratiquement incontournable pour toutes les taches du quotidien et pour toutes les tranches d’âge. Chacun est de plus en plus incité à avoir recours à des moyens dématérialisés pour des actes du quotidien. C’est d’autant plus vrai en période de confinement, avec le développement du télétravail, les démarches administratives à effectuer en ligne ou encore les commandes à passer sur internet.

Si cet outil constitue à bien des égards un progrès incontestable, son utilisation peut cependant se révéler complexe pour certains. Au-delà des simples difficultés d’usage, de nombreux actes malveillants – arnaques, piratages – peuvent duper les utilisateurs. Ce phénomène n’est malheureusement pas nouveau, mais il a connu une forte augmentation depuis le confinement. On a ainsi vu émerger des sites frauduleux et de fausses cagnottes, se multiplier les usurpations d’identité et les escroqueries en tous genres.

La recrudescence des arnaques sur internet concerne tout particulièrement les seniors, qui sont souvent moins à l’aise avec l’outil informatique. C’est ce que dénonce la délégation de Maine-et-Loire de la Confédération française des retraités, qui entreprend des actions de sensibilisation pour lutter contre la multiplication des arnaques sur internet.

Lors de votre déplacement en Seine-Saint-Denis le 15 janvier dernier, monsieur le secrétaire d’État, vous avez rappelé l’objectif du Gouvernement de faire du numérique un outil au service de tous, de notre quotidien et de l’émancipation citoyenne. Dans ce cadre, quelles actions entendez-vous mettre en place pour mieux informer et protéger les utilisateurs d’internet ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur Stéphane Piednoir, vous évoquez les arnaques sur internet, fléau qui se développe de plus en plus, notamment à l’occasion du confinement. Certains seniors, moins à l’aise avec les outils numériques, peuvent plus facilement être dupés par les arnaques en ligne. Toutefois, il serait illusoire de croire qu’un jeune connecté ne peut pas également être victime de telles arnaques. De fait très dépendants du numérique, dont ils font de multiples usages, les jeunes sont également une cible privilégiée des arnaques sur internet. Force est de constater que nombre d’entre d’eux se font piéger.

La réponse du Gouvernement face à ce phénomène se décline en trois volets complémentaires : la sensibilisation, l’assistance aux victimes et la répression.

En matière de sensibilisation et d’assistance aux victimes, l’action du groupement d’intérêt public cybermalveillance.gouv.fr doit être soulignée. Réunissant des associations professionnelles, des grandes entreprises et des services de l’État, ce GIP diffuse largement ses conseils en matière de sécurité numérique au profit des particuliers. Il effectue des actions de sensibilisation et réalise des campagnes d’affichage massives, dans les gares par exemple.

Certains membres du GIP conçoivent également des campagnes de sensibilisation. Je reconnais bien volontiers que cette sensibilisation des Français aux problématiques de la sécurité numérique reste encore trop faible, mais nous y travaillons, avec le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports pour sensibiliser les élèves, ainsi qu’avec le ministère du travail, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information et les entreprises du secteur.

Concernant l’assistance aux victimes, la plateforme cybermalveillance.gouv.fr joue là aussi un rôle essentiel. Elle offre un parcours automatisé, extrêmement simple et didactique pour toute personne ayant subi une arnaque sur internet ou une cyberattaque. Après quelques questions, la plateforme oriente les victimes, afin que celles-ci reprennent le contrôle de leurs équipements dans les cas les plus simples, ou qu’elles aient recours aux services d’un professionnel référencé sur la plateforme lorsque l’atteinte est plus grave.

Enfin, il est indispensable que ces arnaques, tout comme celles qui sont perpétrées dans le monde physique, ne restent pas impunies. À ce titre, j’encourage évidemment toutes les victimes à se rendre dans le commissariat de police ou la brigade de gendarmerie le plus proche et à porter plainte.

Trop souvent, les victimes s’interdisent de le faire ou pensent que c’est inutile. Elles portent seules cette difficulté, ce qui nous empêche de poursuivre les auteurs. Notre action doit conduire à ce que de plus en plus de personnes portent plainte, afin que nous puissions réprimander justement les personnes qui se livrent à ces arnaques. Les plaintes permettent aux services enquêteurs d’obtenir la vision la plus complète possible des atteintes commises et conduisent de plus en plus fréquemment à des arrestations.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.

M. Stéphane Piednoir. Monsieur le secrétaire d’État, je partage pleinement votre analyse : ces arnaques peuvent évidemment concerner les jeunes publics. Souvent, par naïveté, les publics plus avancés en âge – les seniors – se font avoir, si je puis dire, par des sites extrêmement bien faits, qui s’apparentent parfois à des sites gouvernementaux.

Sans doute faudrait-il davantage les sensibiliser au dernier point que vous avez évoqué, c’est-à-dire à la possibilité de porter plainte, afin que des sanctions soient prononcées contre les auteurs de sites frauduleux. Des actions de sensibilisation, directement réalisées sur les sites, via des codes, pourraient être mises en place très prochainement.

En tout cas, je vous sais impliqué sur ce dossier du numérique.

couverture en téléphonie mobile dans les territoires ruraux

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Rojouan, auteur de la question n° 1412, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

M. Bruno Rojouan. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous alerter sur les problématiques liées à la couverture en téléphonie mobile dans les territoires ruraux.

Selon les statistiques officielles, la couverture en téléphonie mobile du département de l’Allier est bonne : 99 % du territoire est couvert, selon l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse). Seulement, il existe une part non négligeable du département au sein de laquelle cette couverture n’est assurée que par certains opérateurs. Ainsi, sur près de 17 % du territoire, au moins un des opérateurs est défaillant et n’offre aucune couverture en réseau mobile.

La plupart de nos concitoyens n’ont qu’un seul abonnement mobile. Ils sont confrontés à des « trous » dans leur couverture en téléphonie lorsque leur domicile et leur lieu de travail ne sont pas couverts par le même opérateur ou lorsqu’ils se déplacent. Il est ainsi difficile de mener une vie normale, d’accéder aux services de secours, de favoriser le dynamisme économique du territoire et de le rendre attractif.

On retrouve cette situation que l’on rencontre dans l’Allier dans d’autres départements ruraux. Il apparaît donc pertinent qu’un opérateur, dès lors qu’il est le seul à couvrir une zone rurale, soit obligé d’assurer, via ses propres équipements, la couverture en téléphonie pour le compte des autres opérateurs. Cette pratique appelée le RAN-sharing permet à certains opérateurs d’être présents dans les zones peu rentables sans investissement lourd et d’améliorer significativement la couverture mobile de leurs habitants.

Je souhaite par ailleurs appeler votre attention sur les mesures de couverture mobile utilisées par l’Arcep comme par les opérateurs. Si celles-ci permettent d’afficher des taux de couverture très élevés, elles sont très contestables dans les faits. Ces mesures reposent en effet sur des simulations numériques et se fondent sur des niveaux de signal théoriques en extérieur. Or, dans beaucoup de zones considérées comme couvertes, il n’est en fait pas possible de capter le réseau mobile à l’intérieur des bâtiments.

La situation sur le terrain est donc bien plus dégradée que ce que laissent penser les statistiques. Aussi, je vous remercie de bien vouloir nous faire part des intentions du Gouvernement en ce qui concerne la généralisation du RAN-sharing ou toute autre initiative visant à améliorer la couverture du réseau en milieu rural, ainsi que les actions qu’il compte mener afin de généraliser l’utilisation d’indicateurs fiables, qui prennent en compte la pénétration à l’intérieur des bâtiments, ce qui permettrait d’évaluer l’étendue de la fracture numérique, qui demeure une réalité dans les territoires ruraux.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur Bruno Rojouan, nous étions tous deux présents il y a trois jours dans votre département. J’y incarnais la volonté du Gouvernement de s’attaquer de manière extrêmement décidée à cette problématique de la fracture numérique, qu’elle concerne la fibre, la connexion aux réseaux mobiles ou les usages. Au travers du plan de relance, mais aussi d’un certain nombre d’autres dispositifs, comme le fameux « New Deal mobile », le Gouvernement a en effet investi comme jamais pour réduire cette fracture numérique.

S’agissant de la question de la couverture en téléphonie mobile, vous avez raison, l’impatience de nos concitoyens est toujours là et est légitime. Le déploiement de nouveaux pylônes est toujours trop lent. Je vais tout de même rappeler les chiffres du « New Deal mobile ».

Entre 2003 et 2018, le précédent plan national de résorption des zones blanches a conduit les précédents gouvernements à déployer 600 pylônes en quinze ans. Grâce au « New Deal mobile » signé en juin 2018, ce seront 2 500 pylônes qui seront installés en zone blanche d’ici à la fin de 2022. Nous sommes donc passés de 600 pylônes en quinze ans à 2 500 pylônes en deux ans et demi. Au total, ce sont 10 000 à 12 000 pylônes qui seront allumés dans les zones blanches et qui permettront de réduire de manière draconienne la fracture numérique.

S’agissant du département de l’Allier, comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de ma récente visite, 39 nouveaux sites mobiles jugés prioritaires ont été identifiés par l’équipe projet et ont fait l’objet d’un arrêté. Six nouveaux sites mobiles ont d’ores et déjà été mis en service. Ce sont au total 33 nouveaux sites qui ouvriront d’ici à la fin de 2022.

Je rappelle aussi que la méthodologie a changé. Nous ne nous appuyons plus sur les mesures théoriques que vous avez évoquées : ce sont les élus locaux, avec le préfet de département, qui décident des sites où seront déployés les pylônes, ce qui nous permet de coller à la réalité du vécu de nos concitoyens.

Je rappelle également que le choix est laissé aux territoires de prioriser les zones dites « blanches », c’est-à-dire les zones où il n’y a aucun opérateur, ou les zones dites « grises », c’est-à-dire celles où un ou plusieurs opérateurs sont présents, ce qui favorise une certaine flexibilité et donc une meilleure adaptation aux caractéristiques locales.

Lorsqu’une zone blanche est priorisée localement, les quatre opérateurs sont obligés de mutualiser leurs infrastructures dans le cadre du RAN-sharing. Lorsqu’une zone grise est priorisée, le dispositif permet de compléter la couverture en associant les opérateurs non présents à ce stade et de contribuer ainsi à la couverture du territoire concerné par l’ensemble des opérateurs.

Je conçois que l’impatience de nos concitoyens soit grande, mais je veux vous assurer, monsieur le sénateur – vous avez eu l’occasion de le voir sur le terrain il y a quelques jours, et il y a quelques semaines –, que la mobilisation du Gouvernement pour mettre fin aux zones blanches est totale.

entretien du réseau de téléphonie fixe

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Ventalon, auteure de la question n° 1429, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Mme Anne Ventalon. Le 30 octobre dernier, Bruno Le Maire déclarait : « Le télétravail est la règle ; le reste, c’est l’exception. »

Pour de nombreux habitants de la ruralité, particulièrement en Ardèche, cette exception relève de l’ordinaire. Particuliers, entreprises, collectivités, personnes isolées ou fragiles, tous subissent encore et toujours les déboires d’un réseau filaire obsolète et dysfonctionnel.

En 2021, l’accès à une téléphonie fixe de qualité ne devrait pas être une chance, mais un droit garanti, comme l’eau ou l’électricité. Hélas, l’entretien désastreux du réseau en cuivre empêche de nombreux abonnés de bénéficier du service universel de téléphonie, qui est pourtant dû par l’opérateur historique Orange. Tandis que ce dernier est tenu d’intervenir en quarante-huit heures, les délais pour les réparations se comptent en semaines ; en outre, de simples ouvertures de ligne réclament des mois. Ainsi, la demande de raccordement dans la commune de Limony en Ardèche, qui date de l’an dernier, n’a toujours pas abouti à ce jour. Dernièrement, ce sont les communes ardéchoises d’Aizac, de Saint-Martial et du Cros-de-Géorand qui ont eu à subir cette impéritie : fils au sol, poteaux tombés, réactivité médiocre et délais de traitement des pannes extravagants.

En 2017, l’opérateur Orange a été désigné par le ministre de l’économie pour piloter le contrôle du service au moyen d’indicateurs nationaux, et ce pour une durée de trois ans. En 2018, l’Arcep, constatant qu’Orange ne respectait pas ses obligations, l’a mis en demeure d’apporter les indispensables améliorations concernant plusieurs indicateurs, notamment les délais de raccordement et d’intervention.

Faute d’investissement et d’une quelconque volonté de la part d’un opérateur qui mise sur le déploiement de la fibre et de la 5G, aucune amélioration notable n’a été constatée depuis.

Vous avez vous-même déclaré qu’il y avait urgence et missionné une députée sur ce sujet. Or la convention entre l’État et Orange est arrivée à échéance le 27 novembre 2020. Ma question concerne donc le cahier des charges de la convention qui doit la remplacer. Inscrirez-vous des critères plus lisibles permettant d’apprécier la situation propre à chaque département, pour enfin résorber les problèmes de la téléphonie fixe en milieu rural ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Madame la sénatrice, vous évoquez un problème qui concerne beaucoup de nos concitoyens.

Comme vous l’avez dit, le Gouvernement et les opérateurs ont un objectif extrêmement ambitieux en matière de déploiement de la fibre, qui doit conduire à une forme de service universel et à un accès de tous à la fibre d’ici à la fin de l’année 2025. Dans cette attente, beaucoup de territoires, beaucoup de Françaises et de Français dépendent encore du téléphone fixe et du réseau en cuivre pour communiquer. Ce réseau reste donc absolument indispensable pour eux. Il était régi par un service universel dans le cadre de la convention entre l’État et Orange, qui a légalement pris fin le 4 décembre dernier.

Dans le courant de l’année passée, le projet de loi Ddadue transposant la directive européenne qui encadre les modalités d’application du nouveau service universel aurait dû être voté. Or, compte tenu de la crise de la covid-19, vous n’avez pu voter ce projet de loi qu’à la fin décembre. Nous sommes dans une période de transition en quelque sorte, où le précédent service universel a pris fin et le nouveau service universel n’est pas encore défini.

Les services de l’État, en lien avec les opérateurs et les collectivités territoriales, travaillent extrêmement dur à la définition de ce nouveau cadre, dont il est probable d’ailleurs qu’il doive s’adapter à la réalité quotidienne des territoires. Cela signifie, pour être extrêmement concret, qu’il faudra probablement plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour circonscrire ce nouveau cadre. Or il est hors de question de laisser nos concitoyennes et nos concitoyens qui sont aujourd’hui coupés du téléphone ou souffrent de l’insuffisante qualité du réseau cuivre sans solution. C’est pourquoi l’Assemblée nationale a décidé de confier une « mission flash » – d’une durée d’un mois – à la députée Célia de Lavergne, afin qu’elle puisse, en cela appuyée par les services de mon ministère, formuler des propositions au Gouvernement, en lien avec les différents acteurs.

Nous voulons faire en sorte d’apporter une réponse rapide à l’ensemble des Français. Il y a urgence absolue dans ce domaine : il nous faut déployer rapidement la fibre et le réseau mobile, mais nous devons aussi, en attendant que la fibre soit généralisée à l’ensemble du territoire, maintenir une bonne qualité du réseau en cuivre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Ventalon, pour la réplique.

Mme Anne Ventalon. Je resterai attentive à vos décisions et à vos actions. Gardons en tête que nous sommes en état d’urgence, que la téléphonie fixe est un droit, la qualité du service une nécessité et un devoir.

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Démission et remplacement d’une juge suppléante à la Cour de justice de la République

M. le président. Mes chers collègues, à la suite de la démission de Mme Corinne Féret, juge suppléante à la Cour de justice de la République, le scrutin pour l’élection d’un nouveau juge suppléant pourrait se tenir jeudi 21 janvier de dix heures trente à onze heures en salle des conférences.

Le délai limite pour le dépôt des candidatures à la présidence serait fixé à demain quinze heures.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

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Dossier législatif : proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat
Discussion générale (suite)

Garantie du respect de la propriété immobilière contre le squat

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat, présentée par Mme Dominique Estrosi Sassone et plusieurs de ses collègues (proposition n° 81, texte de la commission n° 262, rapport n° 261).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat
Article 1er

Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « il n’y a pas de justice, il faut que les choses changent » ! Ces quelques mots d’Henri Kaloustian, ancien mécanicien de 75 ans, victime avec son épouse Marie-Thérèse du squat de leur maison de Théoule-sur-Mer l’été dernier, disent presque tout du drame que constitue le squat des biens immobiliers dans notre pays. Ce couple de retraités modestes a constaté, désespéré, le saccage de son domicile, fruit de plus de trente ans d’économies, et l’impuissance des pouvoirs publics pris dans des considérations juridiques kafkaïennes.

Oui, madame la ministre, il faut que les choses changent ! En effet, il n’y a pas qu’une affaire locale qui serait montée en épingle, mais de très nombreuses affaires à travers toute la France depuis de trop nombreuses années. Sur ces travées, chacun d’entre nous pourrait citer un exemple vécu.

Il faut que les choses changent, car le squat de domicile et le déni de justice qui l’accompagne sont d’une violence extrême pour les victimes. Vous voyez votre intimité violée, votre droit le plus légitime bafoué, la force l’emporter sur le respect de la loi, votre toit et votre sécurité, acquis à force de travail et d’épargne, réduits à néant.

Face à ce déni de justice, il existe un abus de droit manifeste, celui de se dire « chez soi » et de prétendre à la protection constitutionnelle du domicile et du droit au logement, alors que le plus simple bon sens montre que le squatteur usurpe, par la force ou par la ruse, le bien de sa victime.

Il faut que les choses changent ! C’est bien pour cela que j’ai déposé cette proposition de loi, soutenue par plus d’une centaine de mes collègues, que je remercie vivement, et portée par le groupe Les Républicains. Je veux apporter des réponses concrètes et rapidement applicables, au-delà de celles qui ont déjà été votées dans la loi ASAP (loi d’accélération et de simplification de l’action publique), qui a, hélas, été pour partie censurée par le Conseil constitutionnel.

Loin de surfer sur un événement médiatique, cette proposition de loi et l’engagement de notre groupe politique à la faire aboutir sont le résultat d’un long travail sénatorial, qui fait honneur à notre assemblée. En effet, les squats de domicile sont une question ancienne et complexe, qui doit être traitée de manière équilibrée et juste dans le respect de nos valeurs républicaines. Le logement est un bien de première nécessité.

Il ne faut pas confondre les squatteurs avec ces locataires en difficulté que l’on cherche à accompagner pour prévenir une expulsion forcément dramatique. De même, nous ne devons pas confondre des criminels qui facilitent et organisent des squats de domicile avec les associations légitimes qui défendent les locataires et cherchent à faire progresser le droit au logement dans notre pays.

Nous ne sommes pas non plus dans une opposition caricaturale entre, d’un côté, riches propriétaires et, de l’autre, pauvres locataires. On l’ignore souvent, mais nombre de locataires, y compris en HLM, sont eux aussi victimes de squatteurs.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Il nous faut donc agir. Mais cet équilibre et cette proportionnalité des moyens juridiques ne sont pas faciles à trouver. Le Sénat les a opiniâtrement recherchés depuis maintenant presque quinze ans. Je tiens à le souligner.

C’est sur l’initiative du Sénat et d’un amendement de notre collègue Catherine Procaccia qu’a été introduit l’article 38 de la loi de 2007 sur le droit au logement opposable, qui donne aux préfets la possibilité d’expulser les squatteurs d’un domicile. Malheureusement, cette disposition est restée peu connue et peu utilisée. On a dressé divers obstacles contre sa mise en œuvre, comme l’obtention de preuves ou le pseudo-délai de flagrance de quarante-huit heures qui empêcherait la force publique d’intervenir.

C’est encore sur l’initiative du Sénat et d’une proposition de loi de notre ancienne collègue Natacha Bouchart qu’une amende de 15 000 euros en cas d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui par voies de fait a été introduite dans le code pénal. De plus, avec cette loi, le squat de domicile est devenu un délit continu, ce qui devait normalement empêcher que l’on oppose aux victimes le pseudo-délai de flagrance de quarante-huit heures.

Las, ce ne fut pas suffisant. En 2018, dans le cadre de la loi ÉLAN (loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique), dont j’étais le rapporteur au Sénat, notre assemblée a été obligée de remettre l’ouvrage sur le métier. Nous avons introduit deux modifications dans le code des procédures civiles d’exécution : nous avons supprimé le délai de deux mois pour l’application d’une décision judiciaire d’expulsion, dès lors qu’il y a squat, et supprimé le droit de se prévaloir de la trêve hivernale en cas de squat de domicile.

Malgré ces avancées obtenues par le Sénat, il n’a toujours pas été mis fin aux squats de domicile. Mes chers collègues, vous le savez bien, dans certaines communes, les maires sont obligés de mobiliser la police municipale et leurs concitoyens dans des dispositifs « voisins vigilants » pour éviter les squats.

À la suite de l’affaire de Théoule-sur-Mer, le Gouvernement a simplifié la procédure de l’article 38 dans le cadre de l’examen du projet de loi ASAP. Néanmoins, ce texte n’avait pas vocation à traiter spécifiquement de cette question. C’est la raison pour laquelle le Conseil constitutionnel a censuré l’article qui visait à réprimer plus sévèrement les squatteurs. Plus largement, plusieurs questions relatives au squat, qui n’étaient pas de l’ordre de la pure simplification administrative et juridique, n’ont pas pu être introduites dans la loi lors des débats cet automne. Ma proposition de loi a justement pour objet de pouvoir le faire aujourd’hui.

Comme je l’ai souligné, le sujet est complexe. Il faut trouver le juste équilibre entre, d’un côté, la protection de la propriété privée, ce « droit inviolable et sacré », et, de l’autre, la protection du domicile et le droit au logement, qui sont reconnus depuis près de quarante ans comme des principes à valeur constitutionnelle. Il nous faut aussi trouver les moyens juridiques de protéger les victimes de squat, sans pour autant rendre délictuelles des situations de détresse qui doivent trouver une issue sociale et non judiciaire.

Au regard de cette obligation, les termes de la proposition de loi pouvaient être améliorés. Je veux très sincèrement remercier ici le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, le rapporteur Henri Leroy, qui a travaillé avec moi sur cette proposition de loi, et l’ensemble des services de la commission d’avoir cherché, dans un esprit de dialogue et avec toute la rigueur juridique qu’on leur connaît, à atteindre l’objectif qui était le nôtre : protéger les victimes, améliorer l’efficacité des procédures, punir les squatteurs et leurs complices.

Quelles sont donc les avancées concrètes que nous vous proposons d’adopter ?

Nous voulons dissuader plus fermement les squatteurs de domicile. Aujourd’hui, le fait d’occuper par la force le domicile d’autrui est moins sévèrement puni que le fait, pour un occupant légitime, de se faire justice. Cela n’est pas normal ! L’Assemblée nationale et le Sénat étaient parvenus à un accord à ce sujet cet automne. Le Conseil constitutionnel a estimé qu’il s’agissait d’un cavalier législatif dans un projet de loi visant à simplifier le droit. Nous vous proposons aujourd’hui de rétablir ces dispositions dans la loi.

Nous voulons éviter que le squat ne devienne une voie pour faire valoir son droit au logement opposable, une sorte de « coupe-file », car, si les préfets sont désormais fortement incités à procéder à l’expulsion des squatteurs, ils ont toujours l’obligation de les reloger. Or rien ne serait plus injuste que de donner, à notre corps défendant, une prime aux squatteurs au détriment de familles en attente de logement, mais respectueuses de la loi et du bien d’autrui. Nous proposons donc que les juges puissent décider la suspension du droit au logement opposable à titre de peine complémentaire et de manière limitée dans le temps.

Nous voulons dissuader et réprimer ceux qui se rendent complices de squats et, surtout, qui cherchent à les faciliter. De véritables modes d’emploi sont disponibles sur internet. Si vous ne l’avez pas encore fait, je vous invite à taper « Comment squatter un logement ? » sur le moteur de recherche de votre téléphone portable. Vous trouverez immédiatement des notices vous expliquant comment squatter un logement.

On est glacé à l’idée que, rentrant chez soi d’un déplacement, on puisse trouver la serrure changée et de nouveaux occupants à sa place. Nous proposons donc d’introduire une peine contre la propagande et la publicité en faveur du squat.

Mme Sophie Primas. Très bien !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Nous voulons clarifier la loi.

On a beaucoup focalisé sur le domicile. Je rappellerai que, dans le cadre de la loi ÉLAN, le Sénat n’avait pu faire adopter le délit d’occupation d’un logement vacant.

Les débats qui ont eu lieu à l’occasion de loi ASAP à l’Assemblée nationale ont montré qu’il ne fallait pas avoir une vision étroite du domicile, compris comme la résidence principale, mais l’étendre à la résidence secondaire et même permettre à des ayants droit d’agir, par exemple pour le compte d’une personne âgée.

Dans la continuité de la position du Sénat et pour traiter toutes les situations, nous vous proposons de faciliter l’expulsion en cas de squat dans les situations interstitielles entre deux locations ou avant un emménagement.

Nous souhaitons éviter que, lors des procédures d’expulsion, la notion de « voies de fait » ne donne lieu à des interprétations jurisprudentielles dénaturant les objectifs de la loi.

Enfin, nous souhaitons encore accélérer la procédure de l’article 38 exécutée par les préfets en réduisant le délai d’intervention à vingt-quatre heures, tout simplement parce que, dans la plupart des cas, les squatteurs commettent des dégradations et que le seul moyen de limiter ces dégâts est d’agir extrêmement rapidement.

Voilà, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les principales dispositions de la proposition de loi, sur lesquelles le rapporteur Henri Leroy aura l’occasion de revenir.

Je terminerai en citant Portalis, grande figure provençale et célèbre juriste, qui soulignait que « les lois ne sont pas de purs actes de puissance ; ce sont des actes de sagesse, de justice et de raison » et qu’on ne pouvait laisser leur contestation indécise « sans forcer chaque citoyen à devenir juge dans sa propre cause, et sans oublier que la justice est la première dette de la souveraineté ».

C’est cette dette de justice, de sagesse et de raison à l’égard des victimes de squat que je vous propose de voter aujourd’hui à travers cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Alain Marc applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri Leroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis particulièrement satisfait de rapporter devant vous la proposition de loi de notre collègue Dominique Estrosi Sassone, cosignée par plus d’une centaine de sénateurs. Les affaires récentes de Théoule-sur-Mer ou du Petit Cambodge nous appellent en effet à mieux protéger la propriété, « droit inviolable et sacré » selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, inscrite dans le préambule de notre Constitution, contre les squatteurs.

Certes, il existe déjà des dispositifs spécifiques pour lutter contre les squatteurs : le délit de violation de domicile de l’article 226-4 du code pénal ou la procédure rapide d’évacuation forcée, créée sur l’initiative du Sénat et, plus précisément, de notre collègue Catherine Procaccia dans la loi DALO du 5 mars 2007 lorsqu’il y a violation du domicile au sens de l’article 226-4 du code pénal. Mais les affaires évoquées démontrent qu’ils ne sont ni suffisamment dissuasifs à l’égard des squatteurs ni suffisamment connus des propriétaires, voire des préfectures, des forces de police et de gendarmerie et même des parquets.

À ce propos, j’ai été très surpris d’entendre lors de mes auditions que, dans l’affaire de Théoule-sur-Mer, le procureur de la République se serait opposé à une intervention des gendarmes, en invoquant le dépassement d’un délai de flagrance de quarante-huit heures, pourtant non prévu par les textes, puisqu’il s’agit d’un délit continu. La sous-préfecture, quant à elle, paraissait peu au fait de la question et ignorait que la procédure d’évacuation forcée pouvait s’appliquer à une résidence secondaire. C’est finalement parce qu’elle a constaté des faits de violences conjugales au sein du couple de squatteurs que la gendarmerie est intervenue et que les propriétaires ont pu réintégrer leur bien, propriété et domicile.

Ce dysfonctionnement est incompréhensible pour nos concitoyens. Une loi existe, mais elle est mal connue et, donc, mal appliquée. Les ministères interpellés nous annoncent une circulaire prochaine pour y remédier : elle est indispensable, et j’espère, madame la ministre, que nous n’aurons pas à attendre beaucoup plus longtemps.

Pour autant, la proposition de loi de notre collègue Dominique Estrosi Sassone n’est pas la énième réaction législative à un fait divers. Il s’agit d’un travail de fond pour compléter de manière utile la législation en vigueur. La commission des lois en a gardé les principaux apports, tout en la recentrant sur le cas des véritables squatteurs, c’est-à-dire ceux qui pénètrent dans les lieux contre la volonté du propriétaire, par manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, et qui savent donc, sans ambiguïté, ne pas être chez eux, selon les termes consacrés de la jurisprudence.

Les auditions que j’ai menées auprès des ministères concernés, mais aussi de l’Union nationale des propriétaires immobiliers et de la Fondation Abbé-Pierre m’ont convaincu de la nécessité de distinguer la situation des locataires défaillants ou des occupants à titre gratuit qui se maintiennent dans les lieux contre la volonté du propriétaire de celle des squatteurs.

Il y a tout d’abord une question d’opportunité : ces personnes sont entrées dans les lieux de manière licite et elles peuvent être simplement confrontées à un accident de la vie. Pénaliser le locataire défaillant reviendrait en définitive à réintroduire l’emprisonnement pour dettes. Cela ne signifie pas qu’il n’y ait rien à améliorer pour agir contre les locataires de mauvaise foi qui font du « tourisme locatif », mais c’est un autre sujet. D’ailleurs, avec la commission des lois, nous avons défini, en début d’examen de cette proposition de loi, son périmètre pour l’application de l’article 45 de la Constitution.

Il s’agit également de préserver l’équilibre entre le droit constitutionnel de propriété, garanti par les articles II et XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et le droit au logement, qui a été reconnu comme un objectif de valeur constitutionnelle.

Dans cet esprit, la commission a précisé le nouveau délit d’occupation frauduleuse d’un immeuble, en exigeant une introduction dans les lieux à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte. Elle a également introduit une gradation des peines pour punir plus sévèrement le squat d’un domicile que celui de locaux non utilisés à cette fin.

La commission a précisé la définition de la nouvelle infraction consistant à faire la propagande ou la publicité de l’occupation frauduleuse d’immeuble pour ne cibler que la diffusion de méthodes visant à faciliter ou à inciter à la commission de ce délit. Il s’agit de préserver la liberté d’expression des associations luttant contre le mal-logement, tout en permettant la poursuite de ceux qui incitent au squat en publiant sur internet de véritables modes d’emploi.

Par cohérence, à l’article 3, la commission a exclu de la procédure administrative d’évacuation forcée les locataires ou occupants entrés dans les lieux avec l’accord du propriétaire et qui se maintiendraient contre sa volonté, après résiliation du contrat de bail ou le retrait de l’autorisation. Elle a en revanche élargi l’application de cette procédure dérogatoire aux « locaux à usage d’habitation ». Le Sénat avait déjà voté cette mesure dans le cadre de la loi ÉLAN, sur l’initiative de notre collègue Marc-Philippe Daubresse, alors rapporteur pour avis.

L’article 3 de la proposition améliore ainsi de manière substantielle la rédaction adoptée en décembre dernier dans le cadre de la loi ASAP. Il permet d’apporter une solution lorsque le logement illicitement occupé n’est pas encore le domicile effectif de quelqu’un, par exemple lorsque les squatteurs occupent un logement laissé vacant entre deux locations ou un logement nouvellement acheté.

Enfin, à l’article 4, nous avons maintenu l’exigence d’une entrée dans les lieux par voies de fait pour priver un occupant du bénéfice du délai de deux mois et de la trêve hivernale dans le cadre d’une procédure d’expulsion, tout en précisant la notion de « voies de fait » pour éviter certaines jurisprudences divergentes, généralement peu favorables aux propriétaires.

Mes chers collègues, je vous invite à voter le texte de la commission, qui est efficace et équilibré. Mme la ministre nous dira probablement qu’il est trop tôt pour revenir sur un sujet qui vient de faire l’objet de dispositions dans le cadre de la loi ASAP du 7 décembre 2020… Mais l’auteur de la proposition de loi nous a expliqué de façon remarquable comment on n’avait pas pu aller au bout de ces dispositions.

Pour ma part, je considère qu’il n’est jamais trop tôt pour apporter des solutions à des problèmes qui existent et persistent depuis des années. Il suffit d’aller sur le terrain pour le constater – aller sur le terrain, c’est voir ; rester à son bureau, c’est philosopher ! Et ces problèmes perturbent gravement la vie de certains de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Alain Marc applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur – cher Henri Leroy –, madame l’auteure de la proposition de loi – chère Dominique Estrosi Sassone –, mesdames, messieurs les sénateurs, les affaires récentes de squat de domicile, à Théoule-sur-Mer ou Saint-Honoré-les-Bains, que j’ai suivies avec beaucoup d’attention, nous ont montré que les dispositifs d’évacuation de domicile squatté n’étaient pas toujours assez clairs, pas toujours assez bien connus par les personnes chargées de les mettre en œuvre. Forts de ce constat, le Gouvernement et les parlementaires ont choisi d’enrichir la loi dite « ASAP », d’accélération et de simplification de l’action publique, adoptée à l’automne dernier, avec un article dédié à cette question.

Les dispositions prises dans le cadre de cette loi ont permis de clarifier le champ d’application, d’encadrer les délais des procédures de lutte contre les squats de domicile, ainsi que de renforcer la procédure d’extrême urgence, placée sous la responsabilité des préfets, car il n’est pas acceptable de se trouver privé de son domicile. Ces dispositions ont été validées par le Conseil constitutionnel et sont d’application directe, à l’exception de l’aggravation des sanctions, sur laquelle je reviendrai dans quelques instants.

Il est maintenant essentiel de mieux faire connaître ces procédures spécifiques aux préfets, aux procureurs de la République, aux forces de l’ordre, afin qu’elles puissent être appliquées correctement et immédiatement. La circulaire prévue pour cela, que j’avais annoncée voilà quelque temps, est en cours de signature avec le ministre de l’intérieur et le garde des sceaux. Elle sortira dans les prochains jours pour apporter aux acteurs de terrain des précisions quant à la mise en œuvre de ces procédures.

M. François Bonhomme. Ça tombe bien…

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Les procédures doivent également être mieux connues de nos concitoyens. C’est pour cela que le site service-public.fr a été corrigé et enrichi dans la foulée de l’adoption de la loi.

Plusieurs faits divers récents ont par ailleurs soulevé des interrogations sur les procédures applicables en cas de squat hors domicile.

S’il y avait urgence à clarifier la situation pour les domiciles – ce que nous avons fait avec la loi ASAP –, il ne faut pas, pour les situations ne relevant pas des domiciles, se laisser emporter par l’émotion au moment de fixer des règles qui s’appliqueront, en fait, à un nombre très important de situations. Dans ces cas, il doit revenir au juge d’apprécier les faits et de faire respecter la procédure judiciaire et le droit de chacune des parties. L’État de droit nous l’impose pour respecter cet équilibre et ne pas élargir le champ des exceptions.

Derrière une occupation sans droit ni titre, il peut effectivement y avoir une multitude de situations différentes.

Du côté des propriétaires, on trouve des collectivités ou des entreprises dont les locaux ont été laissés vides, parfois pendant très longtemps,…

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. … mais aussi des particuliers dont le loyer constitue une source substantielle de revenus, voire un moyen de rembourser leur emprunt ou de payer leur propre loyer.

Du côté des occupants, on trouve des personnes de mauvaise foi, qui pensent avoir le droit pour eux ou les procédures pour eux, mais aussi des personnes de bonne foi, parfois à la merci de marchands de sommeil, ou des locataires qui, après avoir payé scrupuleusement leur loyer pendant quelques années, connaissent d’importantes difficultés financières, potentiellement aggravées dans le contexte actuel.

Toutes ces situations montrent, au-delà de la question du squat, l’étendue des enjeux de la politique du logement. D’ailleurs, nous avons fait un effort sans précédent, lors de la crise actuelle, pour créer des places d’hébergement, atteignant la semaine dernière 200 000 places d’hébergement ouvertes. Je poursuis la mise en œuvre de la politique dite du « Logement d’abord », et, avec un parlementaire en mission, le député Nicolas Démoulin, nous allons travailler sur la prévention des expulsions locatives, afin d’éviter un maximum de situations dramatiques.

J’en viens maintenant aux dispositions de cette proposition de loi.

Comme vous l’avez présupposé, monsieur le rapporteur, le Gouvernement soutient les avancées et l’équilibre trouvés dans le cadre de la loi ASAP, afin de renforcer la lutte contre les squats de domicile. Il n’est donc pas favorable globalement au texte, tel qu’il est présenté aujourd’hui.

L’article 1er reprend une disposition renforçant les sanctions pénales en cas de violation de domicile, qui, proposée par le Gouvernement et adoptée dans le cadre de l’examen du projet de loi ASAP, avait été considérée par le Conseil constitutionnel comme un cavalier législatif et censurée à ce titre. Le Gouvernement y est donc favorable. En revanche, il n’est pas favorable aux articles 2, 3 et 4 et, par conséquent, à l’ensemble de la proposition de loi.

M. François Bonhomme. Quelle surprise !

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’article 2 crée en effet quatre nouveaux articles dans le code pénal afin de punir l’occupation illicite d’un immeuble. L’objectif de cet article est de viser les cas d’occupation de locaux qui ne sont pas des habitations, comme le cas médiatisé du local du Petit Cambodge à Paris. Malgré les modifications apportées par le rapporteur en commission, il apparaît que la création de cette nouvelle infraction rompt l’équilibre entre droit de propriété et droit à un logement décent. (Exclamations indignées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. C’est inaudible !

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Premièrement, seraient recouverts des champs d’infractions déjà existants. Les domiciles sont déjà couverts par l’infraction de violation de domicile, et la jurisprudence pénale retient une acception large de tout lieu dans lequel il y a atteinte à la vie privée. En outre, les infractions liées aux dégradations résultant de l’entrée illicite dans les lieux existent déjà.

Deuxièmement, cette infraction pourrait s’appliquer à des situations dans lesquelles on pénaliserait des personnes se maintenant dans les lieux sans droit ni titre, par exemple après résiliation du bail, y compris en ayant indiqué pouvoir payer le loyer régulièrement, du fait d’une appréciation possiblement très large de la notion de manœuvre.

Par ailleurs, toujours au titre de l’article 2, la juridiction pourra décider d’instaurer une interdiction pour la personne en infraction de se prévaloir du droit au logement opposable pour une durée de trois ans. Cette disposition soulève une interrogation constitutionnelle forte et constitue une ligne rouge pour le Gouvernement, parce que l’on ne répond pas à la détresse sociale par de nouvelles infractions et sanctions. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Mais où est la détresse ? C’est du déni !

Mme Sophie Primas. C’est de la provocation !

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’article 3 vise, quant à lui, à modifier l’article 38 de la loi DALO dans sa rédaction issue de la loi ASAP. Cette procédure, dérogatoire du droit commun, exige une définition stricte de son champ d’application. Élargir celui-ci au-delà de la notion de domicile pose un véritable problème de constitutionnalité, en particulier au regard de l’atteinte aux droits de la défense. Par ailleurs, il faut un délai d’instruction du préfet raisonnable : le réduire de quarante-huit à vingt-quatre heures n’est pas réaliste.

Enfin, l’article 4 a pour objet d’écarter le délai de deux mois après le commandement de quitter les lieux et le respect de la trêve hivernale de la procédure d’expulsion pour certaines situations. Ces possibilités existent déjà, lorsque la personne est entrée dans les lieux par voies de fait ; elles sont mises en œuvre dans les jugements. L’extension à d’autres situations, comme l’entrée à l’aide de manœuvres, soulève à nouveau une problématique d’ordre constitutionnel et pose la question de la trêve hivernale, au respect de laquelle le Gouvernement est extrêmement attaché.

Pour conclure, j’indique que le Gouvernement souhaite s’en tenir à l’équilibre trouvé dans la loi ASAP,…

M. François Bonhomme. Il n’y a pas d’équilibre !

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. … avec le renforcement des dispositions permettant de lutter contre les squats de domicile. Je ne juge pas opportun de modifier cet équilibre, alors même que la loi vient d’entrer en vigueur et que nous n’avons pas le recul nécessaire pour dresser le bilan de son application. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. François Bonhomme. On n’a pas de recul ? C’est ça… Il y a toujours un problème !

M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Hussein Bourgi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui soulève plusieurs questions particulièrement intéressantes sur le plan humain, sur le plan juridique et sur le plan philosophique. Comme je l’ai indiqué en commission des lois, elle a une vertu : protéger les résidences secondaires et les logements inoccupés de la même manière que les résidences principales. Elle a également une faiblesse substantielle : pécher par une orientation uniquement répressive, dont l’efficacité reste à prouver.

À l’entame de ce débat, je nous invite, chacun et chacune, à nous projeter et à nous identifier aux différents protagonistes dont il va être question dans nos échanges.

Mettons-nous d’abord dans la peau du propriétaire dont le bien a été squatté.

M. Hussein Bourgi. Mesurons le désarroi et la colère de cette personne, de ce couple ou de cette famille.

Mettons-nous ensuite dans la peau d’un squatteur. Essayons de comprendre le parcours de vie (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Chers collègues, un peu de calme !

M. Hussein Bourgi. … et, parfois, les raisons qui ont pu conduire cette personne, ce couple ou cette famille à entrer par effraction dans le logement d’autrui.

Reconnaissons, mes chers collègues, que, s’il est facile pour chacun et chacune d’entre nous de s’identifier à un propriétaire, il est parfois plus difficile de s’identifier à un squatteur.

M. François Bonhomme. Ça, c’est sûr !

M. Hussein Bourgi. Pourtant, ces squatteurs sont des hommes et des femmes comme nous. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Hussein Bourgi. Derrière ce vocable globalisant de « squatteurs », il y a des réalités différentes, que je vais essayer de vous exposer si vous voulez bien m’écouter.

Une minorité de squatteurs, tout d’abord, sont des personnes ayant fait le choix de s’inscrire dans la marginalité, en optant parfois pour un mode de vie communautaire.

Une autre minorité de squatteurs, ensuite, sont des hommes et des femmes qui ont été orientés vers un squat par un réseau mafieux ou par des marchands de sommeil. C’est la réalité ! Ne la nions pas ! Ne la minorons pas !

À côté de ces situations, il y a l’écrasante majorité des squatteurs qui sont des personnes pauvres et miséreuses.

M. Hussein Bourgi. Elles sont à la rue, au sens propre comme figuré, en raison des aléas et des accidents de la vie.

Ces gens, ces femmes, ces hommes, je les ai côtoyés, parfois dans ma permanence d’élu local, parfois devant les prétoires des tribunaux. J’ai appris à surmonter mes appréhensions et mes préjugés pour ne pas être tenté de les juger avant même de les avoir connus et écoutés.

Dans les propos que je vais tenir aujourd’hui, j’aurai à cœur de faire preuve de mesure et de tempérance…

M. Henri Leroy, rapporteur. Ah bon ?

M. François Bonhomme. C’est mal parti !

M. Hussein Bourgi. … pour ne heurter et ne blesser personne.

Le débat juridique qui nous occupe voit s’affronter deux droits fondamentaux, chacun possédant une valeur constitutionnelle.

En premier lieu, le droit inviolable et sacré à jouir de sa propriété privée, de son bien, droit consacré par l’article XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

En second lieu, le droit fondamental de chacun à bénéficier d’un toit et d’un logement décent, découlant des articles 10 et 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

La confrontation judiciaire entre ces deux normes n’a pour l’heure pas produit une jurisprudence constante, permettant de définir une gradation entre ces deux principes à valeur constitutionnelle. À titre d’exemple, le tribunal de grande instance de Saintes a semblé donner une dimension supérieure au droit au logement, estimant dans un jugement du 28 mars 1995 qu’il appartenait au juge de déterminer l’état de nécessité permettant le maintien d’une personne dans un bien qui n’est pas le sien. A contrario, plus récemment, en 2019, la Cour de cassation a estimé que l’expulsion de squatteurs était une mesure appropriée et proportionnée, eu égard à l’atteinte faite au droit à la propriété par les occupants illégitimes.

Ainsi, en l’absence d’une jurisprudence ferme et constante, le droit varie au gré des faits divers qui défraient la chronique médiatique – cet été, à Théoule-sur-Mer, mais aussi à Rochefort-du-Gard.

La présente proposition de loi en est la parfaite illustration : elle est le prolongement d’un fait divers très médiatisé. En guise de défense, les prévenus avaient justifié le maintien illégitime dans un bien ne leur appartenant pas par l’incapacité des services publics et des bailleurs sociaux à leur trouver un logement dans une commune des Alpes-Maritimes.

M. Hussein Bourgi. Deux enseignements peuvent être tirés de cette affaire.

Tout d’abord, notre système judiciaire est parfaitement à même de traiter ce type de litige (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.),…

Mme Dominique Estrosi Sassone. Après trois semaines !

M. Hussein Bourgi. … dans la mesure où les prévenus ont été condamnés à huit mois de prison avec sursis, ainsi qu’au versement de 15 000 euros de dommages et intérêts aux propriétaires de la maison squattée.

Si des procédures existent déjà, quel est donc l’objet réel de la présente proposition de loi ?

Si, dans le cas de Théoule-sur-Mer, les services de l’État et les pouvoirs publics ont manqué de diligence et de célérité, car ils méconnaissaient les leviers dont ils disposaient pour évincer les squatteurs, cela ne justifie pas, de mon point de vue, le vote d’une aggravation des peines encourues. L’envoi d’une circulaire ministérielle aux préfets et aux parquets aurait suffi !

Ensuite, nous pouvons légitimement nous demander si ce fait divers se serait produit avec un plus grand nombre de logements sociaux dans les communes assujetties à la loi SRU (loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains). (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Ils ne sont pas éligibles aux logements sociaux, monsieur !

M. Hussein Bourgi. C’est bien là le cœur du sujet : la population française se paupérise. La France compte désormais 10 millions de pauvres. Force est de constater que ce phénomène va de pair avec le mal-logement croissant, qui touche environ 4 millions de personnes dans notre pays.

Alors que la loi DALO de 2007 s’était donné pour mission de garantir un toit à chacun de nos concitoyens, ses promesses et ses objectifs ont du mal à se concrétiser.

Année après année, le rapport de la Fondation Abbé-Pierre résonne comme un constat d’échec, car la France fait du surplace, quand elle ne régresse pas ! Derrière les chiffres du mal-logement, il y a des hommes, des femmes, des enfants qui errent d’hôtels en hôtels, de centres d’hébergement en centres d’hébergement. Quand ils ont eu la chance de trouver une place ! Parfois, faute de place, ils dorment dans la rue, sur un banc, sur une bouche d’aération, ou devant la porte cochère de nos immeubles.

Dans bien des cas, c’est, hélas, cet état de nécessité qui pousse certaines personnes à investir des habitations ne leur appartenant pas.

Alors que cette misère sociale nécessiterait une refonte totale de nos dispositifs d’hébergement et de logement, afin que ceux-ci fonctionnent avec plus d’efficience, l’auteure de cette proposition de loi nous présente un texte dont les solutions ne sauraient, hélas, endiguer le mal-logement dès la source.

Mme Sophie Primas. Ce n’est pas l’objet de la proposition de loi !

M. Hussein Bourgi. Ce n’est pas avec la surenchère répressive que nous allons régler le problème. Ce n’est pas avec les postures que nous allons apporter des réponses efficaces à un problème dont nous mesurons, mes chers collègues, la complexité.

Gardons-nous des réponses simplistes, car elles sont vouées à l’échec. Gardons-nous aussi des explications manichéennes, car elles seraient nécessairement caricaturales.

Ce n’est pas en alourdissant les sanctions que nous allons dissuader ceux qui n’ont rien ou ceux qui ont peu de squatter. Ces gens-là vivent des minimas sociaux. Il est illusoire de croire, ou plutôt de faire croire, que les tribunaux vont les sanctionner plus lourdement.

Cette proposition de loi entend par ailleurs sanctionner toute publicité ou propagande en faveur de l’occupation frauduleuse d’un lieu. Nous ne pouvons accepter cette pénalisation d’une certaine forme d’action associative (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), même si elle nous dérange ou nous gêne. Dois-je rappeler que, dans toutes les démocraties, singulièrement en France, c’est parfois l’action non académique et non conventionnelle de certaines ONG qui a fait bouger le droit ? Dois-je rappeler que c’est parfois la désobéissance civile qui a conduit le législateur et les pouvoirs publics à faire évoluer leurs politiques ? (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Vous ne pouvez pas dire ça là où vous êtes, monsieur !

M. le président. Un peu de calme !

M. Hussein Bourgi. Enfin, ce qui de mon point de vue est le plus grave, ce texte vise à priver pendant trois ans une personne reconnue coupable de squat d’un droit au logement opposable. Cette peine complémentaire ressemble davantage à de l’acharnement qu’à une mesure constructive.

M. Hussein Bourgi. Si l’on en venait ainsi à priver pendant trois ans une personne de l’accès au droit au logement social, ne risquerait-on pas de la voir squatter sans répit ? Je crains que cette disposition ne soit une machine à fabriquer des récidivistes. Le bon sens ne voudrait-il pas que l’on accompagne ces individus vers ces dispositifs, plutôt que de les en priver ?

S’attaquant aux conséquences du mal-logement, il va sans dire que cette proposition de loi se trompe de cible.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Elle ne s’attaque pas aux conséquences du mal-logement !

M. Hussein Bourgi. Pour cette raison, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne saurait la voter en l’état. Pour autant, notre groupe est bien évidemment opposé à toute forme d’angélisme en matière de squat. En ce sens, nous n’acceptons aucunement les occupations frauduleuses de bâtiments ou résidences secondaires. Aussi, nous nous trouverons toujours du côté de ceux qui défendent le droit constitutionnel du propriétaire à disposer de son bien (Marques de doute sur les travées du groupe Les Républicains.), et nous souhaitons œuvrer avec vous, mes chers collègues de la majorité sénatoriale – c’est ensemble que nous atteindrons notre but –,…

M. François Bonhomme. Pas sur ces bases !

M. Hussein Bourgi. … afin que ces propriétaires puissent continuer à jouir de leurs biens sans crainte,…

M. le président. Il faut conclure !

M. Hussein Bourgi. … sans restriction et sans entrave.

Mme Sophie Primas. Oui, sans entrave !

M. Hussein Bourgi. Lorsqu’un propriétaire se trouve confronté à un locataire indésirable,…

M. le président. Il faut vraiment conclure !

M. Hussein Bourgi. … la loi doit pouvoir continuer à jouer son rôle. Plus que d’une loi d’affichage… (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Non, là, pardon, mais c’est terminé ! Merci !

M. Hussein Bourgi. Merci, monsieur le président. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Alain Richard et Didier Rambaud applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Autant vous le dire, je ne vais pas chanter la même chanson…

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à mieux lutter contre les squats, but ô combien louable, si je puis dire, et qu’il convient d’atteindre sans délai.

Depuis des décennies, la loi n’a cessé de renforcer les droits des locataires au point de protéger les squatteurs au détriment, bien sûr, des propriétaires. Nombre d’entre eux passent alors des années à se battre, à grands frais d’avocat, pour tenter d’obtenir la libération de leur logement. Des petits propriétaires qui comptaient sur le fruit du travail de toute une vie pour obtenir un complément de retraite et qui se retrouvent dans les pires difficultés financières pour ne plus percevoir de loyers. Ils n’ont donc plus les moyens d’entretenir leur logement, que les squatteurs saccagent en quelques mois.

Des exemples comme ceux-là, je pourrais vous en citer des centaines à Marseille : les Rosiers, la Maurelette, le Parc Corot, le Campus. Des résidences privées qui sont tombées entre les mains de dealers, de clandestins, de marginaux, tous squatteurs et tous protégés par la loi. Les propriétaires, à bout de forces et sans soutien, finissent par abandonner purement et simplement leurs biens.

Conséquence : des conditions toujours plus draconiennes exigées des locataires, tant les propriétaires craignent – à juste titre, donc – de se retrouver avec des mauvais payeurs occupant leur logement. Cela ne fait qu’accentuer encore davantage la crise du logement, affectant notamment les jeunes, qui ont toujours plus de mal à se loger, qu’ils soient actifs ou étudiants.

La raréfaction de la location entraînant mécaniquement une hausse des loyers, c’est une fois de plus les honnêtes gens à la recherche d’un logement qui sont financièrement pénalisés.

Malheureusement, la commission a décidé de supprimer toute une partie de la proposition de loi pour se concentrer sur les squatteurs qui entrent de force dans des propriétés. Elle a même voulu préserver la trêve hivernale pour les autres squatteurs. La France, ce merveilleux pays où l’on protège les hors-la-loi…

À Marseille, nous sommes confrontés de façon récurrente à ce phénomène.

Souvent issus de la communauté rom, épaulés par des associations d’extrême gauche, dont nous avons un digne représentant ici, ces squatteurs, qui connaissent bien le droit, s’installent sur des terrains nus ou dans des logements inoccupés et les transforment rapidement en véritable décharge. C’est alors tout un quartier qui subit une insécurité matérielle, physique et sanitaire. Combien de fois ai-je dû intervenir personnellement, de jour comme de nuit, pour empêcher le pire ?

Ce texte renforcera les sanctions et facilitera les procédures. C’est évidemment positif. Mais il fait l’impasse sur la réalité du terrain : le manque de moyens policiers ne permet pas d’interventions rapides et le délai de carence n’est que de quarante-huit heures. Au-delà, pour le propriétaire, c’est le parcours du combattant, et cela peut durer des années !

Ce texte a beau renforcer la loi, tant qu’il n’y aura pas assez de policiers pour la faire respecter, elle restera lettre morte.

Protéger les propriétaires, c’est protéger les logements, la location et, donc, les locataires. Pour préserver le droit au logement, nous devons garantir, d’abord, le droit à la protection de la propriété immobilière.

M. Jean-Pierre Sueur. Le Front national parle sans qu’on l’interrompe : c’est un avantage par rapport à l’intervenant du groupe socialiste, monsieur le président !

M. le président. Ainsi va la vie, monsieur Sueur !

La parole est à M. Alain Marc. (M. Dany Wattebled applaudit.)

M. Alain Marc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, des affaires de squat défraient régulièrement la chronique. Elles sont toutes plus invraisemblables les unes que les autres. Chaque fois, elles nous laissent sans voix. Un brin d’empathie suffit pourtant à comprendre le sentiment d’injustice qui sidère tous ces propriétaires, soudainement privés de la jouissance de leur bien.

Malheureusement, ces affaires ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Nous avons tous connu, que ce soit dans notre vie privée ou au cours d’un engagement local, des affaires de squat qui n’ont pas défrayé la chronique. Ces propriétaires se trouvent alors désemparés et ne peuvent pas compter sur l’indignation médiatique pour faire entendre leurs revendications légitimes. Dans ces cas, un constat s’impose : la loi protège, de fait, les squatteurs davantage que les propriétaires. Or ce sont eux que nous devons ici défendre.

Nous sommes très nombreux sur ces travées, je crois, à considérer que cette situation n’est pas acceptable. C’est chose normale au Parlement, puisque les affaires de squat remettent en cause le droit inviolable de la propriété, consacré par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. C’est d’ailleurs ce qu’a très justement rappelé notre collègue Dominique Estrosi Sassone en présentant sa proposition de loi, dont je salue l’initiative au nom de mon groupe.

Ce texte, tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat, répond à des attentes fortes, alors que nombre de nos concitoyens se désolent de l’impuissance publique face à de telles situations d’injustice. Il faut dire que le droit actuel se révèle inopérant en la matière, soit par manque de clarté sur les protections offertes aux propriétaires dont les biens sont squattés, soit par une mauvaise application des dispositions prévues. En tout état de cause, je partage le diagnostic établi par l’auteur et confirmé par la position de la commission : un renforcement du droit actuel s’impose. C’est notamment le cas avec l’article 1er, qui augmente la peine encourue en cas de violation de domicile. Comme cela a été rappelé, le Sénat a déjà adopté cette mesure dans le cadre du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique. J’espère qu’une nouvelle adoption permettra enfin d’aboutir à des résultats concrets.

Toutefois, notre action de législateur ne saurait se concentrer sur le cas de violation de domicile, et pour cause : compte tenu de la jurisprudence, la définition du « domicile », quoiqu’elle soit très large et ne distingue pas les résidences principales des résidences secondaires, ne permet pas de couvrir efficacement l’ensemble des cas de figure justifiant cette initiative législative. C’est notamment le cas pour les appartements vides, les locaux professionnels ou même les terrains non construits. C’est pourquoi la création d’un délit autonome d’occupation frauduleuse d’un immeuble, telle que prévue par l’article 2, me paraît opportune. Cette mesure élargit le champ des cas qui seront couverts par la loi.

Les articles suivants de la proposition de loi s’inscrivent dans la même logique. Ils renforcent les pouvoirs de sanction contre les squatteurs et assouplissent les conditions d’application, ce qui devrait rendre le droit applicable plus opérationnel.

Il en est de même des sanctions frappant toute communication visant à inciter au squattage. Nous avons tous à l’esprit certains collectifs et certaines associations qui ont fait de ces actions leur marque de fabrique, voire leur raison d’être. Je ne leur fais pas de procès d’intention, car je sais qu’il s’agit souvent de militants animés par de bons sentiments. Mais force est de le constater : ils alimentent le phénomène des squats, que nous dénonçons, et ils réduisent au silence de nombreux propriétaires dont les biens sont spoliés.

Nous devons être fiers de défendre le droit de propriété, qui se trouve au fondement de notre démocratie. À cet égard, M. le rapporteur a utilement précisé le champ d’application du délit afin de ne pas créer de confusion malvenue.

Pour terminer, j’évoquerai plus généralement la position de la commission sur cette proposition de loi.

Les précisions et restrictions apportées au dispositif permettent de mieux cibler les cas particuliers des squats. Elles adaptent ainsi la lettre de la loi à son esprit. Cela devrait limiter les risques d’interprétation excessive, et c’est heureux. Toutefois, cette focalisation laisse sans réponse bon nombre des cas problématiques rencontrés par nos concitoyens : c’est tout le débat sur l’opportunité d’expliciter, dans le texte de la loi, la façon dont les occupants sans droit ni titre se sont introduits dans l’immeuble. Cette précision limite le dispositif en même temps qu’elle le rend plus opérant dans les cas visés. Cependant, elle exclut du champ de cette proposition de loi un large pan des cas d’occupation illicite. Les problèmes liés aux locataires défaillants ne sont donc pas résolus.

Mes chers collègues, en conclusion, les élus du groupe Les Indépendants approuvent largement ce texte, qui apporte des réponses concrètes aux problèmes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Guy Benarroche. Mes chers collègues, je vous sens très motivés par ce débat, et j’en suis heureux !

Nous sommes aujourd’hui appelés à nous prononcer sur un sujet que l’actualité et les chaînes d’information télévisées ont récemment mis en avant avec la fameuse affaire dite « de Théoule » : les difficultés d’expulsion des squatteurs, qui sont réelles.

Les auteurs ainsi que le rapporteur du présent texte ont lié cette initiative parlementaire à ce fait divers. J’aurai l’occasion de revenir sur le fond de l’affaire comme sur cette précipitation, que nous connaissons bien, à proposer une loi par fait divers.

Cette proposition de loi repose sur une prémisse simple : le squat est la conséquence de la carence du droit actuel, insuffisant à dissuader les squatteurs et leurs « complices » et à garantir les droits des propriétaires. Il s’agirait en quelque sorte d’assurer un équilibre, aujourd’hui inexistant, entre le droit au logement et le droit à la propriété. Mais, en fait – je suis certain que vous le pensez tous –, ces deux droits n’ont pas à être mis en concurrence.

M. Jérôme Bascher. Il y en a un qui est constitutionnel, l’autre pas !

M. Guy Benarroche. Certes, il faut garantir un recours rapide à l’autorité publique pour expulser les occupants illégaux d’un domicile principal ou secondaire. Néanmoins – Mme la ministre l’a rappelé –, la loi ASAP, adoptée en octobre 2020, le permet déjà. Elle a même considérablement durci la répression à l’égard de ces squatteurs. Pourtant, les auteurs de cette proposition de loi proposent d’aller plus loin et, à notre avis, beaucoup trop loin.

Sans trop m’attarder sur le texte originel, que je trouvais caricatural, je me suis attaché à fonder ma réflexion sur les travaux très étayés du rapporteur. Bien plus modérés (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.),…

M. Jérôme Bascher. Le rapporteur est modéré, c’est bien connu ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guy Benarroche. … ils n’atteignent cependant pas, selon moi, un juste équilibre.

Chers collègues, je vous remercie de ces applaudissements.

M. le président. Je crains qu’ils ne soient liés à la modération de M. Leroy… (Sourires.)

M. Guy Benarroche. J’avais bien compris, monsieur le président. (Nouveaux sourires.)

Ce que crée le présent texte, c’est bien un délit d’occupation d’un bien immobilier, fondé non plus sur le domicile, mais sur le fait que ce bien serve de logement.

La notion de domicile et sa protection relèvent principalement du droit à la vie privée. Le texte à l’étude étendrait les sanctions actuelles et en infligerait de nouvelles à toutes les personnes qui se maintiennent dans un bien immobilier, quels que soient son usage et sa vacance.

Je salue de nouveau – je constate que ces éloges sont appréciés (Sourires.) – le travail de la commission pour apporter des précisions afin de ne pas englober les locataires défaillants et de ne pas les mettre en situation de subir la procédure d’expulsion dérogatoire DALO.

Dans l’affaire de Théoule-sur-Mer, le droit actuel est suffisant : seules la mauvaise connaissance et la mauvaise application de cette procédure dérogatoire par les services préfectoraux ont conduit à la situation regrettable que nous avons tous en tête et nourri le sentiment d’un État qui ne protège pas les propriétaires.

Nous le savons, nous le vivons dans toutes nos communes, la problématique du mal-logement est un sujet majeur – notre pays dénombre 3,9 millions de mal-logés et 300 000 SDF –, que beaucoup des derniers Présidents de la République ont annoncé vouloir résoudre.

Le droit au logement est reconnu comme objectif de valeur constitutionnelle, mais les politiques du logement en France n’ont pas réussi à rendre ce principe effectif. Beaucoup d’associations de droit au logement se battent pour aider les personnes en difficulté. Aucune réquisition d’immeuble vide, privé ou public, n’a jamais été proposée, et nous attendons encore un grand plan d’accueil et d’aide au logement.

Dans ce contexte de progression du mal-logement, est-il réellement approprié de renforcer l’arsenal pénal en étendant en quelque sorte le champ des squatteurs et le périmètre des condamnés possibles ?

Votre proposition de loi ouvre trop de portes pour des sanctions liées, non pas à une situation de squat intolérable, mais à des occupations en lien avec, par exemple, des actions revendicatives (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.),…

M. Guy Benarroche. … militantes, voire de réquisition légitime ou même d’information pouvant être assimilées par ce texte à des incitations au squat sur internet.

L’occupation illicite par des associations ou des collectifs de bureaux vides depuis des années pourra-t-elle être sanctionnée ? Oui !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Et alors ? Ils appartiennent à des propriétaires !

M. François Bonhomme. C’est le respect du droit de propriété !

M. Guy Benarroche. Qu’en sera-t-il des pénalités encourues pour l’occupation lobby d’une entreprise lors d’une action associative ou militante ?

M. François Bonhomme. Qu’est-ce que ça change ?

M. Guy Benarroche. La loi pourrait-elle s’appliquer à l’occupation d’un terrain sans destination ?

Reste une mesure encore plus problématique : l’interdiction de se prévaloir du droit au logement opposable pour les personnes condamnées pour l’occupation frauduleuse d’un bien. De quoi s’agit-il en fait ? De condamner des personnes privées de logement à ne pas pouvoir bénéficier du droit au logement.

Les propriétaires ne peuvent plus subir les défaillances de l’État, incapable parfois, alors qu’ils sont dans leur droit, de leur permettre de reprendre possession de leur logement.

M. le président. Il faut conclure !

M. Guy Benarroche. Je conclus, monsieur le président.

Les occupants illégaux,…

M. Guy Benarroche. … pour qui le squat est souvent un dernier recours, ne peuvent pas subir les conséquences d’une gestion discutable des services de l’État. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Voilà quelques éléments suffisamment préoccupants qui conduisent les élus du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires à voter contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE. – M. Alain Richard applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant tout, je remercie sincèrement Dominique Estrosi Sassone de soumettre cette proposition de loi à nos débats.

Sur ces travées, nous avons tous en tête de récentes affaires qui, connaissant un retentissement médiatique, ont choqué l’opinion publique et nous ont aussi, en tant que législateur, interpellés. Je pense à la situation de ce couple de retraités qui n’a pas pu entrer dans sa résidence secondaire de Théoule-sur-Mer, habitée par des squatteurs qui en avaient changé les serrures, ou à celle du Petit Cambodge, ce restaurant meurtri par les attentats de novembre 2015, dont le local était occupé par des militants anti-gentrification. Je pense encore à ces propriétaires de Saint-Honoré-les-Bains, d’Avignon ou du Mans. Fort heureusement, ces situations sont exceptionnelles, mais elles laissent à ceux qui les vivent un sentiment de grande injustice, lequel est tout à fait légitime.

Cette proposition de loi entend, par quatre articles, apporter une réponse aux propriétaires victimes de squat, qui se sentent trop souvent démunis dans la situation qu’ils rencontrent.

L’article 1er aggrave les peines encourues en cas d’introduction ou de maintien dans le domicile d’autrui. Le groupe RDPI soutient cette mesure, déjà adoptée lors de l’examen du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique. Cette disposition, votée avec le soutien du Gouvernement, a néanmoins été censurée comme cavalier législatif le 3 décembre dernier par le Conseil constitutionnel. Son inscription dans le présent texte, dans la continuité de l’accord dont elle avait fait l’objet en commission mixte paritaire, nous paraît justifiée.

En revanche, malgré le travail du rapporteur pour garantir, dans le texte issu de l’examen en commission, une conciliation plus équilibrée entre le respect de la propriété immobilière et le droit au logement, nous ne sommes pas convaincus par le reste des solutions proposées. Je pense notamment au nouveau délit introduit par l’article 2, qui pourrait être assorti d’une peine complémentaire par laquelle l’auteur de l’infraction ne pourrait se prévaloir, pendant trois ans, du droit au logement opposable.

Le droit à un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle. De même, pour lutter efficacement contre le squat, il peut paraître assez paradoxal de ne pas essayer d’empêcher les conditions de nature à reproduire les faits pour lesquels les intéressés ont été condamnés.

Je pense également à la division par deux du délai dont le préfet dispose, dans la procédure administrative d’évacuation forcée, pour examiner les demandes de mise en demeure. La loi ASAP n’a été promulguée qu’en décembre dernier. J’y insiste : le délai de quarante-huit heures, introduit par ce texte, a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire et nous semble de nature à garantir une bonne application de cette procédure dérogatoire par les préfectures.

Plus généralement, il est important de rappeler que le législateur, sensibilisé aux problèmes rencontrés par les propriétaires, a récemment adopté des garanties pour renforcer et accélérer la procédure administrative d’évacuation forcée ainsi que la procédure judiciaire d’expulsion, qui s’applique plus largement.

Il en est ainsi de la loi ÉLAN de 2018. Pour l’expulsion des squatteurs dans le cadre de la procédure judiciaire, ce texte a écarté le délai de deux mois pour libérer le lieu occupé, ainsi que la trêve hivernale.

Il y a également la loi ASAP du 7 décembre 2020, déjà citée. Non seulement elle a accru la célérité de la procédure administrative d’évacuation forcée, mais elle a étendu explicitement son application aux résidences secondaires et occasionnelles, ainsi qu’à toute personne dont le domicile est occupé et aux personnes agissant pour leur compte.

Les outils pour lutter contre le squat existent ; ils ont fait l’objet d’un travail conjoint du Sénat et de l’Assemblée nationale dans des rédactions de compromis adoptées en commission mixte paritaire. Toutefois – vous le reconnaissez vous-même dans votre rapport, monsieur le rapporteur –, ils sont méconnus et mal appliqués.

Au regard des difficultés rencontrées par ces propriétaires victimes, il est indispensable de préciser l’interprétation des textes et de mieux faire connaître la procédure administrative dérogatoire à ceux qui ont vocation à l’appliquer. Madame la ministre, vos services préparent une circulaire à cette fin : pourriez-vous nous éclairer sur son calendrier ?

Mes chers collègues, pour toutes les raisons que je viens de formuler devant vous, et parce que nous pensons qu’une nouvelle modification de la loi, faisant évoluer les équilibres actuels, ne serait pas de nature à clarifier et à renforcer les dispositifs en vigueur pour lutter efficacement contre le squat, le groupe RDPI ne votera pas ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Hussein Bourgi et Jean-Pierre Sueur applaudissent également. – Marques de déception sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux.

M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, derrière les procédures administratives et judiciaires se trouvent souvent des principes essentiels de notre société. Le philosophe John Locke, dont la pensée participa à la constitution de nos régimes démocratiques et libéraux, écrivait ainsi que, « la fin capitale et principale en vue de laquelle les hommes s’associent dans les républiques et se soumettent à des gouvernements, c’est la conservation de leur propriété ».

Il va de soi qu’une telle idée suggère quelques nuances et de nombreux commentaires. Elle n’en rappelle pas moins une dimension essentielle de notre pacte social : garantir la protection du droit de propriété à nos concitoyens. En effet, les patrimoines sont souvent le résultat du travail de chacun ; leur acquisition est souvent le fruit d’efforts, et nous ne saurions admettre qu’ils fassent l’objet d’une appropriation illégitime et illicite d’autres individus, à l’image des squatteurs, sujets de cette proposition de loi.

Certes, le squat résulte de causes complexes, parmi lesquelles la précarité et le mal-logement. C’est d’autant plus vrai actuellement, alors que nous traversons une crise inédite, qui perdure et participe à la paupérisation de notre société, et que nous sommes entrés depuis plusieurs semaines dans la période hivernale. Aussi, il est impératif d’apporter des solutions à ceux qui, dans la détresse, en viennent à occuper illégalement les immeubles. Seulement, les solutions auxquelles nous devons réfléchir ne sauraient se traduire par une forme de tolérance permissive pour le squat et les occupations frauduleuses.

Les modifications apportées au régime des procédures d’expulsion par les lois ÉLAN, puis ASAP ont permis d’offrir de premières réponses aux propriétaires lésés. Mais il est possible d’aller plus loin en affirmant encore davantage les droits des propriétaires démunis. Dans cette perspective, les dispositifs prévus par cette proposition de loi semblent opportuns.

À l’image de ce qui s’est passé à Théoule-sur-Mer l’été dernier, chacun d’entre nous trouvera dans son département des exemples de propriétaires qui ont dû faire face à des squatteurs indélogeables occupant leurs biens immobiliers. Une telle situation est intolérable ; elle résulte souvent de la nécessité de justifier de la qualité de domicile du bien pour bénéficier de procédures accélérées. Pourquoi devoir justifier de l’usage que l’on souhaite faire de ses propriétés pour pouvoir en jouir pleinement ?

Nous ne parlons pas ici de biens sciemment mis en rétention du marché pour spéculer ; mais, hors de ce cas, les propriétés doivent être protégées efficacement. En ce sens, la création d’une nouvelle infraction d’occupation illicite frauduleuse est satisfaisante, tout comme la révision des procédures d’expulsion normales ou simplifiées, qui s’adapteraient mieux à l’ensemble des propriétés.

Le texte permet tout de même une forme de compromis, qu’il convient de souligner, en réprimant davantage l’occupation frauduleuse lorsque celle-ci a lieu dans un domicile. Ainsi, les domiciles restent l’objet d’un dispositif renforcé, sans pour autant que les autres propriétés soient sous-protégées.

Toujours dans un esprit de compromis et de mesure, ce texte sanctionne les personnes qui feraient la promotion du squat en publiant ce qu’on peut qualifier de « mode d’emploi » pour les squatteurs. Pour autant, le dispositif finalement retenu ne devrait pas concerner les associations luttant contre le mal-logement : c’est une bonne chose.

Néanmoins, un aspect de cette proposition de loi pourrait poser une difficulté concrète ; il s’agit des sanctions infligées aux squatteurs. Certes, il faut renforcer l’efficacité des procédures d’expulsion, et il est légitime de vouloir sanctionner davantage les squatteurs ; mais il demeure que les individus sanctionnés sont souvent des personnes en marge, dont les ressources sont réduites, voire inexistantes.

La répression est évidemment nécessaire. Seulement, il ne faut pas qu’elle conduise à un cercle vicieux maintenant les squatteurs dans la précarité. Aussi, nous nous interrogeons sur la possibilité laissée au juge de décider que la personne condamnée pour occupation frauduleuse d’un immeuble ne pourra se prévaloir, pendant une durée maximale de trois ans, des dispositifs du droit au logement opposable.

La menace d’une telle sanction dissuaderait peut-être certains ; mais, en prononçant ces peines, on empêcherait aussi le condamné d’accéder au logement, au risque qu’il récidive en occupant à nouveau frauduleusement un immeuble.

Bien entendu, nous devons compter sur le discernement des juges ; mais si cette disposition était adoptée, il faudrait être vigilant quant à l’application et à l’efficacité d’un tel mécanisme. Il ne doit pas produire pas des effets contraires à ceux espérés.

Cette remarque étant faite, les élus du groupe du RDSE voteront en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sans surprise, les sénateurs et sénatrices communistes du groupe CRCE s’opposeront à cette proposition de loi (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.),…

Mme Valérie Boyer. Quelle surprise !

M. Jérôme Bascher. C’est cohérent !

Mme Marie-Claude Varaillas. … tant dans son esprit que dans son contenu.

M. Loïc Hervé. La propriété, c’est le vol !

Mme Marie-Claude Varaillas. Chers collègues, merci de bien vouloir me laisser aller au bout de mon propos !

Soyons clairs : le droit de propriété doit être respecté. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Il s’agit d’un principe constitutionnel. Nul ne peut s’installer chez autrui à l’encontre de sa volonté, et personne ici ne le conteste.

Seule la puissance publique, lorsque l’intérêt général l’exige, peut décider de faire primer d’autres droits constitutionnels, aux dépens du droit de propriété, en fixant les conditions de ces aménagements et la juste indemnité pour les propriétaires. C’est notamment le cas lors de la mise en œuvre de la trêve hivernale et du droit de réquisition.

En la matière, la réalité qui se dresse au-delà des questions juridiques, c’est celle du mal-logement dans notre pays. Il faut le savoir : en France, 902 000 personnes n’ont toujours pas de logement, 643 000 personnes sont hébergées, 91 000 vivent dans des abris de fortune, 25 000 dorment à l’hôtel et, depuis la crise sanitaire, 300 000 personnes sont à la rue – hommes, femmes et parfois enfants. Le Président Macron avait pourtant promis, en 2017, que cette situation cesserait.

Dans ces conditions, il nous semble urgent et prioritaire d’agir enfin en ce sens, faute de quoi le renforcement de l’arsenal répressif sera sans effet ou presque.

Comment opposer le droit à ceux dont les droits premiers sont bafoués, notamment le droit d’avoir un toit ? La nécessité est malheureusement plus forte que la loi, et ce que l’on qualifie de délit perdurera, non pas par vice, mais par nécessité vitale.

Nous devons nous interroger collectivement sur ce que cette situation exprime. Au-delà des cas individuels douloureux, il s’agit d’une réalité politique et sociale.

Pour cette raison, nous considérons que cette proposition de loi n’est pas opportune : elle ne traite que l’aspect répressif indépendamment du problème social, je dirai même éthique.

Ainsi, elle punit plus lourdement le squat du domicile, lequel est déjà pénalement sanctionné.

Par ailleurs, elle crée un nouveau délit autonome, élargi à l’occupation de tout immeuble. Cette disposition permet la constitution d’un nouveau délit légalisant des expulsions actuellement illégales et reconnues comme telles par la jurisprudence de la Cour de cassation.

Cette option avait été écartée de la loi ASAP à la suite d’une forte mobilisation des associations du mal-logement : elle fait son retour dans cette proposition de loi, avec un spectre très large, puisque tout immeuble est visé, donc les logements vacants ainsi que les bureaux vacants et les biens inhabitables, tels les garages.

Certes, la commission a réduit la voilure : si tous les immeubles sont touchés par la nouvelle infraction pénale, seuls les logements vacants seraient désormais inclus dans la procédure accélérée ; mais nous parlons quand même de 3 millions de logements.

Cette disposition nous semble inacceptable. Il convient au contraire de sanctionner la rétention de logement, qui, dans le cadre d’un marché ultratendu, fait le jeu de la spéculation.

Cette proposition de loi va plus loin. Elle permet d’attaquer des associations qui revendiquent l’occupation des immeubles vides comme la conséquence du non-respect du droit au logement. Il s’agit pourtant d’un acte politique et citoyen dénonçant le fait que l’État se dérobe à ses responsabilités.

M. François Bonhomme. Ça ne justifie pas tout !

Mme Marie-Claude Varaillas. Initialement, la proposition de loi allait jusqu’à fragiliser pénalement les personnes menacées d’expulsion par de nouvelles infractions pénales : un comble !

En outre, en excluant du bénéfice du DALO ces personnes durant trois années, le présent texte traduit une volonté ultrarépressive.

Ce choix semble totalement contre-productif, car parfois ces mêmes personnes ont engagé toutes les démarches en vue de leur relogement. L’État peut même avoir été condamné à les reloger au titre du DALO. C’est donc un contresens manifeste et une violation directe du droit au logement, pourtant constitutionnellement reconnu.

Enfin, comme le rappelaient les associations signataires de la tribune parue dans le journal Libération lors de l’examen du projet de loi ASAP, l’urgence sociale est bien de résoudre la crise du logement.

L’urgence est bien de construire des logements sociaux, a fortiori dans les communes qui ne respectent pas la loi SRU (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.),…

Mme Dominique Estrosi Sassone. Et allez, c’est reparti !

Mme Marie-Claude Varaillas. … de rétablir les APL – nous avons justement défendu une proposition de loi en ce sens –, de taxer les profits immobiliers, de financer la résorption des bidonvilles et le droit à la domiciliation.

Mes chers collègues,…

M. Jacques Grosperrin. C’est fini !

Mme Marie-Claude Varaillas. … traitons le problème au lieu de l’aggraver, en s’appuyant habilement sur l’émotion que suscitent des situations particulières pour détricoter toutes les protections collectives.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte, que nous considérons comme démagogique et populiste. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. – M. Alain Richard applaudit également.)

M. François Bonhomme. Olé ! Quelle belle conclusion…

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Loïc Hervé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ». Tels sont les mots qui consacrent le droit de propriété en France, à l’article XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, faisant par ailleurs l’objet d’une protection constitutionnelle. Cette notion de propriété est l’objet même de la proposition de loi que nous examinons cet après-midi, tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat.

Cet article a d’autant plus d’écho à la suite des récentes affaires qui ont marqué l’intérêt de nos concitoyens : à Théoule-sur-Mer, un couple de retraités a eu la mauvaise surprise de voir sa résidence secondaire occupée par une famille avec deux enfants ; à Paris, un local du restaurant Le Petit Cambodge a été squatté par un collectif militant anti-gentrification.

Ces affaires révèlent que les dispositifs existants, notamment la procédure de l’article 38 de la loi DALO du 5 mai 2007, en matière de répression de faits de squats dans notre pays ne sont, faute d’instructions claires, ni suffisamment dissuasifs à l’égard des squatteurs ni suffisamment connus des préfectures et des forces de police ou de gendarmerie, voire des propriétaires eux-mêmes. Le résultat, nous le connaissons : c’est l’incompréhension et le désarroi de propriétaires privés de leur bien pendant des mois, qui ont l’impression que l’État respecte davantage les squatteurs que le droit de propriété…

Aussi, je tiens à saluer et à remercier de leur travail nos collègues Dominique Estrosi Sassone, auteur de cette proposition de loi, qui a souhaité « restaurer les droits des propriétaires », et Henri Leroy, rapporteur de la commission des lois. Il a su préserver l’équilibre nécessaire entre le droit de propriété, garanti par les articles II et XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et le droit au logement, reconnu comme objectif constitutionnel.

Le but est donc de renforcer la lutte contre le squat.

D’une part, cette proposition de loi aggrave la peine encourue en cas d’introduction ou de maintien dans le domicile d’autrui. Pour rappel, cette mesure a déjà été adoptée par le Parlement lors de l’examen du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP), mais elle a été censurée par le Conseil constitutionnel.

D’autre part, ce texte crée une infraction nouvelle d’occupation frauduleuse d’un immeuble renforçant la protection de tous les biens immobiliers et non du seul domicile.

Les modifications apportées par notre commission ont déjà été rappelées. Mais il me semble nécessaire de revenir sur les plus importantes, afin de bien comprendre l’ambition de cette proposition de loi : mieux protéger la propriété immobilière contre les squatteurs en visant l’ensemble des biens immobiliers.

Tout d’abord, sur la proposition de notre rapporteur, nous avons souhaité préciser que le délit d’occupation frauduleuse est constitué si et seulement si l’auteur des faits s’est introduit dans les lieux à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte. Sont donc visés spécifiquement les squatteurs et non les locataires qui rencontreraient des difficultés pour honorer leur loyer.

Ensuite, dans un souci de gradation des peines, et afin que ces dernières soient les plus dissuasives possible, nous avons souhaité punir plus sévèrement le squat d’un domicile que celui de locaux qui ne sont pas utilisés à des fins d’habitation. S’agissant de l’occupation frauduleuse d’un immeuble, la commission a considéré qu’une peine réduite à un an d’emprisonnement et à 15 000 euros d’amende serait plus appropriée.

Par ailleurs, à l’heure où de nouvelles formes d’incitation au squat se développent, la commission des lois a voulu sanctionner les personnes qui en proposent de véritables « modes d’emploi ». Il s’agit là de réprimer l’ensemble des méthodes qui incitent à la commission du délit d’occupation frauduleuse d’un immeuble ou, du moins, la facilitent.

Enfin, toujours pour concentrer les dispositions de cette proposition de loi sur les seuls squatteurs, notre commission a redéfini le champ d’application de l’article 3. Comme indiqué précédemment, ce sont les récentes affaires de Théoule-sur-Mer et du Petit Cambodge à Paris qui ont incité notre collègue auteur du texte à encadrer davantage les sanctions prévues contre les squatteurs.

Ainsi, la procédure de l’article 38 de la loi DALO n’est étendue qu’aux locaux à usage d’habitation, y compris ceux qui sont destinés à le devenir, et le délai accordé au préfet pour examiner la demande de mise en demeure est réduit à vingt-quatre heures. Pour rappel, lors de la discussion du projet de loi ÉLAN en 2018, le Sénat avait adopté un amendement en ce sens sur l’initiative de notre collègue Marc-Philippe Daubresse ; mais ces dispositions n’avaient pas été retenues en commission mixte paritaire.

Mme Valérie Boyer. Quel dommage !

M. Loïc Hervé. Je tiens à saluer les différents apports de notre commission des lois. La création d’une nouvelle infraction pénale exclusivement concentrée sur les squatteurs est honorable. Mais ne perdons pas de vue qu’elle sera intrinsèquement liée aux moyens effectivement mis en œuvre pour expulser les squatteurs. Autrement dit, il y a le droit théorique et sa mise en œuvre, et, entre les deux, souvent une décision, voire une volonté, administrative ou politique. Je me permets d’ailleurs, madame la ministre, de faire un parallèle sur cet aspect avec le texte que nous examinerons juste après celui-ci : nous reparlerons du vote de la loi au Parlement, de sa mise en œuvre concrète sur le terrain et du délai qui sépare ces deux étapes.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, à l’heure où les faits de squat se multiplient sur le territoire national, il est nécessaire d’agir, d’encadrer spécifiquement ces actes et de protéger le droit de propriété, inviolable et constitutionnellement garanti. C’est pourquoi le groupe Union Centriste votera pour le texte issu des travaux de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Valérie Boyer. Monsieur le président, madame la ministre, mes très chers collègues, le droit de propriété est affaibli ; pourtant, des parlementaires tentent depuis de nombreuses années de le préserver. Je veux saluer à ce titre l’excellent travail que mène au Sénat notre collègue Dominique Estrosi Sassone, mais aussi les efforts de notre collègue député Julien Aubert ou encore de nos collègues Henri Leroy et Catherine Procaccia. L’article II de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est très clair : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. »

Même si le droit de propriété a une valeur constitutionnelle, nous assistons toujours à des violations de domicile et à des occupations de biens immobiliers par des squatteurs. En 2015, une dame de 83 ans avait ému tous les Français en luttant pendant dix-huit mois pour récupérer sa propriété ; à Garges-lès-Gonesse, un propriétaire, dont la maison a été occupée, s’est vu opposer par les squatteurs un ticket de livraison de pizzas pour établir leur présence depuis plus de quarante-huit heures. C’est lamentable ! Les squatteurs savent bien que, passé ce délai, la procédure d’expulsion par la police devient complexe, même si la loi du 24 juillet 2015 rend son déroulement plus acceptable.

L’incapacité de notre droit à défendre concrètement le droit de propriété aboutit à un recours inquiétant à la justice privée. C’est ce qui s’est passé à Garges-lès-Gonesse, où des jeunes de la ville se sont organisés sur les réseaux sociaux pour expulser eux-mêmes les occupants de la maison. Au mois d’août 2018, à Montpellier, un squatteur a été jusqu’à lancer une action contre la propriétaire du logement pour violation de domicile !

Durant l’été 2020, nous avons malheureusement été témoins de telles atteintes au droit de propriété : les médias se sont notamment fait l’écho de la situation de ce couple lyonnais qui a découvert sa résidence secondaire de Théoule-sur-Mer squattée, les serrures changées. Malgré l’absence d’une ordonnance d’expulsion, les propriétaires légitimes ont pu retrouver immédiatement, et en toute légalité, la jouissance de leur bien. Malheureusement, tous les cas – nombreux, même si le phénomène est difficilement quantifiable – ne sont pas médiatisés.

Ces atteintes manifestes au droit de propriété sont inacceptables. Les propriétaires victimes de ces occupations illicites, qui ne font pourtant valoir que leur bon droit, se trouvent dans une situation d’impuissance à laquelle nous devons répondre.

Au regard des situations que nous rencontrons dans nos circonscriptions en la matière, il est normal que nous, qui sommes les représentants du peuple français et les représentants des communes, fassions ce qui est en notre pouvoir pour mieux protéger nos concitoyens. Il ne s’agit pas seulement de faits divers, mais souvent de véritables drames. C’est une réalité, le droit n’est pas respecté, les propriétaires se sentent souvent démunis, voire abandonnés par les pouvoirs publics ; pis, ils estiment que le droit n’est pas de leur côté, mais qu’il protège, à l’inverse, ceux qui occupent leur maison en toute illégalité.

Ces situations anormales et inadmissibles défient ouvertement l’autorité de l’État et la capacité de celui-ci à garantir l’ordre public. Ce n’est pas acceptable dans un État de droit. Si l’État ne remplit pas ses obligations les plus élémentaires, comme celle de faire cesser les atteintes au droit de propriété, alors notre contrat social est en péril. C’est pourquoi il est de notre devoir de parlementaires d’agir en visant deux objectifs : premièrement, protéger le droit de propriété ; deuxièmement, permettre à la puissance publique d’agir et d’agir vite.

Quatre mesures simples garantiront plus de justice pour nos concitoyens en augmentant la peine encourue en cas de violation de domicile, en créant un nouveau délit d’occupation frauduleuse d’un immeuble, en réduisant les délais légaux permettant le prononcé de l’expulsion, enfin, en mettant en cohérence le code des procédures civiles d’exécution. Le texte proposé par le groupe Les Républicains, que je vous invite à voter, mes chers collègues, permet de lutter contre le recours à une justice privée, conséquence regrettable d’une action publique souvent impuissante.

Permettez-moi de vous rappeler que, dans un pays où les dépenses publiques atteignent 65 % et les prélèvements obligatoires 45 %, on ne peut pas dire que la solidarité nationale est en reste. Or les propriétaires y participent tout au long de l’acquisition de leur bien et même après leur mort, puisque nos droits de succession sont parmi les plus élevés au monde. La moindre des choses est donc de les protéger, d’autant que près de la moitié des propriétaires privés sont de petits propriétaires ayant acquis un bien pour bénéficier d’un complément de revenu. Ne pas les aider revient à valider des politiques antisociales.

Ces propriétaires ont connu des décennies de souffrance et d’angoisse, des citoyens honnêtes ont été broyés par les travers du droit. Ils nous regardent aujourd’hui et attendent que nous nous fassions leur porte-parole. Je vous demande de vous engager sur ces mesures simples, en vous souvenant que nous sommes là pour œuvrer pour la République et pour l’intérêt général.

Pour paraphraser Jaurès, je dirai que le premier des droits de l’homme est la liberté individuelle, la liberté de la propriété, la liberté de la pensée, la liberté du travail. Ne l’oublions pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gueret. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Daniel Gueret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ainsi que le prévoient les dispositions de l’article XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, laquelle est comprise dans notre bloc de constitutionnalité, « la propriété est un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé ». Il s’agit donc d’un droit particulièrement précieux et théoriquement protégé, puisque l’article II de ce même texte en fait un droit « naturel et imprescriptible de l’homme », au même titre que la liberté, la sûreté et la résistance à l’oppression.

Or, comme chacun le sait, les faits de squat connaissent en France une recrudescence particulière et révèlent un manque d’application des dispositions législatives en vigueur. C’est ce qui ressort de nombreuses constatations effectuées par les membres de la commission des lois du Sénat.

Le Gouvernement a certes pris, en partie, la mesure de ce phénomène en ajoutant un article 73 à la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, lequel n’a toutefois pas précisé la notion de « domicile », trop subjective et manquant de sécurité juridique. Il était donc nécessaire de renforcer la protection de tous les biens immobiliers, et pas seulement le domicile.

Bien entendu, je m’associe pleinement au texte issu des travaux de la commission des lois et, tout particulièrement, de notre collègue rapporteur Henri Leroy, notamment en ce qu’il permet d’accélérer les procédures d’évacuation et d’expulsion en cas de maintien sans droit ni titre dans un bien immobilier. C’est bien cette sécurité juridique que chaque citoyen est en droit d’attendre.

Au-delà du contenu de cette proposition de loi de notre collègue Dominique Estrosi Sassone, que notre assemblée va s’efforcer de parfaire durant l’examen des articles, je souhaite mettre en exergue un point essentiel et indispensable au bon fonctionnement de notre démocratie : l’application de la loi.

La France peut, bien sûr, se targuer d’offrir à ses concitoyens une palette de droits que beaucoup de démocraties nous envient. Toutefois, mes chers collègues, nous devons veiller à ce que ces droits s’accompagnent en retour de devoirs, comme celui de respecter la propriété d’autrui ou celui d’appliquer la loi promulguée.

Cet équilibre me semble maintenu par cette proposition de loi, laquelle protège les propriétaires privés tout en respectant le droit au logement, le texte visant les squatteurs et en aucun cas les locataires défaillants.

J’ajoute que, dans le même esprit et pour respecter l’équilibre, il est indispensable de veiller à condamner plus fermement les bailleurs peu scrupuleux qui louent leurs biens sans déclaration fiscale ou les marchands de sommeil qui profitent de situations très délicates.

Certains ont tendance à pointer du doigt les propriétaires. N’oublions pas qu’il s’agit pourtant de concitoyens qui ont épargné, emprunté et investi le fruit de leur travail, payant impôts et taxes ; il convient que le législateur leur apporte les garanties nécessaires au respect de leur droit à la propriété « inviolable et sacré », ainsi que je le précisais en préambule de mon intervention.

Madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris : oui au soutien au droit à la propriété ! Non à la défense, à la justification ou à l’encouragement des squatteurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Édouard Courtial. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le droit de propriété est un droit naturel et imprescriptible de l’homme. La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. Voilà ce qui ressort des articles II et XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Pourtant, pas un mois ne passe sans que des propriétaires voient leurs biens confisqués par des squatteurs sans vergogne.

Ces occupations illicites de domicile, de résidence secondaire ou de terrain se multiplient en France. Nous avons tous en tête le triste exemple de Théoule-sur-Mer, dans les Alpes-Maritimes, où un couple de retraités a récupéré sa maison saccagée après l’expulsion des squatteurs.

À Oignies, dans le Pas-de-Calais, à Saint-Honoré-les-Bains, dans la Nièvre, ou encore au Mans, dans la Sarthe, l’histoire est toujours la même : les squatteurs profitent de l’absence des propriétaires pour investir les lieux et mettent à profit toutes les failles de la législation pour s’y installer durablement.

« Sidération », « exaspération », « colère », « révolte », « traumatisme », tels sont les mots des victimes confrontées à ces squats, qui se retrouvent sur le seuil de leur propre porte, impuissantes. Elles doivent alors, bien souvent, s’engager dans un parcours kafkaïen pour récupérer leur propriété et, enfin, rentrer chez elles.

Ces faits génèrent une émotion légitime auprès de l’ensemble de nos compatriotes à laquelle nous devons répondre. Tel est l’objet de notre proposition de loi, chère Dominique Estrosi Sassone.

Lorsque la loi apparaît trop permissive ou pas assez dissuasive quant à l’occupation sans droit ni titre, elle donne lieu à des situations absurdes et intolérables dans lesquelles la charge de la preuve est inversée au détriment des propriétaires, qui doivent se justifier, et au bénéfice des squatteurs, qui se sentent à l’abri de toute répercussion. Ces situations mettent en exergue une faillite de l’État de droit, illustrent notre laxisme et favorisent le sentiment d’impunité de certains délinquants. Il y a donc urgence à colmater les brèches du droit en vigueur, dans lesquelles les squatteurs s’engouffrent au mépris du droit et du respect le plus élémentaire.

Certes, depuis 2007, la législation a évolué vers un durcissement des sanctions et une réduction du périmètre de la protection conférée aux squatteurs, avec, notamment, la création d’une procédure administrative accélérée. Force est de constater que, d’une part, elle n’est pas suffisamment décourageante et que, d’autre part, le problème demeure, voire s’aggrave.

De même, la réponse apportée par le gouvernement actuel, via un amendement au projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, est largement insuffisante et ne réglera certainement pas les anomalies de notre arsenal législatif. En cause : le périmètre encore trop restreint des avancées récentes.

La loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique a, par exemple, permis la non-opposition de la trêve hivernale aux squatteurs, mais cette disposition législative de 2018 ne s’applique que dans les cas où les occupants illégaux se sont introduits par voies de fait dans le logement, c’est-à-dire par effraction.

En outre, le manque d’efficacité des procédures d’expulsion est régulièrement dénoncé. Pour rappel, il appartient au propriétaire de faire constater sous quarante-huit heures une occupation illégale de son bien pour faire valoir la flagrance et, donc, la procédure de l’article 38 de la loi dite « DALO ».

S’agissant des résidences secondaires, il est plus difficile de constater une flagrance en seulement deux jours. Dès lors, il revient au propriétaire d’engager une procédure judiciaire, par nature longue et coûteuse.

Nous ne pouvons cautionner plus longtemps cette complaisance à l’égard des squatteurs. Aussi le but de cette proposition de loi est-il de renforcer la lutte contre le squat par la création de nouvelles infractions pénales. Le dispositif propose donc, d’une part, d’aggraver la peine en cas de violation de domicile et, d’autre part, de renforcer la protection de tous les biens immobiliers.

En outre, afin de rendre pleinement opérationnelle la mise en demeure par le préfet, les délais aujourd’hui prévus par la loi sont réduits à deux titres. Le délai d’instruction de cette demande est fixé à vingt-quatre heures ; si les squatteurs n’ont pas libéré les lieux dans le délai fixé par le préfet, ce dernier est tenu de faire évacuer le logement par la force publique immédiatement à l’issue de ce délai.

Le travail en commission, dont je salue la qualité, a permis de préciser le champ d’application du texte pour le recentrer sur les seuls squatteurs. À cet égard, six amendements du rapporteur ont été adoptés afin de sanctionner les auteurs, tout en préservant l’équilibre nécessaire entre le droit de propriété et le droit au logement, reconnu comme objectif de valeur constitutionnelle.

Madame la ministre, chers collègues, sans droit, il n’y a plus d’État, et sans État qui protège, le pacte social est rompu, ce qui donnera lieu à la justice privée, laquelle, d’ailleurs, s’est manifestée dans certains cas de squat. Les auteurs de cette proposition de loi entendent apporter la démonstration que nous ne sommes pas impuissants lorsqu’il s’agit de faire respecter nos valeurs les plus fondamentales. Il y va de notre responsabilité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat
Article 2

Article 1er

Au premier alinéa de l’article 226-4 du code pénal, les mots : « d’un an d’emprisonnement et de 15 000 » sont remplacés par les mots : « de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 ».

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.

M. François Bonhomme. Je m’associe à cette proposition de loi et, plus particulièrement, à l’objectif visant à restaurer les droits pleins et entiers des propriétaires face à des squatteurs très au fait de leurs droits et des lacunes pénales actuelles, avec, si cela ne suffisait pas, l’aide d’associations qui assurent leur impunité.

L’actualité a malheureusement été un révélateur et a rappelé douloureusement en de trop nombreuses occasions que les dispositions actuellement en vigueur sanctionnent insuffisamment les atteintes au respect du domicile et de la vie privée que constitue le squat. La triste affaire de Théoule-sur-Mer où, pendant une vingtaine de jours, des occupants sans scrupules ont pris possession de la résidence secondaire d’un couple de retraités afin de prolonger leurs vacances dans les Alpes-Maritimes est pleine d’enseignements sur les manquements de notre législation.

Aux termes de l’article 226-4 du code pénal, « l’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende » et « le maintien dans le domicile d’autrui à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, […], est puni des mêmes peines ». L’article 1er de la présente proposition de loi prévoit de porter cette peine à 45 000 euros d’amende et à trois ans d’emprisonnement.

Il s’agit là d’un durcissement nécessaire et attendu, à même de mieux faire respecter le droit de propriété, lequel doit, à mon sens, prévaloir et primer sur le droit au logement, parfois invoqué pour créer et laisser perdurer des situations inacceptables pour les victimes, révélant l’impuissance de l’État à faire respecter ce droit essentiel qu’est le droit de propriété.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, sur l’article.

Mme Catherine Procaccia. C’est avec plaisir et soulagement que j’ai vu cette proposition de loi inscrite à l’ordre du jour. J’ai en effet été bien seule pendant de nombreuses années à tenter de légiférer contre ce fléau qui bouleverse la vie de personnes souvent modestes et qui se retrouvent à la rue parce que leur logement a été squatté. Les exemples récents ne manquent pas.

Je remercie sincèrement mes collègues et le rapporteur, qui veulent améliorer l’article 38 de la loi DALO, lequel est resté tel qu’il a été voté en 2007, à la suite d’un compromis nocturne que j’avais négocié difficilement avec le DAL, Jeudi noir et le gouvernement de l’époque, alors très frileux. La rédaction avait limité cette mesure – j’avais dû l’accepter – à la résidence principale.

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui alourdit les sanctions contre les squatteurs, élargit le champ d’application de l’article 38 et vise à rendre plus efficace l’action des préfets.

Je salue les apports de notre collègue Henri Leroy, en particulier le raccourcissement du délai d’intervention du préfet et la nouvelle infraction de propagande des méthodes de squat. En 2007, déjà, mes chers collègues, j’aurais pu publier la liste des sites existants qui détaillaient les méthodes à mettre en œuvre.

Toutefois, vous le savez, madame la ministre, car nous avons échangé il y a quelques mois sur ce sujet, non seulement l’information des préfets et des forces de l’ordre est défaillante, mais, en plus, certains d’entre eux décident de ne pas faire exécuter les décisions de justice prises. C’est inadmissible, d’autant que la trêve hivernale ne s’applique pas aux squatteurs.

Je crois en votre volonté de faire prévaloir le droit des occupants légaux contre celui des squatteurs, mais il faut que celle-ci soit réellement mise en œuvre et que vous exigiez que les squatteurs soient vraiment expulsés. Si un préfet estime que ces derniers doivent être relogés, il lui revient de trouver une solution qui ne pénalise pas le titulaire.

Vous vous êtes engagée à faire paraître une circulaire à ce sujet, mais, à mon sens, la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui améliorera les choses. Lorsque l’on saura que les squatteurs sont systématiquement expulsés et qu’ils n’ont pas tous les droits, il y en aura peut-être moins. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 2 est présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 10 est présenté par Mmes Varaillas, Lienemann, Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Hussein Bourgi, pour présenter l’amendement n° 2.

M. Hussein Bourgi. La loi prévoit déjà des sanctions à l’encontre de toutes les personnes reconnues coupables de squat. Alourdir ces sanctions – les doubler, les tripler, voire les quintupler – n’a aucun intérêt. En effet, vous le savez tous, en vertu de l’individualisation des peines, lorsque les mis en cause arriveront devant les tribunaux, leurs revenus, souvent issus des minima sociaux, seront pris en compte, et les magistrats n’appliqueront jamais le montant maximal qui nous est proposé ici. C’est la raison pour laquelle je vous suggère de privilégier l’efficacité plutôt que l’affichage.

M. Jacques Grosperrin. Ça a un effet dissuasif !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour présenter l’amendement n° 10.

Mme Marie-Claude Varaillas. Un article similaire a déjà été adopté à l’Assemblée nationale lors de la discussion de la loi ASAP, puis a été censuré par le Conseil constitutionnel, non pas sur le fond, mais sur la forme. C’est la raison pour laquelle les auteurs de cette proposition de loi ont introduit cette disposition, laquelle multiplie par trois la sanction pénale du squat du domicile d’un tiers, considérant qu’il suffit d’augmenter les sanctions pour dissuader les éventuels délinquants.

Nous ne partageons pas cette opinion, pour plusieurs raisons, parmi lesquelles les qualités du délinquant : il s’agit, le plus souvent, de personnes fragiles se trouvant dans une situation d’extrême pauvreté. Comment prétendre résoudre cette situation par un accroissement de la sanction pénale, alors qu’il s’agit de répondre à une nécessité absolue, celle d’avoir un toit sur sa tête ? Qui peut sérieusement croire que le squat est une partie de plaisir ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Soyons sérieux !

Dire cela, ce n’est pas justifier l’infraction, mais considérer que la solution est à rechercher ailleurs. Nous sommes conscients que de plus en plus de personnes investissent dans la pierre, faute de pouvoir compter sur une retraite digne de ce nom. Ces personnes ne doivent pas être mises en difficulté, pas plus que les bailleurs sociaux, par ce type d’infractions.

Pour autant, nous considérons que, quand ces infractions sont la conséquence directe du mal-logement, il revient à l’État de prendre ses responsabilités pour agir vite et pour indemniser les victimes propriétaires, mais en aucun cas il ne nous semble utile de mettre les squatteurs en prison ou de les condamner à des amendes astronomiques, alors qu’ils n’ont déjà pas de quoi payer un loyer.

Il s’agit donc purement d’une mesure d’affichage sans efficacité concrète, qui ne réglera pas le problème, mais risque, au contraire, de l’aggraver, a fortiori dans la période très particulière que nous traversons.

Ces affaires restent marginales, même si elles sont très médiatisées. Nous estimons donc que le quantum de peine actuel est largement suffisant et que les mesures pour lutter contre le squat relèvent de la puissance publique, laquelle doit rendre le droit au logement et à l’hébergement, reconnu par la loi et les traités, enfin effectif. C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Henri Leroy, rapporteur. Je rappelle à nos collègues Bourgi et Varaillas que la mesure contenue dans l’article 1er de la proposition de loi figurait dans le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, mais avait été censurée par le Conseil constitutionnel pour des raisons relatives à la procédure.

J’entends vos arguments, mes chers collègues, selon lesquels la peine actuelle est suffisamment dissuasive. Ce n’est toutefois pas le cas, ainsi que nous l’avons constaté sur le terrain. Je vous avoue que les ministères concernés nous ont fait savoir qu’elle n’avait été appliquée à Paris qu’à cinq reprises. C’est dire si elle est méconnue !

Pour ma part, je considère que l’argumentation que nous avançons répond à un objectif d’équité et de cohérence : le code pénal punit de trois ans d’emprisonnement le propriétaire qui tenterait d’expulser par la force celui qui occupe illégalement son bien ; il me paraît cohérent que la même peine soit prévue pour le squatteur qui occupe illégalement le domicile d’autrui. Cela ne me paraît ni excessif, ni illogique, ni caricatural.

L’avis est donc défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le Gouvernement étant favorable à l’article 1er, il est donc défavorable aux deux amendements de suppression. Comme cela a été rappelé, une telle mesure avait été adoptée lors de l’examen du projet de loi ASAP, avec l’accord du Gouvernement, mais elle avait été censurée par le Conseil constitutionnel, non pour des raisons de fond, mais pour des raisons de procédure.

Nous nous trouvons ici dans le cas d’une violation de domicile et non dans le cas très général, cité par ailleurs dans cette discussion, d’atteinte au droit de propriété immobilière. En cas de violation de domicile dans le cadre d’un cambriolage, les peines actuellement encourues sont de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ; il paraîtrait bizarre de prévoir des peines plus faibles pour une violation de domicile qui débouche sur un squat. Il me semble donc normal d’aligner les peines.

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Notre collègue Bourgi, dont j’ai entendu avec beaucoup d’intérêt le propos lors de la discussion générale, nous indique que ce texte aggraverait les difficultés que rencontrent les accidentés de la vie. Il s’agit souvent, avance-t-il, de personnes dont la recherche de logement auprès des bailleurs privés ou publics n’a pas été satisfaite, malgré son ancienneté.

Monsieur Bourgi, tous les gens qui connaissent ce parcours difficile de recherche de logement auprès des bailleurs ne finissent heureusement pas squatteurs. C’est précisément ce à quoi s’attaque cet article. Cet argument me semble donc particulièrement spécieux.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 10.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat
Article 3

Article 2

Le titre Ier du livre III du code pénal est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« CHAPITRE V

« De loccupation frauduleuse dun immeuble

« Art. 315-1. – L’occupation frauduleuse d’un immeuble est le fait de se maintenir sans droit ni titre dans un bien immobilier appartenant à un tiers contre la volonté de son propriétaire ou de la personne disposant d’un titre à l’occuper, après s’y être introduit à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte.

« Art. 315-2. – L’occupation frauduleuse d’un immeuble est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

« La juridiction peut également décider que la personne condamnée ne pourra se prévaloir, pendant une durée maximale de trois ans, du droit garanti par l’État mentionné à l’article L. 300-1 du code de la construction et de l’habitation.

« Art. 315-3. – (Supprimé)

« Art. 315-4. – La propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de méthodes visant à faciliter ou à inciter à la commission du délit d’occupation frauduleuse d’un immeuble est punie de 3 750 € d’amende. »

M. le président. L’amendement n° 11, présenté par Mmes Varaillas, Lienemann, Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Cet article constitue le cœur de cette proposition de loi : il crée un nouveau délit, élargit le champ des procédures accélérées et sanctionne lourdement tant les squatteurs que ceux qui leur prêtent main-forte.

Nous l’avons déjà dit, le remède que vous proposez est pire que le mal. Alors que, chaque année, nous découvrons les chiffres du mal-logement présentés par la Fondation Abbé-Pierre, comment comprendre cette obsession dans les rangs de la droite sénatoriale ?

La loi ASAP a déjà permis d’aller plus loin dans la protection des biens en assimilant les résidences secondaires au domicile. Nous en comprenons les raisons. Pour autant, avec cette proposition de loi, un nouveau pas est franchi. Non, un logement vacant n’est pas un domicile !

Mme Dominique Estrosi Sassone. C’est une propriété !

Mme Marie-Claude Varaillas. Par conséquent, il ne saurait être traité comme tel lorsque sa propriété est bafouée, parce que les conséquences ne sont pas les mêmes.

Nous n’avons eu de cesse de dénoncer le nombre de ces logements vacants – de l’ordre de 3 millions – alors que tant de nos concitoyens souffrent du mal-logement. Il faut travailler à un arsenal juridique, comme nous l’avons proposé en loi de finances, pour taxer plus lourdement ces logements vacants afin de permettre leur remise sur le marché. Il convient également que l’État use enfin de son droit de réquisition pour mettre à disposition ces logements, en indemnisant, évidemment, les propriétaires.

La solution n’est donc pas de pénaliser plus lourdement ceux qui squattent ces lieux qui ne servent à personne, mais bien d’organiser une politique publique du logement et de l’hébergement pour éviter ces situations.

Par ailleurs, l’interdiction pour trois ans de l’accès au droit au logement opposable aux personnes condamnées à ce titre est une mesure injuste et contre-performante. Si le droit au logement opposable était respecté, ces personnes ne seraient pas contraintes à la délinquance. Par cette disposition, vous inversez donc les choses.

Enfin, même si la commission a permis une évolution sur cette mesure, la volonté affichée dans cet article de permettre la condamnation des acteurs de la lutte contre le mal-logement qui font du squat l’arme de la dénonciation de l’abandon par l’État de ses responsabilités est une imposture qui s’apparente au bâillonnement des actions citoyennes et politiques.

Nous ne servirons pas de caution à ces politiques répressives, injustes et antisociales. C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Henri Leroy, rapporteur. La commission souhaite la création d’un délit spécifique pour incriminer l’occupation frauduleuse d’un immeuble et compléter ainsi les dispositifs anti-squat qui ne pénalisent jusqu’à présent que la violation de domicile. Elle en a toutefois restreint le champ d’application en ajoutant une condition d’entrée dans les lieux à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, ce qui permet de viser des squatteurs sans toucher les locataires défaillants.

Pour garantir que la peine encourue soit proportionnée, la commission a prévu que ce délit d’occupation frauduleuse d’un immeuble serait puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Il paraît en effet raisonnable, dans un souci de gradation des peines, de punir plus sévèrement le squat d’un domicile que celui de locaux qui ne sont pas utilisés à des fins d’habitation.

Enfin, la commission a précisé la définition de la nouvelle infraction consistant à faire de la propagande ou de la publicité en faveur de l’occupation frauduleuse d’immeubles, pour viser seulement la diffusion de méthodes destinées à faciliter la commission de ce délit ou incitant à le commettre. En effet, on ne peut pas ne pas réprimer l’incitation à commettre un délit, d’autant que l’on trouve sur internet de véritables modes d’emploi, expliquant aux squatteurs comment ils doivent se comporter pour tenter d’échapper à l’expulsion ou pour retarder les procédures judiciaires, par exemple en changeant les serrures du logement ou en souscrivant un abonnement d’électricité à leur nom pour donner l’impression qu’ils sont installés chez eux…

C’est la diffusion de ce type d’informations que l’amende vise à dissuader. La liberté d’expression des associations luttant contre le mal-logement ne sera nullement remise en cause.

L’article 2 nous paraît utile et robuste juridiquement. La commission est donc défavorable à l’amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le Gouvernement est favorable à l’amendement de suppression de l’article 2, car il est opposé à la création d’une incrimination d’occupation frauduleuse d’un immeuble, trop large pour plusieurs raisons.

D’abord, l’incrimination serait susceptible de s’appliquer à l’ensemble des occupants qui se maintiennent dans les locaux. J’ai bien compris que la commission s’est efforcée d’en restreindre la portée pour ne pas viser les locataires défaillants. Néanmoins, la simple mention du mot « manœuvres » parmi les méthodes visées ouvre un champ d’interprétation considérable sur le point de savoir si un locataire qui assure pouvoir payer son loyer et finalement ne le paie pas est concerné ou non.

Ensuite, la définition dans la jurisprudence pénale du délit de violation de domicile est plus large que le champ de la procédure administrative permettant au préfet d’agir sur le domicile ; en fait, elle couvre tous les lieux pour lesquels il existe une atteinte à la vie privée, c’est-à-dire tous les locaux d’habitation – les résidences principales comme secondaires –, mais aussi les dépendances et les locaux affectés à l’exercice d’un travail ou d’une profession.

Enfin, le Gouvernement n’est pas favorable à la création d’une peine complémentaire d’interdiction de se prévaloir des recours prévus sur le fondement du droit au logement. Cette mesure me paraît effectivement disproportionnée par rapport à l’objectif à atteindre et insuffisamment protectrice des personnes les plus vulnérables.

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Mme Varaillas est tout à fait fondée à faire valoir ses arguments, mais ceux-ci me paraissent sujets à caution. Expliquer que sanctionner par de nouveaux délits les situations dont nous parlons serait une machine à créer de nouveaux délinquants me paraît un raisonnement particulièrement inattendu…

Quant à l’urgence sociale, ma chère collègue, elle a bon dos ! Vous ne pouvez nier la détresse des propriétaires quand l’État est impuissant à garantir un droit aussi essentiel que le droit de propriété. Je rappelle que, en 1789, les rédacteurs de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – une référence à laquelle vous serez peut-être sensible – ont fait du droit de propriété, proclamé à l’article XVII, l’un de leurs principes fondateurs, considérés comme inviolables et sacrés, au même titre que la liberté, la sûreté et la résistance à l’oppression.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour explication de vote.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la ministre, la peine complémentaire permet au juge d’apprécier s’il y a lieu ou non de déchoir le squatteur de son droit au logement opposable – pour une durée bien délimitée. L’adoption de ce dispositif serait un signal très fort envoyé à une grande partie de nos compatriotes, qui respectent le droit quand bien même ils ont d’importantes difficultés à se loger, voire ne sont pas logés : même sans toit au-dessus de leur tête, ils n’enfreignent pas la loi et ne squattent pas le bien d’autrui !

Vis-à-vis de l’ensemble de nos concitoyens, il nous appartient de montrer que nous ne plaçons pas sur le même pied le squatteur, qui a enfreint la loi, et la personne qui continue, même après plusieurs années, à attendre qu’on puisse lui attribuer un logement social, y compris dans les régions où la tension est particulièrement forte. Cet équilibre n’est que justice. Au demeurant, je le répète, les juges sont à même de décider s’il convient ou non de déchoir du droit au logement opposable.

Mes chers collègues, nous ne pouvons pas continuer à inciter des gens à squatter pour, à la sortie du domicile, se prévaloir du droit au logement opposable comme coupe-file ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mmes Imbert et Joseph, MM. Panunzi, Cadec, Pellevat et D. Laurent, Mmes L. Darcos et Chauvin, MM. Sautarel, Bazin et Lefèvre, Mme Dumont, MM. Burgoa, Laménie, Brisson, Bonne, Saury et Segouin, Mme M. Mercier, MM. Bouchet, Sol et de Nicolaÿ, Mme Lassarade, M. Cardoux, Mme Deroche, MM. Milon, Joyandet, Savin et Gremillet, Mmes Goy-Chavent, Deseyne et Lopez, MM. Cuypers et Vogel, Mme Puissat, MM. Klinger et B. Fournier, Mme Gruny, MM. Bonhomme, Pointereau, Bascher, Chevrollier, Husson, Chatillon et Rapin, Mmes F. Gerbaud, Garriaud-Maylam et Berthet, M. Belin et Mmes Demas et de Cidrac, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Est assimilé à l’occupation frauduleuse le défaut de paiement du loyer pendant une période consécutive de six mois.

La parole est à Mme Corinne Imbert.

Mme Corinne Imbert. Cet amendement vise à accentuer les sanctions contre les locataires ayant cessé de payer leur loyer depuis au moins six mois consécutifs, en assimilant cette situation à une occupation frauduleuse. Ils seront donc passibles des sanctions prévues par cette proposition de loi.

Bien évidemment, il ne s’agit pas de viser les plus précaires, qui souvent bénéficient d’un accompagnement vers ou dans le logement. Mais les impayés sont aussi un sujet, qui mérite un débat – le plus apaisé possible.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Henri Leroy, rapporteur. L’amendement de Mme Corinne Imbert vise à assimiler un locataire défaillant en retard de six mois de loyer à un occupant frauduleux au sens du nouvel article 315-1 du code pénal. Le locataire deviendrait ainsi pénalement punissable et pourrait faire l’objet d’une évacuation forcée par le préfet.

Une telle situation poserait, à mes yeux, des questions d’ordre constitutionnel et d’opportunité. La commission a précisément souhaité l’éviter en restreignant le champ d’application du délit aux seuls squatteurs, à l’exclusion des locataires et occupants gratuits.

Il est vrai qu’il faut améliorer les procédures d’expulsion locative, car certains locataires se comportent en voyous, exploitant au maximum les délais et procédures. Mais il s’agit d’un problème distinct du squat, qui devrait faire l’objet d’une réflexion spécifique en vue de définir à quel moment le locataire dépasse la limite acceptable, et ainsi d’épargner les locataires qui subissent des difficultés passagères, mais sont de bonne foi.

Dans ces conditions, je demande le retrait de l’amendement ; s’il est maintenu, avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Déjà, pour l’occupation frauduleuse d’un immeuble, le Gouvernement est défavorable au principe d’une incrimination. Mais, avec cet amendement, nous parlons de locataires ayant des difficultés à payer leur loyer… Au bout de six mois, ils seraient passibles d’un an d’emprisonnement ? Pourquoi pas le bagne ou les travaux forcés ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Franchement, pour reprendre l’expression qui a été employée, cette proposition ne me paraît pas aller dans le sens d’un débat apaisé. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Oui, la question des impayés de loyer mérite un débat apaisé !

M. François Bonhomme. Et vous y participez…

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Mais l’idée de prévoir un an d’emprisonnement ne me paraît pas y contribuer.

M. le président. Madame Imbert, l’amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ? (Oui ! sur certaines travées du groupe Les Républicains. – Non, il faut le retirer ! sur dautres travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert. Il importe, j’en ai conscience, de préserver l’équilibre du texte. Reste qu’il y a un petit sujet – nos réactions en témoignent…

Madame la ministre, c’est vous qui enflammez le débat ! (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.) Pour ma part, je ne fais qu’un constat, dont il faudra partir le jour où l’on voudra aborder la question.

Je retire cet amendement,…

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. C’est dommage !

Mme Corinne Imbert. … dans le seul souci de ne pas altérer l’équilibre du texte, et en remerciant mes nombreux collègues qui l’avaient cosigné.

M. le président. L’amendement n° 7 rectifié est retiré.

L’amendement n° 8 rectifié, présenté par Mmes Imbert et Joseph, MM. Panunzi, Cadec, Pellevat et D. Laurent, Mmes L. Darcos et Chauvin, MM. Sautarel, Bazin et Lefèvre, Mme Dumont, MM. Burgoa, Laménie, Brisson, Bonne, Saury et Segouin, Mme M. Mercier, MM. Bouchet, Sol et de Nicolaÿ, Mme Lassarade, M. Cardoux, Mme Deroche, MM. Milon, Joyandet, Savin et Gremillet, Mmes Goy-Chavent, Deseyne et Lopez, MM. Cuypers et Vogel, Mme Puissat, MM. Klinger et B. Fournier, Mme Gruny, MM. Bonhomme, Pointereau, Bascher, Chevrollier, Husson, Chatillon et Rapin, Mmes F. Gerbaud, Garriaud-Maylam et Berthet, M. Belin et Mmes Demas et de Cidrac, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Est assimilé à l’occupation frauduleuse le fait de ne pas quitter un meublé de tourisme dans un délai d’une semaine suivant le terme prévu de la location.

La parole est à Mme Corinne Imbert – peut-être serez-vous plus chanceuse cette fois-ci, ma chère collègue… (Sourires.)

Mme Corinne Imbert. J’en doute, monsieur le président, car je connais l’avis de la commission – évidemment très sage…

Cet amendement vise à accentuer les sanctions contre les locataires d’un meublé de tourisme qui n’auraient pas quitté le logement une semaine après le terme prévu de la location, en assimilant cette situation à une occupation frauduleuse. Le cas se produit de plus en plus fréquemment, qu’on le veuille ou non, sans forcément qu’une réponse juridique existe. Se maintenir dans un logement qu’on a loué à titre saisonnier, c’est aussi ne pas respecter la propriété immobilière !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Henri Leroy, rapporteur. La commission fera preuve de cohérence sur cet amendement très similaire au précédent. Il s’agit de rendre passible d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende un touriste qui dépasserait d’une semaine l’occupation de son meublé : dans ce cas aussi, il me semble que les mécanismes anti-squat ne sont pas les outils les plus adaptés. Nous sollicitons le retrait de l’amendement ; avis défavorable en cas de maintien.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. De façon extrêmement apaisée (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.) – et néanmoins similaire à mon explication précédente… –, il me semble que punir de 15 000 euros d’amende et d’un an d’emprisonnement le fait de rester une semaine de trop dans un meublé de tourisme est disproportionné. Pour cette raison de fond, l’avis est défavorable.

M. le président. Madame Imbert, l’amendement n° 8 rectifié est-il maintenu ?

Mme Corinne Imbert. Merci pour votre avis apaisé, madame la ministre, que toutefois je ne partage pas : j’ai moins de scrupules que vous par rapport à aux occupations prolongées de meublés de tourisme…

Cette fois encore, j’accède à la demande de la commission pour préserver l’équilibre du texte. Mais j’aimerais bien savoir ce qu’on propose dans les situations que j’ai décrites ! Actuellement, il n’y a pas de réponses, et je compte sur vous, mes chers collègues, pour en chercher ensemble.

M. le président. L’amendement n° 8 rectifié est retiré.

L’amendement n° 6, présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La peine prévue au présent article n’est pas appliquée lorsque l’immeuble faisant l’objet d’une occupation frauduleuse appartient à l’État ou à une collectivité territoriale et que la commune dans laquelle s’est produite l’infraction n’a pas respecté les obligations définies à l’article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

La parole est à M. Hussein Bourgi.

M. Hussein Bourgi. Nous proposons de réserver les sanctions prévues aux seules situations où, dans l’hypothèse de l’occupation d’un bâtiment public, celui-ci se trouve sur le territoire d’une commune remplissant ses obligations au regard de la loi SRU. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Ça réglerait tous les problèmes…

M. Hussein Bourgi. Si la commune ne remplit pas ses obligations en la matière, on peut considérer qu’il s’agit d’une circonstance atténuante pour la personne ayant occupé l’immeuble où les bureaux appartenant à cette collectivité territoriale.

M. François Bonhomme. Ça se voit que vous n’avez pas été maire !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Henri Leroy, rapporteur. Il est proposé que la peine ne s’applique pas lorsque l’immeuble squatté est une propriété publique située sur le territoire d’une commune ne respectant pas la loi SRU.

L’idée est originale : elle évoque à la fois la dispense de peine et l’état de nécessité. Toutefois, je ne vois pas en quoi le non-respect par une commune des règles issues de la loi SRU pourrait dispenser de peine une personne reconnue coupable du délit d’occupation frauduleuse d’immeubles.

M. Henri Leroy, rapporteur. Le droit pénal s’attache aux comportements individuels. Dans une même situation, certains de nos concitoyens respectent les règles,…

M. François Bonhomme. Heureusement !

M. Henri Leroy, rapporteur. … d’autres s’en affranchissent – c’est cela que nous souhaitons sanctionner.

M. Henri Leroy, rapporteur. Ainsi, pour prononcer une dispense, le juge doit, aux termes de l’article 132-59 du code pénal, prendre en compte le comportement individuel de la personne reconnue coupable, par exemple son reclassement ou la manière dont elle a réparé le dommage causé.

Si des communes ne respectent pas les dispositifs de la loi SRU, c’est parfois parce qu’elles ne le peuvent pas – et non parce qu’elles ne le veulent pas. Des sanctions financières sont prévues. En tout état de cause, c’est un autre sujet.

L’avis est défavorable sur l’amendement. (M. François Bonhomme applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Cet amendement, qui vise à créer des cas particuliers, montre bien que l’incrimination pour occupation frauduleuse d’un immeuble, à laquelle le Gouvernement est défavorable dans son principe, serait difficile à manier et à appliquer, dans la mesure où elle met en regard, d’un côté, des situations particulières et, de l’autre, un besoin de logements.

M. François Bonhomme. Donc, on ne fait rien ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Défavorable à l’incrimination en général, le Gouvernement l’est aussi à l’amendement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Si le bâtiment concerné est une école en cours de construction ou de rénovation, trouvez-vous normal que l’occupation se poursuive ?

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 3 est présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 9 est présenté par M. Benarroche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Hussein Bourgi, pour présenter l’amendement n° 3.

M. Hussein Bourgi. Il s’agit de supprimer la peine complémentaire consistant à exclure du recours au DALO toute personne dont la responsabilité aurait été retenue dans le cadre d’une procédure pour squat. Ce n’est pas en ajoutant les peines les unes aux autres – en l’occurrence, en privant une personne d’un droit – que l’on résoudra le problème.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 9.

M. Guy Benarroche. Le droit au logement est une avancée considérable, mais, assez souvent, il ne se traduit pas dans la réalité avec autant d’efficacité qu’il serait souhaitable. C’est pourquoi certaines personnes en dénoncent l’ineffectivité par des actions d’occupation, destinées aussi à attirer l’attention et à montrer à quel point certains connaissent des situations de souffrance.

Parmi ces personnes, un certain nombre ont en effet besoin d’être logées. Leur acte est un cri désespéré comme il en existe d’autres. Je ne dis pas qu’il est plus légitime, mais c’en est un aussi, et il faut en tenir compte.

À Théoule-sur-Mer, la situation a été résolue aussi, dans un contexte de carence de l’État, grâce à l’intervention d’un certain nombre d’acteurs de la société civile, y compris un maire, qui ont agi pour reloger la personne qui squattait.

Mes chers collègues, comment pouvez-vous, d’un point de vue logique, considérer qu’on pourrait résoudre le problème en privant du DALO pendant trois ans les personnes condamnées pour squat illégal ? On est en pleine incohérence !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Henri Leroy, rapporteur. Dans le cadre de ce droit opposable, les personnes n’ayant pas les moyens d’accéder à un logement indépendant et décent peuvent saisir une commission de médiation. Si celle-ci juge leur demande prioritaire, le préfet dispose de trois mois pour formuler une proposition de logement adaptée.

La peine complémentaire tend à éviter un phénomène parfois observé : une forme de priorité au relogement accordée à des squatteurs. La majorité des parlementaires, qui ont été des élus de grande proximité, connaissent parfaitement cette situation. De fait, les préfectures sont parfois tentées de rechercher en urgence une solution de relogement qui mette fin plus facilement à la situation de squat. Pendant ce temps, les personnes en attente de logement qui respectent la loi continuent d’attendre.

Cette peine complémentaire vise à envoyer un signal fort et clair : la violation de la loi ne doit pas avoir pour conséquence de gagner des places dans la file d’attente des personnes en demande de logement. L’avis sur les amendements identiques est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le Gouvernement est favorable aux amendements identiques de suppression, parce qu’il est opposé à la création d’une peine complémentaire d’interdiction de se prévaloir du droit au logement opposable.

En effet, la possibilité d’interdire l’exercice de recours sur le fondement du DALO, destiné à éviter la misère sociale, soulève une interrogation constitutionnelle très forte : il est hautement probable que le Conseil constitutionnel l’estime manifestement inappropriée à la répression d’un délit d’occupation illicite de biens immobiliers d’autrui.

Plus largement, dans les situations dont il a été fait mention, la prise en charge est toujours une prise en charge humanitaire d’hébergement. Pour suivre ces questions depuis quelque temps, je ne connais pas de cas dans lesquels il y aurait eu une accélération du droit au relogement. À Théoule-sur-Mer, en particulier, la situation relevait de l’hébergement : il est normal et légitime de mettre un toit au-dessus de la tête des enfants, qui ne sont pas responsables pénalement du comportement de leurs parents.

La question de la priorité des ménages relevant du DALO se gère avec les réservataires et les préfets, à l’intérieur de la file d’attente. Une nouvelle incrimination judiciaire n’est aucunement nécessaire de ce point de vue.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 9.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 5, présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. 315-2-1. – Lorsqu’une personne reconnue coupable de l’infraction définie à l’article 315-1 est un mineur au sens de l’article 388 du code civil, celle-ci est redirigée vers les services départementaux de l’aide sociale l’enfance mentionnés à l’article L. 221-2 du code de l’action sociale et des familles.

La parole est à M. Hussein Bourgi.

M. Hussein Bourgi. Parmi les squatteurs peuvent se trouver des mineurs, enfants en rupture familiale ou ayant fugué. Plutôt que de les envoyer devant un tribunal, il faut les orienter vers l’aide sociale à l’enfance dont ils relèvent, afin de les sortir de la marginalité qu’ils ont connue dans le cadre des squats.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Henri Leroy, rapporteur. Il est proposé de dispenser les mineurs de la peine prévue à l’encontre des squatteurs et, en contrepartie, de les orienter vers les services de l’aide sociale à l’enfance.

Tel qu’il est rédigé, cet amendement n’a pas, à mon avis, pour effet d’exclure les mineurs de la peine prévue en cas de squat.

Sur le fond, je ne vois pas pourquoi le phénomène du squat devrait faire l’objet d’un traitement dérogatoire par rapport aux règles habituelles du droit pénal des mineurs : les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables, et la peine qu’ils encourent est réduite de moitié par rapport à celle prévue pour les adultes.

Quant à l’intervention de l’aide sociale à l’enfance, elle est possible selon les règles de droit commun prévues par le code de l’action sociale et des familles, sans qu’il soit nécessaire de le prévoir dans cette proposition de loi. L’aide sociale à l’enfance pourra intervenir notamment si les jeunes squatteurs sont des mineurs isolés.

L’avis sur l’amendement est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Cet amendement sur le cas particulier des enfants en danger et mineurs isolés est, à mes yeux, une preuve de plus que l’incrimination n’est pas la solution aux problèmes d’occupation frauduleuse d’immeubles. Étant hostile à l’incrimination, je ne puis pas soutenir un amendement tendant à l’amender. Avis défavorable, pour cette seule raison juridique.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Hussein Bourgi.

M. Hussein Bourgi. Nous entendons supprimer l’incrimination de l’action associative, certes non conventionnelle. Qui aurait imaginé, voilà quelques décennies, engager des poursuites contre l’abbé Pierre lorsqu’il prônait la réquisition des bâtiments vacants ? Faisons preuve aujourd’hui de la même modération et de la même tempérance en ne réprimant pas tout. Il peut arriver que l’action des associations nous interpelle, voire nous dérange, mais elle contribue aussi à faire avancer les choses.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Henri Leroy, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la nouvelle infraction, punie d’une peine d’amende, tendant à réprimer la propagande ou la publicité en faveur de méthodes visant à faciliter le squat ou à l’inciter.

Comme je l’ai expliqué dans la discussion générale, la commission a retouché la définition de cette infraction afin de bien cibler ceux qui diffusent de véritables modes d’emploi en ligne, avec tous les conseils et astuces pour retarder le processus d’expulsion et échapper à la justice, sans porter atteinte à la liberté d’expression des associations qui luttent contre le mal-logement.

La commission est attachée à la création de cette nouvelle infraction, qui nous paraît combler une réelle lacune de notre droit pénal. Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Il est identique à l’avis émis sur tous les amendements à cet article. Étant défavorable à l’infraction elle-même, je suis défavorable aux amendements qui s’y rapportent.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour explication de vote.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Je remercie le rapporteur pour la précision qu’il a apportée. Nous n’avons surtout pas voulu porter atteinte à la liberté d’expression d’un certain nombre d’associations, qui accompagnent des publics en situation très précaire du point de vue du mal-logement – on pense à la Fondation Abbé-Pierre, mais aussi à l’association, encore plus politique et militante, Droit au logement.

Pour autant, on ne peut tolérer que des sites internet fournissent de véritables modes d’emploi du squat d’un domicile. En faisant une recherche, je suis tombée sur un site intitulé « Comment squatter en cinq étapes »… Voici d’ailleurs les cinq étapes décrites : repère ta maison ; rentre dans les bâtiments et barricade-toi ; attends le passage des flics et des huissiers, mets un faux nom sur la boîte aux lettres, barricade-toi et, une fois que les flics seront passés, tu pourras te considérer comme chez toi ; remets l’eau et l’électricité ; prépare ta défense.

Si un tel mode d’emploi n’est pas sanctionné, j’estime que nous ne faisons pas notre travail. Nous devons faire preuve de sévérité à l’égard de ces sites, que, aujourd’hui, rien ne permet de sanctionner. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat
Article 4

Article 3

L’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Après le mot : « principale, », sont insérés les mots : « ou dans un local à usage d’habitation » ;

b) Les mots : « ou toute personne agissant dans l’intérêt et pour le compte de celle-ci » sont remplacés par les mots : « , toute personne agissant dans l’intérêt et pour le compte de celle-ci ou le propriétaire du local occupé » ;

c) Après les mots : « son domicile », sont insérés les mots : « ou sa propriété » ;

2° À la première phrase du deuxième alinéa, le mot : « quarante-huit » est remplacé par le mot : « vingt-quatre » ;

3° Au premier alinéa, aux première et deuxième phrases du deuxième alinéa et au dernier alinéa, le mot : « préfet » est remplacé par les mots : « représentant de l’État dans le département ».

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mme Procaccia, M. Segouin, Mme Lavarde, M. Bazin, Mme Thomas, MM. Cadec et Panunzi, Mmes Belrhiti et V. Boyer, MM. Meurant, Burgoa, Cambon, Sol et Cuypers, Mmes L. Darcos et Raimond-Pavero, MM. Bonne, Grand, Savary, E. Blanc, Lefèvre et Vogel, Mmes Demas et Primas, M. Anglars, Mme Drexler, M. B. Fournier, Mme Di Folco, MM. de Nicolaÿ et Cardoux, Mme Chauvin, M. Piednoir, Mme Micouleau, M. Dallier, Mme Deromedi, M. Brisson, Mmes Berthet et Puissat, MM. Saury, Genet, Bouchet et Le Rudulier, Mme Schalck, M. Reichardt, Mme Garriaud-Maylam, M. Savin, Mmes Dumont, Lassarade et de Cidrac, MM. Babary, Somon, Boré et Klinger, Mmes Chain-Larché et Dumas et MM. Laménie, Pellevat, Rapin, Allizard, Sido, Gremillet et Gueret, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

… Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le propriétaire ne peut apporter la preuve de son droit en raison de l’occupation, le représentant de l’État dans le département sollicite l’administration fiscale pour établir ce droit. » ;

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. La charge de la preuve du domicile incombe à l’occupant légal, propriétaire ou locataire.

Pour suivre ces dossiers depuis quinze ans, je puis témoigner que, très souvent, on demande à une personne âgée qui revient de l’hôpital ou de vacances en famille d’apporter une preuve qu’elle ne peut pas fournir, tous ses papiers étant à l’intérieur du domicile, s’ils n’ont pas été détruits par les squatteurs.

Parmi les modes d’emploi, pour reprendre l’expression de Mme Estrosi Sassone, un des plus simples consiste pour le squatteur à se faire établir un contrat, par exemple d’électricité, à son nom : il téléphone, donne l’adresse où il se trouve, explique ne pas connaître le numéro de contrat ni le nom de son prédécesseur, et il reçoit dans les deux ou trois jours une facture ou une attestation… C’est pourquoi, voilà déjà plusieurs années, j’ai demandé qu’on sécurise ces procédures au moyen d’un code-barres.

La seule preuve de domicile est la taxe d’habitation. Mais qui connaît par cœur son numéro de connexion pour la rechercher en ligne ? Imaginez pour une personne âgée…

Dès lors, cet amendement prévoit, de manière simple, que le préfet demande aux impôts, si possible très rapidement, la preuve que le logement appartient bien à M. X ou à Mme Y.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Henri Leroy, rapporteur. L’idée est lumineuse : qui, en effet, est plus compétent pour identifier les gens que les services fiscaux ?

De fait, le propriétaire ne pouvant plus rentrer chez lui, il ne peut plus prouver qu’il est l’occupant légal. D’ailleurs, même s’il peut rentrer, tout a été détruit, parce que le squatteur a pris la précaution de le faire.

Dans ces conditions, il convient en effet d’autoriser le préfet à s’adresser aux services fiscaux – il n’aura pas la réponse dans les vingt-quatre heures, mais dans la minute qui suit… Ouf ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je partage la volonté d’être plus opérationnel pour qu’une personne confrontée à un squatteur puisse prouver la légitimité de son occupation. Il est vrai que, quand les papiers sont à l’intérieur du domicile squatté, la légalité de l’occupation est difficile à établir.

Sur le fond, nous devons continuer à travailler pour simplifier les demandes adressées aux services fiscaux, ou d’ailleurs aux notaires, qui détiennent généralement un double du titre de propriété. Il s’agit d’une préoccupation réelle et sérieuse.

La procédure administrative prévoit que le préfet dispose de quarante-huit heures pour statuer. Je ne suis pas certaine qu’il soit l’autorité la plus à même d’intervenir au titre de la famille. Les ayants droit et les associations qui accompagnent les propriétaires peuvent le faire. Quoi qu’il en soit, je suis prête à étudier les conditions d’une intervention opérationnelle.

Le Gouvernement, défavorable à l’article, émet par cohérence un avis défavorable à l’amendement. Au-delà de la procédure législative, je reste néanmoins disponible pour travailler sur l’opérationnalité de la mesure.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 4

Le chapitre II du titre Ier du livre IV du code des procédures civiles d’exécution est ainsi modifié :

1° Après le mot : « locaux », la fin du second alinéa de l’article L. 412-1 est ainsi rédigée : « à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte. » ;

2° À la fin du premier alinéa de l’article L. 412-3, les mots : « , sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation » sont supprimés ;

3° Après le mot : « autrui », la fin du deuxième alinéa de l’article L. 412-6 est ainsi rédigée : « à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte. » – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour explication de vote.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Je voudrais remercier, très sincèrement, l’ensemble des collègues présents dans l’hémicycle de leur participation à ce débat. Les discussions, on l’a vu, ont été très animées, sur un sujet important qui a suscité de nombreuses interventions, dont certaines sont apparues comme tout à fait légitimes, alors que d’autres m’ont semblé pour le moins idéologiques. (M. Pascal Savoldelli sexclame.)

Je remercie encore une fois M. le rapporteur Henri Leroy et M. le président de la commission des lois, ainsi que tous les commissaires aux lois dont le travail a permis d’enrichir le texte que nous soumettons désormais à votre vote. Ils ont veillé à ne pas créer d’amalgame ni d’opposition caricaturale, en évitant d’opposer, d’un côté, des propriétaires présentés comme riches et nantis, alors que pour la plupart ils ne le sont pas, ayant acquis leur bien – qu’il soit principal ou secondaire, pour compléter leur retraite – au prix de leur travail et de leur épargne ; et, de l’autre, des locataires qui seraient tous pauvres. L’équilibre recherché par le rapporteur me satisfait pleinement et je l’en remercie.

En revanche, je regrette la position défendue par les groupes socialiste et communiste, car elle est pour le moins idéologique, politique, voire démagogique. (Mme Cathy Apourceau-Poly sexclame.) En effet, alors que ce n’était pas l’objet de cette proposition de loi, vous avez volontairement opposé le droit de propriété au droit au logement. Or le droit au logement n’est pas le droit au squat ! Le droit de propriété est le seul droit constitutionnel qui soit. Le droit au logement, reconnu dans les valeurs républicaines, n’est pas un droit constitutionnel. Nul besoin donc de les opposer, car sur ces travées nous œuvrons tous avec conviction pour accompagner ceux de nos compatriotes qui rencontrent des difficultés pour se loger et pour avoir « un toit sur la tête ». Nous partageons en cela les mêmes objectifs que des associations comme la Fondation Abbé Pierre.

La situation actuelle est le résultat de la défaillance de l’État dans la mise en œuvre du droit au logement, et de l’inefficacité des politiques publiques de l’habitat. Rien ne justifie que les propriétaires aient à assumer cette défaillance de l’État.

Enfin, madame la ministre, l’examen de cette proposition de loi était l’occasion de vous emparer d’un texte législatif mesuré et équilibré pour atteindre les objectifs que vous vous étiez fixés. Nous regrettons que vous ne mettiez pas en conformité vos actes avec vos paroles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat
 

5

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à consolider les outils des collectivités permettant d'assurer un meilleur accueil des gens du voyage
Discussion générale (suite)

Outils des collectivités permettant d’assurer un meilleur accueil des gens du voyage

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi visant à consolider les outils des collectivités permettant d’assurer un meilleur accueil des gens du voyage, présentée par M. Patrick Chaize, Mme Sylviane Noël, M. Alain Chatillon et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 585 [2019-2020], texte de la commission n° 266, rapport n° 265).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à consolider les outils des collectivités permettant d'assurer un meilleur accueil des gens du voyage
Article 1er

M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous en venons à présent à un texte que j’avais déposé l’an dernier avec mes collègues Sylviane Noël et Alain Chatillon, et dont l’objectif est de contribuer à consolider l’un des volets les plus délicats de la législation sur l’accueil des gens du voyage : l’équilibre entre, d’une part, la garantie des bonnes conditions d’accueil des personnes choisissant de pratiquer ce mode de vie, et, d’autre part, la lutte contre les installations illicites.

Cet équilibre prend ses racines dans la loi Besson du 5 juillet 2000, qui, en fixant des droits et des devoirs, a jeté les bases de la politique contemporaine de l’accueil des gens du voyage.

Or, comme l’avait déjà diagnostiqué en 2017 notre ancien et regretté collègue Jean-Claude Carle, cet équilibre est de plus en plus fragile.

En effet, vingt ans après la loi Besson, la situation n’est plus exactement la même. Certains groupes de gens du voyage se sont sédentarisés, ou semi sédentarisés. D’autres personnes traditionnellement étrangères à la communauté ont pu adopter des modes de vie itinérants. D’importants flux saisonniers de gens du voyage se poursuivent, et il n’est pas rare qu’ils aboutissent à la saturation des capacités d’accueil des territoires.

De manière plus exceptionnelle, heureusement, la crise du coronavirus a mis à rude épreuve les communautés de gens du voyage, et elle a révélé les dangers que peuvent représenter des aires surchargées.

Enfin, les occupations illicites de terrains demeurent une triste réalité dans les territoires, d’autant plus que la conformité de ceux-ci au schéma départemental ne leur garantit aucunement d’échapper au phénomène.

Là où ils apparaissent, les « campements illicites » entraînent dans leur sillage complications juridiques, tensions locales et dégradations physiques. Ces agissements d’une minorité finissent par porter préjudice non seulement aux propriétaires des terrains, mais aussi à l’ensemble des voyageurs.

Cet état de fait ne doit pas être toléré ni indéfiniment excusé par des circonstances locales : il y va de la crédibilité de la République, garante de l’ordre public.

Les collectivités locales sont au premier rang face à l’ensemble de ces facteurs. Elles sont à la fois les interlocutrices essentielles des voyageurs installés paisiblement, et les victimes plus ou moins directes des occupations illégales, alors même qu’elles poursuivent leurs efforts de création d’espaces d’accueil.

Je ne doute pas que de nombreux collègues, sur ces travées, ont été comme moi sollicités par des maires ou des présidents d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) confrontés à des situations impossibles, auxquelles s’ajoute un appui parfois inadapté des autorités préfectorales et de la justice.

Ce constat avait déjà été dressé en 2017 par Jean-Claude Carle, qui avait déposé une proposition de loi comprenant certaines mesures fortes.

Malheureusement, le texte ambitieux voté à l’époque par notre institution n’avait été que très partiellement repris par l’Assemblée nationale.

Par conséquent, notre décision fut, non sans une certaine circonspection, de privilégier une réponse rapide, pour assister dès que possible les gens du voyage et les collectivités.

Plutôt que de poursuivre une navette au moment où convaincre nos collègues députés semblait difficile, notre choix fut de voter conforme une loi Carle, malheureusement amputée de plusieurs de ses dispositions, en nous promettant néanmoins d’y revenir.

Plus de deux ans après son adoption, c’est avec déception que nous constatons que ce texte d’ampleur limitée n’a pas reçu la mise en œuvre qu’il méritait.

Certes, nous pourrions attendre encore quelques années, pour mieux en évaluer l’impact, comme certains de nos collègues l’ont suggéré.

Cependant, compte tenu de l’urgence de la situation que je vous ai exposée, j’estime que nous sommes dans notre rôle de législateur quand nous proposons et quand nous agissons.

Par conséquent, j’ai travaillé avec mes collègues Sylviane Noël et Alain Chatillon à cette nouvelle proposition de loi.

Elle permettra de restaurer enfin l’équilibre dans les politiques de l’accueil des gens du voyage, et de doter les collectivités des outils nécessaires, en privilégiant l’implication des élus locaux et l’opérationnalité des dispositifs.

Le premier de ces outils vise à renforcer la coopération entre l’État et les collectivités dans l’anticipation et la préparation des flux de gens du voyage.

En développant une stratégie annuelle de gestion des déplacements des résidences mobiles des gens du voyage, le préfet de région contribuera en amont à éviter les surcharges ponctuelles des aires.

Cette nouvelle stratégie permettra de mieux faire circuler l’information, d’anticiper les déplacements et de coordonner l’élaboration des schémas départementaux. Elle impliquera surtout la consultation des élus, car l’écoute est le premier pas pour chasser leur impression d’abandon.

Un deuxième outil que nous prévoyons est l’inscription dans la loi d’un système de réservation préalable des aires. Son application restera facultative afin que les collectivités conservent toute latitude dans leur gestion des aires. Ce système permettra d’harmoniser les démarches des gens du voyage qui souhaitent s’installer, tout en améliorant la maîtrise des collectivités sur les entrées et les sorties des aires.

L’objectif est d’éviter les situations où des arrivées simultanées dépasseraient les capacités d’accueil, et de faciliter l’expulsion des groupes occupant indûment une aire pendant une longue durée.

Enfin, ce système s’articule avec l’approche stratégique d’une coopération entre l’État et les collectivités, telle que nous l’avons précédemment évoquée : le maire ou le président d’EPCI pourra demander au préfet de proposer des aires alternatives.

Grâce à ces deux outils, la liberté d’aller et de venir des voyageurs demeure intacte. L’objectif de ce texte est en effet d’user de dispositifs facultatifs et incitatifs afin de réunir les conditions d’un accueil effectif.

En troisième lieu, nous avons voulu rendre plus robustes les outils de lutte contre les installations illégales.

Il s’agit, très concrètement, de doubler la période durant laquelle la mise en demeure d’expulsion du préfet à l’encontre des occupants illégaux demeure en vigueur. Si les occupants n’ont pas quitté le terrain à l’issue de cette période, l’évacuation par le préfet sera désormais une compétence liée : il n’aura d’autre choix que de l’effectuer.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Patrick Chaize. Grâce à cela, les élus n’auront plus l’impression que les occupants illégaux demeurent dans l’impunité lorsque le préfet choisit, dans le cadre de sa compétence discrétionnaire, de ne pas passer à l’étape suivante.

Enfin, notre texte comprend certaines mesures inspirées de celles déjà votées par le Sénat il y a deux ans, dont l’intérêt et le contenu vous sont familiers.

Il s’agit non seulement de la suppression de la procédure de consignation de fonds, qui nous semble contraire au principe de libre administration et d’autonomie financière des collectivités, mais aussi de la prise en compte de certaines places d’aires au titre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), sujet qui retiendra sans doute l’attention de Mme la ministre déléguée, chargée du logement.

Tel est le contenu de cette proposition de loi, que, je l’espère, vous approuverez aujourd’hui.

Avant de passer la parole à Mme la rapporteure Jacqueline Eustache-Brinio, je tiens à saluer la qualité de son travail et de son écoute, pendant nos échanges, au moment des travaux préliminaires.

Grâce à elle et à nos collègues de la commission des lois, ce texte a pu être encore enrichi et amélioré.

Le moment est donc venu de donner aux acteurs locaux de l’accueil des gens du voyage les outils dont ils ont besoin pour remplir leur rôle : c’est le meilleur signal que nous pouvons leur envoyer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons est, convenons-en, particulière.

Elle l’est tout d’abord parce que l’accueil des gens du voyage est un sujet sensible dans notre pays, et nous savons tous combien il peut être difficile à traiter pour les élus locaux que nous rencontrons toute l’année.

Elle l’est ensuite parce que son examen intervient un peu plus de deux ans après que nous nous sommes collectivement saisis du sujet, lors de l’examen conjoint des propositions de loi de notre ancien collègue Jean-Claude Carle et de notre collègue Loïc Hervé.

Les débats que nous avons eus en commission ont été l’occasion pour certains de mes collègues de dire leur perplexité face à un texte examiné avant qu’un travail d’évaluation ne permette d’identifier précisément des pistes d’amélioration du cadre juridique, tel qu’il résulte de la loi du 7 novembre 2018 relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites. Je comprends pleinement cette inquiétude, et je souhaiterais y répondre en deux points.

D’une part, certaines des propositions formulées par le Sénat à l’occasion de l’examen de divers textes – tels que le projet de loi relatif à l’égalité et la citoyenneté ou les propositions de loi évoquées ci-avant – ne figurent pas dans la loi, faute d’avoir été retenues au cours de la navette parlementaire. Or les difficultés auxquelles ces dispositions entendaient répondre n’ont pas pour autant disparu ! Nous sommes donc contraints de réitérer une réponse législative dont la nécessité n’est pas démentie sur le terrain.

D’autre part, force est de constater que des pistes d’amélioration demeurent, tant la politique territoriale d’accueil semble perfectible sur le terrain. Ainsi, les élus locaux ne sont pas toujours en mesure d’anticiper les déplacements de gens du voyage, ce qui rend leur accueil d’autant plus difficile qu’il est imprévu.

Par ailleurs, les stationnements illicites continuent d’être une source de préoccupation pour les élus locaux, qui constatent un recours trop sporadique à la procédure d’évacuation d’office, pourtant prévue dans la loi.

Mes chers collègues, face à ces difficultés persistantes et quotidiennes dans les territoires, le législateur ne saurait rester passif !

La proposition de loi que nous examinons a trois objectifs distincts : elle vise à mieux anticiper les déplacements de résidences mobiles, à améliorer la gestion des aires d’accueil de gens du voyage, et à renforcer la procédure administrative d’évacuation d’office en cas de stationnement illicite.

Pour cela, elle complète les dispositions déjà votées par notre assemblée, en y mêlant des pistes de solutions originales et innovantes, qui constituent des réponses pragmatiques aux difficultés rencontrées sur le terrain.

Parmi les dispositions déjà votées par le Sénat, deux articles visent à faciliter la gestion des aires d’accueil pour les collectivités territoriales concernées.

L’article 4 tend à comptabiliser les emplacements des aires permanentes d’accueil des gens du voyage dans les quotas de logements sociaux auxquels sont soumises certaines communes.

L’article 5 prévoit de supprimer la procédure de consignation de fonds pour les communes et les EPCI qui ne respectent pas leurs obligations en matière d’accueil.

Ces articles relèvent du bon sens et ont été adoptés par la commission sans modification.

L’article 9, issu d’un amendement présenté par Loïc Hervé et adopté par la commission, reprend également des dispositions déjà adoptées par le Sénat. Il tend à renforcer les sanctions pénales applicables en cas d’occupation en réunion sans titre d’un terrain. Si une interrogation sur l’effectivité de la mesure persiste à ce stade, elle constituera un outil supplémentaire à la main du juge, à qui il reviendra de s’en saisir, dans le respect des droits et libertés fondamentaux.

Par ailleurs, d’autres dispositions du texte développent des pistes de solutions innovantes face aux problèmes régulièrement rencontrés par les élus.

L’article 2, qui prévoit principalement la possibilité pour les communes et les EPCI concernés de subordonner à une réservation préalable l’accès aux aires d’accueil, constitue à cet égard une réelle avancée dans la gestion des aires d’accueil des gens du voyage. Dans la mesure où l’examen en commission a permis de garantir la solidité juridique du dispositif, je me réjouis qu’il puisse désormais être adopté par notre assemblée, car il facilitera la vie des collectivités territoriales concernées.

L’article 1er vise à éviter les risques de saturation des aires d’accueil par l’anticipation des déplacements de résidences mobiles. Il prévoit, dans la rédaction issue de l’examen en commission, une stratégie régionale de gestion de ces déplacements. Ce dispositif permettra d’impliquer le préfet de région et de s’assurer de la coordination, à l’échelle pertinente, de l’action de l’État et des collectivités en matière d’accueil des gens du voyage.

Enfin, l’article 8 tend à répondre au troisième et dernier objectif de la présente proposition de loi, à savoir le renforcement de la procédure administrative d’évacuation d’office en cas de stationnement illicite.

Consolidée, d’une part, via le doublement de la période pendant laquelle la mise en demeure du préfet court et, d’autre part, par l’obligation du préfet de procéder à l’évacuation d’office dès lors qu’à son échéance la mise en demeure n’a pas été suivie d’effet, cette procédure constituera la réponse efficace aux stationnements illicites que les maires et les présidents d’EPCI attendent depuis si longtemps.

En la matière, seule une action forte de l’État, se tenant aux côtés des collectivités concernées, est à même de rassurer ces dernières, qui se trouvent trop souvent démunies, car délaissées, face à un problème qui les dépasse.

Je souhaiterais saisir l’occasion qui m’est donnée de m’exprimer pour m’adresser à vous, madame la ministre : les collectivités ont besoin que l’État prenne ses responsabilités en ce qui concerne l’accueil des gens du voyage.

Nous savons parfaitement que les schémas départementaux d’accueil sont insuffisamment mis en œuvre, et nous le déplorons. Cependant, nous avons tous aussi, dans cette assemblée, des exemples de communes ou d’EPCI qui se retrouvent dans une situation inacceptable lorsque, respectueux de leurs obligations et confrontés à une occupation illicite, ils voient le préfet opposer une fin de non-recevoir à leurs demandes légitimes d’évacuation.

Par ailleurs, depuis 2009, l’État ne prévoit plus de soutien spécifique à la réalisation ou à l’aménagement d’aires d’accueil et de terrains familiaux locatifs, sauf dans le cas de communes nouvellement inscrites au schéma départemental.

Madame la ministre, face à la sous-exécution des schémas départementaux, pourquoi ne pas restaurer un tel soutien financier, au lieu de procéder à des consignations de fonds contraires aux principes d’autonomie financière et de libre administration des collectivités territoriales ?

Une telle disposition ne saurait être introduite dans un amendement d’initiative parlementaire, en raison des règles de recevabilité financière, mais nous sommes prêts à travailler avec vous pour penser les voies et les moyens d’un soutien réel de l’État aux collectivités en la matière.

En un mot, madame la ministre, les collectivités territoriales sont bien au fait des obligations qui s’imposent à elles, et elles font leur possible pour s’y plier. Elles ont néanmoins besoin des marques de soutien qui leur font défaut dans la situation actuelle. Elles doivent pouvoir compter sur l’État bien davantage qu’elles ne le font. L’ensemble des acteurs du système y gagnerait, à commencer par les gens du voyage, dont l’accueil se trouverait significativement amélioré.

En conclusion, la présente proposition de loi ne réglera pas toutes les difficultés qui se posent aux élus locaux quant à l’accueil des gens du voyage. Le cadre juridique existant souffre, nous le savons, d’un défaut d’application, aux niveaux central et déconcentré, auquel il convient de remédier urgemment.

Elle permettra néanmoins de consolider ce cadre juridique et de donner davantage d’outils aux collectivités pour gérer avec efficacité des situations souvent difficiles. Elle me semble de ce seul fait, mes chers collègues, utile et nécessaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le président, madame la rapporteure, chère Jacqueline Eustache-Brinio, madame, messieurs les auteurs de la proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, l’accueil des gens du voyage dans des conditions dignes est une responsabilité collective, consacrée notamment dans la loi du 5 juillet 2000, dite « loi Besson ».

Cette loi établit un équilibre entre, d’une part, la liberté d’aller et venir des gens du voyage, leurs aspirations à pouvoir stationner dans des conditions décentes, et, d’autre part, le souci des pouvoirs publics d’éviter des installations illicites, susceptibles de porter atteinte au droit de propriété et d’occasionner des troubles à l’ordre public.

Le Gouvernement a cet objectif, à la fois favoriser l’accueil des gens du voyage et répondre aux préoccupations des élus locaux confrontés aux installations illicites.

Alors que seulement un schéma départemental sur quatre est pleinement abouti, vingt ans après l’adoption de la loi Besson, votre proposition de loi fait porter les conséquences de ce manque aux seuls gens du voyage.

M. Loïc Hervé. Ce n’est pas vrai !

M. François Bonhomme. Vous ne pouvez pas dire cela !

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. C’est la raison pour laquelle je ne partage pas la vision du sujet qui préside à ce texte.

La majorité des gens du voyage, ainsi que les associations qui les représentent, sont en effet désireux de s’inscrire dans le respect des lois de la République. Lorsque les aires d’accueil et les aires de grand passage existent et proposent des conditions d’accueil dignes, les installations se passent dans la grande majorité des cas de façon sereine. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je ne nie pas les problèmes dus à l’installation illicite des gens du voyage ; ils sont réels. Plusieurs dispositions législatives ont d’ailleurs déjà été adoptées pour les sanctionner, à l’instar de celles qui figurent dans la proposition de loi déposée par les sénateurs Jean-Claude Carle, en mémoire duquel j’aimerais avoir une pensée à cet instant, et Loïc Hervé, texte voté en 2018. À mon sens, nous n’avancerons pas sur le sujet seulement avec plus de sanctions.

La présente proposition de loi a pour objectif d’assurer un meilleur accueil des gens du voyage. Mais elle prévoit essentiellement d’accroître les sanctions envers ces derniers sans proposer d’améliorer ni de revoir les obligations que doivent honorer les communes. À mes yeux, il y a là une contradiction intellectuelle et législative qui pose question.

Les solutions ne pourront être trouvées que dans un dialogue constructif et sincère entre les élus et les gens du voyage, en permettant la mise à disposition d’un terrain décent, ainsi que la scolarisation des enfants, sans discrimination.

La présente proposition de loi ne me semble pas de nature à favoriser un tel dialogue. Son adoption ne ferait qu’exacerber les difficultés en radicalisant les positions des uns et des autres.

À la lecture du texte, il apparaît en effet que les dispositions proposées vont trop loin et pourraient être ressenties comme une nouvelle stigmatisation par les gens du voyage. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce sera le cas ! Je regrette de devoir vous le dire. Ces mesures constituent une entrave grave à la liberté d’aller et venir et ne peuvent pas être perçues par les personnes concernées autrement que comme une remise en cause de leur mode de vie. C’est ce qui m’amène à émettre un avis défavorable sur le texte.

L’article 1er propose l’élaboration d’une stratégie de gestion des flux des gens du voyage qui porte en fait atteinte à leur liberté d’aller et venir en leur imposant de s’installer uniquement dans certains endroits. En ce sens, cette disposition posera une difficulté constitutionnelle. De plus, cela fait porter la responsabilité de l’accueil aux seuls territoires qui respectent la loi Besson ; rien n’est prévu pour la faire respecter par les autres. Cet article ne permet pas de répondre au problème fondamental du déficit d’espaces d’accueil pour les gens du voyage, qui alimente la saturation des équipements de manière structurelle et entretient les stationnements illicites.

L’article 2 propose de gérer les flux en installant un système de réservation préalable. Or un tel dispositif serait en réalité inopérant dans les territoires sans équipement et difficilement gérable dans les territoires équipés.

L’article 4 propose de comptabiliser dans la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », les aires d’accueil des gens du voyage au titre du logement social. Je ne souhaite pas mettre en concurrence le logement social et les aires d’accueil alors que nous avons 2 millions de demandeurs de logements sociaux qui ne trouvent pas de réponse. La loi SRU est un outil qui doit être respecté pour la construction de logements.

L’article 5 supprime la procédure de substitution et de consignation des fonds, qui avait été créée par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté. Cette procédure est un outil de négociation à la main des préfets pour que les communes respectent leurs obligations ; je ne vois pas pourquoi on la supprimerait.

L’article 7 propose de réintroduire un alinéa de l’article 9 de la loi Besson, en prenant en compte la décision du Conseil constitutionnel à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité en 2019. Cet article conforte une demande d’associations. Il avait reçu un avis favorable du Gouvernement lors de l’examen de la proposition de loi de MM. Carle et Hervé. Aussi, sur cet article précis, l’avis du Gouvernement sera favorable.

L’article 8 aggrave la répression des stationnements illicites. Comme je l’ai déjà indiqué, ce n’est, me semble-t-il, pas en augmentant des sanctions qui existent déjà que nous résoudrons le problème.

Enfin, l’article 9 présente un risque d’inconstitutionnalité au regard du principe d’inviolabilité du domicile, en proposant une saisie des véhicules, y compris à usage d’habitation, illégalement stationnés.

En conclusion, je ne suis pas favorable à cette proposition de loi, qui ne résoudra pas le problème des stationnements illicites. Ce texte fait peser sur les seuls gens du voyage le déficit d’aires d’accueil, en menant à une forme de stigmatisation, et il laisse penser que seul un arsenal répressif et coercitif permettrait de régler la question. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Il fait l’objet d’une opposition très forte de la part des personnes concernées. En défendant des positions radicales, il risque de rompre le dialogue pourtant constructif engagé avec l’ensemble des parties prenantes. Le « tout-sanction » est une impasse. Je souhaite que nous en revenions au respect de la loi Besson. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi s’attaque au véritable fléau que sont les occupations illégales de terrain par de gens du voyage, occupations illégales qui constituent à l’évidence un nouvel exemple, et à grande échelle, de squat.

Dans les Bouches-du-Rhône, nous ne connaissons que trop bien un tel phénomène, avec une population importante et le pèlerinage annuel aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Et nos communes sont bien dotées, avec près de 400 places sur les aires prévues pour l’accueil de ces populations. Ces aires demeurent mal perçues par les maires, leur construction étant imposée par la métropole. Les grosses communes ont ainsi pu se délester d’une telle charge sur les petites villes et villages de Provence.

Mais, comme vous le soulignez dans votre proposition de loi, cela ne suffit pas : il continue d’y avoir des installations illégales. Tous les étés, des terrains sont squattés, et l’électricité et l’eau sont détournées. À la fin, ce sont les contribuables qui paient ; ce sont encore et toujours les contribuables honnêtes qui doivent payer pour ceux qui ne respectent rien, et surtout pas la loi !

Cet été encore, c’est à Berre-l’Étang qu’un terrain a été illégalement occupé. Et comme le maire ne s’est pas chargé de faire expulser les gens du voyage dans les quarante-huit heures, le camp existe encore aujourd’hui ! La gendarmerie y a pourtant mené une perquisition et a saisi plusieurs armes à feu, non déclarées évidemment… C’est un vrai cauchemar pour les riverains.

Pourtant, dans les communes voisines, ce ne sont pas les aires d’accueil qui manquent ! Mais à ceux qui méprisent la loi, cela ne suffit pas, et ne suffira jamais ! Et ça recommence chaque année, toujours aux frais du contribuable !

Je salue évidemment votre volonté de faire entrer les aires de stationnement dans les quotas de la loi SRU. Tout ce qui peut permettre de préserver notre environnement et nos espaces naturels de la bétonisation est louable, même s’il faudrait évidemment reprendre la loi SRU de fond en comble et tendre vers sa suppression. D’ailleurs, quand déciderez-vous d’inscrire à l’ordre du jour de notre Haute Assemblée la proposition de loi que j’ai déposée sur le sujet voilà plus de cinq mois ?

Il faut revenir au pragmatisme, qui passe par la connaissance précise du terrain. La compétence des aires attribuées aux gens du voyage doit être retirée aux EPCI pour être restituée aux communes.

Ainsi, si les aires d’accueil entrent dans le quota SRU, les maires seront incités, mais libres d’en construire. Tout le monde y trouverait son compte.

Enfin, il est nécessaire de rendre automatique la saisie des véhicules qui occupent encore un terrain après expiration du délai de la mise en demeure. Dans le cas contraire, on sait très bien que les squatteurs en voyage iront s’installer dans la commune voisine. Cela ne ferait que déplacer le problème.

Malgré quelques imperfections, ce texte va néanmoins dans le bon sens. Je voterai évidemment en sa faveur.

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled.

M. Dany Wattebled. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la qualité première des maires de notre pays est certainement l’écoute ! Et je pense ne pas me tromper en disant que, cet après-midi, ils sont particulièrement attentifs à nos travaux.

Ce n’est pas la première fois que nous sommes confrontés dans cet hémicycle au problème de l’accueil des gens du voyage. Nous n’avons cessé de perfectionner et d’affiner la législation française. Nous sommes guidés en particulier par deux volontés majeures : améliorer les conditions d’accueil et instituer un cadre utile pour nos collectivités.

La proposition de loi que nous examinons, comme son nom l’indique, a pour objet de consolider les outils à la disposition de nos collectivités.

Les dernières discussions sur l’accueil des gens du voyage ont montré des divergences entre les deux assemblées. Je tiens à le préciser, il est important de consolider ce cadre pour qu’il soit efficace et, surtout, appliqué.

Dans mon département, le Nord, je ne compte plus les échanges avec des maires qui voient dans la loi Besson une tendance à inverser la culpabilité, en l’imputant aux élus. Nous avons essayé de combler quelques lacunes lors de l’examen des dispositions proposées par MM. Carle et Hervé, que le Sénat a adoptées. Force est de le constater, nous y revenons.

Je soutiens d’ailleurs plusieurs amendements s’inscrivant dans cet état d’esprit, en particulier sur la peine aggravée relative à la destruction, à la dégradation ou à la détérioration d’un bien appartenant à autrui.

Je plaide pour une indemnisation rapide lors de dégâts subis durant une occupation illicite de terrain. Il est impensable de voir des terrains de football ou des bâtiments dévastés. Il faut que ces dégâts soient réparés rapidement ; ils ne doivent pas être laissés à la charge de la collectivité ou du secteur privé.

La proposition de loi règle plusieurs autres problèmes qui me semblent majeurs.

Le préfet doit être une pièce maîtresse et faire appliquer la loi. L’organisation des flux et la gestion des déplacements, mesures développées dans l’article 1er du texte, sont nécessaires. Nous devons être attentifs aux cas de sédentarisation observés, qui peuvent parfois bloquer les aires prévues pour les gens du voyage.

Sur la commune d’Hazebrouck, dans le Nord, un groupe de gens du voyage a été envoyé vers l’aéroport de Merville, où il y a une aire de grand accueil. Ces personnes ont refusé de s’y installer au motif qu’il y avait déjà un autre groupe. Voilà le type de problèmes que nous pouvons rencontrer. Les situations de ce genre doivent trouver des solutions. La communication entre les élus et l’État est la condition pour réussir un accueil dans les meilleures conditions. Le couple maire-préfet a montré son efficacité ; il doit aussi fonctionner dans ces cas précis.

Il en est de même dans le cas problématique des occupations illicites. Car, si les gens du voyage ont des droits, ils ont aussi des devoirs : le respect de la loi en est un. Là encore, le préfet doit agir, et son autorité doit être respectée lorsqu’il s’agit des mises en demeure. À ce titre, je salue l’allongement de la durée d’applicabilité de la mise en demeure à quatorze jours, contre sept jours actuellement.

Beaucoup d’élus m’ont rapporté des incidents. Je ne vous en donnerai que deux exemples particulièrement parlants.

D’abord, sur la commune de Prémesques, un groupe de gens du voyage s’était installé sur un lieu public. À la suite d’une procédure, il a été expulsé. Le maire n’a pu que constater son retour dans la nuit suivante et au même endroit !

Ensuite, sur la commune de Lesquin, que je connais bien, l’aire de grand passage a été occupée avant même d’être terminée. Ce matin encore, les gens du voyage ont été expulsés ; en partant, ils ont complètement saccagé l’aire. Qui paiera les réparations ? La collectivité, comme d’habitude ! Et je ne parle pas des occupations illégales d’espaces commerciaux, qui occasionnent des pertes importantes pour les commerces.

Ces situations d’occupation illégale sont inacceptables. Les évacuations ne sont parfois pas exécutées dans les temps. La gestion par les forces de l’ordre peut être complexe, surtout quand celles-ci manquent d’effectifs, comme c’est souvent le cas. C’est parfois aussi très dangereux pour les élus, comme en atteste l’agression subie par le maire de Maing en 2020.

Mes chers collègues, le texte que nous examinons est important pour nos territoires, ainsi que pour l’accueil des gens du voyage. S’il ne règle pas tout, il apporte une nouvelle fois des pistes de solutions.

Mais, malheureusement, rien ne peut se concrétiser si la loi n’est pas appliquée. Il y va de la crédibilité des acteurs engagés. C’est pourquoi nous sommes très favorables à la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains. – M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’ordre du jour est ainsi fait que nous continuons nos travaux aujourd’hui par l’examen d’une proposition de loi visant l’amélioration des relations entre les collectivités et les gens du voyage. Il est proposé d’appréhender et de réguler les flux des gens du voyage, tout en renforçant la lutte contre les occupations illégitimes.

Cet objectif se traduit essentiellement – hélas ! – par un durcissement des conditions d’accueil et par l’extension des possibilités d’expulsion au nom de la lutte contre les occupations illégales. Je le rappelle, la raison d’être prioritaire des textes adoptés en 2017 et en 2018, qui sont encore incomplètement mis en œuvre et que les auteurs de la présente proposition de loi souhaitent modifier, est la pacification des relations entre les gens du voyage et les communes les accueillant. L’adoption d’un texte maintenant, en particulier de celui qui nous est proposé, n’y contribuera pas.

Sur la forme, ce texte participe d’une inflation législative, d’une course sans fin pour encadrer les conditions de vie et de domiciliation des gens du voyage, et contribue, certes involontairement, à leur stigmatisation.

Depuis trente ans, il y a eu beaucoup de lois sur les gens du voyage, beaucoup de commissions représentatives, beaucoup de schémas directeurs. Mais le constat a été fait par vous tous, mes chers collègues : seule la moitié des places en aires permanentes d’accueil prévues par les schémas départementaux avaient été créées en 2009, et ce chiffre s’élevait à peine 75 % en 2020. Seuls vingt-quatre schémas départementaux sont pleinement respectés aujourd’hui !

Je salue le travail de modération de notre rapporteure et de notre commission sur certains points édifiants, comme la suppression, demandée par la commission, de l’article 8, qui prévoyait la possibilité d’une astreinte solidaire pour les occupants en infraction, et celle de l’article 6, consacré aux craintes liées à des inscriptions massives et ciblées sur les listes électorales de gens du voyage au sein de communes peu peuplées.

Je regrette toutefois l’ajout d’un article sur les méthodes d’expulsion et de renforcement des sanctions pénales en cas d’infraction. Comment justifier de la saisie d’un véhicule qui est aussi l’habitation des gens du voyage ?

Pareillement, le changement de lieu qui pourrait être imposé d’une aire à une autre ne prendrait pas en compte l’ancrage local, même embryonnaire, qui peut exister, en particulier par des tentatives de scolarisation des enfants. Cela va à l’encontre de la possibilité d’une intégration et d’une non-stigmatisation des gens du voyage.

Dans mon département, dont parlait tout à l’heure un autre sénateur, je connais beaucoup d’associations qui s’occupent avant tout de la scolarisation des enfants des gens du voyage, aussi bien à Marseille qu’en Camargue. C’est l’un des moyens d’arriver à une intégration et à une amélioration des relations. (M. Jérôme Bascher sexclame.)

Ce texte, s’il entend répondre à un réel besoin de nos collectivités pour au mieux anticiper et gérer les arrivées, séjours et départs des gens du voyage, reste déséquilibré.

Que dire de la décision de supprimer les procédures de consignation à l’encontre des communes et des EPCI défaillants ? Je sais que c’est une demande répétée du Sénat, mais ce n’est pas la nôtre. Ne pas sanctionner les collectivités qui ne respectent pas la loi, c’est sanctionner celles qui, au prix d’efforts, s’y conforment !

Dans la même veine, comptabiliser les aires d’accueil dans les comptages SRU des logements sociaux, c’est aussi décourager les collectivités ayant fait des efforts énormes pour respecter leurs obligations. Et c’est confondre la construction de logements neufs sociaux avec l’accueil provisoire des gens du voyage !

Si l’idée d’une réservation préalable avec réorientation sur des aires libres s’entend pour une meilleure gestion des flux et pour éviter une concentration matériellement impossible, sa mise en place facultative par les collectivités et son caractère qui devient exclusif dans le cas où il y est fait recours laissent songeur quant à la visibilité pour les gens du voyage des démarches à entreprendre.

Dans ce cadre, notre groupe restera vigilant sur les rédactions des décrets qui encadreraient les motifs valables pour justifier les refus d’accueil par les mairies.

M. le président. Il va falloir conclure, mon cher collègue.

M. Guy Benarroche. Les problèmes existent lorsque deux modes de vie cohabitent. Les difficultés à appliquer les lois de manière sereine sont récurrentes pour un certain nombre de communes. Les dernières lois votées par le Parlement ont vocation à les résorber. Encore faut-il leur laisser le temps d’une mise en œuvre qui puisse faire ses preuves.

Il est important de privilégier l’application des dernières lois votées ici même et de renforcer les méthodes de concertation.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Hussein Bourgi applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons tous eu au téléphone des maires désemparés par une installation sauvage de gens du voyage arrivés à l’improviste le matin même dans la commune.

Chaque année, la France compte 350 000 à 400 000 personnes appartenant à cette communauté, dont un tiers sédentaire, un tiers semi-sédentaire et un tiers itinérant.

Mercredi dernier, la commission des lois du Sénat a adopté la proposition de loi visant à consolider les outils des collectivités permettant d’assurer un meilleur accueil des gens du voyage. Cette proposition, présentée par mes collègues Patrick Chaize, Sylviane Noël et Alain Chatillon, a trois objectifs principaux : mieux anticiper les déplacements de résidences mobiles, améliorer la gestion des aires d’accueil de gens du voyage et renforcer la procédure administrative d’évacuation d’office en cas de stationnement illicite.

C’est l’occasion aujourd’hui d’avoir une pensée émue pour notre regretté collègue Jean-Claude Carle. Ce texte vient d’abord rétablir les dispositions votées par le groupe majoritaire au Sénat et tombées lors de l’examen de sa proposition de loi par l’Assemblée nationale en 2018.

L’article 1er crée un cadre législatif pour les stratégies régionales de gestion de flux. Le deuxième instaure des systèmes de réservation des aires. Le dernier détaille les dispositifs de lutte contre les occupations illégales.

La commission les a complétés, en créant une stratégie régionale de gestion des déplacements et en retravaillant la réservation de places sur les aires. L’enjeu est aussi de répartir équitablement la charge de l’accueil entre communes et EPCI.

Dans mon département, l’Eure, cette concertation entre le préfet, le président du conseil départemental et les présidents des trois communautés d’agglomération est en cours. L’objectif est de mettre à disposition des gens du voyage trois aires de grands passages sur chacun de ces territoires alors qu’il n’en existe aucune aujourd’hui.

Cette volonté de se mettre en règle rendra aussi chaque élu plus légitime à exiger demain l’intervention de la force publique lorsque des installations sauvages ont lieu. Il faut appuyer les maires dans leur lutte contre toutes les illégalités.

Le renforcement des procédures d’évacuation est, dans ce même esprit, proposé par la commission. Un amendement a en effet été adopté pour autoriser la saisie et le déplacement des véhicules, y compris lorsqu’ils sont destinés à l’habitation. Un renforcement des mesures effectives est très attendu à la fois par les élus locaux, qui ont souvent un sentiment d’impuissance, mais aussi par leurs habitants, qui s’agacent de voir ponctuellement des gens du voyage s’installer sans autorisation.

En 2020, la crise sanitaire a touché très durement les gens du voyage. C’est pourquoi le Gouvernement a appelé dès la fin du mois de mars les maires à se montrer à l’écoute et compréhensifs, notamment sur le recouvrement des redevances et charges. L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) et les représentants des gens du voyage ont instauré un dialogue constructif, et des reports d’échéances ont déjà été votés par certaines collectivités partout sur notre territoire.

D’une manière générale, ce mode de vie rend difficiles l’accès à certains droits et l’accomplissement de certains devoirs qu’implique une domiciliation. Un régime juridique ad hoc a donc été créé pour répondre à cette situation au fil du temps.

Le livret de circulation, créé en 1969, a été censuré par le Conseil constitutionnel en 2012, puis aboli par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté. Aujourd’hui, toutes les actions institutionnelles vont dans le sens d’une « normalisation », c’est-à-dire de la fin du statut dérogatoire. Mais des difficultés perdurent quant au stationnement des véhicules et à la scolarisation des enfants. La loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement prévoyait en son article 28 la création de schémas départementaux.

La loi Besson du 5 juillet 2000 a prévu que les communes de 5 000 habitants sont obligées de disposer d’un terrain d’accueil dédié. Elles peuvent également transférer cette compétence à un EPCI. En contrepartie de cette obligation, l’État prend en charge les investissements nécessaires à l’aménagement et à la réhabilitation des aires dans la proportion de 70 %, en plus d’une aide forfaitaire. Plusieurs textes réglementaires sont venus détailler les conditions de cet accueil par les collectivités : neuf décrets, sept circulaires et trois arrêtés. Entre 2003 et 2010, les maires ont ainsi déjà vu leur pouvoir renforcé en la matière.

Au mois de novembre 2018, la loi Carle a clarifié les compétences des communes et de leurs groupements en matière d’accueil des gens du voyage au regard de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ou loi Maptam, et de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe.

La présente proposition de loi contient des dispositions utiles, comme le raccourcissement du délai qu’a le juge administratif pour statuer sur les recours ou le fait que la mise en demeure reste active en cas de retour des véhicules dans les quatorze jours pour éviter les « feintes de départ ». De même, le dispositif d’astreinte solidaire de 100 euros par jour et par résidence mobile, payable directement à la commune ou à l’EPCI, semble judicieux.

Cependant, François-Noël Buffet, le président de la commission des lois, dans un communiqué de presse du 13 janvier 2021, a déclaré : « Les collectivités territoriales pâtissent de l’absence de mise en œuvre – au niveau central, comme au niveau local – des mesures législatives déjà votées en la matière, les privant ainsi d’efficacité sur le terrain. » Si l’on veut rajouter une surcouche de législation à cette matière, qui est déjà complexe, il faut le faire avec précaution. À l’échelon national, la Commission nationale consultative des gens du voyage émet des recommandations pour mieux mettre en œuvre la loi. C’est avec tous les acteurs qu’il faut désormais travailler, dans un esprit de conciliation.

Considérant que l’arsenal des lois est déjà assez important sur le sujet, le groupe RDPI se positionne sur une abstention, mais laisse toute latitude à ses membres qui souhaitent voter en faveur de la présente proposition de loi, texte qui renforce la législation existante. Pour ma part, j’émettrai un vote favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est toujours sensible de légiférer sur les relations entre les collectivités et les gens du voyage.

D’abord, sous ce terme valise, ce sont plusieurs réalités qui se confrontent et, souvent, se confondent, laissant parfois place à l’amalgame et à la raillerie.

Surtout, beaucoup d’entre nous ont eu à traiter de ces situations dans le cadre de leurs mandats locaux. Cela peut nous amener, dans la position de législateur et de défenseur des territoires que nous occupons aujourd’hui, à appréhender de tels sujets uniquement par ce prisme, ce qui serait dommageable.

Car, derrière, il y a une réalité, un choix de vie que nous devons respecter, à plus forte raison dans cette période, où les gens du voyage ont été particulièrement touchés.

Dans ce débat, j’en suis convaincue, nous devons suivre la voie de l’équilibre entre la capacité d’accueil gens du voyage et la lutte contre les occupations illicites. Il faut associer liberté d’aller et venir, solidarité et respect de la propriété privée.

Aussi, avant de prévoir davantage de contraintes pour les uns ou pour les autres, il faut s’assurer que les droits de chacun sont respectés. Je crois que le cœur du débat réside là.

Si les schémas d’accueil ont été rendus obligatoires par la loi Besson II, force est de constater qu’ils ne sont pas tous réalisés. Et quand bien même ils sont réalisés, près d’un quart des places ne sont pas effectivement créées. Voilà de quoi alimenter nos réflexions sur l’application des lois !

Nous le savons, il est parfois difficile pour les élus de gérer ces créations, notamment vis-à-vis d’une population peu encline à de nouvelles installations.

Pour avoir connu de telles situations, je sais que la politique d’accueil des gens du voyage est plus complexe qu’il n’y paraît, en raison de l’impossibilité de prévoir les installations et du coût élevé que celles-ci représentent, ainsi que des dégradations qui peuvent parfois être constatées.

À cela s’ajoute aussi une répartition des compétences qui a évolué et des situations parfois compliquées déjà évoquées, auxquelles la proposition de loi de nos collègues Carle et Hervé est venue apporter de bonnes solutions.

En termes de sanctions des occupations illicites, là encore, nous formulons le même constat : celui de l’inapplication des lois, et plus particulièrement de la loi Besson II.

Les préfets, qui ont vu leurs pouvoirs renforcés dans cette loi, devraient se saisir davantage de ces prérogatives. En théorie, cela paraît pourtant simple, les collectivités peuvent le saisir pour deux types de procédures : pour procéder à l’évacuation forcée d’un terrain occupé illégalement après mise en demeure par le préfet ou pour exécuter une décision de justice prononçant l’expulsion du terrain.

Dans les faits, c’est bien différent, et trop nombreuses sont les demandes d’évacuation qui restent sans suite : de quoi décourager de nombreux élus, qui ne se saisissent plus de cette possibilité !

Je pourrais faire exactement le même constat sur l’amende forfaitaire délictuelle en cas d’installation illicite.

On comprend bien ici que le problème est non pas de sanctionner plus durement les occupations illicites, mais bien de les rendre plus effectives.

Le débat que nous avons aujourd’hui est avant tout un constat de la non-application des lois, notamment de la loi Besson II. Pourquoi en adopter d’autres, qui ne seront pas plus appliquées ?

Dès lors, le texte que nous examinons, s’il pose de bonnes questions, n’apporte pas franchement de réponses aux problèmes évoqués sur nos travées.

Le travail de la commission est venu atténuer la portée du texte d’origine, mais, à notre avis, il n’apporterait aucune amélioration effective en cas d’adoption.

À l’article 1er, la stratégie régionale proposée n’apportera pas plus de solutions que le recensement suggéré initialement. Je m’interroge aussi sur la réservation des emplacements ouverte par l’article 2, qui sera très compliquée à mettre en œuvre sur le terrain.

Sur le renforcement des sanctions, j’entends les difficultés que mes collègues peuvent rencontrer, et je souscris à l’idée selon laquelle l’État doit être plus ferme face aux installations illégales. De nouvelles sanctions, pour être acceptées et acceptables, doivent aussi s’accompagner de garanties pour les gens du voyage.

Assurons-nous de l’application des schémas, mobilisons-nous pour que les procédures d’expulsion soient appliquées en cas d’occupation illicite, et anticipons la sédentarisation avant de légiférer une nouvelle fois.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, pour toutes ces raisons, les élus du groupe RDSE s’abstiendront majoritairement sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, l’examen de la présente proposition de loi nous amène à évoquer un sujet sur lequel nous avons travaillé il n’y a pas si longtemps, avec la loi Carle de 2018, qui clarifie les compétences entre communes et EPCI et renforce les sanctions prévues en cas d’occupations illicites.

Nous entendons les problèmes que peuvent rencontrer des élus locaux dans l’organisation de l’accueil des gens du voyage, notamment face aux stationnements illégaux. Nous devons entendre également les représentants des personnes accueillies, qui décrivent parfois des aires d’accueil en béton, manquant de points d’eau et se trouvant dans des lieux insalubres.

L’esprit de la loi Besson défend un équilibre entre le devoir d’accueil et le droit de lutter contre les occupations illicites. Nous souhaitons le maintien de cet équilibre, qui implique plusieurs responsabilités : celle de l’État, celle des élus locaux et celle des personnes accueillies.

La commission des lois a allégé le texte initial, qui allait contre des principes constitutionnels et conventionnels tels que l’égalité et la liberté de circulation, la protection des données personnelles, la liberté de choix du domicile ou encore l’égalité devant l’exercice des droits civiques. Mais ce qu’il en reste ne nous convient pas plus, car le même esprit en structure ses lignes.

Le dispositif de réservation préalable que vous proposez ne résoudra pas les problèmes qui demeurent. Au contraire, il nous semble propice à une mise en concurrence et à une exclusion de personnes, qui, au nom du droit au logement, ont le droit à un accueil. Pour nous, de tels dispositifs incitatifs sont finalement punitifs.

Nous nous opposons également à la comptabilisation des emplacements d’accueil comme des logements sociaux. Cette mesure, déjà proposée, dénature les engagements en termes de logements sociaux. Ces obligations ne sont pas fongibles avec celles d’accueil des gens du voyage ; ce sont deux obligations que doivent distinctement respecter les collectivités.

Les autres mesures, qui allègent, d’une part, les sanctions envers les collectivités qui ne respectent pas leurs engagements en faveur des gens du voyage, et alourdissent, d’autre part, les sanctions pour occupations illicites, ne vont pas dans le bon sens selon nous.

L’efficacité du renforcement des sanctions n’est nullement prouvée, d’autant que celles qui existent déjà peinent à être appliquées. Par ailleurs, amoindrir la force des obligations des collectivités semble au contraire réduire l’efficacité des dispositifs prévus.

Il n’y a pas de problème public national dans l’accueil des gens du voyage, mais des cas particuliers, ponctuels, qui requièrent des solutions. (M. Jérôme Bascher sexclame.) Globalement, on constate que les choses se passent bien lorsque les responsabilités partagées sont respectées. Nous refusons de tomber dans la stigmatisation et la peur injustifiée, qui nourrissent l’imputation de problèmes à des personnes qui n’en sont pas forcément responsables.

La mise à disposition de structures viables et agréables participe de la lutte contre les occupations illicites et au bon fonctionnement des relations entre élus et personnes accueillies. Il est donc contre-productif de réduire les exigences des normes imposées aux collectivités. Rappelons qu’à la fin de 2018, seuls vingt-quatre départements sur cent avaient complètement satisfait à leurs obligations. Si chaque collectivité peut faire cet effort ou développe la coopération et la solidarité territoriale, les réalités vécues dans certains endroits s’amélioreront.

Nous nous retrouvons tous sur le vrai problème lié à la non-application des dispositifs législatifs existants en raison du manque d’implication des ministères concernés, du manque de réactivité des préfets et de la faiblesse des aides financières, pointée dès 2012 par la Cour des comptes. Lorsque les obligations des collectivités sont respectées, les élus doivent pouvoir obtenir rapidement l’appui de l’État et le concours de la force publique en cas d’occupations illicites.

Madame la ministre, nous mettons aujourd’hui le Gouvernement devant ses responsabilités. Si nous estimons que les réflexions autour de l’adaptation des espaces d’accueil au regard des dynamiques de sédentarisation doivent être menées en concertation avec les élus et les associations représentatives des gens du voyage, il n’est pas nécessaire de légiférer de nouveau et de créer de nouvelles instances ad hoc. Veillons plutôt à ce que les outils existants soient appliqués par les services déconcentrés, les élus et les personnes accueillies, puis évalués. En l’état, plus de répression pénale ne mènera à rien. C’est pourquoi notre groupe votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Loïc Hervé. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, l’accueil des gens du voyage est-il satisfaisant en France ? Le simple énoncé de cette question induit la réponse : non, évidemment non !

Il suffit de sortir d’une campagne sénatoriale – c’est mon cas – ou d’être simplement sénateur au contact des élus locaux pour savoir que ce constat est unanimement partagé.

Bien que la loi Besson ait tenté il y a vingt ans d’organiser les choses, on voit bien qu’il est nécessaire d’y revenir régulièrement. C’est le rôle du Parlement de le faire.

Mes chers collègues, disons-le avec force ici : les efforts des élus locaux sont considérables sur le terrain, les chiffres et l’examen objectif de la situation le prouvent.

Dans leur très grande majorité, ils sont de bonne volonté. Et le pire défaut de la loi Besson est d’avoir fait des élus des délinquants supposés, légitimant les stationnements illégaux par le non-respect, souvent partiel, voire marginal, du schéma départemental dans sa mouture la plus récente. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jérôme Bascher. Très bien !

M. Loïc Hervé. Il existe un vrai risque de course à l’échalote, les obligations allant croissant de schéma en schéma et aucune intendance publique ne pouvant décemment suivre, notamment sur un plan financier ou foncier.

Au-delà de l’inversion de la culpabilité, disons-le, que l’on soit préfet, juge, policier, gendarme, élu local ou parlementaire, les stationnements illégaux révèlent notre impuissance collective, et tout cela est aggravé par une impunité généralisée. Cette impuissance et cette impunité, nos concitoyens ne la comprennent pas, ne la supportent plus.

Alors oui, assurément, je rends grâce aux auteurs de cette proposition de loi de nous permettre de revenir sur cette question, plus de deux ans après l’adoption de quelques dispositions issues de deux propositions de loi, l’une de notre regretté collègue Jean-Claude Carle, l’autre que j’avais rédigée avec des collègues de mon groupe.

Mais, à ce stade, et avant de développer quelques arguments sur ce texte et nos amendements, je me permets de vous dire, madame la ministre, qu’il serait temps de mettre en application la mesure la plus importante, à savoir les amendes forfaitaires délictuelles.

Votre collègue ministre de l’intérieur m’a indiqué que leur mise en œuvre serait effective en octobre 2021, soit trois ans après le vote de la loi, alors qu’aucun texte d’application n’est nécessaire !

Franchement, on peut écrire des lois au nom du peuple souverain, réussir même l’exploit que ces mesures survivent à la navette parlementaire. Mais ces lois ne sont rien si l’exécutif ne les met pas en œuvre ! Il y va de la crédibilité même de la démocratie et du pouvoir législatif.

Malgré ce contexte, le groupe Union Centriste accueille le texte et le débat qui s’ensuit avec intérêt, et s’est voulu constructif, en proposant des amendements en commission comme en séance. Nous voulons relever la qualité du travail effectué par la rapporteure Jacqueline Eustache-Brinio, qui a enrichi le texte après avoir conduit de très nombreuses auditions avec humanisme et un sens aigu du dialogue et de l’ouverture.

Oui, l’idée d’un schéma à la main du préfet de région est bonne. Oui, la mise en demeure administrative doit être réformée et son délai de validité allongé.

Madame la ministre, cet après-midi, il faudrait que tout le Gouvernement ou presque soit à vos côtés pour discuter des mesures contenues dans le texte initial comme dans les amendements déposés, qui touchent au droit pénal, aux prérogatives des collectivités locales comme à celles des préfets…

Je commencerai par ce qui touche de plus près votre ministère, à savoir la proposition de décompter les places des aires d’accueil au titre de l’article 55 de la loi SRU. C’est une proposition frappée au coin du bon sens, maintes fois évoquée et votée ici, et qui mériterait, je le dis tout simplement, d’être enfin soutenue par le Gouvernement. Le message envoyé aux élus serait fort, pragmatique, concret. De surcroît – énorme avantage dans la période actuelle –, il ne coûterait rien.

En matière de renforcement de l’arsenal pénal, nous proposerons de réintroduire dans ce texte les dispositions communes des propositions de loi Carle et Hervé, qui furent votées au Sénat, mais rejetées à l’Assemblée nationale.

Je voudrais maintenant aborder trois sujets, mes chers collègues.

Le premier est la prise en compte du taux d’occupation des aires d’accueil existantes avant d’envisager la construction de nouvelles aires dans le schéma départemental. Cet amendement de notre collègue Françoise Gatel permettra d’être plus efficients dans la disposition géographique des aires.

Le deuxième est la nécessité de mieux connaître le coût d’ensemble de la politique publique consistant à accueillir et à proposer la sédentarisation aux gens du voyage. On évalue à 400 000 le nombre de personnes appartenant à la communauté des gens du voyage. Parmi elles, les deux tiers seraient nomades.

Il serait intéressant pour le Parlement de connaître, en investissement comme en fonctionnement, le coût de cette politique publique.

Le troisième sujet n’est pas le moindre, il n’est pas non plus le plus simple à aborder : je veux évoquer la scolarisation des enfants du voyage.

Dans quelques semaines, le Sénat va examiner le texte confortant le respect des principes de la République et va s’engager dans la lutte contre toutes les formes de communautarisme. La question scolaire sera au centre des débats.

Parmi les gens du voyage dans notre pays, des milliers d’enfants sont mal scolarisés, voire pas scolarisés. D’expérience, il apparaît que la seule vérification faite par les services de l’éducation nationale se limite au fait de savoir si ces élèves sont inscrits dans un établissement scolaire en début d’année ou au Centre national d’enseignement à distance (CNED). Mais, dans les faits, beaucoup trop d’entre eux ne vont pas à l’école et ne suivent pas les cours à distance.

À l’adolescence, beaucoup d’enfants du voyage, notamment les filles, quittent le collège. Je pense que nous sommes tous complices de cette situation. Nous fermons les yeux sur la réalité et il y a un travail considérable à mener. Il existait autrefois des classes mobiles et des instituteurs détachés qui allaient au plus près des familles. Cela n’existe plus. Les enfants du voyage doivent pouvoir être libres de choisir leur vie lorsqu’ils atteignent l’âge adulte. C’est un enjeu considérable pour notre école, l’école de la République.

Mes chers collègues, les sujets que nous abordons cet après-midi sont concrets et difficiles.

Les aborder avec franchise nous expose à l’accusation de stigmatiser une population – le débat en témoigne. Ne pas les aborder, c’est ignorer la réalité du terrain et faire fi de notre travail.

Je conclurai en vous disant que, pour nous, sénateurs du groupe Union Centriste, le principal objectif est de faire véritablement respecter l’État de droit. C’est pourquoi nous voterons ce texte, car il réaffirme des préoccupations que nous partageons et apporte des améliorations concrètes au droit. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le confinement a été une épreuve pour tous, mais il a été particulièrement compliqué pour les personnes itinérantes. Il leur était impossible de bouger, alors que cela fait partie de leur identité, leurs activités économiques étaient atteintes – je pense en particulier aux fêtes foraines, aux marchés, aux cirques –, et elles n’étaient pas toujours éligibles aux aides de l’État.

Les difficultés sanitaires et de scolarisation de ces populations ont été démultipliées en fonction de leurs conditions de vie et de leur accès ou non à internet.

Compte tenu de cette situation, les interventions des restaurants du cœur et des banques alimentaires se sont multipliées sur les aires d’accueil pour répondre à ces situations de détresse.

Quelques évacuations ont eu lieu également, dans des conditions qui se sont parfois révélées dramatiques pour la santé de ces personnes.

Les communes ont souvent dû faire des efforts, en diminuant ou en supprimant le forfait d’usage des branchements dans les aires d’accueil.

Rappelons aussi que les règles en matière de circulation, d’identité et de vote de ces personnes dérogeaient au droit commun jusqu’en 2017. On a commencé à sortir de ce régime en 2012, et la loi de 1969, qui établissait ces discriminations – en particulier le carnet de circulation –, n’a été totalement abrogée que par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

Mes chers collègues, les voyageurs de nationalité française sont entre 300 000 et 500 000. La loi Besson fixe des objectifs aux communes, transférés ensuite aux EPCI, pour que ces personnes puissent s’établir de manière temporaire et circuler.

En 2016, 76 % des EPCI remplissaient leurs obligations, 79 % en 2019. Il reste donc encore plus de 20 % des EPCI qui ne respectent pas les règles. C’est pire au niveau des départements : 50 % des aires de grand passage ne sont pas réalisées, et seuls vingt-quatre départements – ils étaient dix-neuf en 2016 – remplissaient leurs objectifs en matière de schéma départemental d’accueil.

Cela pose des problèmes, en particulier lors des grands déplacements d’été ou des regroupements religieux de plusieurs milliers de caravanes.

Comment voulez-vous que le système fonctionne s’il existe un tel décalage entre les besoins des gens du voyage, leur nombre, et les places prévues ? C’est un vrai sujet, et l’on doit constater que la loi relative à l’accueil des gens du voyage n’est pas respectée aujourd’hui, alors que cela devrait être notre priorité.

Au cours des dernières années, des procédures simplifiées d’évacuation des occupations illicites ont été prévues pour les EPCI qui respectent leurs obligations, mais, compte tenu du nombre de schémas non respectés, les préfets ne peuvent pas toujours trouver une alternative lorsqu’ils constatent des occupations illicites. Celles-ci peuvent donc durer faute de solution, parce que 25 % des départements seulement remplissent leurs obligations.

Se pose aussi la question de la sédentarisation progressive des gens du voyage, accélérée cette année avec le confinement. Il faut trouver des solutions pour permettre l’usage de terrains dont ils sont parfois propriétaires, mais qui ne sont pas destinés à un usage d’habitation. Rien n’est proposé sur ce sujet dans ce texte, alors que c’est aujourd’hui la priorité de ces populations en matière d’évolution de leur mode de vie.

Madame la ministre, je dois comme d’autres dénoncer la nonchalance, voire la désinvolture du Gouvernement sur ces sujets. Il a fallu attendre trois ans pour que les dispositions réglementaires relatives à la procédure de consignation mise en place par la loi Égalité et citoyenneté soient prises ! Cette procédure permet pourtant, de façon plus douce que le pouvoir de substitution du préfet, d’obliger les EPCI à remplir leurs obligations. Trois ans d’attente également entre le vote de la loi Carle – non pas que nous la soutenions – et sa mise en œuvre !

M. Jean-Yves Leconte. Mes chers collègues, dès lors qu’une loi est votée, bonne ou mauvaise, le Gouvernement doit l’appliquer. Sinon, à quoi bon continuer de légiférer ? Nous déplorons en la matière les dysfonctionnements de l’administration, madame la ministre. (M. Loïc Hervé approuve.)

Malgré ces remarques, je veux aussi saluer une partie du travail de notre rapporteure.

M. Jean-Yves Leconte. L’article 3, qui était probablement inadéquat compte tenu du fonctionnement des commissions départementales de la coopération intercommunale (CDCI), a été supprimé, de même que l’article 6, qui prévoyait que les gens du voyage ne puissent pas être plus de 3 % sur les listes électorales des communes. En République, les citoyens sont égaux ! Voilà une proposition étonnante de la part d’un groupe politique qui prétend vouloir lutter contre les communautarismes.

M. Jérôme Bascher. C’est un vrai sujet.

M. Jean-Yves Leconte. En revanche, nous pensons, comme Mme la ministre, que les articles 1er et 2 entravent trop la liberté d’aller et de venir pour être acceptables. Introduire la région dans les procédures de gestion et de planification pourrait être utile, mais il faudrait déjà réfléchir à la manière de mieux accompagner les départements qui rencontrent des difficultés. Ils n’arrivent pas en effet à mettre en œuvre cette coopération entre les EPCI qui leur permettrait de mieux remplir leurs obligations. Face à cette difficulté réelle d’occupation illicite des terrains, il me semble que la priorité est de faire en sorte que le Gouvernement et les collectivités appliquent la loi.

M. Loïc Hervé. Et les collectivités, en effet !

M. Jean-Yves Leconte. Il faut favoriser partout les espaces de médiation, plutôt que de stigmatiser des populations en prévoyant des amendes ou des saisies, dont on sait parfaitement qu’elles ne seront pas mises en œuvre.

Pour que la loi soit appliquée, mes chers collègues, encore faut-il qu’elle soit applicable ! C’est parfois la difficulté à laquelle le Gouvernement est confronté avec la procédure d’amende forfaitaire lorsqu’il constate l’absence de solutions.

En tout état de cause, mes chers collègues, nous ne pouvons souscrire aujourd’hui à une démarche qui refuse d’admettre le caractère inachevé de la politique d’accueil et qui veut tout asseoir sur la répression et les amendes. Je rappelle que 85 % des départements ne remplissent pas leurs objectifs en matière de schémas d’accueil.

M. Loïc Hervé. Parfois, on n’en est pas loin !

M. Jean-Yves Leconte. Tant que l’on n’assure pas l’accueil et la mobilité des gens du voyage, il est difficile de concentrer toute notre politique sur les sanctions – il n’y a souvent pas de solution en cas d’occupation illicite, et les préfets le savent parfaitement. Pour sortir de cette quadrature du cercle, il faut que les collectivités respectent leurs obligations, et il faut les aider à les respecter.

Nous pourrions ainsi réfléchir à des solutions pour mieux accompagner les départements. L’Ille-et-Vilaine ou certains départements auvergnats ont mis en œuvre des dispositifs innovants pour pouvoir répondre aux besoins. Il faut accompagner les départements vertueux.

M. le président. Il faut surtout conclure… (Sourires.)

M. Jean-Yves Leconte. Il nous manque peut-être des outils, mais le tout-répressif n’est pas la solution. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et des travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, les années et les textes législatifs se suivent, mais la gestion des gens du voyage reste une problématique récurrente pour les élus, notamment ceux de Haute-Savoie – je l’ai vécu en tant que maire.

Malgré les nouveaux outils que nous avons mis à leur disposition en 2018, les communes sont encore le plus souvent impuissantes face aux installations illicites.

Pas un mois ne passe sans que je sois sollicité par des élus de ma circonscription à ce sujet. Je ne peux qu’attester de leur désespoir, provoqué par leur absence de moyens pour faire respecter la loi, alors même qu’ils se conforment aux obligations mises à leur charge par le schéma départemental d’accueil des gens du voyage, mais également de leur désarroi face à certaines décisions de justice aberrantes.

Nous avons réussi à faire un premier pas en 2018 pour aider les élus, mais les mesures que nous avons alors adoptées ne suffisent pas, force est de le constater. Les collectivités territoriales n’ont toujours pas en main les outils nécessaires pour lutter contre le fléau – je pèse mes mots – des installations illicites. Nous ne pouvons pas continuer à laisser agir en toute impunité ces individus faisant fi de la loi, qui menacent, intimident et invectivent les élus, qui s’installent sans aucune notification préalable ou en méconnaissance des dates de réservation, qui dégradent des terrains communaux ou privés en ne respectant pas les règles les plus élémentaires d’hygiène, et qui laissent de surplus le soin aux collectivités de nettoyer derrière eux.

Les frais engagés pour la remise en état des terrains s’élèvent souvent à plusieurs milliers d’euros, payés par les impôts des contribuables, et pèsent considérablement sur les budgets des collectivités, qui ne peuvent pas les déployer pour des projets qui bénéficieraient pourtant à l’ensemble de leur population.

Comment est-il possible de laisser impunis ces agissements absolument contraires au vivre ensemble, au seul motif qu’ils sont commis par une communauté spécifique ? La loi n’est-elle pas la même pour tout le monde ? Le fait d’appartenir à une minorité empêche-t-il d’être responsable de ses actes et d’en assumer les conséquences, fussent-elles pénales ? La réponse est non, et je soutiens fermement qu’il est absolument indispensable que nous arrêtions de nous cacher derrière les particularités de cette communauté pour renoncer à prendre les mesures nécessaires.

La situation est tout simplement insoutenable, et il est de notre devoir d’y remédier, pour le bien des élus et du reste de la population, qui n’a pas à supporter le poids de ces agissements.

En 2018, lorsque notre proposition de loi a été examinée à l’Assemblée nationale, une grande partie du texte voté au Sénat a été détricotée. Nous étions nombreux à l’avoir déploré. On nous avait dit que cela suffirait. Mais, aujourd’hui, deux ans plus tard, nous devons de nouveau examiner une nouvelle proposition de loi, qui reprend en grande partie les dispositions qui avaient été supprimées à l’Assemblée nationale.

En effet, le texte que nous examinons reprend plusieurs des dispositions qui avaient été adoptées au Sénat : prise en compte des terrains dans la comptabilisation des logements sociaux, suppression de la consignation de fonds, saisie des véhicules d’habitation et déplacement forcé de ces derniers vers un autre terrain en cas d’installation illicite… Quelle perte de temps !

La majorité, arguant du risque de stigmatisation des gens du voyage, n’avait à l’époque pas eu le courage d’ouvrir les yeux sur l’étendue des lacunes de notre législation. J’espère de tout cœur, madame la ministre, qu’il en ira autrement cette fois, afin d’éviter un nouveau débat sur cette problématique dans deux ans.

Je l’avais dit à l’époque, je le répète aujourd’hui : les dispositions que nous proposons ne cherchent absolument pas à stigmatiser les gens du voyage, qui respectent la loi dans leur grande majorité, mais à donner aux élus les moyens nécessaires pour se défendre face à la minorité qui persiste à s’enfoncer dans l’illégalité.

Tout comme Loïc Hervé, je tenais à attirer votre attention sur l’absence de mise en œuvre réglementaire de certains dispositifs que nous avions adoptés, notamment l’amende forfaitaire. Il est tout bonnement aberrant qu’un dispositif voté ne soit pas appliqué, et je ne peux qu’inviter le Gouvernement à rectifier cette lacune le plus rapidement possible.

Je le souligne encore une fois, ce texte comble un vide législatif important. Il apporte des réponses concrètes aux problèmes rencontrés par les élus locaux, et sera encore enrichi par notre débat d’aujourd’hui. Il serait malhonnête d’avancer que les dispositifs actuels sont suffisants.

Ce texte est donc une véritable nécessité pour renforcer les outils dont disposent les collectivités. Tous les acteurs concernés par ce sujet espèrent un vote au Sénat et une lecture rapide à l’Assemblée nationale, en vue d’une application dans les meilleurs délais.

Madame la ministre, vous avez exprimé votre opposition à cette proposition de loi au début de votre intervention. Mais alors, faites-nous des propositions ! Nous sommes prêts à travailler avec vous. Nous reconnaissons tous l’existence d’un problème, et nous ne pouvons pas nous résoudre à laisser les choses en l’état. Les élus n’en peuvent plus, ils appellent à l’aide ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pascal Allizard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les gens du voyage ne sont pas des citoyens de seconde zone. Comme tous les Français, ils ont des devoirs et aussi des droits, qui doivent être respectés, de même que leur mode de vie itinérant.

Mais, vingt ans après la loi Besson, force est de constater que la situation, malgré des évolutions positives, n’est pas pleinement satisfaisante, ni pour les collectivités ni pour les gens du voyage.

La question de leur accueil fait partie de ces sujets sensibles qui entraînent des débats passionnés et virent trop souvent au dialogue de sourds. Sur le terrain, les tensions se multiplient et conduisent dans certaines circonstances à des violences, dans des zones qui en étaient jusque-là préservées.

D’un côté, les gens du voyage s’estiment victimes d’un certain ostracisme, de préjugés, voire d’une mauvaise application de la loi rendant leurs conditions de vie difficiles ; de l’autre, les collectivités ont le sentiment, justifié, de remplir leurs obligations légales et les élus locaux sont confrontés à un véritable désarroi quand ils sont menacés, y compris dans leur intégrité physique, par des occupants de terrains publics ou privés irascibles.

Ces situations, en particulier lorsqu’elles aboutissent à des occupations illégales, des violences ou des dégradations, sont vécues localement comme l’illustration de l’impuissance de l’État et des autorités publiques. De fait, elles contribuent au blues des élus locaux et, surtout, à l’exaspération des habitants.

Dans le Calvados, de nombreux séjours se déroulent sans problème, mais, comme dans d’autres départements, nous ne sommes pas épargnés par ce phénomène de relations conflictuelles, notamment au moment des grands passages et rassemblements qui amènent des flux massifs et incontrôlés de caravanes et de véhicules dans des territoires tranquilles. C’est souvent le cas sur la côte et dans les communes du rétro-littoral comme Pont-l’Évêque.

Dans un passé récent, en tant que maire et président d’EPCI, j’ai moi-même, comme beaucoup d’entre nous, fait l’expérience d’une aire d’accueil plusieurs fois dégradée et de branchements sauvages sur les réseaux par des personnes peu soucieuses de respecter les règles.

Récemment, à Lisieux, des carcasses de voitures, des débris de verre, des détritus ont été abandonnés par des gens du voyage lors de leur départ et les sanitaires ont été dégradés.

C’est dans ce contexte général qu’intervient la présente proposition de loi. Le Sénat a déjà été à l’origine d’évolutions législatives sur ce sujet difficile, auquel nous avons tous été confrontés. On peut d’ailleurs regretter que certains dispositifs n’aient pas été retenus lors de précédentes navettes parlementaires.

Malgré les dernières évolutions du droit, comme l’a relevé la commission des lois, des difficultés persistent tant en matière d’accueil que de lutte contre les occupations illicites. Le texte de la proposition de loi tel qu’il est issu des travaux de la commission apparaît ainsi équilibré, pragmatique et, surtout, opérationnel. C’est bien ce qui est attendu par les collectivités territoriales : un cadre clair, une meilleure anticipation, des règles plus strictes pour faire cesser les occupations illicites, y compris par la contrainte, telle la saisie des véhicules illégalement stationnés.

La comptabilisation des aires d’accueil de gens du voyage au sein des quotas de logements sociaux, déjà votée à deux reprises par le Sénat, constitue à mon sens une mesure qui tient compte du coût et des efforts consentis par les collectivités. La suppression de la procédure de consignation de fonds pour les communes et EPCI me semble aussi constituer un signal fort.

Je forme le vœu que les dispositions les plus emblématiques de ce texte ne soient pas supprimées pour des motifs purement politiques au cours de la suite du processus législatif. Ce serait particulièrement mal vécu par les élus locaux. Continuons à leur redonner confiance pour gérer leur territoire et faisons en sorte que force reste toujours à la loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sylviane Noël. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, j’ai le plaisir et l’honneur de clôturer cette discussion générale en qualité de coauteur de cette proposition de loi visant à mieux réglementer l’accueil des gens du voyage, sujet qui me tient particulièrement à cœur, vous le savez.

J’ai une pensée très émue pour mon regretté prédécesseur et ami Jean-Claude Carle, auteur d’une excellente proposition de loi déposée le 18 mai 2017 qui visait à compléter et corriger efficacement la loi Besson. C’est un thème auquel il était très attaché.

Hélas ! si ce texte avait fait l’objet d’un large consensus au Sénat en première lecture, une sorte d’angélisme sur certains bancs de l’Assemblée nationale avait conduit à en supprimer les mesures les plus substantielles. Malgré mon action pour tenter de les rétablir en seconde lecture, la messe était déjà dite et, lors de la séance du 23 octobre 2018, j’avais d’ailleurs conclu cette lecture par les mots suivants : « Je voterai ce texte conforme pour préserver les quelques avancées qu’il contient. Je souhaite vraiment que l’amende forfaitaire nous permette d’obtenir des résultats. J’espère que nous aurons très rapidement l’occasion de nous remettre autour de la table pour tenter d’arracher de nouvelles mesures en faveur des élus locaux et de résoudre ce grave problème. En tout cas, prenons date ! »

Je n’imaginais pas que l’avenir me donnerait raison si vite. En effet, nous nous sommes tous rapidement aperçus que les quelques mesures ayant survécu à la navette parlementaire ont montré leurs limites pour résoudre les difficultés vécues par les élus locaux. Les innombrables saisines sur ce sujet par des élus de mon département depuis deux ans n’ont fait que conforter mon sentiment.

Mon département de la Haute-Savoie, doublement frontalier, hautement touristique et très industriel, est en effet particulièrement concerné par cette problématique des occupations illicites de voyageurs itinérants qui provoquent tout au long de l’année la colère et l’exaspération des élus et des citoyens.

Ces agissements délictueux sont fort heureusement le fait d’une minorité, mais parce qu’ils peuvent entraver l’activité économique, contraindre l’exploitation agricole, empêcher le bon fonctionnement des services publics, porter une atteinte grave au droit de propriété ou à la liberté de circulation, ils deviennent absolument intolérables pour tous – élus, citoyens, professionnels, agriculteurs, force de l’ordre.

Aux côtés de mes collègues et amis Alain Chatillon et Patrick Chaize, j’ai donc souhaité reprendre ce problème à bras-le-corps, en retravaillant les dispositifs adoptés par la Haute Assemblée à l’époque et en ouvrant de nouvelles pistes. Celles-ci visent à la fois à améliorer les outils de gestion des flux impliquant tant les collectivités que les préfets, à rénover les pans du droit de l’accueil des gens du voyage qui le nécessitent et, enfin, à donner aux collectivités des outils adaptés pour lutter efficacement et rapidement contre les occupations illégales au moyen de dispositifs plus coercitifs.

Parallèlement, permettez-moi de saluer le travail rigoureux de notre excellente rapporteure, Jacqueline Eustache-Brinio, dont l’écoute et le pragmatisme ont permis d’enrichir considérablement ce texte.

M. François Bonhomme. C’est vrai !

Mme Sylviane Noël. Une partie de notre proposition de loi s’attèle ainsi à rendre plus efficaces les stratégies régionales de gestion de flux par le recensement de ceux-ci et donc à anticiper les saturations afin d’harmoniser les pratiques administratives sur le territoire et de donner une meilleure lisibilité du système pour les gens du voyage eux-mêmes.

Nous proposons également de comptabiliser en tant que logements sociaux les emplacements des aires permanentes d’accueil des gens du voyage au titre de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation. Ces aires nous semblent en effet répondre en tout point aux caractéristiques de ces logements et cela permettrait une juste reconnaissance de l’important investissement des collectivités pour la réalisation de ces équipements.

Mme Sylviane Noël. Dans le même esprit, nous souhaitons supprimer la procédure de consignation de fonds à l’encontre des communes et des EPCI ne respectant pas le schéma départemental d’accueil des gens du voyage, dispositif coercitif portant significativement atteinte à l’autonomie financière des collectivités et à leur libre administration.

Mesure importante, notre texte prévoit le doublement de la durée de la mise en demeure d’expulsion – elle passerait à quatorze jours contre sept actuellement.

Enfin, notre proposition de loi modifie la nature de la compétence du préfet en matière d’évacuation forcée : celle-ci deviendrait une compétence liée et non plus discrétionnaire, imposant ainsi au représentant de l’État d’agir, lorsque les conditions sont réunies. En effet, l’État doit lui aussi prendre toutes ses responsabilités dans la lutte contre les installations illicites. Comme on peut parfois le déplorer, il est intolérable de laisser lettre morte l’action des élus, en ne recourant pas à la force publique pour l’exécution des jugements d’expulsion. Il y va de la crédibilité des élus locaux, de la parole de l’État et de l’absolue nécessité de préserver l’ordre public.

Comme le disait l’écrivain et conseiller d’État, Eugène Marbeau, « la liberté, c’est le respect des droits de chacun ; l’ordre, c’est le respect des droits de tous ». Au-delà du droit, nous avons aujourd’hui le devoir d’agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à consolider les outils des collectivités permettant d’assurer un meilleur accueil des gens du voyage

Chapitre Ier

Permettre aux acteurs publics de mieux appréhender les flux afin de garantir de bonnes conditions d’accueil des gens du voyage

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à consolider les outils des collectivités permettant d'assurer un meilleur accueil des gens du voyage
Article 2

Article 1er

L’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi modifié :

1° Le V est ainsi rédigé :

« V. – A. – Le représentant de l’État dans la région élabore annuellement une stratégie de gestion des déplacements de résidences mobiles de gens du voyage visant à améliorer la répartition des flux entre les départements de la région et à prévenir la saturation des aires d’accueil.

« Le projet de stratégie est établi par le représentant de l’État dans la région à partir d’une analyse préalable fondée sur :

« 1° Un bilan d’évaluation de la stratégie appliquée l’année précédente ;

« 2° Une analyse de l’efficacité et du respect des schémas départementaux d’accueil des gens du voyage existants ;

« 3° Les informations transmises par les communes et établissements publics de coopération intercommunale concernés, en particulier celles issues du dispositif de réservation prévu à l’article 9-1-1 ;

« 4° Les données et informations recueillies par les représentants de l’État dans chaque département de la région ainsi que, le cas échéant, celles transmises par les représentants de l’État d’autres régions ;

« 5° Toute autre information pertinente recueillie par le représentant de l’État dans la région.

« Le projet de stratégie, auquel est jointe l’analyse préalable, est transmis à la commission prévue au C du présent V, qui rend un avis sur son contenu et formule, en tant que de besoin, des propositions de modification.

« Le représentant de l’État dans la région arrête la stratégie régionale de gestion des déplacements de résidences mobiles de gens du voyage au vu de cet avis et de ces propositions. La stratégie ainsi que l’avis et les propositions formulés par la commission prévue au même C font l’objet d’une publication conjointe.

« B. – Le représentant de l’État dans la région coordonne également les travaux d’élaboration des schémas départementaux. Il s’assure de la cohérence de leur contenu et de leurs dates de publication. Il réunit à cet effet la commission prévue au C du présent V. Il coordonne l’action de l’État sur les grands passages.

« C. – Dans chaque région, il est constitué une commission consultative, présidée par le représentant de l’État dans la région, composée des représentants de l’État dans les départements, du président du conseil régional et des présidents des conseils départementaux, ou de leurs représentants.

« Elle assiste le représentant de l’État dans la région dans l’ensemble de ses missions relatives à l’accueil des gens du voyage. Elle se réunit à la demande du représentant de l’État dans la région ou de la moitié des représentants des collectivités territoriales y siégeant.

« Dans la collectivité de Corse, cette commission est présidée par le représentant de l’État dans la collectivité de Corse et composée des représentants de l’État dans les départements, du président du conseil exécutif ou de son représentant et de deux conseillers à l’Assemblée de Corse élus en son sein. » ;

2° Le V bis est abrogé.

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.

M. François Bonhomme. L’accueil des gens du voyage est un enjeu très important pour les collectivités locales. Il requiert à la fois de la souplesse et de la réactivité.

Si nous voulons lutter de manière réelle et rapide contre les occupations illégales qui constituent autant de défis à l’autorité publique, nous nous devons de leur donner des moyens efficaces de gestion des flux et des outils adaptés.

Or les moyens opérationnels à la disposition des collectivités pour assurer un bon accueil des gens du voyage restent à perfectionner. L’adoption de la loi du 7 novembre 2018 relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites a certes été une avancée dans la bonne direction, mais il reste que la navette parlementaire n’a pas pu permettre de concrétiser un certain nombre de propositions votées par le Sénat. Il est donc nécessaire d’aller plus loin et de proposer de nouvelles pistes.

Cette responsabilité incombe particulièrement au Sénat, qui est la chambre des élus locaux. C’est en ce sens que cette proposition de loi me semble tout à fait opportune : elle porte la marque de l’expérience vécue par les élus.

En particulier, son article 1er prévoit de créer un cadre législatif pour les stratégies régionales de gestion de flux afin de recenser ces flux et donc anticiper les saturations. Il s’agit d’harmoniser les pratiques administratives sur le territoire national et de donner une meilleure lisibilité du système pour les gens du voyage eux-mêmes.

Cet article répond par ailleurs à une véritable attente des collectivités – départements et blocs communaux –, puisqu’il propose d’associer pleinement dans chaque région les collectivités concernées, en prévoyant une information régulière de celles-ci sur l’ampleur et la répartition géographique des flux de populations, ainsi que la consultation annuelle des départements par le préfet de région au sujet de la mise en œuvre de ces stratégies régionales.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, sur l’article.

M. Jérôme Bascher. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 1er de ce texte met en place des schémas régionaux de gestion des déplacements des gens du voyage. J’ai entendu tout à l’heure – c’est pour cela que je voulais réagir – des chiffres parfois un peu délirants : vingt-quatre départements respecteraient le schéma départemental des gens du voyage et il en manquerait 85 %. Ces deux chiffres me posent un petit problème de mathématiques…

Mais revenons à la réalité ! Lorsque nous parlons de schémas départementaux des gens du voyage, vous le savez aussi bien que moi, madame la ministre, la question est en fait, dans l’état du droit, intercommunale, même si certains voudraient la déplacer vers d’autres niveaux de collectivités, que ce soit la commune, le département ou la région.

Or certaines intercommunalités refusent strictement l’application de la loi. Olivier Paccaud et moi-même connaissons un bon exemple dans notre département de l’Oise et il se trouve que la seule intercommunalité qui refuse d’appliquer la loi est une communauté de communes dirigée par un ancien député communiste – pas de chance ! (Exclamations sur plusieurs travées.) Quand on veut adresser des reproches, il vaut mieux balayer d’abord devant sa porte !

Ce qui m’importe le plus, madame la ministre, c’est le volet sanctions. En effet, il faut appliquer le schéma, là où c’est possible, mais il y a des endroits, où le foncier manque – nous le savons bien. Prenons l’exemple des intercommunalités de Corse qui sont soumises à la fois à la loi Littoral et à la loi Montagne : elles ont un petit peu de difficultés à créer des terrains pour gens du voyage – par le plus grand des hasards, ce n’est pas forcément dans ces endroits que les besoins sont les plus importants…

Mais revenons là encore aux faits. Dans une communauté de communes de mon département qui respecte le schéma départemental, le maire d’un petit village, Sacy-le-Petit, qui est plutôt encarté de l’autre côté politique par rapport à moi, s’est fait violenter au printemps dernier – il a vraiment cru y passer ! –, parce qu’il s’opposait tout seul à l’installation de gens du voyage. Nous sommes nombreux sur ces travées à avoir dû nous déplacer des dimanches après-midi – nous savons bien que ces installations ont lieu le dimanche – pour faire la même chose et être pareillement menacés.

Les élus n’acceptent plus de se retrouver seuls, d’être menacés. Les Français n’acceptent plus de telles occupations de propriétés sans conséquence pour ceux qui en sont à l’origine. C’est contre cela, madame la ministre, que vous devez lutter très fermement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par Mme Gatel, M. L. Hervé, Mme Billon, MM. Bonnecarrère, Chauvet, Delahaye et Détraigne, Mme Doineau, M. Duffourg, Mmes Férat et Guidez, MM. Henno et Janssens, Mme de La Provôté, MM. Lafon, Laugier et Le Nay, Mme Létard, M. Levi, Mme Loisier, MM. Longeot, Louault, P. Martin et Mizzon, Mmes Sollogoub et Vérien, MM. Bonhomme et J.M. Boyer, Mmes Canayer, Di Folco et Dumont et MM. H. Leroy, Reichardt, de Legge et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le sixième alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le schéma départemental ne peut prévoir la réalisation d’aires ou de terrains tels que mentionnés aux 1° à 3° du présent II sur le territoire d’une commune que si le taux d’occupation moyen des aires et terrains existants dans le même secteur géographique d’implantation, constaté au cours des trois dernières années, est supérieur à un seuil défini par décret. » ;

La parole est à Mme Jocelyne Guidez.

Mme Jocelyne Guidez. Le présent amendement, qui avait été adopté par le Sénat lors de l’examen de la loi du 7 novembre 2018, vise à prendre en compte le taux d’occupation moyen des aires et terrains existants dans le même secteur géographique d’implantation, les secteurs étant définis par chaque schéma départemental, afin de mieux mesurer la nécessité réelle de construire une aire supplémentaire, tandis que certaines aires environnantes ont un taux d’occupation très réduit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Comme l’a rappelé Jocelyne Guidez, cet amendement a déjà été adopté dans le cadre de l’examen de la proposition de loi déposée par Jean-Claude Carle et Loïc Hervé et dont Catherine Di Folco était rapporteure. Il apporte un nouveau garde-fou, en ce qui concerne les prescriptions du schéma départemental.

L’avis de la commission est favorable.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Selon cet amendement, le schéma départemental ne pourra prévoir la réalisation d’aires ou de terrains que si le taux d’occupation moyen des aires ou des terrains existants dans le même secteur est supérieur à un certain seuil.

De mon point de vue, ces limitations constituent un retour en arrière, parce que de nombreux terrains et aires restent à réaliser – c’est le débat que nous avons eu tout à l’heure.

Si nous raisonnons en termes de taux d’occupation, cela risque d’entraîner de la sédentarisation sur certaines aires qui ne sont pas prévues pour cet usage.

Par ailleurs, les occupants d’un terrain sont titulaires d’un contrat de bail dont la durée ne peut être inférieure à trois ans.

L’adoption de cet amendement aurait donc beaucoup d’effets de bord. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 3

Article 2

La loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi modifiée :

1° (nouveau) Après le II bis de l’article 9, sont insérés des II ter et II quater ainsi rédigés :

« II ter. – En cas de stationnement en violation du titre d’occupation prévu au I de l’article 9-1-1 ou en l’absence d’un tel titre, lorsqu’il est requis en application du même I, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent pour la délivrance dudit titre d’occupation peut demander au représentant de l’État dans le département de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux.

« La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques, s’il fait obstacle à une occupation licite fondée sur un titre d’occupation prévu audit I ou s’il fait obstacle aux opérations d’entretien nécessaires au bon fonctionnement de l’aire concernée.

« La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d’affichage en mairie ou, le cas échéant, au siège de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre concerné et sur les lieux.

« La mise en demeure prévue au premier alinéa du présent II ter reste applicable lorsque la résidence mobile se retrouve à nouveau, dans un délai de quatorze jours à compter de sa notification aux occupants, en situation de stationnement illicite sur le territoire de la commune ou de tout ou partie du territoire de l’intercommunalité concernée en violation d’un arrêté prévu au I ou au I bis du présent article et de nature à porter atteinte à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publiques.

« Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effets dans le délai fixé et n’a pas fait l’objet d’un recours dans les conditions fixées au II quater, le représentant de l’État dans le département procède à l’évacuation forcée des résidences mobiles.

« II quater. – Les personnes destinataires de la décision de mise en demeure prévue au II ter peuvent, dans le délai fixé par celle-ci, demander son annulation au tribunal administratif. Le recours suspend l’exécution de la décision du représentant de l’État dans le département à leur égard. Le président du tribunal ou son délégué statue dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine. » ;

2° Après l’article 9-1, il est inséré un article 9-1-1 ainsi rédigé :

« Art. 9-1-1. – I. – Pour les rassemblements de cent-cinquante résidences mobiles ou moins, les communes figurant au schéma départemental et les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de création, d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires d’accueil des gens du voyage définis aux 1° et 3° du II de l’article 1er qui ont satisfait aux obligations qui leur incombent, le cas échéant, en application de l’article 2 peuvent conditionner l’accès à ces aires à une réservation préalable.

« Pour être recevable, une demande de réservation doit être reçue par la commune ou par l’établissement public de coopération intercommunale au moins quinze jours francs avant le début du stationnement, mentionner l’identité du demandeur et indiquer, dans le respect du règlement intérieur de l’aire concernée, la période d’occupation souhaitée, le nombre de personnes susceptibles de se prévaloir de la réservation ainsi que les informations nécessaires à l’identification de leurs véhicules.

« L’acceptation expresse de la demande de réservation vaut titre d’occupation de l’aire concernée, dans le respect de son règlement intérieur, pour la durée et selon les modalités renseignées par la demande.

« Tout refus est motivé. Lorsque la demande est recevable, le refus ne peut intervenir qu’à raison :

« 1° Soit du fait que le demandeur n’a pas honoré plusieurs réservations sur une même aire lors d’une même année civile ;

« 2° Soit d’une impossibilité matérielle d’accueil ;

« 3° Soit du maintien de la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques.

« Le bénéfice du titre d’occupation est perdu en cas de non-présentation du demandeur et des personnes susceptibles de se prévaloir de la réservation.

« II. – Lorsqu’un refus est motivé par le maintien de la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques, ou une impossibilité matérielle d’accueil, le maire de la commune ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre sur le territoire desquels est située l’aire saisit le représentant de l’État dans le département afin qu’il identifie et propose au demandeur une ou plusieurs aires de substitution en mesure d’assurer l’accueil.

« Après accord du demandeur, le représentant de l’État dans le département informe le maire de la commune et le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière de création, d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires d’accueil des gens du voyage sur le territoire desquels sont situées la ou les aires désignées pour cet accueil.

« III. – Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État. »

M. le président. L’amendement n° 6 rectifié bis, présenté par Mmes Estrosi Sassone et Primas, M. Courtial, Mme Demas, MM. Bonnus, Bonne, Vogel et D. Laurent, Mme V. Boyer, MM. Mouiller, Savary, Cardoux et Panunzi, Mme Drexler, MM. Burgoa, Bacci et Daubresse, Mmes Micouleau, Borchio Fontimp, Chauvin, Deromedi et L. Darcos, MM. Frassa, Bascher, Brisson, Hugonet et Cambon, Mmes Procaccia, Puissat et Goy-Chavent, M. Bazin, Mmes Canayer, Dumont et Lassarade, MM. Savin et Genet, Mme Imbert, MM. Perrin et Rietmann, Mme Di Folco, MM. Babary et Bouloux, Mme Chain-Larché, MM. Le Rudulier, Cuypers et Calvet, Mme Richer, MM. B. Fournier, Boré, Gremillet et Reichardt, Mmes Garnier, Schalck, de Cidrac et Noël, MM. H. Leroy et Laménie, Mme Lopez, MM. Grand, Pellevat, Rapin, Longuet, Chaize, Sido, Pointereau, Mandelli, Paccaud et Klinger, Mme M. Mercier, MM. Anglars, Allizard et Lefèvre, Mme F. Gerbaud, M. Belin et Mmes Gruny et Berthet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – A. – Une taxe annuelle est due sur les résidences mobiles terrestres occupées de façon permanente.

B. – La taxe est due au titre de la période d’imposition s’étendant du 1er octobre d’une année au 30 septembre de l’année suivante.

La taxe est exigible à l’ouverture de la période d’imposition mentionnée au premier alinéa ou dans le mois suivant la date d’acquisition de la résidence mobile terrestre. Toutefois, elle n’est pas due, au titre de la période concernée, lorsque la résidence est acquise du 1er août au 30 septembre de la période d’imposition.

Le paiement de la taxe incombe au propriétaire de la résidence.

C. – Sont exonérés de la taxe :

1° Les propriétaires de résidences mobiles terrestres dont la date de première mise en circulation est antérieure de plus de quinze ans au premier jour de la période d’imposition ;

2° Les titulaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l’article L. 815-1 du code de la sécurité sociale ou de l’allocation supplémentaire d’invalidité mentionnée à l’article L. 815-24 du même code ;

3° Les titulaires de l’allocation aux adultes handicapés mentionnée aux articles L. 821-1 et suivants dudit code, lorsque le montant de leurs revenus de l’année précédente n’excède pas la limite prévue au I de l’article 1417 du code général des impôts ;

4° Les personnes atteintes d’une infirmité ou d’une invalidité les empêchant de subvenir par leur travail aux nécessités de l’existence lorsque le montant de leurs revenus de l’année précédente n’excède pas la limite prévue au même I.

Pour l’application des 2° , 3° et 4° , les personnes concernées s’entendent du propriétaire de la résidence, de son conjoint ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité.

D. – Le montant de la taxe est fixé à 200 € par résidence mobile terrestre. Toutefois, ce tarif est réduit à 150 € pour les résidences mobiles terrestres dont la date de première mise en circulation est antérieure de plus de dix ans au premier jour de la période d’imposition.

E. – La procédure de paiement sur déclaration prévue à l’article 887 du même code est applicable au paiement de la taxe. La déclaration, souscrite sur un imprimé répondant au modèle établi par l’administration, est déposée, sur présentation du certificat d’immatriculation de la résidence mobile concernée, au plus tard le 30 septembre au service des impôts.

La taxe exigible est acquittée lors du dépôt de la déclaration mentionnée à l’alinéa précédent par les moyens de paiement ordinaires. Il en est délivré un récépissé qui, s’il est délivré au titre d’une résidence mobile exonérée en application du C, est revêtu de la mention « gratis ».

F – Le récépissé mentionné au E est délivré sous une forme permettant au redevable de l’apposer de manière visible sur son véhicule servant de résidence mobile terrestre. Cette apposition est obligatoire.

G. – Un duplicata du récépissé peut être délivré en cas de perte, de vol ou de destruction, sur demande écrite du redevable adressée au service des impôts auprès duquel la taxe a été acquittée.

H. – Le défaut d’apposition du récépissé dans les conditions prévues au F, constaté par procès-verbal établi au nom de la personne tractant ou conduisant la résidence mobile terrestre, est sanctionné par une amende égale au tarif plein de la taxe prévu au D, majoré de 40 %.

I. – Le contrôle et le contentieux de la taxe sont assurés selon les règles et garanties applicables en matière de droits d’enregistrement.

J. – Le produit annuel de la taxe est réparti entre les collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale au prorata de leurs dépenses engagées en application de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.

La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Cet amendement vise à réintroduire la taxe sur les résidences mobiles terrestres qui avait été introduite dans la loi de finances rectificatives pour 2010 par le Sénat.

Le Gouvernement a fait le choix dans la loi de finances pour 2019 de supprimer cette taxe au nom de « la suppression de taxes à faible rendement ». Pourtant, le produit annuel de cette taxe réparti entre les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale au prorata des dépenses engagées en application de la loi relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est un levier financier supplémentaire au service des élus pour mener à bien les projets d’aménagements qui sont nécessaires à l’accueil des gens du voyage.

Par ailleurs, cet amendement tient compte des modifications législatives apportées par le Sénat en 2017, à la suite de l’adoption d’un amendement que j’avais cosigné avec Sophie Primas dans le cadre de l’examen de la proposition de loi tendant à soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans leur mission d’accueil des gens du voyage. L’Assemblée nationale avait ensuite supprimé cette disposition.

Le Sénat avait notamment voté l’augmentation de la taxe de 50 euros, afin de renforcer la couverture des dépenses engagées par les collectivités et EPCI, et la transformation du récépissé délivré lors du paiement de la taxe en une vignette que le redevable devait apposer de manière visible sur son véhicule.

Le rétablissement de cette taxe et son articulation pratique, une fois acquittée, pour faciliter les contrôles fourniraient aux communes et aux EPCI des moyens précieux pour les équipements prévus par les schémas départementaux d’accueil des gens du voyage, en améliorant leur financement.

Enfin, cet amendement a le mérite de proposer un outil financier concret et nécessaire pour améliorer l’accueil des gens du voyage dans les territoires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. J’ai bien entendu les arguments qui ont été développés et cet amendement vise effectivement à réintroduire une taxe sur les résidences mobiles qui avait été supprimée par l’article 9 de la loi de finances pour 2019. Cette taxe était assise sur les résidences mobiles utilisées à titre principal et venait compenser le fait que ces résidences ne sont pas soumises à la taxe d’habitation.

Je rappelle cependant que la commission des finances du Sénat a approuvé la suppression de cette taxe pour deux motifs. D’une part, ses coûts de gestion étaient élevés. D’autre part, une telle suppression était cohérente avec le mouvement de suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales – pour 80 % des assujettis dans un premier temps.

Il me semble logique de rester cohérent avec la position que la commission des finances du Sénat a adoptée en 2019. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. C’est le même avis, monsieur le président.

Sur la forme, nous estimons que la réintroduction d’une taxe passe nécessairement par un projet de loi de finances, mais je voudrais aussi vous répondre sur le fond.

Tout d’abord, cette taxe avait un rendement très faible, de l’ordre de 10 000 euros par an, ce qui était inférieur aux coûts de recouvrement. Ensuite, cette taxe n’était pas affectée au financement des aires d’accueil. Enfin, alors qu’elle constituait d’une certaine manière le pendant, pour les gens du voyage, de la taxe d’habitation, il n’y a pas beaucoup de sens de la réintroduire au moment même où nous supprimons progressivement la taxe d’habitation pour la totalité des Français.

L’avis est donc défavorable, pour des raisons tant de fond que de procédure.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Je vais rester cohérent avec la commission des finances qui souhaite supprimer les petites taxes, dont les coûts de recouvrement sont plus élevés que le rendement.

Pour autant, le problème soulevé est important et la réponse apportée insuffisante ! Madame la ministre, la véritable question est de savoir qui paye. Certains de nos concitoyens veulent bien accueillir les gens du voyage, mais ils veulent qu’ils payent aussi, ce qu’ils ne font pas – et c’est bien le problème. Nos concitoyens en ont assez !

Je peux vous parler d’intercommunalités dont le premier projet est de construire une aire d’accueil pour gens du voyage. Vous vous rendez compte ! La première augmentation d’impôts est alors destinée aux gens du voyage, et pas pour la mise en commun et la réalisation de projets pour les habitants eux-mêmes, ceux qui payent des impôts !

Il y a un manque cruel d’égalité entre les citoyens et un problème d’acceptation. Je refuse de stigmatiser les gens du voyage, mais il faut que tout le monde paye des impôts. Comme le disait très justement Pascal Allizard, il y a des devoirs et des droits. Payer des impôts fait partie des devoirs ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Madame Estrosi Sassone, l’amendement n° 6 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Dominique Estrosi Sassone. Non, je le retire, monsieur le président, mais j’ai été sincèrement étonnée par le chiffre que vous avez donné, madame la ministre : cette taxe ne rapporterait que 10 000 euros par an ! Cela me semble extrêmement modique et un peu surprenant.

M. Jérôme Bascher. La plupart des 300 000 redevables ne la payaient pas !

Mme Dominique Estrosi Sassone. C’est sûrement la raison, parce que le rendement aurait dû être nettement plus élevé et nous aurions dû encaisser bien davantage.

M. le président. L’amendement n° 6 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

(Supprimé)

Article 3
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Article 5

Article 4

Après le 5° du IV de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :

« 5° bis Les emplacements des aires permanentes d’accueil mentionnées au 1° du II de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage ; ».

M. le président. L’amendement n° 12, présenté par M. Leconte, Mme Harribey, M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Kerrouche, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Nous considérons que les aires d’accueil des gens du voyage ne sauraient être assimilées à des logements pérennes destinés à des ménages modestes et donc être décomptées au titre de la loi SRU.

Par ailleurs, en l’absence de bail ou d’occupation de type locatif, aucun mécanisme ne peut garantir l’occupation effective de ces aires à des fins sociales par des personnes sous plafond de ressources, ce qui rend tout à fait impossible une comptabilisation permettant de vérifier la satisfaction des objectifs fixés par la loi SRU.

Cet article nous paraît constituer un contresens juridique, dont la seule motivation repose sur la volonté d’exonérer des communes qui ne remplissent pas leurs obligations légales en matière de gens du voyage et/ou de construction de logements sociaux, en mélangeant deux obligations de nature très différente.

C’est pourquoi nous sommes opposés à cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. L’avis est évidemment défavorable. D’abord, cet amendement de suppression de l’article 4 est contraire à la position de la commission. Ensuite, Loïc Hervé a très bien développé l’argumentaire concernant ce sujet. Enfin, c’est une disposition que le Sénat a déjà adoptée à plusieurs reprises.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le Gouvernement est favorable à la suppression de l’article 4.

Je considère en effet qu’au regard des besoins en logements sociaux on ne peut pas compenser l’absence de tels logements par la création d’aires d’accueil qui sont par ailleurs une obligation législative. Enfin, les dépenses liées à ces aires d’accueil sont déjà déductibles des pénalités liées à l’application de la loi SRU ; un effort a donc déjà été fait dans le sens de cet amendement. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Loïc Hervé. Il faut aller plus loin !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Grand. Je suis un peu étonné par cet amendement et par votre réponse, madame la ministre, parce que les dépenses destinées à la réalisation d’aires d’accueil sont déductibles du prélèvement prévu à l’article 55 de la loi SRU, dans le cas où les communes concernées comptent moins de 25 % de logements sociaux.

Il est donc logique de comptabiliser ces emplacements dans le décompte des logements sociaux, les populations y stationnant ayant recours, comme tout le monde, aux équipements de la ville qui sont financés par les budgets locaux.

Il faut absolument maintenir cet article !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
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Article additionnel après l'article 5 - Amendement  n° 2 rectifié

Article 5

L’article 3 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « en matière d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires permanentes d’accueil, des aires de grand passage et des terrains familiaux locatifs aménagés dans les conditions prévues à l’article L. 444-1 du code de l’urbanisme » et les mots : « selon un calendrier déterminé » sont supprimés ;

b) Les deuxième et dernier alinéas sont supprimés ;

2° Le II est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est supprimé ;

b) Le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé : « Si, à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la mise en demeure prévue au I du présent article, la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale n’a pas rempli les obligations mises à sa charge par le schéma départemental, l’État peut acquérir… (le reste sans changement). » ;

c) La seconde phrase du troisième alinéa est supprimée.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 13 est présenté par M. Leconte, Mme Harribey, M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Kerrouche, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 16 est présenté par M. Benarroche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 13.

M. Jean-Yves Leconte. Nous proposons de supprimer l’article 5, car nous sommes opposés à la suppression du dispositif de consignation de fonds à l’égard des communes qui ne respectent pas leurs obligations légales au titre de l’accueil des gens du voyage.

La procédure de consignation a été mise en place par la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté. D’une certaine manière, c’est une sanction douce par rapport à la réelle sanction qui est prévue depuis 2000, c’est-à-dire le pouvoir de substitution du préfet. Ce pouvoir de substitution est particulièrement lourd à mettre en œuvre et, par conséquent, n’a pas été appliqué.

C’est pour cette raison que nous avons mis en place la procédure de consignation ; un tel outil, qui n’allait pas aussi loin que le pouvoir de substitution du préfet, devait inciter les EPCI à agir, en particulier celles qui, de manière flagrante, ne respectent pas leurs obligations.

Paradoxalement, si vous supprimez cette procédure, il ne restera que le pouvoir de substitution du préfet ! Je ne pense pas que ce soit l’idéal…

Par ailleurs, la loi a été votée en 2017, mais les textes d’application n’ont été adoptés qu’en 2020, soit avec trois ans de retard, ce que nous regrettons vivement. En tout état de cause, il n’est évidemment pas possible d’évaluer la procédure de consignation. Or elle le mérite, puisqu’elle constitue une disposition plus douce que le pouvoir de substitution du préfet. En ce qui nous concerne, cette procédure nous semble adéquate.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 16.

M. Guy Benarroche. Pour compléter ce que vient de dire mon collègue Leconte, les travaux préparatoires ont montré que la procédure de consignation décidée dans le cadre de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté n’a pas été mise en place et appliquée de manière pleine et entière. Il nous paraît inopportun de supprimer un dispositif qui n’a pas pu être évalué et qui constitue une mesure plus souple que les autres outils existants.

Il nous apparaît encore plus inopportun de supprimer une mesure de ce type, c’est-à-dire douce, dans un texte qui cherche justement à apaiser les relations entre les collectivités locales et les gens du voyage et qui, d’un autre côté, renforce les sanctions pour les communautés en cas d’infraction.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Ces amendements visent à supprimer l’article 5 de la proposition de loi, ce qui reviendrait à maintenir le dispositif de consignation des fonds pour les communes et EPCI qui ne sont pas à jour de leurs obligations au titre du schéma départemental.

Cette position est évidemment contraire à celle de la commission, mais je voudrais apporter trois arguments qui me semblent justifier notre avis.

Tout d’abord, le dispositif de consignation contrevient aux principes d’autonomie financière et de libre administration des collectivités locales. Cette consignation est souvent perçue comme inutile et vexatoire par les communes et EPCI concernés.

Ensuite, l’existence d’un pouvoir de substitution du préfet semble une procédure nettement plus efficace que la consignation de fonds pour assurer la mise en conformité des collectivités concernées.

Enfin, la portée pratique de cette mesure semble très faible à ce jour.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable à ces deux amendements de suppression de l’article 5.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je ne vous surprendrai pas : étant défavorable à cet article 5 qui supprime la consignation de fonds, je suis favorable à ces amendements !

Je reconnais volontiers que le Gouvernement a mis beaucoup de temps pour adopter les textes réglementaires nécessaires et il est regrettable que ceux-ci soient sortis trois ans après la parution de la loi.

Pour autant, maintenant que ces textes existent et sachant qu’il s’agit d’une mesure graduée préalable à la substitution, je pense qu’il faut lui laisser sa chance. C’est l’une des mesures qui permettent de faire avancer la création des aires d’accueil et de grand passage.

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Quand on parle de la loi Égalité et citoyenneté, j’y suis un petit peu sensible, chacun voudra bien l’entendre, pour l’avoir défendue sur un autre banc voilà quelques années.

Cette loi a été promulguée en janvier 2017. C’est vrai, nous pouvons regretter qu’il ait fallu trois ans pour publier les décrets d’application d’un texte qui permet finalement, madame la rapporteure, aux collectivités territoriales, EPCI et communes, de respecter d’abord la loi de la République.

Si nous avons été amenés à l’imaginer en 2017, et qu’elle a été mise en œuvre par décrets en 2020, c’est parce que, depuis la loi Besson de 2000, des communes et des intercommunalités ne sont pas en règle avec le droit. Nous voulions simplement les inciter : le bâton, puisque la carotte ne pouvait pas fonctionner en la matière.

Nous sommes dans une totale cohérence avec un texte qui a été porté par mes amis politiques ici présents. Je soutiens, bien sûr, cette suppression d’article proposée par notre collègue Jean-Yves Leconte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je partage bien sûr ce qui a été dit par MM. Leconte et Kanner. C’est vraiment étrange : alors que le Sénat a voté voilà trois ans une disposition qui n’a pas connu le moindre début d’application, vous nous proposez de la supprimer ! Ce serait quand même une démarche logique que de l’évaluer et donc d’attendre quelque temps avant de la supprimer. À cela, madame la rapporteure, vous n’avez pas apporté de réponse.

En fait, je veux surtout intervenir à la suite de votre remarque selon laquelle cette disposition serait contraire à l’autonomie des collectivités locales. C’est un argument un peu répétitif auquel je m’oppose, et ce pour une raison très simple : il existe, mes chers collègues, des centaines de lois qui imposent un certain nombre de choses aux collectivités locales, et l’on ne peut pas arguer de l’autonomie des collectivités locales pour refuser d’appliquer une loi de la République ! L’autonomie des collectivités locales s’exerce évidemment dans le cadre de la loi.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 et 16.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 5.

(Larticle 5 est adopté.)

Article 5
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Article 6

Article additionnel après l’article 5

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Guidez, M. Klinger, Mme Dumont, MM. Decool, Pellevat, Verzelen, Lévrier et H. Leroy, Mme Noël, MM. Chauvet, Wattebled, Meurant et Lafon, Mme Férat, M. Genet, Mme Puissat, M. Canevet, Mmes Vermeillet, Billon et L. Darcos, MM. Longeot, Bonne, D. Laurent, Duffourg, Chasseing, B. Fournier, Menonville, Sautarel, Vogel, Calvet et Le Nay, Mmes Loisier et Jacquemet, M. Favreau, Mme Belrhiti et MM. Lefèvre, Levi, Laugier et Daubresse, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au quatrième alinéa du II de l’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, les mots : « de la commune ou de tout ou partie du territoire de l’intercommunalité concernée en violation du même arrêté du nombre ou, s’il est compétent, du président de l’établissement public de coopération intercommunale » sont remplacés par les mots : « du département concerné en violation de l’arrêté ».

La parole est à Mme Jocelyne Guidez.

Mme Jocelyne Guidez. Cet amendement vise à modifier le périmètre d’application du maintien de la mise en demeure du préfet prévu au quatrième alinéa du II de l’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage. Le but est de mieux lutter contre les installations illicites en réunion. En effet, le déplacement de ces résidences mobiles dans une ou plusieurs communes d’un même département est régulièrement constaté. Voilà pourquoi il est proposé d’étendre les effets de la mise en demeure au niveau départemental. Cette nouvelle rédaction permettrait d’éviter l’engagement de nouvelles procédures auprès du préfet et rendrait cette mesure plus efficace.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Le présent amendement, effectivement, tend à étendre les effets de la mise en demeure émise par les préfets en cas de stationnement illicite sur le territoire d’une commune ou d’un EPCI à l’ensemble du département.

Je comprends bien l’intention, mais il ne m’apparaît pas possible de l’adopter en l’état pour plusieurs raisons.

D’abord, le dispositif proposé ne me semble pas proportionné, et c’est un vrai souci. Il reviendrait en fait à interdire à une résidence mobile le stationnement sur l’ensemble d’un département sur le fondement du non-respect d’une interdiction de stationnement sur le territoire d’une commune ou d’un EPCI. Cet amendement soulève une question d’ordre constitutionnel, car il est contraire aux principes de liberté du choix du domicile et d’aller et venir.

Il est de surcroît difficilement applicable et il nuirait gravement à la cohérence juridique des dispositions relatives aux évacuations d’office. En effet, comme il permettrait d’étendre à un département entier les effets d’une interdiction de stationnement prononcée sur une seule commune, les personnes visées ne pourraient aller nulle part. Il pose un véritable problème technique de mise en œuvre et il n’offrirait pas de véritable solution pour la commune concernée.

J’émets donc un avis défavorable pour des raisons à la fois constitutionnelles et pratiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis que Mme la rapporteure pour les mêmes raisons de cohérence et d’architecture juridique. Un arrêté pris au niveau communal ou intercommunal et étendu à l’échelle du département ne me paraît pas opérant.

M. le président. Madame Guidez, l’amendement n° 2 rectifié est-il maintenu ?

Mme Jocelyne Guidez. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 5 - Amendement  n° 2 rectifié
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Article 7

Article 6

(Supprimé)

Article 6
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Article 8

Article 7

Le III de l’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 précitée est ainsi rétabli :

« III. – Les dispositions des I, I bis, II et II bis ne sont pas applicables au stationnement des résidences mobiles appartenant aux personnes mentionnées à l’article 1er de la présente loi :

« 1° Lorsque ces personnes sont propriétaires du terrain sur lequel elles stationnent ;

« 2° Lorsqu’elles stationnent sur un terrain aménagé dans les conditions prévues à l’article L. 444-1 du code de l’urbanisme. » – (Adopté.)

Chapitre II

Rendre plus effectifs et ciblés les dispositifs de lutte contre les occupations illégales

Article 7
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Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 3 rectifié quater

Article 8

L’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° Au début du quatrième alinéa du II, les mots : « Cette mise en demeure » sont remplacés par les mots : « La mise en demeure prévue au premier alinéa du présent II » ;

3° Au même quatrième alinéa, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « quatorze » ;

4° Au cinquième alinéa du même II, les mots : « peut procéder » sont remplacés par le mot : « procède » ;

5° (nouveau) Au IV, les mots : « de grande instance » sont remplacés par le mot : « judiciaire ».

M. le président. La parole est à M. Yves Bouloux, sur l’article.

M. Yves Bouloux. L’article 8 de ce texte constitue une avancée considérable, très attendue par les élus locaux. Il est en effet tout à fait anormal qu’une collectivité qui a engagé des moyens financiers lourds pour réaliser et entretenir une ou plusieurs aires d’accueil, respectant par là même ses obligations en matière d’accueil des gens de voyage, ne puisse rapidement mettre un terme à l’occupation illicite d’un terrain sur son territoire.

Les tensions sont palpables et le sentiment d’impuissance qui accable les élus est inacceptable. Les maires ruraux sont de plus en plus victimes de menaces ou de faits de violence. En septembre dernier, dans mon département de la Vienne, où, je le précise, le schéma départemental est « dans les clous », le maire de Croutelle, près de Poitiers, était molesté alors qu’il tentait d’empêcher une occupation illicite. Ce n’est qu’une banalité parmi tant d’autres, mais ce n’est plus acceptable. L’État doit conforter la légitimité de ces élus de communes rurales et leur apporter l’appui impératif du respect de la loi.

M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, sur l’article.

M. Laurent Burgoa. Les crises des « gilets jaunes » et de la covid-19 ont révélé au grand jour la forte défiance de nos concitoyens à l’égard de nos institutions. Nos maires ne sont pas moins sceptiques, loin de là. Je ne compte plus le nombre de fois où un édile m’a confié avoir cette impression que l’État était impuissant. Cet article 8 vous permettrait de démontrer que le Gouvernement sait faire respecter l’État de droit. Ce dispositif, qui renforce les outils de lutte contre les installations illicites, vous place finalement, madame la ministre, devant vos responsabilités. Nous vous proposons les moyens législatifs d’agir. À vous de vous en saisir ! Ne vous dérobez pas !

M. le président. L’amendement n° 14, présenté par M. Leconte, Mme Harribey, M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Kerrouche, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Je vais, d’une certaine manière, répondre aux interventions précédentes : que fait-on si, effectivement, il y a une occupation illicite, mais qu’il n’y a pas de solution alternative possible et correcte, dans des conditions sanitaires acceptables, a fortiori dans une période comme celle que nous vivons actuellement ? Faut-il vraiment lier les préfets avec une obligation absolue ? Non, il faut leur laisser un pouvoir d’appréciation. C’est la raison pour laquelle l’évacuation forcée en cas d’occupation illégale, après une mise en demeure restée sans effet, ne doit pas être une obligation systématique, quelles qu’en soient les conséquences. On ne peut pas dire « quoi qu’il en coûte ! ».

Il faut voir s’il existe des solutions adéquates. Faisons confiance aux préfets. Je comprends parfois les frustrations, mais pouvons-nous vraiment créer un automatisme sans en connaître les conséquences ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Avec cet amendement, mon cher collègue, vous proposez la suppression de la compétence liée du préfet pour exécuter la mise en demeure si celle-ci n’a pas été suivie d’effet. C’est contraire à la position de la commission, mais là n’est pas le sujet.

Je souhaite préciser que la mise en demeure ne peut être prononcée qu’en cas de trouble à l’ordre au public. Si elle n’est pas suivie d’effet, il semble légitime que le préfet soit obligé d’agir afin d’y mettre fin. D’ailleurs, je vous rappellerai, mon cher collègue, que c’est la solution qui a été retenue tout à l’heure, dans le même esprit, lors de la discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les squats.

M. Jean-Yves Leconte. Ce n’est pas une référence !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Laissez-moi terminer !

L’avis est défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. C’est un avis favorable, parce qu’il est compliqué de prévoir une compétence liée systématique du préfet en matière d’ordre public. C’est important que le préfet garde une marge d’appréciation s’agissant de la mobilisation des moyens.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour explication de vote.

Mme Laurence Muller-Bronn. Je veux plutôt livrer un témoignage quant à cette obligation d’évacuer les terrains occupés de façon illicite.

Nous avons dans nos territoires de grandes aires d’accueil, mais elles ne suffisent pas ou plus, la plupart du temps, puisque les convois, les groupes qui se déplacent sont de plus en plus importants. Aussi, très souvent, les aires d’accueil, qui relèvent des EPCI, sont complètes, ce qui entraîne des occupations illicites de terrains.

Alors, au lieu de sanctionner ou d’évacuer, est-ce qu’on ne pourrait pas, en amont, limiter le nombre de personnes qui forment ces convois ? Certains comptent jusqu’à 400 caravanes ; ce sont de véritables organisations, avec des pasteurs qui se comportent comme des agences de voyages. Dans ces conditions, l’aire de grand passage ne suffit jamais et on se retrouve avec des occupations illicites, parce qu’il faut bien qu’ils stationnent quelque part. J’y insiste, n’y a-t-il pas la possibilité de limiter en amont la composition de ces convois de plus en plus importants, un phénomène qui résulte finalement d’un business un peu déguisé d’agence de voyages ?

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 8.

(Larticle 8 est adopté.)

Article 8
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Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 15 rectifié bis

Articles additionnels après l’article 8

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié quater, présenté par MM. Pellevat, Cardoux et Hugonet, Mmes Berthet, Demas, Dumont et Noël, MM. Burgoa, Joyandet, Rapin, Brisson, Saury et Pointereau, Mmes Puissat, Imbert, V. Boyer, Joseph, Thomas et Belrhiti, MM. Charon, Laménie, Savary, Meurant et B. Fournier, Mme Gruny, MM. Vogel, Cadec et de Nicolaÿ, Mmes Canayer et F. Gerbaud, M. Lefèvre, Mmes Chauvin, Micouleau et L. Darcos et MM. D. Laurent, Panunzi, Genet, Wattebled et Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi modifié :

1° Après le 5° du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° L’établissement public de coopération intercommunale prend les mesures prescrites par le représentant de l’État dans le département en application du 1er alinéa du I de l’article 3 ; ».

2° Après le 2° du I bis, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° La commune prend les mesures prescrites par le représentant de l’État dans le département en application du 1er alinéa du I de l’article 3 ; ».

La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Aux termes du I de l’article 2 de la loi Besson, le schéma départemental d’accueil des gens du voyage (SDAGV) fixe des obligations pour les EPCI compétents en matière de création, d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires d’accueil des gens du voyage, ainsi que pour les communes non-membres d’un tel EPCI qui figurent sur ce schéma.

Il y a deux moyens pour le bloc communal de satisfaire à ses obligations : soit en créant, en aménageant, en entretenant et en gérant des aires d’accueil ; soit en contribuant financièrement à de telles opérations situées en dehors de son territoire.

De par le II de l’article 9, dans une commune soumise au SDAGV ou sur le territoire d’un EPCI compétent, une mise en demeure préfectorale ne peut intervenir que si un arrêté d’interdiction de stationnement de résidences mobiles n’a pas été respecté. Un tel arrêté peut être pris si la commune a satisfait à ses obligations, mais également si elle a bénéficié d’un délai supplémentaire pour ce faire en raison de mesures déjà mises en œuvre.

Toutefois, l’article 3, qui traite des conséquences du manquement aux obligations du schéma, prévoit également que le préfet puisse mettre en demeure la commune de prendre des mesures nécessaires. Or, lorsque la commune agit dans ces conditions, elle ne peut prendre d’arrêté d’interdiction de stationnement. Cet amendement tend donc à prévoir cette possibilité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Cet amendement vise effectivement à rendre possible la mise en œuvre de la procédure administrative d’évacuation d’office pour les communes et EPCI défaillants, mais qui respectent les mesures qui leur sont prescrites par mise en demeure du préfet.

La bonne volonté d’une commune qui essaie de rattraper son retard en matière d’accueil des gens du voyage me paraît effectivement pouvoir justifier cette possibilité de prendre un arrêté interdisant le stationnement sur son territoire et, partant, la possibilité de mettre en œuvre la procédure administrative d’évacuation d’office.

Cet amendement, qui a été retravaillé à la suite de nos discussions en commission, me semble relever du bon sens. L’avis est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’avis est défavorable, parce que l’application de l’article 2 de la loi Besson prévoit déjà un délai de deux ans, renouvelable une fois, dans lequel, quand la réalisation des aires n’a pas eu lieu, il est possible d’accorder du temps supplémentaire, tout en permettant un arrêté d’interdiction.

Il me semble que ce délai de quatre ans est déjà important. Du coup, l’équilibre global du texte serait rompu si l’on passait en plus au délai de l’article 3, qui porte sur les sanctions en cas de non-prise en compte des besoins des gens du voyage.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié quater.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 3 rectifié quater
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Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 10 rectifié

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 8.

L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par M. Pellevat, Mme Micouleau, MM. Genet et D. Laurent, Mme Borchio Fontimp, MM. Panunzi, Cardoux, Lefèvre et de Nicolaÿ, Mmes Chauvin et F. Gerbaud, MM. Cadec et Vogel, Mmes Canayer, Gruny et Belrhiti, MM. Charon, Laménie, Savary et Meurant, Mme Thomas, M. Hugonet, Mmes Berthet, Demas, Noël et Dumont, MM. Burgoa, Joyandet, Rapin, Brisson, Saury et Pointereau, Mmes Puissat, Imbert, V. Boyer et Joseph et MM. Wattebled et Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le II bis de l’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, sont insérés deux paragraphes ainsi rédigés :

« …. – Le stationnement sur une aire mentionnée aux 1° et 3° du II de l’article 1er est limité à cinq mois. Ce délai est porté à neuf mois lorsque les résidences mobiles concernées accueillent un ou plusieurs mineurs. En cas de stationnement excédant ce délai, le maire peut mettre en demeure les occupants de quitter les lieux.

« La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou titulaire du droit d’usage du terrain.

« Cette mise en demeure reste applicable lorsque la résidence mobile se retrouve à nouveau, dans un délai de sept jours à compter de sa notification aux occupants, en situation de stationnement illicite sur le territoire de la commune.

« Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effets dans le délai fixé et n’a pas fait l’objet d’un recours dans les conditions fixées au II quater du présent article, le maire peut demander au préfet de procéder à l’évacuation forcée des résidences mobiles, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain dans le délai fixé pour l’exécution de la mise en demeure.

« …. – Les personnes destinataires de la décision de mise en demeure prévue au II ter, ainsi que le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain, peuvent, dans le délai fixé par celle-ci, demander son annulation au tribunal administratif. Le recours suspend l’exécution de la décision à leur égard. Le président du tribunal ou son délégué statue dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine. »

La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Le présent amendement a pour objectif de donner aux maires des moyens pour faire respecter les limites de durée de séjour sur les aires d’accueil prévues dans les règlements intérieurs. En effet, ils n’en disposent d’aucun à ce jour.

La limitation à un triple objectif : éviter la sédentarisation des gens du voyage ; permettre à d’autres groupes d’avoir accès aux aires ; permettre aux maires de vérifier régulièrement la sécurité et la salubrité des aires et les remettre en état si besoin.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Cet amendement tend à limiter à cinq mois ou à neuf mois, selon les cas, la durée de stationnement d’une résidence mobile sur une aire d’accueil. Je veux préciser qu’il y a déjà un contexte décrit à l’article 9 de la loi Besson II. L’amendement est donc partiellement satisfait. La problématique qu’il vise relève d’ailleurs plus du niveau réglementaire que du niveau législatif. Je vous propose donc, mon cher collègue, de le retirer, comme en commission ; faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. Monsieur Pellevat, l’amendement n° 15 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Cyril Pellevat. Non, je vais le retirer, monsieur le président, comme nous en étions convenus avec Mme la rapporteure. Cet amendement d’appel avait pour vocation d’ouvrir la discussion sur ces problématiques, au sujet desquelles les élus nous interpellent régulièrement.

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 15 rectifié bis
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Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 11 rectifié

M. le président. L’amendement n° 15 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. L. Hervé, Wattebled et Henno, Mmes de La Provôté et Sollogoub, M. Canevet, Mmes Billon et Gatel et MM. Le Nay, Maurey, Longeot, Cigolotti et S. Demilly, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 5° de l’article 322-3 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Lorsqu’elle est commise au cours d’une installation sans titre sur un terrain constitutive de l’infraction prévue à l’article 322-4-1 ; ».

La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Monsieur le président, si vous me le permettez, je défendrai en même temps les amendements nos 11 rectifié et 9 rectifié.

Ce sont trois propositions de création d’article reprenant des dispositions déjà votées par le Sénat le 30 octobre 2017.

L’amendement n° 10 rectifié tend à appliquer une peine aggravée à la destruction, à la dégradation ou à la détérioration d’un bien appartenant à autrui lorsqu’elles sont commises au cours d’une installation sur un terrain constitutive de l’infraction prévue à l’article 322-4-1 du code pénal.

L’amendement n° 11 rectifié vise à créer un délit d’occupation habituelle en réunion sans titre d’un terrain.

Enfin, l’amendement n° 9 rectifié a pour objet de permettre l’application de la peine complémentaire d’interdiction de séjour en cas d’infraction d’occupation en réunion sans titre d’un terrain.

M. le président. Nous allons quand même les discuter et les voter successivement.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 10 rectifié ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Cet amendement a effectivement déjà été voté par le Sénat. Avis favorable, bien évidemment.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je profite de cette intervention pour répondre sur un sujet important sur lequel j’ai été interpellée, à savoir la forfaitisation.

Je reconnais qu’effectivement cette disposition, qui a été adoptée par la représentation nationale, Assemblée nationale et Sénat ensemble, n’est toujours pas mise en œuvre, ce qui n’est pas satisfaisant. Les travaux sont pourtant engagés, mais ils supposent une modification lourde des systèmes d’information pour la perception des amendes. Ce dossier est bien porté par les ministères de l’intérieur et de la justice. Ces adaptations techniques ont démarré pour les amendes liées à l’usage de stupéfiants. Ce sont maintenant les amendes liées à l’occupation illicite des gens du voyage qui sont prévues pour l’automne prochain.

Je voulais juste réaffirmer la volonté du Gouvernement d’appliquer une disposition qui ne nécessite pas de dispositions réglementaires, mais des aménagements techniques assez lourds.

En ce qui concerne les sanctions supplémentaires prévues à l’amendement n° 10 rectifié, je peux entendre la nécessité d’une réponse administrative et judiciaire différente en cas de dégradation dans le cadre d’une occupation illicite, mais la solution juridique retenue ne me paraît pas opérante. Ce point avait d’ailleurs été évoqué lors du débat de 2017. Il vaudrait mieux placer la circonstance aggravante sur l’infraction d’occupation illicite plutôt que sur la dégradation. C’est un avis défavorable en l’état de la rédaction.

M. le président. Monsieur Hervé, l’amendement n° 10 rectifié est-il maintenu ?

M. Loïc Hervé. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Désolé, madame la ministre, mais c’est un peu court. Vous nous dites qu’il aurait fallu faire autrement. Mais que ne déposez-vous un amendement gouvernemental ? On peut être d’accord sur le fait qu’il y a des améliorations à apporter. Ce n’est pas le Sénat qui critique les améliorations de l’Assemblée nationale, bien rares, et celles du Gouvernement, encore plus rares. N’hésitez pas ! Ne soyez pas timide ! Ne restez pas en arrière de la main, madame la ministre ! Proposez ! Nous sommes prêts à accepter.

M. le président. Merci, monsieur Bascher, d’encourager à passer outre cette timidité générale ! (Sourires.)

Je mets aux voix l’amendement n° 10 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 10 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi visant à consolider les outils des collectivités permettant d'assurer un meilleur accueil des gens du voyage
Article additionnel après l'article 8 - Amendement  n° 9 rectifié

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 8.

L’amendement n° 11 rectifié, présenté par MM. L. Hervé, Wattebled et Henno, Mmes de La Provôté et Sollogoub, M. Canevet, Mme Billon, M. Détraigne, Mme Gatel et MM. Le Nay, Maurey, Longeot, Cigolotti et S. Demilly, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 322-4-1 du code pénal, il est inséré un article 322-4-… ainsi rédigé :

« Art. 322-4-…. – Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende le fait de commettre, de manière habituelle, le délit prévu à l’article 322-4-1.

« L’habitude est caractérisée dès lors que la personne concernée s’est acquittée, sur une période inférieure ou égale à vingt-quatre mois, de plus de quatre amendes forfaitaires en application du même article 322-4-1. »

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Avis favorable pour les mêmes raisons.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable pour des raisons de rédaction juridique, notamment, puisque cet amendement tend à prévoir de l’emprisonnement et une amende supplémentaire lorsque la personne concernée s’est acquittée, sur une période inférieure ou égale à vingt-quatre mois, de plus de quatre amendes forfaitaires. Or l’article qui fonde ces dernières prévoit qu’elles ne peuvent pas être appliquées plus d’une fois dans une période de vingt-quatre mois. Du coup, juridiquement, je ne peux vraiment pas donner un avis favorable.

M. le président. Monsieur Hervé, l’amendement n° 11 rectifié est-il maintenu ?

M. Loïc Hervé. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 11 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi visant à consolider les outils des collectivités permettant d'assurer un meilleur accueil des gens du voyage
Article additionnel après l'article 8 - Amendement  n° 7 rectifié

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 8.

L’amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. L. Hervé, Wattebled et Henno, Mmes de La Provôté et Sollogoub, M. Canevet, Mme Billon, M. Détraigne, Mme Gatel et MM. Le Nay, Maurey, Longeot, Cigolotti et S. Demilly, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 4° du I de l’article 322-15 du code pénal, avant la référence : « 322-7 », est insérée la référence : « 322-4-1 et ».

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Avis favorable, ce dispositif nous apparaissant proportionné.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable, ce dispositif m’apparaissant disproportionné. Il accompagne habituellement des infractions qui sont passibles de peines de quinze ans, vingt ans ou trente ans de réclusion criminelle.

M. le président. Monsieur Hervé, l’amendement n° 9 rectifié est-il maintenu ?

M. Loïc Hervé. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 8 - Amendement  n° 9 rectifié
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Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 8 rectifié

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 8.

L’amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. L. Hervé, Wattebled et Henno, Mmes de La Provôté et Sollogoub, M. Canevet, Mme Billon, M. Détraigne, Mme Gatel, MM. Le Nay et Maurey, Mme Férat et MM. Longeot, P. Martin, Cigolotti et S. Demilly, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport évaluant le coût global de la politique d’accueil des gens du voyage sur le territoire national.

La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. C’est une demande de rapport. Je sais que le Sénat déteste ce genre d’amendement, mais j’estime qu’il serait nécessaire d’avoir une vision globale du coût de la politique publique d’accueil des gens du voyage, de l’incitation, quand elle a lieu, à la sédentarisation. Beaucoup de collectivités locales, d’EPCI, mais également l’État et les caisses d’allocations familiales interviennent dans ce cadre, donc on a énormément de mal à savoir combien cette politique publique coûte à l’ensemble des comptes publics.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Mon collègue a pratiquement donné la réponse (Sourires.). Effectivement, la commission des lois n’est absolument pas favorable à ce type de rapport. L’avis est défavorable, comme sur l’amendement qui suit, pour les mêmes raisons. M. Hervé s’en doutait… (Nouveaux sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. Monsieur Hervé, l’amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ?

M. Loïc Hervé. Avant de le retirer, madame la ministre, j’aimerais bien avoir une réponse. Ces amendements d’appel sont faits, par définition, pour être retirés, et je ne veux pas contrarier Jacqueline Eustache-Brinio maintenant, mais j’y insiste, on a vraiment besoin de ces éléments. On légifère aujourd’hui sur des questions qui sont importantes. Je répète ce que j’ai déjà dit en discussion générale, à savoir que la communauté des gens du voyage compterait de l’ordre de 400 000 personnes, dont deux tiers seraient des nomades : combien cela coûte-t-il aux finances publiques ?

Quand on parle de logement social, on a bien le droit de savoir. En matière de politiques publiques, d’argent public, il y a une exigence de transparence. Aussi, j’aimerais bien que l’on ait des éléments tangibles sur le sujet. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Je retire l’amendement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Nous travaillerons donc à avoir des données plus précises.

Article additionnel après l'article 8 - Amendement  n° 7 rectifié
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Article 9 (nouveau)

M. le président. L’amendement n° 7 rectifié est retiré.

L’amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. L. Hervé, Wattebled et Henno, Mmes de La Provôté et Sollogoub, M. Canevet, Mme Billon, M. Détraigne, Mme Gatel, M. Le Nay, Mme Férat et MM. Longeot, P. Martin, Cigolotti et S. Demilly, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport donnant un état des lieux sur la scolarisation des enfants des familles itinérantes.

La parole est à M. Loïc Hervé, même si je suppose qu’il va également le retirer, s’agissant, là encore, d’une demande de rapport. (Sourires.)

M. Loïc Hervé. Considérez qu’il est défendu, car j’ai abordé ce sujet en discussion générale. Il porte sur la scolarisation, qui est pour moi le point le plus important. Nous remettrons le sujet sur la table, madame la ministre, lors de la discussion du projet de loi Séparatisme et valeurs de la République. Franchement, je sais que l’on n’a pas le droit de le faire en France, mais il faudrait regarder par catégorie quels sont les enfants qui échappent à l’instruction, qui est quand même obligatoire dans notre pays. Il y a un véritable problème avec la scolarisation des enfants et des adolescents du voyage. C’est très important d’en parler et je ne me priverai pas de le faire lors du débat sur le texte relatif au séparatisme. En attendant, monsieur le président, l’amendement n° 8 rectifié est retiré.

Madame la ministre, j’en profite pour vous remercier de votre réponse circonstanciée sur les amendes forfaitaires délictuelles. C’est un sujet auquel je tiens beaucoup. J’étais d’ailleurs à l’origine de cette proposition, ici, voilà deux ans. Je suis heureux que vous ayez pu confirmer la volonté du Gouvernement d’aller de l’avant à cet égard.

M. le président. L’amendement n° 8 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 8 rectifié
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Article additionnel après l'article 9 -  Amendement n° 18

Article 9 (nouveau)

Le troisième alinéa de l’article 322-4-1 du code pénal est ainsi modifié :

1° Les mots : « , à l’exception des véhicules destinés à l’habitation, » sont supprimés ;

2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les véhicules peuvent être transférés sur une aire ou un terrain mentionnés aux 1° à 3° du II de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage et situés sur le territoire du département. » – (Adopté.)

Article 9 (nouveau)
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article additionnel après l’article 9

M. le président. L’amendement n° 18, présenté par Mme Eustache-Brinio, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la fin du 3° du I, au 3° du I bis, aux premier, cinquième et avant-dernier alinéas du II et à la deuxième phrase du II bis de l’article 9, et au premier alinéa de l’article 9-1 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, le mot : « préfet » est remplacé par les mots : « représentant de l’État dans le département ».

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 9.

Vote sur l’ensemble

Article additionnel après l'article 9 -  Amendement n° 18
Dossier législatif : proposition de loi visant à consolider les outils des collectivités permettant d'assurer un meilleur accueil des gens du voyage
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.

M. Patrick Chaize. Je veux tout d’abord, bien sûr, remercier l’ensemble de mes collègues, plus particulièrement Mme la rapporteure et les membres de la commission des lois, qui ont compris l’objectif que l’on s’était fixé dans ce texte. Je veux aussi exprimer mon regret quant à la position du Gouvernement, par votre voix, madame la ministre, car elle ne reflète pas la réalité du terrain.

Que vous n’approuviez pas la totalité des mesures, je peux le comprendre ; que vous rejetiez tout en bloc, je m’en étonne. Cette proposition de loi a été travaillée avec les acteurs de terrain, notamment avec la gendarmerie, les services préfectoraux. Tous ont été associés. Elle se veut pragmatique et concrète. Peut-être serait-il utile, madame la ministre, que vous puissiez entendre ces acteurs de terrain autant que les associations représentant ces communautés. En tout cas, je serai heureux de vous inviter à venir dans le département de l’Ain pour rencontrer l’ensemble des maires concernés par ce sujet. Je suis sûr qu’ils seront disposés à vous apporter toutes les informations que vous souhaitez. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. Vous voyez, madame la ministre, vous avez bien fait de venir ! (Sourires.)

M. Loïc Hervé. La Haute-Savoie est juste à côté, madame la ministre ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à consolider les outils des collectivités permettant d’assurer un meilleur accueil des gens du voyage.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à consolider les outils des collectivités permettant d'assurer un meilleur accueil des gens du voyage
 

6

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 20 janvier 2021 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

De seize heures trente à vingt heure trente :

(Ordre du jour réservé au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain)

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à renforcer le droit à l’avortement (texte n° 23, 2020-2021) ;

Proposition de loi relative aux droits nouveaux dès dix-huit ans, présentée par M. Rémi Cardon, Mme Monique Lubin, M. Rémi Féraud, Mme Sylvie Robert, M. Patrick Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (texte n° 182, 2020-2021).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

ÉTIENNE BOULENGER