M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 20 janvier 2021, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Nathalie Delattre.)

PRÉSIDENCE DE Mme Nathalie Delattre

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Candidatures à deux missions d’information

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des dix-neuf membres de la mission commune d’information destinée à évaluer les effets des mesures prises ou envisagées en matière de confinement ou de restrictions d’activités.

En application de l’article 8 de notre règlement, la liste des candidats établie par les groupes a été publiée.

Elle sera ratifiée, si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

L’ordre du jour appelle la désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur l’évolution et la lutte contre la précarisation et la paupérisation d’une partie des Français.

En application de l’article 8 de notre règlement, la liste des candidats établie par les groupes a été publiée.

Elle sera ratifiée, si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

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Problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols

Débat sur les conclusions du rapport d’une commission d’enquête

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission d’enquête sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols qui ont accueilli des activités industrielles ou minières et sur les politiques publiques et industrielles de réhabilitation de ces sols, sur les conclusions de son rapport.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à Mme Gisèle Jourda, rapportrice de la commission d’enquête qui a demandé ce débat.

Mme Gisèle Jourda, rapportrice de la commission denquête sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat fait suite aux travaux de la commission d’enquête sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols qui ont accueilli des activités industrielles ou minières et sur les politiques publiques et industrielles de réhabilitation de ces sols.

Cette commission d’enquête est une réponse au mutisme et au manque de réactivité des autorités que je n’ai eu de cesse d’interpeller, en vain, après que les inondations meurtrières d’octobre 2018 dans l’Aude ont réveillé la pollution historique, en faisant dériver de l’arsenic le long de la vallée de l’Orbiel, ce qui a laissé les habitants, les familles, les associations et les élus concernés seuls, isolés, sans information, sans solution, face à des risques sanitaires et écologiques évidents.

Cette histoire n’est pas un cas isolé : des collèges ont été bâtis sur des sols pollués dans le Val-de-Marne, des terres agricoles sont contaminées par du plomb et du cadmium dans le Gard ou le Pas-de-Calais, le mercure est présent dans les sols de Guyane, etc. Dans un pays à la riche histoire industrielle et minière comme le nôtre, les cas de pollution des sols ne manquent pas. Pourtant, la lutte contre la dégradation des sols et la gestion des effets de cette dégradation sur la santé et l’environnement peinent encore à s’imposer comme une priorité des pouvoirs publics.

Mes chers collègues, la situation exige une mobilisation nationale. C’est ainsi que mon groupe, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, a accepté ma requête et demandé la constitution de cette commission d’enquête. Je l’en remercie.

Ces travaux étaient nécessaires. Aucun territoire, que ce soit dans l’Hexagone ou dans les outre-mer, n’est épargné. À l’issue de nombreux déplacements et auditions, la commission d’enquête propose – excusez du peu ! – de refonder la politique de gestion des sites et sols pollués en France. Nous avons ainsi formulé cinquante propositions, réparties en six axes que je vais vous présenter succinctement.

Le premier axe porte sur la nécessaire amélioration de la qualité et la lisibilité de l’information. Pour ce faire, nous proposons d’agir sur trois volets.

D’abord, par analogie avec la pollution de l’air, nous proposons de consacrer un droit à l’information du public sur l’existence de pollutions dans les sols et leurs effets sur la santé et l’environnement.

Ensuite, nous suggérons d’établir une cartographie nationale des risques sanitaires et environnementaux liés à ces pollutions.

Enfin, nous demandons que 50 millions d’euros soient consacrés à l’achèvement de l’inventaire et du diagnostic des sols des crèches et établissements scolaires situés sur des sites pollués.

À cet égard, madame la ministre, je regrette que vous ayez écarté, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, l’abondement de 50 millions d’euros des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » que le Sénat avait voté en première lecture, au-delà de toute ligne partisane, afin que cet inventaire puisse être mené à bien.

Quel soutien l’État compte apporter aux collectivités territoriales ayant hérité de nombreux terrains pollués et ne pouvant raisonnablement pas assumer le coût du diagnostic sur leurs seuls budgets ?

Le deuxième axe de nos propositions vise à poser les jalons d’un véritable droit de la protection des sols. Nous proposons en particulier d’introduire dans le code de l’environnement une définition de la pollution des sols. Nous appelons également à remédier aux asymétries entre le code de l’environnement et le code minier en matière de responsabilité des exploitants et de prévention des risques. Nous souhaitons ainsi étendre l’obligation de constitution de garanties financières aux exploitants de sites miniers et ajouter la protection de la santé publique à la liste des intérêts protégés par le code minier.

Le troisième axe porte sur l’amélioration de notre système de surveillance des installations industrielles et minières, qui se limite aujourd’hui à la naissance et à la cessation d’activité du site. Nous appelons ainsi à renforcer le contrôle des cas de non-déclaration des cessations d’activité, mais aussi à mettre en place une surveillance régulière des sols et des eaux souterraines des sites à risque, en particulier des installations soumises à déclaration.

Le quatrième axe vise à améliorer la gestion des risques sanitaires et la réparation des préjudices écologiques. Pour cela, nous préconisons, d’une part, la création de centres régionaux de santé environnementale chargés d’examiner les demandes d’évaluation des effets sanitaires d’expositions environnementales, d’autre part, l’introduction, dans le plan communal de sauvegarde de toute commune comptant un site référencé sur Basol, la base de données sur les sites et sols pollués, d’un volet spécifique consacré à l’alerte, l’information, la protection et le soutien de la population.

Le cinquième axe vise à améliorer la prévention et la réparation des préjudices écologiques par l’élargissement de la constitution de garanties financières.

Enfin, le dernier axe de nos propositions concerne la mobilisation des friches industrielles et minières polluées, au moment où nous devons lutter contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols. Nous proposons ainsi de faciliter le recours au dispositif de tiers demandeur.

Par ailleurs, nous souhaitons la création d’un fonds national de réhabilitation des sites et sols pollués, non seulement pour prendre en charge la dépollution des sites orphelins, mais également pour venir en aide aux collectivités qui ont hérité de friches polluées et ne disposent pas des fonds nécessaires à leur réhabilitation.

J’insiste, madame la ministre : les objectifs de ce fonds ne sont pas couverts par le fonds de soutien à la reconversion de friches que vous entendez mettre en place dans le cadre du plan de relance. En effet, le fonds de reconversion de votre ministère ne se limite pas aux friches polluées, il vise également des opérations qui sortent du champ de la dépollution. Notre fonds est plus ciblé.

C’est pourquoi, à la faveur d’un amendement transpartisan que j’avais déposé, le Sénat avait voté, lors de la première lecture du projet de loi de finances pour 2021, la création d’un tel fonds au sein de la mission « Plan de relance ». Malheureusement, vous avez de nouveau écarté, en nouvelle lecture, cette mesure que beaucoup d’élus appellent pourtant de leurs vœux.

Tel est donc l’esprit général de nos recommandations.

Je tiens à remercier sincèrement mes collègues et le président de la commission d’enquête, Laurent Lafon, de la qualité de nos travaux et de l’état d’esprit dans lequel ils ont été menés. Je le dis avec sincérité et conviction, vous me connaissez : en dépit de nos appartenances partisanes, nous avons tous partagé ce terrible constat et décidé de proposer des mesures d’envergure qui répondent aux besoins vitaux de nos territoires.

Je forme le vœu que le débat que nous engageons ouvre la voie à une véritable mobilisation des pouvoirs publics pour que la gestion des sites et des sols pollués en France ne se limite plus à une réponse ponctuelle sur un site pollué isolé, quand elle est apportée. Nous en appelons à une politique publique ambitieuse, capable de protéger l’ensemble de nos sols et de nos concitoyens. Une loi s’impose sur ce sujet. J’espère, madame la ministre, que vos réponses seront à la hauteur de ces attentes.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Madame la présidente, madame la rapportrice, mesdames, messieurs les sénateurs, « être contemporain, c’est avoir conscience des héritages, consentis ou contestés » écrivait René Rémond. Je pense que cette leçon s’applique aux travaux de votre commission d’enquête.

La pollution des sols par l’activité industrielle ou minière est effectivement un héritage dont nous nous serions bien passés, celui d’une industrialisation rapide du pays pendant un siècle. Cette industrialisation a contribué – et c’est heureux ! – à l’augmentation du niveau de vie des Français, mais elle a aussi creusé notre dette environnementale, car la santé humaine et l’écologie ont été pendant longtemps le parent pauvre des politiques publiques.

Et, comme votre commission l’a écrit, cette histoire est celle, un peu partout dans le pays, de plus de 320 000 anciens sites d’activités industrielles ou de services et de près de 3 000 anciens sites miniers. C’est colossal !

À présent, notre responsabilité devant la Nation, ma responsabilité de ministre, c’est de faire face à cet héritage, d’en purger le passif et de changer les règles pour ne pas répéter les erreurs du passé. C’est une question de santé publique, de respect de l’environnement et de développement durable, bref, une question de tout premier plan pour la ministre de l’écologie que je suis ! Je tiens donc à vous remercier très sincèrement de votre invitation à venir m’exprimer devant vous.

Je commencerai par dire, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, que la première des mesures, le b.a.-ba de la lutte contre les pollutions des sols, c’est la prévention.

Mon ministère travaille tous les jours à cette prévention. Qu’il s’agisse du contrôle des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ou de celui des installations minières, l’État exerce avec diligence son pouvoir de police pour prévenir les infiltrations dans les sols ou les eaux souterraines. Plus de 18 000 contrôles sont réalisés chaque année et nous allons augmenter leur nombre de 50 % d’ici à la fin du quinquennat.

Parfois, malheureusement, les mesures de prévention ne suffisent pas. Il appartient alors à la puissance publique de se retourner vers les exploitants en application du principe pollueur-payeur.

Vous le savez les exploitants des ICPE sont déjà soumis à des obligations de remise en état de leurs terrains après la cessation de leur activité. L’État a souhaité s’assurer que cette obligation soit remplie chaque fois, y compris si l’exploitation a fait faillite entre temps. C’est pourquoi les ICPE susceptibles de causer d’importantes pollutions, soit près de 800 sites, sont assujetties à des garanties financières. À cette heure, ce sont près de 650 millions d’euros qui sont provisionnés et directement mobilisables afin que les terrains puissent toujours être remis en sécurité.

Pour les mines, je le dis clairement, l’existant ne suffit pas. J’ai donc décidé que nous devions nous doter de nouvelles règles pour tirer toutes les leçons du passé. La réforme du code minier en est l’occasion.

Avec cette réforme, d’une part, nous nous donnons enfin les moyens de rechercher la responsabilité de la maison mère, ce qui permettra de continuer à agir, même si une filiale est fermée ou insolvable. D’autre part, nous étendons la police résiduelle des mines jusqu’à trente ans après l’arrêt des travaux miniers. L’État pourra donc chercher la responsabilité de l’exploitant durant trente ans. C’est un grand pas en avant.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, faire face à cet héritage industriel et minier, c’est aussi assurer la mémoire et la transparence : mémoire des sites pollués pour ne pas mettre en péril la santé humaine ; transparence sur leur recensement.

C’est l’engagement de mon ministère, qui a mis à la disposition du public plusieurs outils permettant à chacun de consulter la liste de tous les sites ayant hébergé une activité industrielle. Par exemple, la base de données des anciens sites industriels et activités de services (Basias) recense plus de 300 000 terrains.

J’y vois un double enjeu : d’une part, dépolluer les sols ; d’autre part, réussir le pari du recyclage urbain pour maîtriser l’étalement de nos villes. Vous le savez, l’artificialisation est une bombe à retardement pour la biodiversité comme pour le lien social, qui est si précieux.

Avec le plan de relance, nous mettons 300 millions d’euros sur la table pour accélérer le recyclage des friches. Dans ce cadre, mon ministère a lancé en novembre dernier un premier appel à projets piloté par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

Plus spécifiquement, madame la rapportrice, 40 millions d’euros sur deux ans permettront de reconvertir d’anciennes installations classées ou sites miniers et de leur offrir une nouvelle vie. Cela n’empêche évidemment pas qu’une part des 260 autres millions puisse également servir à la dépollution.

C’est un travail de fond, qui va durer. L’engagement de l’État pour faciliter les opérations de dépollution et revaloriser ces terrains disponibles perdurera aussi longtemps que nécessaire.

Enfin, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, faire face à cet héritage, c’est parfois faire face à la plus pressante des urgences et à des situations dans lesquelles l’État doit agir rapidement pour protéger la santé des populations ou circonscrire une pollution qui menace de s’étendre.

En effet, si l’État est engagé depuis plus de vingt ans dans le renforcement de la réglementation, de nombreuses pollutions historiques sont antérieures à cette prise de conscience des pouvoirs publics. De ce fait, chaque année, l’Ademe traite une vingtaine de sites et mobilise son expertise pour réaliser les opérations les plus urgentes, en ayant toujours à cœur la protection des personnes et celle de l’environnement.

L’État assume donc pleinement ses responsabilités. Et vous le voyez, qu’il s’agisse de nous doter de règles pour mettre les pollueurs devant leurs responsabilités, d’assumer les missions de l’État, dont la première est de protéger, ou encore de préparer l’avenir, tout en réparant le passé, nous sommes au rendez-vous !

Je crois pouvoir dire que nous viendrons à bout de cet héritage contesté de notre époque industrielle, en responsabilité et avec lucidité et détermination. Que notre génération laisse à ses enfants une terre plus propre qu’elle ne l’a trouvée, tel est le sens de mon combat, et je crois que nous le partageons tous, en particulier vous, madame la rapportrice. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Débat interactif

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et que le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Je me permets d’insister, madame le ministre, mes chers collègues, sur le respect du temps de parole, afin que les deux débats suivants puissent se tenir dans les meilleures conditions.

Dans le débat interactif, la parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Si la lutte pour la préservation de l’environnement est une cause désormais largement admise, nous constatons que la lutte contre la pollution des sols en est le parent pauvre.

C’est d’ailleurs ce constat qui a motivé la création de cette commission d’enquête. À cet égard, je tiens d’ailleurs à remercier chaleureusement nos collègues Gisèle Jourda et Laurent Lafon, qui ont mené de main de maître ses travaux.

C’est vrai, le Gouvernement a mis sur la table 300 millions d’euros, mais cela apparaît largement insuffisant face aux dégâts constatés dans les territoires. Un peu partout en France, les mêmes schémas se répètent. D’abord, on constate sur d’anciens sites miniers que les sols sont pollués plus que de raison. Ensuite, on se rend compte de l’impossibilité d’appliquer le principe pollueur-payeur, l’exploitant ayant disparu ou étant insolvable. La conséquence est, hélas ! toujours la même : la charge de la dépollution revient aux collectivités, qui, souvent démunies, ne peuvent l’assumer.

Dans mon département, si je prends l’exemple des mines de Penarroya, à Pierrefitte-Nestalas, à la dépollution s’ajoutent des mesures de sécurisation demandées par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) pour prévenir d’éventuels éboulements lors d’intempéries. Ces demandes, si elles sont légitimes, ne tiennent pas compte des capacités financières des collectivités.

Aussi, madame la ministre, j’aimerais savoir ce qu’entend entreprendre le Gouvernement pour lutter efficacement contre la pollution des sols, après s’être opposé aux 750 millions d’euros de crédits ouverts par le Sénat lors de l’examen du PLF. Si vous ne souhaitez pas allouer davantage de crédits, comment comptez-vous étendre aux exploitants des sites miniers l’obligation de constitution de garanties financières pour la remise en état des sites après leur fermeture ?

Irez-vous jusqu’à permettre de rechercher la responsabilité de la maison mère lorsque des filiales sont défaillantes ?

En clair, à défaut d’octroyer des fonds suffisants à la dépollution des sites, quelle solution envisagez-vous pour faire payer les pollueurs ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Madame la sénatrice, la réforme du code minier que nous allons mettre en œuvre, et qui sera intégrée au projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dit « Climat et résilience », vise justement à améliorer les dispositifs de concertation dans le cadre des autorisations de projets miniers en prenant en compte les enjeux environnementaux dès les premières étapes de la procédure afin d’être en mesure de rejeter plus rapidement les projets qui ne sont pas à la hauteur de nos ambitions et d’améliorer la prise en considération des enjeux environnementaux en post-exploitation.

Ainsi, afin de prévenir les risques miniers, une meilleure prise en compte des risques sanitaires dans les objectifs de dépollution des friches minières est envisagée. Les sanctions dont vous parliez seront renforcées et harmonisées avec celles du code de l’environnement, notamment celles qui sont prévues pour les ICPE.

Sont aussi prévues l’extension des garanties financières à la remise en état du site minier après fermeture et l’extension pour une durée de trente ans des conditions d’exercice de la police résiduelle des mines afin de permettre à l’État de rechercher la responsabilité des exploitants en cas d’apparition de nouveaux désordres.

Je vous confirme, madame la sénatrice, que cette recherche de responsabilité ira jusqu’à la maison mère, justement pour pouvoir pallier les défaillances d’entreprises qui seraient insolvables ou auraient tout simplement déposé le bilan.

Cette réforme permettra donc une bien meilleure gestion du passif d’après-mines, et répondra, je pense, à la plupart de vos préoccupations.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. J’ai participé aux travaux de la commission d’enquête sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols.

Le sujet est important dans mon département, qui a souffert, comme d’autres, de la désindustrialisation, à une époque où les entreprises n’étaient astreintes à quasiment aucune obligation forte en matière de dépollution des sols.

Je souscris donc pleinement à l’exigence d’une loi fondatrice sur ce sujet consacrant le rôle premier de l’État, à l’instar de la loi sur l’eau ou sur la pollution de l’air.

À la croisée des chemins, ces enjeux mêlent des questions sanitaires et écologiques qui ne peuvent se résumer à l’application du principe pollueur-payeur ou à la création d’un fonds, qui reste largement sous-doté, à hauteur de 40 millions d’euros, dont seulement 4 millions d’euros en crédits de paiement. Je rappelle que le Sénat avait adopté en loi de finances un amendement tendant à prévoir un fonds spécifique doté de 25 millions d’euros. Sans succès…

L’utilisation des sols doit répondre à l’intérêt général et être conforme aux principes d’aménagement définis par la puissance publique. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, madame la ministre.

J’évoquerai trois exemples.

Le collège Saint-Exupéry à Vincennes est fermé depuis 2017 en raison d’une pollution au trichloréthylène antérieure aux années 1960. Le coût de sa dépollution dépasserait les 17 millions d’euros. Préalablement à la construction du collège Josette-et-Maurice-Audin à Vitry-sur-Seine, 8 millions d’euros ont été engagés pour la dépollution du site. Enfin, le collège Assia-Djebar à Ivry-sur-Seine n’a pu rouvrir à la suite de la découverte de traces de mercure supérieures aux normes.

La question de la dépollution de ces sites conditionne ainsi très clairement la réalisation par les collectivités des missions d’intérêt général qui leur sont confiées, en l’occurrence l’accueil et l’enseignement pour les collégiens.

Ma question est simple : que compte faire le Gouvernement pour régler ces situations impossibles non seulement pour les collectivités concernées, mais aussi pour les collégiens et leurs parents ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Monsieur le sénateur, une loi sur la pollution des sols serait un beau projet mais le texte Climat et résilience prévoit déjà un renforcement des sanctions en cas de pollution des sols due à une mauvaise gestion des déchets ou à l’exploitation d’une activité industrielle sans se conformer à la réglementation. Dans les cas de pollution grave et intentionnelle, ces peines pourront atteindre dix ans de prison et 4,5 millions d’euros d’amende, contre trois ans de prison et 150 000 euros d’amende aujourd’hui.

Quant aux cas que vous avez évoqués, ils n’ont pas forcément vocation à être traités de la même manière.

Ainsi, l’origine de la pollution du collège de Vincennes, dont les sols et les eaux souterraines sont pollués par des solvants chlorés ayant entraîné des dépassements importants des valeurs de référence dans l’air intérieur de plusieurs salles, est une activité industrielle ayant cessé depuis près d’un demi-siècle, soit à une époque où la réglementation relative aux établissements dangereux ne prévoyait pas d’obligation de remise en état des sites, celle-ci ayant été introduite en 1976.

Dans ce cas, la responsabilité de l’ancien exploitant ou de l’autorité de police ne peut pas être recherchée. En effet, les règles ont été respectées puisqu’il n’y en avait pas. La charge des travaux de réhabilitation revient donc aux gestionnaires et aux propriétaires actuels du site, à savoir le conseil départemental du Val-de-Marne et la commune de Vincennes.

Les services de l’État ont cependant apporté un appui au conseil départemental, notamment par l’examen du plan de gestion, qui doit encore être complété afin de définir plus précisément le scénario de gestion de la pollution.

À Ivry-sur-Seine, la situation est différente. La remise en état des terrains avait été réalisée par l’inspection des installations classées en 1994, dans le respect des dispositions alors applicables. Des teneurs résiduelles en mercure ayant été relevées, le préfet a émis des réserves sur le permis de construire, qui n’ont pas été respectées par l’aménageur. Dans ce cas, la responsabilité de l’aménageur est engagée.

Nous avons reçu un passif en héritage, mais chaque situation est différente. Nous allons essayer de les régler au cas par cas.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.

M. Pascal Savoldelli. Madame la ministre, si vous aviez accepté les 25 millions d’euros que le Sénat avait votés, votre enthousiasme sur une loi sur la dépollution des sols serait aujourd’hui plus crédible. À un moment donné, il faut bien donner des signes tangibles et concrets de la volonté politique.

Ensuite, je ne peux accepter ce que je viens d’entendre sur le collège de Vincennes. Tous mes collègues ne sont pas élus du Val-de-Marne, mais ils ont bien compris, en vous écoutant, que les frais de dépollution du collège, qui s’élèvent à 17 millions d’euros, allaient quasiment être à la charge d’une ville et d’un département ! Or ils connaissent tous le prix d’un collège.

Franchement, madame la ministre, vous devez, en responsabilité, respecter une forme de devoir de mémoire. L’entreprise qui a occupé ce site a connu de la croissance, elle a payé de la taxe professionnelle. Il y a donc eu un retour pour la société, il faut que celle-ci l’assume, dans le Val-de-Marne ou dans tout autre département.

Madame la ministre, j’y insiste, je fais appel à votre responsabilité dans cette affaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté.

Mme Sonia de La Provôté. Ma question porte sur le financement des projets d’aménagement des sites pollués, notamment dans le cadre du plan de relance.

Si le rapport de la commission d’enquête met en évidence la difficile mobilisation des friches industrielles et minières pour diverses raisons, dont la nature des pollutions, les risques physiques encourus et une disponibilité foncière complexe, il existe un autre écueil important pour la reconversion : le surcoût financier important lié à la dépollution et à la viabilisation, surtout quand une opération comporte la construction de logements.

Dans le cadre du plan de relance, c’est une belle occasion d’accélérer des projets sur des sites qui répondent, en outre, parfaitement aux objectifs d’urbanisation vertueuse et de zéro artificialisation nette.

Certes, le plan prévoit 300 millions d’euros gérés par l’Ademe pour la réhabilitation des friches, mais ils sont destinés exclusivement aux anciens sites industriels ICPE ou miniers. Or, nombre de friches industrielles et portuaires sont en cours de reconversion. Les projets ont démarré et subissent des surcoûts dus aux pollutions multiples. Malheureusement, ces friches ne sont pas, pour la plupart, d’anciens sites ICPE.

Certes, il existe le fonds « friches » des établissements publics fonciers et celui qui est géré par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), mais ils accompagnent surtout le diagnostic et le portage foncier.

En réalité, toute friche polluée, quel que soit son passé, devrait pouvoir être accompagnée par le fonds de relance, surtout parce que ce fonds est un outil d’accélération de l’opérationnel et du calendrier. L’occasion est donc manquée, en l’état, de simplifier et d’aider les porteurs de projets. Il eût été opportun d’éviter ces obstacles réglementaires et administratifs inadaptés. En outre, il existe dans certains départements un risque de non-consommation des crédits pour des raisons qui, vous l’avouerez, sont à l’opposé de l’objectif de relance.

Madame la ministre, ne pensez-vous pas qu’il serait utile de prioriser les projets engagés et de faire en sorte que les 300 millions du plan de relance leur soient accessibles en rendant les critères d’attribution moins restrictifs ?