M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Monsieur le sénateur, la mobilité du quotidien est au cœur des priorités du ministère que je dirige et je porte une attention particulière aux enjeux d’amélioration de la liaison ferroviaire entre Beauvais et Paris, ainsi qu’à l’amélioration des infrastructures dans l’Oise.

Il convient de rappeler que la liaison ferroviaire entre Beauvais et Paris est assurée par des services TER organisés par la région Hauts-de-France qui est la seule autorité compétente pour définir le schéma des dessertes. L’État n’intervient pas dans ce processus, en application du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales qui vous est cher, je le sais.

Le trajet des TER directs dure en moyenne une heure et quatorze minutes. Les trains qui ne desservent pas trois gares de la ligne, dont Persan Beaumont, affichent toutefois un temps de parcours d’une heure et dix minutes.

S’agissant de la possibilité technique de réduire le temps de trajet à moins d’une heure à la demande de la région, SNCF Voyageurs a actualisé l’étude menée en 2015 et a élargi l’analyse à l’ensemble des dessertes proposées entre les deux villes. Cette étude conclut que, à desserte constante, cela n’est pas possible en raison de deux éléments majeurs.

D’une part, le tunnel à voie unique situé entre les communes de Laboissière et Le Déluge impose certaines contraintes horaires de circulation pour y sécuriser le croisement des TER. Je peux vous signaler que l’infrastructure de la ligne a d’ores et déjà fait l’objet de nombreux travaux de modernisation, favorisant une meilleure robustesse d’exploitation. L’État a apporté sa contribution financière au traitement du nœud ferroviaire de Creil, point névralgique du trafic en Picardie, notamment vers Beauvais. Une première phase de travaux s’est ainsi achevée fin 2019. Les études pour une deuxième phase doivent être lancées début 2021.

D’autre part, le trafic sur la partie de la ligne située en région parisienne est particulièrement dense et les plans de transport TER et Transilien sont conçus en intégrant des marges minimales de robustesse qui, d’après la SNCF, ne peuvent pas être ultérieurement réduites.

Au-delà de la question complexe des temps de parcours pour une telle liaison, l’attente légitime des voyageurs est de disposer d’un service fiable. Nous pouvons et nous devons continuer d’œuvrer en ce sens ; c’est l’objet de l’action que mène le Gouvernement depuis 2017 : reprise d’une part substantielle de la dette de la SNCF – 35 milliards d’euros – ; doublement de l’investissement dans la régénération du réseau existant pour atteindre 3 milliards d’euros par an ; investissement supplémentaire de 5,5 milliards d’euros dans le cadre du plan de relance. Ces investissements qui contribuent à la qualité du service concernent aussi l’Oise.

Mme le président. La parole est à M. Édouard Courtial, pour la réplique.

M. Édouard Courtial. Merci, monsieur le ministre. Je note la volonté du Gouvernement. Or, là où il y a une volonté, il y a un chemin. Je souhaite donc que le Gouvernement dépasse les alibis techniques et juridiques pour prendre ce chemin !

protection et développement des abeilles

Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 1198, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le ministre, je regrette que le ministre de l’agriculture ne soit pas présent pour répondre à ma question, qui porte sur la protection et le développement des abeilles. Plus spécifiquement, je veux interroger le Gouvernement sur la lutte contre un parasite originaire d’Asie du Sud-Est qui colonise les ruches d’Europe, puis décime les colonies d’abeilles, Varroa Destructor.

En France, le miel est un produit essentiellement artisanal, qui découle d’un savoir-faire local, notamment dans la région Sud – Provence-Alpes-Côte d’Azur, première région productrice de miel avec 8 % de la production nationale.

Si la production de miel français est repartie à la hausse en 2020, Varroa Destructor reste la principale menace mortelle pour les colonies d’abeilles.

Face à ce parasite, les apiculteurs disposent de peu de moyens, alors que la surmortalité liée à ce parasite est constatée en Europe depuis les années 1980. Les apiculteurs attendent aujourd’hui un signe du Gouvernement, afin que les productions françaises puissent être pérennisées face à une concurrence mondiale importante.

Le Gouvernement entend-il appuyer un programme de recherche ambitieux, par exemple à l’échelle de l’Union européenne, alors que les études en matière d’abeilles se limitent essentiellement aux travaux d’expérimentation des associations régionales de développement de l’apiculture ?

Certains traitements existants permettent d’obtenir des résultats contre Varroa Destructor, mais les méthodes d’application ainsi que les périodicités d’utilisation ne sont pas encore harmonisées. Par exemple, dans les Alpes-Maritimes, les hivers sont doux : les abeilles et leurs parasites ne sont donc pas mis en hibernation par le froid. Le Gouvernement compte-t-il harmoniser les méthodes de lutte contre ce parasite ou, à tout le moins, les adapter localement ?

Enfin, pour sauvegarder l’apiculture, le Gouvernement compte-t-il faciliter l’installation de ruches sur l’ensemble du territoire ? Surtout, compte-t-il adopter une stratégie de long terme pour les abeilles ?

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Madame la sénatrice Estrosi-Sassone, j’aurais pu vous entretenir de la ligne ferroviaire de Coni à Vintimille par Tende et Breil-sur-Roya, mais je m’en tiendrai à la réponse qu’a préparée à votre attention M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, retenu aujourd’hui à Bruxelles par une réunion du Conseil de l’Union européenne.

Vous interrogez M. Denormandie sur la situation de la filière apicole française et, notamment, sur les moyens de lutter contre le parasite Varroa Destructor, acarien de l’abeille adulte, mais aussi de ses larves et de ses nymphes. Ce parasite provoque des pertes économiques importantes en apiculture ; il est l’une des causes de la diminution du nombre d’abeilles.

Comme M. Denormandie et Mme Pompili, ministre de la transition écologique, l’ont annoncé récemment, un plan Pollinisateurs sera présenté dans les toutes prochaines semaines. Il comportera plusieurs volets concourant à l’amélioration de l’état de santé des colonies d’abeilles domestiques, des autres pollinisateurs et de leur environnement, ainsi qu’au développement de la filière apicole. Les travaux sont en cours ; ce plan fera l’objet d’une concertation avec l’ensemble des acteurs concernés.

Je peux toutefois vous indiquer d’ores et déjà que, parmi ses grandes orientations, le plan abordera la question de la protection sanitaire des pollinisateurs et des mesures de lutte contre les agresseurs de la ruche.

Il est également prévu, dans ce cadre, de travailler avec la filière apicole, car son implication est indispensable pour élaborer et déployer des mesures de prévention, de surveillance et de lutte vis-à-vis de Varroa Destructor. Ces mesures pourront s’appuyer sur la mise en place de réseaux de surveillance, sur l’homologation de nouveaux médicaments vétérinaires, ou encore sur la recherche de nouveaux moyens de lutte. Tel est l’objet des travaux qui seront menés dans les semaines à venir.

La nécessaire mise à disposition de moyens de lutte efficace contre le frelon asiatique sera également évoquée.

Ce plan constituera donc bien un outil d’accompagnement de la filière apicole vers l’augmentation et l’amélioration de la production des produits de la ruche. La France doit en effet inverser la courbe descendante de sa production de miel.

Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.

Mme Dominique Estrosi Sassone. J’entends votre réponse, monsieur le ministre. Je voudrais simplement rappeler qu’il est très important que le Gouvernement s’implique auprès des apiculteurs, non seulement pour les aider à continuer de développer la production de miel et à mieux lutter contre ces parasites, mais aussi pour faire en sorte de parvenir à des évolutions à l’échelle européenne. Nous attendons avec beaucoup d’impatience un décret qui devrait paraître dès le 1er janvier 2021 sur l’étiquetage du miel, autre façon de préserver la production locale de miel en dépit de la concurrence étrangère.

Mme le président. Il faudrait conclure, ma chère collègue.

Mme Dominique Estrosi Sassone. J’entends bien que le Gouvernement continue à suivre ces mesures.

contradiction entre le droit de l’environnement, le droit agricole et le droit de l’urbanisme

Mme le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, auteur de la question n° 1384, transmise à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le ministre, je souhaitais interroger les ministres chargés de l’environnement et, éventuellement, de l’agriculture, sur la compatibilité entre le droit de l’environnement, le droit agricole et le droit de l’urbanisme.

En effet, chacun sait que, dans le cadre des politiques énergétiques et environnementales, il est prévu de produire le plus d’énergie électrique possible à partir de sources dites « renouvelables ». L’agriculture est l’une des réponses possibles à ce défi, au travers de ce que l’on appelle « l’agrivoltaïsme ».

Je veux en prendre deux exemples. Premièrement, la réalisation d’ombrières peut permettre un plus long maintien des prairies en compensant les effets de la sécheresse. Il y a compatibilité entre la production d’énergie photovoltaïque et les activités céréalières. Deuxièmement, des panneaux solaires peuvent être implantés verticalement, de manière moins gourmande en surface, pour permettre la poursuite d’activités d’élevage.

J’en viens au cœur de ma question : je souhaiterais savoir comment, dans le droit de l’urbanisme, on pourrait faciliter l’implantation de centrales photovoltaïques. Les règles de construction qui s’appliquent, propres aux habitations, sont très inadaptées dans ce domaine.

Du point de vue de l’agriculture, on rencontre des difficultés : les terrains en question ne sont plus considérés comme des terrains agricoles et les chambres d’agriculture se montrent donc réticentes. Ces terres ne comptent plus pour le calcul de la surface agricole utile (SAU) ni, par conséquent, pour les taxes perçues par les chambres d’agriculture. Enfin, ces terres ne sont plus éligibles pour les aides de la politique agricole commune (PAC).

Il y a donc une contradiction entre nos différents dispositifs. Je souhaite savoir comment le Gouvernement pourrait améliorer la situation, tant sur le volet environnemental que sur le volet agricole.

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Monsieur le sénateur Bonnecarrère, votre question est particulièrement importante à un moment où l’agrivoltaïsme suscite un réel engouement. Il nous interpelle et soulève des questions sur les frontières de nos dispositifs. D’un côté, il est vu comme une réelle occasion de développement pour nos territoires, en faveur de la production d’énergies renouvelables ; de l’autre, il peut être considéré comme un risque d’artificialisation des sols et de renvoi de l’activité agricole à une position secondaire.

La jurisprudence montre que le code de l’urbanisme n’interdit pas totalement d’implanter des centrales photovoltaïques au sol en zone agricole. Il existe toutefois des préconisations strictes, car la pose au sol de panneaux photovoltaïques est considérée comme une opération d’artificialisation. Des exemples malheureux ont également illustré ce risque et les limites à apporter au développement de certains projets.

Il est impératif que les projets de ce type n’engendrent pas une artificialisation des sols et ne s’inscrivent pas en concurrence avec l’activité agricole. Ils doivent au contraire permettre son développement et sa pérennisation.

À ce titre, le Gouvernement vous rejoint donc quant à la nécessité de mettre en place un cadre juridique clair, qui permette de se prémunir des effets indésirables d’un développement non maîtrisé tout en garantissant le développement des énergies renouvelables.

De nouveaux exemples et des prototypes tendent à démontrer que l’installation de panneaux peut tout à fait être conçue en garantissant une stricte compatibilité avec un niveau de production agricole constant et sans engendrer d’artificialisation ni de changement de destination des terres.

Dans certains cas, le fonctionnement des panneaux pourrait même optimiser le développement de la plante, voire le confort des animaux ; ils deviendraient ainsi un outil partenarial de l’économie agricole.

Pour toutes ces raisons, les travaux en question doivent être poursuivis.

Mme le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour la réplique.

M. Philippe Bonnecarrère. J’apprécie, monsieur le ministre, votre déclaration de principe en faveur de ce type de production photovoltaïque, dit « agrivoltaïsme ». J’apprécie également que vous nous annonciez un cadre juridique, ce qui montre que vous êtes conscient des insuffisances actuelles. Le droit de l’urbanisme a en effet tendance, contre la réalité, à fonder ces raisonnements sur la notion d’« artificialisation ». La question est donc maintenant la suivante : quand ce nouveau cadre juridique sera-t-il élaboré ? Comment le sera-t-il, et sous quel délai ?

importance vitale du secteur d’activité de l’alimentation

Mme le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, auteur de la question n° 1417, transmise à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Frédéric Marchand. Monsieur le ministre, la crise sanitaire sans précédent que nous connaissons a mis en lumière, parmi les sujets que nous pensions, funeste erreur, acquis ad vitam aeternam, celui de notre alimentation.

Cette crise vient nous rappeler toute l’importance de ce que nous pouvons nommer la « sécurité alimentaire », le besoin de savoir que l’on pourra s’alimenter en qualité et en quantité suffisante.

Cette question, la plus ancienne du monde, est celle que pose Stéphane Linou dans son ouvrage Résilience alimentaire et sécurité nationale, qui a d’ailleurs servi de base à une proposition de résolution qui a été examinée par le Sénat, sur l’initiative de notre ancienne collègue Françoise Laborde, le 12 décembre 2019.

Ce texte invitait notamment le Gouvernement à engager une révision de la loi de programmation militaire pour réfléchir à l’intégration de la production et du foncier agricole nourricier au sein des « secteurs d’activité d’importance vitale » (SAIV) définis à l’article R. 1332-2 du code de la défense comme les secteurs qui ont trait à la production et à la distribution des biens ou de services indispensables, dès lors que ces activités sont difficilement substituables ou remplaçables : satisfaction des besoins essentiels pour la vie des populations, exercice de l’autorité de l’État, fonctionnement de l’économie, maintien du potentiel de défense, ou sécurité de la Nation.

Dans ce cas, nous serions peut-être en capacité de doter notre pays de véritables indicateurs au sujet des flux d’approvisionnement alimentaire sur notre territoire, ce qui permettrait une approche plus précise et préventive de la réalité alimentaire de notre pays. Il y a un an, M. Didier Guillaume, alors ministre de l’agriculture et de l’alimentation, répondait ceci à Mme Laborde : « La question du lien entre résilience alimentaire des territoires et sécurité nationale mérite d’être pleinement prise en compte, eu égard à l’actualité. Le Gouvernement est globalement d’accord avec l’esprit et les orientations de cette proposition de résolution. »

Alors, monsieur le ministre, allez-vous promouvoir le lien entre résilience alimentaire et sécurité nationale, à travers le continuum sécurité-défense, comme vous y invitait cette proposition de résolution ? Où en sommes-nous sur cette question ? Pouvez-vous nous préciser les intentions du Gouvernement sur un sujet dont chacun mesure bien, aujourd’hui, qu’il est essentiel ?

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Monsieur le sénateur Marchand, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, qui est cet après-midi à Bruxelles pour une réunion du Conseil de l’Union européenne.

Le Gouvernement tient à rappeler qu’il fait de la préservation de la santé de la population une priorité absolue. À ce titre, une attention renforcée doit être accordée à l’alimentation : Hippocrate enseignait déjà que l’alimentation est le premier médicament !

Malgré les difficultés rencontrées depuis le début de la crise de la covid-19, le secteur alimentaire a su s’adapter. Les Français ont pu disposer, tant en quantité qu’en qualité, d’une alimentation suffisante.

Cependant, comme vous l’avez souligné, ce secteur doit devenir encore plus résilient, afin de garantir la souveraineté alimentaire de la France.

L’article R. 1332-2 du code de la défense, que vous avez cité, définit les secteurs d’activité d’importance vitale. Il contient d’ores et déjà certaines dispositions pour assurer l’approvisionnement alimentaire en cas de crise. En effet, d’une part, l’alimentation figure depuis 2006 parmi les douze secteurs d’importance vitale ; le ministère de l’agriculture assure le suivi de ce dispositif. D’autre part, le périmètre du secteur d’importance vitale « alimentation » a été élargi en 2016.

Par conséquent, plusieurs opérateurs d’importance vitale définis dans le secteur de l’alimentation tiennent compte des multiples possibilités de substitution alimentaire. En cas de crise, ces opérateurs sont évidemment suivis et protégés.

Pour protéger le foncier agricole et conforter la souveraineté alimentaire de la France, des dispositions existent. Certaines d’entre elles, au sein du code rural, organisent en effet la transmission foncière dans notre pays. Aussi, en Europe comme en France, la réglementation sur le contrôle des investissements étrangers vient tout juste d’être renforcée et élargie à la production, à la transformation et à la distribution de produits agricoles.

Enfin, le Gouvernement tire tous les enseignements de la crise. Il apporte des réponses concrètes aux inquiétudes relatives à la souveraineté alimentaire française. Dans son volet agricole, le plan de relance consacre 1,2 milliard d’euros à l’agriculture et à l’alimentation. Ce budget inédit a, comme vous le savez, un but précis : permettre la reconquête de notre souveraineté alimentaire et ainsi assurer une alimentation de qualité à tous les Français.

Mme le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour la réplique.

M. Frédéric Marchand. La reconquête de notre souveraineté alimentaire est bien évidemment une priorité, tout comme notre sécurité alimentaire. C’est pourquoi, me semble-t-il, il est nécessaire de continuer à travailler sur ce sujet. J’entends bien les objectifs définis et les mesures en vigueur, mais il faut encore travailler pour qu’une situation dramatique ne puisse pas se produire.

mutations des gardiens de la paix

Mme le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, auteur de la question n° 1277, adressée à M. le ministre de l’intérieur.

Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés que rencontrent les gardiens de la paix dans l’obtention de mutations.

Deux concours permettent d’accéder au métier de gardien de la paix. Qu’ils passent l’un ou l’autre, les jeunes lauréats doivent rester au minimum une dizaine d’années dans leur première région d’affectation, en comptant les années d’école et de stage. En réalité, la mutation demandée ne sera souvent accordée que deux ou trois ans plus tard. De plus, l’aspiration à un grade supérieur prolongera cette durée de trois nouvelles années.

Pour ces jeunes gens, heureux de leur réussite au concours, l’échéance de ce contrat de huit ans doit sembler bien irréelle ; à vingt ans, ou guère plus, on n’a que très rarement organisé un projet de vie. Mais les années passent, les couples se forment, les familles se créent et les questions se posent. On souhaite s’installer, acheter une maison, faire des choix de vie. Or ils se trouvent alors pris au piège de ce contrat qui, d’un seul coup, prend toute sa dimension dans le temps. La problématique est valable dans les deux hypothèses, que ce soit pour venir en région parisienne ou, le plus souvent, pour retrouver sa région d’origine en province.

Le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur l’état des forces de sécurité intérieure fait état d’un mal-être généralisé au travail. Il rapporte notamment de trop nombreux témoignages de gardiens de la paix qui cohabitent dans de minuscules logements parisiens, séparés de leurs conjoints et de leurs enfants.

Dans l’intérêt général, il serait souhaitable que les conditions d’évolution de carrière soient concordantes avec les projets de vie, ce qui permettrait à ces agents d’évoluer plus sereinement et plus efficacement dans leur profession.

Plus que jamais, la question se pose : est-il envisagé d’assouplir les conditions de mutation des gardiens de la paix, ou de modifier les durées de leurs contrats ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Sollogoub, permettez-moi de vous répondre au nom de M. le ministre de l’intérieur.

Comme vous l’avez souligné, les policiers assurent chaque jour avec dévouement, professionnalisme et courage la protection de l’ensemble des Françaises et des Français dans des situations souvent extrêmement difficiles.

Vous avez fort bien rappelé que les gardiens de la paix recrutés via le concours national sont affectés pour une durée minimale de cinq ans dans la région de leur première affectation. Ceux qui sont recrutés via le concours ouvert pour une affectation régionale en Île-de-France y sont affectés pour une durée minimale de huit ans.

Naturellement, cette situation est connue des candidats au moment où ils passent ces concours. Un engagement réciproque est alors pris. L’engagement géographique est d’ailleurs relatif, puisque les policiers ont tout à fait la possibilité de solliciter une mobilité au sein de leur zone de défense et de sécurité durant cette période. Ces zones recouvrent, comme vous le savez, plusieurs départements.

Il convient aussi de rappeler qu’en Île-de-France les policiers du corps d’encadrement et d’application bénéficient de primes tout au long de leur durée d’affectation et de divers dispositifs d’action sociale.

En effet, les services opérationnels ont besoin de visibilité et de stabilité dans l’affectation du personnel pour la bonne gestion des équipes, de ces femmes et de ces hommes. Ces règles permettent aussi une mixité féconde entre les nouveaux arrivants et les agents expérimentés qui ont une bonne connaissance de la réalité du terrain.

Vous avez raison : il existe aussi des blocages statutaires liés à l’avancement de grade. Cette exigence temporelle prend tout son sens pour les grades de brigadier-chef et de major, tant au niveau opérationnel qu’au niveau de l’engagement attendu d’un agent promu.

Au terme de ces délais, la mobilité interrégionale des gradés et des gardiens de la paix relève du mouvement annuel général de mutation dit « polyvalent ». Dans le cadre de ces campagnes de mobilité, l’administration a récemment instauré un dispositif permettant, au regard de la situation professionnelle et personnelle des fonctionnaires, d’établir un barème de points qui prend notamment en compte l’équilibre entre l’engagement professionnel des agents et leur vie familiale et personnelle. L’ancienneté dans le grade ou dans le service de l’agent formulant une demande de mutation est l’un des éléments pris en compte.

Pour conclure, madame la sénatrice, je voudrais vous assurer que des réflexions sont engagées dans le sens que vous évoquiez, pour parvenir à un meilleur équilibre, dans les territoires en tension, entre les primoaffectations et la possibilité de réaliser des mouvements de mutation sur ces zones, y compris dans les régions, sans porter atteinte aux besoins spécifiques de Paris et de sa région.

Mme le président. Il faudrait conclure, madame la ministre.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Le ministère de l’intérieur est particulièrement attentif à cette question.

Mme le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.

Mme Nadia Sollogoub. Je veux citer quelques mots de la lettre que j’ai reçue d’une jeune gardienne de la paix : « Je vous adresse ce présent courrier comme je lancerais une bouteille à la mer : un appel à l’aide émanant du cœur d’un couple travaillant au service de l’État depuis leur plus jeune âge. Vous qui ne pouvez ignorer l’actualité, vous avez forcément conscience que ce métier est difficile, puisque nous côtoyons au quotidien les divers maux de la société. Vous comprendrez ainsi qu’il est primordial pour un policier de pouvoir, en parallèle, avoir une échappatoire dans sa sphère privée. Forte de caractère et très impliquée dans mon travail, je ne peux vous cacher que je perds pied de jour en jour. La dépression me guette, bien que je fasse preuve de tous les efforts possibles pour tenir. Je suis à bout de forces ! Tout est lié à notre éloignement géographique, tous les problèmes que nous subissons découlent ainsi les uns des autres, un cercle vicieux dont nous ne parvenons pas à sortir. »

Je peux vous dire que, pour obtenir la mutation de cette gardienne de la paix, il a fallu mener bataille pendant des mois, voire des années ! Vraiment, on ne peut pas laisser ces agents dans cette situation ; il faut que ça change !

signature authentique à distance pour les français de l’étranger

Mme le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, auteur de la question n° 1390, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Jacky Deromedi. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés que rencontrent nos compatriotes expatriés en matière d’actes notariés à distance.

En effet, la suppression des fonctions notariales des agents diplomatiques et consulaires a mis nos concitoyens en difficulté.

Un décret du 20 novembre dernier a pérennisé le régime des procurations notariées à distance. Il permettra de réaliser une partie des actes notariés à distance, en donnant procuration pour être représenté à une signature, en particulier en matière de transactions immobilières, qu’il s’agisse de vente, d’achat, ou de partage.

Mais nos compatriotes expatriés souhaitent que soit autorisée la signature authentique à distance. Lorsqu’ils se marient à l’étranger, il est important qu’ils aient la possibilité d’établir des contrats de mariage. Il en est de même en matière de successions ; celles-ci ne peuvent être définitivement réglées à distance.

Nos compatriotes sont confinés dans beaucoup de pays, ou ne peuvent se déplacer en raison de leurs contraintes sanitaires et professionnelles, ou tout simplement du coût que ces déplacements représentent.

Bien évidemment la situation sanitaire aggrave encore ces difficultés tout en augmentant ce besoin, en particulier lorsque l’un de leurs proches décède en France et qu’il faut régler la succession.

J’avais fait adopter deux fois une telle possibilité par le Sénat, sans opposition du Gouvernement, le 19 mai dernier au sein de la proposition de loi relative aux Français établis hors de France, de M. Bruno Retailleau, dont j’étais rapporteur, puis lors de la discussion de la loi du 14 novembre 2020 de prorogation de l’état d’urgence.

Le président du Conseil supérieur du notariat m’a informée que les trois quarts des offices de France disposent de dispositifs de visioconférence totalement sécurisés permettant d’effectuer ces opérations à distance. Bien entendu, une certaine prudence s’impose, puisqu’il s’agit d’un système nouveau, mais ne peut-on imaginer au moins une expérimentation en visioconférence ?

Une autre solution a été envisagée : il s’agit de conventions de coopération entre institutions notariales françaises et étrangères et de conventions sur la reconnaissance mutuelle des actes authentiques. Le Gouvernement entend-il les favoriser pour aider efficacement nos compatriotes expatriés ?