PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural - État D (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Discussion générale

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Décès d’un ancien sénateur

M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue, Alain Pluchet, qui fut sénateur de l’Eure de 1983 à 1998.

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Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural - État D (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Seconde partie

Loi de finances pour 2021

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Cohésion des territoires

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. Nous reprenons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Cohésion des territoires

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
État B (début)

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Cohésion des territoires » (et articles 54 bis et 54 ter).

La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Cohésion des territoires » est dotée pour 2021 de 16 milliards d’euros, en hausse de 833 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, mais ces crédits restent en baisse de 1,5 milliard d’euros par rapport à la totalité de ceux ouverts cette année, au fil des lois de finances rectificatives.

Les dépenses fiscales atteignent 10,1 milliards d’euros, ce qui montre l’importance des dépenses extrabudgétaires pour les politiques de cette mission.

S’agissant du programme 177, qui finance la politique d’hébergement et d’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, il bénéficie de 2,2 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation significative de 209 millions d’euros.

Notons toutefois que ces crédits sont inférieurs à ceux inscrits en cours d’année 2020, car la crise sanitaire a conduit le Gouvernement à ouvrir 450 millions d’euros supplémentaires. Cette rallonge a permis d’assurer jusqu’à présent une gestion correcte de la situation, hormis le triste incident de l’évacuation du camp de Saint-Denis, qui a eu pour conséquence une opération massive de mise à l’abri mobilisant 34 000 places d’hébergement supplémentaires, dont 12 000 nuitées hôtelières.

L’un des enjeux de 2021 sera donc, avec des moyens en baisse, d’assurer l’accompagnement et la transition des personnes vers des centres d’hébergement, puis vers un logement pérenne.

S’agissant du logement adapté, il faut saluer le relèvement du forfait journalier pour les pensions de famille. Il conviendra néanmoins de fournir un effort important dans les deux prochaines années, si l’on veut atteindre les objectifs du quinquennat, à savoir la création de 40 000 places en intermédiation locative et de 10 000 places en pension de famille. À cet égard, le budget pour 2021 est en hausse de 18 %.

Le programme 109, « Aides personnelles au logement », est à l’origine de la majeure partie du dépassement du budget en 2020. En effet, il a fallu ouvrir près de 1,9 milliard d’euros de crédits en PLFR 4, pour compenser, d’une part, le report de la réforme des aides personnalisées au logement (APL) dont le coût est estimé à 1,2 milliard d’euros en année pleine, et pour répondre, d’autre part, aux effets de la crise, à savoir la hausse des dépenses pour les allocataires, et la baisse des recettes liées à une moindre contribution des entreprises.

En 2021, les crédits budgétaires destinés au fonds national d’aide au logement (FNAL) restent donc inférieurs de 1,4 milliard d’euros à ceux ouverts en 2020, ce qui représente une diminution effective de 900 millions d’euros si l’on prend en compte le doublement de la contribution d’Action Logement qui passerait de 500 millions à un milliard d’euros.

Je m’étonne d’ailleurs, madame la ministre, que cet article de seconde partie ne soit pas, cette année, rattaché à la mission.

Selon le Gouvernement, la réforme des APL ne devrait permettre, crise oblige, qu’une économie de 750 millions d’euros, ce qui signifie que le budget repose sur l’hypothèse peu vraisemblable de besoins moins importants pour les allocataires et/ou d’une contribution stable des entreprises.

Le programme 135 porte différentes actions liées à la construction et à l’habitat, politiques dont le coût repose essentiellement sur les dépenses fiscales.

La rénovation énergétique est mise en exergue cette année, puisque le plan de relance consacre 2 milliards d’euros à la rénovation des logements privés. Il faut néanmoins rappeler que l’année 2020 a connu un nouvel exercice de régulation budgétaire avec la révision soudaine, le 14 juillet dernier, des critères de subvention de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) pour l’isolation thermique par l’extérieur.

Cette décision était motivée, car certaines entreprises ne se montraient pas correctes, si je puis dire, mais nous souhaitons, madame la ministre, en finir une bonne fois pour toutes avec ces changements incessants des règles du jeu qui pénalisent les particuliers comme les entreprises. L’enjeu est d’autant plus important que le dispositif MaPrimeRénov’ doit monter en puissance, cette année.

Enfin, le programme 147 consacré à la politique de la ville n’a, pas plus que les autres, échappé aux conséquences de la crise sanitaire. En 2020, sa gestion reste marquée par le dégel de la réserve de précaution, mais aussi par une ouverture de crédits de 86,5 millions d’euros dans la troisième loi de finances rectificative, qui a créé un dispositif de « vacances apprenantes » en lien avec plusieurs ministères, dont celui de l’éducation nationale.

Le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) est toujours en phase de lancement : les chantiers ont commencé dans la moitié des 450 quartiers concernés. Toutefois, les paiements de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) concernent encore très largement l’achèvement du premier programme lancé en 2003.

Quant au financement du NPNRU par l’État, il n’atteindra, à la fin de 2021, que 80 millions d’euros sur le milliard d’euros promis : il faudra donc en assumer la charge pendant au moins les deux prochains quinquennats. Pour le moment, l’ANRU ne souffre pas de problème de disponibilité de crédits de paiement.

En résumé, les crédits prévus en 2021 augmentent par rapport à la LFI pour 2020. Le budget prend en compte une partie des coûts induits par la crise sanitaire, même si, à l’évidence, de nouvelles ouvertures de crédits seront nécessaires en cours d’année pour les APL et probablement pour l’hébergement d’urgence.

Malgré cette réserve, je vous proposerai d’adopter les crédits de la mission, pour ce qui concerne les programmes que je vous ai présentés.

Au nom de la commission des finances, j’émettrai un avis favorable sur certains amendements de crédits présentés par la commission des affaires économiques. Signés par des collègues siégeant sur toutes les travées, ils visent à répondre à l’appel des 110 maires, devenus 185, et bientôt 200, qui demandent un renforcement des moyens de la politique de la ville, au-delà du fléchage de 1 milliard d’euros représentant 1 % du plan de relance, promis par M. le Premier ministre.

Il faut dire que la situation reste pour le moins déroutante. En effet, si le montant de 1 milliard d’euros a été clairement fixé, le fléchage des aides n’a absolument pas été défini.

Enfin, je ne peux terminer, madame la ministre, sans évoquer la situation du logement en cette fin d’année, même si cette politique est de moins en moins mise en œuvre au travers des crédits de la mission.

En 2020, les chiffres ne seront pas bons, ni en accession ni dans le logement social. Les perspectives pour 2021 sont encore plus mauvaises, car pour la première fois la courbe des autorisations a croisé celle des mises en chantier.

Les raisons de cet échec sont évidentes : resserrement du crédit bancaire, élections municipales allongées, effet de la réduction de loyer de solidarité (RLS) sur les bailleurs sociaux, fragilisation du budget et de la gouvernance d’Action Logement – avec les inquiétudes suscitées par les déclarations des uns et des autres sur les intentions réelles du Gouvernement –, perspectives de la suppression de la taxe d’habitation pour les collectivités locales, non-compensation des exonérations de taxe foncière pour les bailleurs sociaux et le logement intermédiaire.

Madame la ministre, il vous faut répondre sur tous ces points, et redonner rapidement de la visibilité aux acteurs, faute de quoi nous irons droit à une crise du logement sans précédent. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et SER.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Bernard Delcros, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les programmes 112 et 162 couvrent le volet à dominante rurale de cette mission « Cohésion des territoires ». Leur évolution ne peut s’apprécier qu’au regard des crédits qui ont aussi été inscrits dans le plan de relance.

Mon analyse du budget pour 2021 se résume à cinq points de satisfaction, un regret et une proposition.

Le premier point de satisfaction, et non des moindres, concerne le report de deux ans, jusqu’au 31 décembre 2022, de plusieurs zonages et des aides directes aux collectivités et aux entreprises qui y sont associées.

L’an dernier, dans un rapport d’information, Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau et moi-même avions proposé un dispositif qui succéderait aux zones de revitalisation rurale (ZRR) pour mettre en œuvre des aides plus ciblées et plus efficientes. En attendant qu’il soit mis en place, les ZRR devront être prorogées pour l’ensemble des communes, y compris celles qui ne remplissent plus les critères d’éligibilité au regard de la réforme de 2015. Ce budget répond parfaitement à notre demande. C’est un enjeu important pour le secteur rural.

Autre exemple positif, les aides à finalité régionale sont prorogées de deux ans. Elles prévoient un soutien aux entreprises par des exonérations fiscales et par des aides directes, dans des communes qui ne sont parfois pas éligibles aux ZRR.

Par cohérence avec ce report, nous présenterons un amendement qui vise à rétablir la prime à l’aménagement du territoire (PAT), adossée à ce zonage.

Le deuxième point de satisfaction tient à ce que la politique contractuelle entre l’État et les territoires soit renforcée. Les contrats de plan État-régions (CPER) passent de 108 millions à 222 millions d’euros, si l’on prend en compte ceux qui sont intégrés dans le plan de relance.

Par ailleurs, les contrats de ruralité seront reconduits. Mon rapport de 2019 dressait un bilan de la première génération de ces contrats tout en proposant de passer à des contrats de deuxième génération.

La mise en place des contrats de relance et de transition écologique répond à cette demande, même si leur dénomination est discutable, j’y reviendrai.

Troisième point de satisfaction, l’engagement du programme « Petites villes de demain » permettra de répondre à la problématique des centres-bourgs et des petites villes qui n’ont pas été éligibles au plan « Action cœur de ville ».

Nous tenions à ce que le nombre d’habitants ne figure pas dans les critères du dispositif, car, en milieu rural, certains petits bourgs de 700 ou 800 habitants jouent souvent un rôle de pôle de services pour tout un bassin de vie. Il est donc essentiel qu’ils puissent être éligibles à ce programme.

Vous avez par ailleurs ouvert la possibilité de candidatures groupées à l’échelle des intercommunalités, ce qui permettra de ne laisser aucune commune en dehors du dispositif.

Le quatrième point de satisfaction vient de ce que les crédits alloués à l’ingénierie territoriale au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) augmentent de 10 millions à 20 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 20 millions d’euros au titre du plan de relance. Ils passent donc de 10 à 40 millions d’euros, ce qui constitue une évolution positive pour la ruralité.

Enfin, les crédits affectés aux maisons France Services sont en augmentation de 50 %, favorisant ainsi le maillage des territoires en services de proximité.

Il restera à examiner l’adéquation entre les 30 000 euros attribués à chacune de ces maisons par le biais du fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) ou du fonds inter-opérateurs, et la montée en gamme des services qu’elles développent en prenant parfois en charge ceux qui relevaient de l’État, comme on a pu le voir dans certains départements avec la réforme des trésoreries.

Mon regret concerne l’abandon du nom « ruralité » dans les nouveaux contrats avec les territoires. Les contrats de ruralité deviennent des contrats à la relance !

Certes, nous sommes dans une période de relance qu’il nous faut réussir, et tout cela n’est affaire que de mots. Cependant, les mots ont leur importance, les symboles aussi, mais également les messages envoyés à la ruralité, comme vous le savez bien. Je note d’ailleurs que les contrats de ville demeurent sous cette dénomination dans le programme 147.

Monsieur le secrétaire d’État, les enjeux de la ruralité doivent être bien identifiés. Ils ne peuvent pas être dilués dans d’autres enjeux nationaux, particulièrement au moment où le secteur rural retrouve de l’intérêt et de l’attractivité pour un grand nombre de Français.

Nous souhaitons vivement que, au-delà de cette période de relance, les contrats de territoires soient marqués du sceau de la ruralité avec des crédits bien identifiés en faveur des territoires ruraux.

J’aimerais enfin vous faire une proposition. L’ensemble des crédits consacrés à la politique d’aménagement du territoire, et notamment aux politiques contractuelles, sont dispersés dans plusieurs missions, ce qui est dommageable.

Pour davantage de visibilité, de cohérence et d’efficacité, ne serait-il pas opportun de rassembler toutes les politiques contractuelles au sein d’une même mission, et d’affecter des crédits spécifiques à chacune d’entre elles, comme c’était le cas en 2017, quand les contrats de ruralité ont été mis en place ?

Je ne veux pas conclure sans vous dire combien nous sommes satisfaits de votre nomination auprès de Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des collectivités locales. C’est la première fois qu’un secrétaire d’État en charge de la ruralité figure dans un gouvernement.

Je sais que de nombreux sénateurs ont en partage le vécu de la ruralité et une connaissance fine de ses enjeux, notamment des territoires de montagne. Nous comptons sur vous pour permettre aux territoires ruraux de jouer pleinement leur rôle.

Le pays a besoin de sa ruralité pour répondre aux enjeux environnementaux, économiques et de cohésion sociale auxquels il doit faire face.

Dans l’attente, nous proposons d’adopter les crédits de la mission pour le programme 112 et le programme 162, enrichi d’une nouvelle action cette année. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Jean-Yves Roux applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires économiques, je voudrais formuler trois observations : notre déception concernant la construction neuve, notre préoccupation concernant le financement des APL et notre souhait de voir s’amplifier l’effort en faveur du Logement d’abord.

Concernant la construction neuve, nous regrettons qu’elle n’ait pu trouver sa place au sein du plan de relance. Son absence même ne dit-elle pas quelque chose de l’état d’esprit du Gouvernement ? Préférer isoler l’ancien plutôt que construire pour les nouveaux ménages, n’est-ce pas un signe préoccupant pour l’avenir ?

Ce qui est certain, c’est qu’il s’agit d’une double occasion manquée. Occasion manquée de prendre des mesures de relance à effet immédiat, comme la remise en cause de la réduction de loyer de solidarité, ou bien encore la baisse de la TVA sur le logement social. Je rappelle une nouvelle fois qu’un taux réduit de TVA peut représenter un gain de 5 000 euros par logement, ce qui aurait un effet massif sur la construction.

Occasion manquée aussi de prendre des mesures structurelles comme la création d’un véritable statut du bailleur privé, qui ne doit pas être considéré comme un rentier improductif, mais comme un entrepreneur du logement.

Concernant les APL, je ne partage pas les craintes de certains à propos du nouveau mode de calcul contemporain des droits, qui me paraît juste et semble avoir été sérieusement préparé. Toutefois, leur financement ne me semble pas exempt de risque. Cette année et seulement en 2021, le Gouvernement empochera deux nouvelles économies du fait de la réforme des APL en temps réel et d’un prélèvement de 1 milliard d’euros sur Action Logement, soit deux fois plus important que l’an dernier.

Il faudra donc trouver 1,5 milliard d’euros, l’année prochaine. Peut-on vraiment compter sur le budget de l’État pour y pourvoir ? Ne doit-on pas plutôt craindre que le 1 % logement soit définitivement siphonné par le Fonds national d’aide au logement ? Ou bien doit-on se préparer à un nouveau coup de Jarnac au détour de la réforme du revenu universel d’activité (RUA) dont le Premier ministre a relancé les travaux ?

Enfin, je veux saluer l’effort que le Gouvernement a réalisé l’an passé et qu’il va poursuivre en 2021 pour mettre les dispositifs d’hébergement et de logement accompagné à la hauteur de la crise sanitaire que nous traversons et des changements qu’elle implique. Le « quoi qu’il en coûte » trouve ici une belle et humaine illustration. Il convient de le souligner et de renouveler notre reconnaissance aux personnels du secteur.

Dans son rapport sur le plan de relance, la commission des affaires économiques avait demandé l’accélération de la transformation des centres d’hébergement collectifs et des foyers de travailleurs migrants. Le Gouvernement n’a pas manqué l’occasion de mettre en œuvre cette proposition, ce qui est une très bonne chose.

Nous souhaitons simplement, madame la ministre, conforter cette dynamique en invitant nos collègues à adopter les amendements que nous présenterons.

Au regard de la politique d’hébergement dont nous saluons les efforts, et malgré les regrets ou les désaccords que nous pouvons avoir sur d’autres sujets, la commission des affaires économiques a décidé de donner un avis favorable au vote des crédits de la mission, comme M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, et sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme Viviane Artigalas, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Il me revient d’apporter un éclairage sur les crédits consacrés à la politique de la ville. Je voudrais formuler trois observations sur la part du plan de relance consacrée aux quartiers populaires, sur l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, et enfin sur la vision qui doit animer cette politique.

Le 14 novembre, les maires des quartiers populaires ont lancé un appel au secours au Président de la République, en raison de la dégradation dramatique de la situation dans leurs communes : surmortalité liée à la covid-19, augmentation des demandes de RSA, explosion des aides alimentaires, chômage galopant… Encore reçus aujourd’hui par le président du Sénat, ils demandent une aide représentant 1 % du plan de relance, soit 1 milliard d’euros, pour les quartiers populaires.

La semaine dernière, M. Olivier Dussopt a indiqué à la Haute Assemblée que 2,75 milliards d’euros étaient fléchés pour ces quartiers, dans le plan de relance. En une semaine, les maires ont ainsi obtenu trois fois plus que ce qu’ils demandaient. Faudra-t-il réduire le montant promis pour ne pas dépasser le milliard d’euros garanti par le Premier ministre ?

Madame la ministre, nous attendons des réponses et des engagements clairs : pourrez-vous produire une présentation détaillée de la place des aides destinées aux quartiers populaires dans le plan de relance ? Pour faire face à la crise, la commission des affaires économiques tient à apporter des réponses concrètes et rapides.

Le manque de crédibilité de la parole présidentielle provoque l’amertume des maires. De Tourcoing aux Mureaux, les annonces se succèdent, mais les financements ne parviennent pas sur le terrain. L’ANRU illustre parfaitement cette situation.

En effet, dans son discours du 23 mai 2018 où il enterrait le rapport Borloo, Emmanuel Macron a promis de lancer une initiative « Cœur de quartier », dans le cadre de l’ANRU. Elle devait voir le jour rapidement, dès juillet 2018. Deux ans plus tard, elle reste lettre morte et, au gouvernement, personne ne sait même plus de quoi il s’agit.

Autre exemple, dans son discours prononcé aux Mureaux, le 2 octobre dernier, Emmanuel Macron a annoncé une augmentation de l’investissement dans l’ANRU. Or aucun crédit en faveur de la rénovation urbaine n’est inscrit dans le plan de relance et ceux du programme 147 diminuent, cette année, de 10 millions d’euros.

Les quartiers de la politique de la ville méritent mieux qu’une vision comptable et qu’une gestion sécuritaire et communautaire. Ils sont fragiles et pauvres, mais dynamiques et entreprenants.

L’Institut Montaigne a montré récemment que le département de la Seine-Saint-Denis, pourtant le plus pauvre de France, était l’un des principaux financeurs des aides sociales au profit des autres. L’étude recommande de développer une vision proactive de l’intégration des habitants.

L’Institut Paris Région et l’Insee ont quant à eux établi que l’accession à la propriété des habitants des quartiers, dans la bande des 300 mètres à TVA réduite, constituait un puissant dispositif d’ascension sociale. Pourquoi ne pas amplifier ce mouvement ?

J’ai présenté un amendement en ce sens, que le Sénat a voté en première partie. J’espère que vous le conserverez, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État.

Compte tenu des amendements que nous souhaitons voir adopter et malgré les désaccords que nous avons exprimés, la commission des affaires économiques a décidé de donner un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Henno, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite vous faire part des analyses de la commission des affaires sociales sur le volume des crédits qu’elle a examinés et relayer certaines de ses exigences.

Le programme 177, « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », est profondément marqué par la crise sanitaire. Des efforts considérables ont été engagés pour mettre à l’abri les personnes sans domicile et accompagner les plus vulnérables. Cette mobilisation a permis d’ouvrir 35 000 places d’hébergement temporaire au plus fort de la crise, de déployer des équipes mobiles sanitaires et de distribuer des chèques-services à près de 90 000 personnes.

Cette situation exceptionnelle, qui a porté le parc d’hébergement à 180 000 places, a fait naître des besoins de financement considérables pour le programme 177, dont les crédits avaient déjà augmenté de 45 % en cinq ans, pour atteindre 2,1 milliards d’euros, en 2019.

Les crédits ouverts cette année s’élèvent à 2,44 milliards d’euros, alors que la LFI pour 2020 n’avait prévu qu’une enveloppe de 1,99 milliard d’euros. Si les efforts de budgétisation pour 2021 sont significatifs, des incertitudes demeurent quant au niveau de crédits qui sera nécessaire pour faire face aux conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire.

Dans ce contexte, la politique de l’hébergement et de l’insertion vers le logement doit répondre à trois exigences. La première sera de satisfaire les demandes d’hébergement et d’accompagnement de nos concitoyens, qui risquent d’être de plus en plus nombreux à connaître une situation de précarité.

Il était donc nécessaire de pérenniser 14 000 places temporaires sur les 35 000 ouvertes cette année, et d’activer le plan hivernal dès le mois d’octobre.

La deuxième exigence est de poursuivre activement le plan du logement adapté qui a été freiné par la crise. À ce stade, l’objectif de créer en cinq ans 10 000 places en pension de famille et 40 000 places en intermédiation locative risque de ne pas être atteint. Saluons cependant la hausse de 16 à 18 euros du financement par place en pension de famille.

Il convient de poursuivre ce soutien, notamment en faveur des résidences sociales, afin de renforcer l’insertion vers le logement et de limiter le recours aux dispositifs d’urgence.

Enfin, de manière plus générale, les chantiers de rationalisation et de gouvernance doivent être menés à terme, ce qui prendra du temps. Les acteurs du monde associatif ont un rôle à jouer dans le cadre d’un plan de cohésion sociale, devenu non seulement une exigence, mais aussi une priorité.

Compte tenu de la mobilisation des moyens budgétaires, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l’adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous indique d’emblée que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable à l’adoption des crédits consacrés aux politiques des territoires des programmes 112 et 162.

Elle a toutefois formulé plusieurs réserves et je vous ferai part de deux observations et deux questions.

D’abord, et je m’en réjouis, le budget consacré aux projets et aux politiques de nos territoires est en hausse, cette année, grâce aux crédits inscrits dans la mission « Plan de relance ». Cet effort est suffisamment rare pour être relevé, car les crédits du programme 112 ne cessent de diminuer depuis plusieurs années.

C’est pourquoi je salue le renforcement des moyens du programme France Services, même si des progrès restent à faire pour rapprocher l’offre de services de nos concitoyens. Le critère de distance, fixé à trente minutes, devra être adapté, car il reste important si l’on considère les problématiques spécifiques de mobilité rencontrées par les habitants des territoires ruraux.

De même, je salue le doublement à 20 millions d’euros des crédits d’ingénierie de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, pour sa deuxième année d’existence. Cette enveloppe sera enrichie de la trésorerie restante sur la ligne « Ingénierie » du budget pour 2020, ainsi que d’un apport de 9 millions d’euros de la Banque des territoires pour le programme « Petites villes de demain ». Elle devrait permettre à l’agence d’intervenir efficacement cette année.

À cet égard, je souhaite vous interroger, monsieur le secrétaire d’État : pouvons-nous espérer que les moyens de l’ANCT consacrés à l’ingénierie de projets suivent une trajectoire d’augmentation pour les prochains exercices ?

Comme l’a souligné notre collègue Bernard Delcros, au rang des moins bonnes nouvelles figure l’extinction de la prime d’aménagement du territoire. Nous ne comprenons pas cette mesure, compte tenu de l’efficacité réelle et du succès du dispositif. Si le programme Territoires d’industrie prend le relais, son périmètre d’intervention géographique me semble trop restreint à ce jour : il faudra aller au-delà des 148 territoires déjà ciblés.

Surtout, je voudrais insister – comme mes collègues ont déjà pu le faire – sur le manque de lisibilité de ce projet de loi de finances pour 2021. Trop nombreux sont les crédits inscrits dans la mission « Plan de relance », alors qu’ils ont vocation à financer des actions entrant dans le périmètre des programmes budgétaires de droit commun, comme les programmes 112 et 162. Cela introduit une confusion qui n’est pas souhaitable. Je rappelle en outre qu’en mettant à part le plan de relance les crédits du programme 112 baissent de 15 % en autorisations d’engagement et de 4 % en crédits de paiement.

Ma question sera donc simple : comment comptez-vous régulariser cette situation dans le courant de l’année ? Les crédits du plan de relance affectés à la cohésion des territoires seront-ils inscrits en gestion dans le programme 112 et la mission « Cohésion des territoires » ou plutôt dans le budget pour 2022 ? En clair, s’il reste des crédits non consommés dans le plan de relance en 2021, seront-ils reportés sur le programme 112, annulés ou redistribués ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)