Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Elle n’a rien de structurel !

M. Martin Lévrier. … l’augmentation de l’Ondam, l’allongement du congé de paternité, ou encore la création de la cinquième branche ne sont pas la hauteur de vos quelques propositions non retenues à l’Assemblée nationale.

Vous l’aurez compris, nous voterons contre cette question préalable.

Mme le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec un sentiment d’inachevé que le groupe du RDSE s’exprime en nouvelle lecture sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Pour ceux qui s’y intéressent, le PLFSS est, chaque année, un moment fort du calendrier législatif de notre assemblée. Cette fois, plus que les autres, il marque nos débats par son emprise directe avec la crise sanitaire et économique que nous vivons. Notre groupe attendait donc davantage de la discussion parlementaire qu’une situation de blocage entre les deux chambres qui constituent le socle de notre modèle démocratique.

Mme Véronique Guillotin. Dans quelques minutes, en effet, le rapporteur général de la commission des affaires sociales nous présentera une motion tendant à opposer la question préalable, motion, qui, si elle est adoptée, marquera la fin de nos travaux sur ce texte.

Pourtant, nous sommes convaincus qu’un consensus pouvait, aurait pu être trouvé avec les députés.

Quelques sujets nous rassemblent : pas moins de 42 articles ont été adoptés conformes par les deux assemblées en première lecture. Parmi eux figurent : les mesures relatives à l’activité partielle des entreprises touchées par la crise ; la revalorisation des carrières, et ce n’est pas un vain mot, des personnels des hôpitaux ; la création de la nouvelle branche autonomie ; et, bien sûr, l’allongement du congé paternité à vingt-huit jours, dont sept obligatoires. Sur ce sujet, c’est bien le débat qui nous a permis d’aboutir à un vote conforme à la quasi-unanimité, et ce n’était pas gagné au vu des réticences au sein de notre hémicycle. Pourtant, nous pouvons nous en réjouir, et même en être fiers. La presse titrait déjà sur la résistance des « papys et mamies du Sénat »… Nous avons montré que, loin de ces caricatures, le Sénat est prêt à accompagner l’évolution d’une société dans laquelle les pères souhaitent prendre toute leur place à côté de leur enfant.

Enfin, certaines modifications opérées au Sénat ont été conservées par l’Assemblée nationale. Parmi celles-ci, je note particulièrement : l’allégement des cotisations et contributions sociales pour les employeurs et travailleurs indépendants touchés par la crise ; les dispositions relatives à la pratique sportive en entreprise, auxquelles nous tenions beaucoup ; et la possibilité pour les maisons de naissance, par exemple, de réaliser des missions de prévention et de constituer des lieux de stages.

Néanmoins, force est de constater que de profonds désaccords ont subsisté, et qu’ils n’ont pas permis aux rapporteurs de l’Assemblée et du Sénat d’aboutir à un texte commun lors de la commission mixte paritaire.

Les mesures relatives aux retraites ont cristallisé les oppositions.

Mon groupe s’est exprimé clairement sur ce sujet lors de la première lecture : ces amendements n’avaient, selon nous, pas leur place dans ce texte. Si cette réforme doit prochainement aboutir, et nous partageons le constat de cette exigence, elle mérite une concertation et un débat approfondis, dans le cadre d’un projet de loi qui lui sera dédié, même si, pour l’instant, cette réforme peine à aboutir.

Sur d’autres points, nous regrettons le rejet par l’Assemblée nationale de propositions que nous jugeons nécessaires et que nous aurions souhaité voir inscrites dans le texte final.

Je pense, par exemple, au stock de quatre mois minimum pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Le Gouvernement souhaite deux mois maximum et appelle au réalisme, mais permettez-moi de rappeler ce qu’est la réalité : 45 % des personnes confrontées à des pénuries de médicaments ont été contraintes de reporter leur traitement, de le modifier, voire d’y renoncer. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)

Mme Véronique Guillotin. Ces pénuries ne font que s’aggraver : 3 200 médicaments à intérêt thérapeutique majeur manquaient en 2020, alors qu’ils n’étaient que 40 en 2008 ! Notre rapport sur le sujet, publié voilà déjà deux ans, appelait à des réponses rapides et ambitieuses. Nous persistons donc naturellement dans cette voie.

D’autres trop nombreux apports retoqués ont été rappelés par le rapporteur général.

Compte tenu des blocages qui persistent et du vote à venir d’une motion de rejet, nous ne pouvons espérer voir émerger un consensus sur ce texte.

Victor Hugo disait : « La France gouvernée par une assemblée unique, c’est-à-dire l’océan gouverné par l’ouragan. » Le bicamérisme garantit l’existence d’une authentique discussion législative, qui privilégie l’esprit de sagesse et concourt à la qualité de la loi. Attaché à ces valeurs, le groupe RDSE aurait souhaité voir les débats se poursuivre et votera donc contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et UC.)

M. Bernard Jomier. Très bonne intervention !

Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le ministre de la santé, avec qui nous n’avons pas eu l’honneur d’échanger en première comme en seconde lecture de ce PLFSS (Applaudissements sur de nombreuses travées à gauche comme à droite.), a défendu devant nos collègues députés un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, qu’il a qualifié d’« exceptionnel », « à bien des titres », ajoutant qu’ils auraient pu faire d’autres choix : « Serrer la vis, réduire la voilure ou couper le robinet […] Ce choix de l’austérité, dont les conséquences auraient évidemment été dramatiques, nous ne l’avons pas fait. » Qui est dupe de ce recours à l’auto-persuasion ? Certainement pas les personnels hospitaliers ni ceux du secteur médico-social !

L’Ondam fixé pour 2021 suit la même logique que tous ceux qui ont été votés depuis 2008, à savoir une progression, à hauteur de 2,4 %, inférieure à l’évolution tendancielle des dépenses de santé, provoquant, une fois de trop, des coupes budgétaires terribles pour notre système de santé. Cette fois, ce sont 4 milliards d’euros qui sont rognés, dont 800 millions pour l’hôpital.

Moi, madame la ministre, j’appelle cela une cure d’austérité !

Le langage de vérité est de dire que vous continuez à considérer l’hôpital comme une variable d’ajustement de votre politique de restrictions budgétaires.

Comment construire le PLFSS 2021 sans prendre en compte les réalités de terrain ? Entre 2008 et 2017, 10 % des établissements ont été fermés ; 15 % des lits ont été supprimés. Et vous continuez dans cette funeste logique. Bien que la pandémie ait mis en évidence un manque de lits criant, et pas seulement de lits de réanimation, 13 établissements de santé viennent encore de perdre des places.

Votre machine à restructurer l’offre hospitalière ne s’arrête pas là. Ainsi, à Marseille, le centre hospitalo-universitaire de Sainte-Marguerite doit faire face au démantèlement programmé de sa pharmacie, après la fermeture des urgences et la disparition du service de réanimation.

En Île-de-France, la réduction des capacités hospitalières se poursuit avec la construction de l’hôpital Nord, qui se traduira par la fermeture des hôpitaux Bichat et Beaujon. À la clé, la disparition de 300 à 400 lits !

Alors que la covid-19 a démontré combien il fallait repenser la place de nos aînés en situation de dépendance dans nos structures d’accueil et de soins, le plan Gériatrie est toujours d’actualité à l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), avec la fermeture de 40 % des lits de soins de longue durée !

Ces exemples, parmi des centaines d’autres, sont la traduction directe, madame la ministre, des PLFSS successifs, dont celui de 2021. Ce projet de loi de financement n’a décidément rien d’exceptionnel.

Vous avez annoncé vouloir améliorer l’attractivité des métiers à l’hôpital, mais les étudiantes et les étudiants en santé, les soignants, les médecins n’en peuvent plus et démissionnent sans bruit, à cause des conditions de travail dégradées par des décennies de réduction des budgets.

Vous avez annoncé vouloir revaloriser les salaires de celles et ceux qui ont été en première ligne. Pourtant, 50 000 agents du secteur médico-social, dont le secteur de la psychiatrie, sont exclus de la revalorisation salariale du Ségur de la santé. Ces hommes et ces femmes se mobilisent pour faire entendre cette injustice. Nous demandons qu’ils soient enfin entendus.

Alors que, depuis de nombreux mois, la branche de l’aide, de l’accompagnement et des soins à domicile était en négociation sur la classification et les rémunérations, et malgré l’unanimité entre les organisations syndicales de salariés et la représentation des employeurs, l’avenant 43 – je parle bien du 43 –, qui prévoit un rattrapage et une augmentation de salaire n’a pas reçu l’avis favorable du Gouvernement, car considéré comme trop onéreux.

Le « quoi qu’il en coûte » ne s’applique décidément pas à tout le monde !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Allez dire cela aux départements.

Mme Laurence Cohen. Pour ce 75e anniversaire de la sécurité sociale, nous espérions que l’État, conformément à ses engagements, compense à l’euro près les pertes de recettes et les nouvelles dépenses infligées à notre système de protection sociale. Malheureusement, il n’en est rien.

Nous avions déposé de nombreux amendements en première lecture. Très peu ont été adoptés, pour être directement rejetés par l’Assemblée nationale.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera donc contre ce budget de la sécurité sociale pour 2021, largement déconnecté des besoins sociaux, et qui continue à affaiblir notre système de protection sociale de haut niveau, tournant le dos, chaque jour davantage, à une société solidaire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)

Mme le président. La parole est à M. Bernard Jomier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Bernard Jomier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le Gouvernement revient donc en seconde lecture devant notre assemblée avec un projet qui est marqué essentiellement par votre méthode parlementaire ; je vous le dis directement : elle nous pose problème ! Vous avez évidemment légitimement exercé à l’Assemblée nationale les prérogatives que vous octroie la Constitution. Le fait majoritaire s’est exprimé dans ce texte.

Je voudrais vous faire remarquer, d’ailleurs, que, s’agissant des masses financières de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, qui intervient dans un contexte aussi mouvant, jamais nous ne vous avons reproché, en opposition responsable, une insincérité ou une volonté de masquer les choses, alors que votre texte a considérablement évolué lors de son premier examen, et encore lors de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.

Mais vous êtes allés beaucoup plus loin. Vous avez écarté et balayé de nombreux ajouts du Sénat, qui n’étaient pas l’expression d’un fait majoritaire évident dans cette assemblée, mais qui avaient été adoptés largement parce qu’ils apportaient une construction réfléchie, utile, parlementaire à la qualité du texte. C’est cela que nous dénonçons, madame la ministre, après l’absence, assez inédite pour moi, qui ne suis pas un ancien parlementaire, du ministre de la santé, avec qui nous n’avons pas pu débattre une seule minute dans cet hémicycle. (Applaudissements sur de nombreuses travées à gauche comme à droite.)

Mme Laurence Rossignol. C’est l’Arlésienne !

M. Bernard Jomier. Cette méthode-là montre que vous imposez la seule volonté de l’exécutif. Si c’était un parlementaire ou simplement un groupe parlementaire de l’opposition qui le dénonce, vous diriez que c’est le jeu démocratique, sauf que ce constat, vous le savez, est largement partagé au sein du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale. C’est un constat que vos députés font également en partie ; c’est le constat, je vous le dis très tranquillement, d’une démocratie parlementaire que, malheureusement, vous altérez.

Dans ces conditions, nous comprenons la question préalable qu’a déposée le rapporteur général de la commission, même si nous, par principe, nous préférons poursuivre le débat. Vous le voyez, nous ne désespérons jamais.

Sur le fond, je voudrais soulever quelques points seulement qui illustrent, dirai-je, la profondeur du désaccord.

Sur la question des compensations, le rapporteur l’a très bien dit, vous avez refusé systématiquement, tout en affichant un objectif de compensation de la sécurité sociale par l’État, les amendements qui visaient à préciser effectivement une telle volonté. Cela s’inscrit dans la droite ligne de ce que vous avez entrepris avec le transfert à la Cades d’une dette qui devrait être celle de l’État : le budget social devient une annexe du budget de l’État et vous transférez sur le système de protection sociale les déficits qui sont ceux de l’État.

Parfois il est difficile, très difficile de poursuivre la discussion, parce que les arguments qui ont été opposés par votre gouvernement sur certains points, y compris lors de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, traduisent un refus de discuter à partir des faits.

Prenons la question du transfert du financement de l’Agence nationale de santé publique à l’assurance maladie. Vous avez dit à l’Assemblée nationale que c’était pertinent, compte tenu de la nature des activités de l’Agence. Mais non ! Les faits sont têtus : les prérogatives de l’Agence nationale de santé publique sont en large partie des prérogatives d’État – la veille et la sécurité sanitaires, par exemple –, et non pas des prérogatives de l’assurance maladie. J’y insiste, il est très difficile de débattre quand la réalité des faits n’est pas admise.

Même chose sur les stocks de médicaments. On peut discuter de l’ampleur de la mesure à prendre, mais on ne peut pas s’abriter derrière le droit européen sur cette question, car ce que nous avons proposé est le dispositif mis en place par la Finlande. Or, que sache, la Finlande est bien membre de l’Union européenne, et elle n’est pas en conflit avec Bruxelles sur son dispositif. Ne vous abritez pas derrière l’Union européenne pour refuser une mesure essentielle à la sécurité sanitaire de nos concitoyens qui vivent les pénuries de médicaments.

Sur la question des TO-DE, je souscris aussi à ce qui a été dit dans cet hémicycle. Vous avez jugé que c’était trop coûteux pour les finances sociales, mais, en même temps, vous les dégradez volontairement. Vous le savez bien, le dispositif, de toute façon, perdurera.

Je ne m’étendrai pas sur l’ensemble des questions, notamment sur le fait que tous les progrès relatifs aux outre-mer ou aux sapeurs-pompiers ont été également écartés. À l’arrivée, ce budget reste un budget d’injustice sociale. Nous ne voterons pas la question préalable, car nous sommes prêts à continuer à débattre de ce texte, mais je dois dire que les arguments en faveur de cette question sont signifiants. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Mme le président. La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert. Madame le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 se déroule dans un contexte historique. La crise liée à l’épidémie de covid-19 a bouleversé l’économie de notre pays, particulièrement ses finances sociales.

Le Gouvernement a dû réviser trois fois les tableaux d’équilibre de 2020 et 2021, à savoir en première lecture à l’Assemblée nationale, puis, au Sénat, et, enfin, en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, pour tenir compte des effets du nouveau confinement.

En responsabilité, le groupe Les Républicains a adopté ces tableaux d’équilibre présentant des déficits historiques. Nous avons, en effet, considéré que l’urgence était de tout faire pour répondre par la solidarité nationale à ceux que la crise privait de leur emploi ou de revenu.

Ainsi, des dispositions, modifiées au Sénat, facilitent l’accès au dispositif d’exonération en retenant un seuil unique de perte de chiffre d’affaires, qui doit être au moins égale à 50 %, pour l’ensemble des entreprises relevant des secteurs dits S1 et S1 bis, comme cela avait été proposé par la commission des affaires sociales.

Par ailleurs, nous constatons que l’Assemblée nationale a rejoint le Sénat, et c’est tant mieux, sur l’urgence d’accélérer les réflexions sur la question du financement de la cinquième branche.

Le principe d’une conférence des financeurs du soutien à l’autonomie chargée de formuler des recommandations sur le financement des mesures nouvelles est conservé, même si cette concertation sera opérée sous l’égide de la CNSA. Nous aurons donc des éléments précis d’ici au 1er mars 2021 sur les moyens nouveaux qui pourront être affectés à cette branche.

Après ces notes positives, permettez-moi d’exprimer notre regret quant à la suppression de nombreuses propositions portées par nos collègues ou par la commission des affaires sociales.

Nous regrettons ainsi la suppression de plusieurs mesures qui nous paraissaient opportunes, comme : la pérennisation du dispositif d’exonération TO-DE, que mes collègues ont déjà évoqué ; la baisse des charges sociales pour les médecins exerçant dans des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ; la création d’un statut de junior-entrepreneur ; ou les dispositifs relatifs à la fixation des prix des médicaments.

Nous regrettons également la suppression de la mesure structurelle dont l’objectif était d’acter la nécessité de redresser les comptes du système de retraite.

Depuis plusieurs années, la majorité sénatoriale plaide pour un relèvement progressif de l’âge minimum légal de la retraite, seul à même de rétablir une trajectoire financière positive pour la branche vieillesse. Cette année, nous avons proposé un dispositif très progressif, prévoyant notamment la réunion d’une conférence de financement chargée de formuler des propositions autour des différents paramètres de calcul des pensions.

Selon les dernières estimations du Conseil d’orientation des retraites, la fin du déficit s’éloigne encore pour notre système des retraites. Il ne devrait pas revenir à l’équilibre avant le milieu des années 2030, dans l’hypothèse la plus favorable.

Est-ce vouloir punir nos concitoyens que de constater que, par rapport au début des années 1980, l’espérance de vie des Français a progressé de sept années, alors que leur âge de départ à la retraite est avancé de trois ans, voire de quatre ou cinq ans pour ceux qui bénéficient d’un départ anticipé ?

C’est pourquoi il nous semble que, sur l’exemple des régimes complémentaires, avec souplesse et pragmatisme, il faudra adapter les paramètres qui régissent aujourd’hui les conditions de départ à la retraite.

Mes chers collègues, si des mesures paramétriques ne sont pas prises dans un avenir proche, les retraités d’aujourd’hui verront leur pension baisser et les futurs retraités auront des retraites beaucoup plus faibles. La paupérisation des retraités, nous n’en voulons pas ! Nous pensons que les Français sont prêts à entendre un discours de vérité.

Concernant la branche maladie, les constats ne sont pas plus encourageants : le déficit de 33,7 milliards d’euros est historique ; le prévisionnel pour 2021, estimé à 23,7 milliards, ne nous invitent pas à l’optimisme. Ce déficit record est bien sûr en partie lié à la pandémie et aux conséquences budgétaires du Ségur de la santé, auquel les professions libérales ont eu le sentiment de ne pas être assez associées.

À ce titre, les médecins libéraux ont formulé le constat d’un PLFSS centré sur la crise de l’hôpital et non sur la médecine de ville. Afin de répondre en partie au mécontentement de ces acteurs essentiels du monde de la santé, qui sont, je le regrette, parfois sortis du radar du ministère, le Sénat avait voté l’avancement de la convention médicale à mars 2022, au lieu de mars 2023, comme prévu initialement dans le texte. Malheureusement, vous n’avez pas jugé pertinent de trouver une solution de compromis et ainsi d’apaiser les légitimes inquiétudes formulées ces derniers mois.

Le domaine hospitalier n’est pas en reste, puisque ce texte contient deux mesures qui vont à l’encontre de l’esprit initial de l’assurance maladie : premièrement, le financement du volet hospitalier du plan de relance par l’assurance maladie, alors que cela devrait relever de la mission « Plan de relance » dédiée au sein du budget général ; deuxièmement, et c’est un sujet qui fâche, la reprise de la dette des établissements de santé assurant le service public hospitalier, qui devrait non pas alourdir les déficits sociaux, mais plutôt se faire par le biais de crédits budgétaires.

J’attire particulièrement votre attention sur ce dernier point, qui est, en partie, la cause de l’échec de la commission mixte paritaire. En effet, nous étions prêts à faire de nombreuses concessions si des garanties avaient été présentées concernant la reprise de la dette hospitalière. Je le répète une nouvelle fois : l’assurance maladie, via la Cades, n’a pas vocation à se substituer à l’État concernant la gestion financière des hôpitaux. Ce n’était pas le cas en 1945 lors de la création de l’assurance maladie ; ce ne doit pas non plus être le cas en 2020.

Sur la forme, comme notre collègue Bernard Jomier l’a rappelé, nous sommes face à une méthode entièrement verticale et profondément contraire à l’esprit du débat parlementaire.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, ce PLFSS 2021 nous laisse un sentiment de rendez-vous manqué avec les acteurs de la santé et avec la santé des acteurs du quotidien. Nous regrettons l’absence de cap, de vision, de cohérence dans l’ensemble de ces mesures.

De la même façon, mais n’y voyez pas une attaque personnelle, nous regrettons l’absence du ministre de la santé, dont l’assiduité a été inversement proportionnelle au creusement du déficit de la sécurité sociale. (Applaudissements sur de nombreuses travées à droite comme à gauche.)

Parfois généreux avec le secondaire, souvent avares avec l’essentiel, vous avez manqué de recul face à une situation inédite et dramatique, qui laissera des traces indélébiles dans notre société et sur notre économie.

Certaines mesures votées dans le cadre de ce texte doivent nous interroger sur la définition même d’une loi de financement de la sécurité sociale.

Vous auriez pu vous appuyer sur la sagesse du Sénat, mais vous ne l’avez pas fait.

Vous auriez pu être ambitieux sur de nombreuses mesures, en rappelant aux Français que ces avancées ont un coût important et qu’elles nécessitent une contrepartie de leur part, mais vous ne l’avez pas fait.

Vous préférez vous satisfaire de quelques totems obtenus aux dépens des générations futures, qui devront payer une addition plutôt salée.

Nous comprenons la gravité de la situation actuelle et des choix cornéliens que vous avez dû faire ces derniers mois, et que vous continuerez à faire tant que cette pandémie ne sera pas endiguée. À cet égard, le Sénat a toujours fait le choix de la modération et du dialogue. Nous vous avons donné les moyens de lutter contre les effets de la pandémie.

C’est pourquoi, dans un souci d’intérêt général, je vous demande, pour l’avenir, d’être plus attentifs à la voix du Sénat, qui, je le sais, apporte sagesse et hauteur de vue dans le débat public.

Cependant, pour toutes les raisons évoquées précédemment, et parce que la reprise de la dette hospitalière par la Cades est un point non négociable, le groupe Les Républicains votera la motion tendant à opposer la question préalable proposée par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme le président. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Henno. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à saluer l’excellent travail de nos collègues, de notre rapporteur général, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, et des rapporteurs spéciaux, sans oublier Mme la présidente de la commission des affaires sociales, qui a animé nos débats.

Sur la base de ce travail, nous avons adopté de nombreux amendements, issus tant du banc de la commission que de toutes les travées de notre hémicycle, afin d’enrichir ce texte.

Néanmoins, les années passent et, malheureusement, se ressemblent. Certes, le Gouvernement n’assiste pas aux commissions mixtes paritaires, mais je me souviens des mots que M. le Premier ministre a prononcés le 16 juillet dernier devant le Sénat : « Si j’ai tenu à présenter la politique de mon gouvernement devant le Sénat, c’est avant tout pour marquer mon attachement personnel, peut-être familial aussi, au bicamérisme et à l’équilibre démocratique qu’il garantit. Devant vous, comme hier devant l’Assemblée nationale, je veux témoigner de mon profond attachement à notre système représentatif. »

Alors, madame la ministre, si l’échec d’une commission mixte paritaire ne constitue pas, à l’évidence, une atteinte au bicamérisme, il n’en demeure pas moins que la régularité de l’échec de cet exercice sur les PLFSS, année après année, ne témoigne pas d’une grande attention portée par le Gouvernement et ses services aux propositions du Sénat.

Comme Jean-Marie Vanlerenberghe l’a rappelé, les représentants du Sénat à la commission mixte paritaire avaient la volonté de mener des négociations conclusives. Visiblement, comme nous en avons discuté en commission des affaires sociales, cette bonne volonté n’était pas réciproque. Ce n’est pas forcément nouveau dans la Ve République, mais ce n’est pas une raison pour s’en satisfaire.

Je souhaite encore, madame la ministre, adresser une remarque au Gouvernement. Tout au long de nos débats, peut-être encore plus fortement que d’habitude, nous avons trop souvent eu le sentiment que, lorsque le Gouvernement est au banc, il n’y a déjà plus de marge de manœuvre : la réponse est écrite, elle est arbitrée et les débats ne se font malheureusement qu’entre sénateurs. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, RDSE, GEST et SER.)

Peut-être est-ce la véritable raison de l’absence de M. le ministre des solidarités et de la santé. Pardonnez-moi, madame la ministre, mais c’est dommage ! (Mêmes mouvements.)

M. le rapporteur général a déjà dressé le bilan des modifications apportées par le Sénat et reprises, ou non, par l’Assemblée nationale, j’en viens plus particulièrement au sort des amendements que nous avions adoptés sur l’initiative de notre groupe. On n’est jamais mieux servi que par soi-même ! Je serai quelque peu didactique et citerai certains de nos collègues.

Je pense d’abord aux services à la personne. Notre collègue Françoise Gatel avait fait adopter deux amendements dans ce domaine. Le premier, un amendement de précision, avait pour objet la notion de « domicile à usage privatif », qui n’est pas définie en droit de la sécurité sociale, ce qui a amené certaines Urssaf à rejeter les demandes d’exonération de certaines catégories d’établissements, au motif qu’il ne s’agirait pas « strictement » d’un domicile privatif. Cette disposition n’a pas été reprise !

Je pense aussi aux exonérations de charges patronales pour l’emploi des travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi agricoles (TO-DE), qui ont été évoquées par plusieurs de nos collègues. Françoise Férat avait fait adopter un amendement visant à rétablir le plafond de 1,25 SMIC. Cette disposition n’a pas été reprise !

Je pense bien sûr à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Nombre de nos collègues, parmi lesquels Hervé Maurey et Pascal Martin, Jocelyne Guidez, Alain Duffourg, Nadia Sollogoub, Annick Jacquemet, ou encore Jean-Pierre Moga, avaient fait adopter la suppression de la part salariale de la surcotisation versée par les sapeurs-pompiers à cette caisse. Cette disposition n’a pas été reprise ; c’est incompréhensible !

Il faut encore noter que Jocelyne Guidez avait fait adopter un amendement visant à renforcer la démocratie médico-sociale dans le fonctionnement de la CNSA.

Je pense évidemment aux cotisations sur la carte de service des salariés des transports publics. Avec certains de mes collègues, j’avais proposé d’éclaircir une situation ubuesque qui fait que seuls ces salariés sont assujettis à des cotisations, à hauteur de 100 % du montant de l’abonnement du réseau sur lequel ils travaillent, alors que chaque salarié en France peut se faire rembourser par son employeur, au titre du chèque transport, au moins la moitié de cet abonnement.

Je pense également à la lutte contre la fraude : notre collègue Nathalie Goulet, mais aussi M. le rapporteur général ont fait adopter plusieurs amendements importants. L’un d’entre eux visait notamment à dupliquer dans le champ social une expérimentation adoptée l’an dernier, sur l’initiative du Gouvernement, en loi de finances.

Je pense aux dispositifs médicaux. J’avais fait adopter, avec mes collègues, une disposition permettant de soutenir ce secteur. Sans remettre en cause le principe de régulation de ce secteur, nous constations que les dispositifs médicaux se voient appliquer une clause de sauvegarde inadaptée aux spécificités du secteur. En particulier, nous proposions de sanctuariser les dispositifs les plus innovants, qui représentent en valeur à peine 1 % des montants remboursés. Cette disposition n’a pas été reprise !

Je pense encore aux maisons de naissance et aux sages-femmes. Notre collègue Élisabeth Doineau avait fait adopter deux amendements relatifs aux maisons de naissance. Le premier visait à renforcer l’autonomie des sages-femmes dans les domaines médicaux, administratifs et financiers lorsqu’elles exercent dans une maison de naissance ; le second, à comptabiliser l’activité des maisons de naissance avec celle de leur structure partenaire.

Concernant les services d’urgence, notre collègue Michel Canevet avait fait adopter un amendement visant à mettre en œuvre une expérimentation permettant d’améliorer la régulation des patients au sein de ces services, un nombre important de passages pouvant être redirigés vers la médecine de ville. Cette disposition n’a pas été reprise !

Je conclurai cette énumération avec l’avantage supplémentaire maternité. Notre assemblée a voté en faveur de l’extension de cet avantage aux chirurgiens-dentistes, aux sages-femmes, ou encore aux auxiliaires médicaux interrompant leur activité médicale pour cause de maternité ou de paternité. Cet avantage ne bénéficie actuellement qu’aux médecins conventionnés.

Madame la ministre, mes chers collègues, vous comprendrez le regret des sénateurs de l’Union Centriste : parce que les dés étaient pipés d’avance, nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable qui sera présentée dans quelques instants. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et au banc de la commission, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)