M. le président. La parole est à M. Patrice Joly.

M. Patrice Joly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec une contribution annuelle de la France passant de 21,5 milliards d’euros à 26,9 milliards d’euros, nous sommes à un tournant dans l’effort financier de notre pays au budget de l’Union européenne.

Plusieurs raisons expliquent cette forte augmentation : d’abord, le ressaut de la consommation des crédits en dernière année du cadre financier 2014-2020, selon un classique effet de rattrapage ; ensuite, la compensation du départ du Royaume-Uni, qui représente pour la France 2,7 milliards d’euros ; enfin, les conséquences de la crise économique liée à la pandémie, pour 1,6 milliard d’euros.

En parallèle, nous nous trouvons à un tournant s’agissant du budget européen lui-même, avec le plan de relance européen, d’un montant de 750 milliards d’euros pour les trois années à venir, financé essentiellement par emprunt sur les marchés financiers.

D’une part, au regard des problématiques du financement de ce plan, on ne peut que s’étonner que les négociations du Conseil européen n’aient pas sonné le glas des rabais sur la contribution au budget européen. Ceux-ci permettent à certains pays de payer moins qu’ils ne devraient. Bien au contraire, pour satisfaire aux exigences des pays dits frugaux, qui – je le rappelle – ne représentent que 10 % de la population européenne, le Président de la République et la chancelière allemande ont accepté que ces rabais soient maintenus pour l’Allemagne et même fortement augmentés pour le Danemark, les Pays-Bas, l’Autriche et la Suède. Quel mauvais signal pour la solidarité en Europe, d’autant qu’il s’agit des pays les plus riches !

D’autre part, nous arrivons clairement aux limites d’un système : la question des ressources propres devient pressante pour permettre à l’Europe d’affronter les défis qui sont devant elle et assurer le remboursement de l’emprunt européen, principale source de financement du plan de relance. Il est désormais nécessaire de bâtir une véritable fiscalité européenne ! C’est aussi un enjeu de souveraineté.

Pourquoi ne pas mettre en œuvre immédiatement la taxation des géants du net qui ne paient pas d’impôt en Europe alors qu’ils réalisent la majeure partie de leurs profits sur le territoire européen ? Pourquoi pas une taxe sur les transactions financières, qui permettrait aussi de protéger notre système financier ? Ou une taxe carbone à nos frontières communes pour protéger nos productions ? Certes, les chefs d’État et de gouvernement s’y sont engagés lors du Conseil européen du 21 juillet dernier. Mais nous avons besoin de gages sur la rapidité de mise en œuvre.

À ce sujet, nous aurons l’occasion de relayer nos attentes et celles du Parlement européen prochainement, lorsque nous délibérerons pour autoriser la Commission européenne à emprunter au nom de l’Union européenne. Monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez compter sur nous : nous serons au rendez-vous ! Mais il vous appartient aussi d’agir de votre côté lors du prochain Conseil européen.

Cela étant, l’accord obtenu la semaine dernière sur le futur cadre financier pluriannuel est le bienvenu. Nous saluons tout particulièrement le Parlement européen, qui a su trouver la voie pour obtenir un rééquilibrage du financement de programmes européens alors que le compromis entre les États membres avait été annoncé comme bouclé.

Je me félicite spécialement des avancées obtenues par mes collègues sociaux-démocrates du Parlement européen, qui ont pesé de tout leur poids pour rééquilibrer ce compromis en faveur des priorités de nos concitoyens : la santé, le climat, la jeunesse et la culture.

Pourtant, des inquiétudes et des interrogations demeurent.

Les États membres ont procédé à des coupes massives dans tous les programmes européens stratégiques, dans le cadre du budget européen comme du plan de relance adossé. Les exemples ne manquent malheureusement pas, dans le domaine de l’industrie, avec la suppression de l’instrument de solvabilité destiné aux entreprises fragilisées pour leur permettre de se relever et éviter leur rachat par des concurrents de pays tiers, ou dans les domaines de la recherche et de l’innovation, de la santé et de l’environnement.

Même une part du programme InvestEU, pourtant destiné à attirer les investissements privés traditionnels sur garantie publique européenne en direction des infrastructures dites durables et de la numérisation, de la santé, des PME et du secteur social, a été finalement supprimée par les États membres le 4 novembre dernier.

Comment ne pas évoquer aussi la ruralité, alors que les crédits pour le développement rural sont en forte régression ? C’est ne pas comprendre que la relance de l’Europe passe aussi par ces territoires, qui disposent d’un potentiel pour répondre aux défis auxquels nous sommes confrontés en termes d’environnement, de santé et d’économie, entre autres.

De même, nous devons rester vigilants sur la progression de l’enveloppe consacrée à la politique agricole commune, qui, malgré le maintien de ses crédits, un moment menacés, ne satisfait complètement ni les agriculteurs, ni les organisations environnementales, ni les citoyens.

Par ailleurs, nous devons continuer à lutter contre la sous-exécution chronique des crédits de cohésion. Elle représente près de deux années budgétaires de l’Union européenne ! La Cour des comptes européenne s’en est même inquiétée.

Notre vigilance doit porter également sur l’articulation complexe des huit fonds de cohésion, dont les financements constituent potentiellement une contribution réelle à la relance de l’économie européenne, à la solidarité et à la cohésion sociale. Ces fonds seront mis à la disposition des États membres au plus tôt au mois de juillet prochain, ce qui les obligera à alourdir leur déficit entre-temps.

Il faut aussi s’inquiéter de la prise en otage par la Pologne et la Hongrie, rejointes par la Slovénie, de la finalisation des accords sur le cadre financier pluriannuel et le plan de relance européens. Il est essentiel et urgent de désamorcer leur veto, lié à la conditionnalité de l’accès aux fonds européens à l’État de droit, afin de combler le retard déjà pris pour la mise en œuvre du plan de relance.

Sous ces réserves, nous voterons l’article 31, relatif au prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne. Il est urgent que les négociations financières s’achèvent, pour permettre à l’Europe de relever les défis des prochaines années ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la participation de la France au budget de l’Union européenne pour l’année 2021 est particulière à plusieurs égards.

D’abord, nous faisons face depuis le mois de mars dernier à une crise sanitaire et économique d’une violence inouïe. Les pays européens adaptent sans cesse leurs mesures pour enrayer cette crise et protéger les citoyens européens des conséquences de la pandémie. L’Union européenne mobilise des moyens importants, notamment financiers et économiques. Je pense bien sûr à la première émission de dette commune par la Commission européenne au nom de l’Union européenne, à hauteur de 750 milliards d’euros. Celle-ci s’inscrit dans le budget de long terme de l’Union européenne.

Ensuite, l’année 2021 sera le premier exercice du nouveau budget de long terme, le cadre financier pluriannuel 2021-2027. Les discussions sont en cours depuis 2018, et la crise sanitaire n’a pas simplifié les négociations.

Lors de l’examen de la participation de la France au budget de l’Union européenne de l’an dernier, nous avions déjà alerté sur la complexité de trouver un accord équilibré, puissant et adapté aux objectifs nouveaux et historiques de l’Union européenne.

Cette année, je déplore que le CFP soit pris en otage par le veto de la Hongrie et de la Pologne, rejointes par la Slovénie. L’unanimité nécessaire est mise à l’épreuve du respect de l’État de droit comme condition du versement des fonds européens. C’est inadmissible !

Monsieur le secrétaire d’État, je ne doute pas de l’énergie que vous déployez sur ce dossier. Je vous renouvelle notre confiance pour arriver le plus rapidement possible à une solution respectueuse de nos valeurs européennes.

Cependant, nous ne pouvons écarter ni l’éventualité que rien ne soit résolu avant la fin de l’année ni les menaces sur l’impossibilité d’adopter un budget européen pour 2021. Il faudrait alors se résigner à recourir au système dit des douzièmes provisoires.

Trop d’incertitudes planent encore à l’heure où nous décidons de notre contribution. Quelle incidence prévoir sur le montant de cette dernière, qui a déjà augmenté de plusieurs milliards d’euros par rapport à 2020 ? La contribution des États membres n’étant pas la seule source budgétaire de l’Union européenne, quel effet aura la crise sur les autres recettes et sur l’exécution de la contribution française pour 2021, alors que la pandémie se poursuit ?

Bien entendu, la crise à laquelle nous faisons face et les effets du Brexit nous demandent des efforts supplémentaires, auxquels nous sommes prêts. Mais nous sommes aussi conscients de l’exercice d’équilibriste que nous pratiquons.

Pour illustrer mon propos, permettez-moi d’évoquer le plan de relance français, de 100 milliards d’euros, dont 40 % devraient être financés par l’instrument de relance européen, qui ne sera adopté qu’avec le cadre financier pluriannuel. Ces 40 milliards d’euros espérés ne seront évidemment pas automatiques, mais conditionnés au plan national de relance et de résilience que la France présentera à la Commission européenne, chargée de son évaluation.

Monsieur le secrétaire d’État, malgré la rétroactivité du plan de relance européen et l’assurance que vous nous avez apportée hier, lors des questions d’actualité au Gouvernement, quant à l’absence de conséquences des blocages actuels, nous resterons attentifs.

Enfin, les ressources propres – ce dossier a été, lui aussi, affecté par la crise – font partie de la relance, surtout de son remboursement, dès 2028.

Mes chers collègues, si nous voulons répondre à la crise, effectuer notre transition écologique, engager notre évolution numérique, sécuriser nos frontières et notre territoire et prendre notre place dans les affaires du monde, nous avons besoin d’Europe et d’un budget solide. C’est pourquoi j’appelle à une utilisation juste, claire et efficace du budget européen, que ce soit pour l’année prochaine, pour la relance ou à long terme.

Malgré les incertitudes et les limites que j’ai soulevées, le groupe Les Indépendants votera l’article 31. (M. André Gattolin applaudit.)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Jacques Fernique. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, rappelons-nous un instant où nous en étions encore tout récemment : avec le Brexit, au plus fort de la crise sanitaire, on a pu penser que c’était fichu, que la désunion européenne était engagée. Mesurons à cette aune le chemin parcouru ces derniers mois, qui ont été intenses pour les acteurs du projet européen.

Aujourd’hui, nous sommes face à une nouvelle donne : accroissement possible de la solidarité européenne ; affichage clair d’un large effort de relance ; et, je l’espère, concrétisation, impérieuse, de nos engagements climatiques.

Le prélèvement sur recettes que nous examinons pourrait passer pour la validation d’un simple chiffre, une information annuelle au Parlement sur l’estimation du montant dû par notre pays. L’article 31, c’est sobre, sec et précis : trois lignes pour 26,9 milliards d’euros. Pour nous, c’est un petit bout de soirée de débat.

Or je crois que c’est bien plus que cela. Cette année, ce prélèvement est éloquent. Il concrétise l’accroissement de la solidarité européenne et la feuille de route de l’Union européenne pour relancer ses économies et réaliser l’indispensable transition écologique.

Ne débordons pas d’optimisme pour autant : on a avancé, mais ce n’est pas gagné. Les forces de fragmentation, les replis à courte vue font et feront encore des dégâts. Les mécanismes unanimitaires et les conditions de négociation interinstitutionnelle facilitent, on le sait, les blocages et les chantages.

Les dirigeants actuels de la Hongrie, de la Pologne et de la Slovénie risquent fort de nous ramener à la vieille recette des compromis paralysants. La frugalité dont se targuent certains est une façon élégante de désigner une pingrerie totalement inopportune face à l’importance des enjeux. Et que dire de ces fameux rabais des années 1980, qui survivent à leur disparition formelle, maintes fois annoncée ? Le prix à payer pour cet accord à vingt-sept n’est pas toujours bien reluisant, et l’intérêt budgétaire de la France a dû y laisser quelques plumes.

Monsieur le secrétaire d’État, ne cédez pas plus, ne cédez pas trop ; ne perdons pas l’essentiel dans cette phase délicate. Un accord prometteur a été trouvé avec le Parlement européen : il s’agit de tenir pour que ces promesses se concrétisent. Tenir, c’est avancer résolument sur les ressources propres : calendrier rapide à respecter et niveaux visés à maintenir.

Le choix de l’endettement commun est celui d’un dessein partagé. C’est aussi l’obligation collective de dégager des ressources nouvelles et de modifier rapidement la donne budgétaire d’une Union européenne, où, soixante-trois ans après le traité de Rome, chacun pour soi fait encore le solde de ce qu’il verse et ce qu’il récupère, dans un calcul toujours faussé.

Le chantier des ressources propres, c’est la seule et la bonne manière de casser ces logiques de copropriétaires crispés, « assis, genoux aux dents », comme dans le poème de Rimbaud !

Ces ressources propres seraient inopérantes si elles devaient être instaurées au rabais. Si la taxe plastique qui vient d’être mise en place est positive, elle n’est pas pour autant le modèle précurseur. D’ailleurs, il s’agit non pas d’une taxe, mais une nouvelle modalité de calcul des contributions nationales.

Nous avons besoin de passer à tout autre chose : mécanisme carbone aux frontières, taxe sur les géants du numérique. Autant de leviers qui doivent faire bouger sérieusement les lignes des transitions nécessaires ! Il s’agit de faire en sorte que ceux qui tirent le plus de profits du marché européen contribuent à leur juste part à la chose publique et au bien commun. En clair, une taxe sur les transactions financières doit viser cinquante milliards d’euros à soixante milliards d’euros, pas six ou sept !

Les ressources propres peuvent être des moyens d’hâter la transition écologique et d’entraîner nos partenaires extérieurs dans ce mouvement. C’est la même logique qui doit de plus en plus présider à nos relations commerciales et aux accords commerciaux. Les accords de libre-échange sont désastreux s’ils ne s’inscrivent pas dans le respect des objectifs climatiques et de la trajectoire de l’accord de Paris !

Vous l’avez compris, le groupe écologiste votera cette contribution à l’effort européen. Vous pouvez compter sur son exigence pour que cette feuille de route, à la hauteur de la volonté du Parlement européen, tienne effectivement ses promesses ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE. – M. André Gattolin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette nuit, j’ai fait un rêve : un mauvais, un très mauvais rêve. (Exclamations.) En soi, il n’y a rien de très original à faire des cauchemars : l’insomnie et le sommeil perturbé sont malheureusement, en cette période de peurs et d’incertitudes, le lot de millions de nos concitoyens.

Je n’aurais pas de raison d’évoquer ici mon cauchemar s’il ne se rapportait pas à l’avenir de l’Europe. Nous connaissons tous la mécanique des rêves : un mélange de craintes, d’éléments réels et de fantasmes refoulés en journée, qu’agrège soudainement notre inconscient dans l’onirisme des ombres de la nuit.

Dans mon cauchemar, la paisible galaxie Europe était soudainement percutée par un astre noir, une terrible pandémie portée par un virus inconnu déferlant sur tout notre continent, et bien au-delà. Une panique des populations attisée par de piètres prophètes de France et de Hollande, cet autre pays des faux mages (Exclamations.),…

M. Philippe Dallier. Quel poète !

M. André Gattolin. … conduisait notre pays à fermer ses frontières et à choisir de quitter l’Union européenne, le tout accompagné de surréelles scènes de « Frexiters » en liesse, sortis dans les rues un verre à la main pour célébrer la fin du diktat de Bruxelles et de la BCE.

La France éternelle reprenait ainsi le contrôle de son destin, de même temps que des dizaines de milliards d’euros versés annuellement à la Commission européenne, moyens qui seraient désormais naturellement alloués à notre système de santé, qui, tel un chevalier blanc, terrasserait le dragon. (Exclamations.)

Cauchemar dans mon cauchemar : mon cerveau implosait en se demandant comment, à leur réveil, j’expliquerais à mes enfants qu’on venait d’assassiner leur avenir ; comment leur père, en quarante ans d’engagement européen, n’avait rien vu venir ; comment, en tant que parlementaire, il n’avait rien pu faire pour empêcher cela.

Mon réveil en sursaut mit heureusement fin à cette ignominie.

Après le choc, j’en revins donc aux affaires courantes et je m’attelai à la préparation de cette intervention. Que du bonheur, du moins, de la facilité, puisque voilà dix ans que je m’adonne tous les ans à cet exercice un brin répétitif ! Un simple copié-collé de mon discours de l’an passé aurait presque pu suffire. L’intitulé de l’article reste le même ; seul le montant final varie un peu. Trente-quatre mots pour une somme coquette, qui fait de cet article, au prorata du moins, le plus cher de toute la loi de finances ! (M. Philippe Dallier sesclaffe.)

Toutefois, une différence de taille distingue cet article de celui de l’an passé : une inflation de 25 % de notre contribution par rapport à la loi de finances initiale pour 2020. Autre différence, certes plus accessoire : une déflation de 33 % du temps de parole qui m’est accordé pour en parler ! (Sourires.)

Les raisons de cette augmentation de 5,9 milliards d’euros par rapport au montant exécuté en 2019 ont déjà été explicitées par les orateurs qui m’ont précédé. Je n’y reviens pas.

Reste que la somme est coquette et que ces nouvelles « poignées d’amour », certes séduisantes, touchent à notre portefeuille. Il est bon d’en avoir une pédagogie augmentée auprès de nos concitoyens, afin d’éviter les chimères malveillantes qui pourraient en résulter.

Monsieur le secrétaire d’État, dans la période très difficile que nous et nos partenaires européens traversons, il est important de clamer haut et fort qu’on ne saurait rallumer les étoiles d’un drapeau européen un peu flétri avec de simples bouts de chandelles. Il est important de dire et de redire tous les bénéfices que notre pays tire de son appartenance à l’Union européenne, de manière directe ou indirecte, le plus souvent invisible, notamment au regard d’une comptabilité budgétaire qui ne rend pas compte des retours et externalités positives.

Monsieur le secrétaire d’État, voilà des années que je réclame en vain à vos prédécesseurs un rapport annuel détaillant tous les apports économiques de l’Europe à la France. Ce travail devient urgent ! C’est parce que les gouvernements successifs du Royaume-Uni ont refusé de l’entreprendre qu’ils ont ouvert la voie aux discours ayant conduit au Brexit.

L’Europe a certes des défauts, mais ce n’est pas en rendant imperceptibles ses qualités que nous en préserverons l’avenir ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – M. Jean-Raymond Hugonet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, crise sanitaire, Brexit, nouveau cadre financier pluriannuel : l’Union européenne est à la croisée des chemins, et dans des conditions difficiles. Reconnaissons qu’elle a choisi le cap de la solidarité.

L’accord politique du mois de juillet dernier sur l’instrument de relance adossé au CFP est une étape majeure de l’intégration européenne, tout comme celle de l’amorce, la semaine dernière, d’une entente sur de nouvelles ressources propres. Le RDSE approuve pleinement cette évolution.

Pour la France, avec un prélèvement européen en hausse de 25 % par rapport à 2020, l’article 31 traduit l’Europe que nous pouvons. En effet, l’effort financier de 26,9 milliards d’euros fait de la France l’un des premiers contributeurs nets. Compte tenu de ce niveau d’engagement, celui-ci doit aussi se traduire par l’Europe que nous voulons.

Quelles doivent être nos priorités aujourd’hui ?

Vous ne serez pas étonnés que notre groupe soit favorable à la recherche d’un équilibre entre politiques dites « traditionnelles » et nouvelles priorités. Nous nous réjouissons que la copie de 2018 de la Commission sur le budget de la PAC ait été revue à la hausse sur proposition du Conseil, avec 19,6 milliards d’euros supplémentaires. À l’époque, la diminution des moyens consacrés à l’agriculture était un sujet majeur d’inquiétude.

L’Union européenne et, au sein de celle-ci, la France portent des ambitions pour notre agriculture qu’il faut concrétiser rapidement. Il ne s’agit pas seulement de protéger nos agriculteurs, soumis à une concurrence économique croissante. Il faut aussi s’atteler encore davantage à l’urgence climatique ; les exploitants y sont partie prenante. Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler ici, lors du débat à la suite du dernier Conseil européen, la proposition d’écorégime va dans le bon sens. Ce dispositif fait écho au Pacte vert pour l’Europe. Les agriculteurs qui s’engagent dans la transition écologique doivent être soutenus en priorité.

Le volet environnemental ne doit pas occulter toutes les autres problématiques. Et elles sont nombreuses : revenus, compétitivité, filières, transmission… Monsieur le secrétaire d’État, chaque État doit remettre un plan national stratégique de la PAC en début d’année prochaine. Où en sommes-nous ?

J’en viens aux nouvelles priorités. Je saluerai en particulier l’ébauche d’une Europe de la santé, bien que la dotation de 3,4 milliards d’euros du CFP soit en retrait par rapport à 2018, y compris en tenant compte de la rallonge obtenue le 10 novembre dernier grâce à l’initiative du Parlement européen.

Par ailleurs, les échéances me paraissent bien lointaines. La Commission veut muscler la gestion des crises sanitaires – mais seulement en 2023… –, avec la création de l’Autorité pour la réaction aux urgences sanitaires.

Au regard de ce que nous venons de vivre avec la covid, l’urgence serait de ne pas trop tarder, en particulier sur la mise en œuvre d’une stratégie de souveraineté médicale. L’Europe ne produit plus de paracétamol. Est-ce bien raisonnable ?

Enfin, les attentes sont nombreuses à l’égard de l’instrument de relance de 750 milliards d’euros. Je ne reviendrai pas sur le fond, si ce n’est pour regretter le rétrécissement de la part de subventions au profit des prêts. Certes, c’est le fruit d’un compromis avec les pays dits « frugaux ». Mais, pour la suite, gardons le cap de la solidarité, qui donne à l’Union européenne tout son sens.

Le sens de l’Europe, c’est aussi le respect des valeurs démocratiques en son sein. À cet égard, quelle serait la réponse à l’attitude de blocage, pour ne pas dire de chantage, de la Pologne, de la Hongrie et, désormais, de la Slovénie si celle-ci devait persister ? Espérons que ces trois pays reviennent à la raison et qu’un voile ne soit pas jeté sur le respect de l’État de droit, condition forte à l’adhésion communautaire.

En attendant, le RDSE, fidèle à son engagement européen, approuvera l’article 31 du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise sanitaire en cours et le plan de relance consécutif, le Brexit et ses répercussions, bien tangibles sur le budget commun à venir, conjugués à la détermination en cours du cadre financier pluriannuel de l’Union pour les sept prochaines années confèrent à l’examen de ce budget annuel une importance toute particulière.

Ce contexte explique de fait la croissance du budget européen pour 2021, et mécaniquement, celle de la part de la contribution de la France. Le budget prévu au titre de la participation de la France au budget européen s’élève à 26,9 milliards d’euros, soit une hausse de 5,9 milliards d’euros par rapport à 2019 et de 3,5 milliards d’euros par rapport à la prévision revue de 2020. Cela représente environ 7,1 % des dépenses pour notre pays.

À ce budget, nous ne pouvons que donner notre blanc-seing, puisque la marge de manœuvre de notre parlement est infiniment faible, voire inexistante, sans parler de l’enrobage très consensuel que le Gouvernement nous propose, alors que rien n’est encore entériné, les États membres peinant à s’harmoniser sur les conclusions de cet accord, de surcroît mis à l’arrêt par la Hongrie et la Pologne ce lundi pour des questions de respect de l’État de droit.

Mais surtout, mes chers collègues, laissez-moi vous dire que ce plan de relance n’a rien d’historique. En effet, en tant que contributrice nette, la France devrait, certes, recevoir 40 milliards d’euros immédiatement, mais, dès 2028, elle devra rembourser 75 milliards d’euros sur trente ans. Jamais nous n’aurons autant contribué au budget de l’Union européenne, et jamais nous n’aurons reçu aussi peu.

Pourquoi pas, me direz-vous, puisque nous prônons l’Europe de la solidarité ? Certes, mais l’Europe de la solidarité ne doit pas être l’apanage de quelques États membres, quand d’autres, plutôt partisans d’une Europe des concurrences nationales, bénéficient de rabais exponentiels tout en continuant d’abriter de grands groupes adeptes du dumping social et fiscal.

Ainsi, l’Europe de l’argent persiste et signe. Pourtant, des solutions de financement pour avancer vers une union européenne en commun et solidaire existent. J’en mentionnerai au moins deux importantes.

La première consisterait à s’appuyer sur l’immense pouvoir de refinancement de la Banque centrale européenne, seul acteur à même de redonner aux États une marge de manœuvre budgétaire plus que jamais nécessaire aujourd’hui. À la fin du mois de septembre dernier, la BCE ne détenait pas moins de 2 550 milliards d’euros de dettes des États membres, dont un quart de la dette française.

Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement s’honorerait à travailler à la tenue d’une conférence européenne sur la dette, afin d’en annuler une partie et de restructurer l’autre.

Par ailleurs, au terme de l’accord de juillet, une seule et unique ressource propre a été créée – la contribution assise sur la part d’emballages plastiques non recyclés –, la mise en œuvre progressive de plusieurs autres ressources propres étant prévue… Cela est bien timide, trop timide, et plus que décevant eu égard à la création de la ressource propre qui permettrait à elle seule de financer le plan de relance – beaucoup de collègues l’ont évoquée –, à savoir la taxe sur les transactions financières.

Le projet de directive visant à introduire la taxe sur la spéculation est pourtant sur la table depuis 2013. Vendredi dernier, le 13 novembre, le Parlement a encore exprimé cette demande dans une résolution sur le financement du green deal votée par 68 % des députés. Selon une estimation de la Commission européenne, cette taxe rapporterait 81 milliards d’euros par an – entre 50 milliards d’euros et 60 milliards d’euros sans le Royaume-Uni, où la finance fait florès – si on ne la fixait qu’au taux de 0,1 % sur chaque transaction financière. Le rapporteur général du budget européen, Pierre Larrouturou, s’est évertué à le faire entendre avec sa grève de la faim, achevée voilà quelques jours seulement.

La Commission européenne est appelée à réfléchir sur la mise en place de cette taxe par le Conseil de l’Union, afin, paraît-il, « de mettre des grains de sable dans les rouages du capitalisme financier et de ses excès ».

Nous vivons une crise sanitaire économique sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Tout est à rebâtir, et les rouages du capitalisme financier sont trop bien huilés, trop bien gardés pour être empêchés par quelques grains de sable. Il faut s’en prendre au mécanisme même et à ceux qui l’activent. Ils sont nombreux et puissants. C’est pourquoi la réponse doit être considérable et intraitable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Patrice Joly applaudit également.)