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Candidatures à la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne

Mme le président. L’ordre du jour appelle la nomination des membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne.

Conformément aux articles 8 et 103 bis du règlement, la liste des candidats remise par les bureaux des groupes et le délégué des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe sera publiée dans quelques instants.

Cette liste sera ratifiée s’il n’y a pas d’opposition dans le délai d’une heure suivant cette publication.

6

Candidatures à deux commissions

Mme le président. Le délégué des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe a transmis les noms de sénateurs pour siéger au sein de deux commissions permanentes.

Conformément à l’article 8 du règlement, ces candidatures ont été publiées.

Elles seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure.

7

Candidatures à une commission mixte paritaire

Mme le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

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Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée »
Discussion générale (suite)

Inclusion dans l’emploi par l’activité économique

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » (proposition n° 710 [2019-2020], texte de la commission n° 18, rapport n° 17).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée »
Article 1er

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de lemploi et de linsertion. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui témoigne de la volonté du Gouvernement d’agir en faveur de l’emploi pour tous.

Pour que la relance de notre économie soit la plus inclusive possible, les solutions d’accès à l’emploi doivent être déployées au cœur des territoires.

Après l’unanimité obtenue à l’Assemblée nationale, c’est désormais à votre assemblée, celle des territoires, de se prononcer. Je salue l’enrichissement du texte par la commission des affaires sociales du Sénat, et tout particulièrement le travail de Mme la rapporteure Frédérique Puissat. J’en profite pour féliciter Mme Catherine Deroche pour sa récente élection comme présidente de la commission des affaires sociales.

La commission a su proposer des outils complémentaires de pilotage des expérimentations, tout en gardant comme boussole l’insertion de nos concitoyens les plus éloignés de l’emploi.

La discussion d’aujourd’hui est symbolique à plus d’un titre.

Premièrement, elle revêt une grande importance à l’heure où les plus vulnérables peuvent être fragilisés par la crise économique.

Cette loi découle directement de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, annoncée en septembre 2018 par le Président de la République. Elle porte la transcription du Pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique de 2019, dont elle reprend certaines propositions. Elle prolonge une expérimentation, « territoires zéro chômeur de longue durée », mobilisant les territoires pour proposer des emplois à ceux qui en sont le plus éloignés. Elle s’inscrit dans la philosophie de « France Relance » : tous les leviers doivent être utilisés pour donner un emploi à chacun, aux jeunes, aux seniors, aux moins qualifiés. Elle fait suite à l’annonce d’un dispositif de soutien exceptionnel de 300 millions d’euros en faveur des structures d’insertion par l’activité économique et des entreprises adaptées.

Ces orientations budgétaires sans précédent traduisent l’ambition du Président de la République de parvenir à intégrer 100 000 salariés supplémentaires dans les parcours d’insertion et 40 000 autres dans les entreprises adaptées.

Deuxièmement, le texte que nous nous apprêtons à étudier a fait l’objet d’une large coconstruction.

Dès son élaboration, il a été proposé par des parlementaires et concerté avec les acteurs des structures de l’insertion par l’activité économique et avec l’association Territoires zéro chômeur de longue durée.

Pendant sa discussion à l’Assemblée nationale, un travail constructif a été mené par les députés de tous les groupes, majorité comme opposition, qui a permis d’obtenir l’unanimité. Nous pouvons en être fiers.

Les débats que nous avons eus ont permis de mieux répondre aux problématiques des personnes les plus éloignées de l’emploi, en œuvrant à leur insertion et à leur retour durable vers l’emploi.

Vous le savez, ce texte renforce deux très beaux outils qui permettent d’appliquer des méthodes complémentaires pour insérer les personnes les plus éloignées de l’emploi.

Le titre Ier est consacré au renforcement du secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE).

Le titre II est consacré à la prolongation et à l’extension de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».

Le titre III est quant à lui un titre de coordination et de mise à jour.

L’insertion par l’activité économique est un outil puissant de retour à l’emploi, que cette proposition de loi vise à renforcer. Cette solution d’accès à l’emploi permet d’accompagner le retour à l’emploi de personnes qui en sont durablement éloignées, à partir d’une activité salariée, complétée de formations, au sein d’une structure d’insertion conventionnée par l’État.

Pour accompagner et accélérer la consolidation de ce secteur, cette proposition de loi apporte de la simplification pour les structures d’insertion elles-mêmes et de la sécurité pour les personnes en parcours d’insertion.

Tout d’abord, elle prévoit un changement nécessaire : la suppression de l’agrément préalable délivré par Pôle emploi et son remplacement par le Pass IAE.

Via la nouvelle plateforme de l’inclusion, les structures d’insertion par l’activité économique pourront recruter sans avis préalable. Elles partageront l’information relative aux personnes qu’elles recrutent directement, sans passer obligatoirement par un tiers prescripteur. Les prescripteurs pourront proposer aussi directement des candidats au recrutement par le biais de la plateforme de l’inclusion. Ce texte permettra donc une simplification des règles de recrutement pour l’ensemble des structures d’insertion par l’activité économique, leur permettant d’embaucher plus rapidement et d’être plus visibles. Cette mesure est attendue de tous et c’est donc une très bonne nouvelle.

Dans le même temps, il nous semble nécessaire de prendre en compte la diversité des situations au sein des structures d’insertion par l’activité économique. C’est la raison pour laquelle nous saluons le travail d’écoute de Mme la rapporteure, qui a su entendre les préoccupations des acteurs en vue d’aménager le contrat passerelle et d’y ajouter la possibilité d’un cumul de contrats. Le Gouvernement soutient ces avancées issues du travail de la commission.

Dans cette optique, le Gouvernement vous proposera de prolonger une expérimentation en cours dans les entreprises d’insertion par le travail indépendant (EITI), celles-ci constituant la dernière famille des structures de l’IAE.

Ensuite, cette proposition de loi créait initialement le CDI « inclusion des seniors », qui apporte des éléments de sécurisation pour ces personnes jusqu’à leur retraite.

Le Gouvernement proposera de rétablir l’articulation introduite, lors de la discussion à l’Assemblée nationale, entre le CDI « inclusion des seniors » et le contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI), notre objectif étant de lutter contre la précarité des seniors.

C’est une innovation majeure pour le secteur de l’insertion par l’activité économique, qui, jusque-là, ne proposait que des contrats courts renouvelables jusqu’à concurrence de vingt-quatre mois au maximum. Tout salarié d’une structure d’insertion par l’activité économique (SIAE) de plus de 57 ans au moment du renouvellement de son parcours pourra se voir proposer un CDI, si sa situation ne lui permet pas de retrouver un emploi dans le secteur de droit commun.

Ce dispositif remplacera ainsi, pour les plus de 57 ans, les CDDI, qu’il est possible de renouveler par dérogation à partir de 50 ans. Sans trahir la philosophie de l’insertion par l’activité économique, celle du « sas », nous poursuivrons ainsi l’objectif de lutter contre la précarité des seniors éloignés de l’emploi, en leur permettant d’accéder à un CDI.

Dans son titre II, cette proposition de loi vise également à prolonger et à étendre l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », qui est un dispositif complémentaire de l’insertion par l’activité économique. Quand l’un est depuis plus de trente ans un outil éprouvé de retour vers l’emploi, l’autre relève d’une solution d’accompagnement personnalisée, inscrite dans un projet de territoire. Elle vise à insérer les personnes dans l’emploi en partant de leurs compétences et des besoins des bassins d’emploi. Elle repose sur des CDI à temps choisi.

Cette expérimentation, née de la loi du 29 février 2016, adoptée à l’unanimité de l’Assemblée nationale et du Sénat, et soutenue par le mouvement associatif, a rencontré un intérêt certain dans les territoires.

Aujourd’hui, treize entreprises à but d’emploi (EBE) existent dans dix départements et emploient 820 personnes, dont 770 personnes privées durablement d’emploi (PPDE), dans le cadre d’un projet collectif utile et complémentaire de l’offre d’emploi préexistante. Ces EBE sont pilotées par des comités locaux pour l’emploi réunissant l’ensemble des acteurs du territoire : les élus, le service public de l’emploi, les associations, mais aussi les entreprises, les SIAE. Le dispositif consiste à recruter en CDI à temps choisi tous les demandeurs d’emploi volontaires du territoire au chômage depuis plus d’un an sur des activités nouvelles, utiles au territoire et correspondant aux souhaits et aux capacités des PPDE.

Je salue le travail et la persévérance de Laurent Grandguillaume, président de l’association Territoires zéro chômeur de longue durée, de Michel de Virville et de Patrick Valentin, vice-présidents, et de Louis Gallois, président du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée.

Le Gouvernement soutient cette expérimentation prometteuse et est prêt à augmenter la « taille du laboratoire » pour lui permettre de faire ses preuves.

Au cours des discussions à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a prouvé qu’il savait entendre les préoccupations du terrain et évoluer. Le nombre de territoires pouvant être habilités s’élèverait à soixante, conformément à ce qui a été voté à l’Assemblée nationale. L’engagement du Gouvernement est clair. Ce nombre pourrait être actualisé pour éviter de laisser de côté des territoires qui seraient prêts.

Dans le cadre de la navette, comme je m’y étais engagée, nous souhaitons aboutir à la rédaction offrant le plus de flexibilité possible, pour permettre l’habilitation des projets de territoire. Le recours à un texte réglementaire serait susceptible de nous offrir cette souplesse qui répond à l’attente des différents acteurs. Je poursuivrai le travail avec les rapporteurs des deux chambres d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, pour qu’avec les acteurs concernés nous puissions aboutir à une solution respectueuse des territoires et de la volonté des parlementaires. Je le répète, aucun territoire prêt ne doit être laissé de côté.

Nous voulons également construire un dispositif responsable au regard des finances publiques. Dans ce cadre, nous saluons l’enrichissement permis par le travail de la commission quant aux dispositifs de suivi de l’expérimentation.

À ce stade, la solution issue des travaux de la commission des affaires sociales concernant le financement de l’expérimentation par les départements nous apparaît problématique. Elle fragilise selon nous la position de chef de file des conseils départementaux au titre de leur compétence en matière d’insertion. Cela ne nous semble pas souhaitable. Nous vous proposerons donc de revenir à la rédaction initiale, qui permettait de respecter la compétence du département, mais aussi son expertise et sa connaissance du terrain, en lui laissant le choix de valider ou pas le lancement d’une expérimentation.

Faire confiance aux départements, qui sont les acteurs historiques de l’insertion, nous paraît primordial. Je le redis très clairement : aucun projet d’expérimentation ne se fera contre la volonté des départements. Mais la mobilisation d’un département doit logiquement se traduire par sa contribution au financement de l’expérimentation.

Pas de liberté locale sans responsabilité locale : c’est le principe du « qui décide paie », si cher à la Haute Assemblée.

Enfin, la proposition de loi porte, en son titre III, mise à jour de diverses mesures sociales.

Nous proposerons de rétablir l’article 7, très important selon nous. Il ne s’agit pas de modifier le dispositif de bonus-malus ; la discussion sur ce sujet est en cours avec les partenaires sociaux, mais, dans l’attente de l’aboutissement de celle-ci, il est nécessaire de prendre des mesures permettant l’articulation entre les allégements généraux de charges applicables, depuis 2019, aux cotisations sociales et le mécanisme en discussion. C’est une question d’équité pour les entreprises visées, le III de l’article 7 excluant de son application les structures d’insertion par l’activité économique, ce qui leur permet de jouer leur rôle de sas sans être pénalisées.

Sur le terrain, les deux leviers renforcés par les deux premiers titres de cette proposition de loi démontrent déjà au quotidien leur complémentarité. D’un côté, l’insertion par l’activité économique propose un parcours temporaire de retour vers l’emploi et des modalités spécifiques d’accueil et d’accompagnement, afin de construire ou de reconstruire des trajectoires professionnelles. De l’autre, il est proposé, au travers de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », un recrutement en CDI, afin de redynamiser les personnes grâce à ces contrats, tout en participant à un projet de territoire. On retrouve, dans les deux cas, une même conviction : le fait de donner un emploi à tous est un facteur essentiel de dignité pour les personnes et de cohésion pour l’ensemble de notre pays.

Ces expérimentations sont proches, dans l’esprit, de ce que pourrait être le nouveau service public de l’insertion et de l’emploi, au travers de leur inscription dans un projet de territoire, incarné par les comités locaux pour l’emploi. Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée chargée de l’insertion, sera à mes côtés, dans les semaines qui viennent, pour défendre ce projet de coordination renforcée entre tous les acteurs.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit d’un beau texte, utile et nécessaire. Dans cette période d’incertitude et de difficultés accrues pour les plus précaires, son adoption est dans l’intérêt de tous et de tous les territoires. Je n’en doute pas, nous saurons aboutir, dans le respect de nos convictions, à un texte de loi satisfaisant. Vous le savez, la procédure accélérée a été engagée sur ce texte ; nous avons tous à cœur de voir son examen aboutir au plus vite. La commission mixte paritaire aura la responsabilité de travailler à son équilibre définitif.

J’adresse de nouveau mes remerciements à Mme la rapporteure pour son travail d’enrichissement du texte.

Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui porte fortement la marque du Gouvernement, qui a décidé son inscription à l’ordre du jour et a engagé la procédure accélérée.

Notons-le, le recours à cette procédure, qui écourte le débat, n’est pas une garantie de célérité. Ainsi – je me permets de le souligner, madame la ministre –, nous avons adopté en urgence, l’été dernier, le dispositif de don de chèques-vacances pour le personnel soignant, qui doit arriver à échéance le 31 octobre prochain, mais dont le décret d’application n’est toujours pas paru…

Mme Monique Lubin. Ça promet…

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Si l’on peut espérer que le présent texte aura davantage de suites, je regrette tout de même que la procédure suivie nous prive d’une étude d’impact ou encore d’un avis du Conseil d’État.

Le titre Ier de la proposition de loi vise à mettre en œuvre certaines des propositions du pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique. Ces mesures répondent aux difficultés signalées par les acteurs de terrain ; elles me semblent, pour la plupart, bienvenues.

Ainsi, l’article 1er du texte, qui supprime l’agrément obligatoire de Pôle emploi pour les embauches au sein des structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) et permet l’autoprescription, par les structures, d’un parcours d’insertion représente un assouplissement nécessaire. Le « Pass IAE », qui s’appuie sur le développement d’une plateforme numérique de l’inclusion – en cours de déploiement –, devrait permettre de fluidifier les recrutements et de supprimer des démarches redondantes.

Ce passage à une logique partenariale fondée sur la confiance suppose un contrôle a posteriori de l’éligibilité des bénéficiaires. Le texte étant muet sur ce point, la commission des affaires sociales a prévu, de manière à répondre aux interrogations des acteurs de terrain, qu’un décret déterminerait les modalités de ce contrôle ainsi que la possibilité, en cas de non-respect de la démarche, de retirer la capacité d’autoprescription à une SIAE. Notre commission a en revanche renvoyé à un arrêté, plutôt qu’à un décret, la liste des prescripteurs habilités.

La création, à l’article 2, d’un contrat à durée indéterminée (CDI) dit « inclusion senior » répond aux besoins d’un public particulier, pour lequel la logique de tremplin qui sous-tend l’IAE est inadaptée.

Le seuil de 57 ans prévu pour bénéficier du dispositif semble pertinent et cohérent avec les autres dispositifs existants, tels que le contrat à durée déterminée (CDD) « senior ».

Toutefois, la commission a rétabli la possibilité de déroger, à titre exceptionnel, pour les salariés seniors rencontrant des difficultés particulières, à la durée maximale de vingt-quatre mois de renouvellement des CDD, au-delà de l’âge de 57 ans, en complément du CDI inclusion senior. En effet, il pourrait être préjudiciable, dans certains cas, que la SIAE n’ait d’autre choix, à l’issue d’un CDD d’insertion de deux ans, que d’embaucher la personne en CDI ou de mettre fin à son parcours.

En outre, pour ce qui concerne les entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI), la commission a clarifié l’articulation du CDI inclusion senior avec les dispositions législatives relatives au CDI intérimaire.

La commission a également apporté des ajustements rédactionnels à d’autres mesures relativement consensuelles introduites à l’Assemblée nationale.

En revanche, l’expérimentation d’un « contrat passerelle », permettant à une entreprise d’insertion ou à un atelier ou chantier d’insertion de mettre à disposition, pendant une durée déterminée, sous forme de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif, un salarié en fin de parcours d’insertion auprès d’une entreprise de droit commun, n’est pas accueillie favorablement par certains acteurs de l’insertion par l’activité économique.

Il me semble toutefois important de soutenir les efforts visant à faciliter les rapprochements entre l’insertion par l’activité économique et le secteur marchand et à encourager les logiques de parcours. Pour répondre aux inquiétudes des acteurs de terrain, la commission a précisé le cadre de cette expérimentation, en introduisant, pour les bénéficiaires, une condition d’ancienneté de quatre mois dans un parcours d’IAE, en limitant la durée de la mise à disposition à trois mois renouvelables et en dispensant de période d’essai le salarié en cas d’embauche par l’entreprise utilisatrice.

En complément à ce « contrat passerelle », la commission a introduit un dispositif de « temps cumulé », qui vise à permettre une transition progressive entre un contrat d’insertion et un CDI ou un CDD à temps partiel en levant, sous conditions, le seuil de la durée hebdomadaire de travail au sein des SIAE, légalement fixé à vingt heures. De la même manière, il sera possible de déroger, dans le cadre de ce dispositif, au minimum de vingt-quatre heures hebdomadaires en contrat à temps partiel de droit commun.

Dans son deuxième volet, cette proposition de loi vise à prolonger de cinq ans et à étendre de dix à soixante territoires l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Cette expérimentation consiste à permettre l’embauche de chômeurs de longue durée en contrats à durée indéterminée, pour des tâches non couvertes par l’économie de marché. Les emplois ainsi créés sont presque intégralement financés par les pouvoirs publics, en faisant l’hypothèse que le retour à l’emploi permet à la collectivité d’éviter des dépenses directes et indirectes à hauteur du coût assumé pour les financer.

Cette expérimentation suscite de nombreuses attentes.

J’ai pu mesurer à quel point l’association porte ce dispositif et je me permets de saluer l’engagement de tous les bénévoles et de tous les élus locaux, qui ont à cœur de défendre leur vision. J’ai pu échanger de manière constructive avec eux tout au long de mes travaux.

Comme le précise le rapport conjoint de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’inspection générale des finances (IGF), l’expérimentation menée depuis 2016 n’a pas permis de démontrer la neutralité financière du dispositif, postulée au départ. Ce dispositif a bien un coût, qui pourrait être considérable s’il devait être développé à grande échelle.

Pour autant, le regard que nous porterons sur cette expérimentation ne doit pas s’arrêter à cette réalité ; apporter une vraie réponse à la problématique de l’exclusion nécessite sans doute d’augmenter les moyens que nous consacrons à cette politique. En effet, celle-ci peut être vue comme un investissement social et l’absence de neutralité financière ne doit pas être un obstacle à la poursuite de l’expérimentation.

La question que nous devons nous poser est donc celle de l’efficience du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » par rapport à celle d’autres outils de la politique de lutte contre l’exclusion, notamment les structures d’insertion par l’activité économique.

À cet égard, l’expérimentation menée depuis 2016 permet de tirer de premiers enseignements, dont il convient de tenir compte pour la suite. À ce jour, elle a permis d’embaucher un peu moins de 1 000 personnes, sur les 4 000 personnes privées d’emploi potentiellement éligibles. Cette montée en charge plus lente que prévu s’explique en partie par les difficultés rencontrées par les porteurs de projet, qui soulignent la nécessité d’accompagner chaque projet territorial et, sans doute, de trouver des financements complémentaires, au moins pour la période de démarrage des entreprises à but d’emploi. Je considère donc qu’il s’agit d’un début encourageant.

Les évaluations réalisées montrent que la situation matérielle et morale des personnes embauchées s’est nettement améliorée, ce qui confirme, s’il en était besoin, qu’il est préférable d’occuper un emploi stable que d’être en situation d’exclusion.

Le comité scientifique, qui doit rendre son rapport final dans les semaines à venir, semble conclure que l’on n’observe pas encore d’effets positifs notables pour les territoires eux-mêmes, mais il est sans doute trop tôt pour tirer des conclusions à ce sujet.

À la différence des structures d’insertion par l’activité économique, les entreprises à but d’emploi proposent des contrats à durée indéterminée et ne se donnent pas pour objectif explicite l’insertion dans l’emploi de droit commun. Ce facteur semble décisif pour permettre la stabilisation dans l’emploi des personnes embauchées, en supprimant l’épée de Damoclès que représente la fin prévue du contrat.

Pour autant, l’expérimentation comporte, de ce fait, ce que le comité scientifique appelle un « impensé », qui touche à l’évolution professionnelle des personnes embauchées. Sans doute faudra-t-il remettre en question ce parti pris, qui n’est d’ailleurs pas partagé par tous les porteurs de projet, et mettre davantage l’accent sur la formation de ces personnes, dans une logique de parcours vers l’emploi.

L’expérimentation montre également que la concertation entre les acteurs locaux permet de développer des activités nouvelles, utiles aux territoires. Si le critère de non-concurrence avec le secteur marchand semble globalement respecté, une attention particulière devra être portée à l’articulation avec les acteurs de l’insertion par l’activité économique.

Il faudra aussi se demander si, à moyen terme, l’absence de perspective d’évolution professionnelle et salariale dans les EBE n’est pas de nature à créer des frustrations et s’il n’existe pas un risque d’effet d’éviction par rapport à certains emplois du secteur marchand qui présenteraient un niveau supérieur de contraintes tout en étant rémunérés au même niveau.

Enfin, l’un des éléments les plus intéressants, à mes yeux, de cette expérimentation réside dans la logique de territoire sur laquelle repose le dispositif. Plutôt que d’appliquer des règles administratives parfois inadaptées aux réalités de terrain, on fait confiance, au travers de ce dispositif, à la capacité des acteurs locaux de dépasser les cloisonnements et de travailler ensemble pour chercher des solutions. D’ailleurs, un grand nombre de personnes ont pu trouver un emploi sans être embauchées dans une entreprise à but d’emploi, grâce à la dynamique de mobilisation permise par l’émergence d’un projet de territoire.

Nous le voyons, il est proposé, au travers de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », une démarche novatrice et intéressante. Au-delà de la question du coût, de nombreux points d’amélioration existent et certains éléments amènent à s’interroger sur les présupposés de la démarche.

La poursuite de l’expérimentation permettra d’approfondir ces réflexions. Elle doit donc concerner un nombre limité de territoires et s’accompagner d’une évaluation rigoureuse et continue. La commission des affaires sociales a ainsi confié au fonds d’expérimentation la tâche d’opérer un suivi des embauches au fil de l’eau. Elle a également souhaité préciser les objectifs de l’évaluation finale, qui ne doit pas se limiter à apprécier l’opportunité d’une pérennisation ; il s’agira par exemple de se demander si le modèle des entreprises à but d’emploi peut trouver sa place parmi les autres outils de la politique de l’emploi et s’il convient de le cibler sur certains publics ou sur certains territoires aux caractéristiques spécifiques.

Les évolutions législatives proposées par rapport à la loi de 2016 sont marginales. Les améliorations attendues devront donc être mises en œuvre dans les textes réglementaires d’application, d’une part, et dans la gouvernance du dispositif, d’autre part.

La proposition de loi prévoyait initialement de rendre obligatoire la participation des départements au financement de l’expérimentation. Aujourd’hui, tous les départements comprenant un territoire expérimentateur participent au financement des emplois créés, à un niveau variable mais généralement faible. Toutefois, selon la commission, le principe d’une participation obligatoire pose plusieurs difficultés, du fait notamment que l’on ne connaît pas son montant, les modalités de calcul étant renvoyées à un décret sur lequel nous n’avons, à ce stade, aucune information. Tant que le dispositif demeure expérimental, il représente une ligne marginale du budget de la politique de l’emploi et de l’insertion, et l’on pourrait être tenté de donner satisfaction à toutes les prétentions de ses promoteurs. Les louanges que l’on pourrait ainsi récolter ne me semblent pour autant pas justifier le fait que nous nous abstenions de jouer notre rôle de législateur. La commission des affaires sociales a donc choisi de s’inscrire pleinement dans la démarche expérimentale, en précisant, entre autres choses, les objectifs de l’expérimentation et de son évaluation.

Pour finir, je dirai quelques mots du titre III, qui contient diverses mesures liées de près ou de loin à l’emploi et à l’insertion. Une disposition censurée de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, concernant l’articulation du bonus-malus sur les contrats courts avec les allégements généraux de cotisations sociales, a refait son apparition. La commission l’a supprimée, afin de réaffirmer son opposition au bonus-malus et pour tenir compte de la concertation en cours sur la réforme de l’assurance chômage.

Conformément à la position habituelle du Sénat, elle a également supprimé les demandes de rapport.

En revanche, elle a adopté les articles 8 et 9 bis, qui prévoient la prolongation de deux autres expérimentations, afin de pouvoir disposer du recul nécessaire pour en apprécier la pertinence, ainsi que l’article 9 ter, qui crée une expérimentation du contrat de professionnalisation en portage salarial. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – Mme Colette Mélot applaudit également.)