M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Vote sur l’ensemble

Article 12 bis (non modifié)
Dossier législatif : proposition de loi visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l'arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Je vais mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

Y a-t-il des demandes d’explication de vote ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l’arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à dix-huit heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à dix-huit heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l'arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent
 

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Candidature à une délégation sénatoriale

M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la délégation sénatoriale aux entreprises a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

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Comment faire face aux difficultés de recrutement des entreprises dans le contexte de forte évolution des métiers ?

Débat sur un rapport d’information de la délégation sénatoriale aux entreprises

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux entreprises, sur les conclusions du rapport d’information Comment faire face aux difficultés de recrutement des entreprises dans le contexte de forte évolution des métiers ?

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond, pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à Mme la présidente de la délégation.

Mme Élisabeth Lamure, présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour débattre d’un sujet majeur et plus que jamais d’actualité. La délégation aux entreprises du Sénat s’en est saisie à l’automne 2019, en confiant à nos collègues Michel Canevet et Guy-Dominique Kennel une mission d’information sur les difficultés de recrutement dans un contexte de forte évolution des métiers.

En effet, depuis deux ans, les plaintes qui nous remontaient du terrain, à l’occasion de nos déplacements dans les départements, étaient récurrentes, voire lancinantes : les chefs de nombreuses entreprises, de toutes tailles, témoignaient de leurs difficultés à recruter, à trouver et à garder les compétences dont ils avaient besoin, cette situation les amenant parfois à renoncer à développer leur activité.

Parallèlement, la France pouvait rougir de son taux de chômage et du nombre de personnes, notamment des jeunes, laissées au bord de la route. Quel gâchis !

Les mutations technologiques qui impactent ou impacteront quasiment tous les métiers renforcent l’urgence de prendre à bras-le-corps ce paradoxe français, avec lucidité et bon sens.

L’électrochoc que nous connaissons aujourd’hui a le mérite de nous encourager, collectivement et individuellement, à remettre les cartes sur la table, à évaluer nos atouts et nos faiblesses, à retrousser nos manches, à oser, à innover et à jouer franc-jeu avec toutes les parties prenantes. Dans le cas présent, ces dernières comprennent les acteurs de l’éducation, de l’orientation des jeunes et du service public de l’emploi, les régions, les demandeurs d’emploi, les personnes en future reconversion et, bien entendu, les recruteurs eux-mêmes, c’est-à-dire les entreprises au premier chef.

À cet égard, l’État doit aussi aider les entreprises à contribuer à la formation de leurs salariés ou futurs salariés. Un très récent sondage réalisé pour CCI France par OpinionWay montre que 13 % des entreprises n’envisagent pas de mettre en place de contrats d’alternance dans l’année à venir, car les modalités de prise en charge financière sont trop compliquées.

Je crois pouvoir dire que, au sein de notre délégation, nous partageons la conviction que la clé de l’avenir passe par le renforcement des compétences des Français. Il s’agit à la fois de permettre leur insertion et leur épanouissement professionnels tout au long de la vie et de répondre aux besoins de la société et de l’économie, les deux étant bien sûr liés. Nos propositions visent ainsi à développer les compétences de toute urgence pour soutenir l’emploi et les entreprises.

Certes, depuis l’automne 2019, la situation sanitaire et économique a bouleversé la donne. Les chiffres ne sont pas réjouissants : probable recul de près de 12 % du PIB en 2020, déficit budgétaire de 221,1 milliards d’euros, dette publique s’élevant à 120,9 % du PIB, nombreuses faillites en perspective… L’horizon s’assombrit, avec la perspective de la suppression de 800 000 emplois, soit 2,8 % de l’emploi total, dans les prochains mois.

Mais la problématique des jours d’avant le Covid-19 reste cruellement d’actualité. Elle se conjugue avec les nouveaux défis des jours d’avec et des jours d’après la crise sanitaire, qu’accompagne et suit la crise économique.

Il est vrai que les dispositifs de soutien très évolutifs mis en place depuis le début de la crise devraient permettre de limiter et de lisser la casse économique et sociale, mais ils ne résoudront malheureusement pas toutes les difficultés. Au-delà des chiffres évolutifs et des nécessaires mesures conjoncturelles, il nous faut anticiper et nous adapter aux évolutions structurelles, pour mieux rebondir.

C’est dans cette perspective que se sont inscrits nos rapporteurs, en faisant appel au bon sens collectif.

Michel Canevet exposera nos principales recommandations. Elles sont pragmatiques. Nous souhaitons, madame la ministre, que notre contribution constructive soit pleinement prise en compte, à la fois pour limiter la casse sociale et pour préparer l’avenir. Cette crise doit être l’occasion de remettre en cause certains tabous et d’avancer collectivement dans l’intérêt général et dans celui des personnes concernées au premier chef.

Guy-Dominique Kennel conclura le débat. Je forme le vœu qu’il puisse alors se féliciter que nous ayons obtenu de votre part, madame la ministre, des réponses tout aussi concrètes et précises que nos propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Canevet, rapporteur de la délégation sénatoriale aux entreprises. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme Mme la présidente de la délégation aux entreprises vient de l’indiquer, lors de nos déplacements sur le terrain, nous avons souvent entendu les chefs d’entreprise déplorer des difficultés de recrutement. Cela nous a amenés, Guy-Dominique Kennel et moi-même, à travailler sur le sujet de façon beaucoup plus approfondie.

Trois nécessités se sont dégagées à l’issue de nos travaux : accompagner les individus tout au long de la vie et lors de la formation initiale, avec pour objectif constant d’améliorer leur insertion professionnelle et leur employabilité ; permettre aux entreprises de trouver rapidement les compétences dont elles ont besoin ; définir les modalités d’un pilotage efficient des acteurs de l’emploi sur chaque territoire.

Sur cette base, nous avons formulé vingt-quatre recommandations.

Ces recommandations portent, premièrement, sur l’éducation nationale : il convient de briser le cloisonnement qui nous semble exister entre celle-ci et le monde économique. Il faut accentuer les efforts d’information des familles en vue de l’orientation des jeunes et permettre aux enseignants de mieux appréhender les questions économiques et la vie des entreprises.

Deuxièmement, l’apprentissage, madame la ministre, est un sujet de préoccupation fort. Les besoins en la matière sont à la fois conjoncturels – les difficultés de recrutement auxquelles sont confrontés les centres de formation des apprentis aujourd’hui le montrent bien – et structurels. Il importe de faire en sorte que ce mode de formation, qui est vraiment adapté aux besoins de l’entreprise, soit davantage utilisé dans notre pays. D’ailleurs, seulement 26 % des dirigeants interrogés à l’occasion d’un récent sondage réalisé par OpinionWay déclaraient avoir déjà mis en place un contrat en alternance. C’est dire si le chemin à parcourir pour sensibiliser toutes les entreprises à cette forme de formation est encore long…

Troisièmement, il faut encourager les entreprises à investir dans la formation, qui est pour elles un acquis, au même titre que d’autres investissements qu’elles peuvent réaliser pour leur développement et l’amélioration de leur productivité.

Quatrièmement, il faut favoriser le transfert des compétences entre les plus expérimentés et les plus jeunes. Je pense singulièrement à la cohorte très nombreuse des jeunes –ils sont près de 900 000, nous dit-on – qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en stage et qu’il faut absolument raccrocher au milieu professionnel. Il y a un volant d’actions à mettre en place. Il faut bien évidemment, compte tenu de la situation économique que nous connaissons actuellement, assurer la reconversion des actifs vers les secteurs et les métiers qui recrutent aujourd’hui.

Cinquièmement, nous devons permettre aux entreprises de trouver rapidement les compétences dont elles ont besoin. Nous nous sommes aperçus, madame la ministre, que les compétences existant au sein de Pôle emploi sont souvent méconnues ou décriées par quelques-uns, qui ont vécu des expériences malheureuses. Il importe de faire connaître ce que Pôle emploi réalise aujourd’hui.

Enfin, nous avons estimé qu’il convenait de pouvoir mettre en place un pilotage efficient des acteurs de l’emploi, compte tenu de la multiplicité des intervenants. Nous proposons de le faire à l’échelle de la région, qui est aujourd’hui l’échelon pertinent sur le plan économique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Jérôme Bignon et Joël Labbé applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d’abord remercier la délégation sénatoriale aux entreprises d’avoir inscrit à l’ordre du jour de la séance publique du Sénat ce débat sur les conclusions du rapport qui vient de nous être présenté.

Ces travaux, qui ont débuté en septembre dernier, nous donnent l’occasion aujourd’hui d’alimenter les réflexions en cours, notamment avec les partenaires sociaux, sur un sujet essentiel qui nous mobilise toutes et tous, à savoir l’emploi et les compétences. Lorsque la situation était meilleure, cette mobilisation était nécessaire pour trouver les compétences que recherchaient les entreprises. Elle est aujourd’hui un élément clé de la relance.

Le sujet des emplois et des compétences est ma priorité. C’est celle du Gouvernement depuis trois ans : stimuler la croissance de notre économie pour qu’elle soit riche en emplois de qualité et permettre à chacun, dans le même temps, de s’émanciper par le travail et par le développement de ses compétences est un fil rouge de la politique volontariste et pragmatique que nous conduisons.

C’est d’ailleurs le sens et la raison d’être de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui prévoit notamment la création du compte personnel de formation de transition et celle d’un véritable conseil en évolution professionnelle. Nous avons amplifié massivement l’accès à la formation grâce à l’application « Mon compte formation », qui connaît un succès très important et croissant.

Ces avancées majeures sont intervenues en parallèle du plan d’investissement dans les compétences, qui fait l’objet, pour moitié, de pactes régionaux négociés avec les régions et donne lieu à des appels à projets nationaux.

Voilà quatre mois – cela paraît à la fois si proche et si loin ! –, les résultats de ces transformations étaient tangibles, avec près d’un demi-million d’emplois créés depuis mai 2017 et une nette baisse du taux de chômage de l’Insee. Celui-ci s’établissait à 8,1 % de la population active, soit à son plus bas niveau depuis 2008. Il était même inférieur à 7 % dans vingt-quatre départements. En outre, l’apprentissage décollait enfin, grâce à sa réforme, avec une augmentation historique de 16 % en 2019 du nombre des entrées dans cette voie de formation, permettant de frôler la barre des 500 000 apprentis.

Mais, à partir de février 2020, les cartes ont été rebattues de façon particulièrement abrupte. Aujourd’hui, l’adéquation des compétences aux besoins des entreprises reste un enjeu crucial pour notre économie et pour l’ensemble de nos territoires.

À cet égard, il convient de souligner que notre action pour soutenir les entreprises et les salariés les plus précaires pendant les périodes de confinement et de déconfinement a été déterminante. Pour ne citer qu’une mesure parmi beaucoup d’autres, le FNE-formation est désormais accessible à l’ensemble des salariés en activité partielle, sans critère de taille ou d’activité de l’entreprise. Se former plutôt que chômer, tel est le mot d’ordre. L’État a, de fait, pris en charge automatiquement 100 % des coûts pédagogiques, sans plafond horaire, compte tenu de la crise. Nous constatons une dynamique intéressante : plus de 120 000 salariés sont désormais en formation grâce à ce dispositif. Parallèlement, plus de 50 000 personnes ont formulé des demandes de formation via leur compte formation ces dernières semaines. Dans près de 70 % des cas, il s’agit de formations à distance. Moins d’un mois après la fin du confinement, le nombre quotidien des demandes n’a jamais été aussi élevé : on enregistre aujourd’hui 5 000 accès à la formation chaque jour. Au reste, 60 % des demandeurs d’emploi qui suivaient une formation au moment du confinement ont pu continuer à bénéficier de formations à distance, et 90 % des apprentis ont pu suivre une formation à distance. Nous avons aidé les CFA à accomplir cet effort inédit ; ils y sont parvenus.

Enfin, le télétravail a permis à des millions de Français de poursuivre leur activité, mais aussi de se former. Je rappelle que c’est un droit pour le salarié, que nous avons créé en 2017, au travers des ordonnances « travail ».

Plus que jamais, dans la nouvelle phase, celle de la reprise de l’activité, nous partageons ce constat : nous devons tout faire pour préserver nos emplois et nos compétences. Telle est notre priorité commune, à l’heure où les circonstances nous appellent à reconstruire une économie forte, écologique, souveraine et solidaire, comme l’a déclaré le Président de la République dans sa dernière allocution.

Ces transformations requièrent des actions volontaristes. À cet égard, le rapport de la délégation sénatoriale aux entreprises présente vingt-quatre recommandations visant à renforcer les compétences des Français, au service à la fois de leur insertion et de l’économie, selon trois axes qui viennent d’être exposés.

Si nous divergeons sur la manière d’aborder le troisième axe, notamment sur la vingt-quatrième recommandation, visant à confier à la seule région le pilotage des acteurs de l’emploi, Pôle emploi compris, nous nous rejoignons sur plusieurs propositions. La mise en œuvre de certaines est d’ailleurs déjà effective, mais doit être confortée. D’autres sont en cours de déploiement. Enfin, certaines relèvent du plan de relance que nous proposerons prochainement.

S’agissant de votre recommandation n° 8 de prévoir a minima une journée de découverte de métiers, je rappelle que, en complément des dispositifs mis en place par l’éducation nationale, les régions et les centres de formation d’apprentis, notamment depuis la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui a renforcé la mission des régions en matière d’orientation, nous avons créé la prépa apprentissage, une mesure qui rejoint également votre recommandation n° 9, relative aux mises en situation professionnelle.

Par ailleurs, comme vous le préconisez dans votre recommandation n° 19, nous avons renforcé les démarches proactives des conseillers de Pôle emploi en direction des employeurs sur le terrain ; c’est le sens de la convention tripartite 2019-2022.

Les mesures en cours de déploiement recouvrent les recommandations nos 1 à 6, relatives à l’orientation des jeunes. Le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, et les régions collaborent très étroitement sur une démarche de découverte des métiers, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ayant prévu cinquante-quatre heures de découverte des métiers par an pour tous les élèves, de la quatrième à la première. Encore faut-il la concevoir et l’organiser, ce qui est un très gros chantier.

S’agissant de la recommandation n° 13, sur la nécessité de sensibiliser les PME à l’absence de candidat idéal et aux atouts de la formation professionnelle, sa mise en œuvre se concrétise à travers différents moyens : la convention d’objectifs et de moyens entre l’État et un opérateur de compétences (OPCO), qui fixe les objectifs de celui-ci et le type de soutien aux PME ; la mobilisation de la prestation de conseil en ressources humaines destinée aux petites entreprises ; l’appel à projets du Fonds social européen pour le développement de l’accès à la formation des salariés des entreprises de plus de cinquante salariés, qui renforcera les moyens des OPCO.

Par ailleurs, Pôle emploi propose aux entreprises, depuis le 1er janvier dernier, une offre très proactive de conseil en recrutement ; les premiers résultats de ce dispositif, avant la crise, étaient très encourageants.

La recommandation n° 12 porte sur l’amortissement d’un investissement immatériel, sujet cher au sénateur Martin Lévrier. À cet égard, nous avons réussi, après beaucoup de recherches, car la question est complexe, à trouver une solution : à notre demande, le règlement de l’Autorité des normes comptables permet dorénavant aux entreprises de pratiquer, sur option, l’amortissement des frais de formation liés à l’acquisition d’une immobilisation corporelle ou incorporelle. En d’autres termes, s’agissant de l’accompagnement d’une transformation technologique, par exemple, les dépenses de formation peuvent désormais être amorties.

Nous partageons également votre souhait d’une meilleure rentabilisation de la data en matière d’emploi ; vos trois recommandations en ce sens sont très importantes.

Par ailleurs, je rappelle que, dès cet été, l’intégration de Pôle emploi au dispositif « Mon compte formation » permettra des abonnements complémentaires.

Dans le cadre du projet de loi de finances rectificative et du plan de relance, plusieurs mesures seront prévues pour sécuriser le parcours des apprentis ; nous y reviendrons, je pense, lors des questions-réponses.

Dans ce domaine, nous venons de prendre des mesures massives de simplification et de soutien financier, la première année d’apprentissage étant prise en charge financièrement par l’État. Pour que, même dans le contexte de la crise, aucun jeune ne soit laissé de côté, nous devons investir sur l’apprentissage, qui est une voie de réussite pour nos jeunes. D’ailleurs, monsieur Canevet, je serai à Brest mardi prochain, pour un speed dating entre 150 chefs d’entreprise et 500 jeunes. Le combat pour l’apprentissage continue : il faut le gagner tous ensemble !

Enfin, s’agissant du pacte productif, nous allons travailler sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, l’activité partielle de longue durée, le plan de soutien aux jeunes ou encore la dynamique des formations. Vous savez que, à la demande du Président de la République, je mène sur ces sujets des concertations très approfondies avec les partenaires sociaux.

J’ai conscience d’avoir été trop longue, monsieur le président ; nous allons poursuivre le débat au travers de la séquence de questions-réponses. En tout cas, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons une boussole commune : c’est aussi par l’emploi et les compétences que nous sortirons de cette crise économique !

Débat interactif

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Je remercie la délégation sénatoriale aux entreprises d’avoir proposé ce débat sur une thématique importante. Le rapport d’information de nos collègues Michel Canevet et Guy-Dominique Kennel présente de nombreux axes de travail, s’agissant notamment du soutien à la formation et à l’apprentissage, du rôle de Pôle emploi et de la transmission des savoirs des seniors.

Nos collègues s’interrogent à juste titre sur l’insertion des jeunes diplômés. Si les solutions proposées sont là aussi intéressantes, je voudrais souligner une difficulté émergente, qui, selon moi, va s’accentuer fortement : le refus croissant des jeunes diplômés de travailler pour des entreprises ne correspondant pas à leurs valeurs en termes environnementaux et sociaux.

Voilà un an, des jeunes issus de grandes écoles, réunis au sein du collectif « Pour un réveil écologique », ont lancé un manifeste, signé par plus de 32 000 étudiants de grandes écoles s’engageant à refuser de rejoindre des entreprises polluantes. Cette initiative est révélatrice d’une tendance de fond : selon une étude de la Confédération des grandes écoles, 72 % des jeunes considèrent l’adéquation entre travail et valeurs comme un critère primordial de choix de leur métier.

Ce constat est partagé par les entreprises, qui font état, notamment dans l’industrie, l’agroalimentaire ou la chimie, de difficultés de recrutement liées à un déficit d’attractivité pour les jeunes diplômés en quête de sens dans leur travail.

Certes, il est pertinent d’adapter les compétences de la population aux entreprises, mais ne doit-on pas également inverser la logique, ou plutôt rétablir l’ordre des choses ? C’est aussi, voire surtout, aux entreprises de répondre aux aspirations sociétales et aux enjeux environnementaux. Ne convient-il pas de les accompagner et, comme les incitations ne suffisent pas, de les contraindre pour qu’elles prennent en compte les enjeux sociaux et environnementaux ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le sénateur, la jeunesse a toujours contribué à faire bouger le monde et à accélérer les évolutions.

Il est vrai que, depuis plusieurs années, on constate chez les jeunes diplômés non pas un refus de la valeur travail, mais au contraire un investissement fort dans cette valeur, associé à une quête de sens et à une exigence, notamment en matière de cohérence sociale et environnementale.

Depuis que nous avons mis en place et rendu public l’index pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, certains jeunes se détournent des sociétés où cette égalité n’est pas assurée. De même, de nombreux jeunes examinent la feuille de route environnementale d’une entreprise et sa cohérence avant de se porter candidats.

Certes, dans le contexte actuel de crise de l’emploi, ce phénomène sera peut-être atténué, provisoirement et en surface, mais je crois qu’il s’agit d’un fait de société. Il faut le prendre comme une chance. Dans cet esprit, à la demande du Président de la République, nous avons incité des entreprises inclusives et prêtes à s’engager à se réunir en clubs, partout sur le territoire, pour offrir d’autres perspectives en termes de valeurs. Depuis un an, plus de 6 000 entreprises, parmi lesquelles de nombreuses PME, ont rejoint cette démarche, « La France, une chance : les entreprises s’engagent ! » J’ai rencontré nombre de ces clubs : tous s’attachent à promouvoir des valeurs et, au-delà d’un job et d’une rémunération, un sens au travail proposé.

Certes, cela bouscule les entreprises, mais nous n’avons pas le choix, car évoluer vers un modèle d’entreprise à la fois économique, écologique et solidaire a du sens dans la société. D’ailleurs, dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences, on constate un afflux de candidats vers les métiers porteurs de sens. Ainsi, en agriculture, de nombreux apprentis se tournent vers la filière bio. Cette tendance gagne peu à peu tous les secteurs. Le dispositif « Mon compte formation » fait apparaître la même appétence.

Oui, monsieur le sénateur, prenons le risque de la jeunesse : cela nous fera progresser !

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.

M. Joël Labbé. En effet, madame la ministre, cette évolution est une chance. Malheureusement, les signaux envoyés ces derniers mois au travers des textes budgétaires rectificatifs et des plans d’aide décidés dans le cadre de la relance ne sont pas véritablement suffisants en termes de conditionnalité sociale et environnementale.

Nombreux sont celles et ceux, notamment dans les jeunes générations, qui veulent bâtir un « monde d’après » écologique et solidaire. Dans ce contexte, il y a une vraie opportunité à conditionner les aides à des engagements ambitieux et à amorcer des politiques de formation anticipant les transitions de nos sociétés. C’est ainsi que nous ferons face aux menaces liées au réchauffement climatique et à l’effondrement de la biodiversité !

M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. Je remercie nos collègues pour ce rapport d’information, qui souligne un problème de taille de notre pays : l’étrange concomitance entre un chômage élevé et des difficultés de recrutement croissantes.

Une des solutions proposées dans le rapport d’information consiste à développer le télétravail. Cette pratique s’est largement développée ces dernières années dans notre pays, sous l’effet notamment de l’arrivée sur le marché du travail d’une nouvelle génération, totalement connectée à l’outil numérique.

Aujourd’hui, les jeunes sont unanimes : ils ne veulent pas d’un bureau classique et indiquent souvent qu’ils choisiront une entreprise qui leur permettra de télétravailler. Cette génération demande une meilleure prise en considération de ses conditions de travail, en particulier un équilibre plus juste entre vie professionnelle et vie personnelle.

L’enjeu de la mobilité est également de taille. À cet égard, l’Île-de-France est un très bon exemple : 28,8 millions d’actifs salariés parcourent en moyenne 26 kilomètres pour se rendre sur leur lieu de travail et en revenir, consacrant chaque jour environ une heure à ces trajets ; sur une année, ce sont plus de 6 milliards d’heures de déplacement.

Pendant la crise sanitaire que nous venons de vivre, le recours au télétravail a été massif. Aucun chiffre précis n’est encore disponible, mais les sondages font état d’une moyenne de 40 % de salariés en télétravail. Le Républicain lorrain s’en fait l’écho aujourd’hui, en titrant « Télétravail : un essai à transformer ». En réalité, cette crise sanitaire va très certainement changer nos rapports au travail et à l’entreprise : en bref, plus de télétravail et des Français plus désireux d’y recourir.

Il importe d’encourager cette tendance, qui permet d’agir directement sur la qualité de vie au travail des salariés, tout en l’encadrant et en l’accompagnant par de bonnes pratiques managériales, afin d’éviter un isolement trop important des travailleurs, notamment des juniors.

Madame la ministre, je vous sais mobilisée sur cette question : les ordonnances prises dès votre arrivée, en 2017, ont permis le développement et la sécurisation du télétravail. Pouvez-vous nous éclairer sur la stratégie du Gouvernement en la matière ?