Mme la présidente. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Roxana Maracineanu, ministre. Nous sommes trois ministères clairement engagés sur le sujet – le ministère de l’action et des comptes publics, le ministère de la ville et le ministère des sports –, au travers de la Dijop, la délégation interministérielle aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

règles applicables dans le périmètre de protection d’un bâtiment classé

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fournier, auteur de la question n° 1035, transmise à M. le ministre de la culture.

M. Bernard Fournier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les règles applicables en matière architecturale, notamment dans le périmètre de protection d’un bâtiment classé.

La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine avait pour objectif de conforter et de moderniser la protection des patrimoines en simplifiant le droit des espaces protégés, tout en rendant ce dernier plus intelligible pour les citoyens.

Dans le cadre des débats organisés lors de l’élaboration de ce texte par la commission de la culture du Sénat, la présidente du Conseil national de l’ordre des architectes convenait que « la loi, intelligemment, prévo[yait] désormais un périmètre réfléchi selon les perspectives et les abords d’un monument classé, au lieu des systématiques 500 mètres » et que « la loi port[ait] une ambition nouvelle pour la qualité architecturale. » Elle reconnaissait qu’il était « nécessaire de marier l’architecture contemporaine et les sites classés ».

Dans les faits, malheureusement, le traitement réalisé par les services des directions régionales des affaires culturelles et des unités départementales de l’architecture et du patrimoine ne va absolument pas dans ce sens.

Sur le terrain, dans nos départements respectifs, le développement des communes, notamment rurales, est très largement contraint aujourd’hui en matière de consommation des espaces agricoles, avec un empilement de réglementations : PLU, SCOT, PLH, etc.

Que nous réserve l’avenir ? Nous n’avons qu’une seule certitude : les restrictions seront de plus en plus fortes et les contraintes encore plus grandes.

Le Premier ministre a d’ailleurs déclaré au congrès de l’Association des maires ruraux de France, en 2019, que le Gouvernement souhaitait « lutter contre l’artificialisation des sols, ce qui impliqu[ait] de renforcer les outils disponibles pour réhabiliter le bâti ancien ou pour mieux réguler les activités commerciales. » Il a ajouté : « Il faut faire attention au développement des espaces urbains ou périurbains ».

Si les communes rurales et périurbaines veulent continuer d’être dynamiques, il faut permettre une réhabilitation du bâti existant, même dans les périmètres de protection d’un bâtiment classé. Sinon, des communes seront totalement privées de toute perspective d’évolution en matière architecturale.

Aujourd’hui, les rejets des demandes de permis semblent beaucoup trop systématiques et bien souvent déconnectés des réalités locales. Il est indispensable de se donner les moyens de rénover et de moderniser de nombreuses habitations. On ne peut pas mettre des secteurs entiers de nos communes « sous cloche ». Les élus attendent une réponse adaptée à cette situation.

En conséquence, madame la ministre, je souhaiterais connaître l’analyse et les intentions du Gouvernement en la matière.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports. Monsieur le sénateur Bernard Fournier, la loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, voulue par le Gouvernement, a introduit un nouveau dispositif de protection des abords de monuments historiques, que vous avez détaillé.

L’objectif était de remplacer progressivement, sur proposition de l’architecte des Bâtiments de France, les périmètres automatiques de 500 mètres autour des monuments historiques par des périmètres délimités des abords (PDA), définis dans le code du patrimoine et plus adaptés à la réalité et aux enjeux locaux.

Depuis l’adoption de la loi, plus de 300 PDA de monuments historiques ont été institués. Les collectivités territoriales se sont bien approprié ce dispositif, qui tend à préserver un espace cohérent avec les monuments historiques qu’ils englobent. Notons que ces périmètres sont aussi validés après concertation avec la population, via l’enquête publique.

En leur sein, tous les travaux sont soumis à l’accord de l’architecte des Bâtiments de France. Les projets doivent concilier la préservation du patrimoine et la qualité architecturale du bâti, en tenant compte des enjeux d’habitabilité et de développement durable.

L’un des objectifs est d’éviter l’étalement urbain et les évasions commerciales, dans le cadre du plan national « Action cœur de ville ».

Nous pensons que le projet architectural contemporain de qualité participe de la démarche patrimoniale, de son dynamisme et de sa pérennité. Le patrimoine peut ainsi évoluer grâce à la création architecturale : il s’agit de réhabiliter des bâtiments en leur donnant une nouvelle fonction, en agrandissant des architectures existantes ou en s’y insérant. C’est l’un des enjeux de la lutte contre l’étalement urbain.

Ainsi, l’architecture contemporaine a pu être introduite au sein de nombreux sites protégés au titre de code du patrimoine. Nous pouvons, notamment, citer les exemples du Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine de Sedan, du musée des Beaux-arts de Dijon ou encore de l’école de musique de Louviers.

Enfin, comme a pu le dire le ministre de la culture à l’occasion des dernières Journées nationales de l’architecture : « Penser transformation et adaptation, […] c’est sortir peu à peu de la logique du jetable au profit du recyclable et du réparable, sur le plan culturel comme sur le plan environnemental. »

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France
Article 1er

Mitage des espaces forestiers en Île-de-France

Adoption définitive d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France (proposition n° 159, texte de la commission n° 225, rapport n° 224).

La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.

proposition de loi visant à lutter contre le mitage des espaces forestiers en île-de-france

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France
Article 2

Article 1er

(Conforme)

I. – Larticle L. 143-2-1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Au début de la première phrase du premier alinéa, les mots : « À titre expérimental, pendant une durée de trois ans à compter de lentrée en vigueur de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à laménagement métropolitain, » sont supprimés ;

2° Le dernier alinéa est supprimé.

II. – Le I entre en vigueur le 1er mars 2020.

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2

(Conforme)

La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par laugmentation de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour lÉtat, par la création dune taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Vote sur l’ensemble

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au Gouvernement, puis au rapporteur de la commission, pour sept minutes, et, enfin, à un représentant par groupe, pour cinq minutes.

La parole est à M. le ministre.

M. Didier Guillaume, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord vous dire que la procédure de législation en commission suivie pour ce texte est une belle et bonne procédure.

Il y a des sujets sur lesquels nous avons besoin de débattre afin que tout le monde soit éclairé ; c’est bien normal. D’autres, en revanche, font consensus : c’est alors que le travail en commission peut se révéler encore plus approfondi. Tel a été le cas pour ce texte.

Je tiens dès lors à vous féliciter, madame la présidente de la commission des affaires économiques, ainsi que tous les membres de cette commission, d’avoir engagé ce travail.

Cette proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale et examinée la semaine dernière par votre commission, vise à pérenniser une expérimentation qui doit arriver à son terme à la fin du mois prochain.

Cette expérimentation, mise en place par la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, a offert pour trois ans à la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) d’Île-de-France la possibilité de préempter les ventes de biens boisés, dès lors que leur superficie est inférieure à trois hectares et que les communes où ces biens sont situés sont dotées d’un document d’urbanisme. Ces préemptions sont motivées par un nouvel objectif : la protection et la mise en valeur de la forêt.

Comme en témoigne ce nouvel objectif, le texte qui vous est soumis aujourd’hui n’est pas une proposition de loi strictement technique. Je salue à ce propos tous les élus d’Île-de-France siégeant sur ces travées : ils connaissent bien le sujet de l’artificialisation et du mitage des terres par l’achat répété de petites parcelles. Ce problème est bien plus important en Île-de-France qu’ailleurs.

C’est la raison pour laquelle nous avons voulu, au travers de l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale, puis par votre Haute Assemblée, traiter ce problème francilien de façon spécifique. Il n’est pas question de généraliser le dispositif prévu ! Celui-ci a pour seul objet, bien évidemment, la forêt d’Île-de-France ; il ne sera en aucun cas question d’aller plus loin demain.

Il n’en reste pas moins que nous avons besoin, plus généralement, de changer le regard que nous portons sur la forêt.

Je ne reviendrai pas sur l’intérêt, déjà évoqué dans cet hémicycle à de nombreuses reprises, que présente la forêt française, ni sur son rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique, au travers du captage de carbone qu’elle permet. La forêt française, fort heureusement, est un puits de carbone sans fond !

Pour autant, cette forêt doit être exploitée ; elle doit évoluer. Il ne faudrait pas souffrir, pour reprendre une expression que l’un d’entre vous a employée en commission, du « syndrome d’Idéfix », c’est-à-dire se mettre à pleurer chaque fois que l’on coupe un arbre. On peut couper des arbres dans une forêt ; je dirais même qu’on le doit, afin de la régénérer, de l’aérer et de traiter ses maux.

Le Sénat, en examinant ainsi ce texte, a fait montre de sagesse, au-delà des clivages politiques. Pour bien connaître cette maison, je n’en suis nullement étonné.

Tout le monde s’est rassemblé au service d’un intérêt particulier, pour aider les élus d’Île-de-France, qui demandaient depuis longtemps que la Safer de cette région soit autorisée à étendre sa protection aux espaces boisés, dans la mesure où ils sont tout autant concernés par le phénomène du mitage que les espaces agricoles.

Le mitage subi par les forêts de l’Île-de-France est extrêmement important. La Safer ne pouvait en effet intervenir que sur des parcelles agricoles naturelles, alors que l’artificialisation exercée sur la forêt est, elle aussi, importante.

Une expérimentation a été menée, sur votre initiative, afin d’y remédier. Depuis février 2017, la Safer de l’Île-de-France a exercé son droit de préemption à 510 reprises, et 198 de ces préemptions, soit une proportion de 39 %, ont été motivées par le nouvel objectif de protection et de mise en valeur de la forêt. La surface moyenne d’intervention s’établit à 5 289 mètres carrés par vente : cela montre que ces préemptions s’effectuent sur des parcelles de très petite taille, ce qui répond aux inquiétudes qui ont pu s’exprimer.

Par ailleurs, 180 de ces préemptions ont été réalisées par la Safer d’Île-de-France à la demande de collectivités, afin de protéger des espaces boisés.

Il s’agit à la fois de maintenir la possibilité de faire évoluer la forêt et de respecter l’impérieuse nécessité de protéger contre le dérèglement climatique la forêt d’Île-de-France, comme toutes les forêts de France : la forêt du Grand Est, chère à MM. Pierre et Gremillet ; la forêt méditerranéenne, chère à M. Daunis… Si je devais mener cette liste à son terme, je n’en finirais pas ! (Sourires.)

Pour en revenir aux forêts d’Île-de-France, seules 18 demandes ont été formulées, dans le cadre de cette expérimentation, par les propriétaires forestiers. Cela montre bien l’importance du présent texte.

Pour faire court, afin de prolonger cette expérimentation, il importait de faire en sorte que les collectivités et la Safer puissent travailler ensemble à l’avenir. De fait, les préemptions menées en forêt par cette dernière ont été bien accueillies par tous les acteurs des territoires.

C’est pourquoi il vous est proposé, par le présent texte, de faire entrer dans le droit commun ce dispositif expérimental dont tous ont reconnu l’utilité dans la lutte contre les défrichements illégaux et l’artificialisation des sols.

Le Gouvernement est par conséquent favorable à l’adoption de ce texte déjà adopté par l’Assemblée nationale. Cette proposition de loi répond à une demande forte de la population, des communes et de la Safer d’Île-de-France. Au bout du compte, en adoptant ce texte, vous ferez œuvre utile pour préserver la forêt de l’Île-de-France contre un mitage trop important et contre une artificialisation trop forte. Je me doute que vous adopterez à une très large majorité, voire à l’unanimité, ce texte qui va dans le bon sens.

Cette adoption conforme permettra l’application rapide de ce texte important pour les forêts de l’Île-de-France. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne répéterai pas à cette tribune les brillants propos que vient de tenir M. le ministre quant à l’objectif de ce texte.

Nous avons tous bien compris ce dont il est question : ce texte concerne uniquement l’Île-de-France et porte sur un problème parfaitement connu des élus locaux et des propriétaires forestiers, à savoir la « cabanisation » de parcelles rurales et forestières de notre région.

Nous avons mené un travail commun avec l’Assemblée nationale, notamment, avec notre collègue député Jean-Noël Barrot – signe de notre ouverture politique –, pour faire adopter cette proposition de loi, dans les mêmes termes, par nos deux assemblées, avant la fin de l’expérimentation en cours.

Cette expérimentation aura duré trois ans ; elle avait été mise en place sur l’initiative du Sénat, en février 2017, au sein de la loi relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain. Rappelons que les préemptions qu’elle permet à la seule Safer d’Île-de-France ne portent que sur les petites parcelles. Nous avons examiné attentivement les résultats de cette expérimentation : ils sont tout à fait probants et montrent bien l’efficacité de ce dispositif.

Nous nous étions également interrogés sur la possibilité juridique de légiférer de façon différenciée pour une partie du territoire national, c’est-à-dire de créer un droit différent selon les régions. Je crois pouvoir dire que la législation que nous vous proposons ne comporte pas, de ce point de vue, de risque constitutionnel. En effet, notre droit ne comporte pas d’outil alternatif d’une efficacité préventive comparable.

Par ailleurs, d’autres textes spécifiques à une seule région, en particulier à l’Île-de-France, sont déjà en vigueur. On peut mentionner la décision du 15 décembre 2017 du Conseil constitutionnel, qui validait l’instauration d’une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux dans cette seule région : le juge constitutionnel a pris en considération les difficultés spécifiques qui se manifestent sur ce territoire avec une acuité particulière.

Enfin, on peut justifier la nécessité d’un dispositif spécifique à la forêt francilienne par le fait que celle-ci est trois fois plus morcelée que la moyenne de l’Hexagone. Elle représente moins de 2 % de la superficie de la forêt de métropole, mais bénéficie à 12 millions de Franciliens. Sa préservation est donc essentielle, alors que son morcellement est hors-norme.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous estimons que cette proposition de loi est constitutionnellement solide. Politiquement, elle est attendue sur toutes nos travées. Mes chers collègues, je vous recommande donc de l’adopter à une large majorité ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes LaREM et SOCR.)

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. Rachid Temal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes amenés, à la demande de la commission des affaires économiques, à nous prononcer aujourd’hui sur une proposition de loi portée, à l’Assemblée nationale, par M. Jean-Noël Barrot.

Ce texte vise à pérenniser une expérimentation introduite par la loi relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain du 28 février 2017. Cette loi a été adoptée sous le précédent quinquennat : il est important de le rappeler !

Cette expérimentation permet la préemption par la Safer d’Île-de-France de parcelles forestières de petite taille dès lors que l’objectif visé est bien la protection et la mise en valeur de la forêt.

Cette société d’aménagement assure un service public important ; les collectivités sont heureuses d’avoir à leurs côtés cet opérateur, qui montre au quotidien que des opérations peuvent être menées avec succès sur différents territoires. En tant que Valdoisien, je puis mesurer combien l’intervention de la Safer est utile pour protéger beaucoup de territoires.

Ce texte ne pose pas de problème. Nous voterons en sa faveur, quand bien même je suis plus dubitatif que M. le ministre quant à la procédure législative suivie. Certes, celle-ci permet de travailler en commission, mais elle ne permet pas à tous les sénateurs de travailler sur un texte donné, comme on peut l’observer à présent.

Cela dit, le groupe socialiste et républicain soutiendra ce texte, qui va dans le bon sens et répond à un besoin de nos collectivités. Non seulement il pérennise un dispositif introduit au cours du précédent quinquennat, période pour laquelle j’ai une certaine sympathie, mais il aborde aussi un sujet qui n’est pas anodin pour l’Île-de-France et ses habitants.

Surtout, ce dispositif fonctionne. Il est important, pour notre République et nos institutions, de pouvoir pérenniser ce qui fonctionne. Le présent texte peut en être un exemple.

En effet, le phénomène du mitage forestier, qui consiste en la vente de parcelles de petite taille à des particuliers, souvent à des prix très élevés, est très prégnant en Île-de-France, région où la pression foncière est très importante.

Ce problème est aggravé parce que le morcellement de la forêt francilienne est de trois fois supérieur à la moyenne nationale. Par ailleurs, il faut noter que la forêt francilienne couvre 261 000 hectares, soit un taux de boisement de 21 %, ce qui fait de l’Île-de-France une région assez forestière, contrairement à l’image que l’on peut parfois s’en faire, ce qui justifie l’intérêt de ce dispositif.

L’Île-de-France est la région la plus densément peuplée de notre pays. La préservation de la forêt y est donc indispensable, que ce soit pour la protection de ses paysages, pour la qualité de vie de ses habitants, notamment de manière à assurer la proximité de lieux de détente, et surtout pour le maintien de la biodiversité. Notre démarche est donc positive à la fois pour l’écologie, pour l’agriculture et pour l’alimentation, domaine dans lequel cette région a des capacités conséquentes.

Le Val-d’Oise est une parfaite illustration de ce phénomène. En effet, environ 20 % de sa surface est boisée, mais, de ces forêts, 75 % sont privés et soumis aux contraintes de morcellement que j’ai déjà évoquées.

Des efforts collectifs sont néanmoins accomplis. Ainsi, dans le Val-d’Oise, le syndicat mixte d’aménagement de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt crée une nouvelle forêt de 1 350 hectares : les premières plantations ont été réalisées le 25 novembre dernier.

À terme, sur une période de dix ans, près d’un million d’arbres seront plantés, de manière à parvenir à une forêt mature dans une trentaine d’années. L’ensemble des collectivités de ce territoire participe à ce projet, première forêt humaine plantée depuis quarante ans. J’ai eu le plaisir de travailler sur ce projet, en qualité d’adjoint au maire, puis de conseiller régional.

Telles sont les raisons qui expliquent notre vote. Je le répète, cette proposition de loi est bienvenue, ce dispositif est utile. Il est question d’enjeux concrets pour des millions de Franciliens. C’est pourquoi nous voterons en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – M. Martin Lévrier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Léonhardt, pour explication de vote.

M. Olivier Léonhardt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les problématiques urbaines, très prégnantes en Île-de-France, ne doivent pas occulter les enjeux agricoles et forestiers qui se concentrent aussi dans cette région, en particulier dans la grande couronne parisienne.

Les auteurs de la proposition de loi visant à lutter contre le mitage forestier nous rappellent aujourd’hui cette réalité francilienne, celle d’un espace boisé à hauteur de 21 % – dans mon département, l’Essonne, ce taux s’élève même à 23 %.

Personne n’ignore non plus le rôle fondamental que joue la forêt. Tout à tour puits de carbone indispensable à la lutte contre le réchauffement climatique, ressource économique pourvoyeuse d’emplois, ou encore terrain propice aux activités de loisirs, la forêt mérite pour bien des raisons que nous la protégions.

Malgré la bonne volonté des collectivités locales et l’action de l’Office national des forêts, certaines zones forestières se dégradent pourtant. Lequel d’entre nous n’a-t-il pas déploré des dépôts sauvages en lisière de forêt ? On recense aussi, un peu partout, des surfaces en déshérence bloquées par l’indivision.

Un autre fléau a reçu le nom de « cabanisation » : il s’agit des constructions illégales qui affectent les zones naturelles. Enfin se pose la question du mitage, qui nous intéresse directement aujourd’hui.

On sait bien que cette difficulté qui pèse sur toutes les forêts françaises. Toutefois, Mme le rapporteur a souligné à juste titre que l’Île-de-France, avec ses 12 millions d’habitants, doit faire face à une menace plus aiguë encore. La densité de population y est plus élevée qu’ailleurs, ce qui entraîne une pression foncière très conséquente.

Le mécanisme est bien connu : certains propriétaires profitent de cette pression pour vendre de petites parcelles à des prix très élevés, dans la perspective de leur changement d’affectation.

Ces pratiques destinées à la réalisation d’opérations juteuses sont l’un des obstacles à la bonne gestion de nos forêts. Elles accentuent un morcellement déjà très ancré sur notre territoire du fait de l’existence ancestrale d’une multitude de propriétaires privés.

Bien des outils spécifiques à la région francilienne peuvent être mobilisés pour protéger les espaces naturels, notamment l’agence des espaces verts de la région, ou encore les conventions de surveillance et d’interventions foncières qui réunissent la Safer et les collectivités locales. Toutefois, ces leviers ne suffisent pas à prévenir radicalement le mitage des espaces forestiers.

Aussi, je salue l’initiative de nos collègues députés visant à reconduire le dispositif expérimental adopté dans le cadre de la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain. Il s’agit – cela a été rappelé – de pérenniser le droit de préemption de la Safer de l’Île-de-France pour les espaces boisés d’une superficie inférieure à trois hectares.

Le bilan de l’expérimentation réalisée depuis plus de deux ans par la Safer semble démontrer son efficacité, puisque 198 préemptions sur 510 ont été effectuées au titre de la protection et de la mise en valeur de la forêt. La taille des parcelles concernées, qui s’établit en moyenne autour de 5 000 mètres carrés, répond à l’objectif précis de lutte contre le mitage.

Bien entendu, malgré la qualité des missions exercées par la Safer d’Île-de-France, cet outil préventif ne résoudra pas tout. Lutter contre la spirale du mitage impose une vigilance à bien des égards.

Cette vigilance peut notamment passer par une mise à jour rigoureuse des parcelles forestières en déshérence, par l’application efficiente des sanctions prévues à l’encontre des bâtis illégaux, ou encore par l’appel au respect des règles déontologiques par les acteurs impliqués dans les ventes de petites parcelles forestières.

En attendant, compte tenu de ces résultats encourageants, le groupe du RDSE est favorable à l’adoption de cette proposition de loi, qui a été examinée la semaine dernière par la commission des affaires économiques dans le cadre de la procédure de législation en commission. Mon groupe se joint en effet au consensus qui prévaut sur ce texte.

Mes collègues et moi-même y sommes d’autant plus favorables que l’objectif de lutte contre le mitage et, plus globalement, contre le morcellement contribue à répondre à un autre défi, celui de la sous-exploitation de la forêt française en général.

Ce n’est pas le sujet qui nous occupe aujourd’hui, mais cette préoccupation remplit régulièrement les pages de nombreux rapports. Il est donc difficile de ne pas l’évoquer, ne serait-ce que pour rappeler que, en dépit de nombreux dispositifs publics de soutien, la structuration de la filière bois n’est pas encore optimale, ce qui est bien regrettable.

Cela dit, je tiens à répéter que la forêt est un bien commun que l’urgence écologique nous impose de conserver. L’accord de Paris sur le climat le rappelle, à son article 5, en invitant à l’instauration de mesures contre le déboisement.

En adoptant ce texte, nous apporterons ainsi une petite contribution à l’effort collectif de protection des zones naturelles. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et LaREM. – Mme le rapporteur applaudit également.)