M. Philippe Bas. Merci, cher collègue !

M. Arnaud de Belenet. … et une meilleure information des élus locaux. C’est pourquoi j’approuve les amendements adoptés, tendant notamment à créer une commission départementale des investissements locaux associant les élus locaux : cette structure serait appelée à se prononcer sur la DETR et sur la DSIL.

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Excellent !

M. Arnaud de Belenet. En outre, je suis favorable à l’obligation de consultation des présidents de conseil départemental pour ce qui concerne la dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID).

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Parfait !

M. Arnaud de Belenet. Certes, nous sommes attachés au principe de différenciation. Toutefois, je note les disparités que l’on observe aujourd’hui à ce titre : dans le Morbihan, l’attribution de ces dotations est confiée au préfet de département, alors même qu’en Île-de-France elle est remontée au cran supérieur, c’est-à-dire au préfet de région.

Enfin, au sujet des articles rattachés à la mission, c’est-à-dire les articles 77 et 78 à 78 nonies, M. le rapporteur pour avis alerte le Gouvernement quant au report de la date d’entrée en vigueur de l’automatisation du FCTVA. Il souligne avec raison que cette automatisation permettrait de supprimer des formalités administratives et d’accélérer le versement des fonds aux collectivités locales. S’il est nécessaire d’approfondir l’évaluation financière d’une telle réforme, il serait incompréhensible, alors qu’un consensus a été trouvé avec les collectivités territoriales, de la remettre en question sur le fond.

J’en viens à la répartition de la DGF. Je me réjouis que la commission des lois salue le projet du Gouvernement. Je pense notamment aux évolutions législatives récentes relatives aux communes-communautés.

En vertu du présent texte, les communes nouvelles percevront, au cours des trois années suivant leur création, une dotation forfaitaire au moins égale à la somme des dotations perçues par chacune des anciennes communes. Le Gouvernement a donc respecté son engagement en introduisant de la souplesse et en maintenant l’enveloppe de la DGF dédiée au bloc communal à 27 milliards d’euros.

Pour l’ensemble de ces raisons, les élus du groupe La République En Marche voteront les crédits de cette mission, aux côtés, je l’espère, de la majorité sénatoriale.

Mes chers collègues, puisqu’il me reste un peu de temps, j’évoquerai les DMTO.

J’entends la punchline du « hold-up », qui vient d’être reprise. (M. Jean-François Husson proteste.)

M. Patrick Kanner. Disons un braquage !

M. Arnaud de Belenet. Néanmoins, il n’est pas illégitime que la richesse créée soit, via les DMTO, dédiée au financement d’un projet absolument essentiel, à savoir le métro du Grand Paris.

Je note également l’existence d’un certain nombre de disparités, notamment en grande banlieue – je pense à la Seine-Saint-Denis,…

M. Philippe Dallier. Et nous serons ponctionnés comme les autres, pour 6 millions d’euros !

M. Arnaud de Belenet. … au Val-d’Oise ou encore à la Seine-et-Marne. Cela étant, tous nos acteurs économiques acquittent aujourd’hui la taxe sur le Grand Paris, sans pour autant recevoir ce retour sur investissement que serait le développement de gares. La question a été évoquée, notamment, avec Élisabeth Borne et avec Jacqueline Gourault.

Pour le département que je connais le mieux, à savoir la Seine-et-Marne, cet effort représente 5 millions d’euros par an. Or, l’an dernier à la même époque, ceux-là mêmes qui hurlent au hold-up ont refusé un amendement de péréquation interdépartementale résultant d’un accord conclu entre les départements d’Île-de-France : grâce à ces dispositions, la Seine-et-Marne aurait pourtant obtenu une recette supplémentaire de 20 millions d’euros !

Chers collègues, quand on n’est pas capable d’adopter des dispositifs convenus entre départements pour rééquilibrer l’effort de contribution pour le métro du Grand Paris, mieux vaut user d’un peu plus de pondération…

M. Philippe Dallier. Je ne vois pas le rapport…

M. Arnaud de Belenet. Je vous remercie de votre attention et je compte sur vous pour traiter des problématiques de la grande banlieue ! (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM. – M. Philippe Bonnecarrère applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « quand le sage montre la lune, le sot regarde le bout du doigt » dit un proverbe qui passe pour chinois. (Sourires.)

S’agissant des flux financiers entre l’État et les collectivités territoriales et de leur rôle national en matière financière, économique et d’emploi, il en va un peu de même : l’État agite le bout de son doigt, c’est-à-dire de supposées concessions, pour faire oublier qu’il serre un peu plus la ceinture des dépenses.

Ce qui devrait être le temps fort de la vie parlementaire, c’est-à-dire l’examen et le vote du projet de loi de finances, est devenu un théâtre d’ombres, un grand jeu de bonneteau destiné à masquer l’immobilisme politique de ces quinze dernières années. Avec le mois d’octobre revient le même pensum dont on connaît l’issue.

On a beau répéter que la grille de lecture proposée ne permet pas de comprendre les enjeux, qu’intituler « Relations avec les collectivités territoriales » une mission budgétaire représentant 3,3 % seulement des transferts financiers de l’État ou 7,7 % des concours financiers auxdites collectivités est un non-sens, rien ne change.

Plus que jamais, les choses absurdes doivent être faites dans les règles, sous peine d’apparaître pour ce qu’elles sont : absurdes.

On félicitera donc nos rapporteurs d’avoir éclairé quelques ombres de ce trompe-l’œil. Il en reste cependant quelques-unes qui méritent quelques précisions.

Ainsi, la DETR est d’abord, en raison des règles de priorisation, une source de financement des politiques nationales de l’État, telles que transition écologique, construction de gendarmeries, etc.

M. Philippe Bas. C’est très juste.

M. Pierre-Yves Collombat. Celles-ci sont, certes, toutes utiles, mais ne correspondent pas forcément aux priorités des communes les plus petites et les moins riches.

De même, le « R » de cette même DETR n’est pas toujours visible dans tous les départements, d’où la proposition, bienvenue, de réserver une part de la dotation aux petites opérations.

Ensuite, le mode de calcul du FPIC, censé évaluer la richesse des communes au sein des intercommunalités, est toujours aussi inique, puisqu’il favorise outrageusement les plus grandes d’entre elles en augmentant artificiellement leur population. Drôle de péréquation, effectuée au nom de charges de centralité que le développement des intercommunalités a pourtant mutualisées au même moment !

Il faut également rappeler qu’en 2020 le simple jeu de l’inflation et de la non-revalorisation des bases fiscales équivaudra à une charge supplémentaire de l’ordre de 2 milliards d’euros pour le budget des collectivités territoriales.

Dans la novlangue budgétaire, les transferts financiers vont seulement de l’État vers les collectivités, et jamais dans l’autre sens.

Ainsi sont présentés comme des « transferts financiers de l’État aux collectivités », donc comme des aides : des compensations, fongibles au fil du temps, de transferts de compétences, de charges, de décisions fiscales électoralistes pénalisant les collectivités, comme ce fut le cas avec la taxe professionnelle et comme ce le sera avec la taxe d’habitation, de captations d’impôts locaux particulièrement dynamiques, qui constituent, par exemple, l’origine de ce qui allait devenir la DGF, ou encore le remboursement d’une fraction de taxes payées par les collectivités, à l’origine du FCTVA, ainsi que la contrepartie, âprement discutée, de services rendus, le dernier en date étant les titres sécurisés, et bien d’autres décisions du même acabit.

Parmi les curiosités les plus intéressantes, relevons le fait que les indemnités d’élus – dont les fonctions sont gratuites – payées par les collectivités, viennent, par le biais de l’impôt sur le revenu, abonder les recettes de l’État, ou encore que les dépenses de sécurité civile, une compétence de l’État exercée par les ministères de l’intérieur et de la santé, soient très largement à la charge des collectivités, au travers des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) !

Quand on fait l’addition, on constate que les transferts financiers de l’État aux collectivités, si l’on entend par là des aides qui ne sont pas des compensations, sont plus proches de 35 milliards d’euros que des 115 milliards d’euros annoncés, lesquels ne tiennent évidemment pas compte des curiosités que je viens d’évoquer.

Si j’ai tort, je ne demande qu’à être démenti par une étude exhaustive des flux financiers réels montants comme descendants entre l’État et les collectivités, étude qui, à ma connaissance, n’existe toujours pas.

La politique budgétaire est une affaire trop importante pour être abandonnée aux comptables. Ce jeu de « comptables menteurs » – car c’est exactement de cela qu’il s’agit ; je devrais même faire breveter la formule ! – ne fait pas une politique budgétaire, laquelle devrait d’abord se préoccuper de relancer notre économie toujours stagnante afin de stimuler les recettes, plutôt que de ne se préoccuper que des dépenses.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRCE ne votera pas ces crédits ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » s’élèvent à 3,81 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 3,45 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2020.

Par rapport à l’année dernière, ils connaissent une baisse nette de 2,1 % en autorisations d’engagement tandis qu’ils augmentent légèrement, de 0,4 %, en crédits de paiement.

Cette année encore, ils semblent témoigner d’une certaine défiance vis-à-vis des élus locaux, alors même qu’il faudrait, à l’évidence, essayer de rétablir la confiance !

Les dépenses des collectivités territoriales ont connu, depuis 2014, une très forte contrainte de la part de l’État. La baisse de 10 milliards d’euros, entre 2014 et 2017, des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales répondait ainsi à la volonté de voir ces dernières diminuer leurs dépenses d’autant. Ce faisant, on a sans doute oublié la part essentielle qu’elles prennent dans l’investissement.

Vous n’en êtes pas comptable, madame la ministre, car cela s’est produit durant le mandat précédent. Toutefois, cette contrainte a atteint son paroxysme au cours de l’actuel quinquennat – avec les contrats de maîtrise des dépenses réelles de fonctionnement, instaurés par la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, laquelle prévoit un dispositif de contractualisation destiné à maîtriser les dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales.

Or celles-ci sont les seules à respecter les contraintes budgétaires ! Dès lors, il convient de se garder de les étouffer. Leur dette ne représente que 10 % des 2 300 milliards d’euros de dette nationale et nous savons qu’elle sera remboursée. Les dernières évaluations en la matière ont d’ailleurs montré la sagesse des élus locaux. On entretient à tort l’idée que les maires seraient de mauvais gestionnaires, on les prive de leur autonomie et ils ont parfois le sentiment d’être infantilisés.

Pour ma part, je fais confiance aux élus locaux qui ont tracé des trajectoires vertueuses en réduisant leurs dépenses de fonctionnement pour se ménager des possibilités d’investissement.

La réforme de la fiscalité locale prévue dans le cadre de la première partie du projet de loi de finances, à l’article 5, va engendrer un nouveau bouleversement auquel les collectivités territoriales devront faire face et s’adapter.

Je fais référence à différentes mesures : la suppression de la taxe d’habitation en 2023, le transfert de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) aux communes, l’adaptation des règles de lien et de plafonnement des taux des impositions directes locales ou encore l’instauration d’un mécanisme de coefficient correcteur destiné à neutraliser les écarts de compensation liés au transfert de la TFPB départementale aux communes.

Les élus locaux sont ainsi confrontés à plusieurs incertitudes.

En premier lieu, leurs inquiétudes concernent la perte, par les départements, d’une ressource sur laquelle ils bénéficiaient d’un pouvoir de taux. Madame la ministre, vous m’avez en partie répondu le 13 novembre dernier à l’occasion d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement : la TVA constitue, bien sûr, une recette dynamique, mais elle pourrait cesser de l’être en cas de récession. Il faudrait, dès lors, « cranter » les ressources obtenues par les collectivités durant l’année n-1.

En second lieu, leurs préoccupations portent sur la réalité de la compensation « à l’euro près », promise par le Gouvernement, sur laquelle il est permis d’émettre des doutes eu égard aux expériences passées.

C’est dans ce contexte que nous sommes aujourd’hui amenés à examiner cette mission budgétaire.

Aussi, je veux ici rendre un hommage appuyé à tous les maires des petites communes rurales, ces élus exemplaires qui ne comptent pas leur temps pour rendre service à leurs administrés, qui s’engagent au quotidien pour dynamiser leur territoire, pour créer du lien, avec bien souvent peu de moyens. Je veux saluer leur engagement au service de l’intérêt général.

Comme il me reste un peu de temps, je vais aborder un sujet un peu technique : la capacité, pour les collectivités locales, à participer à des sociétés commerciales. Il s’agit d’une faculté très importante, notamment dans le cadre des énergies renouvelables. Nous allons défendre un amendement à ce sujet durant la discussion des articles non rattachés.

Aujourd’hui, les collectivités locales ont la possibilité d’entrer au capital de sociétés commerciales portant des projets d’énergies renouvelables. Cela me semble relever d’un bon investissement patrimonial.

Or il semble qu’un hiatus se soit fait jour entre la loi relative à l’énergie et au climat et le code général des collectivités territoriales. Ainsi, si une collectivité peut entrer au capital, elle ne peut consentir une avance en compte courant d’associés que pour une durée de deux ans.

Le ministre Sébastien Lecornu a déjà été saisi de ce problème : nous souhaitons qu’elle puisse participer à un compte courant d’associés pour une durée bien supérieure. Le problème est très technique, mais il est important, par exemple pour l’acceptation par la population des éoliennes.

Ce projet de loi de finances répond partiellement aux attentes de nos collectivités territoriales, mais nous comptons beaucoup sur les amendements qui seront examinés et qui, nous l’espérons, tendront à renouer la confiance avec nos élus locaux.

Madame la ministre, nous formons le vœu que votre passé d’élue locale nous aide à trouver le chemin d’une collaboration fructueuse au bénéfice de nos administrés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Françoise Gatel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons connu, entre 2014 et 2017, un moment sans précédent de baisse sévère des dotations, de transfert de charges et de réformes territoriales hasardeuses, dont les collectivités sont sorties estourbies.

Un effort drastique a été exigé d’elles, alors que l’État n’était pas aussi exemplaire qu’il nous demandait de l’être.

Aussi devons-nous relever, en rupture avec le quinquennat précédent, que le budget présenté, comme ceux de 2018 et de 2019, reste stable.

La mission « Relation avec les collectivités territoriales », qui ne représente en réalité que 3 % des transferts financiers concernant les collectivités territoriales, offre des éléments de satisfaction. J’en citerai deux : l’automatisation du FCTVA et le pacte de stabilité des communes nouvelles. Je me réjouis de la prorogation au-delà de 2021 du bonus financier de 5 % sur la dotation forfaitaire, qui répond à l’exigence légitime des élus locaux de stabilité et de lisibilité des dotations.

La création de communes-communautés avait, au moment de la discussion de la proposition de loi, soulevé un certain nombre de craintes sur l’avenir des dotations. Aussi, je salue la prise en compte de cette évolution législative permettant de maintenir une dotation forfaitaire qui « ne pourrait être inférieure à la somme des dotations perçues par chaque ancienne commune » l’année précédant la fusion.

Toutefois, j’ai appris en Bretagne que les paysages étaient toujours nuancés ; je sais qu’il en est parfois ainsi des budgets. S’agissant de la DETR, si son enveloppe est maintenue, elle intègre beaucoup d’actions supplémentaires, ce qui conduit à une diminution du montant consacré aux projets initiaux. Il fallait le signaler.

Je félicite notre rapporteur pour avis de sa proposition de création d’une commission départementale des investissements locaux, qui apportera plus de transparence et permettra aux élus nationaux d’être davantage partie prenante dans l’attribution de ces crédits.

S’agissant des dotations de compensation, qui semblent gelées pour 2020, leur valeur réelle, sujette aux variations de l’indice des prix et à l’érosion monétaire, va bel et bien baisser, emportant un risque de perte sèche pour les collectivités.

Ce projet de loi de finances est discuté concomitamment à l’examen du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, ce qui me conduit à faire deux remarques.

Concernant, premièrement, les incidences budgétaires de la hausse des indemnités des élus, la préparation de la commission mixte paritaire se heurte à une différence fondamentale de points de vue qu’il convient d’exprimer ici, tant le sujet est grave et a suscité beaucoup d’espérance chez les élus locaux.

À l’occasion du congrès des maires, le Premier ministre a annoncé que la dotation particulière pour les élus locaux serait doublée pour les communes éligibles de moins de 200 habitants et augmentée de 50 % pour les communes éligibles de 200 à 500 habitants. Ne boudons pas notre plaisir, je salue cette annonce, même si elle est loin des propositions initiales contenues dans le texte.

Or, lors de la discussion de l’article 26 du projet de loi de finances, nous avons découvert que, cette dotation augmentant de 28 millions d’euros, cette somme proviendrait d’un transfert de dotations en provenance des départements et des régions. Cela nous laisse perplexes : nous remercions les départements et les régions, lesquels, à l’insu de leur plein gré, seront ainsi amenés à contribuer à la reconnaissance de l’engagement des élus locaux !

Deuxièmement, je soutiens bien évidemment l’amendement du rapporteur visant à garantir la neutralisation financière des restitutions de compétences par les EPCI à leurs communes membres, une disposition que nous avions défendue, avec mon collègue corapporteur Mathieu Darnaud, lors de l’examen du projet de loi Engagement et proximité, et qui a déjà été présentée durant la discussion du projet de loi de finances de l’an dernier.

Cette proposition est simple. La bonification des dotations faite aux intercommunalités au-delà d’un certain niveau d’intégration revient à dire que, lorsqu’une compétence est exercée par l’intercommunalité, elle vaut indemnisation par l’État. C’est une très bonne idée. En revanche, si cette même compétence devait être exercée par une commune, elle le serait gratuitement, puisque la dotation de l’État disparaîtrait.

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Eh oui !

Mme Françoise Gatel. Un tel raisonnement nous paraît abracadabrantesque, pour utiliser un mot célèbre, et le bon sens exige que nos remarques soient entendues.

En tout état de cause, madame la ministre, c’est avec beaucoup de conviction et de franchise que je vous le dis, en acceptant la neutralisation proposée par notre rapporteur, vous écririez le premier pas du projet de loi « Différenciation », car l’exercice de la liberté de différenciation exige que les moyens afférents soient concédés.

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Françoise Gatel. Cette mission « Relations avec les collectivités territoriales » s’inscrit dans un contexte singulier plus large. Je ne peux pas ne pas évoquer la réforme de la taxe d’habitation, qui représente 36 % des ressources des communes et des EPCI.

Certes, je reconnais bien volontiers que cet impôt est très inéquitable. C’est une vérité. Quid, pourtant, des taxes foncières, qui me semblent l’être tout autant ?

La suppression de la taxe d’habitation et le mécanisme proposé posent question à nos yeux. L’État nous garantit une compensation, mais chat échaudé craint l’eau chaude.

M. Philippe Dallier. C’est l’eau froide. (Sourires.)

M. Jean-François Husson. Pour M. Darmanin, c’est même « chat mouillé » ! (Nouveaux sourires.)

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. En Bretagne, il est inutile de le préciser : l’eau est froide de toute façon.

Mme Françoise Gatel. En effet, nous ne craignons pas l’eau froide, car c’est notre quotidien !

Nous savons que compensation ne vaut ni prospérité ni pérennité. Vous comprendrez, dès lors, la justesse des observations avancées par un certain nombre de nos collègues.

Enfin, madame la ministre, le mécanisme de dotation heurte le principe d’autonomie fiscale et financière des collectivités et leur sens des responsabilités, même si je reconnais qu’il y a là un effet péréquateur pour les départements qui n’existait pas au préalable : c’est un bienfait.

Philosophiquement, j’ai le sentiment que la disparition de la taxe d’habitation viendra atrophier, sinon anéantir, le lien entre l’habitant et sa commune de résidence, donc effacer la notion même de civisme et de contribution citoyenne à la mise en place de services attendus par nos habitants.

Mme Françoise Gatel. J’avoue éprouver quelque gêne à ce sujet.

La vie est faite de nuances. Si nous trouvons vraiment dans ce budget des éléments qui nous satisfont, sur d’autres, notre point de vue est plus nuancé. Le groupe Union Centriste votera, quoi qu’il en soit, les crédits de cette mission, en accompagnant ce soutien d’encouragements à prendre en compte les évolutions que nous avons proposées. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Agnès Canayer applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nicole Duranton. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera essentiellement sur les relations de l’État avec les territoires ruraux.

Les subventions d’investissement aux collectivités territoriales sont reconduites en 2020, à hauteur de 2 milliards d’euros, avec notamment 1 milliard d’euros affectés à la dotation d’équipement aux territoires ruraux (DETR), chère à nos maires.

Par ailleurs, la dotation de solidarité rurale (DSR) augmente en 2020 de 90 millions d’euros, comme en 2019.

Les élus que je rencontre dans l’Eure – un territoire rural – se posent toutefois les questions suivantes.

Tout d’abord, la suppression de la taxe d’habitation sera-t-elle compensée à l’euro près ?

Ensuite, la hausse des dotations de péréquation verticale impliquera-t-elle la diminution d’autres dotations ?

Enfin, cette péréquation, qui bénéficie aux territoires ruraux, sera-t-elle bouleversée dans les années à venir ? Les maires attendent en effet avec appréhension la réforme de la fiscalité locale prévue en 2021.

S’agissant du premier motif d’inquiétude, le projet de loi Engagement et proximité prévoit que la fraction de la taxe d’habitation perçue par le département soit versée en compensation de celle que perdent les communes. Ce système semble judicieux et nous espérons qu’il fonctionnera dès l’an prochain.

Sur le deuxième motif d’inquiétude, je rappelle que la hausse de 190 millions d’euros de la péréquation verticale est financée par les collectivités locales elles-mêmes, au travers d’écrêtements qui entraînent des baisses de dotation forfaitaire pour de nombreuses communes rurales. À cela s’ajoute une minoration des variables d’ajustement à hauteur de 122 millions d’euros.

Pour respecter les plafonds fixés par l’article 16 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, l’État doit en effet compenser toute hausse en diminuant d’autres dotations.

Or l’assiette des variables d’ajustement s’est élargie à de nouvelles dotations ces dernières années : en 2017, d’abord, à la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) des départements et régions, puis aux fonds départementaux de péréquation de cette même taxe, et enfin à la totalité de la dotation compensant les transferts des compensations d’exonération de fiscalité directe locale. En 2018, l’assiette a intégré la DCRTP du bloc communal et, en 2020, elle sera étendue au prélèvement sur recettes (PSR) qui compense les exonérations relatives au versement transport.

Toutefois, certaines mesures techniques ont été prises en sens inverse.

Ainsi, la dotation sera réduite à 75 millions d’euros en 2020, dont 10 millions d’euros en moins pour le bloc communal, ce qui constitue un sujet d’inquiétude pour les élus.

Le relèvement du seuil de neuf à onze salariés pour les entreprises a diminué de moitié la compensation du versement transport. Cela ne va pas encourager le développement du transport collectif, indispensable dans nos territoires ruraux.

Par ailleurs, les élus de nos territoires ruraux s’interrogent sur l’impact que pourrait avoir la réforme de la fiscalité locale sur les montants de péréquation.

La suppression des bases de salaires de la taxe professionnelle (TP) en 2005, la disparition définitive de la TP en 2012 ou encore les fusions opérées par la loi NOTRe en 2018 ont entraîné des modifications fiscales profondes.

La péréquation horizontale, mais aussi verticale, sera impactée en 2020 : le critère du potentiel fiscal par habitant est utilisé dans six mécanismes et constitue l’une des composantes du potentiel financier par habitant utilisé, lui, dans treize autres mécanismes. Il s’avère que c’est dans les territoires ruraux que l’impact de cette évolution pourrait être le plus négatif, car le nombre de propriétaires y est plus important qu’en zone urbaine.

En effet, ces territoires vont voir leur potentiel financier augmenter par rapport à la moyenne nationale, et donc percevoir moins de péréquation.

Madame la ministre, si l’on peut se satisfaire de certaines décisions prises en faveur des collectivités territoriales, il serait souhaitable que des simulations soient portées à la connaissance des parlementaires pour éclairer leur jugement et rassurer les élus de nos territoires.

Madame la ministre, il faut écouter le Sénat ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)